Identification d'un TCA lors d'une perte de poids et facteurs de gravité
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JNDES ATELIER Identification d’un TCA lors d’une perte de poids et facteurs de gravité Ariane Sultan1, 2, Sébastien Guillaume3, 4 1 Département Endocrinologie, Diabète, Nutrition. CHU Montpellier 2 PhyMedExp, INSERM U1046, CNRS UMR9214, Université Montpellier 3 Département d’Urgence et Post Urgences Psychiatrique, CHU Montpellier 4 INSERM U1061, Université de Montpellier Mots clés : anorexie mentale, trouble d’alimentation sélective, trouble d’alimentation d’évitement, amaigrissement, dénutrition, évaluation, dépistage L es troubles des comportements alimen- taires (TCA) représentent un problème majeur de santé publique dans la plupart des premiers (ce sont des formes dites partielles, subsyndromiques ou classiquement appe- lées non spécifiées TCA-NS). Le dénomi- existe 2 formes d’anorexie : le type restric- tif avec uniquement des comportements de restriction et le type « purging » défini par la pays occidentaux [1]. Il s’agit de troubles nateur commun entre tous ces troubles est présence de crises de boulimie, de vomisse- multifactoriels. Sur le plan clinique, l’en- la perturbation durable des habitudes ali- ments ou la prise de diurétiques ou de laxa- semble de ces troubles se caractérise par une mentaires ou du comportement de contrôle tifs. Les autres TCA s’expriment suivant les relation perturbée à la nourriture et à l’image du poids avec deux éléments communs : la formes plutôt chez des sujets à poids normal du corps associée à des comportements ina- préoccupation pathologique pour le poids ou avec un surpoids. daptés de contrôle, ou à l’inverse de perte et/ou la forme et/ou la nourriture et le reten- Il est d’ailleurs important de distinguer la no- de contrôle vis-à-vis de la nourriture, abou- tissement qu’a ce trouble sur l’état physique, tion de trouble pondéral et la notion de TCA. tissant à une altération du fonctionnement psychologique et sur le fonctionnement du Ainsi tous les patients souffrant d’obésité ne social et de l’état physique du sujet pouvant sujet. présentent pas d’hyperphagie boulimique, aller jusqu’à la mort [2]. Le trouble restrictif le plus classique est tous les patients souffrant d’hyperphagie l’anorexie mentale (AN). Ce trouble est boulimique ne présentent pas d’obésité. De Classification des TCA caractérisé par une restriction alimentaire la même façon, si l’anorexie mentale est le volontaire conduisant à un poids bas secon- trouble le plus fréquent chez la femme jeune Dans le DSM-5, les TCA sont classés dans daire 1) à une peur intense de prendre du dénutrie, toutes les femmes jeunes dénutries les troubles des comportements alimentaires poids ou de devenir « gros » ou obèse malgré ne présentent pas d’anorexie mentale. et de l’alimentation (voir tableau 1). Par TCA, une maigreur évidente, 2) à une altération on désigne le plus souvent l’anorexie men- de la perception du poids ou de la forme de Épidémiologie des TCA tale, la boulimie nerveuse, l’hyperphagie son propre corps, 3) à une influence exces- boulimique et les autres troubles qui asso- sive du poids, de la forme corporelle ou des La prévalence des TCA en population gé- cient, à divers degrés, les symptômes des apports alimentaires sur l’estime de soi. Il nérale atteint 1-2 à 3 % dans le cas de la Tableau 1. Les troubles de l’alimentation et des conduites comportements alimentaires (Feeding et eating disorders) dans le DSM 5. Les troubles de l’alimentation Pica (consommation alimentaire persistante de substances non alimentaires, non nutritives) Les troubles de la rumination (Régurgitation répétée de nourriture non sous tendue par des préoccupations alimentaires ou corporelles) Les évitements et restrictions alimentaires (Perturbation de l’alimentation avec incapacité à subvenir aux besoins alimentaires minimaux sans préoccupation alimentaire, corporelle ou de dysmorphophobie) Les troubles des comportements alimentaires L’anorexie mentale La boulimie L’hyperphagie boulimique Les autres TCA spécifiées : • L’anorexie atypique (tous les critères de l’anorexie sauf le poids) • La boulimie infra diagnostique (fréquence des crises ou durée des troubles insuffisants) • L’hyperphagie boulimique infra diagnostique (fréquence des crises ou durée des troubles insuffisants) • Le syndrome de purge (comportement de purge sans crise de boulimie) • Le syndrome d’hyperphagie nocturne Les troubles des comportements alimentaires non spécifiés 82 MCED n°95 – Décembre 2018
ATELIER JNDES BN, 0,3 % dans celui de l’AN et 1,4 à 3 % de poids ; disciplines à faible poids formes de détresse gastro-entérologique). dans l’hyperphagie boulimique [3]. Les corporel) ; Dans tous les cas, le comportement doit troubles débutent pendant l’adolescence et • les sujets atteints de pathologies telles avoir un retentissement important sur l’état touchent la population féminine dans 90 % que le diabète de type 1, l’hypercholes- physique (retard de croissance, carence des cas pour l’anorexie et la boulimie [4]. térolémie familiale pour lesquelles sont vitaminique…), psychologique ou sur le L’anorexie mentale débute le plus souvent préconisés des conseils nutritionnels... fonctionnement de l’individu (dépendance après la puberté, avec un âge moyen de Il faut également souligner que la pression à l’alimentation par sonde ou complément début de 17 ans (on observe deux pics de culturelle avec l’omniprésence de la min- alimentaire, difficulté professionnelle liée fréquence autour de 14 ans et de 18 ans). ceur joue un rôle majeur. au trouble…). La prévalence de ces troubles Les différentes études concluent toutes à reste encore obscure mais pourrait toucher une prévalence élevée de TCA chez les Diagnostics différentiels devant une mai- jusqu’à 10 % des patients consultant pour femmes sportives. Les prévalences chez greur une suspicion de TCA avec amaigrisse- les hommes sportifs leur sont toujours ment. L’ARFID doit plus spécifiquement inférieures et souvent proches de celles En dehors de l’anorexie mentale, un certain être recherché chez les sujets jeunes, et observées chez les femmes en population nombre de diagnostics différentiels peut présentant un niveau élevé de comorbidité générale. être discuté devant un état de maigreur et/ psychiatrique. L’absence de préoccupation ou une perte de poids importante. corporelle permettra d’éliminer le TCA. Les formes partielles ou sub-syndromiques En cas de doute, la renutrition avec reprise sont 2 à 3 fois plus fréquentes et représentent Il est parfois difficile de discriminer l’ano- pondérale, sans angoisse notable liée aux environ 60 % des demandes de soins. Si rexie et le trouble d’alimentation sélective modifications corporelles, peut être utile elles peuvent sembler moins sévères en ap- et/ou d’évitement (communément appelé pour poser le diagnostic d’ARFID. Les parence, ces formes sont à l’origine d’une ARFID, pour avoidant/restrictive food in- approches thérapeutiques classiques de altération significative du fonctionnement take disorder). Ce trouble qui est apparu l’anorexie sont peu efficientes. Néanmoins, [5] et représentent un facteur de risque im- dans le DSM-5 en 2013 est principalement il est difficile de définir une prise en charge portant de TCA avéré. De plus, l’existence retrouvé chez les enfants et les adolescents optimale étant donné l’hétérogénéité et le de formes atténuées de TCA à l’adolescence mais peut se retrouver à tous les âges. Il est peu de connaissances. Dans tous les cas, il est un facteur de risque important de dé- défini comme une incapacité à satisfaire convient de proposer une prise en charge velopper des troubles physiques et psy- ses besoins nutritionnels conduisant à une nutritionnelle. La prise en charge psycho- chiques à l’âge adulte (troubles anxieux, maigreur pathologique et une dénutrition logique sera variable, adaptée aux raisons symptômes cardio-vasculaires, syndrome avec dépendance à un apport nutritionnel du blocage alimentaire (gestion de l’anxié- de fatigue chronique, douleur chronique, complémentaire (voir Thomas et al [7] ou té, thérapie comportementale ciblant des troubles dépressifs, limitation de leur ac- Mammel et al [8] pour revue). L’ARFID symptômes cibles mis en avant chez un tivité liée à une mauvaise santé, maladies n’est pas considéré comme un trouble des individu donné, thérapie d’exposition...). infectieuses, insomnie, symptômes neuro- comportements alimentaires mais comme logiques, tentative de suicide). un trouble de l’alimentation dans le sens où Pour poser le diagnostic d’anorexie men- contrairement au TCA, il n’y a pas de per- tale et le discriminer d’un ARFID, l’entre- Populations à risque d’anorexie mentale turbation de l’image corporelle et de préoc- tien portera notamment sur la recherche cupations autour des formes. Ces patients de comportements et cognitions orientant Les recommandations de la HAS de 2011 peuvent exprimer un désir d’augmenter vers des obsessions corporelles. Seront [6] recommandent un dépistage ciblé sur leur besoin de manger et de prendre du également précisés l’histoire pondérale certains groupes à risque, à savoir : poids en étant en pratique incapable de le (pourcentage de perte de poids, cinétique • les jeunes filles ; faire, les raisons en sont très variées. Pour de la perte de poids, IMC actuel et mini- • les sujets avec un IMC bas ou élevé ; certains, cela est dû à une aversion envers mal...), les comportements de restriction • les adolescents consultant pour des pré- la texture ou un dégoût lors de la consom- alimentaire (début des restrictions, type occupations pondérales, pour des dé- mation de certains aliments. D’autres de restriction, croyance erronée sur l’effet sordres gastro-intestinaux, des pro- peuvent restreindre les quantités ingérées calorique d’un aliment...), les rituels ali- blèmes psychologiques ; en raison du manque d’intérêt pour l’ali- mentaires (tendance à manger lentement, à • les jeunes filles présentant des pertur- mentation, d’autres encore peuvent éviter jouer avec la nourriture, à découper les ali- bations des cycles menstruels, et en des aliments spécifiques ou arrêter de ments en toutes petites bouchées mâchées particulier une aménorrhée ; manger entièrement à la suite d’un trau- longuement, à manger soit très chaud soit • les danseuses, les mannequins ; matisme autour des prises alimentaires très épicé, à boire abondamment, végéta- • les sportifs notamment en compétition (expérience d’étouffement avec phobie risme...), les stratégies de contrôle du poids (disciplines esthétiques ou à catégorie de déglutition, vomissements ou d’autres (comportements purgatifs associées, hy- 83 MCED n°95 – Décembre 2018
JNDES ATELIER peractivité physique...), les perturbations maladie (phase de toute-puissance), où le De plus une aménorrhée primaire ou se- du schéma corporel, les préoccupations patient ne souffre pas encore des symp- condaire en l’absence de grossesse, et des corporelles et le degré de conscience du tômes qu’il pense contrôler. vomissements provoqués, y compris chez trouble. Aux États-Unis, l’American Medical les garçons et même en cas de poids normal, Association (www.ama-assn.org) et l’Ame- doivent faire évoquer le diagnostic d’AM. Un autre diagnostic différentiel de l’AM rican Academy Family Physician (www. est la maigreur constitutionnelle, situation aafp.org) recommandent de dépister tous Certains éléments, lorsqu’ils apparaissent non pathologique. Sa prévalence reste à les ans les troubles du comportement ali- au cours de la période d’amaigrissement, définir, mais il s’agit de situation non mentaire entre 11 et 21 ans. Elles proposent sont quasi pathognomoniques : exceptionnelles chez des jeunes femmes de rechercher systématiquement : • lecture et recopiage de recettes ; à faible IMC. La maigreur constitution- • une perte de poids de 10 % ; • participation active aux achats alimen- nelle ([9] pour revue) est caractérisée par • les habitudes diététiques afin de déter- taires, décryptage des étiquettes détail- un état d’insuffisance pondérale mais sans miner une tendance au régime restrictif lant la composition d’un plat ; dénutrition associée. Malgré un très faible sans surpoids ; • volonté de cuisiner pour l’ensemble indice de masse corporelle (IMC < 17,5 kg/ • l’utilisation de stratégies de perte de de la famille, composition d’assiettes m2), ces femmes présentent des menstrua- poids (vomissements, prise de laxatifs, riches en calories pour l’entourage avec tions normales, sans les caractéristiques de diurétiques) ; a contrario pour l’adolescent une assiette cliniques typiques ni les anomalies hor- • des perturbations de l’image du corps ; exempte de toute graisse visible où le monales fréquemment observées chez • le calcul de l’IMC. contenu est éparpillé et caché, stockage les patientes souffrant d’AM. Elément On retient aussi que les symptômes sui- d’aliments ; important, il n’existe aucune des caracté- vants doivent alerter : • hyperactivité physique incessante ; ristiques psychopathologiques qui sous- • troubles psychiques avec préoccupa- • apparition ou accentuation de troubles tendent l’anorexie (préoccupation corpo- tions excessives vis-à-vis du poids, de obsessionnels avec rituels autour du relle, perturbation du schéma corporel, la nourriture ; rangement ou de la propreté ; refus alimentaire…). La recherche d’une • perturbation de l’image du corps ; • hyperinvestissement scolaire avec in- maigreur constitutionnelle repose sur • troubles des règles à type de spaniomé- satisfaction malgré de bons résultats ; l’entretien et l’examen clinique qui seront norrhée ou d’aménorrhée primaire ou • absence de plainte et réaction inappro- sans particularité. Au niveau biologique, le secondaire. priée de l’adolescent à l’annonce de la dosage de la T3 libre peut aider à orienter nécessité de reprendre du poids. le diagnostic [10]. En France, la Haute Autorité de Santé re- L’association d’un amaigrissement (ou commade dans le cadre du dépistage des d’une absence de prise de poids à une Enfin, il existe également un certain troubles des comportements alimentaires : période où celle-ci est attendue) à une ou nombre d’autres troubles psychiatriques • de poser des questions sur l’ensemble plusieurs de ces anomalies comportemen- pouvant entraîner des pertes de poids, des rythmes et des habitudes alimen- tales doit faire évoquer un TCA. Il est alors comme par exemple des épisodes dépres- taires ; recommandé de confirmer le diagnostic sifs majeurs. Dans ce contexte, la symp- • d’utiliser chez les adolescents les d’AM par la présence de chacun des critères tomatologie thymique est au premier plan courbes de poids, de taille et de cor- diagnostiques d’une des classifications in- (tristesse, anhédonie, trouble du sommeil pulence afin de rechercher des change- ternationales. voire idéation suicidaire) et les préoccu- ments rapides de couloir ; Il existe des échelles de dépistage simples et pations alimentaires et corporelles sont • chez le jeune non pubère ou en cours de sensibles qui peuvent s’avérer utiles. L’HAS en revanche absentes. Le traitement de puberté, un arrêt de la croissance statu- recommande l’échelle SCOFF (Tableau 2) l’épisode dépressif permettra de restaurer rale doit faire évoquer, entre autres, le qui repose sur 5 questions auxquelle il faut le comportement alimentaire. diagnostic d’anorexie mentale. répondre par « oui » ou « non ». La présence Dépistage de l’anorexie mentale Tableau 2. Le SCOFF. Pensez vous que vous êtes trop gros (se) alors que d’autres vous trouvent trop mince ? Une détection et un traitement précoces Avez-vous récemment perdu plus de 6 kg en 3 mois ? permettent une amélioration du pronos- tic de l’anorexie mentale, en particulier Vous inquiétiez vous d’avoir perdu le contrôle de votre alimentation ? chez les adolescents [11]. Si le diagnostic Vous faite vous vomir parce que vous vous sentez mal d’avoir trop mangé ? d’anorexie mentale est le plus souvent aisé, Diriez-vous que la nourriture domine votre vie ? l’obstacle majeur est le déni de la patholo- OUI ≥ 2 : Suspicion de TCA gie, surtout dans la première phase de la 84 MCED n°95 – Décembre 2018
ATELIER JNDES de deux « oui » suggère fortement la pré- psychiatrique. Ces critères ont été listés par se doit d’être empathique, sans jugement, sence d’un TCA. La validation de la version la HAS et sont listés dans les tableaux 3 et comprenant la souffrance et la gravité des francophone a pris l’acronyme de SCOFF-F 4. Ils doivent faire envisager une hospita- peurs attachées à l’anorexie, en particulier et a été validée en population générale lisation. la peur intense de grossir qui existe mal- comme en population clinique [12]. gré la maigreur et la perturbation impor- Prise en charge tante de la perception de l’image du corps. Examen clinique et bilan paraclinique de- Cette première consultation doit affirmer vant un amaigrissement avec suspicion La prise en charge ne sera pas détaillée le diagnostic d’anorexie mentale devant la d’anorexie dans cet article, en particulier le protocole personne (et sa famille avec son accord). Il de renutrition. Seront seulement précisés est recommandé de ne pas répondre par la Un examen clinique visant à évaluer l’état les points clés. maîtrise, d’éviter le défi et les rapports de nutritionnel et ses conséquences est indis- force. Il est également nécessaire de trouver pensable. Il doit comprendre : Les objectifs de la première consultation une alliance avec l’entourage du patient. Se • la mesure du poids, taille, IMC, percen- doivent être : rappeler que l’étiologie de l’anorexie men- tile d’IMC pour l’âge et courbe de crois- • une confirmation du diagnostic ; tale n’est pas connue, maladie complexe sance pour les enfants et adolescents; • une information sur l’anorexie mentale faisant intervenir une fragilité génétique et • l’évaluation du stade pubertaire de en tant que maladie ; des facteurs environnementaux. De ce fait, Tanner chez l’adolescent à la recherche • la mise en place d’une alliance théra- les traitements actuels sont empiriques… Il d’un retard pubertaire ; peutique. faut ensuite informer le patient sur les mo- • la température corporelle ; dalités de prise en charge, et préciser que • un examen cardio-vasculaire complet Le premier contact est crucial et détermine l’élément clé de la guérison est la reprise de à la recherche de signes d’insuffisance la prise en charge ultérieure. Le praticien poids jusqu’à un poids de santé. cardiaque et/ou de troubles du rythme Tableau 3. Évaluation paraclinique face à une dénutrition avec suspicion d’anorexie mentale incluant la mesure du pouls, de la ten- (adapté des recommandations HAS prise en charge de l’anorexie mentale). sion, et recherche d’hypotension orthos- Hémogramme tatique ; Ionogramme sanguin Calcémie, phosphorémie, 25OH-D3 • l’état cutané et des phanères, la re- Évaluation de la fonction rénale (urée, créatinine, clairance de la créatinine) cherche d’œdèmes et d’acrosyndrome Bilan Biologique Évaluation de la fonction hépatique (ALAT, ASAT, PAL et TP) • le degré d’hydratation ; Albumine, préalbumine CRP • un examen neurologique et musculaire Il n’est pas recommandé de faire un dosage de TSH sauf en cas de doute à la recherche d’un ralentissement psy- diagnostique persistant en faveur d’une hyperthyroïdie chomoteur, d’une fonte musculaire, Électrocardiogramme : recherche d’un QT long (risque de torsade de pointe), d’une tachycardie supraventriculaire ou ventriculaire, de pauses sinusales, d’une hypotonie axiale et d’une asthénie d’une bradycardie jonctionnelle, d’une onde T négative au-delà de V3 et d’une Examens complémentaires majeure avec difficulté d’accomplisse- modification du segment ST ment des mouvements habituels , Ostéodensitométrie osseuse (après 6 mois d’aménorrhée, puis tous les 2 ans en cas d’anomalies ou d’aménorrhée persistante) • un examen digestif : glandes salivaires, transit ; Tableau 4. Critères de gravité somatiques face à une dénutrition (adapté des recommandations • évaluation des ingesta. HAS prise en charge de l’anorexie mentale). Importance et vitesse de l’amaigrissement : perte de 20 % du poids en 3 mois Anamnestiques Un bilan paraclinique systématique s’im- Malaises et/ou chutes ou pertes de connaissance pose devant tout amaigrissement inex- Signes cliniques de déshydratation IMC < 14 kg/m2 pliqué et suspicion d’anorexie mentale Amyotrophie importante avec hypotonie axiale (Table 4). Cliniques Hypothermie < 35 °C Hypotension artérielle < 90/60 mmHg Le bilan peut être plus approfondi et sera Fréquence cardiaque : complété en fonction des signes d’appels • Bradycardie sinusale FC < 40/min cliniques. • Tachycardie de repos > 60/min si IMC < 13 kg/m2 Anomalies de l’ECG en dehors de la fréquence cardiaque Critères de gravité Hypoglycémie symptomatique < 0,6 g/L ou asymptomatique si < 0,3 g/L Cytolyse hépatique > 10 x N Hypokaliémie < 3 mEq/L Hypophosphorémie < 0,5 mmol/L Les critères de gravité peuvent être de 2 Paracliniques Insuffisance rénale : clairance de la créatinine < 40 mL/min types : les critères de gravité lié à l’amai- Natrémie : grissement et la dénutrition et les critères • < 125 mmol/L (potomanie, risque de convulsions) • > 150 mmol/L (déshydratation) de gravité liés aux comportements et à l’état Leucopénie < 1 000 /mm3 (ou neutrophiles < 500 /mm3) 85 MCED n°95 – Décembre 2018
JNDES ATELIER Tableau 5. Critères de gravité de l’anorexie justifiant une hospitalisation (hors critères liés à la dénutrition) (adapté des recommandations HAS prise en charge de l’anorexie mentale). Idéations obsédantes intrusives et permanentes, incapacité à contrôler les pensées obsédantes Renutrition : nécessité d’une renutrition par sonde naso-gastrique, ou autre modalité nutritionnelle non réalisable en ambulatoire Liés à l’anorexie Activité physique : exercice physique excessif et compulsif (en association avec une autre indication d’hospitalisation) Comportements de purge (vomissements, laxatifs, diurétiques) : incapacité à contrôler seul des comportements de purge intenses Tout trouble psychiatrique associé dont l’intensité justifie une hospitalisation : Dépression Abus de substances Liés aux comorbidités psychiatriques Anxiété Symptômes psychotiques Troubles obsessionnels compulsifs Tentative de suicide réalisée ou avortée Liés aux risque suicidaires Plan suicidaire précis Automutilations répétées Échec antérieur d’une prise en charge ambulatoire bien conduite Liés à la motivation Patient peu coopérant, ou coopérant uniquement dans un environnement de soins très structuré Motivation trop insuffisante, rendant impossible l’adhésion aux soins ambulatoires Prise en charge pluridisciplinaire : Remerciements 6. HAS . 2011 [Available from: http://www.anorexie- boulimieafdas.fr/images/pdf/reco_anorexie_men- Même si les troubles du comportement Nous remercions la Haute Autorité de santé tale.pdf. alimentaire appartiennent à la nosographie de nous avoir autorisés à reproduire des 7. Thomas JJ, Lawson EA, Micali N, et al. psychiatrique, l’intervention d’une équipe extraits de la recommandation de la prise Avoidant/Restrictive Food Intake Disorder: a Three-Dimensional Model of Neurobiology with multidisciplinaire est recommandée dans en charge de l’anorexie mentale. Implications for Etiology and Treatment. Curr la prise en charge de l’anorexie mentale. Psychiatry Rep 2017; 19:54. Toutes les recommandations vont dans ce A. Sultan, S. Guillaume 8. Mammel KA, Ornstein RM. Avoidant/restrictive food intake disorder: a new eating disorder diagnosis sens. a-sultan@chu-montpellier.fr in the diagnostic and statistical manual 5. Curr Opin Pediatr 2017; 29:407-13. 9. Estour B, Galusca B, Germain N. Constitutional Objectif de poids : Les objectifs de poids Références thinness and anorexia nervosa: a possible misdiagno- doivent faire partie de la prise en charge 1. Treasure J, Claudino AM, Zucker N. Eating disor- sis? Front Endocrinol (Lausanne).2014; 5:175. initiale et doivent être discutés et explicités ders. Lancet 2010; 375:583-93. 10. Estour B, Marouani N, Sigaud T, et al. Differentiating constitutional thinness from anorexia au patient. 2. Klump KL, Bulik CM, Kaye WH, et al. Academy nervosa in DSM 5 era. Psychoneuroendocrinology for eating disorders position paper: eating disorders 2017; 84:94-100. are serious mental illnesses. Int J Eat Disord 2009; En conclusion, le diagnostic d’AM doit 42:97-103. 11. Meadows GN, Palmer RL, Newball EU, Kenrick JM. Eating attitudes and disorder in young women: être envisagé face à (i) un terrain à risque, 3. Hoek HW. Review of the worldwide epidemiolo- a general practice based survey. Psychol Med 1986; gy of eating disorders. Curr Opin Psychiatry 2016; 16:351-57. (ii) des préoccupations corporelles impor- 29:336-39. 12. Garcia FD, Grigioni S, Chelali S, et al. Validation tantes, (iii) une restriction nutritionnelle 4. Hudson JI, Hiripi E, Pope HG, Jr., Kessler RC. of the French version of SCOFF questionnaire for avec amaigrissement. Le diagnostic doit The prevalence and correlates of eating disorders in screening of eating disorders among adults. World J the National Comorbidity Survey Replication. Biol Biol Psychiatry 2010; 11:888-93. être porté le plus rapidement possible car la Psychiatry 2007; 61:348-58. prise en charge précoce est un élément pro- 5. Stice E, Marti CN, Shaw H, Jaconis M. An 8-year longitudinal study of the natural history of threshold, nostique important. Enfin, il est essentiel de subthreshold, and partial eating disorders from a connaitre les critères de gravité justifiant community sample of adolescents. J Abnorm Psychol 2009; 118:587-97. d’une hospitalisation. 86 MCED n°95 – Décembre 2018
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