LES MANCHOTS : SENTINELLES DE NOTRE PLANETE - Annabelle KREMER_2017-02-13 - Institut polaire français
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Annabelle KREMER_2017-02-13 Céline Le Bohec, directrice du programme ECOPHY ANTAVIA 137 de l’IPEV : « Malgré une prise de conscience croissante de l'importance de la lutte contre les changements climatiques, les objectifs fixés jusqu'à présent pour la réduction de la production de gaz à effets de serre n'empêcheront pas le réchauffement annoncé par les climatologues. Pour anticiper ces changements, il est essentiel de mieux comprendre et évaluer l'impact que les changements climatiques sont susceptibles de provoquer sur la biodiversité et sur nos ressources alimentaires. Dans ce contexte, l’objectif principal des recherches en milieux polaires réalisées par le Programme 137 de l’IPEV est de comprendre et de prédire les effets des changements globaux (changement climatique, pollution, détérioration des habitats, etc.) sur les milieux polaires et la biodiversité qu’ils hébergent. Du fait de leur position en fin de chaîne alimentaire, les oiseaux marins, tels que les manchots, constituent de véritables ‘sentinelles’ de notre planète et de précieuses sonnettes d’alarme en tant que bio-indicateurs de l’impact des bouleversements climatiques liés aux activités de l’homme sur la biodiversité. Il a par exemple été montré par l’équipe 137 qu’une augmentation de la température des eaux de surface d’à peine 0,3°C provoque une diminution de la survie des manchots royaux de près de 10 %. Aussi, un réchauffement global de la température de surface des océans de 1,4 à 5,8°C, tel qu’il est prévu d’ici à 2100, devrait profondément affecter les populations de manchots, et modifier les écosystèmes polaires »
Annabelle KREMER_2017-02-13 C’est Elodie, Schloesing, l’hivernante Ornithologue de la TA 67 à DDU qui va me parler de la colonie Antavia sur les îles de Pointe Géologie. Après un BTS « Gestion et Protection de la Nature », Elodie a effectué une Licence Pro « Techniques d’Inventaire de la faune et de la flore » à l’Université Claude Bernard Lyon 1. Elle a poursuivi avec un Master d’Ecologie et d’Ethologie à Saint-Etienne. C’est à la fin de celui qu’elle postule pour un hivernage cette année à DDU.
Annabelle KREMER_2017-02-13 Partie 1 : sur le terrain. Le suivi de la colonie. L’archipel de Pointe Géologie compte 47 000 couples de manchots Adélie. La colonie Antavia, présente sur l’île des Pétrels réunit 300 couples qui sont suivis depuis une dizaine d’années. Les individus sont transpondés c’est-à-dire équipés de puces électroniques (ci-contre)
Annabelle KREMER_2017-02-13 La colonie Antavia est délimitée dans l’espace : par des barrières rocheuses naturelles et par un système de grillages, ce qui oblige les individus à passer par trois passerelles équipées d’antennes de détection . « C’est la seule colonie fermée de l’archipel. L’avantage est de pouvoir connaître en temps réel les entrées et sorties des manchots. La manipulation des individus est effectuée en dehors de la colonie, ce qui limite les perturbations de l’homme en période de reproduction », m’explique Elodie.
Annabelle KREMER_2017-02-13 A gauche, sonde météo HOBO ; à droite sonde météo Vaisala Des capteurs météorologiques permettent de connaître les caractéristiques physiques qui règnent spécifiquement au sein de la colonie : température, humidité, luminosité et vent.
Annabelle KREMER_2017-02-13 Les 3 passerelles sont munies chacune de 3 plateaux équipés chacun : - de pesons électroniques qui enregistrent le poids du manchot - d’antennes qui détectent les manchots transpondés et révèlent son identité électronique. Par les entrées et les sorties de ces manchots sur les passerelles, il est alors possible de retracer l’histoire de la vie du manchot et notamment comment il a vécu sa reproduction (succès ou échec). Les plateaux sont reliés à une valise de détection (voir plus loin) Les passerelles ont été mises en place récemment, en 2012. « Une importante analyse de données se fera les prochaines années, ce qui permettra d’avoir de premiers résultats en terme de dynamique des populations » m’explique Elodie.
Annabelle KREMER_2017-02-13 Cette année fut catastrophique pour les manchots. Nous comptons les individus encore présents : aujourd’hui 31 janvier, il ne reste plus que douze manchots qui errent. Il n’y a plus aucun couple et le dernier poussin de la colonie est mort le 17 janvier. Une hécatombe liée à la banquise trop étendue pour permettre aux parents de nourrir convenablement les poussins (généralement, ils se relayent à cette période de l’année pour partir en mer chercher du krill).
Annabelle KREMER_2017-02-13 Elodie vérifie l’état des barrières. D’ici deux mois, à la première semaine d’avril, tout sera démonté : « c’est habituellement la fin de la saison de reproduction. Les Adélie reviendront au mois d’octobre, quasiment à la même date que l’an passé ; ils ont un cycle de vie très calibré ! ».
Annabelle KREMER_2017-02-13 Elodie me propose de quitter l’île des Pétrels pour aller sur l’île de Mauguen. Le 2 janvier 2017, une antenne RFID a été placée ici et d’autres sont également en place sur plusieurs îlots alentours. L’objectif : observer la dispersion des manchots Adélie transpondés. En hiver, les même antennes sont utilisées pour les manchots Empereurs autour de la manchotière qui est très mobile. « Nous transpondons 300 poussins d’Empereur chaque année ».
Annabelle KREMER_2017-02-13 On s’apprête à quitter Pétrel. (en arrière plan, l’îlot Rostand) Comme pour tout déplacement sur la banquise, Elodie informe la base par radio.
Annabelle KREMER_2017-02-13 antenne mobile Reliée à la valise Valise de détection Panneau solaire permettant de recharger les batteries de la valise Elodie me montre la valise qui sert à détecter les passages des manchots. « Cela fonctionne comme sur Antavia : lorsqu’un manchot passe, une antenne, partiellement enfouie sous la neige, envoie de l’ énergie au transpondeur qui va donner une identification du manchot. Celle- ci est alors transmise à la valise ». Elodie récupère ensuite les données à l’aide d’une simple clé USB insérée dans la valise. Remarque : le dispositif reste sur le terrain. Elodie veille à son entretien (congères, usure au froid…)
Annabelle KREMER_2017-02-13 La méthode RFID (radio frequency identification) : quelques explications générales Un transpondeur ou puce électronique ou radio- étiquette (longueur = 3cm) Les transpondeurs implantés par un pistolet sous la peau des manchots sont du même type que ceux qui équipent nos chers animaux de compagnie. Comment fonctionne la méthode RFID ? Selon un transfert d’énergie électromagnétique (vous pouvez d’ailleurs remarquer qu’il n’y a pas de batterie dans le transpondeur mais une bobine). L’antenne de détection fonctionne comme un émetteur-récepteur : elle envoie une onde radio à une fréquence donnée au transpondeur qui répond en renvoyant un signal électromagnétique à l’antenne.
Annabelle KREMER_2017-02-13 La méthode RFID (radio frequency identification) : quelques explications plus techniques par Yohann PIGNON, électronicien hivernant(TA67) à DDU Yohann entretient et répare tout le matériel électronique de la base. C’est lui qui intervient sur le système RFID du programme Antavia 137 de l’IPEV. Il me propose un petit cours technique sur ce dispositif bourré d’électronique !
Annabelle KREMER_2017-02-13 A. La méthode RFID 1. La valise de détection Cartes reliées aux deux antennes de détection Carte de radio-identification des puces Module GPS permettant de relier chaque identification à Carte une date et une d’interface heure entre l’ordinateur et les autres cartes de la valise Module de gestion de l’énergie permettant la recharge des batteries de la Ordinateur de commande valise par les panneaux solaires. Remarque : sous ce compartiment principal se logent des batteries
Annabelle KREMER_2017-02-13 A. La méthode RFID 1. La valise de détection « Les trois batteries qui équipent la valise sont des batteries 100% plomb, c’est ce qui tient le mieux au froid »
Annabelle KREMER_2017-02-13 A. La méthode RFID 2. L’antenne de détection Il y a deux antennes reliées à une valise pour avoir une zone de détection suffisamment grande. « Chaque antenne contient des brins de cuivre de bonne qualité enduits de vernis qui les isole les uns des autres »
Annabelle KREMER_2017-02-13 A. La méthode RFID 3. L’amélioration technique du système Yohann teste actuellement un nouveau système de valises de détection envoyé à DDU par l’IPHC de Strasbourg. 3 valises seraient reliées ensemble ce qui permettrait à la fois d’augmenter l’apport d’énergie (jusqu’à 5 batteries et 3 panneaux solaires) et d’étendre la zone de détection (4 antennes au lieu de 2) Valise avec 2 batteries 4 cartes pour 4 antennes de supplémentaires. détection Remarque : les valises sont ici mieux isolées du froid par un système chauffant Valise avec 3 batteries . Peut être reliée à 3 panneaux solaires
Annabelle KREMER_2017-02-13 B. Les pesons Outre le système RFID, Yohann m’explique le fonctionnement des pesons qui équipent les plateaux des passerelles et déterminent la masse d’un manchot. « C’est un dispositif type jauge de contraintes : une déformation mécanique est transformée en signaux électriques. Le corps métallique est déformé. Des résistances appliquées sur le métal enregistrent la moindre déformation. Si la résistance varie alors la tension électrique aussi. Une relation mathématique permet de déduire une masse à partir d’une tension électrique ».
Annabelle KREMER_2017-02-13 Partie 2 : au laboratoire Biomar
Annabelle KREMER_2017-02-13 Partie 2 : au laboratoire Biomar A. Les données numériques collectées par la radiodétection.
Annabelle KREMER_2017-02-13 Un exemple de données « Masse traqueurs» issues des plateaux des passerelles Antenne 7 du plateau 7 : orientée vers l’extérieur de la colonie Antenne 9 : orientée vers l’intérieur de la colonie Numéro de la puce RFID Un manchot passe … Acquisition masse Heure de passage du manchot permettant de connaître son sens de déplacement. Le manchot est passé sur le plateau 9 puis sur le plateau 10 : il vient de sortir de la colonie.
Annabelle KREMER_2017-02-13 Historique entrées/sorties : exemple de données sur un mâle en 2012-2013. Bleu : en mer. Marron : dans la colonie PONTE ŒUF ECLOSION ŒUF Mâle reste Mâle revient se couver l’œuf (la reproduire dans femelle part se la colonie . nourrir). Mâle part se nourrir (pendant que la femelle couve). Période de nourrissage du poussin : switch mâle/femelle qui se relayent rapidement pour chercher de la nourriture et s’occuper du poussin. Remarque : les poussins sont regroupés en crèche mais chaque parent nourrit son poussin qu’il reconnaît.
Annabelle KREMER_2017-02-13 Historique entrées/sorties : exemple de données sur le même mâle en 2016-2017 Le mâle quitte la Le cycle de reproduction démarre de la colonie. même manière que celui de 2012-2013 Echec. Tentative de nourrissage alterné du poussin. Les switch sont trop éloignés… Le mâle est seul durant 6 longs jours (difficulté de la femelle à trouver de la nourriture. Le poussin meurt le 7 janvier
Annabelle KREMER_2017-02-13 Dispersion des manchots. Antenne mobile du Mauguen Relevé avec date, heure, numéro de puce. Deux manchots seulement sont passé par là pour le mois de janvier 2017.
Annabelle KREMER_2017-02-13 Partie 2 : au laboratoire Biomar B. Les prélèvements sur les manchots
Annabelle KREMER_2017-02-13 Elodie effectue divers prélèvements et mesures sur les manchots Adélie à deux moments-clés de l’année : - en période d’incubation des œufs - en période de nourrissage des poussins. Ces année, les prélèvements ont cessé les 13 janvier car tous les couples étaient en échec. Sur quels manchots les prélèvements sont-ils effectués ? Les années précédentes, 22 couples avaient été sélectionnés. Il s’agissait donc pour Elodie de les retrouver dans la colonie cette année pour poursuivre les prélèvements Quels sont les prélèvements et mesures réalisés ? - prélèvements d’échantillons : - Plumes - Sang - Excrément Les prélèvements sont congelés. Ils seront analysés à l’IPHC de Strasbourg. - mesures de hauteur et longueur du bec et de la longueur de l’aileron Dans quel but ? - Suivi à long terme des populations pour comprendre l’évolution des écosystèmes polaires - Ecologie alimentaire et stratégie de nourrissage
Annabelle KREMER_2017-02-13 Pour réaliser des prélèvements et des mesures, Elodie dispose d’un sac de capture
Annabelle KREMER_2017-02-13 9 5 4 8 3 1 2 7 6 1. Boitier de lecture de la puce RFID du manchot 2. Pied à coulisse : mesures de la hauteur et de la longueur du bec 3. Cagoule à placer sur la tête du manchot pour diminuer son stress 4. Réglet pour la mesure de le longueur de l’aileron 5. Sachets en plastiques pour prélèvement de plumes sur la dos du manchot 6. Peson et sac pour relever la masse du manchot 7. Seringue pour prise de sang au niveau de la patte 8. Compresses 9. Carnet de laboratoire (relevé mesures)
Annabelle KREMER_2017-02-13 Centrifugeuse Tubes eppendorf 2ml (sang du manchot) Plasma et globules rouges séparés Congélation (analyse en France, IPHC)
Annabelle KREMER_2017-02-13 Avec Clément, parti avec la rotation 2 (janvier 2017). Recueil d’excrément au niveau du cloaque à l’aide d’un écouvillon
Annabelle KREMER_2017-02-13 Certains manchots sont équipés d’un logger, ici un boitier électronique muni d’un système GPS qui est collé avec du tesa sur les plumes du dos de l’animal. Ce dispositif est utilisé pour des suivis de courte durée (3à 5 jours) lorsque le manchot part en mer chercher de la nourriture. (information sur les plongées et les stratégies de nourrissage).
Annabelle KREMER_2017-02-13 Merci à Elodie et à Yohann pour leurs explications! Ci-contre : le 13 janvier, à mon arrivée à DDU, sur le chemin menant au dortoir, j’ai pu observer un dernier poussin de manchot Adélie (il meurt peu de temps après).
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