Les Lois de L'esprit pascaL engeL - Julien Benda ou la raison

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Pascal Engel

Les Lois de l’esprit
         Julien Benda ou la raison

Extrait de LES LOIS DE L'ESPRIT, de Pascal Engel
© Les Éditions d'Ithaque - 2012
Photo de couverture :
         Julien Benda (1867-1956)
      © René Dazy/Rue des Archives

        ISBN 978-2-916120-31-7
      Dépôt légal 1re édition : mai 2012

       © 2012, Les Éditions d’Ithaque
        165, rue d’Alésia, 75014 Paris
          www.ithaque-editions.fr

Extrait de LES LOIS DE L'ESPRIT, de Pascal Engel
© Les Éditions d'Ithaque - 2012
« Je fais mon devoir de clerc en défendant les lois de l’esprit. »
                                           Julien Benda, Appositions

Extrait de LES LOIS DE L'ESPRIT, de Pascal Engel
© Les Éditions d'Ithaque - 2012
Avant-propos

                                                              « Ubi sæva Indignatio
                                                                             Ulterius
                                                                  Cor lacerare nequit,
                                                                          Abi Viator
                                                                Et imitare, si poteris,
                                                                 Strenuum pro virili
                                                           Libertatis Vindicatorem. »
                                                          Épitaphe de Jonathan Swift

Ce livre n’est ni un travail d’histoire littéraire, ni un exercice
d’histoire des idées, ni une tentative pour contribuer à l’histoire de la
philosophie française du XXe siècle, ni un essai philosophique, ni un
pamphlet, mais il est, peut-être à son corps défendant, un peu de tout
cela à la fois, et par là même, rien de tout cela. Je manque du talent
de mon modèle pour prendre le ton d’indignation furieuse qui siérait
pour dénoncer les atteintes à la raison et au bon sens auxquelles nous ont
habitués nombre de productions récentes qui prétendent s’honorer du nom
de philosophie ou plus simplement de la tradition de l’essai, mais qui, à
longueur de pages, bafouent les principes les plus élémentaires de l’esprit
et de la raison. Aussi ai-je choisi une approche un peu hybride et indirecte,
celle d’un portrait intellectuel où se dessine en arrière-plan un paysage qui
est bien souvent le nôtre.
   Ayant fait mes classes pendant une période où l’on ne cessait de fustiger le
logos comme étant au service de toutes les tyrannies, j’ai pendant longtemps
cru que servir les intérêts de la raison injustement bafouée impliquait
d’adopter une version de celle-ci qui n’appartienne pas à la tradition française
et qu’il fallait se tourner vers quelque havre étranger, telle l’Autriche des
années 1900, l’Angleterre des années 1920, ou les États-Unis des années
1960. À l’instar du Voltaire des Lettres anglaises, je me mis à ne jurer que par
l’outre-Manche et l’outre-Atlantique et n’aspirai qu’à imiter l’intelligence
sèche et la logique tranchante des penseurs anglophones. Mais j’avais lu aussi,
depuis longtemps, des philosophes français – comme Cournot, Renouvier,
Couturat ou Nicod – qui me paraissaient tout aussi dignes de respect que

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les anglophones et je m’étais également rendu compte que ces derniers
n’étaient pas toujours exempts des défauts que j’attribuais à mes compatriotes.
Surtout, je découvris qu’il n’était pas nécessaire d’aller chercher ailleurs qu’en
France un authentique représentant de la raison, mais que nous l’avions
quasiment oublié : Julien Benda. Il rencontra, en son temps, malgré les
grandes différences qui le séparent du nôtre, des courants de pensée qui
sont les ancêtres directs de ceux qui ont dominé la fin du XXe siècle – et il
vit avec une lucidité parfaite qu’un grand nombre de ces maux s’incarnaient
dans le bergsonisme, pris non pas seulement comme la doctrine propre à
un philosophe, mais aussi comme une propriété du Zeitgeist. La similitude
des vices qu’il dénonça en son temps avec ceux du nôtre m’a frappé. On
peut dire de lui ce qu’il disait de Voltaire : « Par l’expansion naturelle de
son œuvre, il a produit des adversaires qui ne devaient paraître qu’un siècle
et demi plus tard et auxquels il a répondu. » Benda fut anti-Bergson, anti-
Barrès, anti-Maurras, anti-Gide, anti-Alain, anti-Valéry, anti-Sartre et
anti bien d’autres encore. Rétrospectivement, il est anti-Céline, mais aussi
anti-Blanchot, anti-Bataille. Mais il aurait été également, par mouvement
rétrograde du vrai, anti-Foucault, anti-Deleuze, anti-Derrida, anti-Lévinas,
anti-Barthes, etc.
    Je me suis fixé comme objectif dans ce livre d’essayer de montrer en
quoi Benda a répondu à ces adversaires potentiels. Chacun des chapitres
est construit à la fois comme un exposé des vues de Benda dans les
divers domaines où s’est exercée sa réflexion – la philosophie, les valeurs
intellectuelles, la littérature et la politique – et comme une tentative de
confrontation avec les problèmes contemporains. Dans chacun des cas, il m’a
semblé que la cohérence de sa pensée était manifeste, et que l’attardé était au
contraire un précurseur. Là où nous adoptons (le plus souvent sans l’avouer)
le scepticisme et le relativisme en matière de vérité et de connaissance,
Benda affirme la réalité de la connaissance et l’objectivité du vrai, là où nous
parlons de « standards » et de normes variables en éthique et en esthétique,
il affirme la réalité des valeurs et en particulier des valeurs intellectuelles et
cognitives. Là où nous avons du mal à renoncer à des conceptions purement
formalistes et fictionnalistes de la littérature, il proclame les liens de celle-ci
à la connaissance, et là où nous adoptons des conceptions de plus en plus
étiolées des principes démocratiques, il affirme leur unité et leur force. On
l’a caricaturé en supposant qu’il voulait faire revenir les clercs dans leur tour
d’ivoire, alors qu’il a seulement rappelé qu’il n’y avait pas d’intellectuel sans
responsabilité vis-à-vis des idéaux intellectuels.
    Le style de Benda est celui de la réaction, et c’est ce qui fait à la fois son
charme et sa faiblesse. Il abuse un peu de sa devise Etiam si omnes ego non.
À force de caricaturer ses contemporains et de ressasser, il affaiblit souvent

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ses critiques et, à force de prendre des postures emphatiques au nom de la
raison, il donne l’impression de prêcher et de moraliser, ce qui, en notre
temps de correction politique et médiatique, est considéré comme l’un des
pires péchés. Ce ton de chaire cléricale agace et rebute. Il est vrai que la
raison est comme les moteurs des Rolls-Royce : elle ne devrait pas se faire
entendre, mais juste bien marcher, et il ne devrait jamais être nécessaire
d’ouvrir le capot pour faire sa publicité. Mais quand les choses vont très mal,
n’est-il pas nécessaire de rappeler quels sont ses principes et ses lois ?
   Benda attira durablement la détestation et même la haine avant de sombrer
dans l’oubli. Il eut droit à toutes les épithètes : Juif mondain et universaliste,
misanthrope, faux penseur, valet des communistes, procureur byzantin, clerc
lui-même traître, etc. Il eût détesté toute tentative pour le présenter comme
un personnage sympathique, y compris à la faveur des retournements de
l’histoire qui pourraient un jour le rendre plus aimable. Mais c’est parce qu’il
pensait que la haine ou l’amour étaient eux-mêmes justifiés par des raisons,
qui peuvent être bonnes ou mauvaises. Il considérait les siennes comme
bonnes, et il essaya de donner des arguments. J’ai tenté ici de les restituer.
Je ne cache pas que ce fut avec quelque empathie – ce qu’il eût sans doute
totalement désapprouvé.

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R emerciements

   J’ai eu l’occasion d’aborder certains thèmes de ce livre ailleurs : « Cavaillès,
Benda et le rationalisme français » (inédit, 2004) ; « Vies parallèles, Rou-
gier et Cavaillès », in J.-C. Pont et F. Padovani (dir.), Louis Rougier, vie
et œuvre d’un philosophe engagé, Philosophia Scientiæ 7, cahier spécial, 2007,
p. 19-48 ; « Speaking up for the Clerks », in R. Auxier (dir.), The Philosophy
of Richard Rorty, Library of Living Philosophers XXXII, La Salle, Open
Court, 2010, p. 605-616 ; « Benda contre Bergson », Critique 732 ; « Bergson
en bataille », p. 384-397, 2008 ; « Julien Benda et le culte de l’universel », Le
Philosophoire 31, mars 2009, p. 143-162 ; « La pensée de la satire », in S. Duval
et J.-P. Saïdah (dir.), Mauvais genre, la satire littéraire moderne, Modernités 27,
Presses de l’université de Bordeaux, 2008, p. 35-46 ; « Plaisanterie, satire,
ironie et sens plus profond », Philosophiques 35, 2, 2008, p. 5-15 ; « Julien
Benda’s Thoughtful Europe », in L. Morena et M. Ferraris (dir.), Europa,
The Monist 92, 2, 2009 ; « Rationalité, vérité et démocratie », Agone 44, 2010,
p. 31-56 ; « Michel Foucault, vérité de connaissance et éthique », Cahiers de
l’Herne, Michel Foucault, 2011, p. 308-325 ; « L’avenir du crétinisme » in A.
Reboul (dir.), Philoso­phical Papers Dedicated to Kevin Mulligan, 2011 et « Rin-
novare il Palazzo della Ragione », Rivista di Filosofia, 2012.
   Je remercie pour leur aide et leurs encouragements : Alain Boyer, Jean-
Marie Chevalier, Antoine Compagnon, Maurizio Ferraris, Benoit Gaultier,
Patrizia Lombardo, Mathieu Marion, Arnaud Monfeuillard, Kevin Mulligan,
Régine Pietra, Philippe Roger, Claudine Tiercelin, ainsi que Jean-Jacques
Rosat. Mathieu Mulcey m’a, une nouvelle fois, fait confiance. Je lui exprime
ma gratitude.
                                                                              P. E.

                    Extrait de LES LOIS DE L'ESPRIT, de Pascal Engel
                    © Les Éditions d'Ithaque - 2012
Introduction

                  L’autre            philosophie française

               « Quoique le génie ordinaire des Français paraisse assez médiocre, il est
          certain que ceux qui se distinguent parmi nous sont capables de produire de
          belles choses, mais quand ils savent les faire, nous ne savons pas les estimer. »
                            Saint-Évremond, Observations sur le goût et le discernement des Français

À quoi bon parler de Julien Benda ? Il a disparu depuis bien longtemps de
notre horizon intellectuel. En a-t-il jamais fait partie ? Il fut célèbre en son
temps, et se définissait lui-même – par rapport à ses contemporains comme
Péguy, Barrès, Proust, Valéry, Claudel, Gide ou Bergson – comme le plus
illustre des auteurs obscurs. Il semble ne rester de lui qu’un slogan, celui
du titre de son ouvrage le plus célèbre, La Trahison des clercs, livre plus cité
que lu, dont le succès paraît parfois avoir tenu au fait que tout le monde
s’était senti visé, et qui lui vaut toujours de figurer en bonne place dans les
histoires des intellectuels au XXe siècle. On retient qu’il reprocha aux clercs
de son temps de renoncer à leurs idéaux – sans qu’on ne sache trop lesquels –
pour se livrer à la politique, mais on se souvient aussi qu’il fut lui-même un
intellectuel pétitionnaire et un publiciste infatigable qui finit par devenir
un compagnon de route du parti communiste français après la Seconde
Guerre mondiale, ce qui invitait à lui retourner le compliment du clerc
traître1. De Belphégor à la France byzantine, Benda martela ses oppositions
massives de l’éternel et du temporel, de l’immuable et du dynamique, de

1. Constant Bourquin reprocha à l’auteur de La Trahison des clercs, dont il avait d’abord loué
la similitude de vues avec Maurras et Jules de Gaultier, d’être retourné à son « rationalisme
juif » (Itinéraire de Sirius à Jérusalem, ou la trahison de Julien Benda, Paris, Éditions de la Nouvelle
Revue critique, 1931). Claude Mauriac (La Trahison d’un clerc, Paris, La Table ronde, 1945)
reprocha à Benda d’avoir trahi la vocation de la littérature.

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l’absolu et du relatif, de la raison et de la passion 2. Le rationalisme qu’il
incarne semble si monolithique que les défenseurs de la raison comme
Gilles-Gaston Granger éprouvent le besoin de s’en démarquer : « La raison
n’est pas cette Minerve décrite par Benda 3. » Drieu La Rochelle parlait déjà
de lui comme représentant à la NRF du « rationalisme gaga de la république
des professeurs4 ». Son Discours à la nation européenne (1933) proclame un
universalisme abstrait qui fut souvent considéré comme portant la marque
du prophétisme juif à son corps défendant 5. Sa conception purement
volontariste de l’identité française exprimée dans Esquisse d’une histoire
des Français dans leur volonté d’être une nation (1932) rencontrerait peut-être
l’assentiment des républicains communautaristes d’aujourd’hui mais, pour
la même raison, est vigoureusement rejetée par ceux qui y décèlent la trace
du jacobinisme le plus militant. Il semble tout simplement un homme
d’un autre âge. Mais alors pourquoi continue-t-il, un demi-siècle après sa
mort et un siècle après ses premiers essais, à susciter autant de passion et,
en général, de haine6 ?

2. J.-P. Sartre, Qu’est-ce que la littérature ?, Situations II, Paris, Gallimard, 1948 ; Folio-Gallimard,
1993, p. 161.
3. G.-G. Granger, La Raison, Paris, PUF, 1955, p. 104-105. La critique de Granger n’est pas
très loin de celle formulée par ceux qui demandent au rationalisme d’être « historique », « dy-
namique », « appliqué », celui-là même que Benda ne cesse d’attaquer au nom du fixisme de
la raison.
4. Cité par Alban Cerisier, Une Histoire de la NRF, Paris, Gallimard, 2009, p. 405.
5. Albert Thibaudet, Réflexions sur la politique, éd. A. Compagnon, Paris, Laffont, 2007, p. 388.
6. Pour avoir une idée partielle de la haine qu’il a pu inspirer avant-guerre : « On ne discute
pas avec Benda. Sa cervelle détraquée, frétillante et grouillante comme un bocal de vers de
vase, peut prendre n’importe quelle forme. Tel le ver, qui, coupé en dix tronçons, arrive en-
core à s’échapper, M. Benda, réduit à merci par l’argumentation la plus catégorique, inventera
encore quelque sophisme en tire-bouchon. […] Il faut voir M. Benda. On contemple alors
un des plus prodigieux phénomènes de l’outrecuidance juive, s’étalant, se mirant, se pourlé-
chant avec un parfait cynisme » (Lucien Rebatet, dans Je suis Partout, 1938). Le même le traite
de « petit monstre Benda » et d’« épouvantable comprimé de toutes les névroses et de toutes
les haines d’Israël » (Les Décombres, Paris, Denoël, 1942, p. 217, p. 329). Ou encore Brasillach
dans son style inimitable d’appel au pilori : « La N.R.F. nous fait bien rire avec sa prétendue
impartialité : elle refuse les articles antisémites de M. Jouhandeau, pourtant son collaborateur,
et elle abrite pieusement le plus répugnant personnage de notre temps. […] Tout choque
en lui : sa méchanceté, son goût du sang, sa sensualité visqueuse et impuissante. Ses derniers
articles, où il appelait à la guerre de toutes les forces de son esprit d’aliéné, forment un im-
posant monument de la démence sanglante. On aurait pu croire longtemps qu’il n’était que
le vieux marcheur de la philosophie, mais c’est un vieux marcheur qui aime la souffrance
des autres. Il a déclaré qu’il tuerait avec plaisir quelques-uns de ses ennemis personnels :
Maurras, Bergson. On ne l’a pas poursuivi. Nous serons plus charitables : le jour où le pou-

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    De ses premières polémiques contre Bergson à ses dernières vitupérations
contre le « byzantinisme français », Benda n’a pas cessé de se mettre tout
le monde à dos, le plus souvent en le cherchant bien et en s’en délectant
de manière plus ou moins morose. Il prit le contre-pied de tout en toute
occasion : contre Barrès, contre Bergson, contre Maurras, contre les
marxistes, contre Gide, contre Valéry, contre Sartre et Heidegger, et
même contre son ami Jean Paulhan. Comme le remarquait avec ironie
Thibaudet, Benda semble, dans sa « solitude orgueilleuse », avoir voulu être
« le dernier homme de Dieu, emporter la plénitude de la cléricature comme
il fut accordé à Pompée d’emporter la liberté de Rome » et dire, tel le Père
Ubu : « Je tuerai tout le monde et je m’en irai7. » Bien avant d’atteindre
l’âge correspondant, Benda s’installa dans le rôle du vieux chnoque qui
scrogneugneuse. Son style, très français, est celui de l’indignation, de l’ire

voir, en France, sera remis en des mains assez fortes, nous demanderons pour lui le bénéfice
de la seule loi pitoyable et juste qu’on puisse lui appliquer : le bénéfice de la loi Grammont »
(« Lettres à une provinciale », Je suis partout, septembre 1937). Cf. également A. Compagnon,
Les Antimodernes, op. cit., p. 335-350, et le jugement de Robert Champigny, rendant compte
du livre de R. Niess (cité infra) en 1957 : « Que voulut être Julien Benda ? Un clerc, mais qui
est un clerc ? Le savant, le spécialiste, voilà sans doute l’acception la plus normale du terme.
Mais Benda était trop paresseux pour être cela. Quand il parlait des clercs, il lui arrivait de
penser à certains philosophes. Mais il était trop impuissant pour être cela. Il n’a peut-être
pas voulu, mais il a essayé d’être un esthète de l’intellect. Pour cela, il vaut mieux, comme
M. Teste, ne rien publier. Mais Benda était trop sûr de lui-même pour ne pas vouloir être lu,
ou plus simplement être vu. En se choisissant comédien, il rata la cléricature. Et il rata jusqu’à
son rôle quichottesque. Quand on s’affiche en champion de la logique, de l’intellectualité,
de la raison, de la clarté, il vaut mieux ne pas être arbitraire, irrationnel et ignorant. Au sor-
tir du lycée, Benda devint vieillard et offrit, pendant un demi-siècle, sur la scène des lettres
françaises, déjà riche en grotesques, le spectacle d’un adolescent gâteux.», Modern Language
Notes 72, 5, mai 1957, p. 392-393. Cf. aussi la notice de P. Séran sur Benda, Dictionnaire des
écrivains français sous l’Occupation, Paris, Jacques Grancher, 2002, et Sarrochi, op. cit. infra, ainsi
que Louis-Albert Revah, Julien Benda, un misanthrope juif dans la France de Maurras, Paris, Plon,
1991. Pour un exemple plus récent, cf. Alain Minc, Histoire des intellectuels, Paris, Grasset, 2010,
ouvrage qui soutient que les intellectuels se sont mis à penser faux au XXe siècle (Benda le
premier) et illustre ainsi remarquablement le paradoxe du barbier de Russell : l’ensemble de
tous les intellectuels qui dénoncent le penser faux de tous les intellectuels se dénonce-t-il
lui-même ? La réponse adéquate à l’insignifiant Minc comme anti-Benda me semble avoir
été fournie par Marc Fumaroli : « Un prophète de l’e-intelligence », La Quinzaine littéraire
1023, 1er-15 oct. 2010, p. 31-32.
Parmi les rares portraits favorables de Benda chez ses contemporains, outre ceux d’Étiemble,
se trouvent ceux de Paul Léautaud, op. cit., d’André Thérive (pourtant lui-même inquiété
pour faits de Collaboration), Moralistes de ce temps, Paris, Amiot-Dumont, 1948, p. 51-83, et
E. Berl, Essais, Paris, Bernard de Fallois, 1985, rééd. 2007.
7. A.Thibaudet, « Pour les archives de La Trahison des clercs », NRF 177, juin 1928, in Réflexions
sur la politique, op. cit., p. 340, p. 358.

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 sacrée face aux profanateurs du Temple de la Raison. Il rappelle tantôt
Alceste tantôt Bloy, le mysticisme et l’antijudaïsme en moins et, quelquefois,
quand il s’attaque à Bergson, le commissaire Juve incarné à l’écran par Louis
de Funès : « Je t’aurai, Fantômas, je t’aurai8 ! »
    La carrière intellectuelle et politique de Benda est relativement bien
connue et il n’est pas nécessaire de la rappeler en détail, d’autant qu’il la
raconte dans son autobiographie, sans doute son chef-d’œuvre, La Jeunesse
d’un clerc et Un régulier dans le siècle. Sauf à se livrer à des interprétations
dont il fut familier de son vivant, comme celle qui voit en lui un Juif
refoulant ses origines – curieusement partagée aussi bien par ses adversaires
antisémites que par ses lecteurs préoccupés de judaïsme –, ces livres donnent
une vision assez précise et fidèle de son parcours, même si, comme pour
toute biographie, il y aurait encore beaucoup à faire9.
    Né en 1867 dans une famille de la bourgeoisie juive assimilée et
républicaine originaire de Belgique, il fut le condisciple de Léon Daudet
au lycée Charlemagne, se prit d’amour pour les mathématiques, échoua
à l’École polytechnique, mais réussit le concours de Centrale, avant d’en
démissionner par « horreur du pratique » pour entreprendre une licence
d’histoire à la Sorbonne où il approuva pleinement ce que le maurassien
Henri Massis fustigera sous le nom d’« esprit de la nouvelle Sorbonne10 ».
Il s’enthousiasme pour les « fanatiques du vrai » qu’il rencontre parmi ses
maîtres comme Charles Seignobos et Gustave Lanson, et suit les cours
de Ribot. C’est là que prend forme sa « haine du littérateur à prétention
 scientifique et de l’historien pragmatiste ». Rentier à vingt-deux ans, il
forgea ses premières armes littéraires pendant l’affaire Dreyfus, en publiant
dans La Revue blanche une série d’articles dreyfusards qui furent réunis en
1900 dans Dialogues à Byzance, où la plupart de ses thèmes de prédilection
– vérité et justice contre « byzantinisme » esthétique et asservissement aux

8. Cette référence n’est pas très appropriée car Fantômas était un des héros favoris des sur-
réalistes, et dans le roman de Souvestre et Allain, Juve finit par découvrir que Fantômas est
son propre frère.
9.Voir principalement R. Niess, Julien Benda, Ann Arbor, University of Michigan Press, 1956 ;
Jean Sarrochi, Julien Benda, portrait d’un intellectuel, Paris, Nizet, 1968 ; Pierre Chambat, Julien
Benda, thèse, université de Paris I, 1969 ; L.-A. Revah, op. cit. ; Judith Belpomme, Julien Benda,
essayiste et publiciste, thèse, université de Paris X, 2000 ; Antoine Compagnon, Les Antimodernes,
Paris, Gallimard, 2005. Les archives et la bibliothèque de Benda ayant été détruites par les
Allemands en 1940, seuls ses papiers postérieurs à la guerre ont été conservés à la Biblio-
thèque nationale. On trouve dans Europe 389, sept 1961, une chronologie assez maigre due
à sa veuve Micia Benda.
10. H. Massis (sous le pseudonyme d’Agathon), L’Esprit de la Nouvelle Sorbonne, Paris, Mercure
de France, 1911.

                        Extrait de LES LOIS DE L'ESPRIT, de Pascal Engel
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introduction         19

intérêts politiques – figurent déjà. À la même époque, il fait la connaissance
de Péguy, avec lequel il se lie d’amitié malgré la grande différence de leurs
caractères et fréquente assidûment le groupe des Cahiers de la Quinzaine, et
notamment Georges Sorel. C’est dans les Cahiers qu’il publie, peu avant la
Première Guerre mondiale, Mon premier testament, ses deux ouvrages contre
Bergson – Une Philosophie pathétique et Sur le succès du bergsonisme – et un
roman, L’Ordination (1911), qui manque de peu le Goncourt essentiellement
en raison de l’antisémitisme de son ancien condisciple de Charlemagne,
Léon Daudet, ce qui provoque un scandale [ JC : 210]. Après avoir mené
jusqu’à la guerre une vie de dilettante mondain, salonard et voyageur mais
studieux, Benda, soudain ruiné, doit, à partir de 1914, vivre de sa plume et
entre au Figaro. C’est le début d’une carrière de journaliste et de publiciste
qu’il poursuivra jusqu’après la Seconde Guerre mondiale. Pendant la Grande
Guerre, il prône l’Union sacrée, souvent contre le pacifisme de nombre de
ses anciens amis dreyfusards, et devient, notamment dans Les Sentiments
de Critias et Le Point de vue de Sirius, recueil de ses articles dans Le Figaro,
un ardent défenseur de la civilisation et de l’esprit français contre la Kultur
germanique et sa conception de la nationalité fondée sur la race (que, selon
lui, le nationalisme barrésien ne fait que copier). Il fréquente le salon de
sa cousine Pauline Benda (dite Madame Simone11), y côtoie le Tout-Paris
et y croise Anna de Noailles, Edmond Rostand, Gabriele d’Annunzio ou
Georges de Porto-Riche, ce qui lui donne la matière de son premier livre
à succès Belphégor (1918), qui dénonce l’esthétisme, le culte du sentiment et
de l’émotion propres à l’époque et propose un retour aux valeurs classiques.
Ces thématiques semblent faire écho à celles de Maurras et lui valent
l’approbation de certains de ses disciples12. Dans les années qui suivent, Benda

11. Cf. P. Benda, L’Autre Roman, Paris, Plon, 1954 et Ce qui restait à dire, Paris, Gallimard, 1967.
Celle-ci dépeint, dans le second recueil, son cousin en proie aux affres d’une perspective de
mariage avec une dame dont « la sentimentalité lui donnait la chair de poule : n’avait-elle pas
osé vouloir lui tenir la main un soir, à la fenêtre, sous le prétexte bouffon qu’il faisait clair
de lune ! » (p. 11) et laisse entendre (p. 12) que son cousin avait ensuite formé le projet de
l’épouser, perspective qui apparemment ne la réjouissait qu’à moitié.
12. C. Bourquin, Julien Benda ou le point de vue de Sirius, Paris, Éditions du Siècle, 1925. Bour-
quin ayant dressé un portrait de Benda comme essayiste proche des thèmes de Maurras, ce
dernier écrivit au Mercure de France une lettre où il nie toute relation avec « l’école juive
groupée à La Revue blanche, avec Benda et les siens » et où il assimile les idées de Benda à
celles d’un nietzschéen. Bourquin répond à Maurras qu’il ne voit pas en quoi les idées de
Benda sont particulièrement juives et surtout ce qu’elles ont de nietzschéen, et il rétorque
même à Maurras que le refus de celui-ci d’opposer pensée et action « l’apparente nettement
à l’idéologie sémitique dont nous imprègne le christianisme ». Bourquin, gêné par le désaveu
de Maurras, proteste : « Pour être un obscur antisémite, je ne suis pas moins antisémite que
M. Maurras » (C. Bourquin, op. cit., addenda, p. 239-243).Voir J. Belpomme, Julien Benda, op. cit.,

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20   les lois de l’esprit

publie un roman, Les Amorandes (1922), qui est un nouvel échec, et écrit
des sortes d’essais vaguement romancés mais figés, à travers le personnage
d’Éleuthère qu’il s’était inventé dès ses débuts (Dialogue d’Éleuthère, 1911),
comme La Croix de roses ou Properce ou les amants de Tibur (1926). Il trouve
enfin sa voie avec la publication, en 1927, de La Trahison des clercs qui paraît
 simultanément chez Grasset et à la NRF, signe son entrée en gloire littéraire
et provoque immédiatement une série de polémiques auxquelles il répond
dans La Fin de l’éternel (1928)13, suivi d’un Essai de discours cohérent sur les
rapports de Dieu et du monde (1932). Ses attaques répétées contre Barrès et
Maurras, que l’on remarque plus que celles qu’il adresse aux marxistes et aux
 socialistes, le rapprochent définitivement des clercs de gauche. À partir de
ces livres, la carrière de journaliste de Benda prend son essor et il devient,
 à plus de soixante ans, sous l’égide de Jean Paulhan et au grand dam de la
droite littéraire, l’un des piliers de la NRF, publiant des billets, des notes ou
des articles dans presque chaque numéro, écrivant dans de très nombreux
journaux, prenant parti à gauche sur tous les sujets politiques des années 1930
– la montée du fascisme et de l’hitlérisme, la SDN, l’affaire éthiopienne, le 6
février 1934, le Front populaire, Munich – en même temps qu’il continue
de forger sa figure de clerc tourné vers les valeurs éternelles et détaché
des intérêts politiques14. Au nom de celles-ci, dans son Discours à la nation
européenne (1933), il prône une Europe « morale » et « abstraite » opposée aux
nations. Benda fréquente aussi beaucoup, durant ces années, l’Union pour
la vérité, fondée par Paul Desjardins et animée par Léon Brunschvicg15.

p. 110 et sq. Assez vite cependant, Henri Massis, autre ténor de l’Action française, avait fait la
part de ce que Benda ne devait pas à Maurras (Jugements, II, Paris, Plon, 1924).
13. Sur la réception critique de l’ouvrage, qui fut l’un des rares authentiques best-sellers de
l’entre-deux-guerres, cf. J. Belpomme, op. cit., p. 152-153.
14. Un bon nombre de ses articles de cette période sont réunis dans Précision (1937).
15. L’Union pour la vérité, issue de l’Union pour l’action morale fondée après l’affaire Dreyfus
par Paul Desjardins et Jules Lagneau, puis dirigée par Léon Brunschvicg, devint dans les
années 1930 un lieu important de rencontres, associé aux décades de Pontigny. Entre 1932
et 1938, Benda donne au Bulletin de l’Union pour la vérité pas moins de neuf contributions,
discutant régulièrement avec Ramon Fernandez, Langevin, Brunschvicg, Bainville, etc. En
revanche, alors que Gide, Fernandez et la plupart des gloires littéraires d’avant-guerre partici-
paient régulièrement aux entretiens de Pontigny, on ne trouve pas trace de la venue de Benda.
Il n’était pourtant pas ennemi des colloques, puisqu’il participa activement après-guerre aux
séances de la Société française de philosophie et ne répugnera pas à des congrès, comme les
Rencontres internationales de Genève en 1946 et le Congrès de philosophie de Rome en
1949 ou le Congrès mondial de Wroclaw sur la paix en 1948.

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introduction          21

En 1936 et 1938, il fait plusieurs voyages aux États-Unis, qui l’enchantent par
leur esprit démocratique16. Au moment où arrive la guerre, Benda a pris des
positions antifascistes proches de celles des communistes, tout en manifestant
sa distance vis-à-vis du marxisme et, en 1939, son refus du pacte germano-
soviétique. Déjà en butte à de violentes campagnes antisémites dans la presse
d’Action française et d’extrême-droite, ainsi qu’au sein même de la NRF 17,
attisées par la publication de son autobiographie La Jeunesse d’un clerc en 1936,
où il revendique sa figure de Juif républicain et rationaliste, il est, en juin
1940, l’un des premiers intellectuels français juifs inscrits sur la liste « Otto »
et doit fuir Paris. Aidé par Paulhan, qui avait été accusé de lui « livrer » la
NRF, il trouve refuge à Carcassonne, où il apprend que les Nazis ont pillé
son appartement et détruit sa bibliothèque et ses manuscrits. Il y passe deux
ans dans une semi-clandestinité, avec l’appui de la Résistance communiste,
ce qui lui permet d’échapper de justesse à la Gestapo. Il gagne Toulouse en
1944. Dans Exercice d’un enterré vif, il a raconté comment cette période de
réclusion fut l’une des plus productives de son existence18. Bien qu’il soit
alors âgé de soixante-quinze ans, il écrit sous l’Occupation pas moins de
six livres : La Grande Épreuve des démocraties (publié aux États-Unis en 1942),
Le Rapport d’Uriel (paru sous le pseudonyme de Comminges aux Éditions
de Minuit en 1943) et La France byzantine, Du style d’idées, De quelques
constantes de l’esprit humain et Du poétique qui paraîtront après la guerre. On
a souvent jugé qu’après ces ouvrages Benda n’avait plus produit qu’un éternel
ressassement de ses thèmes, mais son activité et sa production d’après-guerre
restent abondantes et variées. Quant à la répétition, elle était le lot d’un
homme qui ne se sentait bien que dans l’éternité, détestait le nouveau et
qui avouait n’avoir jamais été jeune [ JC : 74-76]. À la Libération, il prend

16. « Carnets d’Amérique » in [CC : 11-33].
17. Cf. J. Belpomme, Julien Benda, op. cit., 165, sq. ;  A. Compagnon Les Antimodernes, op. cit.,
p. 335 et sq. Cf. Céline, Bagatelles pour un massacre, Paris, Grasset, 1938, qui dénonce les « plu-
riBenda » et les « Benda brothers ». Cf. aussi Les Beaux Draps, Paris, Nouvelles Éditions fran-
çaises, 1941, p. 30 : « Trusts des cerveaux !... Barbares qui conçoivent mal les choses ! Petits
cassis vils purotins... trusts des esprits... Le sien tout de suite !... Et les affres de Mr Benda ? Du
coup alors il participe ! Pour le juif jamais trop de vœux, jamais trop de tendres alarmes, de
révérences, de genoux fléchis.» Et L’École des cadavres, Paris, Denoël, 1938, p. 39 (le livre est
dédié « À Julien l’apostat »). En 1940, Gide signifie à Benda qu’il vaudrait mieux qu’il cessât
d’écrire dans la revue. Sa réponse, cinglante, est dans [CC : 64 -65].
18. Sur cette période, cf. M. Joucla, « Benda sous l’Occupation », Europe 389, septembre 1961,
p. 14-20 ; J. Belpomme, Julien Benda, op. cit. ; G. Malkassian, « Julien Benda sous l’Occupation,
la démocratie à l’épreuve », Revue philosophique 3, 2002, p. 333-343 ; G. Sapiro, La Guerre des
écrivains, Paris, Fayard, 1999 ; A. Compagnon, Les Antimodernes, op. cit., p. 349-353.

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position très durement en faveur de l’épuration19, et devient un compagnon
de route quasi officiel du parti communiste, collaborant régulièrement aux
Lettres françaises et à La Pensée, allant jusqu’à accepter publiquement le procès
Rajk. Cet épisode altéra durablement sa réputation ultérieure20. En 1944, il
rompt avec Paulhan auquel il reproche son indulgence vis-à-vis des écrivains
collaborateurs et son « byzantinisme » dans Les Fleurs de Tarbes. Paulhan
réplique par deux articles cinglants dans Critique en 194821. Ses polémiques
contre la France littéraire, qui sont en partie une réactivation de celles
qu’il avait menées dans Belphégor, ses attaques contre l’existentialisme et
ses derniers ouvrages22 , dans lesquels il ressasse ce que Sartre appelait sa
« marotte », font définitivement de lui un homme du passé et consacrent
sa réputation, déjà bien établie, de « vieux chnoque » opposé à tout ce qui
est moderne, dont le dernier livre se termine par le mot de Renan : « Mes
contemporains ne sauront jamais à quel point je les ai méprisés », auquel il
ajoute : « Je crois toutefois qu’ils le savent » [MIT : 150]. L’auteur de Pour
les vieux garçons, qui n’avait pas manqué d’aventures amoureuses23, se marie
tardivement en 1950 avec Micia Lebas, et vit à l’Hôtel Cayré, puis dans une
maison de repos à Fontenay-aux-Roses, tout en trouvant encore le temps
d’écrire des articles et de passer à la radio24. Quand il mourut en 1956, à
89 ans, il avait déjà trouvé son épitaphe dans une phrase de Lamartine sur
Saint-Just : « Son cœur absent ne reprochait rien à sa conscience abstraite,
et il mourut odieux et maudit sans se sentir coupable25. » Il aurait tout aussi
bien pu ajouter la phrase de Saint-Just lui-même : « Je méprise la poussière
qui me compose et qui vous parle ; on pourra la persécuter et faire mourir

19. Cf. « Le droit à l’erreur » [CC : 139] ; J. Belpomme, Julien Benda, op. cit. ; A. Compagnon,
Les Antimodernes, op. cit., p. 353 sq.
20. F. Fejtö, Mémoires, Paris, Calmann-Lévy, 1986, p. 213 ; J. Belpomme, Julien Benda, op. cit.,
p. 293-295 ; A. Compagnon, op. cit., p. 353-356.
21. J. Paulhan, « Benda ou le clerc malgré lui », Critique, 24, mai 1948, p. 387-407, 25, juin
1948, p. 499-513.
22. Il publie encore régulièrement dans les journaux et revues jusqu’en 1954, et deux ou-
vrages : Les Cahiers d’un clerc (1949) et Mémoires d’infra-tombe (1950).
23. Cf. [JC : 174-177]. Pour un « vieux garçon », Benda n’en eut pas moins une vie amoureuse
variée : il rapporte avoir « accosté » une personne dans la rue et l’avoir connue deux ans sans
savoir son nom. Cela fait un peu penser aux relations d’Ulrich avec Bonadea. Mais on peut
aussi y voir une preuve supplémentaire de sa misogynie.
24. Benda n’enregistre pas moins de cinquante émissions de radio entre 1946 et 1953, dont
douze avec Pierre Sipriot/INA, 1999. Pour une évocation de Benda dans son grand âge,
cf. Paul Léautaud, Journal littéraire XVIII, août 1949-février 1956, Mercure de France, 1964.
25. [JC : 78], cité par Régine Pietra, op. cit.

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