LES NOUVEAUX MÉDIAS DANS LES TRANSFORMATIONS POLITIQUES DE LA MALAYSIA
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MEP_Hermes55.fm Page 107 Vendredi, 4. décembre 2009 9:04 09 Elina Noor International Multilateral Partnership Against Cyber Threats Cyberjaya, Malaysia LES NOUVEAUX MÉDIAS DANS LES TRANSFORMATIONS POLITIQUES DE LA MALAYSIA traduit de l’anglais par Aurore Merle Les Malaisiens s’attendaient à un orage politique Cet article propose d’examiner l’influence des nou- pour leur douzième élection générale, alors que la veaux médias (englobant Internet, SMS et emails) sur les télévision – le plus achevé des « anciens médias » – pré- résultats de la douzième élection générale de la fédération sentait pour la première fois des débats politiques à de Malaysia en 2008. Il s’interroge en particulier sur le l’américaine, et que les « nouveaux médias » venaient rôle joué par ces nouveaux médias dans l’intensification scandaliser politiciens et institutions sur YouTube et d’un profond ressentiment chez les électeurs. Il compare divers blogs. Même le gouvernement en place anticipait ensuite – du point de vue de la capacité à atteindre les des problèmes lors de son défilé (Beh, 2008). Pourtant, électeurs – l’exploitation des anciens médias par le BN et personne ne s’attendait à une telle tempête. la stratégie d’utilisation des nouveaux médias par l’oppo- Le 8 mars 2008, la coalition au pouvoir, le Barisan sition. Il analyse enfin les implications de la technologie Nasional (BN – Front National), perdit, pour la première dans le processus démocratique, alors que le pays prévoit fois depuis 1969, sa majorité parlementaire des deux tiers, quatre millions de nouveaux électeurs lors de la pro- ainsi que cinq États, au profit de l’opposition. Ce résultat, chaine élection générale prévue en 2013. qualifié localement de « tsunami politique », fut attribué entre autres, à la montée des nouveaux médias. HERMÈS 55, 2009 107
MEP_Hermes55.fm Page 108 Vendredi, 4. décembre 2009 9:04 09 Elina Noor Les nouveaux médias durant tion, Wee Choo Keong, avec une mince majorité de 150 voix (The Star, 10 mars 2008). Durant l’enquête de la douzième élection générale la Commission, Wee avait été l’avocat du frère de Lin- En septembre 2007, l’ancien vice-Premier ministre gam, V. Thirunama Karasu, celui-ci fournissant des et chef de l’opposition, Anwar Ibrahim, mit en ligne une preuves contre Lingam qui révélaient la relation étroite vidéo explosive de huit minutes et demie qui mettait en de ce dernier avec un autre (et plus ancien) Juge en cause les plus hauts niveaux des institutions judiciaires et chef. gouvernementales. Cette dénonciation apparut sur son En réalité, ce ressentiment contre la corruption, le site Internet, ainsi que sur le portail populaire d’informa- copinage, ainsi que l’absence de transparence et d’obli- tion en ligne, Malaysiakini (« Malaysia actuelle »), qui gation de rendre des comptes au sein du gouvernement renvoyait à la vidéo sur YouTube et en publiait la trans- s’était développé bien avant 2008. La victoire massive cription (Malaysiakini, 24 septembre 2007)1. du BN lors de l’élection générale de 2004 peut ainsi Cette vidéo de mauvaise qualité, enregistrée sur un s’expliquer par la grande lassitude des Malaisiens à téléphone portable en 2002, saisit une conversation télé- l’égard d’une longue période marquée par le big busi- phonique entre un avocat chevronné apparemment ness, le big power et le big government. Après vingt-deux doté de bonnes relations, V. K. Lingam, et le Juge en années de règne de Mahatir Mohamed, le changement chef de la Malaya, Ahmad Fairuz Abdul Halim2. Lin- de personnalité incarné par Abdullah Ahmad Badawi, gam est vu et entendu en train de discuter des processus ainsi que les promesses de ce dernier en faveur d’une de nomination des plus hauts magistrats, y compris de la bonne gouvernance et d’une priorité donnée à l’écono- promotion d’Ahmad Fairuz au poste de Juge en chef, mie furent bien accueillis par l’électorat. Sous la direc- promotion qui aura effectivement lieu en 2003. Étaient tion d’Abdullah, le BN surfa sur cette vague, obtenant également incriminés un magnat des affaires, Vincent de manière impressionnante 198 sièges parlementaires Tan, et l’ancien vice-ministre Tengku Adnan Tengku sur 219 et 453 sièges fédéraux sur 567 (The Star, 10 mars Mansor. Tous deux étaient considérés comme proches 2008). Ce fut, selon les propres mots d’Abdullah, « un du Premier ministre de l’époque, Mahathir Mohamed. moment exceptionnel… un moment de changement, un Cette vidéo sur Lingam indigna la nation et vint moment de grande espérance » (Beh, 2008). Mais, confirmer les suspicions entretenues de longue date l’ouverture démocratique apparue au début de l’admi- par de nombreux Malaisiens sur la collusion entre nistration Abdullah se conjuguant avec les nouvelles pouvoirs politique et judiciaire3. En 2008, les électeurs technologies, les questions de gouvernance du passé manifestèrent leur rejet dans les sondages, l’inscrivi- revinrent hanter de plus belle le BN à l’approche de rent sur le bulletin de vote et le déposèrent dans l’urne. 2008. Ils élurent comme député au Parlement la personne De manière ironique, alors même que l’administra- qui avait enregistré la vidéo, Loh Gwo Burne, qui figu- tion Abdullah avait accordé aux anciens médias une plus rait sur la liste de l’opposition en dépit de son manque grande liberté d’investigation, cette politique de transpa- complet d’expérience politique (The Star, 10 mars rence se retourna finalement contre elle durant les élec- 2008). Loh gagna avec une majorité très honorable tions. L’impact des reportages de journaux sur des cas de d’un peu plus de 5 000 voix. Les électeurs élurent éga- corruption et d’abus de pouvoir fut décuplé sur les blogs lement au Parlement un autre candidat de l’opposi- et les forums en ligne, un nombre plus important de 108 HERMÈS 55, 2009
MEP_Hermes55.fm Page 109 Vendredi, 4. décembre 2009 9:04 09 Les nouveaux médias dans les transformations politiques de la Malaysia Malaisiens ordinaires commentant les informations, et fondé en 1999 par deux personnes qui travaillaient dans donnant leurs avis et sentiments. Cela favorisa, encore les médias mais ne pouvaient obtenir de licence de plus rapidement et efficacement qu’aucune page de publication. De quatre, l’équipe éditoriale grossit « courrier des lecteurs », la participation démocratique jusqu’à vingt-cinq aujourd’hui, les employés et contri- d’un plus grand nombre de citoyens. L’époque des dis- buteurs étant dans l’ensemble plutôt jeunes (AFP, cussions « au café » entre petits groupes d’hommes 26 janvier 2009). généralement âgés était désormais révolue, se transfor- Le portail a eu des différends avec le gouvernement mant en un débat traversant toutes les générations. (comme certains journaux traditionnels dans le passé)5. D’un côté, ce développement est le témoignage Il a toutefois survécu et a peut-être même prospéré en encourageant d’une démocratie qui gagne en maturité. raison du soutien d’une fraction importante et crois- De l’autre, ce phénomène a créé d’immenses pressions sante de Malaisiens – sceptiques, cyniques, désillusion- sur une machinerie gouvernementale devenue en 2008, nés et méfiants à l’égard des médias traditionnels qui, aux yeux de son électorat, léthargique, distante et pas- selon eux, diffusent essentiellement des reportages en sive. Les formes instantanées des technologies de com- faveur du gouvernement6. Malaysiakini a une moyenne munication d’aujourd’hui (emails, SMS et discussions de 100 000 à 200 000 clics par jour, mais lorsque les cen- en ligne) et l’existence de cycles d’informations de tres de sondage fermèrent le jour de l’élection en 2008, 24 heures entraînent une plus grande attente publique ce nombre monta jusqu’à 500 000 visiteurs par heure en faveur de réponses gouvernementales rapides, effica- (Yong, 2008). Ce flot de connexions submergea telle- ces et adéquates. Alors que le gouvernement pouvait ment le site qu’il dut mettre en place plusieurs sites autrefois se permettre d’ignorer les allégations de miroirs pour satisfaire ses visiteurs. l’opposition, il ne peut plus agir ainsi dans une Malaysia Cela témoigne évidemment du niveau d’attente et connectée et exigeante. Pour rester en course, le gouver- de l’aspiration à un changement parmi les Malaisiens nement et sa bureaucratie doivent rattraper leur électo- durant la douzième élection générale. Mais cela souligne rat, de plus en plus informé et expert en matière de aussi le fossé de crédibilité qui sépare les « médias alter- nouveaux médias. natifs et nouveaux » et les « anciens médias », de même Une « révolution numérique » n’est pourtant pas que la méfiance continue des Malaisiens à l’égard de ces une nouveauté totale dans l’histoire politique de la derniers. Cette méfiance n’est peut-être pas totalement Malaysia. En 1998, l’arrestation d’Anwar Ibrahim, les infondée. protestations publiques qu’elle déclencha et les lignes Le 8 mars 2008, après la fermeture des bureaux de de bataille qu’elle dessina entre les supporters des deux vote, les Malaisiens allumèrent leurs postes de télévision camps (pro-Anwar et pro-gouvernement) révélèrent un et de radio pour connaître les résultats électoraux qui vide dans la couverture médiatique qui eut pour résultat arrivaient petit à petit ; de même, ils consultèrent à de la multiplication de blogs et de forums en ligne. Cela nombreuses reprises les sites Web sur leurs ordinateurs, accéléra de façon significative la montée des portails leurs agendas électroniques et leurs téléphones mobiles. d’informations alternatifs, qui sont devenus aujourd’hui Tandis que la nuit avançait, ceux qui avaient accès en une source d’informations générales pour les Malaisiens même temps à la télévision et à Internet commencèrent connectés4. Malaysiakini, journal diffusé uniquement à remarquer une disparité dans les résultats annoncés par sur Internet et sur abonnement, fut un pionnier : il fut chacun des médias. Les chaînes de télévision dirigées par HERMÈS 55, 2009 109
MEP_Hermes55.fm Page 110 Vendredi, 4. décembre 2009 9:04 09 Elina Noor le gouvernement étaient notamment plus lentes à rap- La prolifération des blogs politiques s’explique en porter les pertes subies par la coalition au pouvoir alors partie par une nécessité. Disposant de ressources finan- que des sites comme Malaysiakini les publiaient déjà. cières limitées comparées au BN et exclue de la plupart Cela rappelait la façon dont avait été couvert par des médias dominants, l’opposition – de même que ses les médias le rassemblement Bersih, organisé en soutiens – a dû s’appuyer sur des moyens moins coûteux novembre 2007 par une coalition d’environ 70 organi- et plus créatifs afin de répandre ses messages auprès des sations non gouvernementales et partis d’opposition masses. Des sites comme Malaysia Today, Rocky’s Bru, pour réclamer des réformes électorales. Comme les et Screenshots (dirigé par Jeff Ooi, un blogueur devenu médias dominants de la presse écrite et de l’audiovi- élu politique) bénéficient tous d’un large public parmi suel avaient pour consigne de minimiser le rassemble- les Malaisiens à la recherche d’informations et de pers- ment, de nombreuses personnes se tournèrent vers pectives alternatives. Internet. Malaysiakini enregistra un million de clics et Ce qui a émergé est donc un nouveau média les vidéos du rassemblement furent regardées par plus d’information plus interactif et centré sur les gens. de 50 000 visiteurs en quelques jours. Ces vidéos L’aspect négatif de cette convergence entre technolo- furent aussi téléchargées sur YouTube afin d’éviter la gie et espace démocratique est évidemment la diffu- saturation du réseau. Tandis que les médias malaisiens sion massive d’informations non vérifiées. Dans un dominants signalaient un chiffre de participation au pays doté d’une structure sociale fragile d’un point de rassemblement de 4 000 personnes, les médias alterna- vue ethnique et religieux, la désinformation intention- tifs locaux et internationaux annonçaient entre nelle ou non, massive et rapide, menace la cohésion du 30 000 et 50 000 personnes (Lee, 2007). Si la vérité est pays. Si des rassemblements peuvent être organisés difficile à établir et se situe probablement entre les par SMS et si des textes de propagande sur des pro- deux, cette disparité illustre le manque de crédibilité blèmes ethniques ou religieux peuvent être communi- des anciens médias. qués à des centaines de personnes par mails, la La demande continue pour des reportages indé- probabilité de voir éclater de violentes émeutes par pendants a récemment donné naissance à de nouveaux l’intermédiaire de ces mêmes moyens menace égale- portails alternatifs, par exemple The Nut Graph et The ment (Lee, 2007)7. Malaysian Insider. Complémentaires de cette montée Déchiré entre sa politique de non-censure d’Inter- des médias parallèles, les blogs politiques ont connu net et des impératifs de sécurité nationale, le gouverne- un remarquable développement durant la dernière ment est dans une inconfortable position d’incertitude décennie. Alors que le BN avait seulement deux sites sur la manière de réguler le « journalisme citoyen » tout Web et un blog en 2004, le nombre de blogueurs favo- en préservant les libertés civiles. Il dispose néanmoins rables à l’opposition augmenta de 50 % en 1999 (ils d’un ensemble de lois sur la sécurité publique afin de étaient au nombre de 45 en 1998) pour atteindre 7 500 maintenir l’ordre et il n’a pas craint de les utiliser. Les à la mi-2004 (Bernama, 2008). À partir de 1999, Inter- membres du gouvernement ont par exemple déposé net est devenu, par ordre d’importance, la troisième auprès de la police de nombreuses plaintes – notam- source d’information politique après les discussions ment, pour diffamation et sédition – à l’encontre de entre proches et la télévision (Ezhar et Govindasamy, l’homme derrière Malaysiakini, Raja Petra Kamarudin. 2009). En 2008, il fut détenu pendant deux mois sous le coup 110 HERMÈS 55, 2009
MEP_Hermes55.fm Page 111 Vendredi, 4. décembre 2009 9:04 09 Les nouveaux médias dans les transformations politiques de la Malaysia de la très controversée « Loi sur la sécurité intérieure », Capter les votes des jeunes qui permet une détention indéterminée sans procès8. Fait révélateur, lorsque des sénateurs du BN se présen- à travers les nouveaux médias tèrent au poste de police pour porter plainte, ils durent D’une manière tardive, le BN a reconnu lors de sa être assistés par des praticiens d’Internet afin d’accéder défaite à l’élection générale de 2008, qu’il devait rattra- au site Web de Raja Petra et ils eurent même du mal à per son retard avec les nouveaux médias, en particulier localiser les articles offensants (Tan, 2007). pour courtiser les jeunes électeurs. L’ancien Premier ministre Abdullah concéda que sa « plus grosse erreur » fut d’ignorer la campagne sur Internet et l’UMNO, le parti à composante malaise du BN, promit de « trouver Rattraper les nouveaux médias de nouveaux moyens pour impliquer les jeunes dans le cyberespace » (Bernama, 25 avril 2009). La coalition gouvernementale a été lente à s’adap- Presque 45 % des Malaisiens en droit de voter à la ter aux nouveaux médias. Fort de ses liens avec les dernière élection générale avaient entre 21 et 35 ans. Si médias dominants et d’un électorat surtout présent dans nombre d’entre eux manifestaient une apathie significa- les campagnes profondes où la pénétration d’Internet tive envers la politique dans une enquête réalisée en 2007 est lente et les électeurs largement ignorants des nou- et financée par l’Asia Foundation (53 % devaient encore velles technologies, le BN avait peu de raison d’investir s’inscrire sur les registres électoraux et 52 % pensaient dans les nouveaux médias. À l’inverse, il s’est davantage qu’ils ne pouvaient pas faire grand chose pour rendre le appuyé sur les rassemblements politiques et les visites gouvernement responsable entre deux élections), une aux électeurs durant les périodes de campagne électo- large majorité (93 %) considérait néanmoins le vote rale. Comme l’a déclaré un ancien politicien de comme important (National Youth Survey, 2007). l’UMNO et blogueur, Shahrir Abdul Samad, « les élec- Selon la Commission électorale, il y a environ 4 à tions dépendent des bulletins de vote et non des pages 5 millions d’électeurs non inscrits et 11 millions d’ins- de Web » (Lee, 2008). crits. Parmi les non-inscrits, beaucoup viennent d’attein- Contrastant avec cette attitude, le DAP, parti de dre l’âge minimal légal pour voter, c’est-à-dire 21 ans. l’opposition, engagea le blogueur de Screenshots, Ooi, Entre 25 et 30 % des électeurs malaisiens auront moins pour organiser une e-campagne à l’occasion de la dou- de 35 ans à la prochaine élection générale qui se tiendra zième élection générale de 2008. Les candidats avaient en 2013 (Hong, 2009). Les tendances de vote des récentes également leurs propres sites Web et leurs blogs qui leur élections partielles indiquant que le BN a perdu la plu- permettaient de rechercher des financements et de tou- part de ses soutiens dans cette fraction de la population, cher des électeurs. Le DAP utilisa également une plate- celui-ci a désormais des raisons de s’inquiéter. Alors que forme de téléphonie mobile pour envoyer des SMS à des la Malaysia vote traditionnellement selon des lignes eth- milliers d’électeurs et recevoir leurs messages. Le PAS, niques, étant donné la structure des partis politiques du un autre parti d’opposition, avait disposé sur son site pays, les tendances actuelles indiquent que les jeunes des « suites éditoriales pour du contenu en ligne », dif- générations sont par exemple bien moins réfractaires à fusait en direct les conférences de presse et avait une télé l’idée de voter pour le PAS, le parti d’opposition isla- Internet (Yong, 2008)9. mique, indépendamment de leur origine ethnique (Hog, HERMÈS 55, 2009 111
MEP_Hermes55.fm Page 112 Vendredi, 4. décembre 2009 9:04 09 Elina Noor 2009). Cela est une autre mauvaise nouvelle pour le BN, met ensuite à la disposition des visiteurs des photos de dominé par les trois partis qui représentent les trois Flickr, des vidéos YouTube et des mises à jour Twitter principaux groupes ethniques de Malaysia. de l’agenda du Premier ministre. Il y a aussi un sondage, On peut cependant opposer l’argument suivant : un blog et une page interactive permettant aux Malai- l’influence d’Internet se limitant aux zones urbaines, siens de proposer leurs représentations photographiques son impact global sur les élections générales peut être du concept de « 1 Malaysia »10. Des réponses aux com- limité. Après tout, l’usage d’Internet est le plus élevé mentaires, des suggestions et des questions sont postées dans la zone de Kuala Lumpur - Selangor, avec 60 % par le Premier ministre, ou plus vraisemblablement par des utilisateurs âgés de moins de 40 ans (Tan, 2007). Des quelqu’un écrivant en son nom. données de la Malaysian Communications and Multime- dia Commission (MCMC) indiquent que fin 2008 le taux de pénétration des lignes fixes représentait moins de 50 % des foyers tandis que les connexions haut débit en Conclusion concernaient 20 %. Si le nombre d’abonnés à Internet a grossi de 280 000 en 2000 à environ 11 millions La question de savoir si les tentatives du BN de rat- aujourd’hui, il existe une forte superposition entre ces traper le retard avec les nouveaux médias auront un deux groupes qui vivent principalement dans les zones impact sur sa performance à la prochaine élection géné- urbaines (Tan, 2007). Toutefois, au moins une étude rale reste entière. Il est néanmoins évident qu’avec révèle que 70 % des résultats de la douzième élection l’expansion démographique et une tendance croissante à générale ont été influencés par les nouveaux médias, en l’urbanisation, les nouveaux médias joueront un rôle de particulier les blogs (Bernama, 1er avril 2008). La Malay- plus en plus important dans la formation des opinions. sia a maintenant le plus grand nombre de blogueurs Cela sera particulièrement vrai si les anciens médias après l’Europe et l’Indonésie, environ 75 % d’entre eux demeurent passifs et continuent à être perçus comme étant âgés de 25 ans ou moins (Bernama, 1er avril 2008 ; favorables au gouvernement. À un autre niveau, cet écart Microsoft, 2006). de crédibilité révèle des problèmes de gouvernance plus Des signes indiquent que le BN a pris le train des sérieux, notamment sur la transparence et la responsabi- nouveaux médias en marche. Ses politiciens ont leurs lité. Enfin, le politicien senior de l’UMNO a raison de pages sur Facebook et certains d’entre eux bloguent sur souligner que ce sont les votes qui permettent de gagner leurs propres sites Web. Alors que la page Web de une élection. Dans une démocratie, les votes se gagnent l’ancien Premier ministre offrait seulement la possibilité par une bonne gouvernance qui satisfait l’électorat. Si ni de lui envoyer un email, celle du nouveau Premier minis- le BN ni l’opposition (qui contrôle maintenant quatre tre Najib Abdul Razak semble séduire davantage les plus États) ne sont capables d’offrir cela aux prochaines élec- jeunes générations. Elle s’ouvre avec une introduction tions, même une communication sophistiquée via les Flash, invite les visiteurs à choisir parmi trois langues – le nouveaux médias sera incapable de tromper un électorat malais (bahasa malaysia), l’anglais et le chinois. La page de plus en plus impatient, clairvoyant et jeune. 112 HERMÈS 55, 2009
MEP_Hermes55.fm Page 113 Vendredi, 4. décembre 2009 9:04 09 Les nouveaux médias dans les transformations politiques de la Malaysia NOTES 1. La vidéo est disponible sur YouTube : (consulté le 29 avril 2009). Les liens plaintes déposées par des membres de l’aile jeune du parti pour la retranscription de la première partie et les vidéos des UMNO à propos de remarques séditieuses envoyées par un autres extraits sont aussi disponibles sur Malaysiakini. lecteur. 2. Le Juge en chef de la Malaya, ou, en termes exacts, le Juge en 6. Beaucoup de grands médias ont des liens étroits avec les partis chef de la Haute Cour de la Malaya est le troisième poste judi- politiques au gouvernement. ciaire dans la hiérarchie, après le Juge en chef de la Cour fédé- rale et le Président de la Cour d’appel. Rappelons ici que la 7. Ces méthodes fonctionnent dans les deux sens. Pendant la Malaya désigne l’ensemble des États fédérés de la péninsule rencontre du Berish organisée par une coalition d’environ malaise, distincts des États fédérés de Sarawak et Sabah (au 70 ONG et partis d’opposition pour demander des réformes nord de Bornéo et aussi membres de la Malaysia). électorales, des activistes ont signalé que des SMS d’un parti 3. Les découvertes de la commission d’enquête royale mise en d’opposition faisaient du sabotage en annonçant l’annulation place pour la vidéo ont permis d’identifier la conversation, son de la rencontre. auteur et son contenu. La commission a observé que Tan et Tengku Adnan « ont eu une influence directe sur les revenus et 8. La détention sous l’Internal Security Act est renouvelable tous la promotion des juges » et elle a réfuté leurs déclarations dans les deux ans. lesquelles ils niaient leur rôle en la matière. La publication des résultats a été rendue publique quand la commission a présenté 9. PAS, un parti religieux a participé à une alliance avec le DAP et son rapport à Yang Di-Pertuan Agong, le Premier ministre (et le parti d’Anwar Ibrahim, PKR, pour former la coalition du de facto ministre de la Justice) le 9 mai 2008, après les élections. Pakatan Rakyat (le Pacte du Peuple) avant les élections de 2008. 4. Il est intéressant de noter que The Star, journal lié au gouverne- 10. Le concept « 1 Malaysia » se centre sur l’idée d’unifier ment, fut le premier en Malaysia et le troisième en Asie à lancer l’ensemble des Malaisiens dans leur diversité. Mais les détails une édition sur Internet. doivent encore être précisés. RÉFÉRENCES INTERNET « About the Star », The Star, . Consulté le 1er mai asp>. Consulté le 1er mai 2009. 2009. « Blogging Malaysia: a Windows Live Report », Microsoft Malaysia, « Malaysia Decides 2008 », The Star, . Consulté le 1er mai 2009. « Malaysia Decides 2008 », The Star, 10 mars 2008, . Bernama, 1er mai 2008, . Consulté le 1er mai 2009. « Penetration Rates at a Glance, Facts & Figures », Malaysian Commu- « BN Losing Youth Support », C. HONG, The Straits Times, nications and Multimedia Commission, 2000-2008,
MEP_Hermes55.fm Page 114 Vendredi, 4. décembre 2009 9:04 09 Elina Noor « Special Report: the Lingam Tape », Malaysiakini, 24 septembre « Techies Sidestep Malaysian Government », M.K. LEE, ZDNet 2007, . Consulté le Asia, 15 novembre 2007, . Consulté le 1er mai 2009. RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES BEH, L.Y., « Polls: BN can’t repeat 2004, says Prime Minister « Malaysian cyber-paper at vanguard of media revolution », Agence Abdullah Badawi », Malaysiakini, 22 janvier 2008. France Press, 26 janvier 2009. EZHAR, T., GOVINDASAMY, M., « Political communication practices « Royal Commission on Lingam video clip: Adnan, Tan had “direct and research in Malaysia », in WILLNET, L., AW, A. (dir.), Political influence” », New Straits Times, 16 mai 2008. Communication in Asia, New York, Routledge, 2009, p. 143 sq. « Umno to use cyberspace to woo young voters », Bernama, 25 avril TAN, J., « Watch out, the new media is here », The Star, 5 août 2007. 2009. YONG, J.A., « Battle lost in cyberspace », The Straits Times, 12 mars National Youth Survey, Merdeka Centre for Opinion Research, 2008. 29 novembre 2007. 114 HERMÈS 55, 2009
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