LES JEUX DE LONDRES ET L'HÉRITAGE OLYMPIQUE - Sacha Dallis, Alice Duthuillé, Marie Fricaudet, Adèle Juste, Simon Issard, Estelle Martenot, Julien ...
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LES JEUX DE LONDRES ET L’HÉRITAGE OLYMPIQUE Sacha Dallis, Alice Duthuillé, Marie Fricaudet, Adèle Juste, Simon Issard, Estelle Martenot, Julien Vincelot
Sommaire INTRODUCTION 4 I - Une candidature olympique placée sous le signe de l’héritage et de la réversibilité 9 Une candidature qui tire les leçons des Jeux précédents 9 Le choix de Stratford : un quartier en marge des richesses londoniennes 12 Des Jeux pour faire rayonner l’Est londonien 16 II - Penser et construire un parc olympique réutilisable 18 Un modèle de gouvernance au service de la réversibilité du site 18 Un chantier colossal 22 III - La reconversion du site olympique : une réussite ? 26 Quel futur pour les équipements sportifs ? 27 Faire du parc olympique un véritable « morceau de ville » 34 Les JO et le logement 35 IV - Stratford en 2016 : quel bilan ? 38 Un nouveau cœur urbain : le projet de l’International Quarter 39 Une « régénération » ou un remplacement ? 40 Le nouveau visage de Stratford, un tableau nuancé 42 CONCLUSION 44 REMERCIEMENTS 49 2 3
INTRODUCTION En effet, la candidature lon- donienne a dès l’origine ac- donienne est ainsi l’emblème d’une vision qui place les Jeux cordé une place primordiale au service de la ville, à travers à l’héritage, en s’appuyant la réhabilitation de ses quart- sur les leçons tirées des Jeux iers-hôtes. précédents et sur le projet de régénération de tout un quart- La résilience urbaine de Strat- ier. Les Jeux de Londres et la ford, sa capacité à pérennis- construction du parc olym- er son dynamisme après le pique ont donc été justifiés par méga-événement olympique, leur inscription dans un projet passe par la réversibilité du site global de régénération de l’Est olympique. Cela implique de londonien (l’East End) et plus concevoir et construire un parc précisément du quartier dé- olympique réutilisable, un défi favorisé de Stratford, district majeur au vu du temps limité de la collectivité (borough) de laissé aux organisateurs. Une Newham. Ce noyau de pau- telle réalisation signifie faire vreté n’avait jusqu’alors que des choix architecturaux favori- marginalement bénéficié de la sant la flexibilité des construc- croissance de l’Est londonien. tions, et l’intégration de l’évène- Les cinq anneaux des Jeux devant le vélodrome du site olympique londonien À cet égard, les Olympiades ment dans un projet de long 204 pays, 10 568 athlètes, 302 Londres, poussant le président pouvaient en accélérer le rat- terme. Cela signifierait aussi épreuves, 26 sports pour un du CIO Jacques Rogge à louer trapage socio-économique. prendre en compte tous ceux budget de 11 milliards d’euros les « meilleurs Jeux jamais or- qui auraient leur mot à dire sur : telle est l’ampleur des Jeux ganisés ». L’héritage des Jeux se traduit le devenir de leur territoire : ha- Olympiques de Londres de alors par leur capacité à stimul- bitants, entreprises, visiteurs. 2012, les 30e depuis les pre- Des Jeux au service d’un projet er le développement du terri- miers Jeux d’Athènes de 1896. de régénération urbaine toire de Stratford. La reconver- Ces acteurs s’imbriquent dans Cette manifestation colossale Si on a pu souligner aussi bien sion du parc olympique en un un système de gouvernance sur 17 jours, du 27 juillet au 12 le succès d’audience que le quartier urbain mixte, nouvelle spécifiquement pensé pour août 2012, a eu un retentisse- succès sportif du pays hôte, centralité de l’Est londonien, gérer les différentes tempo- ment mondial. Avec près d’un c’est avant tout « l’héritage » ur- devait entraîner la produc- ralités. Cela s’est traduit par la million et demi de tickets ven- bain des Jeux --la reconversion tion de logements ; et l’apport création d’agences en charge dus, les épreuves ont attiré une du site après l’événement et d’emplois à ce quartier en dif- des différentes étapes du pro- foule sur le parc olympique de son impact sur le long terme-- ficulté étaient au cœur du pari jet : l’Olympic Delivery Authority Stratford, dans la banlieue de qui fut applaudi. olympique. La candidature lon- (ODA) pour l’aménagement et 4 5
Stratford dans le Grand Londres (crédits : Appert M., « Les JO 2012 à Lon- dres : un grand évène- ment alibi du renouvelle- ment urbain à l’est de la capitale », Géoconfluenc- es, 2012) 6 7
la construction des infrastruc- tures avant 2012, la London Les moyens impressionnants mis en œuvre conduisent, qua- I - Une candidature olympique placée sous Organizing Committee for the tre ans après les Jeux, à un bi- le signe de l’héritage et de la réversibilité Olympic and the Paralympic lan nuancé. Si la reconversion Games (LOCOG) pour la partie du site comme le développe- événementielle, et la London ment économique du quartier L’héritage était primordial : (...) les Jeux étaient organisés en Legacy Development Corpora- sont globalement considérés même temps que [leur] héritage. tion (LLDC) pour la reconver- comme une réussite, cela s’est — Kathryn Firth, directrice études et travaux, London Legacy Development Cor- poration (2011-2015) sion des équipements après la fait en partie au détriment des tenue des Jeux. populations et de l’identité du L’objectif de lancer une dynamique positive à long terme sur le quartier qui l’a accueillie. quartier de Stratford a été pensé en contraste avec le bilan néga- 4 ans après les Jeux : qu’en tif de plusieurs Jeux antérieurs. Le projet de candidature london- est-il vraiment ? ien a donc été structuré autour du concept d’un héritage s’appuy- Les notions centrales d’héri- ant sur des infrastructures flexibles et un site réversible. tage, de résilience urbaine, de réversibilité et de flexibilité soulignent l’importance du bi- Une candidature qui tire les leçons des Jeux lan à long terme comme élé- précédents ment structurant. Comment le projet de régénération a-t-il été De nouvelles exigences olym- être sélectionnée par le Comité intégré aux Jeux, et vice-versa piques International Olympique (CIO), ? La reconversion post-Jeux du En 2003, la notion d’« héritage une candidature doit désor- quartier de Stratford a-t-elle été » fait son apparition dans la mais promettre un impact posi- réussie ? Au bénéfice de qui : Charte Olympique, document tif à court et à long terme. les populations locales, de nou- de référence pour l’évalua- veaux arrivants, ou les entre- tion des candidatures. Cet Les Jeux de Sydney (2000) : un prises ? ajout concrétise une réflexion héritage pensé tardivement amorcée dès les années 1990 Les Jeux australiens montrent S’il est encore trop tôt pour : il serait nécessaire, pour justi- que la prise en compte de l’héri- évaluer la réussite du projet fier leur coût croissant, de con- tage était déjà amorcée avant de « l’héritage » des Jeux de cevoir les JO non seulement 2003. La candidature de Syd- Londres, la reconversion de comme un événement spor- ney visait à régénérer le quart- Stratford étant projetée sur des tif à la visibilité ponctuelle, ier d’Homebush Bay, ancienne années, voire des décennies, mais aussi comme moyen de friche industrielle polluée ; une certaines conclusions peuvent re-développement urbain. Pour logique reprise douze ans plus être d’ores et déjà avancées. 8 9
tard pour Stratford. Toutefois, milliards d’euros - alimentent Extrait de la Charte Olympique au 2 août 2015 les jeux de Sydney et de Lon- ce bilan globalement négatif. dres ont mené une réflexion Chaque commission d’évaluation étudiera les candidatures de toutes autour de l’héritage fondamen- L’expérience australienne et les villes candidates (...). [Son] rapport comportera une analyse des talement différente. A Sydney, l’échec des Jeux d’Athènes ont risques et des opportunités de chaque candidature, ainsi que de la la réutilisation des infrastruc- renforcé l’importance accordée durabilité́ du projet et de son héritage. — Source : www.olympic.org. tures s’est faite a posteriori ; à à la planification de la recon- Londres, elle a été pensée dès version des futurs sites olym- l’élaboration de la candidature piques aux yeux du CIO. C’est et intégrée à toutes les étapes dans ce cadre que Londres a de l’aménagement du site. choisi de placer sa candidature sous le signe de la réversibilité Les Jeux d’Athènes (2004) : le et de l’héritage. traumatisme des « éléphants blancs » Les olympiades grecques témoignent par contraste des graves conséquences que peut avoir un manque de considéra- tion pour l’héritage économique et urbain des Jeux. Malgré quelques réalisations notables (réseau de tramway, extension du métro athénien), la majorité Les affiches promotionnelles du quartier défendent « a legacy in the making » : « un des bâtiments construits pour héritage en cours de production » l’occasion n’a en effet pas été utilisée après les événements, à l’instar du centre nautique : ce sont les « éléphants blancs », symboles des objectifs déçus d’une revitalisation urbaine qui n’a que très partiellement vu le jour. Les pertes financières massives - le budget initial, en- tièrement soutenu par l’Etat, a été doublé pour atteindre neuf 10 11
Le choix de Stratford : un quartier en marge des l’Est de Londres participaient La régénération de Stratford au club de sport d’Eton Manor, aurait peut-être ainsi eu lieu richesses londoniennes créé en 1913. même en l’absence des JO, mais avec davantage de diffi- Un quartier resté en marge du décharge de Londres Les JO, accélérateur et ampli- cultés pour mobiliser les ac- Grand Londres… — Kathryn Firth, directrice études et ficateur du projet de régénéra- teurs politiques et privés et Le territoire de Stratford est his- travaux, LLDC (2011-2015) tion de Stratford pour lever des fonds. toriquement l’un des plus dé- La régénération du quartier de munis de la capitale anglaise, … ce qui en fait un choix adapté Stratford s’inscrit dans marqué par des faibles revenus pourles « regeneration games » le vaste projet de redynamis- et un taux de chômage élevé. Le choix du site de Stratford ation initié à l’échelle de l’East Le passé industriel et manu- s’accorde parfaitement avec la End dans les années 1980 et facturier, dans un contexte de nouvelle exigence de régénéra- accéléré depuis 2000, con- modification de la structure tion urbaine mise en avant dans crétisé notamment à travers économique londonienne, expli- la candidature londonienne, qui plusieurs programmes de que ses problèmes chroniques va jusqu’à désigner les Jeux de grande ampleur à l’image de la d’insalubrité et de mauvaise Londres comme les « Regener- régénération de Canary Wharf qualité des logements. A ceci ation Games » (ou « Jeux du re- à partir des années 1980, et, à s’ajoutent de grandes carences nouvellement urbain ») plus grande échelle, la revital- en termes d’infrastructures : la isation des bords de la Tamise zone a été, jusqu’aux années La candidature londonienne et entre Londres et la mer du Nord 80, très dépourvue en lignes de les discours des élus insistent via le projet Thames Gateway. transport. Enfin, le site retenu donc sur les handicaps de Strat- pour le futur parc olympique ford pour légitimer le projet. Ce était en grande partie en état territoire industriel n’était pourt- ZOOM SUR : Eton Manor de friche (friches industrielles, ant pas sans atouts. Une activ- voies ferrées à l’abandon...). ité économique locale existait En 1913, Gerald Wellesley et Arthur Villiers fondent le club sportif avant les Jeux Olympiques, Eton Manor Boys’ club à la frontière entre Stratford et Woodford, s’appuyant sur un réseau d’en- quartiers parmi les plus défavorisés de l’Est londonien. L’objectif viron 200 petites entreprises était de fournir des équipements sportifs et culturels aux jeunes Il y avait de vieilles voitures qui structuraient la commu- hommes des classes populaires, qui pouvaient alors profiter de dans les rivières, des pneus et des nauté locale. Des infrastruc- terrains de football et de rugby, de cricket, de tennis et de squash, ordures et c’était un vrai fouillis tures sportives étaient égale- d’une piste de course et d’un terrain de jeu de quilles. Le club (...) en bref, c’était juste un endroit ment implantées sur place, sportif se développe au cours des années 1950 jusqu’à être ac- qu’on ne voulait ni voir ni concev- certaines depuis presque un quis en 1967 par l’autorité gérant les parcs de la Lee Valley, qui oir, c’était vu comme la grande siècle : de nombreux jeunes de transforme le site en complexe sportif. 12 13
Stratford, un territoire précaire dans le Grand Londres (crédits : Appert M., « Les JO 2012 à Lon- dres : un grand évènement alibi du renouvellement urbain à l’est de la capitale », Géoconfluences, 2012) 14 15
Des Jeux pour faire rayonner l’Est londonien économiques de la présence 2030. Sur le plan architectural, du site olympique, le plan di- les nouvelles constructions et recteur de Newham pour le dis- infrastructures doivent par ail- Assurer la convergence avec le [Stratford] comme la partie la plus trict de Stratford mise sur 46 leurs répondre à un haut degré reste de Londres pauvre de Londres et on voulait 000 nouveaux emplois et 20 d’efficacité énergétique. La transformation initiée par s’assurer que la population lo- 000 nouveaux logements d’ici ce projet de renouvellement ur- cale bénéficiait d’emplois, de pro- bain n’est pas uniquement phy- grammes d’apprentissage et de ZOOM SUR : les indicateurs de convergence sique, mais aussi économique formation, et ce dès le début des et sociale. A long terme, l’ob- Jeux. Ils sont présentés en 2009 ; Stratford se situe au cœur des Growth jectif du projet était la conver- — Kathryn Firth, directrice études et travaux, LLDC Boroughs. gence des six quartiers-hôtes dont Stratford, auto-proclamés Indicateurs Growth Boroughs Londres Growth Boroughs (ou « boroughs Transports, emplois, loge- de croissance »), avec le reste ments : désenclaver et dével- du Grand Londres. L’objectif de opper Stratford Taux d’emploi 64,2 % 70,4 % leur regroupement sous la men- Ce projet de régénération ur- tion Growth Boroughs est un baine accélérée par les Jeux se traduit par des objectifs Taux de criminalité 29 infractions 24 infractions pour meilleur suivi de la réalisation spécifiques en termes de loge- pour 1000 habi- 1000 habitants des objectifs de convergence ment, d’emploi et de trans- tants via la publication d’un rapport annuel. Cette convergence est ports. Ainsi, le développement Taux d’adultes 17,6 % 11,6 % évaluée par des indicateurs de son réseau d’infrastructures non-qualifiés socio-économiques (emploi, de transport public a permis à Stratford de se connecter au Taux de sur-occupa- 18-38%
II - Penser et construire un parc olympique Une coordination dès la phase pré-opérationnelle pour réussir fois financièrement viable (par- ticipation du privé), au service réutilisable l’après-Jeux de la localité (participation du Les agences permettent de ras- conseil municipal de Newham) sembler les différents acteurs et dont la réussite puisse rejail- Oh mon dieu, c’était un projet gigantesque ; à un moment, il y de l’aménagement du parc. An- lir sur la ville de Londres (im- avait 10,000 personnes travaillant sur le site, c’était un énorme sys- imés chacun par des intérêts plication de la Greater London tème de gestion en temps limité très différents, — succès pour Authority). Or, s’il a permis d’as- — Kay Hughes, à la tête de l’unité de conception de l’ODA (2006-2012) les habitants du côté des col- socier préparation des Jeux lectivités locales, profitabilité et projet urbain de long terme, L’ambition de régénération urbaine de Stratford se concrétise par pour les promoteurs immobil- ce mode de gouvernance n’a la conception d’un parc olympique reconvertible en quartier ur- iers, succès marketing pour toutefois pas accordé la même bain mixte, amené a être le coeur d’un processus plus large de la ville de Londres, régénéra- place à chaque acteur dans ce réhabilitation. tion de l’Est Londonien pour la processus. Un modèle de gouvernance novateur permet d’articuler les dif- Thames Gateway Corporation férentes temporalités et les nombreux acteurs du projet, tandis — ils convergent finalement en Une place prépondérante a que le design des équipements et infrastructures est pensé en un même point : réussir l’après- été accordée au secteur privé amont pour favoriser leur réutilisation future. Jeux. tandis que l’Etat et la Greater London Authority ont ponctu- Un modèle de gouvernance au service de la Leur présence autour de la ta- ellement dessaisi les collec- réversibilité du site ble a favorisé les débats autour tivités locales (les boroughs) du devenir de Stratford pen- d’une partie de leurs pouvoirs Une gouvernance structurée struction des infrastructures dant la phase de conception en matière d’urbanisme, nota- autour de trois grandes agenc- du parc en amont de l’évène- et d’aménagement du parc mment pour la délivrance des es ment. La London Organizing olympique, évitant ainsi que le permis de construire. Cette Les pouvoirs publics - gouver- Committee for the Olympic and projet ne reste figé et devienne structure de pouvoirs descen- nement, autorité du Grand Lon- the Paralympic Games a pris en inadapté. dante (top-down) a par ailleurs dres qui coordonne les activi- charge la partie événementielle, limité la participation citoyenne tés au niveau de la capitale, et c’est-à-dire l’organisation de la Un mode d’organisation de- et le contrôle des habitants sur les boroughs qui sont des col- manifestation sportive. Enfin, scendant axé sur le partenari- le projet. lectivités territoriales infra-mu- la London Legacy Development at public-privé, qui exclut une nicipales - ont confié la réalisa- Corporation a garanti la recon- partie des acteurs tion du projet des Jeux à trois version des équipements après Sur le papier, ce mode d’organ- agences principales. L’Olympic la tenue des Jeux et la gestion isation permettait d’éviter les Delivery Authority a été chargée de l’héritage des JO. écueils traditionnels des Jeux de l’aménagement et de la con- en concevant un projet à la 18 19
Etat britannique Donner plusieurs Ministère de la Culture, des Médias et du Autorité du Grand Londres (GLA) vies au parc grâce à une gouvernance Sport via le Government Olympic Executive pluri-acteurs Olympic Board Organisme ad hoc rassemblant des représentants de l’Etat, le maire de Londres, représentants des boroughs, de la British Olympic Association, de la LOCOG, de l’ODA London Development Olympic Delivery Authority (ODA) Aménagement du site Agency (LDA) Planification et supervision de la réalisation des équipements Oriente et Achat et préparation des terrains finance Bureau : GLA, London Thames Gateway Development Corporation, promoteurs immobiliers, syndicat de transport London Thames Gateway Development Corporation Gestion des permis de construire London Organizing Committee for the Olympic Games (LOCOG) Organisation de la Organisation de la manifestation et mise en relation manifestation entre acteurs publics et privés sportive Bureau : Gouvernement, GLA, British Olympic Association London Legacy Development Corporation (LLDC) Organisation de l’héritage après les Jeux, mise en relation Conception et gestion Olympic Park Legacy Company (OPLC) avec les promoteurs immobiliers de l’héritage du site Reconversion du parc olympique Bureau : représentants du secteur public (maire de Londres, Bureau : urbanistes municipaux, hauts fonctionnaires, agences GLA, maires des boroughs hôtes), et secteur privé marketing, financiers, consultants en évènements sportifs (architectes, consultants, industriels) 20 2005 — 2008 2008 — 2012 : construction du site olympique 2012 — … 21
Un chantier colossal Les équipements du Queen Eliz- populations et d’activités lo- abeth Olympic Park cales : 209 entreprises et 5000 Concrètement, un site olym- habitants de Stratford ont été pique de 250 hectares, dénom- expropriées pour utilité pub- mé le Queen Elizabeth Olympic lique, tandis que 996 emplois Park, a été aménagé au Nord- étaient délocalisés hors du bor- Ouest du centre historique, ough, dont 285 hors du Grand de l’ancien centre commer- Londres. cial connu sous le nom de Stratford Center, et de la gare Un tel constat oblige à nuanc- internationale de Stratford. er l’image marquetée d’un suc- Le parc olympique contient cès total, en abordant la recon- huit équipements sportifs de version du site olympique de grande envergure - dont trois manière plus nuancée et en ex- démontables et cinq pérennes aminant ses véritables retom- -, un village olympique et un bées sportives, économiques centre commercial flambant et sociales. neuf : Westfield Center. Enfin, un centre des médias, rebaptisé Here East après l’événement, a été installé au Nord-Ouest du parc. L’impact du chantier olympique sur le quartier de Stratford Ce grand chantier urbain a débuté en 2008 pour se pour- suivre sur quatre années. S’il a été mené au nom du re- nouvellement urbain de Strat- ford, dans l’immédiat ce projet de grande envergure a impliqué un important déplacement de 22 23
Frise chronologique : les différentes vies du site olympique 2017 : le stade accueille les 2013 : mise championnats du en vente et monde d’athlétisme démontage de la Basket Ball 2007 : London Arena 2020 : Thames Gateway : 2014 : ouverture du ouverture du 2011 : campus de UCL projet de régénération Centre Aquatique au ouverture du grand public à Stratford sur toute la vallée de centre la Tamise en aval de commercial de la City 2013 : Westfield le stade olympique est 2015 - 2030 : construction loué par le club de nouveaux logements, de foot local de commerces et bureaux. West Ham Objectif 10 000 logements, 10 000 emplois 2008 2008 - 2012 Construction du site olympique 2012 - 2014 : reconversion des 2019 : équipements, le parc ouverture de reste actif l’International Quarter 2005 : Londres est élue pour les 2015 : le Stade 30e Jeux Olympique accueille Olympiques 27 juillet - 12 août plusieurs matches de 2012 : Jeux la coupe du monde 2018 - 2021 : de rugby Olympiques construction de l’Olympicopolis, pôle 2012 de développement culturel et éducatif du parc 24 25
III - La reconversion du site olympique : Quel futur pour les équipements sportifs ? une réussite ? L’objectif affiché étant que le pouvait accueillir jusqu’à 17 parc olympique et ses équipe- 500 personnes lors des olym- ments puissent être pleinement piades, une capacité d’accueil ré-utilisés, les équipements ont disproportionnée par rapport été pensés adaptables, par ex- à la demande post-Jeux. D’où emple avec des gradins tempo- l’intérêt de penser sa flexibilité raires et des structures mod- dès sa conception en intégrant ulables, voire démontables. la possibilité de réduire sa Aujourd’hui, les cinq équipe- taille, afin d’éviter la situation ments sportifs pérennes sont gênante de gradins déserts ouverts au public et à la com- et de coûts d’entretien élevés. pétition sportive et les trois Aujourd’hui, la bonne fréquen- équipements temporaires ont tation des équipements par les été démontés. L’ancien village londoniens semble confirmer olympique et le centre des mé- leur adaptation réussie, même dias (East Village et Here East) si certains se plaignent de leur sont désormais reconverties en coût élevé. logements et en espaces pour Un parc qui vit encore après les Jeux : un constat généralisable ? les entreprises. (Voir le détails Un soutien aux sports pro- des opérations dans l’encadré fessionnels au détriment des Les équipements olympiques ont été conçus pour assurer leur re- ci-après.) sports populaires ? conversion technique et économique post-Jeux, et éviter l’appari- Si certains équipements spor- tion d’ « éléphants blancs » comme à Athènes. Quatre ans après, Adapter les équipements et le tifs comme le centre aquatique le bilan technique de cette reconversion est positif. parc à la nouvelle demande sont pensés pour le grand pub- À l’échelle du parc, des infra- lic, d’autres ont été réorientés Oui, clairement, [je pense que le parc olympique aura plusieurs structures de grande qualité vers l’optimisation des perfor- vies]. (...) Les premières idées sur la façon dont l’héritage devait être sont ainsi ouvertes au public mances professionnelles. Le conçu sont nées, parce que, sans arrêt, de nouvelles personnes ar- et peuvent également accueil- vélodrome intérieur ou la piste rivaient avec de nouvelles idées et perspectives ; et c’est bien, c’est lir des évènements ponctuels de tir ont par exemple été con- comme ça que les villes sont faites ! : plus que des équipements servés, au détriment des ter- — Kay Hughes, à la tête de l’unité de conception de l’Olympic Delivery Authority purement sportifs, ils devi- rains de basket, un des sports (2006-2012) ennent des lieux de loisirs les plus populaires. Visant à adaptés à leur nouvel usage. soutenir les équipes nationales Par exemple, l’Aquatics Centre les plus compétitives, ce choix 26 27
a pu sembler injuste, voire en d’ailleurs, particulièrement chez contradiction avec une des les jeunes. C’est une promesse promesses initiales de la can- olympique classique ; parce qu’elle didature londonienne aux JO : n’a pas été tenue, il n’est pas éton- augmenter l’accès à la pratique nant qu’on ait rencontré des gens sportive pour le grand public mécontents de la façon dont les britannique. événements se sont déroulés. Les citoyens de l’East End n’ont pas du tout bénéficié des Jeux… Le stade olympique va al- — Stephen Wagg, professeur à l’uni- ler à West Ham United et donc versité de Leeds Beckett uniquement pour les fans de West Ham. Cela ne remplit pas les ter- mes du “contrat” qui devait facili- ter la pratique du sport dans les communautés de l’East End et Une réussite sportive ? 28 29
Ouverture en septembre 2011 Concurrence l’ancien centre Centre Aquatique commercial de Stra9ord De l’architecte Zaha Hadid Reconverti en centre public pour les locaux Centre Réouverture en avril 2014 Vélodrome : reconverti en commercial LeeValley Velo Park Village olympique et Westfield paralympique Transformés en logements Réouverture en août 2013 Waterpolo Arena Basketball Arena Eton Manor Tennis, Stade toujours Olympique utilisé Infrastructures sportives Riverbank Espaces naturels Arena Capacité réduite de 80 000 Infrastructures non à 54 000 places sportives Racheté par le club de West Ham Zones de loisir Arènes démontées (Basketball et de Water-Polo, Riverbank Arena) Complexe média Orbit circus Entièrement démontés et revendus Renommé Here East, il devient un Sculpture géante de Anish Kapoor après les Jeux centre du digital et de l’innovation Installation d’un grand toboggan en 30 cours 31
ZOOM SUR : habituellement quatre à dix fois plus) et par sa faible empreinte Les principales infrastructures olympiques : une architecture au carbone. Sa construction a été exigée transformable pour pouvoir service de l’adaptabilité des bâtiments accueillir des sports et activités variées. Le stade a finalement été racheté par le club de football de West Ham, tout en mainte- Le centre aquatique de l’architecte Zaha Hadid, d’un coût total de nant la piste d’athlétisme qui accueillera les Championnats du 313 millions d’euro, était doté pendant les Jeux de deux « ailes » Monde en 2017. de gradins supplémentaires portant sa capacité d’accueil à 17 500 places. Une telle capacité n’étant pas nécessaire au quoti- dien, la construction permanente n’en fait que 2 500. Avec des planchers et des parois amovibles, la profondeur et la dimension des bassins peuvent être adaptées à différents publics, profes- sionnels comme amateurs. Le centre aquatique est composé d’une ossature légère en acier et d’une peau en aluminium sur un support temporaire, la forme arrondie de la structure permettant à la lumière de pénétrer par les façades vitrées et éviter une sur- consommation d’énergie. La Basketball Arena d’un coût total de 48 millions d’euros, a été pensée de manière totalement démontable et a été mise en ven- te depuis 2013 dans le but d’être rachetée et utilisée ailleurs. Le cabinet d’architecture Wilkinson Eyre Architects a choisi des matériaux légers utilisés pour assurer ces impératifs, ce qui a par ailleurs permis de construire cet équipement en moins de 3 mois. Il a ensuite été réutilisé pour les Jeux du Commonwealth à Glasgow en 2014. Le village olympique, d’un coût total de 675 millions d’euros, ac- Le stade olympique, dont la construction a coûté environ 650 cueille désormais 3 600 logements reconvertis grâce à un sys- millions d’euros, et qui a acceuilli plus de 2 millions de visiteurs tème d’alternance entre murs porteurs et cassables intégrés dès pendant les Jeux, a vu sa capacité d’accueil réduite de 80 000 à l’origine dans chacun des appartements. L’aménagement d’es- 55 000 places grâce à des tribunes rétractables. Conçu par les ar- paces dédiés aux commerces dans chacune des structures a chitectes Populous et Sir Peter Cook, sa durabilité passe par l’util- permis de diversifier les usages des bâtiments, en ligne avec le isation de matériaux recyclables et légers (un peu plus de 10 000 concept de mixité fonctionnelle. tonnes d’acier, quand un stade olympique de cet ordre en exige 32 33
Faire du parc olympique un véritable « morceau Un poumon naturel et es- structures pour que cela créée un thétique pour Stratford magnifique parc au milieu ! (...) Les de ville » Le site de Stratford, très pollué nombreux ponts étaient conçus à la base, a été assaini pour les pour passer d’une zone traversée Outre les équipements, c’est le parc olympique dans son ensem- Jeux. L’urbanisme paysager a par une rivière et complètement ble qui a été pensé en termes de réversibilité en amont pour éviter été pensé pour avoir l’aspect déconnectée, à une zone entière- que celui-ci ne devienne une simple enclave sportive. le plus « naturel » possible : ment connectée. la végétation paraît en effet — Kay Hughes, à la tête de l’unité de Un parc modulable pour s’adapter aux nouveaux moins organisée qu’elle ne l’est conception de l’ODA (2006-2012) Le parc étant traversé par des flux. Plus généralement, les en réalité. Les canaux ont été canaux, de nombreux ponts équipements ont été suffisam- conservés, intégrés et mis en La candidature de Londres très larges avaient été constru- ment espacés pour permettre valeur au sein du parc. L’ensem- avait parmi ses objectifs de its pour faciliter le déplacement un remplissage progressif par ble participe à rendre le site es- transformer le parc olympique des visiteurs lors des Jeux. des fonctions mixtes (com- thétiquement très agréable. en un espace public vert à des- Post-JO, ces ponts se sont merces, logements, bureaux, tination des locaux. 4 ans après avérés moins fréquentés et ont loisirs) et assurer ainsi l’ouver- les Jeux, grâce à une planifi- pu être partiellement démontés ture du parc à d’autres usages. La plupart des fonds ont cation pensée dès le début du été utilisés pour nettoyer le sol, projet, ce but semble bel et bien changer la topographie du site atteint. et construire les nouvelles infra- Les JO et le logement East Village : quand le village olympique devient un nouveau quartier Le parc olympique a donné le jour à 2 818 logements, dont 1 379 à loyer contrôlé (affordable et social) parmi lesquels encore 650 en social housing. Si cette proportion de respectivement 50 et 25% du total est honorable par rapport à l’échelle du projet et au con- texte législatif britannique moins strict qu’en France sur le sujet, cela reste insuffisant au vu de la demande de logements sociaux à Newham. Il revient toutefois au borough, et non à l’autorité en Un espace naturel au coeur de la ville charge des Jeux Olympiques, de répondre à cette demande. 34 35
ZOOM SUR : le logement social à Newham Il existe différents types de logement social au Royaume-Uni : le social housing, au prix préalablement fixé (souvent environ 50% du prix du marché), et l’affordable housing, au loyer indexé à 80% du prix du marché. Newham, borough où se situe le district de Stratford et la majeure partie du site olympique, n’a construit que 7 290 logements à loy- er contrôlé entre 2005 et 2015, et majoritairement en affordable housing. Le loyer moyen de ces logements en 2014 était en outre de 134,5 livres (172 euros) par semaine à Newham contre 121 en moyenne à Londres car la plupart de ces loyers sont affordable : basés sur le prix du marché, lui-même en hausse. Le borough a par ailleurs la plus forte demande en logement social de la capitale, De nouveaux logements, « fabriqués par les Jeux » avec 34,9% de sa population en liste d’attente. Ceci se conjugue au fait qu’il ne remplit pas toujours ses objectifs en la matière : à titre d’exemple, seuls 20% de ses objectifs de construction ont In fine, l’engagement pris lors de la candidature semble globale- été atteints entre 2008 et 2010. ment tenu : la reconversion des infrastructures sportives, du parc et du village olympique ont permis de donner une nouvelle vie au site olympique. Toutefois, la notion d’héritage comprend une di- mension plus large que la reconversion technique des infrastruc- tures : Stratford et ses habitants ont-ils pu bénéficier de l’impact des Jeux, comme l’annonçait la candidature ? 36 37
IV - Stratford en 2016 : quel bilan ? Un nouveau cœur urbain : le projet de l’Interna- tional Quarter Un pôle économique Améliorer l’attractivité du Les équipements construits quartier pour les Jeux de 2012 ont con- Reposant sur les idées de mix- tribué à un boom des activités ité fonctionnelle, le projet de l’In- immobilières sur le site du parc ternational Quarter qui s’achè- olympique et aux alentours, qui vera en 2020 sert de vitrine au se structurent autour du hub de dynamisme économique post- l’International Quarter, dévelop- JO, et contribue à faire des Jeux pé conjointement par la com- de Londres un succès média- pagnie immobilière Lendlease tique en termes de réversibilité. et l’entreprise publique London L’amélioration de la connexion and Continental Railways (LCR). au réseau de transport permet Ce grand projet regroupe l’en- un accès facile pour les popula- semble des opérations im- tions de l’est et du centre de la mobilières et d’aménagement ville. Cette accessibilité accrue visant à développer une partie a été symboliquement accom- du site des Jeux à proximité de pagnée d’un passage des local- Le site olympique s’étend sur le quartier de Stratford la gare. C’est donc une exemple ités concernées de de la réversibilité du site olym- zone 3 en zone 2, qui rapproche A l’échelle du site olympique, le projet de reconversion des Jeux pique qui est réinvesti par les Stratford du centre de Londres de 2012 est techniquement réussi. Toutefois, à l’échelle des bor- promoteurs privés à l’issu de en terme de coût de transport, oughs hôtes, le projet cristallise une fracture urbaine entre une l’évènement pour en faire une et démontre la volonté des in- population plus aisée et plus mobile qui s’étend vers l’Est de centre d’affaire. Ce dernier re- stances publiques d’accom- Londres et une population locale plus précaire, qui bénéficie des coupe la construction de loge- pagner le privé pour faire de équipements mais subit aussi un processus de gentrification ac- ments, le développement de la Stratford un pôle urbain central centué par le projet de reconversion. C’est notamment le cas pour zone d’affaires autour du cen- à l’échelle de l’agglomération. le borough de Newham, sur lequel se situe la majeure partie du tre de Westfield - le plus grand site olympique de Stratford. centre commercial urbain d’Eu- rope - et le développement d’in- frastructures culturelles, d’en- seignement et de transports. 38 39
Une « régénération » ou un remplacement ? La réussite économique : con- Le bilan mitigé du logement so- vergence ou déplacement ? cial Ce déplacement de personnes Les phénomènes d’exclusion se traduit par une convergence des populations habitant le statistique des Growth Boroughs quartier auparavant auraient pu avec le reste de Londres. Sel- être limités par un programme on les indicateurs qui ont pour plus ambitieux de logements so- objectif d’évaluer le rééquili- ciaux pour Newham. Le chiffre brage socio-économique des total de 650 logements sociaux localités de l’Est londonien apportés par la reconversion de par rapport à l’ensemble de l’East Village semble dérisoire à la ville, on observe un rattra- l’échelle des besoins du borough page clair des localités ayant en logements à bas coût (voir accueilli les Jeux, et ce sur 12 encadré en page 12). des 18 indicateurs. Selon cette grille d’analyse, les Jeux Olym- piques sont indéniablement une réussite. Cependant, cette Le centre commercial de Westfield près de la gare de Stratford convergence ne traduit pas nécessairement une améliora- L’arrivée de nouvelles popula- Stratford, caractéristique d’un tion du bien-être des habitants tions processus de gentrification. du quartier ; elle est plutôt sus- Les nouvelles infrastructures, ceptible de témoigner de leur la meilleure connexion en remplacement progressif par On a vraiment été surpris transports au centre de Lon- les nouvelles populations. d’une part par le type de clientèle dres et la construction de qu’il y avait, parce qu’on avait logements plus adaptés à de une clientèle très très aisée, et On peut faire dire ce qu’on jeunes ménages londoniens de deux que tout le monde était veut aux indicateurs si on change qu’aux habitants locaux (loyers super sympa (…) c’est vraiment la population. Les personnes qui relativement élevés, logements une vie de quartier qu’en 14 ans bénéficient vraiment [des Jeux] petits ou étudiants) attirent de à Londres, en ayant vécu dans 4 sont essentiellement les per- nouveaux habitants plus aisés. quartiers différents, je n’ai jamais sonnes qui ont les moyens de Plus qu’à une amélioration du retrouvée vivre dans les nouveaux apparte- niveau de vie des populations — Rebecca, nouvelle arrivante venant Carpenters’ Estate, une zone résidentielle sur place, on assiste à une ar- ments luxueux. d’ouvrir un café-boulangerie chic dans victime de la spéculation immobilière rivée d’habitants plus riches à — Paul Watt, professeur à la Birkbeck l’ancien village olympique post-JO University 40 41
Là où on aurait pu espérer le à Newham tel le groupe Focus ZOOM SUR : le centre commercial de Westfield lancement d’une dynamique E-15. en la matière, force est de con- L’implantation du nouveau centre commercial de Westfield était stater quatre ans plus tard que perçue comme une menace par les commerces locaux, notam- Newham mène depuis Newham est loin de ses objec- ment ceux installés dans le centre commercial originel de Strat- longtemps une politique an- tifs en matière de construction ford à proximité du site. Mais plutôt qu’une relation de concur- ti-logement social. […] Et je pense de logement social. La position rence entre l’ancien centre commercial de Stratford et Westfield, qu’avec les Jeux Olympiques, le ambivalente du maire de Ne- on observe une segmentation emblématique de la fracture ur- [conseil municipal] pensait que wham, qui cherche à position- baine créée au sein de la ville : Alors que les locaux préfèrent la construction de logements et ner son quartier sur la scène l’ancien centre plus abordable, le reste des londoniens qui tran- l’héritage des Jeux, allait, par ma- politique et économique du site par Newham et les nouveaux habitants fréquentent Westfield gie, tout arranger. Grand Londres et à attirer les — Paul Watt, membre de l’association populations du centre ville, est Focus E-15 qui lutte contre l’exclusion régulièrement dénoncé par les férenciation des activités en- tre de Londres qu’une véritable sociale à Stratford activistes du logement social tre les deux populations. Les convergence, il y apporte les nouvelles infrastructures cul- atouts du centre--bâtiments turelles (Victoria Albert Museum, modernes, jeunes profession- Le nouveau visage de Stratford, un tableau nu- aile du Smithsonian Museum), le nels, activités de finance et ancé centre commercial de Westfield services-- au détriment de ce Une fracture visuelle entre le comme le montre la fracture et de nombreux autres com- qui caractérisait le quartier site et les quartiers limitrophes urbaine entre le parc et le Car- merces récemment installés jusqu’alors --maisons de bri- Le processus de gentrification penters’ Estates sur son flanc sont ainsi bien fréquentées par ques rouges, entreprises lo- crée une fracture urbaine très sud. C’est donc la greffe d’un les nouveaux habitants. En re- cales, patrimoine industriel et visible entre les populations nouveau quartier sur l’ancien vanche, les populations moins ferroviaire. Une véritable rup- aisées sur le parc olympique qui s’est opérée plutôt qu’une aisées s’en sentent exclues : ture dans le temps pour les d’une part, et celles des quart- véritable inscription dans l’en- celles-ci ne correspondent pas habitants et l’histoire propre iers qui les entourent. Celle-ci vironnement historique et ar- à leurs attentes et présentent du quartier, qui vient remettre est visuelle, esthétique et re- chitectural préexistant. des tarifs aussi élevés qu’indif- en question les idées de « flétée dans l’urbanisme même. férenciés. régénération » et d’héritage, En effet, le parc olympique n’est Un quartier, deux mondes pourtant placées au coeur de la paradoxalement pas ouvert sur On retrouve cette fracture ur- Une identité « régénérée » ou candidature olympique de Lon- les quartiers qui l’entourent : baine dans la façon dont an- radicalement nouvelle ? dres. les « passerelles » (piétonnes, ciens habitants et populations Le modèle du nouveau quartier routières) sont rares, ce qui nouvellement arrivées se répar- « régénéré » vient supplanter empêche une véritable continu- tissent dans l’espace de la ville. l’identité passée de Stratford. ité entre le site et ses voisins, On assiste en effet à une dif- Plus un élargissement du cen- 42 43
CONCLUSION aisées de l’Est londonien, mal- menés par la soudaine attrac- Quand des endroits devien- nent plus attractifs, les prix vont tivité du quartier et la hausse en augmentant, donc il se pro- des prix qui s’ensuit. duit de toute façon une sorte de gentrification naturelle. [...] C’est Au service de qui ? la même chose à Paris : s’il n’y a L’exemple de Londres invite pas de moyen d’arrêter ce mou- donc à se demander pour qui vement, et qu’aucune règle n’est et pour quel territoire on entre- mise en place à cet effet, alors il prend des projets de régénéra- va juste se perpétuer tion urbaine de telle ampleur. — Kathryn Firth, directrice études et Alors que les concepts d’héri- travaux, LLDC (2011-2015) tage et de régénération urbaine mis en avant suggèrent une Cela amène alors à penser le articulation du futur développe- succès de la réversibilité de ce ment territorial avec son passé territoire et de la flexibilité du et son présent dans le but parc en termes d’échelle et de d’améliorer les conditions de populations visées. La région Quatre ans après, un chantier qui continue ses habitants, le projet urbain londonienne dans son ensem- qui s’est structuré autour de la ble a profité de la réhabilita- Quatre ans après les Jeux de abilité pour les gestionnaires et régénération de Stratford n’a tion du quartier de Stratford, 2012, la réutilisation du parc et les investisseurs et a fourni des que peu considéré les atouts qui a accéléré la régénération des infrastructures olympiques équipements structurants pour initiaux du quartier, faisant ta- de l’East End, créé un nouveau est un tel succès d’un point de Stratford et pour l’East End. ble rase de son passé industriel centre économique, et apporté vue fonctionnel et économique et populaire. L’impact des Jeux des infrastructures sportives que les Jeux de Londres sont Toutefois, ce bilan positif est sur les populations locales de grande qualité. De nombreux devenus synonymes d’une cer- à nuancer. Dans certains do- et l’ancien cœur urbain a été londoniens ont trouvé dans le taine exemplarité en matière de maines, l’héritage des JO n’est mitigé, voire négatif, en raison nouveau Stratford des loge- réversibilité urbaine. Pensée en pas encore à la hauteur des de déplacements de popula- ments plus abordables, bien amont, inscrite dans un projet promesses initiales, notam- tions, de mise en place de nou- reliés au centre de la région urbain global et facilitée par ment en termes d’accessibilité velles fractures urbaines et de et doté d’un environnement une gouvernance ad hoc asso- des équipements pour les pop- modification de l’identité locale urbain attractif. En revanche, ciant l’Etat, le Grand Londres, ulations locales, de construc- par un processus de gentrifica- les populations originaires de les boroughs, mais aussi les ac- tion de logements à loyers con- tion. Stratford n’ont pu autant en tir- teurs privés, la reconversion du trôlés, ou de prise en compte er profit : le développement du site olympique a assuré sa rent- des populations les moins territoire impulsé par les JO a 44 45
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