Mémoire de pratique professionnelle
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Mémoire de pratique professionnelle : L'ACCOMPAGNEMENT D'ADULTES EN SITUATION DE HANDICAP PSYCHIQUE En tant qu'éducateur spécialisé, comment conjuguer personnes atteintes de schizophrénie et accès à l'autonomie Formation en vue de l’obtention du Diplôme d’Etat de DEES Rouquette Ramon Johan Promotion 2018/2021 SESSION DU MOIS DE JUIN 2021
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle DE DEES DÉCLARATION SUR L'HONNEUR Je soussigné, Rouquette Ramon Johan Diplôme d'état d' éducateur Spécialisée Session de certification de Juin 2021. Certifie qu'il s'agit d'un travail orignial et que toutes les sources utilisées ont été indiquées dans leur totalité. Certifie enfin que ce mémoire, totalement ou partiellement, n'a jamais été évalué auparavant et n'a jamais été édité. Fait à Aurillac (15) Le 07 Avril 2021 Signature : Rouquette Ramon Johan _____________________________________________________ CHARTE ANTI-PLAGIAT «Le plagiat consiste à insérer dans tout travail, écrit ou oral, des formulations, phrases, passages, images en les faisant passer pour siens.Le plagiat est réalisé de la part de l’auteur (devenu le plagiaire) par l’omission de la référence correcte aux textes ou aux idées d’autrui et à leur source» (Université de Genève).Tout étudiant, tout stagiaire s’engage à encadrer par des guillemets tout textes ou partie de texte emprunté ( e ); et à faire figurer explicitement dans l’ensemble de ses travaux les références des sources de cet emprunt. Ce référencement doit permettre au lecteur et correcteur de vérifier l’exactitude des informations rapportées par consultation des sources utilisées.En application du Code l’Education –article L.331-3 du Code Pénal -articles 121-6 et 121- 7, le plagiaire s’expose aux poursuites et peines prévues.
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES REMERCIEMENTS Je tiens à remercier Emilie.R et Jérémy.R qui m'ont soutenu lors de la réalisation de ce mémoire. Je tiens également à remercier ma famille qui m'a encouragé à m'engager dans cette profession. Je tiens à remercier Monsieur J.Y Mensat qui m'a guidé dans ma logique et a su enrichir mes idées. Enfin je remercie Madame M.Marty pour son accompagnement. Je tiens à remercier l'ensemble des formateurs de Polaris Formation, ainsi que Madame C.Bonnet qui a su nous accompagner jusqu'à la fin de cette formation, malgré les nombreuses évolutions que nous avons connues. Je tiens particulièrement à remercier Madame N.Micard, notre référente formatrice, mais bien plus encore. Une personne dévouée, attentive à l'autre, qui ne se ménage pas. Merci d'avoir été là pour nous, je pense que votre personne a fait l'unanimité quant à nos représentations d'un modèle d'éthique. J'ai également une pensée pour Monsieur J.P Depauw qui a, en trop peu de temps, pu nous indiquer la voie.
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES LISTE DES SIGLES UTILISÉS – Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH) – Conseillère en Economie Sociale Familiale (CESF) – Diagnostic and Stastical Manual of Mental disordes (DSM) – Etablissement et Service d'Aide par le Travail (ESAT) – Foyers d'Accueil Médicalisés (FAM) – Foyers d'Hébergement (FH) – Foyers de Vie (FV) – Groupes d'Entraide Mutuelle (GEM) – Institut Médico-Educatif (IME) – Maisons d'Accueil Spécialisées (MAS) – Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH) – Organisation Mondial de la Santé (OMS) – Sciences Techniques du Sanitaire et du Social (STSS)
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES SOMMAIRE Introduction …................................................................................................ p.1 PREMIÈRE PARTIE : DE LA PRATIQUE À LA RÉFLEXION I – L'accompagnement des personnes en situation de handicap psychique 1. Le handicap psychique …............................................................................. p.3 2. La schizophrénie …....................................................................................... p.4 a) les différentes formes de schizophrénie …......................................... p.6 b) les traitements thérapeutiques …....................................................... p.7 3. Les foyers de vie a) Le cadre légal …................................................................................ p.9 b) Les missions …................................................................................. p.10 c) Le public accueilli ….......................................................................... p.11 d) Les professionnels …........................................................................ p.12 e) Le cadre de prise en charge ….......................................................... p.12 II – Les situations rencontrées 1. Situation de V. ….......................................................................................... p.14 2. Situation de C. …......................................................................................... p.15 3. Situation de G. …......................................................................................... p.16 4. Situation de A. ….......................................................................................... p.17
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES III – De l'accompagnement à l'autonomie des personnes souffrant de schizophrénie 1. L'accompagnement éducatif …..................................................................... p.19 2. L'autonomie des personnes …...................................................................... p.20 DEUXIÈME PARTIE : LE TRAVAIL D'ENQUÊTE 1. Méthodologie de la recherche …................................................................... p.22 2. Recueil et croisement des données ….......................................................... p.25 3. Analyse des données …................................................................................ p.28 TROISIÈME PARTIE : LES PRÉCONISATIONS 1. Les préconisations du médico-social a) la réhabilitation psychosociale …....................................................... p.31 b) la remédiation cognitive …................................................................. p.32 c) le rôle des aidants familiaux …........................................................... p.33 2. Les préconisations émergentes du travail de recherche a) les personnes ressources exétierures au foyer de vie ….................... p.35 b) L'accompagnement singulier et empathique face à la stigmatisation.. p.38 c) Le travail de la conscientisation pour favoriser l'adhésion ….............. p.40 Conclusion ….................................................................................................. p.43 Bibliographie et webographie Annexes
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES INTRODUCTION Mon entrée en formation d'éducateur spécialisé résulte de mon parcours d'expériences professionnelles et personnelles. J'ai commencé par passer un Baccalauréat en STSS avec l'envie de me rendre utile en intervenant auprès de personnes ayant besoin d'aide. Ces expériences m'ont permis de découvrir différents publics tel que les enfants dans le milieu scolaire, ou les personnes âgées (maison de retraite, service hospitalier, unité Alzheimer). Par la suite, j'ai décidé de m'orienter vers la psychologie, étant depuis toujours attentif et interrogé par les mécanismes humains et les relations mêlées aux différents enjeux. J'ai alors découvert le travail de psychologue au sein d'une maison d'arrêt et dans un service de psychiatrie fermé. Cela a été un premier contact avec des adultes souffrants de handicaps psychiques. Ces expériences m'ont beaucoup questionnées, notamment quant à ma future position en tant que psychologue. En effet, je ne me retrouvais pas dans l'accompagnement proposé, dans lequel je ressentais une certaine frustration de ne pas adopter une présence plus globale et encadrante. J'ai ensuite réalisé un service civique au sein d'un Parcours Alternatif Scolaire dans un collège. Cet organisme proposait un accompagnement à des jeunes collégien.ne.s en situation de déscolarisation. Nous leur proposions un accompagnement scolaire durant la matinée et des activités sportives ou culturelles l'après-midi. Cette expérience a confirmé mon choix de m'orienter vers le métier d'éducateur spécialisé. En effet, je me sentais à la fois à ma place, mais également en manque de savoir et savoir-faire pour proposer un accompagnement sécurisant à ces jeunes. J'ai donc intégré la formation d'éducateur spécialisé, où je cherchais une forme de continuité me permettant un positionnement encore plus proche de l'humain en ayant une approche éducative. Pour suivre cette formation, j'ai souhaité le faire par le biais de l'apprentissage, j'ai donc signé un contrat au sein 1
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES d'un foyer d'hébergement. Le service accueille actuellement vingt-sept adultes en situation de handicap psychique ou mental, en appartements seuls ou en colocations. Ces personnes ont vu leur insertion socio-professionnelle se dégrader du fait de pathologies psychiques progressivement invalidantes, ayant pour conséquence une perte d'autonomie. En croisant mes différentes expériences, certaines de mes interrogations viennent graviter autour de l'accompagnement qui varie dans ses moyens et finalités en fonction du public accueilli. En effet, chacune des personnes ont des parcours singuliers et l'objectif est de les accompagner au mieux dans la réalisation de leurs projets. Pour cela, les professionnels effectuent un travail de co-construction, en fonction des désirs et des capacités de chacun. Ma pratique et mes observations au quotidien au sein du foyer de vie m'amènent à conjuguer avec un cadre posé par l'institution, des droits appliqués par la loi à respecter, ainsi que les désirs et besoins des personnes accompagnées. L'acquisition de l'autonomie reste centrale à l'ensemble de ces éléments. Aussi, ces constats m'amènent à me poser la question suivante : En quoi un accompagnement éducatif spécialisé peut répondre à un désir d'autonomisation d'un public atteint de schizophrénie ? Pour commencer ma démarche de recherche, je vais dans un premier temps procéder à un travail d'analyse qui va se porter sur des observations de situations rencontrées que je vais chercher à éclairer à l'aide d'apports théoriques. Dans un deuxième temps, je vais venir préciser une hypothèse puis l'interroger grâce à un travail d'enquête de terrain auprès de personnes accompagnées, mais aussi de professionnels. Enfin, je viendrai proposer des préconisations quant à la réalisation de cette hypothèse dans la pratique. 2
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES PREMIÈRE PARTIE : PRÉSENTATION DE LA STRUCTURE Ce mémoire de recherche part d'un questionnement autour de l'accompagnement à l'autonomie qui résulte de mes observations au sein d'un foyer de vie pour adultes en situation de handicap, plus particulièrement souffrant de schizophrénie. Pour situer les observations que je vais amener, il est important de commencer par présenter de manière générale ce que sont les foyers de vie et la schizophrénie. I – L'accompagnement des personnes en situation de handicap psychique 1. Le handicap psychique La loi du 11 février 2005 est considérée comme la loi ayant permis une reconnaissance à part entière du handicap psychique. Selon l'Organisation Mondial de la Santé (OMS), ces handicaps touchent 700 000 personnes en France, ce qui les classe comme la première cause de handicap et première cause de mise en invalidité. Je vais m'appuyer sur cette définition du handicap donnée par l'OMS : « Constitue un handicap, au sens de la présente loi 1, toute limitation d'activité ou restriction de participation à la vie en société subie dans son environnement par une personne en raison d'une altération substantielle, durable ou définitive d'une ou plusieurs fonctions physiques, sensorielles, mentales, cognitives ou psychiques, d'un polyhandicap ou d'un trouble de santé invalidant ». Aussi, nous tenons en compte la situation (sociale) de la personne et comment elle la perçoit. Le handicap est donc définit en fonction d'un contexte, ne 1 Loi N°2005-102 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11/02/05, article 14 3
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES plaçant pas la personne dans un état de handicap mais dans une « situation de handicap », ayant donc des origines différentes potentielles (physique,mentale,psychique...). Le handicap psychique est relié à un ensemble de déficiences, notamment cognitives spécifiques (neuro-cognition et cognition sociale), ce qui amène des biais cognitifs (mauvaise interprétation) qui vont impacter l'organisation de la vie quotidienne et des différentes relations sociales. Le handicap psychique apparaît à l'adolescence ou à l'âge adulte. Il est évolutif et nécessite des soins médicaux tout au long de la vie, afin d'apporter une stabilisation les troubles mentaux et ainsi apaiser le handicap. Cet handicap a pour conséquence un impact d'altération sur plusieurs domaines comme la pensée, les sentiments, la communication ou encore la sociabilisation. Il va aussi entraver les compétences sociales (participation) et l'autonomie (qualité de vie, vie affective). Les troubles liés au handicap psychique vont être un grand perturbateur à l'intégration de la personne dans son environnement. Ceci est un regard généralisé sur le handicap psychique. Je vais maintenant m'intéresser plus spécialement à une pathologie à savoir la schizophrénie. 2. La schizophrénie Le terme de « schizophrénie » a été inventé par Eugen Bleuler en 1908. Il permet d'illustrer un « fractionnement de l'esprit »2. Nous pouvons définir la schizophrénie comme une maladie psychiatrique qui est marquée par plusieurs symptômes comme des délires, des hallucinations, un retrait social oui encore des difficultés cognitives. Elle amène un trouble de la perception de la réalité et prend forme différemment d'une personne à une autre selon sa nature, sa sévérité ainsi que les symptômes liés. 2 https://schizinfo.com/parlons-en/origine-du-mot-schizophrenie/ [consulté le 18/02/21] 4
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES L'hypothèse de son apparition chez la personne est liée à un trouble du neuro-développement, elle est donc la conséquence retardée d'anomalies présentes avant son apparition. Pour qu'un diagnostic de schizophrénie soit posé, il faut que pendant un mois soit constaté l'apparition de deux syndromes en même temps, soit un syndrome positif (idées délirantes ou hallucinations), soit un syndrome de désorganisation (perte de l'unité psychique entre les idées, affectivités et attitudes) ou un syndrome négatif (appauvrissement de la vie psychique)3. La schizophrénie est décrite au début du XX° siècle comme une maladie fréquente et sévère, elle apparaît comme l'une des dix maladies les plus invalidantes, en particulier chez les jeunes. Elle appartient aux troubles psychotiques chroniques qui renvoient à une altération du réel. Entre 1965 et 2001, en France, on estime l'apparition de 15 nouveaux cas sur 100000 personnes par année. En 2020, on estime 21 millions de personnes touchées par la schizophrénie au niveau mondial et 600000 4 personnes en France. Au niveau épidémiologique, là où avant la fréquence d'apparition de schizophrénie était considérée comme invariable, aujourd'hui, plusieurs facteurs sont mis en avant. Par exemple, elle peut être d'origine génétique, liée avec la consommation de drogues, aux conséquences de la migration ou encore de l'urbanisation. Généralement, la maladie apparaît entre 15 et 25 ans, mais, dans certains cas plus rares, elle peut apparaître lors de la pré-puberté ou après 35 ans. On trouve la maladie légèrement plus présente chez les hommes. Il est observé qu'elle apparaît plus tardivement chez les femmes. Par ailleurs, les altérations cognitives et les autres symptômes liés peuvent être présents deux à cinq ans 3 AMADA, Ali et al, référentiel de psychiatrie et addictologie, Tours, Presses Universitaires François- Rabelais, 2016, p.165 4 Origine chiffres :https: https://www.inserm.fr/information-en-sante/dossiers-information/schizophrenie [18/02/2021] 5
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES avant l'apparition de la maladie. Or leurs seules présences ne permettent pas de déterminer la future apparition ou non de la schizophrénie. La schizophrénie est donc une maladie en lien avec plusieurs troubles venant directement impacter la qualité de vie de la personne touchée, mais aussi ses capacités qu'elle soit d'ordre sociales ou propre à elle même tel l'autonomie. a) Les différentes formes de schizophrénie A ce jour, huit formes cliniques différentes de la schizophrénie 5 sont référencées. Elles sont définies par les symptômes principaux apparaissant au cours de l'évolution de la personne. La première est la schizophrénie paranoïde. C'est la forme la plus courante, où l'on retrouve une majorité de symptômes positifs (hallucinations et délires). La schizophrénie désorganisée (ou hébéphrénique) apparaît dès l'adolescence. Elle va avoir un impact négatif sur les comportements, le caractère ainsi que les affects. Le syndrome de désorganisation y est prédominant, on qualifie la personne d' « imprévisible ». Il existe également la schizophrénie catatonique. Elle est rare dans les pays dits « industrialisés » et elle se traduit par une désorganisation de la psychomotricité, amenant du négativisme et de la réticence. La personne a tendance à s'isoler, et a besoin d'une assistance institutionnelle conséquente. La schizophrénie indifférenciée qui, comme son nom l'indique, n'amène pas l'apparition d'une prédominance de trouble clinique (trouble positif, négatif, de désorganisation). La schizophrénie résiduelle regroupe, quant à elle, les formes évolutives. C'est-à-dire qu'elle comprend des symptômes négatifs modérés, ou des positifs légers, ce qui permet à la personne malade d'avoir une interaction avec son 5 DALERY, Jean, AMATO, Thierry, Saoud, Mohamed, Pathologie Schizophréniques, Paris, Lavoisier, 2012, p.108 6
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES environnement plutôt normalisé. La schizophrénie simple est une forme évolutive, où on ne trouve pas d'épisode fort. La personne peut rapidement ne pas arriver à distinguer ses propres symptômes ce qui a de lourde conséquence sur elle-même et ses capacités sociales. La schizophrénie pseudo-névrotique et la dépression post-psychotique, apparaissent lors des premières années du trouble, elles représentent en majorité une phase d'évolution. Elle amène un haut risque de tentative de suicide. Enfin, la dernière forme est l'héboïdophrénie. En ce qui la concerne, elle est beaucoup discuté, elle disparaît et réapparaît des classifications car elle est parfois ramener sous de la schizophrénie désorganisée. Sa particularité est de ne pas présenter d'absence déficitaire et elle est potentiellement soignable de manière définitive. Elle amène chez la personne une étrangeté de caractère notamment en société, caractérisé par un pessimisme social et parfois des actes allant à l'encontre de la morale sociale. b) Les traitements thérapeutiques Les moyens thérapeutiques mis à disposition des adultes schizophrènes ont beaucoup évolué. Alors qu'auparavant on préconisait un enfermement asilaire, des tentatives d'autres accompagnements ont par la suite été proposés. C'est notamment grâce à Jean Delay et Pierre Deniker 6 qu'une avancée majeure a eu lieu. En effet, ce sont les premiers à avoir introduit l'utilisation du premier neuroleptique : la chlorpromazine. Depuis, les neuroleptiques sont quasi-omniprésents dans les traitements destinés aux personnes souffrant de schizophrénie. Cela permet d'agir à la fois sur les délires et sur certains symptômes (de discordance et déficitaires). En revanche, ce genre de traitement amène des effets indésirables comme un état dit « végétatif », il est alors important de joindre des correcteurs aux 6 DEBRAY, Quentin, GRANGER, Bernard, AZAIS, Franck, Psychopathologie de l'adulte, Paris, Masson, 2001, p.104 7
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES neuroleptiques. Ces derniers vont permettre de diminuer les conséquences du traitement, comme la fatigabilité ou l'apathie, afin de permettre de maintenir un certain contrôle de son propre état par la personne, d'être plus actif et donc d'avoir un meilleur impact sur son quotidien. L'accompagnement médical et pharmaceutique de la personne souffrant de schizophrénie tient donc une grande place et peut parfois être compliqué. Par exemple, la méfiance voire la réticence de certains « patients » convaincus de ne pas être malade peut amener un rapport négatif aux traitements. Par ailleurs, le traitement va avoir un but et un effet variant en fonction de la schizophrénie et aux troubles pouvant être associés. D'autant plus que la schizophrénie est une maladie évolutive, le traitement et la réaction de la personne concernée vont donc avoir une forte importance. Par ailleurs, le concept d'hospitalisation est souvent impliqué dans l'accompagnement de personne souffrant de schizophrénie. Un séjour en psychiatrie fermée peut être impulsé lorsque la personne menace de se mettre en danger ou menace autrui. Elle peut aussi avoir lieu lorsque des émotions inhabituelles ou de forts délires apparaissent, ces derniers peuvent témoigner d'une décompensation proche. Il est alors important de mettre en place un accompagnement spécifique. L'hospitalisation est aussi un libre choix proposé en fonction des situations, choix que certains résidents peuvent se saisir s'ils ressentent le besoin de changer d'environnement pour une courte période. Cela peut permettre à la personne de prendre du recul par rapport à son quotidien lorsque ce dernier est trop envahissant. L'hospitalisation peut être une ouverture sur un autre fonctionnement. Elle peut également apporter un apaisement de la personne et un regard de d'autres professionnels. Cela peut ainsi permettre d'évaluer les symptômes que le patient présentent et de réfléchir à une évolution du traitement (en lien avec le psychiatre). 8
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES 3. Les foyers de vie Il existe plusieurs établissements pouvant accueillir des personnes en situation de handicap psychique. Chacun de ces établissements ont des spécificités, où les personnes sont orientées en fonction de leurs situations. Nous allons ici nous intéresser plus spécifiquement au foyer de vie. a) le cadre légal Le cadre légal des foyers de vie s’appuie principalement sur le code de l'action sociale et des familles : articles L344-1 à L344-77.Ces lieux sont décrits comme des établissements ou des services destinés à accueillir des adultes handicapés n'ayant pu acquérir un minimum d'autonomie. Cet accueil a pour objectif d'aider la personne à maintenir ou développer ses capacités d'auto- gestion du quotidien, en s'appuyant sur des accompagnements médico-éducatifs. Ces établissements assurent un soutien médico-social et éducatif tout en développant les potentialités et acquisitions nouvelles des personnes accueillies. Ils permettent de favoriser l'épanouissement personnel et social. Ces missions sont assurées par des équipes pluridisciplinaires nécessaires. Le décret en Conseil d’État applique les modalités des conditions d'agrément des établissements et relatives à la prise en charge des soins. L'assurance maladie prend alors en charge les frais de surveillance médicale, de soins constants et des frais d'accueil. Les personnes peuvent alors bénéficier de soins de longue durée. Elle participent au prix des repas, fixé par arrêté du ministère chargé de l'action sociale. Le code de l'action sociale et des familles, au travers des articles R344-29 à R344-33 et D344-35 à D344-39, structure le cadre des frais d'hébergement et 7 https://www.action-sociale.org/spfiche.php?f=F2005-Handicap%C2%A0%3A-foyer-de-vie |18/02/2021] 9
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES d'entretien. Les foyers de vie, comme tout les établissements médico-sociaux, s'appuient également sur la loi N°2002-2 du 2 janvier 2002 rénovant l'action sociale et médico-sociale. Cette dernière réaffirme la place centrale de la personne accompagnée, avec le devoir de promouvoir son autonomie, sa protection et l'exercice de sa citoyenneté. Cela est mis à place au travers de nouveaux outils au sein des structures, comme le livret d'accueil, le contrat de séjour, le conseil de vie sociale, soit une clarification rendant visible des objectifs de l'établissement. Cette loi va donc assurer plusieurs droits des personnes accompagnées comme le respect de la dignité et de l'intimité, le libre choix, un accompagnement individualisé de qualité, la confidentialité des informations personnelles, ainsi que la promotion de la participation directe. Concernant le statut des foyers de vie, ils peuvent être gérés par une personne morale de statut privé ou public, mais la plupart du temps ils sont gérés par des organismes privés à but non lucratif. Les autres sont généralement sous la responsabilité de structure publique et il existe très rarement des FV gérés par des structures privées commerciales. b) les missions Les Foyers de Vies (FV) se situent entre les Foyers d'Hébergement (FH) et les Foyers d'Accueil Médicalisés (FAM) ou les Maisons d'Accueil Spécialisées (MAS). Ils accueillent des adultes dont le handicap ne permet pas, ou plus, d'exercer une activité professionnelle même en milieu protégé (comme dans les Établissement et Service d'Aide par le Travail). L'objectif est de proposer des soutiens médico-sociaux propres aux personnes accueillies, autour d'animations 10
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES sociales et d'activités quotidiennes, qu'elles soient éducatives ou ludiques. La dimension de soin est également présente afin d'accompagner la maladie. Cela passe par une attention particulière au bien être physique et psychique de la personne, notamment à travers l'expression des symptômes et l'observation des effets du traitement. Enfin, un accompagnement quant aux démarches administratives est également proposé. Dans certains établissements, nous retrouvons des Conseillère en Economie Sociale Familiale (CESF) ainsi que des assistant.es social.es qui travaillent avec les personnes accompagnées mais également avec les responsables légaux, les proches. Ainsi, ils les soutiennent suivant leurs besoins et leurs demandes (comme par exemple un renouvellement Maison Départementale des Personnes Handicapées (MDPH), une demande d'aide financière particulière, etc). L'objectif du travailleur social au sein du foyer de vie va être de travailler en co-construction avec chaque personne accompagnée, afin de leur permettre d'évoluer positivement ou de maintenir leurs capacités sociales. Un axe de l'accompagnement s'appuie sur l'ouverture sociale, qui vise l'intégration des personnes souffrant de handicap dans la société. Le travail au quotidien va venir s'articuler autour de l'autonomie, en s'appuyant sur des actes relevant de l'hygiène, de l'entretien, de gestion du temps, des finances, mais aussi des désirs et des projets. c) le public accueilli Les foyer de vie sont donc un lieu d'accueil pour des adultes qui ne veulent ou ne peuvent plus travailler, mais qui disposent d'une santé et d'une d'autonomie suffisante ne justifiant pas leur orientation vers une MAS ou un FAM. 11
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES Nous pouvons retrouver des personnes concernées par des problèmes physiques liés à l'âge qui ne leur permets plus de travailler, ou encore des publics jeunes sortant d'Institut Médico-Educatif (IME). qui ont un besoin d'acquisition d'autonomie nécessaire à l'intégration d'un Etablissement et Service d'Aide par le Travail (ESAT). L'orientation en FV relève de la Commission des Droits et de l'Autonomie des Personnes Handicapées (CDAPH) du département concerné à l'aide d'un dossier constitué auprès de la MDPH. d) les professionnels Nous retrouvons plusieurs types de professionnels ayant différentes fonctions. Un premier pôle est constitué de la direction, de la gestion et de l'administration, ainsi que du personnel des services généraux. Par ailleurs, nous trouvons également une équipe éducative constituée de travailleurs sociaux qui veillent à assurer l'encadrement du foyer. Nous pouvons notamment retrouver des éducateurs spécialisés, des moniteurs-éducateurs, ou encore des aides-médico-psychologiques. Généralement ces foyers ne sont pas médicalisés, les interventions sont faites par des prestataires extérieurs (psychiatre, psychologue). Cependant, il est possible que des équipes médicales, paramédicales soient présentes dans certains établissements. e) le cadre de prise en charge Généralement ouvert toute l'année, ces établissements proposent des accueils de jour ou complet. Les propositions d'accompagnement éducatif s'orientent en fonction des besoins de la singularité du résident.e. La prise en 12
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES compte de l'autonomie va impacter l'accompagnement au quotidien, que ce soit en lien avec l'hygiène, l'alimentation, la gestion du budget, etc... Des activités sont proposées par différents professionnels comme des activités sportives, culturelles ou encore des séjours pendant les vacances. Le socle est l'accompagnement de la personne au regarde de son projet de vie en considérant ses besoins, ses attentes, tout en valorisant son épanouissement, en maintenant ses acquis et en veillant à sa bonne santé. Une autre mission est de favoriser le maintien des relations qu'elles soient familiales ou amicales. L'accompagnement et les activités sont co-construites avec la personne concernée, en s'appuyant sur le cadre législatif et réglementaire, notamment avec des supports comme le projet personnalisé, le contrat de séjour, outils inscrits dans le cadre du projet d'établissement. II – Les situations rencontrées Mon intervention au sein du foyer de vie où je réalise mon apprentissage consiste donc à accompagner les différents résidents au quotidien, en m'appuyant sur leurs projets personnalisés afin de maintenir ou acquérir une certaine autonomie. J'ai très vite réalisé que de manière générale et par soucis de moyens, le quotidien allait être articulé par des accompagnements collectifs tout en poursuivant des accompagnement individuels. J'ai très vite repéré les différences de situations, de personnalités, les différents troubles. Je vais appuyer ce propos en décrivant des situations d'accompagnements rencontrées au sein du foyer de vie. 13
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES 1. Situation de V. V. est un homme de 32 ans. Il souffre d'une schizophrénie paranoïde dont il est conscient des symptômes et des effets de ces derniers sur son quotidien. Il arrive à exprimer ses difficultés et ses angoisses et il a régulièrement besoin d'être rassuré quand il est envahi par ses émotions. Ces symptômes apparaissent sous forme de « voix » sexualisés qui le mettent mal à l'aise notamment lors des moments collectifs ou d'ouverture sur l'extérieur. V. a réussi à mettre au point différentes stratégies pour atténuer l'apparition de ces dernières, parfois il suffit seulement d'en discuter pour se rassurer, créer du lien au réel, ou encore il peut s'isoler et écouter de la musique. V. résidait dans un des appartements de la structure du foyer, il a su s'investir dans son projet personnalisé visant une vie en appartement dans la ville la plus proche du foyer. Pour cela, il devait développer son autonomie, notamment en lien avec son hygiène et l'entretien de son logement. V. a su se saisir des accompagnements proposés et, depuis quelques mois, il réside dans l'appartement qu'il souhaitait. Depuis, son projet personnalisé a évolué, notamment autour de son autonomie concernant son alimentation, ses achats personnels et l'investissement en meuble et produits électroménagers, ou encore son autonomie quant la prise de ses traitements. V. a conscience de l'importance de son traitement même si ce dernier a des répercutions importantes sur son quotidien (grande fatiguabilité, besoin de nombreuses heures de sommeil, un fort appétit qu'il doit réguler). V. projette de rejoindre un appartement de manière autonome dans une autre ville, ce qui le rapprocherait de sa famille et de ses amis. V. est motivé et désire voir son projet se réaliser, il s'investit et n'hésite pas à solliciter l'équipe éducative en cas de doutes ou de difficultés. Du côté de l'équipe éducative, la disponibilité et la transparence de V. au travers des échanges permettent un accompagnement en co-construction dans lequel il est acteur. Même s'il faut parfois remobiliser V., il montre généralement ses capacités d'autonomie et apprécie lorsque nous lui faisons des retours 14
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES positifs. Nous le savons très attaché à sa famille et pressé de s'en rapprocher. L'ensemble de l'équipe s'accorde à dire que le projet de V. va pouvoir évoluer positivement comme il le souhaite et qu'il pourra, dans les prochains mois, intégrer un appartement dans la ville choisie. 2. Situation de C. C. est un homme de 42 ans qui a rejoint le foyer depuis quelques mois. C. était auparavant dans une situation d'errance et de précarité. Intégrer le foyer de vie lui permet une stabilité et un cadre plus sécurisant. Cependant, C. exprime vivre cette situation comme un « emprisonnement » où nous sommes les « matons ». C. rencontre des difficultés d'adaptation à ce fonctionnement collectif. Il fait de nombreuses demandes et recherche des réponses immédiates, ce qui n'est pas possible de lui apporter dans un tel cadre. Il exprime la souffrance et son désir de rapidement quitter l'institution. Cependant, C. est diagnostiqué schizophrène mais il ne l'accepte pas, n'en parle jamais et ne se considère pas comme « malade ». Selon lui, ce statut lui est attribué sans fondement. Cela amène des interrogations au sein de l'équipe et les professionnels se demandent si le fait que C. refuse sa maladie peut empêcher la mise en place de l'accompagnement. L'équipe a d'ailleurs dû être particulièrement vigilante quant à la prise de son traitement car C. mettait en place des stratégies pour l'éviter. Par ailleurs, C. possède une bonne capacité d'élaboration mais il semble l'utiliser pour « profiter » des autres résidents. Il est donc important d'être attentif aux relations que C. entretien au sein de la structure. Enfin, C. peut adopter des comportements et des discours différents en fonction de son interlocuteur. L'ensemble de ces observations conduisent l'équipe à questionner son projet et sur quel équilibre trouver dans l'accompagnement proposé. 15
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES 3. Situation de G. G. vient d'avoir vingt ans et était, auparavant, accueilli dans un I.M.E depuis cinq ans. Il a été diagnostiqué schizophrène il y a plusieurs années, mais l'équipe s'interroge au vu des observations faites. Dès son arrivée au sein de la structure, G. explique être envahi par des images sombres, liées à son histoire, qui l'empêche de dormir. Ces souvenirs, que nous n'arrivons pas à déterminer comme fictifs ou réels, ont une conséquence réelle sur G. En effet, ils le mettent dans une condition inquiétante et peut avoir des discours sombres voire suicidaires. Nous lui portons donc eu une attention particulière, notamment le soir, à l'heure du coucher, puisque c'est un moment compliqué pour lui. Il exprime son angoisse et met en place une stratégie d'épuisement, luttant contre la fatigue, jusqu'à s'effondrer, par exemple en jouant à des jeux vidéos pendant des heures. Il a donc un rythme de sommeil très particulier et l'équipe peut le retrouver dans des positions de sommeil inadaptées et toujours habillé. Suite aux habitudes mises en place par l'équipe éducative (lever le matin et accompagnement pour apaiser le soir), nous constatons une amélioration du rythme de vie de G. Par ailleurs, G. a un rapport à son corps et à son environnement très détaché. Il ne prend pas soin de lui, surinvesti sa chambre qu'il ne range et ne nettoie pas. Un travail est fait autour de son hygiène et nous devons lui rappeler quotidiennement de se laver et de changer ses vêtements. Il accorde peu d'importance à son apparence, ses vêtements sont souvent sales ou troués. Il est difficile de le faire progresser sur cette acquisition d'autonomie et sur sa gestion du sommeil et de l'hygiène. L'équipe, ne constatant pas d'évolution positive, pense se retrouver en difficulté. Cependant, lors d'un accompagnement pour un séjour dans sa famille, les professionnels observent des progrès chez C. En effet, lorsque nous avons visité sa chambre au domicile familial, nous découvrons une pièce totalement désinvestie, sans meuble ni décoration. Il y a seulement un matelas usé posé à même le sol, des déchets et des mégots de cigarette balayés dans un coin de la pièce. G., témoin de notre découverte, a pu lui même rendre compte de 16
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES cette différence : « nous ne vous rendez pas compte, au foyer je suis sur mon 31 ». Ainsi, cette situation qui paraissait ne pas avancer au foyer a mis en avant un autre point de vue grâce à cette visite à domicile. Suite à cette expérience, l'équipe s'est questionnée et a revu son accompagnement afin que la différence de perception entre les attendus et les acquis de G. soit moins marquée pour qu'il puisse progresser sans que nous lui renvoyons un échec. 4. Situation de A. A. est une femme de 35 ans, cela fait deux ans qu'elle habite au sein d'un appartement du Relais. A. est diagnostiquée schizophrénie paranoïde. Sa maladie a pour conséquence un renfermement au quotidien car A. se sent toujours persécutée par les autres résidents. En revanche, elle arrive à faire du lien avec l'équipe éducative. Elle arrive à la solliciter pour avoir des conseils, partager ses angoisses sur lesquelles elle cherche à être rassurée, ou tout simplement pouvoir partager des moments d'échanges ou d'activités. A. parle facilement des voix qu'elle entend. Elle explique que la majorité des sont souvent mal intentionnées et la menace de la tuer ou de lui créer des problèmes de justice. Lorsque c'est le cas, A. peut très vite paniquer, elle va alors venir chercher des explications, du lien à la réalité auprès de l'équipe éducative. A. reste cependant solitaire, elle évite les grands attroupements qui sont pour elle une source de stress intense. En effet, elle se sent en permanence épiée, persuadée d'être la victime d'un complot. Elle pense que les autres résidents viennent dans la même pièce qu'elle au même moment pour la déranger. Il faut souvent lui rappeler qu'elle vit dans un foyer de vie et que les moments collectifs en font partis. Il est également important de la rassurer et de lui expliquer que les autres résidents ne sont pas présents par rapport à elle. Elle parvient alors à s'apaiser à travers ses échanges. Elle a également mis elle- même en place des stratégies, des phrases composées de mots qu'elle a inventé, qu'elle répète jusqu'à ce que l'angoisse disparaisse. 17
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES Auparavant, A. partageait son appartement avec une autre personne, mais cela était trop compliqué pour elle. Elle vivait chaque geste de l'autre comme une agression et il fallait alors reprendre ses interprétations de manière quotidienne. Dans ce sens, son projet a évolué et elle vit à présent seule. Elle exprime se sentir beaucoup mieux ainsi, être apaisée. A. est animée par deux grandes passions auxquelles elle prend plaisir à nous initier, à savoir l'apprentissage des langues étrangères et le dessin. A. peut réaliser plusieurs dessins de grand format par semaine. Elle en garde certains mais en offre la majorité, que ce soit à d'autres résidents, à l'équipe éducative ou soignante, mais également à des personnes étrangères au Relais. Par exemple, j'ai pu accompagner A. acheter le nécessaire pour envoyer un de ses dessins à un chef de brigade de gendarmerie, personne avec qui elle nous disait être en lien au travers de lettres. Nous ne savions pas si cette relation était réelle ou fantasmée. Quelque temps après avoir envoyé ce dessin, A. est venue nous montrer fièrement la réponse très positive et bienveillante de l'homme en question. Ayant son propre style et une certaine qualité graphique, l'équipe éducative a accompagné A. au travers de différents projets comme l'intégration d'atelier de dessins à partir de modèle humain, ou encore la participation à un concours de création de bande dessinée. A. semble se saisir de ce qui lui est proposée. L'équipe travaille facilement avec et pour A, c'est une personne qui aime partager mais qui peut très vite être perturbé par la présence d'un tiers. A est souvent isolée c'est donc à nous de mettre en place des ateliers pour lui donner envie de venir vers les autres, tout en veillant à conserver une ambiance qui ne l'a mettra pas à mal, ou de lui proposer des solutions d’apaisement dont elle sait se saisir. 18
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES Ces situations mettent en avant la place centrale de l'autonomie des personnes, mais également l'importance de la conscientisation de leur maladie. Aussi, s’entremêlent les désirs des adultes accompagnés et ceux des professionnels. Il est alors important de les mettre en avant et de les articuler pour proposer un accompagnement au plus proche des besoins de la personne. L'ensemble de ces éléments m'ont conduit à établir la question de départ suivante : En quoi un accompagnement éducatif spécialisé peut répondre à un désir d'autonomisation d'un public atteint de schizophrénie ? III – De l'accompagnement à l'autonomie des personnes souffrant de schizophrénie 1. L'accompagnement éducatif L'accompagnement trouve comme définition « « Se joindre à » c'est à dire se rapprocher, converger, s'ajouter à un mouvement qui existe avant que l'accompagnateur s'y joigne et ensuite « pour aller où il va » ce qui signifie très clairement que ce n'est pas l'accompagnateur qui décide du chemin mais bel et bien l'accompagné »8. L'accompagnement entre la personne et le professionnel est régit par plusieurs cadres : institutionnel, contractualisation, de statut. Ces cadres prennent forme au sein de la pratique par deux outils : le projet d'établissement et le projet personnalisé permettent de fixer une finalité. Au sein du foyer de vie, l'objectif général est l'autonomisation de la personne accompagnée. Il est essentiel d'être 8 RULLAC, Stéphane, OTT, Laurent, Dictionnaire pratique du travail social, Paris, Dunod, 2015, p.01 19
Rouquette Ramon Johan - 2021 Mémoire de pratique professionnelle du DEES attentif à l'accompagnement et comment ce dernier peut être interprété par son bénéficiaire. Par exemple, dans un foyer de vie, l'accompagnement est large est englobe tout les actes du quotidien (hygiène, entretien, nourriture, transport, achats), cela peut accentuer la mauvaise interprétation du rôle des professionnels par les personnes accompagnées. Cette mauvaise interprétation peut traduire une intervention « de fonction » du professionnel comme un don 9. Cette mauvaise interprétation entraîne alors un sentiment de dette, que l'usager va chercher à contre-balancer avec un contre-don vers le professionnel, ce qui provoque un déséquilibre dans la relation. Ainsi, dans cette éventualité, plus on va aider quelqu'un à atteindre l'autonomie, plus on l'assiste et donc on le réconforte dans une position de demandeur d'aide. Lorsque nous travaillons auprès de personnes souffrant de handicap mental ou psychique, certains mécanismes « déviants » peuvent apparaître ou être renforcés. Un travail d'apprentissage de ces mécanismes est alors nécessaire de la part du professionnel afin de les repérer et de les considérer afin de limiter leurs apparitions, ou de veiller à ce qu'ils n'entravent pas l'objectif de travail en coopération. Nous rappelons ici que l'accompagnement éducatif doit se baser sur la co-construction. Pour cela, la personne accompagnée doit être informée afin qu'elle soit lucide et qu'elle puisse se responsabiliser et être active, notamment dans le travail à l'autonomisation. 2. L'autonomie des personnes Dans le domaine du social, l'autonomie est amenée par le cadre législatif des foyers vie mais fait aussi partie de l'action d'insertion et induit « la capacité à gérer ses propres dépendances (physiques, psychiques, sociales) dans le cadre d'une socialisation »10. Elle va donc s'appuyer sur la personne, sur ses capacités ainsi que son lien à la vie sociale. Le but de l'accompagnement à l'autonomie est 9 FUSTIER, Paul, Le lien d'accompagnement, Paris, Dunod, 2015, p.82 10 ibid, (7), p.03 20
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