Identification d'un TCA lors d'une perte de poids et facteurs de gravité

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JNDES                       ATELIER

     Identification d’un TCA lors d’une perte de poids et facteurs de
     gravité
     Ariane Sultan1, 2, Sébastien Guillaume3, 4
     1
       Département Endocrinologie, Diabète, Nutrition. CHU Montpellier
     2
       PhyMedExp, INSERM U1046, CNRS UMR9214, Université Montpellier
     3
       Département d’Urgence et Post Urgences Psychiatrique, CHU Montpellier
     4
       INSERM U1061, Université de Montpellier
     Mots clés : anorexie mentale, trouble d’alimentation sélective, trouble d’alimentation d’évitement, amaigrissement,
     dénutrition, évaluation, dépistage

     L    es troubles des comportements alimen-
          taires (TCA) représentent un problème
     majeur de santé publique dans la plupart des
                                                                  premiers (ce sont des formes dites partielles,
                                                                  subsyndromiques ou classiquement appe-
                                                                  lées non spécifiées TCA-NS). Le dénomi-
                                                                                                                              existe 2 formes d’anorexie : le type restric-
                                                                                                                              tif avec uniquement des comportements de
                                                                                                                              restriction et le type « purging » défini par la
     pays occidentaux [1]. Il s’agit de troubles                  nateur commun entre tous ces troubles est                   présence de crises de boulimie, de vomisse-
     multifactoriels. Sur le plan clinique, l’en-                 la perturbation durable des habitudes ali-                  ments ou la prise de diurétiques ou de laxa-
     semble de ces troubles se caractérise par une                mentaires ou du comportement de contrôle                    tifs. Les autres TCA s’expriment suivant les
     relation perturbée à la nourriture et à l’image              du poids avec deux éléments communs : la                    formes plutôt chez des sujets à poids normal
     du corps associée à des comportements ina-                   préoccupation pathologique pour le poids                    ou avec un surpoids.
     daptés de contrôle, ou à l’inverse de perte                  et/ou la forme et/ou la nourriture et le reten-             Il est d’ailleurs important de distinguer la no-
     de contrôle vis-à-vis de la nourriture, abou-                tissement qu’a ce trouble sur l’état physique,              tion de trouble pondéral et la notion de TCA.
     tissant à une altération du fonctionnement                   psychologique et sur le fonctionnement du                   Ainsi tous les patients souffrant d’obésité ne
     social et de l’état physique du sujet pouvant                sujet.                                                      présentent pas d’hyperphagie boulimique,
     aller jusqu’à la mort [2].                                   Le trouble restrictif le plus classique est                 tous les patients souffrant d’hyperphagie
                                                                  l’anorexie mentale (AN). Ce trouble est                     boulimique ne présentent pas d’obésité. De
     Classification des TCA                                       caractérisé par une restriction alimentaire                 la même façon, si l’anorexie mentale est le
                                                                  volontaire conduisant à un poids bas secon-                 trouble le plus fréquent chez la femme jeune
     Dans le DSM-5, les TCA sont classés dans                     daire 1) à une peur intense de prendre du                   dénutrie, toutes les femmes jeunes dénutries
     les troubles des comportements alimentaires                  poids ou de devenir « gros » ou obèse malgré                ne présentent pas d’anorexie mentale.
     et de l’alimentation (voir tableau 1). Par TCA,              une maigreur évidente, 2) à une altération
     on désigne le plus souvent l’anorexie men-                   de la perception du poids ou de la forme de                 Épidémiologie des TCA
     tale, la boulimie nerveuse, l’hyperphagie                    son propre corps, 3) à une influence exces-
     boulimique et les autres troubles qui asso-                  sive du poids, de la forme corporelle ou des                La prévalence des TCA en population gé-
     cient, à divers degrés, les symptômes des                    apports alimentaires sur l’estime de soi. Il                nérale atteint 1-2 à 3 % dans le cas de la

         Tableau 1. Les troubles de l’alimentation et des conduites comportements alimentaires (Feeding et eating disorders) dans le DSM 5.

         Les troubles de l’alimentation

         Pica (consommation alimentaire persistante de substances non alimentaires, non nutritives)
         Les troubles de la rumination (Régurgitation répétée de nourriture non sous tendue par des préoccupations alimentaires ou corporelles)
         Les évitements et restrictions alimentaires (Perturbation de l’alimentation avec incapacité à subvenir aux besoins alimentaires minimaux sans préoccupation alimentaire,
         corporelle ou de dysmorphophobie)

         Les troubles des comportements alimentaires

         L’anorexie mentale
         La boulimie
         L’hyperphagie boulimique
         Les autres TCA spécifiées :
         • L’anorexie atypique (tous les critères de l’anorexie sauf le poids)
         • La boulimie infra diagnostique (fréquence des crises ou durée des troubles insuffisants)
         • L’hyperphagie boulimique infra diagnostique (fréquence des crises ou durée des troubles insuffisants)
         • Le syndrome de purge (comportement de purge sans crise de boulimie)
         • Le syndrome d’hyperphagie nocturne
         Les troubles des comportements alimentaires non spécifiés

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BN, 0,3 % dans celui de l’AN et 1,4 à 3 %             de poids ; disciplines à faible poids        formes de détresse gastro-entérologique).
dans l’hyperphagie boulimique [3]. Les                corporel) ;                                  Dans tous les cas, le comportement doit
troubles débutent pendant l’adolescence et        • les sujets atteints de pathologies telles      avoir un retentissement important sur l’état
touchent la population féminine dans 90 %             que le diabète de type 1, l’hypercholes-     physique (retard de croissance, carence
des cas pour l’anorexie et la boulimie [4].           térolémie familiale pour lesquelles sont     vitaminique…), psychologique ou sur le
L’anorexie mentale débute le plus souvent             préconisés des conseils nutritionnels...     fonctionnement de l’individu (dépendance
après la puberté, avec un âge moyen de            Il faut également souligner que la pression      à l’alimentation par sonde ou complément
début de 17 ans (on observe deux pics de          culturelle avec l’omniprésence de la min-        alimentaire, difficulté professionnelle liée
fréquence autour de 14 ans et de 18 ans).         ceur joue un rôle majeur.                        au trouble…). La prévalence de ces troubles
Les différentes études concluent toutes à                                                          reste encore obscure mais pourrait toucher
une prévalence élevée de TCA chez les             Diagnostics différentiels devant une mai-        jusqu’à 10 % des patients consultant pour
femmes sportives. Les prévalences chez            greur                                            une suspicion de TCA avec amaigrisse-
les hommes sportifs leur sont toujours                                                             ment. L’ARFID doit plus spécifiquement
inférieures et souvent proches de celles          En dehors de l’anorexie mentale, un certain      être recherché chez les sujets jeunes, et
observées chez les femmes en population           nombre de diagnostics différentiels peut         présentant un niveau élevé de comorbidité
générale.                                         être discuté devant un état de maigreur et/      psychiatrique. L’absence de préoccupation
                                                  ou une perte de poids importante.                corporelle permettra d’éliminer le TCA.
Les formes partielles ou sub-syndromiques                                                          En cas de doute, la renutrition avec reprise
sont 2 à 3 fois plus fréquentes et représentent   Il est parfois difficile de discriminer l’ano-   pondérale, sans angoisse notable liée aux
environ 60 % des demandes de soins. Si            rexie et le trouble d’alimentation sélective     modifications corporelles, peut être utile
elles peuvent sembler moins sévères en ap-        et/ou d’évitement (communément appelé            pour poser le diagnostic d’ARFID. Les
parence, ces formes sont à l’origine d’une        ARFID, pour avoidant/restrictive food in-        approches thérapeutiques classiques de
altération significative du fonctionnement        take disorder). Ce trouble qui est apparu        l’anorexie sont peu efficientes. Néanmoins,
[5] et représentent un facteur de risque im-      dans le DSM-5 en 2013 est principalement         il est difficile de définir une prise en charge
portant de TCA avéré. De plus, l’existence        retrouvé chez les enfants et les adolescents     optimale étant donné l’hétérogénéité et le
de formes atténuées de TCA à l’adolescence        mais peut se retrouver à tous les âges. Il est   peu de connaissances. Dans tous les cas, il
est un facteur de risque important de dé-         défini comme une incapacité à satisfaire         convient de proposer une prise en charge
velopper des troubles physiques et psy-           ses besoins nutritionnels conduisant à une       nutritionnelle. La prise en charge psycho-
chiques à l’âge adulte (troubles anxieux,         maigreur pathologique et une dénutrition         logique sera variable, adaptée aux raisons
symptômes cardio-vasculaires, syndrome            avec dépendance à un apport nutritionnel         du blocage alimentaire (gestion de l’anxié-
de fatigue chronique, douleur chronique,          complémentaire (voir Thomas et al [7] ou         té, thérapie comportementale ciblant des
troubles dépressifs, limitation de leur ac-       Mammel et al [8] pour revue). L’ARFID            symptômes cibles mis en avant chez un
tivité liée à une mauvaise santé, maladies        n’est pas considéré comme un trouble des         individu donné, thérapie d’exposition...).
infectieuses, insomnie, symptômes neuro-          comportements alimentaires mais comme
logiques, tentative de suicide).                  un trouble de l’alimentation dans le sens où     Pour poser le diagnostic d’anorexie men-
                                                  contrairement au TCA, il n’y a pas de per-       tale et le discriminer d’un ARFID, l’entre-
Populations à risque d’anorexie mentale           turbation de l’image corporelle et de préoc-     tien portera notamment sur la recherche
                                                  cupations autour des formes. Ces patients        de comportements et cognitions orientant
Les recommandations de la HAS de 2011             peuvent exprimer un désir d’augmenter            vers des obsessions corporelles. Seront
[6] recommandent un dépistage ciblé sur           leur besoin de manger et de prendre du           également précisés l’histoire pondérale
certains groupes à risque, à savoir :             poids en étant en pratique incapable de le       (pourcentage de perte de poids, cinétique
• les jeunes filles ;                             faire, les raisons en sont très variées. Pour    de la perte de poids, IMC actuel et mini-
• les sujets avec un IMC bas ou élevé ;           certains, cela est dû à une aversion envers      mal...), les comportements de restriction
• les adolescents consultant pour des pré-        la texture ou un dégoût lors de la consom-       alimentaire (début des restrictions, type
   occupations pondérales, pour des dé-           mation de certains aliments. D’autres            de restriction, croyance erronée sur l’effet
   sordres gastro-intestinaux, des pro-           peuvent restreindre les quantités ingérées       calorique d’un aliment...), les rituels ali-
   blèmes psychologiques ;                        en raison du manque d’intérêt pour l’ali-        mentaires (tendance à manger lentement, à
• les jeunes filles présentant des pertur-        mentation, d’autres encore peuvent éviter        jouer avec la nourriture, à découper les ali-
   bations des cycles menstruels, et en           des aliments spécifiques ou arrêter de           ments en toutes petites bouchées mâchées
   particulier une aménorrhée ;                   manger entièrement à la suite d’un trau-         longuement, à manger soit très chaud soit
• les danseuses, les mannequins ;                 matisme autour des prises alimentaires           très épicé, à boire abondamment, végéta-
• les sportifs notamment en compétition           (expérience d’étouffement avec phobie            risme...), les stratégies de contrôle du poids
   (disciplines esthétiques ou à catégorie        de déglutition, vomissements ou d’autres         (comportements purgatifs associées, hy-
                                                                                                                                                     83
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     peractivité physique...), les perturbations    maladie (phase de toute-puissance), où le                  De plus une aménorrhée primaire ou se-
     du schéma corporel, les préoccupations         patient ne souffre pas encore des symp-                    condaire en l’absence de grossesse, et des
     corporelles et le degré de conscience du       tômes qu’il pense contrôler.                               vomissements provoqués, y compris chez
     trouble.                                       Aux États-Unis, l’American Medical                         les garçons et même en cas de poids normal,
                                                    Association (www.ama-assn.org) et l’Ame-                   doivent faire évoquer le diagnostic d’AM.
     Un autre diagnostic différentiel de l’AM       rican Academy Family Physician (www.
     est la maigreur constitutionnelle, situation   aafp.org) recommandent de dépister tous                    Certains éléments, lorsqu’ils apparaissent
     non pathologique. Sa prévalence reste à        les ans les troubles du comportement ali-                  au cours de la période d’amaigrissement,
     définir, mais il s’agit de situation non       mentaire entre 11 et 21 ans. Elles proposent               sont quasi pathognomoniques :
     exceptionnelles chez des jeunes femmes         de rechercher systématiquement :                           • lecture et recopiage de recettes ;
     à faible IMC. La maigreur constitution-        • une perte de poids de 10 % ;                             • participation active aux achats alimen-
     nelle ([9] pour revue) est caractérisée par    • les habitudes diététiques afin de déter-                     taires, décryptage des étiquettes détail-
     un état d’insuffisance pondérale mais sans        miner une tendance au régime restrictif                     lant la composition d’un plat ;
     dénutrition associée. Malgré un très faible       sans surpoids ;                                         • volonté de cuisiner pour l’ensemble
     indice de masse corporelle (IMC < 17,5 kg/     • l’utilisation de stratégies de perte de                      de la famille, composition d’assiettes
     m2), ces femmes présentent des menstrua-          poids (vomissements, prise de laxatifs,                     riches en calories pour l’entourage avec
     tions normales, sans les caractéristiques         de diurétiques) ;                                           a contrario pour l’adolescent une assiette
     cliniques typiques ni les anomalies hor-       • des perturbations de l’image du corps ;                      exempte de toute graisse visible où le
     monales fréquemment observées chez             • le calcul de l’IMC.                                          contenu est éparpillé et caché, stockage
     les patientes souffrant d’AM. Elément           On retient aussi que les symptômes sui-                       d’aliments ;
     important, il n’existe aucune des caracté-     vants doivent alerter :                                    • hyperactivité physique incessante ;
     ristiques psychopathologiques qui sous-        • troubles psychiques avec préoccupa-                      • apparition ou accentuation de troubles
     tendent l’anorexie (préoccupation corpo-          tions excessives vis-à-vis du poids, de                     obsessionnels avec rituels autour du
     relle, perturbation du schéma corporel,           la nourriture ;                                             rangement ou de la propreté ;
     refus alimentaire…). La recherche d’une        • perturbation de l’image du corps ;                       • hyperinvestissement scolaire avec in-
     maigreur constitutionnelle repose sur          • troubles des règles à type de spaniomé-                      satisfaction malgré de bons résultats ;
     l’entretien et l’examen clinique qui seront       norrhée ou d’aménorrhée primaire ou                     • absence de plainte et réaction inappro-
     sans particularité. Au niveau biologique, le      secondaire.                                                 priée de l’adolescent à l’annonce de la
     dosage de la T3 libre peut aider à orienter                                                                   nécessité de reprendre du poids.
     le diagnostic [10].                            En France, la Haute Autorité de Santé re-                  L’association d’un amaigrissement (ou
                                                    commade dans le cadre du dépistage des                     d’une absence de prise de poids à une
     Enfin, il existe également un certain          troubles des comportements alimentaires :                  période où celle-ci est attendue) à une ou
     nombre d’autres troubles psychiatriques        • de poser des questions sur l’ensemble                    plusieurs de ces anomalies comportemen-
     pouvant entraîner des pertes de poids,            des rythmes et des habitudes alimen-                    tales doit faire évoquer un TCA. Il est alors
     comme par exemple des épisodes dépres-            taires ;                                                recommandé de confirmer le diagnostic
     sifs majeurs. Dans ce contexte, la symp-       • d’utiliser chez les adolescents les                      d’AM par la présence de chacun des critères
     tomatologie thymique est au premier plan          courbes de poids, de taille et de cor-                  diagnostiques d’une des classifications in-
     (tristesse, anhédonie, trouble du sommeil         pulence afin de rechercher des change-                  ternationales.
     voire idéation suicidaire) et les préoccu-        ments rapides de couloir ;                              Il existe des échelles de dépistage simples et
     pations alimentaires et corporelles sont       • chez le jeune non pubère ou en cours de                  sensibles qui peuvent s’avérer utiles. L’HAS
     en revanche absentes. Le traitement de            puberté, un arrêt de la croissance statu-               recommande l’échelle SCOFF (Tableau 2)
     l’épisode dépressif permettra de restaurer        rale doit faire évoquer, entre autres, le               qui repose sur 5 questions auxquelle il faut
     le comportement alimentaire.                      diagnostic d’anorexie mentale.                          répondre par « oui » ou « non ». La présence

     Dépistage de l’anorexie mentale                 Tableau 2. Le SCOFF.
                                                     Pensez vous que vous êtes trop gros (se) alors que d’autres vous trouvent trop mince ?
     Une détection et un traitement précoces
                                                     Avez-vous récemment perdu plus de 6 kg en 3 mois ?
     permettent une amélioration du pronos-
     tic de l’anorexie mentale, en particulier       Vous inquiétiez vous d’avoir perdu le contrôle de votre alimentation ?

     chez les adolescents [11]. Si le diagnostic     Vous faite vous vomir parce que vous vous sentez mal d’avoir trop mangé ?
     d’anorexie mentale est le plus souvent aisé,    Diriez-vous que la nourriture domine votre vie ?
     l’obstacle majeur est le déni de la patholo-
                                                                                                OUI ≥ 2 : Suspicion de TCA
     gie, surtout dans la première phase de la
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ATELIER                       JNDES

de deux « oui » suggère fortement la pré-       psychiatrique. Ces critères ont été listés par           se doit d’être empathique, sans jugement,
sence d’un TCA. La validation de la version     la HAS et sont listés dans les tableaux 3 et             comprenant la souffrance et la gravité des
francophone a pris l’acronyme de SCOFF-F        4. Ils doivent faire envisager une hospita-              peurs attachées à l’anorexie, en particulier
et a été validée en population générale         lisation.                                                la peur intense de grossir qui existe mal-
comme en population clinique [12].                                                                       gré la maigreur et la perturbation impor-
                                                Prise en charge                                          tante de la perception de l’image du corps.
Examen clinique et bilan paraclinique de-                                                                Cette première consultation doit affirmer
vant un amaigrissement avec suspicion           La prise en charge ne sera pas détaillée                 le diagnostic d’anorexie mentale devant la
d’anorexie                                      dans cet article, en particulier le protocole            personne (et sa famille avec son accord). Il
                                                de renutrition. Seront seulement précisés                est recommandé de ne pas répondre par la
Un examen clinique visant à évaluer l’état      les points clés.                                         maîtrise, d’éviter le défi et les rapports de
nutritionnel et ses conséquences est indis-                                                              force. Il est également nécessaire de trouver
pensable. Il doit comprendre :                  Les objectifs de la première consultation                une alliance avec l’entourage du patient. Se
• la mesure du poids, taille, IMC, percen-      doivent être :                                           rappeler que l’étiologie de l’anorexie men-
   tile d’IMC pour l’âge et courbe de crois-    • une confirmation du diagnostic ;                       tale n’est pas connue, maladie complexe
   sance pour les enfants et adolescents;       • une information sur l’anorexie mentale                 faisant intervenir une fragilité génétique et
• l’évaluation du stade pubertaire de              en tant que maladie ;                                 des facteurs environnementaux. De ce fait,
   Tanner chez l’adolescent à la recherche      • la mise en place d’une alliance théra-                 les traitements actuels sont empiriques… Il
   d’un retard pubertaire ;                        peutique.                                             faut ensuite informer le patient sur les mo-
• la température corporelle ;                                                                            dalités de prise en charge, et préciser que
• un examen cardio-vasculaire complet           Le premier contact est crucial et détermine              l’élément clé de la guérison est la reprise de
   à la recherche de signes d’insuffisance      la prise en charge ultérieure. Le praticien              poids jusqu’à un poids de santé.
   cardiaque et/ou de troubles du rythme         Tableau 3. Évaluation paraclinique face à une dénutrition avec suspicion d’anorexie mentale
   incluant la mesure du pouls, de la ten-       (adapté des recommandations HAS prise en charge de l’anorexie mentale).
   sion, et recherche d’hypotension orthos-                                   Hémogramme
   tatique ;                                                                  Ionogramme sanguin
                                                                              Calcémie, phosphorémie, 25OH-D3
• l’état cutané et des phanères, la re-                                       Évaluation de la fonction rénale (urée, créatinine, clairance de la créatinine)
   cherche d’œdèmes et d’acrosyndrome            Bilan Biologique             Évaluation de la fonction hépatique (ALAT, ASAT, PAL et TP)
• le degré d’hydratation ;                                                    Albumine, préalbumine
                                                                              CRP
• un examen neurologique et musculaire                                        Il n’est pas recommandé de faire un dosage de TSH sauf en cas de doute
   à la recherche d’un ralentissement psy-                                    diagnostique persistant en faveur d’une hyperthyroïdie

   chomoteur, d’une fonte musculaire,                                         Électrocardiogramme : recherche d’un QT long (risque de torsade de pointe),
                                                                              d’une tachycardie supraventriculaire ou ventriculaire, de pauses sinusales,
   d’une hypotonie axiale et d’une asthénie                                   d’une bradycardie jonctionnelle, d’une onde T négative au-delà de V3 et d’une
                                                 Examens complémentaires
   majeure avec difficulté d’accomplisse-                                     modification du segment ST
   ment des mouvements habituels ,                                            Ostéodensitométrie osseuse (après 6 mois d’aménorrhée, puis tous les 2 ans en
                                                                              cas d’anomalies ou d’aménorrhée persistante)
• un examen digestif : glandes salivaires,
   transit ;                                     Tableau 4. Critères de gravité somatiques face à une dénutrition (adapté des recommandations
• évaluation des ingesta.                        HAS prise en charge de l’anorexie mentale).
                                                                              Importance et vitesse de l’amaigrissement : perte de 20 % du poids en 3 mois
                                                 Anamnestiques
Un bilan paraclinique systématique s’im-                                      Malaises et/ou chutes ou pertes de connaissance

pose devant tout amaigrissement inex-                                         Signes cliniques de déshydratation
                                                                              IMC < 14 kg/m2
pliqué et suspicion d’anorexie mentale                                        Amyotrophie importante avec hypotonie axiale
(Table 4).                                       Cliniques
                                                                              Hypothermie < 35 °C
                                                                              Hypotension artérielle < 90/60 mmHg
Le bilan peut être plus approfondi et sera                                    Fréquence cardiaque :
complété en fonction des signes d’appels                                      • Bradycardie sinusale FC < 40/min
cliniques.                                                                    • Tachycardie de repos > 60/min si IMC < 13 kg/m2
                                                                              Anomalies de l’ECG en dehors de la fréquence cardiaque
Critères de gravité
                                                                              Hypoglycémie symptomatique < 0,6 g/L ou asymptomatique si < 0,3 g/L
                                                                              Cytolyse hépatique > 10 x N
                                                                              Hypokaliémie < 3 mEq/L
                                                                              Hypophosphorémie < 0,5 mmol/L
Les critères de gravité peuvent être de 2        Paracliniques
                                                                              Insuffisance rénale : clairance de la créatinine < 40 mL/min
types : les critères de gravité lié à l’amai-                                 Natrémie :
grissement et la dénutrition et les critères                                  • < 125 mmol/L (potomanie, risque de convulsions)
                                                                              • > 150 mmol/L (déshydratation)
de gravité liés aux comportements et à l’état                                 Leucopénie < 1 000 /mm3 (ou neutrophiles < 500 /mm3)

                                                                                                                                                                85
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JNDES                    ATELIER

      Tableau 5. Critères de gravité de l’anorexie justifiant une hospitalisation (hors critères liés à la dénutrition) (adapté des recommandations HAS prise en
      charge de l’anorexie mentale).
                                             Idéations obsédantes intrusives et permanentes, incapacité à contrôler les pensées obsédantes
                                             Renutrition : nécessité d’une renutrition par sonde naso-gastrique, ou autre modalité nutritionnelle non réalisable en ambulatoire
      Liés à l’anorexie
                                             Activité physique : exercice physique excessif et compulsif (en association avec une autre indication d’hospitalisation)
                                             Comportements de purge (vomissements, laxatifs, diurétiques) : incapacité à contrôler seul des comportements de purge intenses
                                             Tout trouble psychiatrique associé dont l’intensité justifie une hospitalisation :
                                             Dépression
                                             Abus de substances
      Liés aux comorbidités psychiatriques
                                             Anxiété
                                             Symptômes psychotiques
                                             Troubles obsessionnels compulsifs
                                             Tentative de suicide réalisée ou avortée
      Liés aux risque suicidaires            Plan suicidaire précis
                                             Automutilations répétées
                                             Échec antérieur d’une prise en charge ambulatoire bien conduite
      Liés à la motivation                   Patient peu coopérant, ou coopérant uniquement dans un environnement de soins très structuré
                                             Motivation trop insuffisante, rendant impossible l’adhésion aux soins ambulatoires

     Prise en charge pluridisciplinaire :                     Remerciements                                                  6. HAS . 2011 [Available from: http://www.anorexie-
                                                                                                                             boulimieafdas.fr/images/pdf/reco_anorexie_men-
     Même si les troubles du comportement                     Nous remercions la Haute Autorité de santé                     tale.pdf.
     alimentaire appartiennent à la nosographie               de nous avoir autorisés à reproduire des                       7. Thomas JJ, Lawson EA, Micali N, et al.
     psychiatrique, l’intervention d’une équipe               extraits de la recommandation de la prise                      Avoidant/Restrictive Food Intake Disorder: a
                                                                                                                             Three-Dimensional Model of Neurobiology with
     multidisciplinaire est recommandée dans                  en charge de l’anorexie mentale.                               Implications for Etiology and Treatment. Curr
     la prise en charge de l’anorexie mentale.                                                                               Psychiatry Rep 2017; 19:54.
     Toutes les recommandations vont dans ce                  A. Sultan, S. Guillaume                                        8. Mammel KA, Ornstein RM. Avoidant/restrictive
                                                                                                                             food intake disorder: a new eating disorder diagnosis
     sens.                                                    a-sultan@chu-montpellier.fr                                    in the diagnostic and statistical manual 5. Curr Opin
                                                                                                                             Pediatr 2017; 29:407-13.
                                                                                                                             9. Estour B, Galusca B, Germain N. Constitutional
     Objectif de poids : Les objectifs de poids               Références                                                     thinness and anorexia nervosa: a possible misdiagno-
     doivent faire partie de la prise en charge               1. Treasure J, Claudino AM, Zucker N. Eating disor-
                                                                                                                             sis? Front Endocrinol (Lausanne).2014; 5:175.
     initiale et doivent être discutés et explicités          ders. Lancet 2010; 375:583-93.                                 10. Estour B, Marouani N, Sigaud T, et al.
                                                                                                                             Differentiating constitutional thinness from anorexia
     au patient.                                              2. Klump KL, Bulik CM, Kaye WH, et al. Academy                 nervosa in DSM 5 era. Psychoneuroendocrinology
                                                              for eating disorders position paper: eating disorders          2017; 84:94-100.
                                                              are serious mental illnesses. Int J Eat Disord 2009;
     En conclusion, le diagnostic d’AM doit                   42:97-103.                                                     11. Meadows GN, Palmer RL, Newball EU, Kenrick
                                                                                                                             JM. Eating attitudes and disorder in young women:
     être envisagé face à (i) un terrain à risque,            3. Hoek HW. Review of the worldwide epidemiolo-                a general practice based survey. Psychol Med 1986;
                                                              gy of eating disorders. Curr Opin Psychiatry 2016;             16:351-57.
     (ii) des préoccupations corporelles impor-               29:336-39.
                                                                                                                             12. Garcia FD, Grigioni S, Chelali S, et al. Validation
     tantes, (iii) une restriction nutritionnelle             4. Hudson JI, Hiripi E, Pope HG, Jr., Kessler RC.              of the French version of SCOFF questionnaire for
     avec amaigrissement. Le diagnostic doit                  The prevalence and correlates of eating disorders in           screening of eating disorders among adults. World J
                                                              the National Comorbidity Survey Replication. Biol              Biol Psychiatry 2010; 11:888-93.
     être porté le plus rapidement possible car la            Psychiatry 2007; 61:348-58.
     prise en charge précoce est un élément pro-              5. Stice E, Marti CN, Shaw H, Jaconis M. An 8-year
                                                              longitudinal study of the natural history of threshold,
     nostique important. Enfin, il est essentiel de           subthreshold, and partial eating disorders from a
     connaitre les critères de gravité justifiant             community sample of adolescents. J Abnorm Psychol
                                                              2009; 118:587-97.
     d’une hospitalisation.

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