LES PARCS NATIONAUX : DES LIMITES AU SERVICE D'UN PROJET DE TERRITOIRE - ICOMOS FRANCE

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LES PARCS NATIONAUX : DES LIMITES AU SERVICE D'UN PROJET DE TERRITOIRE - ICOMOS FRANCE
atelier 4 – Quel rÔle des Zones intermédiaires ?

  lEs pArcs nAtionAux :
  dEs limitEs Au sErvicE
d’un proJEt dE tErritoirE

Hervé Parmentier, Chef du service développement durable et partenariats, Parc national du
Mercantour.

L’ambition de cette présentation est d’apporter des éléments de réflexion concrets, avec une ap-
proche territoriale, sur la contribution des parcs nationaux français à la réflexion « zonage » et
« protection des patrimoines ».

On compte aujourd’hui dix parcs, et bientôt         a rénovés en profondeur. Cette dernière loi
onze, avec celui des forêts de Champagne et         dispose qu’un parc national doit conserver
Bourgogne en préparation. A l’horizon 2019,         un noyau, appelé « cœur ». Les parcs étaient
la France a l’ambition de compter 2 % de son        au départ considérés comme des zones de
territoire en aire protégée.                        très grande valeur essentiellement natura-
Un parc national est un territoire de notoriété     liste. Cependant, la loi de 2006 donne pour
nationale et internationale, exceptionnel en        ambition aux parcs nationaux d’élargir leur
raison d’une combinaison de facteurs géolo-         périmètre d’intervention à un territoire plus
giques et climatiques et d’une alchimie entre       vaste. Un parc national doit être non seule-
paysages, écosystèmes et activités humaines.        ment composer d’un cœur, mais aussi d’une
L’ensemble compose un territoire appelé             « aire d’adhésion ». On retrouve ainsi deux
« parc national ». Les parcs nationaux              secteurs dans un parc national (Fig. 1) : le
ont un pouvoir d’attraction très fort avec          cœur – « le saint des saints » – où la préserva-
8,5 millions de visiteurs par an. Ce sont des       tion de « ce qui fait patrimoine » est l’objectif
territoires qui participent à l’identité cultu-     prioritaire, et l’aire d’adhésion, projet collectif
relle de notre nation. Les éléments juridiques      autour duquel on se rassemble. C’est l’espace
fondateurs de nos parcs nationaux sont la loi       où l’on vit et l’on travaille tout en contribuant
de 1960 sur la protection de la nature, qui         à la préservation du cœur de parc.
crée les parcs nationaux, et la loi du 14 avril
2006 relative aux parcs nationaux, qui les

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Fig. 1 : Carte du Parc national du Mercantour

Un autre élément-clé de la fondation des              rité est parfois à reconstruire. Dans l’espace
parcs nationaux, qui transcende la notion de          transfrontalier des parcs du Mercantour et
limite, est la notion de solidarité. Les cœurs de     du parc italien voisin Alpi Marittime par
parcs sont des réservoirs de biodiversité. Les        exemple, la continuité culturelle prend la
espèces – animales ou végétales – ont besoin          forme de sentiers, de routes militaires, voire
de se reproduire, de s’alimenter, de disposer de      des routes du sel qui partaient de Nice pour
zones de quiétude : les corridors permettent          l’Italie. L’organisation du territoire avec des
de mettre en lien différents réservoirs. Les          limites est bouleversée car ce sont des axes
passages entre le cœur du parc et la zone             traversant.
d’adhésion créent ainsi une solidarité écolo-         La notion de solidarité dans les parcs natio-
gique indispensable aux espèces. En étendant          naux est également à rechercher sur les plans
la responsabilité des parcs nationaux à la            sociaux et économiques. Comment interpréter
préservation du patrimoine culturel, la loi de        alors, le concept de limite et celui de conti-
2006 crée une nouvelle forme de solidarité à          nuité ? Que l’on soit dans le cœur du parc ou
rechercher par les parcs nationaux : la solida-       dans l’aire d’adhésion, le territoire d’un parc
rité culturelle. C’est logique, puisque celle-ci      national est fondé sur ces notions complexes
est un des éléments fondateurs du caractère           de solidarité écologique, économique, sociale
du parc national. Par contre, cette dimension         ou culturelle. Continuum écologique, cohé-
culturelle nécessite de revoir la notion de soli-     rence écologique, réservoir de biodiversité,
darité applicable au patrimoine naturel. Les          corridor écologique, autant de paramètres qui
critères sont à adapter. La notion de solida-         structurent un territoire de parc national.

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Pour atteindre les objectifs d’un cœur du parc,      • Développer des relations contractuelles
c’est-à-dire la préservation tout en accompa-         entre l’établissement public et les autres
gnant les activités économiques, sociales ou          acteurs du territoire ;
culturelles existantes, deux types d’outils sont     • Relayer les politiques publiques ;
mobilisables :
                                                     • Favoriser l’appropriation du parc.
• L’outil réglementaire : un parc national est
                                                     Pour mettre en œuvre ces ambitions, il s’agit
  géré par un établissement public qui met
                                                     de les décliner en axes stratégiques qui
  en œuvre un certain nombre d’éléments
                                                     portent à la fois sur la préservation et la valo-
  de réglementation en référence au Code de
                                                     risation des patrimoines, qu’ils soient natu-
  l’environnement ;
                                                     rels ou culturels. On identifie alors des projets
• Les actions contractuelles : la loi de 2006        économiques, des projets d’excellence envi-
  a introduit le principe de démarche parte-         ronnementale.
  nariale avec les acteurs du territoire. Dans
                                                     Au final, dans un parc national, les communes
  la zone d’adhésion, il est ainsi uniquement
                                                     peuvent avoir une partie de leur territoire
  question de partenariat.
                                                     dans le cœur, et le reste en aire d’adhésion.
Le socle du travail commun de construction           Pour l’aire d’adhésion, les communes choi-
de ce projet de préservation, de valorisation        sissent de s’associer ou non au grand projet
du patrimoine naturel et culturel à l’échelle        et à la forte notoriété que le parc national
du territoire du parc est appelé « la charte du      peut générer. Pour la partie de leur terri-
parc national ». Cette vision à quinze ans est       toire en cœur, c’est l’Etat qui fixe les limites
un socle sur lequel l’ensemble des acteurs du        compte tenu de l’enjeu supérieur pour la
territoire vont co-construire ce projet avec         nation. La loi de 2006 a donc introduit
des marges de manœuvre ou des champs de              cette notion d’adhésion à la charte du parc.
débats différents. En cœur de parc, le champ         Avant, elle « devaient travailler ensemble sous
sera ainsi beaucoup plus limité. Cependant,          l’égide du parc national ». Depuis la loi de
en aire d’adhésion, tout est à écrire ensemble       2006, on choisit d’être ou non « commune
– gestionnaires du parc national, élus, socio-       du parc national ». Dans le parc national du
professionnels, associations et habitants – en       Mercantour, la charte a été validée par décret
termes d’ambitions et d’orientations à porter,       le 28 décembre 2012. 78 % des communes
pour monter au final un projet de territoire         qui ont vocation à composer le parc national
qui touche à la fois le cœur et l’aire d’adhé-       ont souhaité porter le label Parc. Pour ceux
sion.                                                qui ont refusé, cela implique une remise en
Comme nous l’avons dit précédemment, un              cause des gestionnaires et une recomposi-
parc national est un territoire qui organise         tion du territoire de l’aire d’adhésion. Si les
son avenir avec une vision à quinze ans, le          limites du cœur restent inchangées, celles du
temps d’une charte. Dans le parc national            territoire global du parc national sont donc
du Mercantour, ce travail a été conduit avec         évolutives au moins à chaque phase d’adhé-
l’ensemble des acteurs du territoire (élus,          sion des communes.
habitants, opérateurs économiques…) pour             La loi de 2006 introduit une autre notion
définir un socle d’ambitions communes :              importante, « le caractère du parc » que l’on
• Conserver la forte valeur patrimoniale du          pourrait aussi qualifier « d’esprit des lieux ».
  cœur du parc ;                                     L’esprit des lieux, c’est la réponse aux ques-
• Inscrire le parc dans un projet de territoire      tions « Quels sont les éléments spécifiques
  et dans une logique de développement               de notre territoire ? Qu’est ce qui forge notre
  économique ;                                       identité ? ». Mais au-delà des approches
                                                     poétiques, voire rhétoriques sur la magni-

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ficence des grands paysages, de la pureté de         engageante sur un plan humain et social –
la ressource en eau de nos montagnes, d’un           est aussi un outil juridique. En effet, en cas
accueil exceptionnel de tous les publics,            de contentieux, c’est systématiquement l’at-
au-delà de la faune, de la flore remarquable,        teinte au caractère du parc qui sera analysé.
de l’histoire ancestrale du pastoralisme qui a       Le caractère du parc est attaché à l’ensemble
façonné nos paysages, au-delà de nos villages        du territoire du parc national mais avec une
qui ont été français ou italiens au gré de           application réglementaire plus appropriée au
l’Histoire, au-delà des témoignages laissés par      cœur du parc.
nos prédécesseurs, notamment les pasteurs            Dans le cadre de la loi de 2006, une autre
la Vallée des Merveilles il y a 8000 ans dans        notion est apparue : la vocation. Un zonage
les hauteurs du parc national du Mercantour,         des vocations (Fig. 2) n’est pas un de zonage
au-delà de tout cela, il y a cet esprit qui nous     d’urbanisme. « Vocation » est à mettre en
rassemble. C’est ce qui est important avec la        regard de l’enjeu prédominant d’un secteur
loi de 2006 : on crée un projet de territoire        géographique ou de l’objectif prioritaire que
sur des valeurs. Le caractère du parc national,      l’on veut viser : quels sont les outils et les stra-
c’est aussi une dimension juridique. Ce qui          tégies de gestion que l’on va mettre en œuvre
devient extrêmement intéressant, c’est que           pour travailler dans des secteurs qui peuvent
l’on va analyser la réglementation, les usages,      être à vocation de forte naturalité, à vocation
les autorisations de travaux dans le cœur – à        dominante pastorale ou à dominante fores-
la lumière de leur atteinte éventuelle au carac-     tière ?
tère du parc. Ainsi, cette notion de caractère
– notion qui pouvait être philosophique, très

Fig. 2 : Carte des vocations

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Un parc national, c’est un territoire et aussi un     dans l’aire d’adhésion. Faut-il opposer ces
espace de gouvernance rénovée suite à la loi          deux notions ? Ne sont-elles pas là pour se
de 2006. L’Etat fixe le cadre via les fondamen-       compléter ? Peut être considéré extraordi-
taux attendus d’un parc national. Le territoire       naire ce qui est menacé, rare ou embléma-
bâtit un projet. C’est bien le territoire qui est     tique. Ordinaire ne veut pas dire banal ou
l’artisan du projet puisque le Conseil d’admi-        sans intérêt, sans utilité. Si nous reprenons la
nistration est composé majoritairement d’élus         définition que donne le professeur Barbault
locaux et de représentants de la société civile       de la biodiversité, celle-ci est le fondement de
(association, opérateurs économiques, habi-           notre présence à tous sur terre : la biodiver-
tants). Dans le parc national du Mercantour,          sité, c’est l’ensemble des êtres vivants et de
le Conseil d’administration compte quarante-          leurs milieux où ils accomplissent leur cycle
cinq membres, dont vingt-trois sont des repré-        de vie. Face aux pressions de nos sociétés
sentants des collectivités locales, ce qui doit       d’aujourd’hui, comme un pull-over qui perd
traduire un véritable phénomène d’appropria-          ses mailles, qui se détricote jusqu’à perdre son
tion du projet par les acteurs du territoire. Si      usage, la biodiversité s’érode à ne plus devenir
un parc national est un projet de préservation        fonctionnelle. Cet enjeu de préservation de la
du patrimoine naturel et culturel couplé à un         biodiversité transcende toutes les limites qui
projet de développement, c’est avant tout une         peuvent exister. Nous avons une responsabi-
démarche locale. Il y a avant tout une néces-         lité collective dans cette obligation de réussir.
sité d’agir localement. Ce sont les habitants,        Mais je ne voudrais pas terminer sur une note
les socioprofessionnels, les élus qui ont cette       pessimiste ou culpabilisante. L’écologie est
responsabilité dans le projet, et l’établisse-        trop souvent maniée et/ou vécue comme puni-
ment public les accompagne en mobilisant de           tive. Nous avons d’extraordinaires capacités,
l’ingénierie ou des financements.                     connaissances pour réussir le challenge de la
Enfin, je terminerai mon propos pour illustrer        préservation de la biodiversité. Nous avons
cette notion de limites qui parfois s’opposent,       des outils pour y parvenir. Tantôt, c’est un
parfois se complètent. Il existe un autre anta-       zonage entre des territoires, des limites. Que
gonisme que l’on oppose régulièrement dans            celles-ci ne soient pas étanches, qu’elles se
les milieux environnementaux et notamment             complètent pour contribuer à une harmonie
dans les parcs nationaux. Le cœur du parc             globale, passeport pour notre avenir, pour
national est réputé concentrer une « biodiver-        que nos générations futures soient également
sité extraordinaire », alors que la biodiver-         porteuses d’un message et du patrimoine
sité dite « ordinaire », serait celle rencontrée      légué par nos « anciens ». •

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