Culture & Economie Enjeux et opportunités pour les entrepreneurs culturels et créatifs en Belgique - TURAS
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Remerciements Nous tenons à remercier les 213 personnes qui n Eric LOWIE, directeur, Green l.f.ant Music Company ont accepté de répondre à l’enquête entre juillet n Aurélio MATTERN, chanteur dans le groupe de et septembre 2011. Par ailleurs, nous remercions musique Lucy Lucy ! chaleureusement les personnes suivantes qui ont accepté de répondre à nos questions lors des entretiens n Olivier MAETERLINCK, directeur, Belgian individuels : Entertainment Association (BEA) n Julian ALVAREZ, consultant en serious game n Natacha MALOU, galeriste, Art Temptation n Thibault ANDERLIN, directeur marketing, Forest n Frédéric MESEEUW, conseiller institutionnel, BOZAR National n An MOONS, chercheuse au CultuurLab, IBBT/SMIT n Delphine BEKAERT, galeriste, Hoet-Bekaert n Jean-François NIVART, Fondateur d’intoPIX n Bernard BOON-FALLEUR, président du Réseau des n MePhilippe PETERS/Me Patrice VANDERBEEKEN, arts, Bruxelles avocats spécialisés dans la propriété intellectuelle, n SylvieBOUFFA, CEO Talking French & Flemish, Inc., NautaDutilh New York n Marie POK, coordinatrice Design September et n Julie BRUNEL et Jean-Louis DE RIDDER, président rédactrice en chef à La Libre essentielle Focus de l’Union des Designers belges (UDB) n Marie-Chantal REGOUT, fondatrice, Rue Blanche n Suzana CAMPO-GRANDE, conseillère en innovation, n Karen RENDERS, directrice, Art Brussels Fedustria n David ROULIN, associé, architecte, Art & Build n Virginie CIVRAIS, directrice, fonds ST’ART Invest n Isabelle SCHMITT, directrice des relations n Luc COLLIN (BATEM), dessinateur de la BD Marsupilami institutionnelles ; Dirk VAN SOOM, directeur opérationnel perceptions et répartitions individuelles ; n Julie CONSTANT, Fair Manager, Affordable Art Fair Saldavor FERREIRA, account manager arts plastiques n Pierre COLLIN, administrateur-gérant, cluster TWIST et littérature, SABAM n Benoit SIMON, fondateur, Vivanova n Paul CORTHOUTS, directeur, Overleg Kunstenorganisaties n Dirk SNAUWAERT, directeur, centre d’art WIELS n Georges DANTINE, architecte d’intérieur et fondateur n Denis STEISEL, CEO, Emakina de RAVIK Design n Enya VANDENHENDE, créatrice de mode n Piet DE KONINCK, directeur artistique, Studio 100 n RonyVANDERMEERSCH, directeur, atelier de n Marie-Laure DELABY, coordinatrice, iMAL (center for confection Celesta digital cultures & technologies) n Paul VAN HAVER (Stromae), auteur-compositeur n Philippe DELABY, dessinateur de la BD Murena n Jan VAN LOOY, senior researcher, IBBT n FrançoisDELPIERRE, directeur artistique, et Marc MEURISSE, CEO, Belle Productions n Jan VAN MOL, Fondateur, Addict Lab n Rik DE NOLF, CEO groupe Media Roularta n Geert VAN DER HASSELT et Katya VAN DER HASSELT, manager et chanteuse n Arnaud DE PARTZ, co-fondateur de Banque dessinée n Hannes VAN SEVEREN, artiste contemporain n Luc DESHAYES, créateur de lingerie de luxe n Carmelo VIRONE, directeur, bureau d’études SmartBe n Dominique DE VILLEGAS, directeur de la maison Horta n CarloVUIJLSTEKE, directeur de projet sur les industries créatives, Flanders DC n Déborah DRION et Cédric LEGEIN, CEO, Cook & Book n Olivier WILLOCX, administrateur-délégué, BECI n Delphine DUPONT et Flore VAN RYN, administratrices, Face to Face design Nous remercions aussi les structures de soutien aux industries créatives et culturelles qui nous ont aidé dans n Gregory GOEMAERE, fondateur, AKA music la diffusion de notre enquête en ligne : n Laurent GRUMIAUX, directeur, Fishing Cactus n TWIST, Modo Brussels, WCC-BF, ASBL artistes n Françoise GUERIN et Monika RAHMAN, fondatrices, contemporains, réseau Artistes Belges, Point Contact Cookie Therapy Culture, WBI (musique, image, architecture, théâtre/ danse, mode/design), l’AEB, l’UDB, Mowda, De n Me Michel GYORY, avocat, professeur HEC Liège, Invasie, Pepibru, Mowda, CEBEDEM, BUP, ACC, IAB, membre du collège d’autorisation et de contrôle au FEBELMA, AZIMUT, Cinergie.be, FAB, Creative Club, CSA SmartBe, Codefrisko, Artistproject, Rydesigners, n DanielHANSSENS, comédien, directeur de la SABAM, ... Comédie de Bruxelles n Rodolphe JANSSEN, galeriste, Galerie Rodolphe Ainsi que : Janssen n Alain HEUREUX, Managing Director, The Egg n Alexandra LAMBERT, directrice du Centre du Design et de la Mode, Bruxelles Les auteurs de l’étude KURT SALMON : n Lenny LELEU, créatrice de mode n AnneMAGNUS, Alexandre MOENS n Nicholas LEWIS, éditeur en chef, The WORD et Adeline d’URSEL
Avant-propos La culture, économie ancienne, est entrée depuis 10 ans dans un nouveau paradigme, qui l’oblige à se réinventer rapidement. D’abord, la culture est devenue globale. L’économie de marché marque toujours plus fortement son empreinte sur la culture. Le bien culturel reste un bien différent mais il change de nature : l’œuvre artistique devient aussi com- merciale avec des logiques inspirées du secteur privé (ROI, investissement, positionnement mar- keting…). La nature des biens et services cultu- Table basse magnétique « Belgique », ©Raphaël Charles, rels est double : culturelle et économique. L’art collection privée du Prince Philippe de Belgique. contemporain par exemple, est devenu un art en quête constante de singularité dans un monde n’est pas suffisant. Les conditions-cadre de l’épa- sans frontières, et un objet de spéculation finan- nouissement de l’écosystème créatif doivent être cière dans une économie turbulente. en place. En clair, les politiques publiques qui tou- Ensuite, la révolution numérique : avec 1,6 milliard chent au secteur culturel (culture enseignement, d’abonnés à Internet à travers le monde, un mil- économie, tourisme, commerce international) liard de GSM, et toujours plus de smartphones, sont à coordonner et adapter aux besoins de ces elle affecte la manière dont nous produisons et entrepreneurs. consommons la culture. Internet permet certes L’heure est à l’action. 75 % des entrepreneurs d’acheter en ligne un infini de biens culturels créatifs en Belgique, que nous avons interrogés, (musique, livre…), mais aussi d’interagir et de pensent que l’industrie culturelle et créative est financer les créateurs de leur choix. un secteur d’avenir, mais tout juste 51 % d’entre Enfin, les révolutions arabes, les crises financières, eux pensent que la Belgique est un très bon pays sociales, institutionnelles impactent la culture. pour entreprendre en culture. Jamais en Europe la culture n’a tant été sous En 2009 et 2010, Kurt Salmon avait choisi tension, menacée de coupes budgétaires sévères. d’étudier pour le Forum d’Avignon les liens Jamais la culture n’a tant été au centre des entre culture et attractivité des territoires dans espoirs d’une nouvelle Renaissance de l’Europe. 50 villes des 5 continents. En 2011, nous avions Les industries culturelles et créatives offrent une choisi d’investiguer les modèles de décision liés réponse à la crise, parce qu’elles permettent de à l’investissement dans un projet culturel sur la stimuler la créativité, les savoir-faire, l’innovation base d’entretiens de près de soixante décideurs dans toute l’économie, de créer des emplois, d’ali- publics et privés, de porteurs de projet, d’artistes menter la rénovation urbaine, le « place-making », et de créateurs, mais aussi d’experts, mobilisés et le lien social. autour d’un investissement de nature « cultu- Dans ce contexte complexe, fluctuant, fluide, relle » (infrastructure, événements industries…) et comment pouvons-nous mieux aider les indus- confrontés à un moment ou un autre à cette prise tries culturelles et créatives (ICC) en Belgique ? de décision en Belgique et à travers le monde. Avec le souci de l’accès à la culture au plus grand En complément de ces travaux, la présente étude nombre et le respect de la diversité culturelle ? se propose de mettre en exergue les défis quo- Quelles sont les responsabilités du secteur public, tidiens et les besoins des entrepreneurs belges des associations professionnelles, du secteur des industries culturelles et créatives, au-delà privé, et des publics pour soutenir l’économie de leurs différences sur quatre volets : l’acquisi- mauve ? tion des compétences entrepreneuriales, l’accès En commençant peut être par mieux reconnaître au financement, l’innovation et sa protection, et la nécessaire dimension entrepreneuriale des l’internationalisation. métiers de la création. Entreprendre en culture Bonne lecture. est une aventure merveilleuse qui nécessite du talent d’abord, de la chance ensuite. Mais cela Kurt Salmon Crédits photos : © Fotolia. 3
Sommaire L’économie mauve : vers une reconnaissance des industries culturelles et créatives La culture est au cœur du développement durable. Elle est source de cohésion sociale et territoriale. Plus encore, elle contribue au développement économique, à l’innovation 6 et à l’emploi. Les industries culturelles et créatives alimentent et régénèrent des industries traditionnelles et de pointe, dans la création de contenus, de produits et de services à forte intensité de connaissances. 7 Que sont les industries culturelles et créatives ? 8 La culture, arme anticrise ? 9 Objectifs de l’étude 9 Méthodologie et partis pris de l’étude Les industries culturelles et créatives belges : les entrepreneurs témoignent Quelles sont les forces et les faiblesses des industries créatives et culturelles belges? Si l’avenir est à l’optimisme, les défis rencontrés par les entrepreneurs sont nombreux et partagés quelque soit le secteur. 12 Constats généraux 14 Made in Belgium : la Belgique, un vivier de talents et de créativité 16 Formation à l’entrepreneuriat culturel 12 19 L’accès au financement 22 Innovation 27 Les industries créatives et culturelles à l’international 4
Nouveau monde, nouvelles idées Les pistes de réflexion de Kurt Salmon pour ouvrir le débat. 30 Mieux connaître l’économie créative et 30 culturelle et évaluer en continu les actions de soutien 31 assembler les forces vives des industries R créatives et culturelles 33 Annexes Trois focus sur les industries créatives et culturelles belges : 34 Le marché de l’art : un marché qui traverse la crise 36 L’industrie du gaming en Belgique : un secteur créatif émergent aux opportunités à objectiver 38 L’industrie de la mode en Belgique : un atout fragilisé 5
Culture & Economie Enjeux et opportunités pour les entrepreneurs culturels et créatifs en Belgique L’économie mauve : vers une reconnaissance des industries culturelles et créatives La culture n’est pas une bulle à part. Jusqu’il y a 10 ans, le secteur artistique et culturel était The concept of creative entrepreneurship perçu comme une partie de la politique sociale, goes far beyond a CEO running to the opera, secondaire en termes d’économie et de marché visiting a coincidental art exhibition, or pain- de l’emploi. La culture relevait de l’exception, ting a sunset over the weekend. Not that incompatible à l’analyse des critères économiques that won’t help, since running a business standards. requires eye openers all the time. Creativity is not about art. It’s about human- Désormais, on parle d’économisation de la kind finding solutions that weren’t there at culture et d’esthétisation des biens de l’économie first sight. Hence, creativity can be found in traditionnelle. Cette perméabilité, poussée par le all human activities. We just have to identify développement rapide de la numérisation et la what created the mental spark that made it forte progression de la demande des ménages et the right idea for that specific target. des sociétés en produits et services culturels, a In times of economical turmoil, standing still fait émerger les industries culturelles et créatives is just not an option. It’s in those circums- (ICC). tances the industry needs to think out of the box, and look for unexpected answers. That is why a direct link between culture and commerce is so much needed. Since we should learn from each other, creative thin- king can lead to art. But it can also lead to innovation. One can’t change the world while being an artist sitting on a cloud. Together with entre- preneurs, new ideas can turn into vision, and once implemented, to sustainable change. That is how we move forward. Jan Van Mol, CEO Addict Lab 6
l Que sont les industries culturelles et créatives ? La culture est une matière vivante en constante réinvention. Sans renier l’importance des dis- ciplines classiques (peinture, musique, littéra- ture, théâtre…), tous les experts notent que de nouvelles disciplines se voient régulièrement intégrées au champ des ICC. Une définition des ICC peut être trouvée dans une étude réa- lisée en 2006 pour le compte de la Commission européenne : n Les industries culturelles : pour ces industries, la culture constitue le produit final qui peut être consommé sur place (ex. : un concert, une exposition d’art) ou destiné à la reproduction/ consommation de masse (ex. : un livre, un film). Dans notre étude, les segments « culturels » retenus sont les suivants : presse écrite (livre & presse), les arts du spectacle, les arts visuels & artisanat d’art, l’audiovisuel, la musique, et le patrimoine. n Les industries créatives : pour ces industries, la culture (les traditions, les symboles, les textes, etc. d’un groupe socioéconomique) ali- 2000. La consécration est venue en 2009, mente le processus de production d’un produit lorsque l’UNESCO a inscrit cette activité dans « créatif ». Dans notre étude, nous retiendrons le périmètre de ses Statistiques culturelles. le design, l’architecture, la mode, la publicité, les nouveaux médias, et les jeux vidéo. n u ne révolution technologique : les nou- velles possibilités technologiques (animation Les produits dits de l’économie mauve se dif- 3D, réalité augmentée, motion capture, slow férentient par leur valeur symbolique, esthé- motion, NFC…) ouvrent des terrains d’expé- tique, et communautaire. Les smartphones ou rimentation aux créatifs, pour répondre à la tablettes incarnent à merveille la rencontre demande en contenus de plus en plus interac- entre une technologie avancée, dont le coût de tifs et personnalisés ou aux nouveaux usages production est désormais relativement faible, liés par exemple à la mobilité (avec les smart- et du design épuré. Ce design créé de la valeur phones, par exemple). ajoutée économique et une expérience – client affirmée comme un accessoire de mode, un n une révolution financière : les modèles écono- style de vie. miques traditionnels des ICC sont bousculés par l’essor du téléchargement légal et illégal L’essor du numérique a déplacé les frontières de qui annonce la disparition possible des sup- la culture en ouvrant la voie à trois révolutions : ports physiques et doivent se réinventer pour n u ne révolution artistique : de nouveaux capter de nouvelles sources de financement. champs de création (jeux vidéo, cinéma 3D, De nombreuses politiques nationales et régio- arts numériques, web design…) sont nés avec nales en faveur de l’économie créative ont vu l’avènement du numérique. Par conséquent, le jour depuis une dizaine d’années à travers de nouveaux emplois se développent croisant le monde. Mais l’évaluation de leurs impacts les savoir-faire artistiques et informatiques. Le qualitatifs et quantitatifs (en termes d’emplois, secteur du jeu vidéo est passé du statut d’in- de créations d’entreprises et de contribution dustrie du divertissement à un statut d’indus- au PIB) reste délicate. La délinéation statis- trie culturelle, à partir de la moitié des années tique des activités économiques et de l’emploi 7
Culture & Economie Enjeux et opportunités pour les entrepreneurs culturels et créatifs en Belgique culturel varie selon les définitions retenues Nonobstant ces difficultés méthodologiques, par les pays, les métropoles ou les organismes les ICC sont auscultées avec de plus en plus supranationaux. L’absence de mise en œuvre d’intérêt en Grande-Bretagne, en Allemagne, en d’un schéma de comparabilité internationale en région Ile-de-France, en Flandre, en Chine, au est la cause. Danemark, en Australie, etc. lL a culture, arme anticrise ? Economiquement, l’empreinte de la culture fondée sur la connaissance et l’innovation. Les s’amplifie en Europe ICC sont identifiées comme un secteur capable de rencontrer cet objectif car elles représentent La culture est au cœur du développement une grande source de créativité et d’innovation, durable. La culture est source de beauté, de dia- dans toutes ses formes. Les ICC alimentent et logue. L’économie créative crée et enrichit, de régénèrent des industries traditionnelles et de manière non quantifiable, le lien social, l’identité pointe, dans la création de contenus, de produits, et l’attractivité des territoires qui les accueillent. et de services à forte intensité de connaissances. Elle est écologique au sens où elle consomme Les ICC ouvrent de nouveaux horizons sur de peu de matières premières. Enfin, elle contribue nouveaux biens et services ou transforment des au développement économique, à l’innovation, produits mâtures plus beaux, plus intelligents, et à l’emploi, de l’artisanat d’art à la culture parfois plus chers. numérique. Le rapport sur les industries créatives 2010 publié Les huit filières du secteur culturel et leurs par la Conférence des Nations Unies sur le com- liens et capilarité avec les autres secteurs merce et le développement évalue la croissance économiques annuelle mondiale dans ce secteur à 14 % entre 2002 et 2008. En 2008, le secteur employait 3,8 % de la population active totale de l’UE soit Bâtiment Urbanisme environ 8,5 millions de personnes, c’est-à-dire Hôtellerie plus que les populations actives réunies de la Génie civil Restauration Grèce et de l’Irlande ! La valeur ajoutée du secteur Patrimoine Architecture prend aussi de l’ampleur : il représente 4,5 % au Automobile Architecture, Archéologie, musées, Croisièrisme paysagisme PIB de l’UE. C’est plus que l’industrie des produits … monuments, restauration chimiques, du caoutchouc et du plastique (2,3 %). Design et services … Spectacle vivant Emballage Transport Entre 2002 et 2008, l’Europe a été le plus gros créatifs Concert, festival, Stylisme, graphisme… danse, cirque… exportateur de produits culturels et créatifs, et la Belgique s’est placée dans le Top 10 des expor- Audiovisuel et médias Arts visuels Cinéma, vidéo, radio, Sculpture, tateurs de produits créatifs et culturels des pays télévision, disques, photographie, Publicité jeux vidéo… Joallerie, développés. En Flandre, près de 70 000 per- Télécom Livres, orphèvrerie, peinture… bibliothèque, haute couture, sonnes sont actives dans les ICC, ce qui repré- archivage… maroquinerie, Communi- ébénisterie… cation sente près de 3 % de son PIB. Edition et livres Métiers d’arts La culture engendre aussi des effets de levier Prêt-à-porter considérables sur les territoires. C’est ce que Education souligne, par exemple, l’analyse économétrique Ameublement menée en 2011 pour le Forum d’Avignon par le cabinet Tera Consultants à partir de la base de données constituée en 2009 et 2010 par Kurt Salmon pour un panel international de 47 villes Pour maximiser ce potentiel, le Livre Vert « Libérer de 21 pays. Cette analyse démontre qu’une le potentiel des industries culturelles et créatives » augmentation de 10 % de dépense culturelle publié par la Commission européenne en avril par habitant de la ville, soit 18,6 €, génère une 2010, précise qu’il est indispensable de renforcer, augmentation de PIB par habitant de 1,7 %, soit à tous les niveaux de pouvoir, l’appui à l’économie 625,4 €. culturelle en tissant les liens entre culture, éco- nomie, monde académique, recherche, tourisme, Institutionnellement, les politiques city-marketing, et secteurs publics. culturelles et économiques doivent Cependant, la réalité du budget européen 2007- se rapprocher pour innover davantage 2013 est là : 0,04 % budget européen est alloué La culture pense l’impensé, le monde de demain. à la culture. A cela s’ajoute 1,6 % des fonds struc- La Stratégie Europe 2020, feuille de route de turels qui sont destinés à des projets culturels. l’UE pour la décennie en cours qui vise à engen- Pour ce qui concerne l’audiovisuel : 750 millions drer une croissance intelligente, durable et inclu- sont prévus pour le programme Media et 15 mil- sive dans l’UE, entend développer une économie lions pour le programme Mundus. 8
L’un des grands objectifs du prochain pro- entendent bien conquérir ce champ aussi en se gramme cadre « L’Europe créative » (2014-2020) professionnalisant et en se diversifiant rapide- de la Commission européenne sera précisé- ment (cinéma, mode, animation, gaming…). ment de convaincre les Etats membres d’adop- Dans ce contexte porteur mais incertain, la ter une augmentation de + 37 % pour la culture culture voit apparaître de nouveaux investisseurs, et l’audiovisuel par rapport à la période 2007- de nouveaux types de projets de territoire, des 2013 (soit 1,6 milliard d’euros du budget de la partenariats public-privé d’une ampleur inédite, Commission) et de renforcer la compétitivité des des politiques culturelles nationales redéfinies secteurs culturels et créatifs. Le but : mieux aider malgré des budgets sous tension… les entreprises de ces secteurs à affronter la concurrence internationale et être plus présentes Concrètement, travailler et investir dans le sur la scène mondiale. Si l’Europe a un avantage domaine culturel et créatif devient une affaire concurrentiel fort dans les ICC par rapport au de professionnels en Europe. Qu’en est-il en Brésil, à la Russie, l’Inde ou la Chine, ces derniers Belgique ? l Objectifs de l’étude La présente étude vise à offrir une meilleure défis se posent à eux : les compétences en compréhension du fonctionnement et des termes de création d’entreprises, l’accès au besoins des entreprises du secteur culturel et financement, l’innovation et sa protection, et créatif en Belgique. L’intention n’est pas de pré- l’internationalisation des activités ; senter un panorama exhaustif des filières ou une n illustrer les enjeux belges par des regards inter- analyse statistique des ICC belges. nationaux et formuler des pistes de réflexions visant à renforcer les industries créatives cultu- Concrètement, l’étude entend : relles dans leur ensemble ; n apporter un nouveau regard sur les défis trans- n étudier de manière plus approfondie les dyna- versaux, récurrents, et communs à tous les miques de trois segments de l’économie cultu- entrepreneurs créatifs et culturels en Belgique, relle belge : le marché de l’art, les jeux vidéo en allant à leur rencontre, sur le terrain. Quatre (serious game), et la mode. l Méthodologie et partis pris de l’étude L’étude s’appuie sur une démarche méthodolo- gique en deux volets : n une analyse quantitative grâce à une enquête en ligne ouverte de juillet à mi-octobre 2011. Au total, 213 entrepreneurs (129 hommes et 84 femmes) issus des 12 segments des indus- tries culturelles et créatives en Belgique y ont répondu. Les deux tiers de ces entreprises ont été créés après l’an 2000 ; n une analyse qualitative menée auprès d’une soixantaine d’entrepreneurs des ICC des 3 régions de Belgique (des artistes, des employés de sociétés de protection de droits d’auteur, des directeurs de musées, des investisseurs privés, des indépendants, des entrepreneurs ICC…) et une revue de la biblio- graphie internationale sur l’économie culturelle. Vous trouverez la liste des entretiens à la page statistique claire des industries culturelles des remerciements et une bibliographie des et créatives dans leur ensemble. Il n’y a pas sources utilisées en fin d’étude. de chiffres officiels concernant le poids de l’économie créative en termes d’entreprises, Précisément, les partis pris de l’étude Kurt d’emplois, de contribution au PIB. Le système Salmon sont les suivants : statistique existant ne prend pas objectivement n L’analyse statistique a été écartée par précau- en compte un périmètre des ICC pertinent, qui tion intellectuelle. A ce jour, la Belgique n’a doit inclure le système de l’intermittence et du pas de définition nationale, ni de nomenclature poly-emploi, et résoudre des incohérences du 9
Culture & Economie Enjeux et opportunités pour les entrepreneurs culturels et créatifs en Belgique • Les partis pris métodologiques Entrepreneurs belges Champ culturel et créatif • Indépendants/artistes • esign D • Nouveaux médias • Micro entreprises • Architecture • Presse écrite • PME • Arts du spectacle • Mode • Publicité et communication • Audiovisuel • Grandes entreprises • Patrimoine • Gaming • Arts visuels et artisanat d’art • Musique Défis communs Approche bottom-up • ntreprenariat E • Enquête en ligne bilingue destinée aux entrepreneurs • Financement • Interviews avec entrepreneurs et experts • Innovation • Etude documentaire et benchmarking • International • Focus sur l’art contemporain, la mode, le gaming droit. La nomenclature NACEBEL de l’ONSS intercommunautaire. Les politiques de soutien est très peu adaptée aux « réalités du terrain » aux ICC spécifiques à chacune des régions des différents segments des ICC. et communautés linguistiques ont été prises en compte pour les variables explicatives, si De plus, quand les données statistiques sur besoin. un secteur existent, elles datent souvent de 2007/2008 (avant la crise), avec un décalage n Le périmètre retenu des industries culturelles temporel parfois différent par code NACEBEL. et créatives (ICC) s’inscrivant dans la lignée Dans la mode, par exemple, si l’on prend en des dernières études internationales (Unesco, compte tous les codes NACEBEL qui se rap- Commission européenne, Grande-Bretagne, portent à la création, la production et la dis- Allemagne, Flanders DC…), nous parlerons tribution de produits de mode au sens large, délibérément des « industries culturelles et on constate que le périmètre de la mode créatives ». Les ICC comprennent les seg- défini par les codes NACEBEL englobent des ments suivants : design, architecture, arts du « segments » non créatifs ou culturels, en l’oc- spectacle, publicité, musique, patrimoine, arts currence la « préparation de fibres textiles et visuels et artisanat d’art, nouveaux médias, filature » ou des succursales assez éloignées presse écrite (livre et presse), mode, audiovi- de la création (H&M, Inno…). L’ONSS retient suel et jeux vidéo. Ces activités reposent sur 46 170 emplois plein temps dans la mode belge des valeurs culturelles et/ou des expressions en 2010, alors que l’association professionnelle artistiques et créatives, et font potentiellement belge Crea Moda n’en retient que 15 000. appel à la propriété intellectuelle. La Belgique illustre donc parfaitement la diffi- Les activités des entreprises des ICC retenues culté que représente l’objectivation du poids dans l’étude ont une valeur marchande et sont socio-économique de la culture. Le fait de positionnées dans la chaîne de valeur du cycle considérer les activités culturelles et créatives culturel : la création, la production, la diffu- comme un secteur économique à part entière, sion ou la préservation de biens et de services a longtemps fait l’objet d’un tabou (« l’art pour incorporant des expressions culturelles, artis- l’art »). La culture et l’économie fonctionnent tiques ou créatives. encore largement en silos, et la coordination A l’heure actuelle, la gastronomie est exclue du des priorités et actions politiques de soutien champ, même si elle comporte une dimension en faveur des ICC entre les régions est quasi créative reconnue à travers le monde et tout inexistante. Rien qu’en Région de Bruxelles- à l’honneur de la Belgique (chocolats « haute Capitale, 42 responsables politiques gèrent couture » de Pierre Marcolini, les biscuits de des lignes budgétaires dédiées à la culture. La Stephen Destrée, ou encore l’art de la fête du culture est une compétence des communautés, traiteur Lauriers…). des régions, des communes, sans compter le n U ne démarche de terrain à la rencontre de Ministre en charge des affaires économiques. Toutes ces instances opèrent sans cellule de l’entrepreneur créatif et culturel : pendant coordination entre la communauté flamande et 4 mois, Kurt Salmon a fait le choix de rencon- française. trer, d’écouter les entrepreneurs eux-mêmes, de comprendre leur quotidien, et de travailler n L’échelle de la Belgique : indépendante, l’étude sur la base de leurs témoignages. En complé- Kurt Salmon prend le parti pris de couvrir les ment, des associations professionnelles, des trois régions belges, nonobstant le contexte experts et acteurs de l’écosystème des ICC ont politique et la concurrence/l’émulation été interviewés. 10
Quelle est votre activité principale ? Arts visuels & Artisanat d’art Audiovisuel Publicité & Communication Architecture Arts du spectacle Nouveaux médias Mode Design Presse écrite (livre & presse) Musique Gaming Patrimoine 0 2,5 5 7,5 10 12,5 15 17,5 20 % L’année fiscale précédente, quel était le chiffre d’affaires de votre entreprise ? < à 50 000 € de 50 000 à 500 000 € de 1 000 001 à € 5 000 000 € de 500 001 à € 1 000 000 € de 5 000 001 à € 50 000 000 > à 50 000 000 € 0 10 20 30 40 50 % Nous reconnaissons que le terme d’entrepre- Où se situe votre siège social ? neur est parfois mal accepté par certains, réti- cents à parler de la dimension économique et 3% commerciale de l’organisation ou gestion de leurs activités créatives. Un entrepreneur est 21 % Bruxelles une « personne qui veut et qui est capable de 42 % Flandre transformer une idée ou une invention en inno- vation réussie » (J. Schumpeter), car ce dernier Wallonie est guidé par son enthousiasme, par sa capacité 34 % International à avoir une vision, en prenant des risques. Plus précisément, un entrepreneur créatif et culturel « créé ou commercialise un produit ou un service culturel ou créatif et qui utilise des principes entrepreneuriaux pour organiser ou gérer son de soutien à la culture (Star’t, Culturinvest…), activité créative d’une manière commerciale ».1 les organismes de redistribution/régulateurs, les associations professionnelles, ou les structures Le panel de l’enquête en ligne couvre les trois étant subventionnées à plus de 50 % (musées, régions, à proportions comparables. Les entre- RTBF/VRT, certains théâtres…). prises retenues, au-delà des différences de statut juridique, ont une activité commerciale déclarée, et intègrent à la fois des entreprises unipersonnelles (statut d’artistes, d’indépen- dant), des micro-entreprises (2-5 employés), des PME ou des grandes entreprises. Le principe a été pris de ne retenir que celles qui ont plus 1- Etude The entrepreneurial dimension of the cultu- de 50 % de capitaux privés. Sont écartés les ral and creative industries, Utrecht School of Arts & entités culturelles publiques ou parapubliques Eurokleis, 2010. 11
Culture & Economie Enjeux et opportunités pour les entrepreneurs culturels et créatifs en Belgique Les industries culturelles et créatives belges : les entrepreneurs témoignent Pour répondre à la question « Comment n l es compétences en termes de création construire des ponts entre économie, culture, d’entreprises, secteur public et l’enseignement pour ins- n l’accès au financement, pirer l’économie culturelle de demain, à côtés des green industries, des biotechnologies… ? », n l’innovation et sa protection, Kurt Salmon a analysé des défis communs aux n et l’internationalisation des activités. entrepreneurs créatifs et culturels. Quatre défis Chacun de ces points est nourri par l’analyse communs se posent aux entrepreneurs des ICC croisée de la littérature spécialisée, de l’actualité en Belgique, au-delà de sensibilités propres à belge et internationale, de l’enquête en ligne Kurt chacune des filières : Salmon, et des entretiens individuels. l Constats généraux Une majorité d’indépendants et de PME Le secteur de la culture reste très atomisé en Belgique : les petites et moyennes entre- prises y sont surreprésentées. Dans le panel des 213 entreprises de notre enquête en ligne, 76 % des entreprises répondantes ont moins de 5 employés et 6 % ont plus de 50 employés. Seule une minorité de grandes entreprises réalise la plus grande part du chiffre d’affaires total du secteur. 12
Ces tendances sont en ligne avec la réalité euro- 1 et 3 salariés) ou des entrepreneurs individuels. péenne : 80 % des entreprises ICC de l’UE sont Les grandes entreprises (plus de 50 salariés), si des PME, des micro-entreprises (surtout entre elles représentent moins de 1 % des entreprises des ICC du panel, génèrent plus de 40 % du Quelle est la taille de votre entreprise ? chiffre d’affaire total des ICC. Enfin, dans notre panel, 50 % des répondants 6% disent ne pas avoir subi l’impact de la crise de Grande 10 % (< à 50 employés) 2008. L’avenir est même à l’optimisme : 75 % des répondants considèrent que l’industrie cultu- 8% Moyenne (13-50 employés) relle et créative est un secteur porteur dans le futur en Belgique. 63 % attendent une hausse de 76 % Petite (6-12 employés) revenus dans les années à venir et 30 % pensent recruter de nouveaux employés. Max 5 employés Certains secteurs souffrent plus de la crise, i.e. de la baisse de consommation de biens créa- tifs : mode, arts du spectacle, presse & édition, labels indépendants de musique… D’autres sec- Part du chiffre d’affaire global du panel teurs profitent mieux de la révolution numérique en fonction du nombre d’employés (médias sociaux, réalité augmentée, smart- phones et tablettes…), comme les entreprises 7% 4% Grande des nouveaux medias (web design, applications (< à 50 employés) design…). Moyenne Si la diffusion de contenus numériques a permis 30 % (13-50 employés) d’éviter le coût de la production de supports 59 % Petite physiques, elle ne compense qu’en partie la des- (6-12 employés) truction d’emploi engendrée par la crise, la dis- Max 5 employés parition des supports physiques (DVD, CD) et les pertes de revenus générées par le piratage (par exemple de la musique). Quel(s) type(s) d’évolution(s) prévoyez-vous dans les années à venir au sein de votre entreprise ? Croissance des revenus Recrutement de nouveaux employés Recherche de financements publics Ouverture à l'international Recherche de financements privés Intégrer un cluster créatif Créer une startup en Belgique Partenariat avec entreprises ICC Partenariat avec entreprises non-ICC Investir dans une autre entreprise ICC Me faire racheter par un concurrent 0 10 20 30 40 50 60 70 % 13Arts visuels & Artisanat d’art Audiovisuel
Culture & Economie Enjeux et opportunités pour les entrepreneurs culturels et créatifs en Belgique De nouvelles professions créatives émergent en commerce, juristes, financiers et comptables lien avec la maîtrise de langages numériques et sont de plus en plus sollicités. Les juristes, par du design pour répondre aux nouveaux besoins exemple, sont de plus en plus sollicités pour matériels et émotionnels des consommateurs. aider les créatifs à résoudre les litiges concer- Les métiers dits de « back office » et de gestion nant la protection des revenus générés par la ne sont pas en reste : les représentants de propriété intellectuelle. lM ade in Belgium : la Belgique, un vivier de talents et de créativité La Belgique est un petit pays au carrefour de l’Europe qui carbure à la diversité et au libéra- lisme culturel. Au XIXe et XXe siècles, Bruxelles a accueilli des penseurs de tous les horizons comme Victor Hugo, Emily Brontë, Karl Marx… Les icônes belges n’ont pas à faire rougir : un patri- moine architectural éclectique et relativement préservé (gothique, classique, art nouveau, art déco…), des peintres de renom international (fla- mands primitifs, le mouvement Cobra, Magritte…), des écrivains (Hugo Claus, Hendrik Conscience, Guido Gezelle…), le berceau de la bande-dessinée européenne (Hergé, Franquin, Van Hamme…), des chanteurs (Brel, Adamo, Axelle Red, Arno…). Quel est le portefeuille culturel belge actuel visible à l’international ? s’exportent, sans qu’ils ne soient néanmoins as- sociés à l’une ou l’autre région, ni même à la Bel- La concurrence intercommunautaire stimulerait gique : dEUS, K’s Choice, Selah Sue, Hooverphonic, l’émulation dans la création, avec deux pôles Axelle Red, Arno ou encore Stromae. Sur le grand forts dans le secteur de la mode : écran, citons les frères Dardenne et Jaco Van Dor- n A nvers, qui est devenue depuis la fin des mael, Bouli Lanners, Cécile de France, Benoît Poel- années 1980, l’une des places fortes de la voorde, Michaël R.Roskam… A la plume : Amélie mode européenne, grâce au 6 d’Anvers (Ann Nothomb, Xavier Deutsch, Dimitri Verhulst, Tom Demeulemeester, Dries Van Noten, Walter Van Lanoye… Enfin, certains artistes contemporains Beirendonck, Dirk Van Saene, Dirk Bikkembergs ont révolutionné l’art – Alechinsky, Francys Alys, et Marina Yee) et à son école l’Académie Chris Martin, Marcel Broodthaers, Wim Delvoye, d’Anvers (le département mode de Hogeschool Luc Tuymans… – sans parler du rayonnement in- Antwerpen), vivier de talents et de marques ternational de la bande dessinée belge. (Martin Margiela, Essentiel…). Parmi toutes ces disciplines, il semble qu’il y ait n Bruxelles, avec son école de La Cambre Mode/s/ une « Belgian touch » distinctive des autres pays. et le quartier Dansaert n’est plus en reste. La ville « This is so Belgium ! ». De nos entretiens, il sem- a vu son nombre de magasins indépendants de blerait que les observateurs étrangers perçoivent créateurs de mode augmenter fortement ces de la création belge, un goût du « surréalisme », dernières années. du hors normes, un « humour décalé » voire Les créateurs bel trash, un sens de l’absurde, une capacité à rire ges débutants et de soi. Aujourd’hui, à tort ou à raison, Bruxelles confirmés s’y re- devient depuis 3-4 ans pour les artistes the trouvent de plus « next place to be » en Europe, en particulier en plus. dans l’art contemporain. La Belgique est Le New York Times parle même d’une « Belge également de- Epoque », et plus précisément d’une « Renaissance venue un centre créative de Bruxelles »2. Précisément, Bruxelles européen de la dispose d’un environnement très attractif pour danse contempo- les créatifs, forte de la qualité de certaines raine grâce aux écoles artistiques (mode, cinéma, architecture, célèbres choré- dessin), la qualité de l’événementiel et le prestige graphies de Anne de certaines institutions culturelles (Europalia, Teresa De Keers- maeker. Quelques 2- Monica Khemsurov, (21 septembre 2011), Belge épo musiciens belges que, New York Times. 14
concours Reine Elisabeth, la Monnaie…), la vie Un autre regard nocturne insolite (soirées High needs Low…). Citons aussi l’extrême cosmopolitisme des expa- triés autour des institutions européennes (l’an- glais est pratiqué quotidiennement par près de 15 % de la population ; 27 % de la population bruxel- loise est d’origine étrangère dont plus de 60 % sont de l’UE), les désertes Eurostar et Thalys qui permettent de fluidifier les échanges d’idées et d’artistes, les lieux de référence (Recyclart, WIELS, Bozar, Botanique, Ancienne Belgique…), les concept stores & hôtels (Haleluja, MAPP, Hunting and collecting, White hotel, Bloom…), et le prix de l’immobilier y est relativement abor- dable comparé à Londres et Paris. Enfin, la Belgique perd beaucoup de talents qui préfèrent vendre ou entreprendre à l’étranger. Chez les artistes-plasticiens et stylistes de renom, La naissance d’une vitrine Luc Tuymans a sa galerie à New York, Chris « made in Belgium » à Manhattan Martin en Allemagne, Francis Alys est au Mexique, Les entrepreneurs créatifs belges ne man- Laetitia Crahay travaille à Paris pour la Maison quent pas d’ambition comme en témoigne Michel et Chanel, Olivier Theyskens vit et travaille l’aventure de Sylvie Bouffa, fondatrice de à New York… Talking French & Flemish Inc. Initiative. Purement privée, développée sans aides La Belgique recèle de formations artistiques financière publiques, cette structure de excellentes et très reconnues à l’international : La 3 500 m sera une vitrine de la créativité Cambre, Saint-Luc, la Kask et l’Académie Royale belge à Manhattan, New York. d’Anvers, écoles ultra-sélectives et attirant des étudiants des 4 coins du monde mettent l’accent Sylvie est partie du constat que les Améri sur la créativité. Les étudiants fraîchement diplô- cains adoraient le design belge quand ils més rêvent souvent d’une carrière internationale, le voyaient, et étaient prêts à payer une voir d’être repérés en fin d’étude pour travailler à fortune pour l’avoir, mais peu en connais- l’étranger (Paris, Londres, Milan, New York). Deux saient l’origine. raisons sont mentionnées pour expliquer cette Elle a donc décidé d’ouvrir un magasin fuite des talents : exposant tout ce que la Belgique propose de n le manque de grands donneurs d’ordres belges meilleur : les Carrières du Hainaut, les cho- en Belgique, ce qui implique la nécessité de colats Marcolini, les baignoires Aquamass, le s’expatrier pour trouver de l’emploi et/ou pour design XVL, une galerie d’art contemporain, se faire un nom ; les montres Raidillon, un restaurant « bistro- nomique », et bien d’autres encore… n le marché de consommateurs n’atteint pas une taille critique suffisante pour absorber l’offre Si cette première vitrine belge est un succès, de produit et services culturels et créatifs. Sylvie compte bien dupliquer le concept ailleurs sur le « Nouveau Continent » mais L’e-commerce créatif : de nouvelles également en Chine, au Brésil et en Inde. stratégies web L’ouverture de Talking French & Flemish Inc. New York est prévue pour le printemps 2012. Seuls 11 % des sondés vendent leurs produits culturels en ligne (eBay, Amazon…). Cela n’est pas dû au manque de présence par les entre- méthode la plus efficace et fiable de publicité. prises sur le web (84 %), mais bien à la faible D’ailleurs, les entreprises de publicité se sont demande des Belges pour l’achat en ligne ou tournées vers l’activation de marque sur inter- la méconnaissance de certaines plateformes net. C’est une nouvelle niche publicitaire qui a dédiées aux ICC (99design, behance, mondres- permis au secteur de la publicité de se réinventer sing.be…). en temps de crise. Cette nouvelle manière de 67 % des entreprises sondées sont présentes communiquer, associée à une logique de social sur les réseaux sociaux, principalement CRM /brandwatching, permet de communiquer à Facebook, LinkedIn et Twitter. Les effets pro- une cible très précise et d’entretenir une relation duits par cette présence sont, par ordre d’im- d’échange avec les consom’acteurs, qui influen- portance, l’amélioration du networking, du cent en retour le produit/le marché... branding et des ventes. Seuls 3 % des répondants ne sont en aucune Le « bouche à oreille », la prescription par des façon connectés, souvent par défaut de maîtrise tiers ambassadeurs d’une marque, devient la des outils. 15
Culture & Economie Enjeux et opportunités pour les entrepreneurs culturels et créatifs en Belgique l Formation à l’entrepreneuriat culturel Entreprendre et réussir dans la culture, c’est être compétences en administration/finance (38 %) en capacité de réconcilier deux logiques encore sont considérées comme les plus essentielles. fortement ressenties comme antagonistes : d’une part, la dimension de création (l’art pour Or seulement 34 % des répondants résidant en l’art) et d’autre part, la dimension économique Wallonie, 18 % en Flandres et 13 % à Bruxelles (vivre de son art). C’est tout l’enjeu de la for- estiment avoir été bien préparés aux compé- mation initiale et continue adaptée à l’entre- tences managériales, pourtant ressenties comme preneuriat culturel et créatif. L’icône de l’artiste fondamentales. « complet » reste Léonard de Vinci. Peintre et Si l’on distingue les entrepreneurs des ICC qui homme d’esprit universel, à la fois artiste, scien- ont suivi une formation supérieure de type cultu- tifique, ingénieur, inventeur, anatomiste, peintre, relle ou créative (60 % des répondants), des sculpteur, architecte, urbaniste, botaniste, musi- entrepreneurs des ICC qui ont suivi uniquement cien, poète, philosophe et écrivain, il n’en fut pas une formation supérieure de type économie ou moins « commerçant » en attirant l’attention de gestion ou autre (40 %), un constat se pose : mécènes pour vivre de ses arts. l’étudiant dans un cursus créatif « pur » rencon- trera tendanciellement plus de difficultés sur le De l’idée créative à l’entreprise marché du travail sur la dimension économique Si un certain nombre d’écoles supérieures belges de son activité professionnelle. Par exemple, il dédiées aux ICC sont reconnues pour leurs exi- ressort des entretiens que le « créatif pur » aura gences de travail et l’extrême qualité du transfert tendance à sous-estimer la valeur de ses œuvres/ de savoir-faire créatifs, des marges de progrès services, il aura des difficultés à monter son sont possibles. business plan, à réfléchir en termes de stratégies financières, commerciales et marketing. Certains En effet, dans le panel de répondants à notre témoignent avoir été sollicités par des intermé- l’enquête en ligne, seuls 17 % des actifs travaillant diaires peu scrupuleux exploitant une certaine dans les ICC estiment avoir été bien préparés à candeur des jeunes diplômés. l’entreprenariat culturel et créatif. Précisément, hormis les compétences artistiques incontour- Il semblerait donc que les compétences entre- nables, les compétences managériales (73 %), les preneuriales ne soient pas assez bien transmises relations publiques et presse (61 %) ainsi que les dans les formations de type créatif et culturel. Hormis la créativité, quelles sont les compétences les plus importantes pour les entrepreneurs créatifs et culturels ? Managériales (vision business plan, gestion de risques…) Relations publiques & presse Administration/finance Langues Connaissances IT/social media Juridiques (législation sociale, droit d’auteur, contrats…) 0 10 20 30 40 50 60 70 80 % Auxquelles de ces compétences estimez-vous avoir été bien préparé lors de votre formation en Belgique ? Langues Managériales (vision business plan, gestion de risques…) Relations publiques & presse Administration/finance Juridiques (législation sociale, droit d’auteur, contrats…) Connaissances IT/social media 0 10 20 30 40 50 60 70 80 % 16
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