MÉMOIRE DE LICENCE - DIVA PORTAL

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Mémoire de licence
Kandidatexamen
Béni ou le paradis privé et Kiffe kiffe demain – La lutte
pour l’intégration dans la littérature beure

Étude comparative de deux romans d’Azouz Begag et Faïza Guène

Författare: Ben Letaeif
Handledare: André Leblanc
Examinator: Mattias Aronsson
Ämne/huvudområde: Franska
Kurskod: GFR2AS
Poäng: 15hp
Ventilerings-/examinationsdatum: 03 juin 2021

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                                                    1
Résumé

Cette étude est basée sur une comparaison thématique de deux romans des auteurs beurs, Azouz
Begag et Faiza Guène. L’objectif de ce mémoire est de démontrer l’évolution entre le processus
d’intégration rapporté par Begag dans les années 1980 et celui de Guène dans les années 2000. Quels
messages veulent-ils faire passer aux lecteurs et dans quelle mesure les obstacles affrontés par Béni
et Doria ont-ils eu une influence sur leur destin ?

Mots clés:

Littérature beure, banlieue, identité, intégration, racisme

Abstract

This research is based on a thematic comparison of two novels by two North-African authors, Azouz
Begag and Faiza Guène. The objective of this essay is to show the evolution of the integration process,
recounted by Begag in the 1980s and by Guène in the 2000s. What message do they want to present
to their readers and, to what extent do the obstacles that Béni and Doria encounter, have an influence
on their destiny?

Keywords

North-African Literature, suburbs, identity, integration, racism

                                                      2
Remerciement
Toute ma gratitude à mon directeur de mémoire, M. André Leblanc, de ses
  conseils, ses réflexions et de sa patience tout au long ces dernières
                   années et ce projet de fin d’étude
Je tiens à remercier aussi tous mes professeurs à Högskolan Dalarna qui
m’ont assisté à tous mes cours et de leur soutien et leur encouragement
   Je remercie également ma famille et toutes les personnes qui ont
contribué à la réalisation de ce projet et qui m’ont soutenu durant mon
                        parcours universitaire

                                    3
Table de matière

   1. Introduction …………………………………………………………… 6
      Méthode ………………………………………………………………… 7
   2. Définition des concepts …………………………………………………7
          2.1.La littérature beur ……………………………………………...               7
          2.2.Les banlieues françaises ……………………………………….              8
          2.3.La littérature de banlieue ………………………………………             8
          2.4.L’autobiographie/ L’autofiction ………………………………. 9
   3. Présentation de Begag et Guène         …………………………………           9
          3.1.Azouz Begag             …………………………………………                9
                   3.1.1. Béni ou le paradis privé (1989) ………………… 10
          3.2.Faiza Guène           …………………………………………… 11
                   3.2.1. Kiffe kiffe demain (2004) ……………………….. 11
          3.3.Particularité des romans      …………………………………            11
   4. Comparaison thématique des deux romans ………………………               12
          4.1.Famille           ……………………………………………… 12
                   4.1.1. Béni ou l’envie de changement …………………      12
                   4.1.2. Famille de Doria ………………………………              13
                   4.1.3. Comparaison        ………………………………            14
          4.2.Ecole               ……………………………………………                  14
                   4.2.1. Béni le génie de la classe ………………………… 14
                   4.2.2. Doria et l’échec scolaire ………………………… 15
                   4.2.3. Comparaison       …………………………………… 15
          4.3.Racisme          ………………………………………………                    15
                   4.3.1. Béni et les obstacles d’intégration ……………… 15
                   4.3.2. Doria et le racisme dans la société ……………… 16
                   4.3.3. Comparaison       …………………………………… 17
          4.4.Tradition/culture/ religion   …………………………………            17
                   4.4.1. Béni entre deux cultures ………………………… 17
                   4.4.2. Doria et les coutumes …………………………… 18
                   4.4.3. Comparaison        ………………………………… 18
          4.5.Amour…………………………………………………………… 19
                   4.5.1. Béni et le rêve d’être aimé ………………………      19
                   4.5.2. Doria et l’amour trouvé …………………………         19

                                              4
4.5.3. Comparaison…………………………………   20
 5. Conclusion    ………………………………………………………            20

Bibliographie ……………………………………………………………              23

                                 5
1. Introduction

La France est connue par sa longue histoire de colonisation et pour avoir accueilli de nombreux
immigrés dont beaucoup étaient des Maghrébins. Ces immigrés arrivés afin de combler le manque de
main-d’œuvre et renforcer l’économie avaient besoin de logement, c’est pour cela que la France a
construit des logements sociaux, HLM (habitation à loyer modéré) dans des banlieues pour non
seulement éviter une crise mais aussi donner la possibilité aux immigrés d’avoir leur propre
appartement. C’est dans ces banlieues caractérisées par différentes identités, par les inégalités
sociales, par la violence, par l’exclusion et par la souffrance des jeunes Français d’origine maghrébine
que la littérature beure est née.
      Les flux migratoires du Maghreb ont commencé lors de la deuxième moitié du 19ème siècle,
cependant l’immigration nord-africaine ne fait ses débuts dans le monde romanesque francophone
qu’après la deuxième guerre mondiale. « Avec près de 1 300 000 Maghrébins recensés à la fin de
1979, la colonie nord-africaine, compte tenu des immigrants clandestins et de son fort accroissement
démographique interne, s’achemine, en 1985, vers le chiffre de 1 500 000 » (Ageron, 1985 : 59).
      Ce qui nous intéresse dans notre recherche est le côté culturel. Une génération de jeunes auteurs
des banlieues, d’origine maghrébine, est apparue et avec elle, un nouveau courant littéraire dit ‘beur’
est né. Ce dernier a jailli au début des années 80 grâce aux auteurs issus de la deuxième génération
d’immigrés maghrébins de France. Il s’agit d’une littérature essentiellement d’inspiration
autobiographique réaliste, recourant à une forme moderne d’autobiographie, appelée l’autofiction.
Celle-ci est une forme dans laquelle l’écrivain utilise un croisement entre le réel venant de ses
expériences vécues et un récit fictif sorti de son imagination (Ghellai, 2017 : 9-10).
      Les auteurs beurs illustrent dans leurs romans des références historiques et sociales dans la
structure urbaine des banlieues françaises et dévoilent une jeunesse qui fait face à une fracture
identitaire et des problèmes d’intégration. Cette population jeune maghrébine est bien souvent
reléguée dans des territoires touchés par des problèmes de chômage, de pauvreté, d’illettrisme et
d’intégration. Dans ce contexte, les personnages de la littérature beure expriment souvent la volonté
de sortir de cette situation précaire mais se posent la question de savoir s’ils sont victimes ou
responsables de leur destin.
      Dans le cadre de notre mémoire, nous allons mettre en évidence la manière dans laquelle la
situation des jeunes Maghrébins est représentée en France. A cet égard nous allons établir une
comparaison thématique entre deux romans de deux écrivains d’origine algérienne, Azouz Begag,
Béni ou le paradis privé (1989) et Faiza Guène, Kiffe kiffe demain (2004), dans lesquels ils ont décrit
la situation de deux jeunes gens d’origine maghrébine, Béni et Doria. Ces deux personnages sont aux

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prises avec leur destin entravé par des problèmes multiples auxquels sont confrontés de nombreux
jeunes de la même origine. On peut se poser alors les questions suivantes à leur sujet :

           o Dans quelle mesure l’initiative individuelle et la responsabilité de deux personnages
               (Béni et Doria) ont-elles contribué à leur destin ?
           o Quelle est l’évolution entre le processus d’intégration rapporté par Azouz Begag
               (1989) et Faiza Guène (2004) ?
           o Quel est le message qu’ils ont voulu faire passer à travers ces récits?

Méthode
Pour répondre à ces questions nous allons, après avoir fait le point sur la théorie de la littérature beure
et de l’autofiction, procéder à une comparaison des deux romans basés sur quelques thèmes phares.
Commençons par le premier thème de la famille : la pauvreté et l’analphabétisme des parents et leur
influence sur Béni et Doria. Ce thème a été choisi pour mettre en évidence l’influence de l’éducation
et des valeurs familiales sur l’identité des personnages et sur leur intégration. Le deuxième thème,
l’école, insiste sur les conséquences de la discrimination à l’école qui, dans un environnement social
bien spécifique à la vie de quartier, finit par se répercuter sur la vie des protagonistes. Le racisme
comme troisième thème traite toutes les formes de discrimination rencontrées par nos deux
personnages. Nous allons analyser les conséquences multiples du racisme afin de démontrer son
impact sur l’avenir et l’intégration des jeunes. Nous mettons ensuite l’accent sur le quatrième thème
constitué par la triade formée par la tradition, la culture et la religion. Ce thème prend en compte
l’effet de ces dernières sur la vie de Béni et Doria, des troubles et des tourments entre leurs deux
cultures. Finalement, l’amour et son influence seront étudiés sur la vie de Béni et Doria. Nous allons,
pour mettre en perspective ces différents thèmes, faire le point sur la théorie de la littérature beure.
Celle-ci ayant produit des œuvres essentiellement d’inspiration autobiographique, il sera ensuite
intéressant de l’évaluer selon les principes mis au jour par la théorie de l’autofiction pour en
démontrer les enjeux particuliers chez Begag et Guène.

   2. Définition des concepts
   2.1.       La littérature beure

Commençons par la définition du mot beur. Selon Michel Laronde, il « est généralement admis que
le terme ‘’beur’’ provient du terme ‘’arabe’’ inversé deux fois en verlan : arabe ₌ reubeu ₌ beur »
(Laronde, 1993 : 54). Au cours du temps, la définition a subi quelques changements, par exemple
dans le Petit Larousse en 1988 qui propose la définition suivante du mot beur : « beur. n

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(Déformation du verlan Rebeu, arabe) Fam. Immigré maghrébin de la deuxième génération (née en
France)» (Le Petit Larousse, 1988). Les immigrés maghrébins ont commencé à être connus sous le
nom de beurs . Cependant, les conséquences de l’exclusion et les sensations de ségrégation ont
déclenché des mouvements de manifestation dont celle qui a eu lieu du 15 octobre au 3 décembre
1983 appelée « la Marche pour l’égalité et contre le racisme » de Marseille à Paris qui est une
manifestation organisée par des jeunes Maghrébins de deuxième génération, revendiquant leur
appartenance à la société française.
      Parallèlement avec la Marche pour l’égalité et contre le racisme ou Marche des Beurs, on assiste
à la naissance de la littérature beure dont on peut dire que le premier auteur est Mehdi Charef avec
son premier roman Le Thé au harem d’Archi Ahmed en 1983. Par la suite, d’autres romans sont aussi
apparus qui font référence aux aspects historiques et sociaux des banlieues françaises. Ils révèlent des
problèmes d’une jeunesse confrontée au dédoublement culturel et à l’exclusion. Pour comprendre la
situation des Beurs, il faut clarifier la situation des banlieues françaises.
    2.2. Les banlieues françaises

Le mot banlieue est employé pour désigner les quartiers populaires de la périphérie des grandes villes,
tout particulièrement les ensembles bâtis après 1950, nommés les grands ensembles ou les cités HLM.
Dans ces banlieues s’est concentrée principalement une population d’origine étrangère, plus
spécialement d’Afrique du Nord et d’Afrique noire. Depuis les premières émeutes urbaines des
années 90 jusqu’aux révoltes de 2005, les banlieues françaises sont classifiées comme quartiers
populaires sensibles.
      Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, la population immigrée en France progresse.
Selon l’Insee, la population étrangère en 2019 représente 9,9% de la population totale, contre 7,4%
en 1975 et 4,4% en 1946. Les immigrés vivant en France qui sont nés en Afrique représentent 46,5%
et ceux qui sont nés en Europe 33,3%. Les nationalités les plus fréquentes des immigrés en 2019,
sont : algériens 12,6%, marocains 12%, tunisiens 4,5%, espagnols 3,6% … (Insee, 2019).
      Les jeunes issus des quartiers sensibles souffrent généralement de chômage, de discrimination,
de pauvreté, d’échec scolaire, bref de marginalisation alors même que la plupart sont natifs et citoyens
français : « ces jeunes se sentent également inquiets par d’autres aspects tels que la construction
identitaire et l’insertion socioprofessionnelle » (Rios Martinez, 2015 : 44).

    2.3.La littérature de banlieue

La littérature de banlieue rassemble des écrivains issus de l’immigration cohabitant dans le même
milieu social au cœur des banlieues et qui traitent des mêmes problèmes. C’est un phénomène de
société qui a aimanté l’ensemble des écrivains quelles que soient leurs origines. D’après Hargreaves,

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« les populations qui produisent ces deux courants littéraires [littérature beure et littérature de
banlieue] et qui s’y mettent en scène sont similaires dans la mesure où il s’agit principalement (bien
que pas exclusivement) de minorités post-coloniales reléguées dans les marges de la société
française » ( Hargreaves, 2014, non paginé).

   2.4. L’autobiographie/ L’autofiction

Dans la plupart des romans beurs, les auteurs recourent à l’utilisation de pronom Je ou moi dans leurs
récits comme c’est le cas de Begag et Guène. Pour bien distinguer le genre des romans que nous
avons choisi, soit autobiographique ou autofictionnel, nous allons définir ces deux concepts.
Commençons par définir la notion d’autobiographie : « le mot autobiographie a été construit à partir
du mot biographie, auquel on a ajouté le préfixe auto- (de soi-même, par soi-même). Quant au mot
biographie, on y reconnaît les éléments d’origine grecque bio, qui signifie (vie) et graphie, qui veut
dire (écrire) » (Dictionnaire Orthodidacte). Pour Philippe Lejeune, l’autobiographie est un récit
« qu’une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle,
en particulier sur l’histoire de sa personnalité » (Lejeune, 1975 : 14).
      D’autre part, l’autofiction est un terme composé du préfixe auto- qui veut dire (de soi-même,
par soi-même) et du mot fiction qui signifie l’irréel ou l’imaginaire. L’autofiction est un genre qui
consiste à combiner le réel avec la fiction. Gasparini affirme que « ce genre regroupe […] tous récits
qui programment une double réception, à la fois fictionnelle et autobiographique. Dans cette optique,
le degré de véracité des textes importe peu » (Gasparini, 2004 :14). A partir de ces définitions, nous
pouvons dire que Begag a privilégié l’autofiction dans son roman. Il a utilisé ses souvenirs d’enfance
mélangés à l’imaginaire par le biais d’un personnage fictif. Cependant, dans Kiffe kiffe demain,
l’histoire de la protagoniste Doria diverge totalement de celle de la narratrice. Malgré qu’elle ait vécu
dans la banlieue et qu’elle a témoigné des conditions de vie des jeunes, le roman de Guène est inventé.
Pour autant ce premier roman exprime une grande part de la subjectivité de l’auteur car elle emploie
un récit fictif et imaginaire créé à partir de ses expériences vécues. Donc, si nous prenons en compte
ce que Gasparini a écrit, pouvons-nous classer son roman parmi le genre autofictionnel ?

   3. Présentation de Begag et Guène
   3.1.Azouz Begag

Azouz Begag est un auteur, sociologue, économiste et politicien français d’origine algérienne de
Sétif, né en 1957 à Villeurbanne dans un bidonville à Lyon où il a grandi jusqu’à l’âge de dix ans. Il
a ensuite déménagé dans des HLM à la Duchère. Azouz Begag a été élevé dans une grande famille
de six frères et sœurs et ses parents, immigrés algériens, paysans d’origine, pauvres et analphabètes

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malgré qu’ils aient vécu cinquante ans en France, n’ont jamais appris le français. Grâce à un parcours
scolaire puis supérieur brillant, Azouz Begag a fait un doctorat en sciences économiques puis a obtenu
un poste de chercheur au CNRS (Centre National de la Recherche Scientifique). Il a écrit une
vingtaine de livres dont la majorité traite des immigrés, de l’inégalité et des problèmes socio-culturels.
      Parmi ses écrits, Le Gone de Chaâba publié en 1986 fut son premier roman qui est, aujourd’hui,
devenu un classique de la littérature beure. Trois ans plus tard, en 1989, il publie un roman portant
sur sa jeunesse, Béni ou le paradis privé. En 2005 Azouz Begag rentre au gouvernement de
Dominique de Villepin comme ministre délégué auprès du premier ministre chargé de la promotion
de l’égalité des chances. Selon Mod : « l’engagement de Begag est ainsi triple. Son rôle politique se
complète par son statut de chercheur et d’écrivain qui sont toutes des positions de parole d’où il
s’adresse à un large public au sujet des discriminations que vivent les Maghrébins et leurs enfants en
France » (Mod, 2017 : 92).

   3.1.1. Béni ou le paradis privé (1989)

Béni ou le paradis privé (1989) est le deuxième livre autofictionnel d’Azouz Begag, publié en 1989,
trois ans après le premier roman, Le Gone de Chaâba. Ce roman raconte l’histoire de Béni, un
adolescent de 16 ans qui cherche à s’intégrer. Béni ne supporte pas son véritable nom : Ben Abdallah
et préfère qu’on l’appelle Béni afin de cacher ses origines arabes devant les élèves et les professeurs
qui se moquent de lui en classe. Béni est un garçon ambitieux, intelligent et au physique commun.
Son grand désir est d’être aimé par une jeune fille française qui s’appelle France.
      Malgré tous les problèmes de discrimination et de racisme auxquels Béni doit faire face dans la
société, il proclame toujours qu’il est né en France, qu’il est Français et qu’il veut mener une vie
comme tous les autres Français. Pour changer les traditions de ses origines et faire comme les
Français, le jeune garçon décide d’acheter un sapin et de fêter Noël à la maison, cependant son père
refuse et le frappe durement. Béni veut s’amuser avec ses copains dans une boite de nuit appelée « Le
paradis privé » et surtout pour y rencontrer son amour, France. Cependant, un videur d’origine
italienne refuse de le faire entrer et lui demande une carte de membre mais pas à ses copains qui sont
déjà à l’intérieur. Cela cause une frustration et déception chez le jeune garçon. Les événements à la
fin du roman montrent un changement total de caractère chez Béni qui a accepté son identité. Béni
s’est aperçu qu’il ne peut pas changer son identité, ni être aimé par (la) France et qu’il faut rejoindre
son « cuir véritable » (p.173).

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3.2.Faiza Guène

La jeune auteure fait partie de la catégorie des écrivains beurs comme Begag. Ecrivaine, réalisatrice,
documentariste et chroniqueuse française d’origine algérienne, Faïza Guène est née à Bobigny en
1985 de parents algériens. Son père est arrivé en France comme d’autres Maghrébins dans les années
50 en vue d’améliorer la situation financière de la famille. Quant à sa mère, elle est arrivée en 1981
(Wikipédia). Guène revendique toujours son identité algérienne. Elle a grandi et elle a été élevée dans
une banlieue défavorisée. Elle est « présentée au public suédois comme une auteure de la banlieue
[et] la porte-parole [de la] banlieue défavorisée » (Aronsson 2018 :104).
      Faïza Guène avait 19 ans lors de la publication de son premier roman Kiffe kiffe demain
(2004). Elle veut rendre compte de la réalité d’une communauté en marge dans une société raciste
par le biais de personnages symboliques. D’ailleurs, ses récits sont basés sur ses témoignages de la
banlieue avec un mélange de fiction traitant la souffrance, les blessures, la maltraitance,
l’intégration, la socialisation, et la quête identitaire des immigrés maghrébins.

   3.2.1. Kiffe kiffe demain (2004)

Kiffe kiffe demain, le premier roman de Faïza Guène, a été traduit en 26 langues (Wikipédia). Selon
Mattias Aronsson, « le roman est construit sous forme d’un journal intime dans lequel cette
adolescente expose son quotidien » et il affirme aussi que « le thème principal de Kiffe kiffe demain
est la quête de l’identité personnelle et de la dignité humaine » (Aronsson , 2012 : 1).
      Doria est une jeune fille de 15 ans d’origine marocaine. Elle vit seule avec sa mère dans une
cité de banlieue parisienne, la cité du Paradis, depuis que son père est parti au Maroc retrouver une
autre femme avec qui il pourra avoir d’autres enfants. Le quotidien de cette jeune adolescente est
rythmé par le collège, le lycée, les visites des assistantes sociales, les rendez-vous chez sa
psychologue Mme Burlaud et les problèmes financiers de la famille. Elle parle notamment de ses
discussions avec Hamoudi, un grand de la cité qui est son seul vrai ami à Livry-Gargan. Grâce à
l’amour de Nabil, Doria a pu surmonter ses problèmes.

   3.3.Particularité des romans

A deux époques différentes, Begag et Guène ont perçu et vécu la situation des minorités maghrébines
dans les banlieues françaises : la Duchère à Lyon et la cité du Paradis à Livry-Gargan. Bedjaoui
indique que « c’est dans le cadre énonciatif et la forme autobiographique particulière du roman beur
que réside l’innovation du genre [ainsi que] le jeu de l’expressivité ´´intra-française´´ fait sa richesse
et son originalité » (Bedjaoui 2014 : 2).

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L’expérience vécue par Begag rappelle la forme autobiographique du roman. Il affirme
que « depuis une génération, en tant qu’écrivain et chercheur, [il a acquis] une expérience dans la
sociologie des cités [… ] [son] je s’est formé tout au long de [ses] apprentissages, [ses] lectures et
[ses] voyages réels ou imaginaires » (Begag, 2020 :50-51). Nous comprenons ici que les formes
autobiographiques et autofictionnelles sont fortement liées dans la littérature beure et par suite dans
Béni ou le paradis privé. Avec le recours aux expressions argotiques pleines d’humour et d’ironie,
Begag révèle la situation de Béni et les difficultés qu’il subit. Ces traits abordés par Begag ainsi que
les autres écrivains beurs sont les mêmes, ce qui a pu limiter les critiques. Hargreaves souligne un
autre problème lié au classement du corpus beur quand il affirme que « les enseignants hésitent à
l’incorporer dans leurs cours et [que] les critiques sont généralement sceptiques quant à ses mérites
esthétiques » (Hargreaves 1995 : 17).
         Dans Kiffe kiffe demain (2004), Doria, le personnage principal du roman, « se sent appartenir à
une classe sociale défavorisée- et quand elle critique les injustices de la société française, elle sait
mettre le doigt là où cela fait mal » (Aronsson, 2012 : 2). Malgré un intervalle d’une vingtaine
d’années entre le roman de Begag et celui de Guène, les thèmes et les problèmes provoqués par les
deux écrivains sont presque les mêmes. À travers nos deux romans, la situation des jeunes de banlieue
reste la même, malgré les révoltes, les émeutes et les manifestations. Comme dit la protagoniste Doria,
dans Kiffe kiffe demain, « alors que pour moi c’est kif-kif demain [c.à.d. c’est la même chose] »
(p.76).

4. Comparaison thématique des deux romans
Les romanciers beurs et de banlieue évoquent dans leurs romans presque les mêmes thèmes. Nous
avons choisi d’analyser les thèmes de la famille, de l’école, du racisme, de la triade
culture/tradition/religion et de l’amour, compte tenu de leurs influences dans le succès ou l’échec de
l’intégration. « L’intégration dans la société doit se dérouler et réussir parallèlement dans plusieurs
domaines » (Mod, 2017 : 126).

4.1.Famille
4.1.1.     Béni ou l’envie de changement

Avec ses parents et cinq frères et sœurs, Béni habite dans un immeuble HLM à la Duchère, dans la
banlieue de Lyon. La situation de la famille est économiquement précaire puisque seul le père
travaille : « Heureusement qu’il y avait le comité d’entreprise de mon père, sinon nous n’aurions
jamais vu la couleur d’un jouet à la maison » (Begag 1989 :19). Le père ou « le patron » (p.20) comme

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Béni l’appelle, est illettré, conservateur et religieux qui refuse de s’éloigner de sa culture d’origine
car son seul objectif est de retourner au bled.
      Dans la famille de Ben Abdallah, la domination masculine est affirmée puisque les garçons
(Nordine, Béni et Ali) sont plus favorisés que les filles. Béni dit qu’il « étai[t] très content d’être un
garçon, capable de prendre des décisions » (p.110). Concernant les filles (Naoual, Kheira et Zhora),
leur seul objectif est le mariage pour sortir du foyer et peu importe qu’elles aient un diplôme ou pas.
Prenons le cas de Naoual, bien qu’elle n’ait pas pu réussir à obtenir son CAP de couture, elle dit à ses
parents qu’elle avait réussi : « ils ont été contents, ça augmentait son prix de vente lors du mariage »
(p.112). Quant à la mère, son rôle reste passif dans le roman car elle est tantôt médiatrice tantôt
soumise. Son statut dans la famille demeure néanmoins déterminant car elle est responsable de la
tenue du foyer et de l’éducation de ses enfants.

4.1.2. Famille de Doria
Doria, la narratrice, vit seule avec sa mère dans le HLM de la cité du Paradis de Livry-Gargan.
Puisque sa mère « n’a plus réussi à avoir d’enfant » (Guène 2004 : 9), son père a décidé de rentrer au
Maroc et de se marier avec une autre femme pour avoir un fils : « Pour sa fierté, son nom, l'honneur
de la famille » (p.9-10) et « il pensait que les filles, c’est faible, que c’est fait pour pleurer et pour
faire la vaisselle» (p.137). Doria est malheureuse, car elle vit mal sa situation qui semble hypothéquer
son avenir. Depuis l’abandon de son père ou « le barbu » (p.10) ou « le vieux » (p.17) comme elle le
décrit, Doria a été envoyée voir un psychologue : « C’est le lycée qui m’a envoyée chez elle [parce
que les profs] me trouvaient renfermée » (p. 9), et que selon la prof de physique-chimie Doria est
« affligeant[e], désespérant[e], élève qui incite à la démission ou au suicide » (p.45).

      Dans Kiffe kiffe demain, Doria exprime de la fierté pour sa mère Yasmina et elle la présente
comme le seul et unique élément stable dans sa vie. Pour rendre hommage à sa mère, Guène met une
majuscule à « Maman » ou « ma Mère ». Tout comme sa fille, elle a du mal à accepter le « départ
lâche » de son mari mais a refusé de retourner au Maroc. En outre, Doria a décidé de travailler comme
baby-sitter afin d’aider sa mère : « il ne manquera plus jamais six centimes pour payer le loyer »
(p.60). Yasmina est une femme analphabète mais courageuse. Elle a tout affronté (la pauvreté, le
racisme, l’exclusion, les coutumes…) pour un meilleur avenir pour elle et sa fille. Grâce à une
formation dans une structure d’accueil pour analphabètes, elle a pu apprendre à lire et écrire et a
trouvé un nouveau travail comme dame de cantine dans une école primaire. Yasmina n’est plus la
même : « elle est heureuse, plus épanouie » (p.139-140). De même Doria a appris qu’elle peut aussi
surmonter son malheur, être compatissante, ne jamais perdre l’espoir et surtout aimer la vie. Malgré

                                                   13
tout, elle souffre quand même du départ de son père ainsi que de sa situation sociale et financière, du
racisme et de ses difficultés d’intégration.

4.1.3. Comparaison

Comparons la vie de Béni avec celle de Doria à propos du thème de la famille. Nous trouvons plus
de ressemblances que de différences. La pauvreté, le chômage, la domination masculine,
l’analphabétisme des parents et leur attachement à leur culture d’origine, sont les problèmes qui
touchent les jeunes beurs dans leur famille. A travers leurs témoignages, Begag et Guène nous ont
transmis des messages importants sur les facteurs freinant l’intégration des jeunes dans la société
française. Un de ces facteurs est la situation économique de la famille qui souffre de la pauvreté et de
l’exclusion sociale dû à l’analphabétisme. Un autre facteur est l’attachement des parents à leurs
origines et leur désir de rentrer au pays qui va de pair avec un refus de s’intégrer. Cela perturbe leurs
enfants qui veulent s’intégrer. Ce contexte est présent dans les deux familles de Doria et Béni et même
dans les autres familles maghrébines citées dans les deux ouvrages. Le problème de la domination
masculine prend également une place importante dans nos deux romans. Nous le constatons à travers
la famille de Béni et surtout dans Kiffe kiffe demain. Selon Mattias Aronsson, « la représentation de
la masculinité dans Kiffe kiffe demain est assez problématique. Les personnages masculins sont [des]
hommes autoritaires et cruels […] des hommes qui cherchent à restreindre la liberté des femmes »
(Aronsson 2012 : 15). La famille joue un rôle important dans la construction de la personnalité ou de
l’identité des jeunes et représente le noyau de la société. Les problèmes que confrontent les jeunes
dans leurs familles révélés par Begag sont les mêmes que ceux que Guène abordent malgré la
différence d’époque.

4.2. Ecole
4.2.1. Béni le génie de la classe

Béni est le seul étranger en classe, il fait face à des commentaires racistes de la part de ses
professeurs « - Si c’est pas [un] comble que le seul étranger de la classe soit le seul à pouvoir se vanter
de connaître notre langue » (p.42) et de ses camarades : « tout le monde se marre autour de moi. Je
rougis, je transpire des pieds et des mains, et surtout je ne sais pas où regarder » (p.41). A chaque
fois, Béni s’en sort bien et sans problèmes : « - De quelle origine vous êtes ? – Humaine, j’ai dit pour
plaisanter » (p.38). Malgré ses complexes d’infériorité face aux autres Français, Béni essaie de
s’associer et de s’intégrer à travers son intelligence et « grâce à [s]a mémoire infaillible » (p.42). Béni
est un garçon doué et intelligent qui avec beaucoup de confiance en lui trouve vite les réponses aux
questions des professeurs : « le prof dit oui et moi je donne la réponse, très sûr de moi » (p.42).

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L’école pour Béni demeure la seule solution pour s’intégrer mais il faut affronter la discrimination et
le racisme.

4.2.2. Doria et l’échec scolaire

Dans le roman Kiffe kiffe demain, l’école a un impact négatif sur la vie de Doria. Elle va dans un
lycée où les professeurs font régulièrement des grèves causées par la violence et le non-respect : « au
lycée aussi il y a une grève. C’est comme si tout s’était arrêté autour de moi » (p.64). Les effets de
grèves sur les autres élèves s’appliquent aussi à Doria : « Comme si la majorité pensait que ça servait
à rien et que c’était foutu pour nous de toute façon » (p.66). Doria a du mal à s’intégrer à cause de ses
complexes d’infériorité et de pauvreté : « Ce prof, il est gentil mais j’aime pas trop qu’il me parle car
j’ai l’impression de lui faire pitié et j’aime pas ça » (p.26). Bien que l’école en banlieue soit pleine
‘d’étrangers’, Doria n’a pas beaucoup d’amis, car ils se moquent de son apparence : « une fois, j’ai
mis un pull mauve avec des étoiles et un truc en anglais [Sweet Dreams] les poufiasses du lycée [se]
sont bien foutues de ma gueule » (p.74). Il faut aussi mentionner que notre protagoniste,
contrairement à Béni, n’est pas douée à l’école et qu’elle en a « marre de l’école » (p.27).

4.2.3. Comparaison

La culture française s’assimile à l’école, d’où son importance extrême : « l’école est le premier lieu
où [l’enfant d’origine maghrébine] est confronté à son anormalité » (Laronde,1993 : 134). La
sensation d’étrangeté, d’anormalité ou d’exception dans l’école ou en classe, comme le cas de Béni,
est considéré comme un facteur d’interruption scolaire. Il est un obstacle à l’intégration de beaucoup
de jeunes Maghrébins. Cette nouvelle génération ne veut pas commettre la même erreur que ses
parents qui ont choisi le travail et l’argent.

      En outre, l’image de l’école transmise par Guène est un peu plus délicate. En tant que témoin
des émeutes qui ont eu lieu en 1995, notre narratrice veut nous démontrer les conséquences négatives
sur les élèves, comme avec Doria qui veut arrêter l’école. De plus la succession des grèves des
professeurs renforce son découragement. L’école doit être en réalité un moyen d’intégration avec
comme objectif de faire éclore une nouvelle génération mais elle est confrontée à la violence et au
racisme, ce qui rend difficile cette mission.

4.3.Racisme
4.3.1. Béni et les obstacles à l’intégration

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Tout au long du récit, notre protagoniste Béni affronte le racisme et la discrimination. Elle est partout
dans la société, même à l’école, avec ses professeurs, et en particulier son prof d’anglais : « un raciste
qui souffre pas les gros arabes » (p.41). Son nom, ‘Ben Abdallah Bellaouina’, lui a causé pas mal de
malaise et surtout à l’école. Il espère le changer : « quand j’aurai les moyens et quand je serai plus
sûr de moi, je changerai de nom […] parce que franchement, faut avouer que ça sert strictement à
rien de s’appeler Ben Abdallah quand on veut être comme tout le monde » (p. 43).
      Le racisme est présent dans l’immeuble où il habite. Il se manifeste par la mère de son ami Nick
qui n’accepte pas leur amitié : « elle me dévisage toujours. Elle veut me mordre. –son père lui interdit
de fréquenter n’importe qui ! » (p.72). De plus, la discrimination des policiers dans les rues de la
Duchère est incontestable et s’exprime à deux occasions contre Béni et ses amis. L’une est quand un
policier appelle Béni par le nom de « Mohamed » (p.62), à cause de son apparence. La deuxième est
quand un policier lui demande de montrer ses papiers en l’insultant : « un policier ne devrait pas dire
des insultes aux gens parce qu’il était ‘’assez r’monté’’ pour les protéger, les gros comme les autres
[…] je pensais qu’à mon âge, ce n’était pas obligé de trimbaler un papier» (p.85). Dans Béni ou le
paradis privé le protagoniste Béni joue un rôle pour être accepté et cache ses origines
arabes: «comédien pour faire croire qu’on n’est pas celui qu’on est en réalité […] plus Béni-t’es-d
’où-toi ? d’ici ou de là-bas ? » (p.74-75).
      Béni veut entrer comme ses amis dans le club privé réservé aux membres adhérents pour
rejoindre son amour France où elle l’attend : « le Paradis privé : […] pour entrer il fallait montrer
patte blanche, afficher la preuve que durant son séjour sur terre on s’était bien tenu » (p.166). Il est
refoulé de la discothèque par un videur italien raciste : « je n’avais jamais vu la méchanceté d’aussi
près de toute ma vie » (p.170). Tous les espoirs de Béni sont anéantis et sa déception est
immense : « tout d’un coup je deviens peureux de la vie comme mon père » (p.171). Il ne peut pas
être avec France, son rêve est détruit et la réalité du racisme et de la discrimination prend le dessus.

4.3.2. Doria et le racisme dans la société

Après le départ du père, Doria et sa mère ont eu droit à un défilé d'assistantes sociales à la maison. M
Dumachin est un des assistants sociaux qui « plaisantait jamais, il souriait jamais […] c’était la
première fois qu’il voyait ‘des gens comme nous avec un enfant seulement par famille’. Il ne l’a pas
dit mais il devait penser ‘Arabes’ » (p.18). Lors du congé maternité, Mme Dutruc, une autre assistante
sociale, les informe qu’elle viendra après la naissance de son bébé, comme si elle leur disait que « de
toute façon dans un an, vous serez encore pauvres, vous aurez toujours besoin de moi » (p.113).

      Doria raconte aussi comment sa mère est maltraitée au travail par son responsable Monsieur
Schihont. Il ne respecte pas ses convictions religieuses (le mois du ramadan) alors pour manger elle

                                                   16
cache des dattes dans sa blouse : « ça passe plus discret parce que si son patron la voyait, elle se
ferait engueuler » (p.14). Son patron est un raciste qui appelle « toutes les Arabes Fatma, tous les
Noirs Mamadou et tous les Chinois Ping-Pong » (p.14). Il la surveille toujours « pour vérifier
qu’elle pique rien dans les chambres » (p.14). Guène parle aussi des conséquences néfastes de la
prison sur les jeunes ‘innocents’ comme Hamoudi et Youssef : « C’est comme Hamoudi. Après la
prison, il a fait de l’intérim et plein de petits boulots de merde,[…] j’aurais jamais imaginé que ça
puisse arriver à Youssef » (p.87). Doria vit la discrimination, le racisme et la pauvreté : « - Téma la
fille, habillée encore plus mal que sa daronne … elle aussi on l’a vidée du grenier ! » (p.111). Doria
a entendu ces commentaires de deux filles dans les allées du vide grenier : « j’avais très envie de
pleurer, [mais] je voudrais être plus forte, [et] que plus rien ne puisse me faire mal » (112).

4.3.3. Comparaison

Nos deux romanciers essaient de mettre en lumière le quotidien et de critiquer les actes de la société
française envers les immigrés. Nous avons constaté au fil des deux récits que les immigrés, qu’ils
soient parents ou enfants, sont souvent confrontés à la ségrégation et au racisme ordinaire. Ils le
sentent parfois à cause de leur nom, comme Béni, de leur pauvreté et apparence comme Béni, Doria,
Hamoudi et Youssef, ou tout simplement parce qu’ils sont des immigrés comme pour Yasmina.
   Nous remarquons aussi que le besoin d’être considéré comme les autres a obligé Béni, à chaque
fois qu’il est exposé à un acte de discrimination, à jouer un rôle. Autrement dit, Béni est prêt à changer
de nom, d’apparence, de personnalité et tout cela pour être comme les autres. Doria rêve aussi
de « jouer la comédie. Faire du cinéma » (p.141) pour oublier la pauvreté qui l’empêche d’être
acceptée par la société. Faiza Guène évoque aussi plusieurs formes de racisme que les jeunes
Maghrébins subissent dans la société comme le cas de Hamoudi et Youssef qui sont injustement
condamnés à la prison. Doria a choisi l’enfermement, la seule solution pour s’enfuir de ce monde où
la violence, le racisme et l’injustice font partie de son quotidien. Nous observons dans les deux
romans, qui sont écrits à deux époques différentes, que le racisme est toujours l’obstacle principal à
l’intégration des jeunes beurs et que les moyens pour le combattre restent limités.

4.4.Tradition/ culture/ religion
4.4.1.   Béni entre deux cultures

Dans le roman Béni ou le paradis privé, la famille de Béni est fortement attachée à sa culture d’origine
et ses traditions liées à l’islam. Toutes les fêtes qui sont organisées sont purement islamiques : « Noël
et son père barbu ne sont jamais rentrés chez nous » (p.7). Béni pense que les fêtes arabes ne sont pas
intéressantes car « les fêtes des Arabes n’étaient pas célébrées pour les enfants » (7). Quand Béni

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essaye de changer les traditions et veut imposer cela à ses parents, le père répond que « cette fête
n’était pas pour les Arabes… » (p.22). Cependant, Béni ne se contente pas de vouloir faire comme
les Français, il s’obstine dans sa lutte en disant : « C’est parce qu’on fait Noël chez nous qu’on devient
des traitres. » (p.20). Béni trouve la culture de ses parents ennuyeuse et il a des problèmes à l’accepter.
Il est donc prêt à la trahir et à s’en moquer.
       La religion joue un rôle primordial dans la famille de Béni au point qu’il est interdit de se
marier avec quelqu’un d’autre qu’un Arabe musulman : « Allez, allez épouser des Françaises : quand
vous pleurerez parce qu’elles vous auront traité de ‘’bicou’’, vous reviendrez chez votre vieux qui
comprend rien » (p.109) dit le père de Béni. Attaché à sa culture et tradition, celui-ci ne cesse de
répéter ses projets pour la famille comme : « le retour au bled [l’achat d’un] camion Berliet, des sous,
du mariage [de ses enfants] avec une Arabe blanche ou noire. » (p.110). Puisqu’il est né en France et
de nationalité française, Béni refuse tous les projets de son père et il ne veut pas être déchiré entre
deux cultures.

4.4.2. Doria et les coutumes

Dans Kiffe kiffe demain la narratrice utilise « là-bas », « le bled », elle confirme le décalage entre le
pays d’origine et son univers culturel : « la dernière fois que nous sommes retournées au Maroc,
j’étais égarée » (p .21). Les traditions maghrébines sont présentées dans le roman de Guène, telle que
la fête de l’Aïd. Quand Doria était petite, sa mère met « du henné sur la paume de la main droite. Ces
petites têtes [les autres enfants] à claques croyaient que j’étais sale » (p.90). A l’occasion de la rentrée
scolaire elle lui met de l’huile d’olive dans les cheveux, comme au bled, qui « sentaient la friture à
cause du Zit Zitoun » (p.157).

      Doria met aussi l’accent sur le mariage entre Maghrébins et Français, ce phénomène est
sévèrement jugé par les deux familles, considéré comme très dangereux voire menaçant leurs
traditions, leur religion et leur identité : « Dans la famille du père de Sarah (fille de Lila), ils sont
bretons depuis au moins...je sais pas moi...dix-huit générations, alors que chez Lila, c'est tendance
famille algérienne traditionnelle soucieuse de préserver les coutumes et la religion » (p. 127-128).
Pour Doria, le mektoub (le destin) est un synonyme de malheur et de mauvaises choses : « Le destin,
c’est la misère parce que t’y peux rien. [… ] Chez nous, on appelle ça le mektoub » (p.19). Tout au
long du récit, Doria ignore tout ce qui est tradition et même elle critique et ridiculise plusieurs aspects
de l’islam, peut-être elle ne croit pas en Dieu.

4.4.3. Comparaison

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