Les nouveaux critères de diagnostic de la dénutrition de l'adulte

La page est créée Xavier Lucas
 
CONTINUER À LIRE
JNDES                 CONFÉRENCE

     Les nouveaux critères de diagnostic de la dénutrition de l’adulte
     Jacques Delarue1, Françoise Joly2, Jean-Claude Desport3, Eric Fontaine4
     1
       Département de Nutrition & Laboratoire Régional de Nutrition Humaine, CHU/Faculté de Médecine/Université de
     Brest
     2
       Service de Gastroentérologie, MICI et Assistance Nutritive, Hôpital Beaujon, APHP, Université Paris VII
     3
       Unité de Nutrition & CSO du Limousin CHU Dupuytren, Inserm UMR1094, Faculté de Médecine, Limoges
     4
       Unité de nutrition artificielle, CHU Grenoble Alpes, Université Grenoble Alpes, INSERM, LBFA, Grenoble
     Mots-clés : nutrition, dénutrition, composition corporelle, sarcopénie

     L    a dénutrition est une maladie perni-
          cieuse et très fréquente.
     Son caractère pernicieux tient au fait qu’elle
                                                      manière générale que des moyens dont cer-
                                                      tains très simples permettent de prévenir
                                                      la dégradation de l’état nutritionnel, de le
                                                                                                        sements de soins de long séjour (BAPEN
                                                                                                        report de 2009) [7].
                                                                                                        L’efficacité de la prise en charge de la dé-
     est souvent considérée comme un symp-            restaurer ad integrum ou tout au moins de         nutrition est démontrée dans de multiples
     tôme qui accompagne une pathologie pré-          le stabiliser (sauf cas particuliers extrêmes).   situations cliniques [8-14]. Un des freins à
     existante aiguë ou chronique. De ce fait,        Ce qui fait la gravité de la dénutrition, ce      cette prise en charge est que seul un faible
     beaucoup (personnels soignants comme             sont ses conséquences multiples qui ont           pourcentage de patients dénutris est recon-
     les malades ou leur famille) la considèrent      toutes été établies scientifiquement. En          nu et reçoit un support nutritionnel [15]. La
     encore comme « normale » et devant guérir        effet, elle est un facteur majeur le plus         définition de critères de diagnostic pour les
     avec la maladie à laquelle elle est associée.    souvent indépendant, du développement             différents états de dénutrition, peu coûteux,
     Or, si ceci peut être vrai dans le cas de cer-   et du pronostic de certaines pathologies          faciles à obtenir, et tenant compte des don-
     taines maladies aiguës de peu de gravité         ou de complications de certaines autres ou        nées actuelles de la littérature, est un élé-
     et de faible durée, ce n’est pas toujours le     d’actes thérapeutiques (chirurgie) (cancer,       ment sine qua non pour une détection et une
     cas lorsqu’elle accompagne une maladie           pathologies infectieuses y compris infec-         prise en charge efficace de la dénutrition.
     chronique et/ou lorsqu’elle survient chez        tions nosocomiales, maladies respiratoires
     un sujet âgé.                                    actes chirurgicaux, défaillances chro-            Comment définit-on la dénutrition ?
     Sa fréquence élevée a été mise en évidence       niques d’organes, insuffisance cardiaque,
     depuis plusieurs décennies et rien n’indique     obésité, diabètes ...). Elle accroît la durée     Ce qui pourrait paraître simple ne l’est pas
     qu’elle se réduise. Trente à 40 % des ma-        de séjour et le coût global des traitements       tant que cela puisque de très nombreuses
     lades hospitalisés en Europe sont dénutris.      [1-5]. Le retentissement de la dénutrition        définitions successives ont été proposées
     En appliquant une prévalence de 30 % au          sur la mortalité intra-hospitalière est établi.   au cours des années.
     nombre de patients hospitalisés en France        Par ailleurs, la dénutrition entraîne un dou-     En tout premier lieu, il convient de dis-
     chaque année, on aboutit à la conclusion         blement du nombre de ré-hospitalisations,         tinguer le terme « dénutrition » du terme
     qu’environ 2 millions de Français souffrent      et accroît le délai de reprise des activités      « malnutrition ». La malnutrition englobe
     de dénutrition. Si l’on ajoute à ce chiffre,     professionnelles ainsi que la mortalité à         la malnutrition par déficit (amenant le plus
     le nombre de personnes âgée dénutries et         long terme après hospitalisation [6].             souvent à un amaigrissement), la malnu-
     de malades souffrant d’anorexie mentale,         Au-delà de ces aspects, la dénutrition a un       trition par excès (surpoids et obésité) et la
     on arrive au chiffre de 2,8 millions. La fré-    impact sur la qualité de vie, l’autonomie,        malnutrition caractérisée par des carences
     quence de la dénutrition étant similaire en      la survie, le recours aux systèmes de soins       spécifiques [16]. Le terme de sous-nutrition
     France que dans tous les autres pays euro-       et comme indiqué supra sur la durée de sé-        (undernutrition) est de plus en plus utilisé
     péens, l’extrapolation des chiffres Français     jour hospitalier. En termes plus généraux,        dans les pays anglophones. Il serait plus
     indique que 21 millions d’Européens sont         la dénutrition constitue une charge finan-        simple d’abandonner le terme « malnutri-
     dénutris.                                        cière majeure pour les collectivités qui ne       tion » qui reste un facteur de confusion avec
     Non seulement la dénutrition est perni-          pourra que croître avec le vieillissement         le terme « dénutrition ».
     cieuse et fréquente, mais même en 2019           de la population. Une étude réalisée en           La définition que l’on pourrait adopter est
     elle reste très souvent non dépistée et/ou       Grande-Bretagne a montré que le coût de           celle de « l’état d’un organisme en déséqui-
     insuffisamment traitée, sans parler de la        la dénutrition est plus du double de celui de     libre nutritionnel », le déséquilibre étant
     prévention de sa survenue dans les po-           l’obésité. Cinquante-deux pour cent de ce         caractérisé par un bilan énergétique et/
     pulations à risque. Ceci est d’autant plus       coût étaient liés à la dénutrition hospitalière   ou protéique négatif. Cette définition sup-
     préjudiciable au patient et regrettable d’une    et 36 % à la dénutrition dans les établis-        pose donc qu’il y a trois mécanismes phy-
60
                                                                MCED n°95 – Décembre 2018
CONFÉRENCE                     JNDES

siopathologiques pouvant conduire à une          tique globale vient se surajouter un état           en vigueur, parle de malnutrition et non de
dénutrition : un déficit d’apport isolé, une     inflammatoire quelle qu’en soit la cause.           dénutrition [32]. Elle se base sur le critère
augmentation des dépenses énergétiques           Inversement le kwashiorkor peut évoluer             poids ou perte de poids pour définir la
journalières, une augmentation des pertes        vers la forme réputée moins grave de ma-            malnutrition, voire même sur simplement
(la glycosurie en est un bon exemple) avec       rasme lorsque le facteur inflammatoire              l’aspect clinique en l’absence de poids
bien entendu la possible association de deux     aggravant cesse.                                    disponible [32]. Elle propose des codages
ou 3 de ces mécanismes. Le déséquilibre          Plus récemment sont apparus les termes de           hospitaliers pour les types de malnutrition,
inhérent à la dénutrition conduit à des effets   « cachexie », « sarcopénie » et de « fragilité ».   intégrant les notions de marasme et de
délétères sur les tissus et/ou l’organisme en-   La cachexie (mot issu du grec qui peut être         kwashiorkor, et des codages de gravité de
tier [16-18], avec des changements mesu-         traduit par « mauvaise condition ») est ca-         la malnutrition : E40, E41, E42, etc. jusqu’à
rables des fonctions corporelles et/ou de la     ractérisée par une perte non intentionnelle         E46 [32]. Elle n’intègre pas la sarcopénie,
composition corporelle, associés à une ag-       de masse musculaire, dans un contexte de            mais intègre la cachexie, en association à
gravation du pronostic des maladie [16-18].      production excessive de cytokines [24-26].          la maladie VIH (B22.2), sans proposer de
A l’intérieur du concept de dénutrition, la      C’est donc un état de dénutrition chronique         définition de la cachexie [32].
plupart des auteurs ont depuis longtemps         avec inflammation, associant une anorexie
reconnu deux grandes formes, qui en ré-          et une destruction tissulaire (état catabo-         Critères actuels de diagnostic de la dénu-
alité sont un continuum : une forme avec         lique), causé par une pathologie sous-              trition en France ?
un amaigrissement isolé, et une forme            jacente [16]. La cachexie lors du cancer
avec la présence d’œdèmes. La forme sans         [27] et la cachexie lors de l’insuffisance          Il existe aujourd’hui 2 recommandations,
œdème, la plus fréquente chez l’adulte, a        cardiaque [28] sont des exemples typiques           l’une de 2003 de l’HAS (ex-ANAES) [33]
été classiquement appelée marasme et celle       de ce type de dénutrition, associés dans les        qui distingue les critères pour les sujets de
avec œdèmes a été appelée kwashiorkor.           deux cas à une aggravation du pronostic.            moins de 70 ans et ceux pour les sujets de
La forme sans œdèmes constituerait une           La sarcopénie (mot issu du grec qui peut            70 ans et plus et les critères HAS de 2007
meilleure adaptation métabolique à l’in-         être traduit par « manque de chair ») [29],         [34] pour les sujets âgés de 70 ans et plus.
suffisance nette d’apport en énergie et en       initialement définie par une perte de masse         Nous ne ferons état pour l’HAS 2003 que
protéines que la forme avec œdèmes [19].         squelettique musculaire, est actuellement           de ceux concernant les adultes de moins de
Le terme de kwashiorkor, plus fréquem-           caractérisée par une perte de masse mus-            70 ans, ceux de l’HAS 2007 pour les sujets
ment appliqué aux enfants, est probable-         culaire associée une dégradation fonc-              de 70 ans et plus étant une mise à jour pour
ment issu de la langue Ghanéenne, et veut        tionnelle [16]. Elle peut être en lien avec         ce qui est du diagnostic, par les gériatres
dire selon les sources soit qu’il s’agit d’une   le vieillissement, sans état inflammatoire          des critères HAS 2003.
pathologie avec des rougeurs cutanées [19]       ou pathologie associés, voire même sans
soit que cette pathologie survient après le      dénutrition (par exemple avec un indice de          Diagnostic de la dénutrition chez l’adulte
sevrage, donc en lien avec la diversifica-       masse corporelle normal ou en l’absence             de moins de 70 ans (HAS 2003)
tion alimentaire des nourrissons [20]. En        de perte de poids) ou être présente dans le         Elle repose sur au moins l’un des critères
pratique, la dénutrition avec œdèmes paraît      cadre d’une maladie telle que le cancer ou          suivants :
plus grave que la forme sans œdème [21-          la maladie de Crohn [26,30]. Elle constitue         • perte de poids ≥ 10 % par rapport à une
23] en raison des possibles complications,       un facteur de gravité de la dénutrition.                valeur antérieure à l’hospitalisation
en particulier des troubles digestifs et des     La fragilité est un concept encore mal                  actuelle, mentionnée dans un dossier
infections [20]. De plus, les adultes peuvent    clarifié, qui associe une vulnérabilité,                médical précédent ;
aussi être touchés [20]. La physiopathologie     une mauvaise adaptabilité et des réserves           • perte de poids ≥ 5 % en un mois par
de la dénutrition avec œdèmes, encore dé-        énergétiques et protéiques faibles [31]. Elle           rapport à une valeur antérieure à l’hos-
battue, semble associer un déficit d’apport      est essentiellement liée au grand âge, et               pitalisation actuelle, mentionnée dans
protéique, une production trop élevée de         constitue un facteur de risque de handicap              un dossier médical précédent ;
radicaux libres lors d’une inflammation ou       et de dépendance [16, 31]. Elle pourrait être       • IMC ≤ 17 kg/m2.
d’une infection et des troubles hydro-élec-      dans certains cas réversible en fonction des        Si le prescripteur a dosé l’albuminémie et la
trolytiques d’origine périphérique ou cen-       prises en charge [31].                              transthyrétinémie (pré-albuminémie), il est
trale [20]. En fait, le terme de dénutrition                                                         recommandé d’évoquer le diagnostic de dé-
protéolytique conviendrait probablement          Quid de la « dénutrition » dans la classifica-      nutrition dans les circonstances suivantes,
mieux. Comme indiqué supra, en fait il           tion internationale des maladies ?                  en l’absence de syndrome inflammatoire :
existe un continuum entre les 2 formes.                                                              albuminémie < 30 g/L ; transthyrétinémie
Un état de marasme (cas typique de l’ano-        La 10e version de la classification inter-          < 110 mg/L. L’albuminémie doit être inter-
rexique mentale) peut évoluer vers un état       nationale des maladies de l’Organisation            prétée en fonction du taux de la C-Réactive
de kwashiorkor si à la restriction énergé-       Mondiale de la Santé (OMS), actuellement            Protéine (CRP).
                                                                                                                                                     61
                                                           MCED n°95 – Décembre 2018
JNDES                CONFÉRENCE

     Diagnostic de la dénutrition sévère chez          malgré une thérapeutique nutrition-          claré. En cas de pathologie aiguë, on
     l’adulte de moins de 70 ans (HAS 2003)            nelle « intensive ».                         se réfère au poids d’avant le début de
     Les critères en sont :                         8. Même remarque pour le seuil de 50            l’affection. Il est important de tenir
     • perte de poids ≥ 15 % en 6 mois ou              mg/L de la transthyrétinémie.                compte des facteurs qui peuvent mo-
         ≥ 10 % en un mois par rapport à une                                                        difier l’interprétation du poids, comme
         valeur antérieure à l’hospitalisation      La nécessité d’une actualisation appa-          une déshydratation, des œdèmes, des
         actuelle, mentionnée dans un dossier       raît donc sur la base des éléments autres       épanchements liquidiens.
         médical précédent.                         suivants :                                    • Indice de masse corporelle < 21
     Si le prescripteur a dosé l’albuminémie        • concernant la perte de poids, les don-      • Albuminémie < 35 g/L
     et la transthyrétinémie, il est recomman-         nées anamnestiques non considérées           Il est recommandé d’interpréter le
     dé d’évoquer le diagnostic de dénutrition         par l’HAS 2003 sont habituellement re-       dosage de l’albuminémie en tenant
     sévère dans les circonstances suivantes,          tenues car elles sont souvent les seules     compte de l’état inflammatoire du ma-
     en l’absence de syndrome inflammatoire :          disponibles;                                 lade, évalué par le dosage de la protéine
     albuminémie < 20 g/L ; transthyrétinémie       • la valeur de l’IMC ≤ 17 kg/m 2 ne             C-réactive.
     < 50 mg/L.                                        correspond pas au seuil de dénutri-        • Mini-Nutritional Assessment glo-
                                                       tion proposé par l’OMS, de 18,5 kg/          bal < 17
     Plusieurs remarques peuvent être formu-           m 2 (http://apps.who.int/bmi/index.
     lées à l’égard de ces critères :                  jsp?introPage=intro_3.html). Ce            Diagnostic de la dénutrition sévère chez
     1. La borne inférieure de l’IMC normal            seuil de 18,5 kg/m 2 est par ailleurs      l’adulte de 70 ans et plus (HAS 2007).
        est 18,5. Comment classer alors des            recommandé en France chez l’adulte         • Perte de poids ≥ 10 % en 1 mois ou
        sujets ayant un IMC entre 17 (seuil            de moins de 70 ans par : le PNNS1            ≥ 15 % en 6 mois
        ANAES 2003) et 18,5 ?                          (http://www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/         • IMC < 18
     2. Si l’on ne retrouve pas trace du poids         brochure_denutrition.pdf), l’arrêté        • Albuminémie < 30 g/L.
        dans un dossier antérieur, cas hélas           du 9 novembre 2009 pour la prise
        fréquent comment fait-on ?                     en charge de la nutrition entérale         Les propositions récentes de la « Global
     3. Le dosage de l’albuminémie et de la            à domicile (http://textes.droit.org/       Leadership Initiative on Malnutrition
        transthyrétinémie apparaît facultatif,         JORF/2010/02/24/0046/0033/,) ain-          (GLIM) »
        pourquoi pas mais le caractère facul-          si que les critères de dénutrition de
        tatif n’aide pas le prescripteur ce d’au-      l’adulte de moins de 70 ans pour la        Un groupe d’expert représentant les
        tant qu’il est question « d’évoquer » et       prise en charge par l’assurance maladie    Sociétés et Fédérations de Sociétés
        non de conclure à une dénutrition sur          (JORF, 2009). Le seuil de 18,5 kg/m 2      Savantes suivantes : American Society
        la base de ce critère seul ou associé à        est également retenu dans le Traité de     for Parenteral and Enteral Nutrition
        l’IMC et/ou à la perte de poids.               Nutrition Artificielle de l’Adulte édité   (ASPEN), European Society for Clinical
     4. Les valeurs normales de l’albuminé-            par la Société Francophone Nutrition       Nutrition and Metabolism (ESPEN),
        mie si l’on se réfère au dosage par né-        Clinique et Métabolisme (2006) et          Federacion Lat inoamer icana de
        phélémétrie sont 35-50 g/L; quid des           par l’European Society of Clinical         Terapia Nutricional, Nutricion Clinica
        sujets ayant une albuminémie entre             Nutrition and Metabolism [35].             Y Metabolismo (FELANPE), Parenteral
        30 g/L (seuil HAS 2003) et 35 g/L.          • La notion d’interprétation de l’albu-       and Enteral Nutrition Society of Asia
     5. Les valeurs normales de la transthyré-         minémie en fonction de la CRP telle        (PENSA) ont publié cette année des re-
        tinémie sont 250-350 mg/L ; quid des           qu’elle figure dans les recommanda-        commandations qui se souhaitent appli-
        sujets ayant une transthyrétinémie             tions HAS 2003 est contestable car l’in-   cables au niveau mondial [36].
        entre 110 mg/L (seuil HAS 2003) et             flammation est un mécanisme majeur
        250 mg/L ?                                     de la dénutrition et l’albuminémie est     La principale nouveauté est l’association
     6. Concernant la dénutrition sévère, la           clairement un facteur pronostic.           de critères dits phénotypiques à des cri-
        notion d’IMC disparaît : pourquoi ?                                                       tères dits étiologiques
     7. Si l’albuminémie est dosée, le seuil        Diagnostic de la dénutrition chez l’adulte
        de dénutrition sévère devient 20 g/L;       de 70 an et plus (HAS 2007)                   Les experts ont retenu 5 critères :
        l’expérience clinique montre que s’il       • Perte de poids ≥ 5 % en 1 mois ou           • Perte de poids non volontaire.
        faut attendre un taux d’albuminémie           ≥ 10 % en 6 mois                            • Diminution de l’IMC.
        inférieur à 20 g/L pour évoquer la dé-        Le poids de référence est idéalement        • Réduction de la masse musculaire.
        nutrition sévère alors même que l’on          un poids mesuré antérieurement. Si          • Diminution des apports alimentaires
        n’a plus de critère d’IMC, il est peu         cette donnée n’est pas disponible, on         ou de l’absorption.
        probable que la situation soit réversible     peut se référer au poids habituel dé-       • Présence d’une maladie/inflammation.
62
                                                             MCED n°95 – Décembre 2018
CONFÉRENCE                            JNDES

                                                                                                        care in patients with terminal cancer. Am J Hosp
Les critères de diagnostic proposés asso-     réviser les critères de diagnostic de la dé-              Palliat Care 2013; 30:50-52.
cient au moins un critère phénotypique et     nutrition de l’adulte de moins de 70 ans et               7. Elia M, Smith RM. Improving Nutritional Care
au moins un critère étiologique               d’en proposer pour l’enfant.                              and Support Perspectives and Recommendations. A
                                                                                                        report from BAPEN 2009; 1-12. https://www.bapen.
                                              Ces recommandations sont en voie de                       org.uk/pdfs/improv_nut_care_report.pdf
Critères phénotypiques                        finalisation par le groupe de travail et ne               8. Norman K, Pichard C, Lochs H, Pirlich M.
• Perte de poids > 5 % dans les 6 mois        peuvent, selon les règles de la HAS, être                 Prognostic impact of disease-related malnutrition.
                                                                                                        Clin Nutr 2008; 27:5-15.
  précédents ou > 10 % au-delà des 6 mois     ne serait-ce qu’évoquées.                                 9. Nieuwenhuizen WF, Weenen H, Rigby P,
  précédents.                                 Elles seront disponibles courant 2019 après               Hetherington MM. Older adults and patients in need
                                                                                                        of nutritional support: review of current treatment
• IMC < 20 pour les moins de 70 ans et        relecture par un groupe d’experts indépen-                options and factors influencing nutritional intake.
  < 22 pour les plus de 70 ans (respecti-     dants de ceux du groupe de travail et après               Clin Nutr 2010; 29:60-69.
  vement 18,5 et 20 pour les Asiatiques).     validation par le Collège de la HAS.                      10. Wilson MM, Purushothaman R, Morley JE.
                                                                                                        Effect of liquid dietary supplements on energy in-
• Réduction de la masse musculaire quan-                                                                take in the elderly. Am J Clin Nutr 2002; 75:944-47.
  tifiée par une technique validée.           Conclusion                                                11. Gianotti L, Braga M, Nespoli L, et al. A rando-
                                                                                                        mized controlled trial of preoperative oral supple-
                                                                                                        mentation with a specialized diet in patients with
Critères étiologiques                         Nous espérons avoir convaincu les lecteurs                gastrointestinal cancer. Gastroenterology 2002;
• Diminution des apports alimentaires :       de l’importance de diagnostiquer la dénu-                 122:1763-70.
                                                                                                        12. Stratton RJ, Stubbs RJ, Elia M. Short-term conti-
  < 50 % des besoins énergétiques pendant     trition. La révision des recommandations                  nuous enteral tube feeding schedules did not suppress
  > 1 semaine, ou n’importe quel niveau       s’est avérée nécessaire du fait de l’ancien-              appetite and food intake in healthy men in a place-
                                                                                                        bo-controlled trial. J Nutr 2003; 133:2570-76.
  de réduction des apports > 2 semaines,      neté des précédentes (16 ans si l’on compte
                                                                                                        13. Cano N. Nutritional supplementation in adult pa-
  ou n’importe quelle situation digestive     une publication en 2019) et d’ajustements                 tients on hemodialysis. J Ren Nutr 2007; 17:103-105.
  affectant l’assimilation ou l’absorption.   nécessaires du fait du recul de leur utilisa-             14. Milne AC, Potter J, Vivanti A, Avenell A. Protein
• Affection ou traumatisme aigu ou ma-        tion et de l’évolution des outils d’évaluation            and energy supplementation in elderly people at risk
                                                                                                        from malnutrition. Cochrane Database Syst Rev
  ladie chronique.                            de la masse musculaire. Le diagnostic doit                2009; 15:CD003288.
                                              rester simple à réaliser non seulement par                15. Rasmussen HH, Kondrup J, Staun M, et al.
La dénutrition est classée en dénutrition     tous les professionnels de santé mais aussi               Prevalence of patients at nutritional risk in Danish
                                                                                                        hospitals. Clin Nutr 2004; 23:1009-1015.
modérée ou sévère sur la base pour cha-       par différents intervenants d’associations                16. Cederholm T, Jensen GL. To Create a Consensus
cun des 2 stades d’au moins un critère        de proximité d’aide à la population, notam-               on Malnutrition Diagnostic Criteria. JPEN J Parenter
                                                                                                        Enteral Nutr 2017; 41:311-14.
phénotypique                                  ment les travailleurs sociaux et toutes les
                                                                                                        17. Norman K, Pichard C, Lochs H, Pirlich M.
                                              Associations notamment celles intervenant                 Prognostic impact of disease-related malnutrition.
Dénutrition modérée                           auprès des populations en situation de pré-               Clin Nutr 2008; 27:5-15.
• Perte de poids > 5 % - 10 % dans les        carité ou porteurs de maladies chroniques.                18. Allison SP. Malnutrition, disease, and outcome.
                                                                                                        Nutrition 2000; 16:590-93.
  6 mois précédents ou > 10 % - 20 %                                                                    19. Hammond K. Assessment: dietary and clinical
  au-delà des 6 mois précédents.                                                                        data. In: Krause’s food and nutrition therapy, Mahan
                                                                                                        LK, Escott-Stump S, 12th edition, Saunders Elsevier,
• IMC < 20 pour les moins de 70 ans et <      J. Delarue, F. Joly, JC.Desport, E. Fontaine              St Louis (Mi USA), 2008, pp.383-410.
  22 pour les plus de 70 ans.                 jacques.delarue@univ-brest.fr
                                                                                                        20. Torun B, Chew F. Protein-energy malnutrition.
• Réduction de la masse musculaire lé-                                                                  In : Modern nutrition in Health and Disease, Shils
                                                                                                        ME, Olson JA, Shile M, Ross CA. eds, Williams &
  gère à modérée, quantifiée par une tech-    Références                                                Wilkins, Baltimore, 1999, pp.963-88.
  nique validée.                              1. Pichard C. Tracking, evaluating : 3 to 5 minutes for   21. Kinney JM. Metabolic response to starvation,
                                              fundamental clinical observation in nutritional ma-       injury and sepsis. In Artificial nutritional support in
                                              nagement. Rev Med Suisse Romande 2004; 124:599.           clinical practice. Payne-James J, Grimble G, Silk D.
Dénutrition sévère                                                                                      London, Edward Arnold, 1995, pp.1-11.
                                              2. Cano NJ, Pichard C, Roth H, et al. Clinical Research
• Perte de poids > 10 % dans les 6 mois       Group of the Société Francophone de Nutrition             22. Stratton RJ, Green CJ, Elia M. Scientific cri-
                                                                                                        teria for defining malnutrition. In: Disease-related
  précédents ou > 20 % au-delà des 6 mois     Entérale et Parentérale. C-reactive protein and body
                                                                                                        malnutrition. CAB International, Cambridge, 2003,
                                              mass index predict outcome in end-stage respiratory
  précédents.                                 failure. Chest 2004; 126:540-46.                          pp.1-34.
• IMC < 18,5 pour les moins de 70 ans et      3. Schneider SM, Hébuterne X. [Is malnutrition a risk     23. Ciliberto H, Ciliberto M, Briend A, et al.
                                                                                                        Antioxydant supplementation for the prevention
  < 20 pour les plus de 70 ans.               factor for nosocomial infections?]. Rev Med Interne
                                                                                                        of kwashiorkor in Malayian children: randomized,
                                              2006; 27:515-18.
• Réduction sévère de la masse muscu-         4. Turrentine FE, Hanks JB, Schirmer BD,
                                                                                                        double blind, placebo-control trial. Br Med J 2005
                                                                                                        ; 330 :1109.
  laire, quantifiée par une technique va-     Stukenborg GJ. The relationship between body mass
                                              index and 30-day mortality risk, by principal surgical    24. Morley JE, Thomas DR, Wilson MMG. Cachexia:
  lidée.                                      procedure. Arch Surg 2012; 147:236-42                     pathophysiology and clinical relevance. Am J Clin
                                                                                                        Nutr 2006 ; 83 :735-43.
                                              5. Guest JF, Panca M, Baeyens JP, et al. Health eco-
Les nouvelles recommandations françaises      nomic impact of managing patients following a com-        25. Alix E, Ferry M. Epidémiologie de la dénutri-
                                                                                                        tion. In : Abrégés. Nutrition de la personne âgée.
                                              munity-based diagnosis of malnutrition in the UK.
                                              Clin Nutr 2011; 30:422-29.                                Ferry M, Mischlich D, Alix E, Brocker P, Constans
La Fédération Française de Nutrition en                                                                 T, Lesourd B, Pfitzenmeyer P, Vellas B eds, 4ème
                                              6. Lim T, Nam SH, Kim MS, et al. Comparison of            édition, Elsevier Masson, Paris 2012, pp. 139-44.
partenariat avec la HAS est en train de       medical expenditure according to types of hospice

                                                                                                                                                                  63
                                                         MCED n°95 – Décembre 2018
JNDES                     CONFÉRENCE

     26. Biolo G, Cederholm T, Muscaritoli M. Muscle           pp.175-87.                                                www.has-sante.fr/portail/jcms/c_432199/fr/evalua-
     contractile and metabolic dysfunction is a common         30. Schneider SM. Dénutrition. In : Nutrition clinique    tion-diagnostique-de-la-denutrition-proteino-ener-
     feature of sarcopenia of aging and chronic diseases:      pratique. JL Schlienger, ed, Elsevier Masson, Paris.      getique-des-adultes-hospitalises
     From sarcopenic obesity to cachexia. Clin Nutr 2014       2ème édition, 2014, pp.121-39.                            34. Stratégie de prise en charge en cas de dénutri-
     ; 33 :737e-748e.                                                                                                    tion protéino-énergétique chez la personne âgée.
                                                               31. Féart C. Fragilité de la personne âgée : un aperçu
     27. Vigano AAL, Morais JA, Ciutto L, et al. Use of        du rôle de la nutrition. Cah Nutr Diet 2018 ; 53:279-     https://www.has-sante.fr/portail/jcms/c_546549/
     routinely available clinical, nutritional, and functio-   285.                                                      fr/strategie-de-prise-en-charge-en-cas-de-denutri-
     nal criteria to classify cachexia in advanced cancer                                                                tion-proteino-energetique-chez-la-personne-agee
     patients. Clin Nutr 2017; 36 :1378-90.                    32. Agence Technique de l’Information sur l’Hospita-
                                                               lisation (ATIH). Classification statistique internatio-   35. Weimann A, Braga M, Harsanyi L, et al. ESPEN
     28. Okoshi MP, Capalbo RV, Romeiro FG, Okoshi K.          nale des maladies et des problèmes de santé connexes.     Guidelines on Enteral Nutrition: Surgery including
     Cardiac Cachexia: Perspectives for Prevention and         CIM-10 FR à usage PMSI (10ème révision, France).          organ transplantation. Clin Nutr 2006; 25:224-44.
     Treatment. Arc Bras Cardiol 2017; 108 :74-80.             Volume 1 édition 2017 : p 151-2. https://www.atih.        36. Cederholm T, Jensen GL, Correia MITD, et al.
     29. Rolland Y, Vellas B. Sarcopénie : épidémiologie,      sante.fr/sites/default/files/public/content/3069/cim-     GLIM criteria for the diagnosis of malnutrition - A
     causes et conséquences. In : Traité de nutrition de       10_fr_2017.pdf                                            consensus report from the global clinical nutrition
     la personne âgée. Hébuterne H, Alix E, Raynaud-           33. Evaluation diagnostique de la dénutrition pro-        community. Clin Nutr 2018; Sep 3. [Epub ahead of
     Simon A, Vellas B, eds. SFNEP Springer, Paris, 2009,      téino-énergétique des adultes hospitalisés. https://      print].

64
                                                                          MCED n°95 – Décembre 2018
Vous pouvez aussi lire