Les offres et inspirations restauratrices dans la nouvelle justice des mineurs
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Ce qui se cache derrière les mots «et à la réparation du dommage causé par ce fait» Les offres et inspirations restauratrices dans la nouvelle justice des mineurs par Alice Jaspart, Sarah Van Praet et Dominique De Fraene *, La nouvelle loi réorganisant notre justice des mineurs s'intitule «Loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait», ce titre peu «sexy» (vendre n'est d'ailleurs pas le but) est peu pratique à l'usage. Ce long intitulé est également encore insuffisant pour caractériser clairement la teneur de l'opération de réforme que nous connaissons. Tant qu'à faire, dans le style à rallonge, on aurait pu accoler au train «et qui contient aussi des mesures visant les parents» ou encore «et qui vise surtout la responsabilisation», en effet si derrière l'aspect composite les enjeux paraissent un peu opaques, ce dernier objectif apparaît comme central. Nous examinerons ici ce qui se cache d'inspiration importante de la loi, la phi- présente à de nombreuses reprises dans derrière les mots «et à la réparation du losophie restauratrice ne transparaissait le corps de texte et ce depuis l'exposé dommage causé par ce fait», un ajout cependant pas dans la note cadre, pre- des motifs, la responsabilisation ne se qui vise à mettre en avant la médiation mière mouture politique du projet de ré- voit jamais définie. Cette notion paraît et la place de la victime (1). En légali- forme. Elle apparaît à la suite des con- pourtant présenter des contenus bien sant diverses expériences et pratiques ju- certations organisées par la ministre avec différents selon l'optique dans laquelle diciaires innovantes et informelles, le les praticiens du secteur et les scientifi- on l'inscrit et les pratiques qui en dé- texte entend accorder une place consé- ques. coulent. quente à la justice restauratrice dans la Ce concept de justice restauratrice, éla- L'objet de notre propos consistera tout réponse à la délinquance juvénile. La boré théoriquement et faisant l'objet de d'abord à présenter succinctement ce justice restauratrice, qui tente de trans- débats tant parmi les scientifiques que qu'on appelle le modèle de justice res- cender le clivage entre punir et réédu- parmi les intervenants judiciaires et tauratrice afin d'en dégager les mouve- quer, a en effet acquis une place impor- psychosociaux est pourtant passé ments fondateurs ainsi que les lignes tante dans les projets politiques comme «comme une lettre à la poste» lors de directrices. Ce rappel nous permettra, dans les pratiques et devient en quelque l'examen du projet de loi par les parle- dans un second temps, de nous intéres- sorte un élément incontournable de la mentaires, ne suscitant pas de discus- ser plus en détail aux différentes formes réforme de la protection de la jeunesse. sions dans le champ politique. Au sou- de mesures se revendiquant de ce mo- Ainsi, en 1997, L. Walgrave est chargé bassement de cette perspective restau- dèle dans la réforme menée par L. par le ministre de la Justice de l'époque, ratrice au contenu malléable, c'est, à Onkelinx. Présentés comme relevant de S. De Clerck, de traduire dans des pro- notre sens, la notion de respon- la philosophie restauratrice (4) (pour les positions concrètes un modèle de justice sabilisation qui aurait surtout facilité le deux premières formes) ou, tout le sanctionnelle restauratrice pour les mi- consensus. Notion phare de la réforme, moins, comme s'en inspirant (5) (pour les neurs délinquants (2). À la suite de ce rap- port, plusieurs propositions de loi sont déposées qui visent à introduire une di- * Centre de recherches criminologiques de l'Université Libre de Bruxelles. mension restauratrice à l'intérieur du (1) Rapport de la Commission de la Justice du Sénat, Doc. Parl. Sénat, session 2005-2006, n°3 – 1312/7, p. 23. système protectionnel. En 2001, l'avant- (2) H. Geudens, W. Schelkens, L. Walgrave, «À la recherche d'un droit sanctionnel restaurateur, Rapport de recher- projet de loi «portant réponses au com- che commandité par le ministre de la Justice», J.D.J., mars 1998, n° 173, pp. 3 et suiv. portement délinquant des mineurs», dé- (3) Voorontwerp van wet van minister van Justitie Marc Verwilghen houdende antwoorden op delinquent gedrag posé par le ministre M. Verwilghen cher- door minderjarigen, 1er juillet 2001, T.J.K., 2001, n°4, pp. 1-11. chait aussi à donner une assise légale aux (4) Exposé des motifs, Projet de loi modifiant la législation relative à la protection de la jeunesse et à la prise en pratiques de médiation dans le cadre de charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction, Chambre des représentants 2004-2005, 29 novem- cette nouvelle justice pour mineurs (3). bre 2004, DOC 51 1467/001, p. 10. Présentée aujourd'hui comme une source (5) Exposé des motifs, op.cit., p 12. JDJ n°261 - janvier 2007 29
Les courants «puriste» ou «minimaliste» et «maximaliste» au sein de la justice restauratrice trois suivantes), la médiation, la concer- En criminologie, cette conception sus- susceptible de prendre du temps, le tation restauratrice en groupe, le projet, cite de nombreux débats depuis une temps nécessaire pour gérer progressi- la prestation éducative et d'intérêt géné- bonne vingtaine d'années. Les débats ont vement l'incident, pour se parler, s'ex- ral et le travail rémunéré en vue de l'in- parfois été animés entre militants opti- cuser et pour que chacun puisse retrou- demnisation de la victime seront envi- mistes et auteurs plus sceptiques voire ver une place dans cette même société sagés essentiellement selon deux an- pessimistes à l'égard du développement qui les unit. La définition la plus géné- gles : l'origine des mesures et la présen- des mesures apparentées à ce modèle. ralement mobilisée est celle de T. tation qui en est faite dans les textes de Dans la justice des mineurs, tradition- Marshall selon laquelle la justice restau- loi. Peu d'éléments d'analyse peuvent à nellement considérée comme un labo- ratrice serait «a process whereby par- ce stade être dégagés : le système se met ratoire d'expérimentation des innova- ties with a stake in a specific offence en place progressivement avec beaucoup tions pénologiques, ce nouveau type de resolve collectively how to deal with the d'inconnues encore. Selon la circulaire mesures semble pour certains présenter aftermath of the offence and its impli- du 28 septembre 2006 du ministère de un fort potentiel, susceptible d'en revi- cations for the future» (9). la Justice, les mesures de médiation et gorer l'organisation. La situation rencon- Toutefois, ce mouvement novateur sem- de concertation restauratrice en groupe trée en Belgique n'échappe pas à cette ble également se décliner en perspecti- devraient entrer en vigueur le 1er avril tendance et, depuis le milieu des années ves particulières, tant théoriques que 2007. Par ailleurs, tirer des enseigne- quatre-vingt, l'application de formes de pratiques, et les orientations parfois di- ments à partir du passé pour analyser le travail d'intérêt général et de médiation vergentes de ces dernières laissent en- présent et le futur proche est très com- ensuite connaît un succès qui va gran- trevoir la complexité de ce concept à la pliqué dans la mesure où la situation de dissant. mode. D'un modèle de justice révolu- départ est assez mal connue : mise à part Nourrie de principes de médiation et de tionnaire devant rompre avec les appro- les quelques recherches d'impact réali- justice négociée, la justice restauratrice ches traditionnelles de la délinquance sées en Flandre, les mesures telles que tend à redéfinir le délit et, partant, les selon des auteurs comme H. Zehrr (10) ou la prestation ou la médiation n'ont fait prétentions de la justice (7). Le délit est R. Cario (11) et où toute initiative préten- l'objet en Communauté française que de ainsi envisagé en tant que conflit entre dant s'y inscrire s'avérerait mesurable recherches soit exploratoires, soit loca- l'auteur, la victime et la collectivité res- pour D.W. Van Ness (12), la perspective les. treinte ou la société étendue. Ce nouveau restauratrice se révèle aussi être le théâ- modèle de justice serait dès lors suscep- tre de nombreux débats qui tendent à se I. La justice tible de rendre leur place à ces acteurs, cristalliser autour du caractère plus ou remplacés par le Ministère public dans restauratrice dans moins coercitif des procédures. les perspectives traditionnelles. La jus- tice aurait ici pour fonction de réparer Ce point permet généralement de distin- ses grandes lignes les préjudices engendrés par la commis- guer ce que d'aucuns nomment les cou- À partir des premières expériences ins- sion de l'infraction, voire de restaurer les rants «puriste» ou «minimaliste» et titutionnalisées au début des années sep- liens endommagés par celle-ci, dans un «maximaliste» (13) au sein de la justice tante dans les systèmes de common law, but général de pacification sociale. La restauratrice. La tendance puriste défi- des programmes expérimentant des me- contribution et l'investissement de cha- nit la justice restauratrice davantage sures basées sur la réparation ont pro- cun se voient ainsi valorisés dans le ca- comme un processus. Dans cette ten- gressivement vu le jour en Europe. Ils dre d'une rencontre négociée entre les dance, le souci premier est de répondre, ont suscité un intérêt important tant parties directement impliquées mais autant que possible, aux besoins des dif- parmi les gestionnaires de la politique aussi affectées par le conflit. La victime, férentes parties en promouvant une coo- criminelle (confrontés à une l'auteur, mais également les familles pération volontaire et le dialogue. La judiciarisation croissante des conflits) voire les représentants de la commu- médiation auteur-victime est, dans ce que parmi les praticiens du traitement nauté (8) prennent part à un processus cadre, moins valorisée en raison de son de la délinquance juvénile. Dans le même temps, des discours scientifiques (6) J. Faget, La médiation. Essai de politique pénale, Paris, Erès, coll. Trajets, 1997. remettent en question les approches pé- (7) R. Cario, «Le débat sur la justice restauratrice», Ecole Nationale de la Magistrature, http://www.enm.justice.fr/ nale et protectionnelle, insistent sur la centre_de_ressources/actes_sessions/Justice_perspectives/reparatrice-restaurative/debat_restaurative.htm. nécessité de repenser la position des vic- (8) Il est intéressant de remarquer que l'État ne se voit donc pas mentionné dans cette liste, si ce n'est peut-être par times et plaident pour des transforma- l'intermédiaire des «représentants de la communauté». tions des fondements de la justice des (9) T. Marshall, «Restorative justice : an overview», in G. Johnstone (Ed.), A Restorative Justice: Texts, sources, mineurs. Certains auteurs, stimulant et context, Cullompton (U.K.), William Publishing, 2003, p. 28. commentant ces programmes, imaginent (10) H. Zehr, «Retributive justice, restorative justice» in G. Johnstone (Ed.), op.cit., pp. 69-82. un modèle de justice alternatif intitulé (11) R. Cario, op.cit. restorative justice que nous traduisons, (12) D. W. Van Ness, «Creating restorative systems», in G. Johnstone (Ed.), op.cit., pp. 270-279. à la suite de J. Faget (6), par justice res- (13) A. Lemonne, «À propos de la 5 ème Conférence internationale sur la justice restauratrice : accord ou contradic- tauratrice. tion au sein d'un mouvement en expansion ?», R.D.P.C., avril 2002, pp. 411-428. 30 JDJ n°261 - janvier 2007
Un certain flou conceptuel manque de lien avec la communauté. l'approche restauratrice, dépourvue de prioritaires puisque la philosophie de la Qui plus est, notons que ce courant sug- ses fondements théoriques, dans des loi de 1965 répond de manière adéquate gère le développement des mesures res- perspectives traditionnelles de justice aux situations généralement rencontrées. tauratrices en parallèle au système de restées, quant à elles, inchangées (17). S'il ne s'agit donc pas d'une révolution justice traditionnel et n'envisage le rem- Imprégné par des origines idéologiques en la matière, cette réforme envisage placement, à long terme, du système des plus variées, allant des mennonites néanmoins d'adapter et de moderniser la actuel que par un système de justice res- aux marxistes en passant par des idéaux voie protectionnelle afin de combler son tauratrice fondé sur un mode informel réactionnaires, des replis communautai- inefficacité supposée face à certains jeu- de résolution des situations conflictuel- res et des pratiques qui ne sont souvent nes particuliers tels que «les jeunes dé- les. Selon l'optique maximaliste, par théorisées qu'après leur mise en linquants multirécidivistes ou concernés contre, la médiation est davantage mise œuvre (18), le mouvement semble donc par une délinquance grave» (20). Pour ce en avant, mais elle est loin d'être la seule marqué par un certain flou conceptuel. faire, il s'agit de compléter prag- alternative possible puisque la justice Présentant des tendances diversifiées matiquement le dispositif actuel par des restauratrice ne doit pas être définie en tout en conservant pourtant certains élé- réponses plus adéquates à de telles si- termes de processus, mais bien en ter- ments communs de définition très po- tuations en mettant l'accent sur «la mes de résultat. En effet, les partisans pulaires, la justice restauratrice peut ap- responsabilisation du jeune et la prise de cette deuxième tendance voient dans paraître telle une notion malléable, mo- en compte des droits des victimes» (21). l'approche puriste le risque que l'appli- bilisable au gré des interprétations. Si le modèle de justice restauratrice se cation de la justice restauratrice soit can- Voyons ce qu'il en est dans l'opération voit mobilisé c'est parce que les répon- tonnée à la prise en charge d'infractions de réforme qui se déploie. Si le titre de ses qu'il propose «permettent une réac- mineures uniquement, les violations les la loi évoque la réparation (un des ob- tion tant réparatrice vis-à-vis de la vic- plus graves demeurant l'apanage d'un jectifs traditionnels de la peine classi- time, qu'éducative et responsabilisante système de justice pénal traditionnel que), l'exposé des motifs mobilise quant pour le jeune, et par là, sécurisante pour devenant de plus en plus punitif. Situa- à lui la «philosophie restauratrice». la société» (22)… Un algorithme du type tion d'autant plus paradoxale que c'est «d'une pierre trois coups». dans les cas d'infractions graves que les Face à un jeune soupçonné d'avoir com- victimes auraient le plus besoin d'initia- II. Les mesures mis un fait qualifié infraction, le parquet tives restauratrices (14). avait antérieurement le choix entre deux Reprenons, en guise de résumé, ce restauratrices dans possibilités : classer le dossier sans suite qu'écrit A. Lemonne à propos de ce dé- la «nouvelle» ou saisir le juge de la jeunesse (23). Le bat : «Ce débat au sein du mouvement nouveau texte de loi vient «consacrer» de justice restauratrice est essentiel protection de la certaines pratiques prétoriennes. Ainsi, puisqu'il remet en jeu le rôle et la place jeunesse le procureur du Roi peut, s'il décide de de la justice restauratrice par rapport classer sans suite, envisager un «rappel au système pénal, ainsi qu'il redéfinit les Selon l'exposé des motifs (19), la protec- à la loi» (24). Une seconde possibilité est pratiques que recouvre ce concept. (…) tion et l'éducation doivent rester des axes la proposition d'une médiation (25), celle- En reconsidérant le rôle de la société (reconnue comme acteur ayant poten- (14) T. Marshall, «The evolution of restorative justice in Britain», E.J.C.P.R., vol. 4, n°4, pp. 21-43; A. Lemonne, tiellement souffert du dommage lié à la op.cit., pp. 417- 422; S. Rixen, «Victim-related mediation procedure 'without prejudice to the rights of offenders': commission d'une infraction) et de l'in- realizable?», Panopoticon, 1993, pp. 47-65. tervention de l'État (incluant la coerci- (15) A. Lemonne, op. cit., p. 421. tion), l'approche maximaliste exclut de (16) L. Walgrave, «La justice restaurative : à la recherche d'une théorie et d'un programme», Criminologie, 1999, manière moins radicale certains élé- vol. 32, n°1, http://www.erudit.org/revue/crimino/1999/v32/n1/00475ar.html. ments du système pénal traditionnel (17) L. Walgrave, «La justice restaurative et la justice pénale : un duo ou un duel ?», in Ecole Nationale de la Magistrature, http://www.enm.justice.fr/centre_de_ressources/dossiers_reflexions/oeuvre_justice2/18_ qu'elle tend à modifier plutôt qu'à con- restaurative_penale1.htm. currencer» (15) . En effet, pour L. (18) J. Faget, op.cit., pp. 23-55; A. Lemonne, op.cit., p. 416. Walgrave (16), si la justice restauratrice (19) Exposé des motifs, op.cit. peut être envisagée, à long terme, (20) Exposé des motifs, op.cit., p 5. comme le principal modèle de réaction (21) Exposé des motifs, op.cit., p.5. sociale à la délinquance, il s'agit aussi de concevoir qu'il ne sera pas le seul. (22) Exposé des motifs, op.cit., p 10. Ce nouveau modèle de justice, envisagé (23) Notons que, outre ces possibilités légales, les parquets recouraient également à des pratiques prétoriennes de diversion depuis de nombreuses années. La nouvelle législation consacre certaines de ces pratiques mais pas sous l'angle maximaliste, aurait donc ses d'autres. En exemple, citons le service de réaction rapide de Verviers tant contesté. limites mais, par celles-ci, courrait éga- (24) Article 45ter de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs lement certains risques. La précipitation ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait, inséré par l'article 12 de certains acteurs de terrain et de légis- de la loi du 13 juin 2006, M.B., 19 juillet 2006. lateurs pourrait, en effet, venir noyer (25) Article 45quater de la loi du 8 avril 1965, inséré par l'article 13 de la loi du 13 juin 2006, M.B., 19 juillet 2006. JDJ n°261 - janvier 2007 31
Les mesures susceptibles d'être décidées au fond par le juge de la jeunesse passent de quatre à onze ci est entourée de différentes conditions a) La médiation au stade Oikoten (35). En Communauté française, et garanties tant pour le mineur que pour du parquet il faut attendre 1993 pour qu'une colla- la victime. Le procureur du Roi peut tou- boration entre certains services de pres- jours décider de saisir le juge de la jeu- La médiation entre un auteur mineur tations éducatives ou philanthropi- nesse. d'âge et une victime est une pratique ré- ques (36) et les parquets concernés, à la Parmi les mesures provisoires restaura- pandue depuis plus d'une décennie de demande de ces derniers (37), permette la trices susceptibles d'être prises par le part et d'autre de la frontière linguisti- mise en œuvre d'expériences du même juge de la jeunesse sur ordonnance, fi- que de notre pays (34). En Flandre, les ordre. Les pratiques de médiation se sont gurent des «mesures d'investigation» (26) premières expériences en la matière re- ainsi développées en dehors de toute susceptibles de lui permettre de mieux montent à 1987 à l'initiative de l'ASBL base légale propre (38) . connaître la personnalité et le cadre de vie du mineur, de déterminer son intérêt et les moyens appropriés à son éduca- tion ou son traitement et/ou de rassem- bler d'autres informations utiles. Il peut (26) Article 52 alinéas 4, 6 et 7 de la loi du 8 avril 1965, insérés par l'article 17 de la loi du 13 juin 2006, M.B., 19 alors notamment ordonner une presta- juillet 2006. tion éducative et d'intérêt général, celle- (27) Pour rappel, il s'agissait de la réprimande, de la surveillance avec ou sans conditions (notamment prestations ci ne pouvant dépasser une période de éducatives ou philanthropiques; directives pédagogiques ou médicales), du placement (chez une personne digne de confiance comme une famille d'accueil ou une institution résidentielle privée) et du placement en trente heures. Les mesures susceptibles institution publique de protection de la jeunesse à régime ouvert ou fermé. d'être décidées au fond par le juge de la (28) Les obligations reprennent la fréquentation d'un établissement scolaire, l'accomplissement d'une prestation jeunesse ont fortement augmenté, pas- éducative et d'intérêt général de 150 heures maximum (comme lorsqu'il s'agit d'une mesure en tant que telle), sant de quatre (27) à onze, chacune étant l'accomplissement d'un travail rémunéré en vue d'indemniser la victime de 150 heures maximum également, le de plus combinable avec d'autres et avec suivi de directives pédagogiques ou médicales, la participation à un ou plusieurs modules de formation ou de sensibilisation aux conséquences des actes commis et, enfin, la participation à certaines activités sportives, une série importante de conditions et/ou sociales ou culturelles encadrées. Article 37, §2bis, alinéa 1er, 1°-6° de la loi du 8 avril 1965, insérés par d'interdictions (28). Par ailleurs, la loi pré- l'article 7, 3° de la loi du 13 juin 2006, M.B., 19 juillet 2006. voit, un ordre de préférence (29) devant Les interdictions, également cumulables à ces mesures et à ces conditions portent sur la fréquentation de être considéré par le juge de la jeunesse certaines personnes ou de certains lieux déterminés, sur l'exercice de certaines activités et sur la possibilité de sortir. La loi stipule que le respect de ces interdictions peut être contrôlé par la police, comme c'est le cas dans lorsqu'il envisage de prendre une ou plu- l'expérience permettant l'assignation à résidence des jeunes menée par les juges anversois. Article 37, §2bis, sieurs mesures à l'égard d'un mineur : le alinéa 1 er, 7°-9° et alinéa 2 de la loi du 8 avril 1965, insérés par l'article 7, 3° de la loi du 13 juin 2006, M.B., juge se doit de considérer en premier lieu 19 juillet 2006. la possibilité de recourir à une «offre (29) Article 37, §2, alinéa 3 de la loi du 8 avril 1965, modifié par l'article 7, 2° de la loi du 13 juin 2006, M.B., 19 restauratrice» (30). Quelle est cette offre ? juillet 2006. Outre la procédure de médiation il doit (30) Article 37bis de la loi du 8 avril 1965, inséré par l'article 2 de la loi du 15 mai 2006, M.B., 2 juin 2006. (31) Article 37, §2ter de la loi du 8 avril 1965, inséré par l'article 7, 4° de la loi du 13 juin 2006, M.B., 19 juillet 2006. envisager la «concertation restauratrice (32) Article 37, §2, alinéa 1, 1°- 6° de la loi du 8 avril 1965, remplacés par l'article 7, 2° de la loi du 13 juin 2006, en groupe», pratique impulsée par une M.B., 19 juillet 2006. équipe de la KULeuven, expérimentée (33) Article 37, §2, alinéa 1er, 6°-11° de la loi du 8 avril 1965, remplacés par l'article 7, 2° de la loi du 13 juin 2006, au nord de notre pays et inspirée de tra- M.B., 19 juillet 2006. ditions néo-zélandaises. En second lieu, (34) Voir à ce sujet D. De Fraene, E. Vandenbroucke, «Le développement des mesures restauratrices dans la protec- le juge de la jeunesse se doit de prendre tion de la jeunesse. Comparaison des politiques publiques communautaires belges», R.D.P.C., novembre 2005, pp. 981-1021. en compte le «projet» (31) susceptible (35) I. Aertsen, op.cit., pp. 153-166; E. Vandenbroucke, op.cit., pp. 8-9. d'être écrit par le jeune et devant lui être (36) Appelés communément «S.P.E.P.». Nous utiliserons cette abréviation dans la suite de l'exposé. présenté au plus tard le jour de (37) Pour les arrondissements de Bruxelles et Charleroi à tout le moins. Dans l'arrondissement judiciaire de Liège, l'audience. Selon cette nouvelle mesure, il s'agissait de l'initiative du tribunal de la jeunesse. le jeune s'engage à accomplir une ou (38) Du côté francophone, une volonté de réglementer davantage ces pratiques s'est fait peu à peu sentir. L'arrêté plusieurs actions reprises dans une liste. cadre du 15 mars 1999 de la Communauté française modifie l'objet social des «S.P.E.P.» en faisant de l'organi- sation des prestations éducatives ou philanthropiques leur mission principale et non plus exclusive. Cette modi- En troisième lieu, le juge de la jeunesse fication a été suivie, le 5 décembre 2001, d'une circulaire de l'Aide à la jeunesse qui tend à réglementer la peut envisager différentes mesures qui pratique de la médiation sans différencier toutefois les différents stades de la procédure judiciaire où elle peut être ont la particularité de permettre au jeune mise en œuvre. Remarquons qu'en pratique, certains S.P.E.P. ont suivi cette circulaire en proposant la médiation de rester dans son milieu de vie (32) dont tandis que d'autre s'y sont toujours opposés. Le cadre légal se définit donc finalement plus par l'absence d'exclu- sivité de l'organisation des prestations que par l'inscription de la médiation en tant que telle dans les missions des la prestation éducative et d'intérêt géné- S.P.E.P. Cette «pirouette» est justifiée par le fait que l'adoption de la médiation en tant que mesure à part entière ral. Enfin, selon l'ordre de préférence, relève des compétences du fédéral (D. Van Dooselaere, «La médiation auteur mineur-victime : formes et condi- le recours au placement (33) ne devrait tions de la réforme», in Chrisitaens, J., De Fraene, D., Delens-Ravier, I., (s.l.d.), Protection de la jeunesse, formes donc être envisagé qu'en dernier lieu. Là et réformes. Jeugdbescherming, vormen en hervormingen, Bruxelles, Bruylant, 2005, pp. 207-209.). Du côté néerlandophone, si le gouvernement encourage la médiation, il n'y a eu aucune tentative comparable de la doter aussi, le placement en régime ouvert est d'un cadre légal. Une résolution ainsi que des plates-formes encadrent néanmoins ces pratiques. De plus, l'OSBJ à privilégier face à celui en régime (Ondersteuningsstructuur Bijzondere Jeugdzorg.) soutient et coordonne les organismes de médiation, qui bénéfi- fermé. Reprenons les mesures basées sur cient d'ailleurs, pour certains d'entre eux, d'autres sources de subventionnement que la Communauté, contraire- la philosophie restauratrice une à une. ment à la situation du côté francophone (D. Van Dooselare, op.cit., pp 207-209.). 32 JDJ n°261 - janvier 2007
Les conditions auxquelles un dossier doit répondre pour pouvoir entamer une procédure de médiation Dans la note cadre ainsi que dans le pro- puisque l'auteur serait quasiment prêt à part, et la mise entre parenthèse de jet initial (39), le recours à la médiation tout pour «échapper» à la sanction judi- l'aboutissement du processus restaura- est présenté comme le moyen ultime de ciaire. Cependant, poursuit-il, «il con- teur par la possibilité de saisine du juge déjudiciariser un dossier tout en répon- vient (…) de reconnaître que garantir le dans l'espoir d'ouvrir ce mode de justice dant à l'injustice. C'est au procureur du classement ou l'extinction ne vient que à un plus large panel d'infractions, Roi que revient cette possibilité de pro- formaliser un enjeu qui est de toutes fa- d'autre part, est inhérent à l'inscription poser une alternative à la voie judiciaire. çons présent. Il est naturel que le résul- de la médiation dans un contexte judi- Les conditions auxquelles un dossier tat de la médiation ait un impact sur la ciaire. Contexte judiciaire dont la criti- doit répondre pour que celui-ci puisse suite de la procédure et l'avantage de la que était, pour partie, à la base de l'émer- proposer, par écrit, d'entamer une pro- garantie est de clarifier d'entrée de jeu gence du mouvement novateur. cédure de médiation sont au nombre de une question régulièrement posée par les trois : 1° il faut qu'il y ait des indices parties» (44). b) La concertation sérieux de culpabilité; 2° que le mineur Ces quelques réflexions illustrent bien restauratrice en groupe ne nie pas le fait qualifié infraction et 3° toute l'ambiguïté et la difficulté que re- qu'une victime soit identifiée (40). Le vêt le fait d'insérer des éléments de jus- Si le procureur du Roi peut proposer une principe d'une médiation initiée par le tice restauratrice au sein d'un arsenal médiation au stade provisoire, le juge de parquet est présenté de la manière sui- relevant d'un «modèle» de justice diffé- la jeunesse, suivant l'ordre de préférence, vante : les parties, à savoir le mineur, ses rent. En outre, ce glissement de compé- se doit, quant à lui, d'envisager tout parents et la victime, sont invitées à faire tences ne renforcera-t-il pas une dicho- d'abord la possibilité d'une «offre restau- appel à un tiers neutre. Grâce à celui-ci tomie déjà perceptible (45) entre les «cas ratrice» au fond. Comme vu précédem- ainsi qu'à leur adhésion respective à la mineurs » prenant la voie d'une ment, il a alors le choix entre la média- proposition, elles peuvent arriver à for- déjudiciarisation et les «cas lourds» tion et la concertation restauratrice en muler ensemble un accord. Après signa- orientés vers le juge de la jeunesse ? groupe. Les conditions d'application de ture des parties, cet accord est soumis D'aucuns (46) estiment cependant que le cette concertation reprennent, comme au procureur du Roi pour approbation. fait de ne pas prévoir de classement sans pour la médiation au stade provisoire, Ce dernier ne peut refuser d'approuver suite automatique en cas de médiation l'établissement d'indices sérieux de cul- cet accord que si celui-ci heurte l'ordre réussie peut justement permettre d'évi- pabilité, l'absence de négation d'être con- public. Le procureur du Roi ne peut donc ter que cette possibilité ne soit envisa- cerné par les faits reprochés chez le jeune jamais en changer le contenu. Notons gée uniquement pour des affaires mineu- et l'identification d'une victime. Les par- qu'il s'agit là d'une innovation en com- res et, partant, d'éluder le risque de bi- ties doivent, en outre, adhérer à la con- paraison avec la procédure établie dans furcation ou de justice à deux vitesses. certation «de manière expresse et sans le cadre de la médiation pénale (41). Le Mais ce risque ne reste-t-il pas présent, réserve» (47) tout au long du processus. «service de médiation» (42) veille ensuite quoi qu'il en soit, dès lors qu'aucun chan- Si la médiation est bien connue de part à l'exécution de l'accord et envoie un gement réel de mode de pensée et de et d'autre du pays, la concertation res- rapport succinct au procureur du Roi. Ce référence n'est amorcé dans la pratique ? tauratrice en groupe est une procédure dernier décide alors de classer le dos- Ce paradoxe oscillant entre le respect de nouvelle pour la partie francophone. sier sans suite ou de saisir le juge de la la philosophie restauratrice par l'automa- L'expérience ayant été menée exclusi- jeunesse (43). tisation du classement sans suite au ris- vement en Flandre. Entre 2000 à 2003, que d'une dualisation importante, d'une une recherche-action a été mise en place Cette possibilité que conserve le parquet contredit le label «alternative déjudiciarisante» figurant dans les pre- (39) Note cadre concernant la réforme de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, SPF Justice, mars 2004; article 45quater, §3, alinéa 2 de l'avant-projet de loi, ainsi que du projet de loi modifiant la législa- miers textes présentés par la ministre. tion relative à la protection de la jeunesse et à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié Ce sont les parlementaires qui ont jugé infraction, Chambre des représentants, 29 novembre 2004, DOC 51 1467/001. plus opportun de ne pas faire rimer in- (40) Article 45quater de la loi du 8 avril 1965, inséré par article 12 de la loi du 13 juin 2006, M.B., 19 juillet 2006. vestissement émotionnel et temporel des (41) Article 216ter Code d'instruction criminelle, inséré par la loi du 10 février 1994 relative à la procédure de parties avec extinction de l'action publi- médiation pénale et modifié par les lois du 7 mai 1999, 17 avril 2002 et 22 juin 2005. que, en laissant à la discrétion du pro- (42) Selon les intentions de la Communauté française, il s'agira, pour cette partie du pays, des SPEP. cureur du Roi le choix du classement (43) Article 37quater de la loi du 8 avril 1965, inséré par article 4 de la loi du 15 mai 2006, M.B., 2 juin 2006. sans suite ou non du dossier. À ce pro- (44) D. Van Dooselaere, op.cit., p. 216. pos, D. Van Dooselaere se demande si (45) C. Nagels, «Politiques actuelles et futures de la prise en charge de la délinquance des mineurs», 4ème journée du l'extinction des poursuites suivant d'of- colloque organisé par la Fédération FASE La prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infrac- tion. Jeux et enjeux, Bruxelles, 17 mars 2006. Synthèse faite par M. Muls, Intermag, http://www.intermag.be/ fice une médiation aboutie n'aurait pas textes/fase03.pdf, pp. 1-7. fait peser une pression trop importante (46) S. Van Rumst, «Herstelbemiddeling in de nieuwe wet op de Jeugdbescherming. De wettelijke verankering van sur les parties. En effet, selon lui, cela een pretoriaanse praktijk», T.J.K., 2006, n°4, pp. 291-301. pourrait amener la victime à demander (47) Article 37bis, §1, alinéa 2 de la loi du 8 avril 1965, inséré par article 2 de la loi du 15 mai 2006, M.B., 2 juin un dédommagement disproportionné 2006. 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Si les parties arrivent à rédiger et à signer un accord, l'offre restauratrice a abouti donc aujourd'hui légalisée par la ré- forme. Conformément aux recomman- dations de la recherche-action qui a ac- compagné le projet, la concertation res- tauratrice en groupe n'est possible qu'au niveau du tribunal de la jeunesse. Cette restriction a été pensée pour permettre la mise en œuvre de cette procédure dans des cas de délinquance «grave». Une certaine «concurrence» avec le place- ment peut donc être envisagée. De fait, d'après les résultats avancés par cette recherche, l'Hergo peut parfois permet- tre une alternative au placement, parfois une accélération de la fin du placement en IPPJ (51) . Enfin, si le texte de loi re- prend en bonne partie l'idée poursuivie lors de l'expérience quant au déroule- ment (52) de cette nouvelle mesure, il ne mentionne plus la présence de représen- tants du système de justice parmi les personnes susceptibles d'être présentes, le service chargé de mettre en œuvre une concertation peut, par ailleurs, impliquer d'autres personnes de l'entourage social par une équipe de criminologues de la eux, proposent un projet de convention des parties ou d'autres personnes qui KULeuven s'intéressant aux pratiques visant à restaurer les conséquences de pourraient être utiles, en concertation néo-zélandaises de «family group l'acte commis pour la victime et la com- avec les personnes concernées. conferences», reprises sous le vocable munauté. L'objectif poursuivi est d'en Il est heureux, selon nous, que le con- de «Hergo» (Herstelgericht arriver à une convention signée par tou- tenu éventuel des accords dont l'exposé groepsoverleg) (48). Les «family group tes les personnes qui prennent un cer- des motifs présente quelques exemples conferences» sont des pratiques inspi- tain engagement dans ce cadre. Il s'agit n'ait pas été transposé dans le texte de rées de traditions maories qui se sont bien souvent du jeune, de la victime mais loi. Il apparaît, en effet, que ce qui im- vues légalisées en Nouvelle Zélande de- aussi des personnes qui s'engagent à ac- porte tant pour l'auteur que pour la vic- puis 1989. Elles sont depuis lors, dans compagner le jeune ou à soutenir la vic- time est souvent lié au processus de com- ce pays, considérées comme le proces- time (50). munication, au fait de mettre des mots sus standard en cas d'infractions com- Cette expérience flamande a connu un sur ce qui s'est passé. Rencontrer et com- mises par des mineurs. Ne se limitant succès certain (utilisation pour des si- prendre l'autre peut constituer un pas à une rencontre réduite entre auteur, tuations sérieuses, évaluation d'impact échange riche qui permet aux parties victime et médiateur (comme dans le positive, publications, etc.) et se voit présentes, et ce même par un dialogue cadre de la médiation) la «family group conferencing» réunit les victimes, les (48) I. Vanfraechem, L. Walgrave, «Een wetenschappelijk begeleid experiment met herstelgericht groepsoverleg», auteurs, leurs familles, des membres de Panopticon, 2001, pp. 479-493. la communauté et des représentants du (49) L Presser, P. Van Voorhis, «Values and evaluation: assessing processes and outcomes of restorative justice système de justice. Dans cette procédure programs», Crime & Delinquency, Vol 48, No 1, January 2002, p. 166; A. Morris, G.M., Maxwell, «restorative justice in New Zealand: family group conferences as a case study», Western Criminology Review, 1998, http:/ holistique la décision s'élabore par le /wcr.sonoma.edu, pp. 3-4. biais d'une discussion qui aboutit à un (50) A. Morris, G. Maxwell, op.cit., pp. 3-4; D. De Fraene, E. Vandenbroucke, op.cit, pp. 1006-1007. consensus (49). (51) I. Vanfraechem, «Herstelgericht groepsoverleg», Panopticon, 2001, n° 4, p. 237. Une mesure «Hergo» commence par la (52) La procédure est une concertation guidée par un «modérateur», comme l'explique la ministre dans son présentation des personnes présentes par exposé des motifs, «entre une personne ayant commis un fait qualifié infraction, la victime, l'entourage social de ces personnes, ainsi que de toutes personnes utiles, en vue d'aboutir à une solution constructive et le «modérateur». Les participants sont de commun accord sur la manière de résoudre le conflit et les conséquences matérielles et relationnelles généralement assis en cercle. Un poli- résultant du fait qualité infraction» (Exposé des motifs, op.cit., p. 11). Le juge fait l'offre restauratrice aux cier ouvre le débat en lisant le procès- parties par écrit en les informant qu'elles peuvent être conseillées par leur avocat avant d'accepter l'offre et verbal. Les parties prennent l'une après qu'elles peuvent être assistées par celui-ci dès qu'un accord intervient. Implicitement, l'article 37bis§4 prévoit donc que les avocats ne sont pas présents durant la procédure, ce contrairement à ce qui était prévu l'autre la parole pour exposer leur point dans la note cadre. L'article 37ter stipule que le service de médiation est mis au courant par le juge de de vue et leur vécu. Ensuite, le jeune et l'offre proposée aux parties. Si, après huit jours, celles-ci n'ont pas contacté spontanément le service, il son entourage, après discussion entre prend lui-même contact avec elles. 34 JDJ n°261 - janvier 2007
À compter de la date de l'approbation du projet par le juge, le jeune dispose de trois mois pour accomplir ses engagements indirect, de renouer les liens avec la so- prononcé d'un jugement introduit une À compter de la date de l'approbation ciété : l'auteur sera conscientisé aux con- pression considérable car les mesures du projet par le juge, le jeune dispose séquences de son acte; la victime évi- doivent être exécutées. Cette situation d'un délai de trois mois pour accomplir tera une victimisation secondaire. Selon risque donc de marginaliser le proces- ses engagements. Le service social ré- L. Van Garse, les personnes les plus ré- sus et de dévaloriser l'investissement des dige alors un rapport succinct portant sur ceptives à cette façon de résoudre les parties dans le processus restaurateur. le respect de ceux-ci. conflits sont généralement celles qui L'article 37quinquies permet aussi, dans L'origine de cette mesure peut être re- sont amenées à se revoir, telles que des son deuxième paragraphe, le prononcé liée à une pratique imaginée dans l'ar- partenaires, des familiers, des voisins ou d'un jugement après l'obtention d'un ac- rondissement judiciaire de Verviers par des collègues. Pour eux, restaurer une cord, par la voie restauratrice, et l'exé- le service de prestations Le CARPE (60) relation avec l'autre pourrait être «l'ac- cution de celui-ci. Le tribunal se doit et le tribunal de la jeunesse. Ce SPEP de cord» idéal. Pour des personnes qui ne alors de «tenir compte de cet accord et Verviers réfléchit depuis longtemps au se connaissent pas, toutefois, la média- de son exécution» (57). Ainsi, malgré paradoxe de l'aide contrainte. En ré- tion ou la concertation peut permettre de qu'un accord soit intervenu entre les par- sumé, ce paradoxe dans l'aide à la jeu- donner une place à cet incident dans leur ties, que celui-ci ait été exécuté et que nesse est présenté comme suit : pratique- parcours de vie respectif sans pour autant dès lors, en principe, le lien social se voit ment toutes les problématiques liées à en garder un traumatisme trop impor- restauré, le magistrat peut, toutefois, es- l'enfance et à l'adolescence sont tant (53). timer (58) que la personnalité du jeune, prioritairement présentées comme le re- Selon le nouveau texte de loi, si les par- son cadre de vie ou la sécurité publique, flet de problèmes individuels, familiaux ties arrivent à rédiger et à signer un ac- par exemple, nécessite d'imposer en ou relationnels. La perspective de chan- cord, l'offre restauratrice a abouti. Le outre l'une ou l'autre mesure au jeune. gement engage dès lors davantage les juge homologue alors cet accord écrit Cette lecture des résultats d'un proces- individus que l'organisation sociale : il hormis si ce dernier va à l'encontre de sus dit restaurateur semble se rapprocher faut qu'ils changent. Mais un présupposé l'ordre public (54). Tout comme le procu- étrangement d'une vision davantage largement partagé dans le milieu psycho- reur du Roi, il ne peut donc jamais mo- protectionnelle ou sanctionnelle. médico-social est que pour qu'un indi- difier les modalités de l'accord. Le do- vidu change, il faut qu'il le veuille. Et c) Le projet pour être certain de cette volonté, il faut cument signé et homologué est joint au dossier judiciaire. Le service ayant mis Après l'offre restauratrice et avant de que le jeune ou la famille fasse volon- en œuvre la médiation ou la concerta- prendre d'autres mesures, le juge de la tairement appel à un service d'aide dis- tion rédige un rapport succinct sur le jeunesse se doit d'envisager la faisabi- ponible. Toutefois, dans le cadre de la déroulement du processus et les résul- lité d'un projet susceptible d'être présenté protection de la jeunesse, les personnes tats obtenus (55). par le jeune. Décrit dans l'article 37§2ter qui s'adressent à de tels services le font de la loi réformée, ce projet doit être suite à l'injonction d'un juge. Certes, ces Un élément risque de venir biaiser l'in- présenté par écrit au juge, et ce au plus services en viennent souvent à leur de- tervention du modérateur, si nous sai- tard le jour de l'audience. Il peut conte- mander si elles veulent être aidées. Mais sissons bien la teneur de l'article nir un ou plusieurs engagements parmi il reste alors impossible de savoir si l'ac- 37quinquies, §1 et §2. En effet, il appa- une liste non exhaustive (59). ceptation découle d'une volonté sincère raît qu'en parallèle au déroulement de l'offre restauratrice, le magistrat de la jeunesse pourra déjà juger l'affaire et prononcer certaines mesures à l'égard du mineur concerné. Si après ce prononcé, (53) L. Van Garse, «Bemiddeling in de strafrechtelijke context, suggesties voor regelgeving op basis van jaren l'accord conclu à l'issue du processus bemiddelingspraktijk», Panopticon, 2004, n° 5, p. 62. restaurateur a été exécuté selon les mo- (54) Article 37quater, §1 de la loi du 8 avril 1965, inséré par article 4 de la loi du 15 mai 2006, M.B., 2 juin 2006. dalités prévues, le tribunal peut être saisi (55) Article 37quinquies, §1 de la loi du 8 avril 1965, inséré par article 5 de la loi du 15 mai 2006, M.B., 2 juin afin de revoir les mesures définitives 2006. prononcées entretemps en vue d'alléger (56) Sur base de l'article 60. ces dernières (56). Les points forts des (57) Article 37quinquies, §2 de la loi du 8 avril 1965, inséré par article 5 de la loi du 15 mai 2006, M.B., 2 juin 2006. pratiques restauratrices sont la créativité, (58) En tenant compte des éléments mentionnés dans l'article 37§1 de la loi du 8 avril 1965, inséré par article 7, 1° la flexibilité et le rétablissement de la de la loi du 13 juin 2006, M.B., 19 juillet 2006. communication. Le revers de la médaille (59) La liste reprend : offrir des excuses écrites ou orales à la victime; réparer les dommages en nature si ceux-ci est que ce type de processus a, généra- sont limités; participer / proposer à la victime une offre restauratrice (notons que, selon l'exposé des motifs, le lement, besoin d'une quantité de temps projet est considéré comme une option idéale lorsque la victime ne désire pas prendre part à une offre restau- ratrice); suivre un programme de réinsertion scolaire; participer à des activités dans le cadre d'un projet imprévisible, le temps nécessaire pour d'apprentissage ou de formation de 45 heures maximum; suivre un traitement ambulatoire auprès d'un service tenter de renouer le dialogue et de res- psychologique, psychiatrique, d'éducation sexuelle, ou encore auprès d'un service compétent dans le domaine taurer les liens endommagés. Intervenir de l'alcoolisme ou de la toxicomanie; se présenter auprès des services d'Aide à la jeunesse. indirectement dans ce processus par le (60) Centre d'Aide à la Réalisation de Prestations, Éducatives ou Philanthropiques. JDJ n°261 - janvier 2007 35
La prestation éducative et d'intérêt général : une mesure autonome ou une condition ajoutée à une autre mesure ou si elle n'est qu'un moyen d'écourter social communautaire sera compétent Ce changement de dénomination sem- voire d'écarter la procédure judiciaire en- pour contrôler la mise en œuvre du pro- ble, comme le soulignent I. Delens-Ra- gagée (61). «La situation paradoxale dans jet une fois approuvé (67), reste à voir qui vier et Th. Moreau (69), symboliquement laquelle un individu est contraint par un soutiendra le jeune dans l'élaboration du significatif. L'aspect positif et construc- second, à accepter l'aide d'un troisième projet. tif d'une action permettant au jeune de (…) est inhérente à toute intervention À l'analyse des textes relatifs à cette montrer ce dont il est capable au monde «protectionnelle» judiciaire qui est, par «nouvelle» possibilité, on peut se de- mais surtout à lui-même (ce qui est un définition, contraignante; malgré toute mander en quoi celle-ci est «inspirée de des ressorts de la PEP dans certains ar- les tentatives de séduction, coalition, la philosophie restauratrice» comme sti- rondissements) semble repris dans la alliance,… mises en œuvre par les ma- pulé dans l'exposé des motifs. Cette vi- mesure de «prestation positive» (non gistrats pour s'assurer l'adhésion des sion de la justice restauratrice semble examinée dans cette contribution), la personnes à un projet d'aide contrainte fort réductrice : une responsabilisation prestation éducative et d'intérêt général (…), la définition de la problématique entendue dans le sens d'une obligation parait, quant à elle, se rapprocher d'avan- et la contrainte restent pour celui qui qui incombe au jeune de prendre acti- tage du travail d'intérêt général et de la est objet du mandat, sous l'entière res- vement ses responsabilités. peine de travail (70). Suivant une évolu- ponsabilité de l'autorité judiciaire» (62). tion déjà observable, l'accent se déplace Afin de sortir quelque peu de ce para- d) La prestation éducative et de l'aspect constructif de la prestation doxe, ils ont imaginé l'idée du «mandat- d'intérêt général tantôt vers «le prix de la réparation du contenant». Celui-ci est une manière dommage», tantôt vers «le prix de la différente d'envisager classiquement le Cette mesure prévue à l'ancien article 37, faute à payer» (71) . L'approche mandat du juge, «mandat-contenu». En 2°, b de la loi de 1965, auparavant con- sanctionnelle risque dès lors de marquer effet, «le mandat-contenu définit le seuil nue sous l'appellation un peu obsolète davantage la mesure. Dans le projet du d'attente du mandat en terme de com- de «prestation éducative ou philanthro- ministre M. Verwilghen, celle-ci était portements attendus» (63) . Dans ce genre pique» était conçue comme condition considérée comme une véritable sanc- de mandat, le juge définit donc à l'avance optionnelle à la surveillance par le ser- tion et non comme une mesure à visée le type de mesures à mettre en œuvre et vice social du tribunal de la jeunesse. éducative. les exigences liées à leur réussite. Le Dans la nouvelle législation elle peut À partir des textes, il semble difficile de «mandat-contenant», quant à lui, «défi- prendre la forme soit d'une mesure auto- retrouver une inspiration restauratrice nit un processus qui permet aux acteurs nome soit d'une condition ajoutée à une dans la conception d'une mesure qui de présenter leurs réponses, leurs auto- autre mesure et elle doit être décidée au puise son histoire dans la dimension solutions» (64). Grâce à la créativité et aux fond. Cette prestation ne peut dépasser protectionnelle et semble envisager son ressources propres au jeune, un proces- 150 heures. La note cadre et l'exposé des futur vers une dimension davantage sus s'élabore, montrant de la sorte que motifs indiquent que des accords spéci- sanctionnelle, on ne retrouve mention ni ce dernier peut réaliser quelque chose fiques seraient possibles avec des dépar- de la communauté, ni du lien social, ni de positif et remplir ainsi les attentes qui tements ministériels visant à organiser de la victime (même pas symbolique- lui permettent de se libérer de la con- ces prestations, par exemple, «en colla- ment)… mais il est vrai que les mesures trainte judiciaire (65). boration avec la protection civile ou sont cumulables. Une autre source d'inspiration de cette dans le cadre d'opérations humanitai- mesure inscrite dans la nouvelle loi est res de la défense nationale» (68) . sans doute à trouver dans l'avant-projet de loi défendu en 2001 par le ministre M. Verwilghen. En effet, la deuxième (61) G. Hardy et al., «La conjuration des bienveillants», J.D.J., février 1996, n° 152, pp. 70 et s. mesure proposée dans ce texte consis- (62) G. Hardy, Ch. Defays, H. Gerrekens, «La conjuration des bienveillants!, Traiter la maltraitance : Une remise en tait en une suspension du prononcé, à la question», Cahiers Critiques de Thérapie Familiale et de Pratiques de Réseaux, 1996, n°17, p. 144. condition que le mineur s'engage à res- (63) G. Hardy, Ch. Defays, H. Gerrekens, C. De Hesselle, J. Legreve, «Mandat et complexité», Thérapie Familiale, pecter pour une durée de six mois, à 1997, vol. 18, n°1, p. 27. compter de la date du jugement, une ou (64) G. Hardy, Ch. Defays, H. Gerrekens, C. De Hesselle, J. Legreve, op.cit., p 28. plusieurs des clauses reprises dans une (65) Y. Cartuyvels, Justice des mineurs et sanctions alternatives. À propos des prestations éducatives et philanthro- liste. La liste de l'article 37§2ter de la piques pour des mineurs auteurs d'abus sexuel, Editions Jeunesse et droit, Liège – Paris, pp. 80-83. nouvelle loi est quasiment identique. (66) Exposé des motifs, op.cit., p. 13, 17. (67) Article 37, §2, alinéa 2 de la loi du 8 avril 1965, inséré par article 7, 4° de la loi du 13 juin 2006, M.B., 19 Telle que présentée dans la nouvelle loi, juillet 2006. cette mesure serait davantage un moyen (68) Note cadre concernant la réforme de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, SPF Justice, de responsabilisation du mineur aux con- mars 2004, p. 7.; Exposé des motifs, op.cit., p. 8. séquences de son acte, moyen qui s'ins- (69) I. Delens-Ravier., Th. Moreau, J.D.J., mai 2004, n°235, p. 23. pirerait donc, selon le législateur, de la (70) Dans le même sens : FEMMO, J.D.J., mai 2004, n°235, p. 84. philosophie restauratrice (66) . Le service (71) I. Delens-Ravier., Th. Moreau, op.cit., p. 23. 36 JDJ n°261 - janvier 2007
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