N 58 TENDANCES ÉCONOMIQUES - Analyse et prévisions conjoncturelles - Iweps
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L’Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique TENDANCES ÉCONOMIQUES 2 0 N° 58 Analyse et prévisions 2 conjoncturelles 0
COLOPHON Les Tendances économiques présentées ci-dessous ont été élaborées par : Sébastien BRUNET Frédéric CARUSO Marc DEBUISSON Didier HENRY Evelyne ISTACE Virginie LOUIS Olivier MEUNIER Régine PAQUE Vincent SCOURNEAU Sous le conseil scientifique de Vincent BODART, Institut de recherches économiques et sociales (IRES-UCL) Éditeur responsable : Sébastien BRUNET (Administrateur général, IWEPS) Création graphique : Déligraph Mise en page : Snel Grafics SA, Vottem www.snel.be Dépôt Légal : D/2020/10158/5 Reproduction autorisée, sauf à des fins commerciales, moyennant mention de la source. IWEPS Institut wallon de l’évaluation, de la prospective et de la statistique Route de Louvain-La-Neuve,2 5001 BELGRADE - NAMUR Tél : 32 (0)81 46 84 11 Fax : 32 (0)81 46 84 12 http ://www.iweps.be info@iweps.be 2
La pandémie de Covid-19 est d’abord et avant tout une urgence de santé publique. La principale préoc- cupation est d’ordre médical et doit le rester. Cependant, la crise sanitaire aura aussi une incidence économique considérable, dont il importe de prendre rapidement la mesure. Des décisions de poli- tiques publiques difficiles devront être encore prises pour alléger l’impact délétère de la pandémie sur les ménages et les entreprises. Pour l’heure, l’ampleur inédite de la crise, mais aussi des mesures adop- tées pour juguler la propagation du nouveau coronavirus, induit une complexité très inhabituelle à la prévision économique. Notre exercice prévisionnel n’échappe évidemment pas à cet écueil, mais nous espérons toutefois apporter des éléments utiles à l’analyse économique régionale en Wallonie. Analyses terminées le 26 mars 2020 L’économie en temps de Covid-19, l’impossible prévision Arrêtées le 11 mars dernier, les perspectives s’est mué en une paralysie étendue de l’offre, de croissance économique pour la Bel- en raison de l’immobilisation forcée d’une gique établies par l’Institut des Comptes partie des forces de travail. Par ailleurs, les Nationaux (ICN) ont été publiées le 20 mars, mesures de soutien qui sont en train d’être dans la cadre de la projection pluriannuelle mises en place à tous les niveaux de pouvoir destinée à l’établissement du Programme paraissent aussi devoir atteindre une am- de Stabilité1. Elles tablent encore sur une pleur inégalée (cf. encadré 1). croissance du PIB de +0,4% en Belgique en Notre scénario, bien que soumis à une in- 2020, au sein d’une Zone euro où la crois- certitude inhabituelle, fait l’hypothèse que sance reculerait de -0,3%. Cette prévision la crise sanitaire actuelle affectera la crois- s’appuie sur les perspectives intermédiaires sance économique wallonne de l’ensemble de l’OCDE du début du mois de mars2. de l’année 2020. La Wallonie, comme la L’OCDE y développe le scénario, non pas Belgique, devrait traverser une récession « d’une épidémie circonscrite », mais déjà marquée au premier semestre de l’année, celui « d’une contagion plus large », consi- la progression du PIB s’inscrivant en net dérant toutefois que « des restrictions aux recul au premier et surtout au deuxième tri- déplacements appliquées actuellement en mestre. Aux troisième et quatrième tri- Chine ne seront peut-être pas reproduites mestres, la croissance de l’activité écono- partout dans les mêmes proportions ». En mique devrait repartir à la hausse, grâce à nous appuyant sur des hypothèses équiva- des effets de rattrapage et aux mesures pu- lentes, le scénario que nous nous apprê- bliques de soutien. On devrait malgré tout tions à établir pour la Wallonie aurait donné observer un recul en moyenne sur l’en- des résultats du même niveau que ceux de semble de l’année 2020. la Belgique pour 2020. Typique d’un choc externe réel de grande Ces perspectives constituent, comme le ampleur, celui-ci affectera donc le premier mentionne l’ICN, « davantage des pro- semestre, laissant place à un rebond, sans jections techniques que des prévisions » et doute partiel, en seconde partie d’année. sont déjà obsolètes. Depuis la mi-mars, le Suivant ce scénario, la propagation du virus choc sur l’activité économique en Belgique est endiguée et les mesures de confine- et en Wallonie ne provient plus uniquement ment progressivement levées avant l’été, de marchés potentiels extérieurs affaiblis et selon un schéma proche de celui observé de ruptures d’approvisionnement, ni même en Chine. d’un affaissement de la demande intérieure adressée à certains secteurs spécifiques La crise du Covid-19 constitue un événe- (transport, commerce, Horeca, tourisme). Il ment à la fois évolutif et sans précédent. 1 Institut des Comptes Nationaux, Perspectives économiques 2020-2025 – Version de mars 2020, 20 mars 2020. 2 Organisation de Coopération et de Développement Économiques, Perspectives économiques de l'OCDE, Rapport intermédiaire, mars 2020. 3 Tendances économiques no 58
Aucune observation économique tangible de croissance de 2020. Afin d’étayer notre ne permet encore d’appréhender l’ampleur scénario de croissance pour l’année 2020, il du recul attendu de la valeur ajoutée à la fin est utile de revenir sur la situation écono- du premier trimestre et au deuxième tri- mique dans laquelle évoluait la Wallonie en mestre en Wallonie, ni même en Belgique. 2019 et lors des premières semaines de Les premières informations relatives aux 2020, qui ont précédé le développement de chiffres d’affaires, à la production ou même la pandémie. En l’absence de données de à l’emploi ne seront disponibles que dans comptabilité régionale pour 2019, ces les prochains mois. Les indices de la observations récentes permettent d’abord confiance sont par ailleurs insuffisants à cet d’asseoir la première partie de notre égard, même s’ils sont marqués en mars scénario prévisionnel. Cette analyse permet par une chute inhabituelle. ensuite de déceler des déterminants de l’évolution économique attendue à plus À ce stade, l’impact économique de la crise long terme. Ainsi, certains facteurs positifs, sanitaire ne peut être précisément notamment la bonne tenue de l’emploi et déterminé ni quantifié de façon fiable. Il est de la situation financière des ménages en de notre rôle de donner des éléments Wallonie, sont sans doute susceptibles d’analyse, mais ce numéro des « Tendances d’atténuer le recul attendu de l’activité et de économiques » ne propose – exception- soutenir la reprise de la production une fois nellement – aucun chiffrage de la prévision l’épidémie endiguée. Encadré 1 : Quelle réponse publique pour lutter contre les conséquences économiques de la pandémie ? Face à la pandémie, l’action des autorités précisent progressivement et évolueront publiques s’est orientée prioritairement encore dans les prochaines semaines, sur la gestion de la crise sanitaire. Les me- mais leur caractère exceptionnel ne fait sures prises visent à endiguer l’épidémie, aucun doute et leur ampleur égalera au dans un souci de santé publique. Elles moins celle des mesures prises lors de la sont aussi le premier rempart de protec- crise financière internationale de 2008. tion de l’économie. Plus vite la propagation du virus sera arrêtée et les mesures de La Commission européenne (CE) a décla- confinement levées, en prenant les ré qu’elle mettrait tout en œuvre pour mesures nécessaires pour éviter toute soutenir au mieux les efforts consentis recrudescence de l’épidémie, plus vite par les États de l’Union européenne (UE), l’économie pourra se relancer, comme en utilisant toute la flexibilité des cadres nous l’envisageons dans notre scénario. instaurés par les aides d’état et le pacte Focalisées sur l’urgence sanitaire, les au- de stabilité et de croissance. Les 27 mi- torités n’en sont pas moins conscientes nistres de l’Économie et des Finances de des répercussions économiques majeures l’UE se sont ainsi accordés sur une action de la pandémie. Tous les niveaux de déci- inédite : activer la clause dérogatoire gé- sion, européen, fédéral ou régional, se nérale du pacte. Cette activation permet- veulent les plus réactifs possible et les an- tra aux États membres de prendre des nonces de mesures de soutien à l’écono- mesures de réponse à la crise, tout en mie se multiplient. Il va sans dire que tous dérogeant aux obligations budgétaires les instruments de politique économique du cadre européen. Si la principale ré- (politique monétaire et politique budgé- ponse budgétaire au coronavirus pro- taire) seront mobilisés pour juguler les ef- viendra des budgets nationaux des États fets de la crise et redémarrer au plus vite membres, l’Union européenne mobilisera le moteur économique. Les actions se également son propre budget. Elle re- 4 Tendances économiques no 58
nonce notamment à l’obligation s’appli- des contraintes opérationnelles pour les quant cette année de réclamer le rem- banques a aussi été décidé. boursement des préfinancements non dépensés au titre de la politique de cohé- À l’échelle de la Belgique, pour lutter sion (fonds FEDER et FSE, principale- contre la fragilité financière des acteurs ment). Les États membres pourront utili- économiques, plusieurs actions ont éga- ser ces montants non récupérés pour lement été annoncées. Le gouvernement accélérer leurs investissements liés à fédéral prévoit des modalités d’étalement l’épidémie. Au total, 37 milliards d’euros ou de dispense de paiement de cotisa- pourront ainsi être investis (8 milliards du tions sociales, de précomptes, d’impôts budget européen et 29 milliards de cofi- de nature sociale et fiscale, pour les entre- nancement des États membres). Quant à prises et les indépendants. Il a également la Banque européenne d’investissement négocié un accord avec le secteur ban- (BEI), au travers du Fonds européen d’in- caire, accordant un report de paiement vestissement, elle veillera à alléger au aux entreprises et aux ménages (pour les maximum les contraintes en matière de emprunts hypothécaires), qui connaissent liquidités et de fonds de roulement pour des problèmes de remboursement en rai- les petites et moyennes entreprises (PME) son de la crise du coronavirus. En outre, et les entreprises de taille intermédiaire l’État fédéral apportera sa garantie à hau- (ETI), en partenariat avec les acteurs fi- teur de 50 milliards d’euros pour tous les nanciers des États. Une enveloppe de 40 nouveaux crédits de court terme octroyés milliards d’euros a déjà été réservée dé- par les banques aux entreprises et aux in- but mars ; mais au vu de la gravité de la dépendants jusqu’au 30 septembre 2020. crise, des pourparlers sont déjà en cours pour aller bien plus loin (création d’un Au niveau wallon, entre autres mesures, fonds de garantie paneuropéen, notam- 233 millions d’euros sont prévus pour ver- ment). ser une indemnité forfaitaire aux petites entreprises et aux indépendants forcés Sur le plan monétaire, la Banque centrale d’arrêter leur activité. Tous les acteurs fi- européenne (BCE) sera en première ligne nanciers wallons (SRIW, SOGEPA, SOWAL- pour maintenir la liquidité du secteur fi- FIN, Invests) sont aussi mobilisés pour nancier et veiller ainsi à ce que tous les ac- combler au mieux, avec leurs instruments teurs de l’économie (ménages, entreprises respectifs, les besoins financiers urgents et gouvernements) bénéficient de condi- des entreprises. tions de financement favorables. Pour ce faire, elle va renforcer ses opérations de Parmi les mesures fédérales et régionales, quantitative easing et mobiliser d’ici la fin figurent également des actions visant à at- de l’année plus de 1 000 milliards d’euros ténuer l’impact de la crise sur l’emploi : pour acheter des titres des secteurs pu- chômage temporaire étendu et majoré au blics et privés. Elle va également mener niveau fédéral, subventionnement main- des opérations supplémentaires de refi- tenu pour le secteur subsidié mis à l’arrêt nancement à plus long terme à destination au niveau régional, etc. De manière directe des banques. Toujours pour assurer un ou indirecte, ces différentes mesures de- soutien solide au système financier et vraient permettre de préserver au maxi- assurer la liquidité, un allègement tempo- mum l’emploi et de limiter la baisse du raire des exigences de fonds propres et pouvoir d’achat des consommateurs. 5 Tendances économiques no 58
En 2019, les tensions commerciales ont exacerbé une dichotomie inhabituelle entre industrie et services En 2019, l’économie mondiale a enregistré cessé de diminuer depuis le premier tri- un taux de croissance médiocre de +2,9%, mestre de 2018. Ces facteurs, conjugués à bien inférieur à sa moyenne de longue pé- la baisse de confiance des entreprises, ont riode et constituant la plus faible perfor- freiné les investissements industriels euro- mance depuis la Grande récession de 2009. péens en 2019. Les causes de cette détérioration de l’acti- Par ailleurs, au sein des économies avan- vité internationale étaient à rechercher sur- cées, les dépenses des ménages ont tout dans les tensions commerciales entre constitué un soutien précieux à la croissance les grands acteurs du commerce internatio- de l’activité économique en 2019. Que ce nal, États-Unis et Chine en tête, qui ont ra- soit aux États-Unis ou en Zone euro, la lenti les échanges et ont miné la confiance consommation privée a été portée par la des entreprises, essentiellement dans le confiance des ménages, se maintenant à secteur industriel. D’autres facteurs sont des niveaux élevés, et par l’évolution du venus intensifier le climat d’incertitude : la marché du travail, qui est demeurée très faiblesse de l’activité en Chine et en Inde, bien orientée jusqu’en début d’année 2020. mais aussi, singulièrement pour les écono- Aux États-Unis, la consommation, tradition- mies européennes, l’absence d’accord sur nel moteur de croissance du PIB américain, le Brexit. Les signes de ce ralentissement se a ainsi affiché une croissance soutenue sur sont manifestés, tant dans les économies l’ensemble de l’année (+2,6%), tandis que le émergentes, qui avaient porté la croissance taux de chômage atteignait un niveau histo- mondiale ces dernières années, que dans riquement faible en février de cette année les économies avancées. La Zone euro, (+3,5%). En Zone euro, la consommation a dépendant largement de ses exportations, également été portée par un marché du a affiché au dernier trimestre l’évolution la travail toujours très dynamique ; la crois- plus faible depuis 2013. L’industrie alle- sance de l’emploi était encore de +0,3% en mande a notamment subi un coup d’arrêt rythme trimestriel au dernier trimestre 2019, inédit en fin d’année en raison du recul de la tandis que le taux de chômage a continué production dans l’industrie manufacturière, sa baisse entamée en 2013 pour se fixer à en particulier automobile. Ce secteur, pâtis- 7,4% en janvier 2020. Globalement, la sant de la langueur de la demande à confiance des ménages européens (ce rai- l’échelle mondiale, a été en outre confronté sonnement tient aussi pour les États-Unis), à des difficultés pour adapter ses modèles ainsi que celle des entreprises actives dans aux nouvelles normes environnementales. le secteur des services, sont demeurées à Mais ce n’est pas seulement cette industrie des niveaux très élevés sur l’ensemble de qui a été responsable de la réduction de l’année 2019. Dans le même temps, dans l’activité manufacturière européenne : l’industrie, les indicateurs se sont repliés l’ensemble de l’industrie y a contribué. Le sensiblement en cours d’année (cf. gra- ralentissement des échanges mondiaux a phique 1). Une dichotomie est ainsi apparue provoqué la baisse globale des exporta- entre les secteurs plus ouverts, souffrant de tions européennes. Dans ce contexte, le ni- la situation internationale, et les secteurs veau d’utilisation des capacités de produc- moins exposés, bénéficiant de conditions tion des industries manufacturières n’a plus clémentes de la demande interne. 6 Tendances économiques no 58
Graphique 1 : Évolution des indicateurs conjoncturels sur la confiance des ménages et des entreprises de la Zone euro avant l’épidémie du coronavirus 2,0 1,5 1,0 0,5 0,0 -0,5 -1,0 -1,5 -2,0 Confiance des chefs d'entreprises dans l'industrie Confiance des ménages -2,5 2013.01 2014.01 2015.01 2016.01 2017.01 2018.01 2019.01 2020.01 Source : Commission européenne – Calculs : IWEPS L'industrie wallonne partiellement épargnée par le ralentissement mondial en 2019 Paradoxalement, dans le contexte interna- graphique 2). C’est le cas notamment des tional très peu porteur caractérisant l’année matériaux de construction divers et des 2019, les exportations wallonnes de mar- produits issus de l’industrie alimentaire, bé- chandises ont connu une accélération no- néficiant de l’évolution favorable de la de- table en cours d’année, si bien qu’au cours mande interne au sein des pays de la Zone des trois derniers mois les exportations euro, mais également de produits tels que wallonnes affichent en moyenne une crois- les matières plastiques et en caoutchouc sance en volume supérieure à 10% sur un ou encore le matériel de transport 4 . Même an. Si cette performance remarquable re- si l’économie wallonne semble avoir été flète en grande partie l’évolution des expor- relativement épargnée en 2019 par le tations de produits pharmaceutiques3, une manque d’allant du commerce mondial, série de catégories de biens plus cycliques certaines catégories de produits, davantage ont également apporté une contribution liées aux secteurs de production les plus substantielle à la croissance des exporta- affectés par la faiblesse des échanges (les tions en deuxième partie d’année 2019 (cf. biens d’équipements et de consommation 3 Les exportations de ces produits enregistrent au dernier trimestre de 2019 une croissance sur un an de près de plus de 30% (en valeur), soit plus de 1 milliard d’euros supplémentaires. Notons que cette vive progression des exportations de produits pharmaceutiques s’est accompagnée d’un rebond tout aussi specta- culaire des importations wallonnes de ce type de produits, si bien qu’au total les importations wallonnes de marchandises enregistrent une croissance en volume de plus de 15% sur un an au cours du dernier trimestre de 2019. 4 L’évolution vigoureuse des exportations de la catégorie intitulée « matériel de transport » au cours des mois récents reflète essentiellement le résultat d’un contrat commercial conclu par une firme wallonne d’armement visant à fournir des composants à une entreprise d’armement canadienne. Étant donné l’am- pleur du contrat en question (de l’ordre de plusieurs milliards d’euros), cet effet devrait continuer à gonfler la croissance des exportations wallonnes au cours des trimestres à venir. 7 Tendances économiques no 58
durable) semblent bel et bien avoir souffert Au total, la croissance des exportations de la conjoncture internationale morose. wallonnes aurait affiché en 2019 un rythme Les exportations wallonnes de produits relativement élevé (+3,6%), traduisant en métalliques et de machines-outils se sont partie la progression spectaculaire des ex- notamment repliées sur l’ensemble de l’an- portations de produits pharmaceutiques en née 2019, tandis que les attentes des indus- cours d’année. triels se sont dégradées progressivement en cours d’année. Graphique 2 : Contribution des secteurs à la croissance des exportations wallonnes de marchandises 20,0 Produits pharmaceutiques Autres produits 15,0 10,0 5,0 0,0 -5,0 -10,0 2015.I 2015.III 2016.I 2016.III 2017.I 2017.III 2018.I 2018.III 2019.I 2019.III Source : BNB – Calculs IWEPS En revanche, selon nos estimations5, l’inves- Ce repli serait toutefois resté contenu. Une tissement des entreprises, qui aurait main- partie des entrepreneurs ont probablement tenu un rythme d’expansion soutenu en 2018 adopté des stratégies attentistes face à l’in- (+5,7%), devrait avoir marqué le pas au cours certitude. À l’inverse, la persistance de de l’année 2019 (+2,9%). Dans un contexte faibles taux d’intérêt et de conditions de cré- empreint de fortes incertitudes, le net ralen- dits avantageuses, ainsi que le relèvement tissement des échanges commerciaux inter- de la déduction fiscale pour investissement nationaux au cours de l’année dernière aurait des PME et des indépendants (une mesure érodé les perspectives de débouchés des temporaire d’application en 2018 et 2019) entreprises et contribué à abaisser les taux devraient avoir soutenu la formation brute d’utilisation de l’appareil productif industriel. de capital fixe en Wallonie. 5 Les dernières statistiques des comptes régionaux (février 2020) concernant les investissements des entreprises ne vont pas au-delà de l’année 2017. Ceux-ci se sont montrés relativement dynamiques, avec une croissance de +5,2%. Pour tenter d’approcher l’évolution récente des investissements, il convient de se référer aux données issues des déclarations des entreprises auprès de la TVA. 8 Tendances économiques no 58
Le principal soutien autonome de la crois- d’emplois (+1,2%). L’octroi des derniers allè- sance économique de la Wallonie en 2019 gements fiscaux prévus dans le cadre du serait dès lors à nouveau venu de la tax shift fédéral et la croissance toujours consommation privée. Selon nos estima- vigoureuse des prestations sociales, en tions, la progression des dépenses de particulier de pensions et de maladie et consommation des ménages aurait atteint invalidité, contribuent aussi à cette aug- +1,5% l’an dernier, un rythme plus rapide mentation du pouvoir d’achat. qu’en Belgique pour la troisième année consécutive. La forte hausse du pouvoir d’achat devrait aussi avoir permis aux ménages wallons de La dynamique des dépenses de consom- redresser un peu leur taux d’épargne (de mation privée est, en Wallonie, largement 8,3% à 9,0%), mais dans une proportion déterminée par les développements en moindre que la moyenne belge. D’une part, termes de revenus. La proportion de reve- les ménages wallons semblent avoir été nus du travail – généralement davantage gagnés par une morosité croissante au dédiés à la consommation – y est plus éle- cours de l’année dernière. De plus en plus vée, la part de l’épargne, plus basse, et le pessimistes quant à l’orientation attendue niveau moyen de revenus des Wallons plus de la situation économique générale, les faible qu’en Belgique dans son ensemble. ménages ont probablement été enclins à Le lien entre consommation et revenus ap- constituer une épargne de précaution. La paraît dès lors généralement plus étroit en dégradation du moral des consommateurs Wallonie. En 2019, le revenu disponible des s’est estompée en fin d’année, mais l’indica- ménages wallons aurait, selon nos estima- teur de confiance ne dépassait plus guère tions, augmenté de +2,3% en termes réels, à sa moyenne de long terme, début de 2020. la faveur d’un net reflux de l’inflation (de D’autre part, les ménages semblent s’être 2,1% à 1,4%), soit la progression la plus également davantage tournés vers les dé- franche enregistrée depuis la crise finan- penses d’investissement résidentiel en 2019 cière de 2008. Les revenus des ménages (+6,3%), dans un contexte propice à leur fi- ont été soutenus par la hausse des salaires nancement, par fonds propres ou par le re- (+1,8% par tête) et la poursuite des créations cours au crédit. En 2019, le PIB wallon aurait progressé de +1,6%, soutenu en partie par un acquis de croissance positif En 20196, l’activité économique en Wallonie mestres) et les indices de la production in- devrait donc avoir en partie résisté au ralen- dustrielle (publiés pour l’ensemble de tissement de la conjoncture économique l’année 2019) ont globalement adopté un internationale. L’amélioration sensible des profil baissier au cours de l’année passée. données de chiffres d’affaires à la TVA, en Toutefois, en particulier dans l’industrie et la net rebond en fin d’année 2018 à la fois dans construction, les ventes ont continué de l’industrie, la construction, le commerce et progresser sensiblement à un an d’écart. les services aux entreprises, a vraisembla- Un net regain de la production manufactu- blement procuré un acquis de croissance rière wallonne est observé en fin d’année positif non négligeable pour l’année 2019. dernière, soutenu par le relatif maintien de la demande intérieure en Europe. C’est par- Par rapport au haut niveau de la fin 20187, ticulièrement le cas pour la production de les ventes enregistrées dans les déclara- biens de consommation, bien que d’autres tions à la TVA (pour les trois premiers tri- branches industrielles, servant davantage 6 Les derniers comptes régionaux de l’Institut des Comptes Nationaux (ICN) permettent de donner une estimation définitive de la croissance du PIB wallon pour l’année 2017 qui s’élève à +2,3%. La situation commerciale internationale était alors encore porteuse et l’industrie a notamment pu compter sur une forte contribution de l’industrie pharmaceutique. En 2018, selon l’estimation provisoire de l’ICN, la croissance du PIB régional se serait établie à +1,3%, une progression annuelle moyenne plus faible que dans le reste du pays en raison d’une contribution une nouvelle fois plus faible des services marchands. 7 L’amélioration sensible des données de chiffres d’affaires à la TVA laisse penser que les ventes des entreprises wallonnes ont enregistré un net rebond en fin d’année 2018 à la fois dans l’industrie, la construction, le commerce et les services aux entreprises. 9 Tendances économiques no 58
une production intermédiaire, n’aient pas consommation privée en 2019, ainsi qu’avec été en reste. Globalement, les données re- le baromètre conjoncturel très positif du latives à l’activité récente sont confortées secteur de la construction, utilisateur de par les statistiques wallonnes d’exporta- produits intermédiaires. Bénéficiant d’un tions de marchandises (cf. supra) et sont acquis de croissance favorable, la hausse également en adéquation avec notre esti- du PIB pourrait dès lors s’être établie à +1,6% mation de contribution importante de la en 2019. Début 2020, le climat conjoncturel international semblait s’éclaircir À partir de la fin d’année 2019, le climat de Une inflexion du marché du travail s’est en confiance au niveau international a com- effet vraisemblablement amorcée en deu- mencé à se rétablir et les perspectives xième partie de 2019. Le recours des entre- s’amélioraient progressivement (cf. gra- prises au chômage temporaire a ainsi rebon- phique 1). Une reprise conjoncturelle au ni- di depuis la fin de l’été dernier. Le volume veau mondial semblait en effet s’être amor- d’heures prestées par les intérimaires, dont cée, à la faveur de l’apaisement des tensions l’évolution est généralement un bon précur- commerciales sino-américaines et de la seur de celle de l’emploi, s’est replié de ma- conclusion d’un accord de sortie du nière continue et le rythme de baisse du Royaume-Uni de l’Union européenne au 31 chômage a globalement faibli, avec un relè- janvier 2020. Le FMI entrevoyait en janvier vement notable du nombre de chômeurs de de cette année un raffermissement de la courte durée (depuis moins d’un an) dont croissance à +3,3% pour 2020. Un raffermis- l’évolution reflète le plus fidèlement l’état de sement progressif des échanges internatio- la conjoncture. Le repli des prévisions d’em- naux était escompté, porté notamment par ploi dans les enquêtes mensuelles auprès un rebond au sein des économies émer- des entreprises, qui s’inscrivaient en février gentes, qui avaient connu les plus grandes 2020 bien en deçà des sommets atteints un difficultés précédemment, et un redresse- an plus tôt, nous confortait dans un scénario ment de l’activité industrielle en Europe, ce de croissance de l’emploi pour 2020 à un qui aurait pu bénéficier au développement rythme plus lent que précédemment, tout du commerce extérieur de la Wallonie. Ce en demeurant largement positif. En l’ab- scénario était confirmé jusqu’en février dans sence de nouvelles mesures générales vi- les enquêtes de conjoncture menées au- sant à baisser le coût du travail, une modéra- près des industriels wallons, ceux-ci ju- tion progressive de l’intensité en geant plus favorablement l’état de leur car- main-d’œuvre de la croissance était atten- net de commandes étrangères et anticipant due pour 2020. Nous considérions notam- un relatif maintien de la demande pour les ment que les entreprises auraient désiré ré- mois à venir (cf. graphique 3). cupérer des gains de productivité horaire ; ce mécanisme constituant une réponse ap- Jusqu’en février, nous anticipions également propriée des employeurs à la fois au rebond une progression soutenue des dépenses constaté du coût du travail depuis 2018 et de consommation des particuliers. Les aux pénuries qui pourraient caractériser cer- perspectives d’évolution du revenu dispo- tains segments du marché du travail wallon nible des ménages s’annonçaient encore après plusieurs années consécutives de favorables, dans un contexte marqué par croissance solide de l’emploi. un nouveau ralentissement de l’inflation et une croissance toujours positive de l’em- Par ailleurs, nous nous attendions aussi à ploi, malgré le tassement attendu des créa- une progression des dépenses d’investis- tions d’emplois. sement des entreprises, mais sans grande 10 Tendances économiques no 58
envolée. Les enquêtes de conjoncture au pacités productives étaient retombés l’an cours des derniers mois de l’an passé et passé, cette amélioration paraissait insuffi- jusqu’en février dernier révélaient bien une sante pour stimuler significativement l’effort timide amélioration du sentiment écono- d’investissement sur l’horizon de la projec- mique des entrepreneurs. Néanmoins, dans tion et, ce, en dépit de conditions finan- un contexte où les taux d’utilisation des ca- cières toujours favorables. « La pandémie amène la troisième et plus grave crise économique, financière et sociale du XXIe siècle »8 La fin du mois de février, marquant le début sans précédent, lié aux effets néfastes du de la diffusion du virus à l’échelle mondiale confinement sur les dépenses des mé- et l’instauration progressive de mesures de nages ainsi que des répercussions néga- confinement dans bon nombre d’écono- tives de l’épidémie sur la confiance des mies occidentales, a ouvert une phase de agents économiques et sur leurs investis- révisions successives des perspectives de sements. croissance pour le reste de l’année 2020. Il Les premières répercussions palpables du est devenu de plus en plus évident au fil virus sur l’activité économique ont été des jours que l’économie mondiale est décelées en Chine, où les indicateurs confrontée à court terme à un double choc conjoncturels ont plongé à partir du mois d’une ampleur inédite, mettant à mal le de février de cette année à des niveaux ex- scénario de reprise escompté jusqu’alors. trêmement bas. Au mois de mars, c’est au D’une part, il s’agit d’un choc d’offre, maté- tour des indices européens et américains rialisé dans un premier temps par l’allonge- d’enregistrer un recul historique. L’indice ment des délais de livraison des entreprises composite Markit pour la Zone euro est se fournissant en composants en prove- ainsi passé de 51,6 points en février à 31,4 nance de la Chine et ensuite progressive- en mars, avec une chute plus marquée en- ment par le recul des activités productives core dans les services que dans l’industrie. engendré par la mise à l’arrêt forcée d’une Les indices de la confiance des consom- partie de la force de travail. D’autre part, les mateurs et des entrepreneurs ont égale- économies subissent un choc de demande ment plongé en Wallonie (cf. graphique 3). 8 OCDE (2020), Coronavirus (Covid-19): des actions conjointes pour gagner la guerre. 11 Tendances économiques no 58
Graphique 3 : Évolution des indicateurs conjoncturels sur la confiance des ménages Graphique 3-Confiance Wallonie_entrep_menag.xlsx (28/03/20) et des entreprises en Wallonie 3,0 Confiance des chefs d'entreprises dans l'industrie 2,5 2,0 Confiance des ménages 1,5 1,0 0,5 0,0 -0,5 -1,0 -1,5 -2,0 -2,5 -3,0 2013.01 2014.01 2015.01 2016.01 2017.01 2018.01 2019.01 2020.01 Source : BNB et IWEPS. Graph Une épidémie progressivement endiguée et une reprise économique en deuxième partie d’année L’émergence du COVID-19 a postposé le d’année. La dynamique industrielle euro- scénario d’amélioration du contexte inter- péenne montrait en effet seulement les national de plusieurs mois. Nous tablons en premiers signes de stabilisation et celle-ci effet à présent sur un véritable trou d’air de devrait pâtir du nouveau coup de frein sur le l’économie mondiale à partir de ce mois de commerce international. Ce serait en parti- mars, qui impactera la croissance écono- culier le cas de l’Allemagne, le deuxième mique qui sera enregistrée sur l’ensemble partenaire commercial de la Wallonie, qui du premier semestre de 2020. En particu- voyait ses principaux indicateurs conjonc- lier, nous anticipons à présent que l’activité turels s’établir en ce début d’année 2020 à économique en Zone euro devrait se des niveaux très faibles et qui entretient contracter sensiblement au cours du deu- d’importantes relations commerciales avec xième trimestre, en raison des mesures de la Chine. Les exportations wallonnes de- confinement de plus en plus drastiques qui vraient dès lors reculer sensiblement sur ont été imposées dans le courant du mois l’ensemble du premier semestre de cette de mars. L’industrie européenne devrait année. être particulièrement à la peine, étant don- né que l’émergence de ce nouveau choc Néanmoins, il apparaît que la reprise éco- économique intervient alors que son état nomique a maintenant démarré en Chine, de santé demeurait précaire en ce début après l’arrêt forcé dû à l’épidémie, et d’autres 12 Tendances économiques no 58
pays devraient également suivre progressi- tuelle, tendent à montrer que la reprise vement la voie du redressement dans les peut être particulièrement rapide et vigou- prochains mois. Ainsi, dans l’hypothèse où reuse (cf. encadré 2), une grande partie de l’épidémie pourra être combattue progres- l’activité non réalisée durant la période af- sivement dans les économies avancées, il fectée étant reportée sur les trimestres est supposé qu’un rebond global de l’activi- ultérieurs. té économique mondiale et des échanges Selon ce scénario, les exportations wal- commerciaux pourra se mettre en place lonnes devraient rebondir sensiblement en d’ici l’été. Une fois que les effets délétères deuxième partie d’année 2020. de la diffusion du virus sur l’activité écono- mique se seront dissipés, les facteurs sous- Le degré élevé d’incertitude quant à l’évolu- jacents favorables à la croissance écono- tion de la pandémie, l’arrêt partiel de la pro- mique mondiale, qui demeureront latents duction et l’assèchement soudain de la de- pendant un laps de temps de quelques mande auront des effets considérables sur mois, permettront à celle-ci de rebondir. En la formation brute de capital fixe des entre- particulier, si les mesures des autorités pu- prises en Wallonie. Réviser ou postposer bliques pour soutenir les entreprises et les des plans d’investissement pouvant néces- ménages portent leurs fruits, le marché de siter un peu de temps, ces effets se maté- l’emploi, véritable pilier de la croissance rialiseront graduellement dans les se- économique dans les économies avancées maines à venir et impacteront négativement au cours des dernières années, ne serait le deuxième trimestre et vraisemblable- que légèrement affecté par ce choc, sen- ment une partie du troisième trimestre de sible certes, mais demeurant de nature l’année 2020. passagère (par hypothèse). Le niveau très faible de l’inflation qui devrait être observé Tablant sur la possibilité de contenir l’évolu- globalement dans les mois à venir, reflétant tion de l’épidémie avant l’été, la reconstitu- les faibles pressions inflationnistes qui tion des stocks et une certaine demande étaient observées avant l’émergence du postposée pourraient soutenir l’activité et permettre d’envisager une reprise progres- COVID-19 et les effets négatifs du choc pé- sive de l’investissement au cours du second trolier observé depuis la fin février, permet- semestre. Un rebond automatique est ce- tra au pouvoir d’achat des ménages de se pendant difficilement imaginable. La fragili- maintenir en 2020. Les politiques budgé- sation de la situation financière de nom- taires et monétaires expansionnistes qui se breuses PME et d’un large pan du secteur mettent en place pour contrer les effets du des services nécessitera des actions fortes COVID-19 devraient favoriser une reprise de soutien public (cf. encadré 1) pour tenter assez vive des dépenses de consommation de relancer progressivement la dynamique et des investissements des agents écono- d’investissement des entreprises. miques en deuxième partie d’année 2020. Étant donné le rattrapage de production L’accentuation de la crise sanitaire au cours qu’il y aura à effectuer, notamment par la des dernières semaines et l’adoption des Chine, la plus affectée jusqu’à présent, nous mesures de restrictions de l’activité et de considérons que la reprise mondiale en déplacement devraient considérablement deuxième partie d’année 2020 pourrait être réduire les dépenses des ménages à court relativement soutenue, ce qui augure d’une terme. La consommation privée est en effet perspective de croissance très favorable le principal canal par lequel les effets des pour l’année 2021. Le pic de l’épidémie mesures d’endiguement affecteront l’éco- semble avoir été dépassé récemment en nomie. Les ménages sont empêchés, en Chine et il faudra voir à quel rythme la pro- raison de la fermeture des commerces, et/ duction s’y rétablit dans les semaines à ve- ou très réticents à procéder aux achats que nir. Mais les expériences passées de crise leur permettrait en principe leur situation sanitaire, moins globales certes que l’ac- financière, comme le montre le fort reflux 13 Tendances économiques no 58
de la confiance des consommateurs en segments du marché du travail avant l’émer- mars. Ce double blocage devrait ainsi en- gence du coronavirus. En deuxième partie traîner une forte progression du taux d’année, la reprise économique se matériali- d’épargne des ménages. sant, les besoins en main-d’œuvre rebondi- ront sensiblement en Wallonie. Toutefois, les La baisse d’activité inhérente au régime de créations d’emplois devraient demeurer très confinement, en raison d’une double maigres, étant donné que les employeurs contrainte d’offre et de demande, induirait disposeront dans un premier temps d’une une baisse prononcée, mais temporaire, des importante réserve de main-d’œuvre à re- besoins de main-d’œuvre, ce qui aura inévi- mobiliser. Selon ce scénario, la durée tablement un impact sur notre scénario ini- moyenne du travail reculera sensiblement tial de croissance de l’emploi (cf. supra), ainsi en première partie d’année, avant de que sur l’évolution du revenu des ménages. rebondir ensuite. Dans ce contexte, le rebond des dépenses des ménages que l’on peut escompter en Quant aux investissements des ménages, seconde partie d’année ne rattraperait vrai- leur redressement devrait globalement se semblablement pas l’ensemble des achats poursuivre au cours de cette année 2020, annulés au premier semestre. en partie favorisé par un acquis de crois- sance positif. On constate en effet un net Les besoins en main-d’œuvre devraient se rebond des autorisations de bâtir à l’au- contracter sensiblement sur l’ensemble du tomne dernier en Wallonie, qui accentue premier semestre. Néanmoins, en misant sur une orientation déjà haussière depuis le le fait que les mesures publiques de soutien deuxième trimestre de 2019. Ce regain a aux entreprises et plus spécifiquement conduit le nombre mensuel de permis celles portant sur le maintien de l’emploi au-delà du millier en novembre dernier, un (chômage économique – cf. encadré 1) por- niveau (tendanciel) inégalé depuis 2012. teront leurs fruits, nous considérons que l’on Ces observations sont confirmées par une ne devrait pas observer, en fin de compte, de demande de crédits hypothécaires en trop lourdes pertes nettes d’emplois. En ef- croissance régulière en seconde partie fet, la rétention de l’emploi est un phéno- d’année dans la région. mène habituel de la part des entreprises en temps de crise, a fortiori lorsqu’il s’agit d’une Au cours des prochains mois, les investisse- crise, sévère certes, mais dont la cause est ments résidentiels qui découleront de ces bien identifiée (sanitaire) et jugée comme demandes pourraient être partiellement re- passagère. Ce type de mécanisme avait per- portés en raison de difficultés d’approvi- mis de préserver en grande partie l’emploi sionnement ou de contraintes sur la main- durant la précédente crise économique et d’œuvre, mais l’investissement des financière mondiale. Ainsi, pour rappel, en ménages ne devrait pas être durablement 2009, lorsque le PIB wallon avait reculé très impacté. Le contexte financier bénéficie nettement (-2,5%), le niveau de l’emploi s’était toujours de la faiblesse des taux d’intérêt et globalement maintenu (affichant un repli de les attentes très favorables du secteur de la -0,1% seulement), tandis qu’en 2010, le re- construction (architectes ou entrepreneurs) bond spectaculaire de l’activité économique jusqu’en février attestent de la robustesse (+3,3%) s’était accompagné d’une progression de la demande en projets immobiliers. Par- beaucoup plus lente de l’emploi (+1%). Une tiellement entravée au cours du deuxième volonté de rétention de l’emploi est d’autant trimestre de cette année, la croissance de plus justifiée dans le cas présent que des l’investissement résidentiel reprendrait dès pénuries semblaient caractériser certains lors au second semestre. 14 Tendances économiques no 58
Un scénario empreint d’une incertitude inhabituelle Dans cet environnement actuellement ex- ment pour soutenir le système bancaire et trêmement incertain, le scénario écono- financier, ce qui n’avait pas été automati- mique que nous décrivons ci-avant s’ex- quement le cas lors de la crise de 2008- pose à d’importants risques. Le principal 2009. Pour rappel en effet, il avait fallu at- d’entre eux concerne la durée attendue de tendre l’accentuation de l’épisode de la l’épidémie et des mesures exceptionnelles crise des dettes souveraines durant l’été de confinement destinées à l’endiguer. Si 2012 pour véritablement prendre la mesure les fortes perturbations économiques qui de la présence de la BCE en tant que « prê- en découlent se prolongent au deuxième teur en dernier ressort » du système ban- semestre, elles pourraient affecter plus du- caire, ce qui avait permis aux acteurs éco- rablement la situation financière des entre- nomiques et financiers d’être pleinement prises, les contraignant alors à réduire, plu- rassurés et à la reprise économique de tôt qu’à reporter, leurs embauches et leurs s’amorcer en Zone euro. investissements. Les pertes de revenus pour les ménages pourraient aussi s’avérer Signalons par ailleurs qu’à plus long terme, plus conséquentes et plus difficiles à com- cette pandémie du COVID-19 pourrait néan- penser par des revenus de remplacement, moins avoir des effets durables sur le com- même renforcés. Sur le plan international, portement des ménages et des entreprises, la diffusion géographique du virus pourrait amorçant des modifications structurelles de également se prolonger, affectant les mar- nos économies. En effet, la crise pourrait no- chés potentiels pour une durée plus longue tamment mettre en lumière le risque, pour que prévu et freinant la reconstitution de nos systèmes économiques, inhérent à la chaînes d’approvisionnement stabilisées. dépendance extrême par rapport à une seule économie (la Chine), qui est par ailleurs Notons que ce scénario repose en outre sur éloignée géographiquement. Cette prise de l’hypothèse que les mesures publiques de conscience pourrait remettre en cause la soutien parviendront à éviter une nouvelle manière de fonctionner de l’économie mon- crise bancaire et financière en Europe, no- diale, avec un certain degré de relocalisation tamment en assurant la disponibilité de de la production, ce qui était déjà un peu crédits aux entreprises affectées par la dans l’air du temps ces dernières années, chute de leurs ventes. Si tel n’était pas le notamment dans un contexte où les effets cas, la récession pourrait de toute évidence du réchauffement climatique deviennent de s’avérer plus sévère et plus durable pour les plus en plus visibles. économies européennes, avec des réper- cussions analogues à celles observées lors En outre, dans la mesure où les taux de de la crise de 2008-2009 sur le système chômage devraient inévitablement rebon- bancaire. Signalons néanmoins que depuis dir pendant l’épisode de crise dans cer- lors le système bancaire européen a été re- taines grandes économies mondiales, de lativement assaini, les institutions bancaires nouvelles mesures protectionnistes ne sont étant notamment à présent mieux capitali- pas à exclure dans la phase de redémar- sées. En outre, au cours des dernières se- rage, ce qui pourrait également entraver le maines, la Banque centrale européenne rythme de la reprise du commerce interna- s’est montrée prête à intervenir prompte- tional à l’avenir. 15 Tendances économiques no 58
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