ÉNERGIE OUTLOOK - Numéro spécial COP21 L'économie verte bouleverse le secteur de l'énergie - Sia Partners
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ÉNERGIE OUTLOOK Numéro spécial COP21 L’économie verte bouleverse le secteur de l’énergie NOVEMBRE 2015
ÉDITO COMITÉ ÉDITORIAL Alors que les enjeux climatiques prennent de plus en plus d’envergure dans le débat politique, Paris s’apprête à recevoir la 21ème édition de la conférence pour le climat du 30 novembre au 11 décembre 2015. L’ambition des 198 pays réunis est d’aboutir CHARLOTTE DE LORGERIL à l’adoption d’un accord fort permettant de limiter la hausse des températures à 2°C. Désormais, la prise de conscience semble beaucoup plus partagée en particulier depuis que la Chine et les Etats-Unis se sont enfin assis à la table des négociations. Fin novembre 2015, 157 pays avaient publié leurs contributions, THOMAS SAMSON couvrant un peu plus de 89% des émissions mondiales de gaz à effet de serre1. Cet effort commun de mobilisation a enclenché une dynamique positive nécessaire à la réussite de la COP21. Mais au-delà du débat intellectuel et politique, quelles sont aujourd’hui les solutions concrètes pour répondre à l’urgence climatique ? Sur quelles nouvelles filières «bas carbone» peut-on NOËL COURTEMANCHE s’appuyer pour convertir les engagements qui seront pris fin 2015 à Paris ? AVEC LA CONTRIBUTION DE : Dans cette 10ème édition de son magazine Énergie & Environnement, Sia Partners propose un état des lieux des • Amine Aquesbi enjeux pour le climat et un panorama des solutions innovantes pouvant contribuer à la lutte contre le réchauffement climatique. Les engagements individuels et volontaristes de chaque pays Axel Augey • devront en particulier s’appuyer sur : • les nouvelles solutions de mobilité décarbonée tant au niveau • Romain Billy des substituts directs au pétrole via les biocarburants qu’au travers des nouvelles filières innovantes comme l’offre hydrogène Jean-Pierre Corniou • ou les technologies de gaz carburant ; • les synergies entre transition énergétique et transition • Maximilien d’Andigné numérique du Green IT au Smart Data ; • et les nouveaux modèles économiques pour inciter aux Laetitita de Chabot • changements de comportements avec, à la fois, une dimension nationale et internationale au travers des marchés carbone par • Charles Gerard exemple, et, à la fois, une dimension locale en encourageant les économies circulaires et les initiatives responsables. Chani Guillard • Ces nouvelles filières représentent autant d’opportunités • Elsa Laugareil économiques à saisir afin de favoriser le retour de la croissance, une croissance verte ! Robin Maggioli • Bonne lecture ! • Antoine Mirabel L’équipe Energies & Environnement de Sia Partners sous la direction de Charlotte de Lorgeril, David Martineau et Vincent Ducatel Stéphanie Ruaudel • • Isabelle Thirion Julien Toussaint • 1 Niveaux en 2012 3
SOMMAIRE CONTEXTE & ENJEUX COP21 Retour sur l’implication des pays dans la course contre le réchauffement 6 Historique Chronologie de la lutte pour le climat 8 Croissance verte Loi de transition énergétique : quelle prévision de Croissance Verte ? 10 ÉCONOMIE LOCALE & MARCHÉ CO2 Économie circulaire L’économie circulaire, vers l’émergence de nouveaux modèles économiques 13 Marché carbone Un prix du carbone mondial pour financer la lutte contre le changement climatique ? 16 Transport carbone Le transport, un catalyseur pour le développement de solutions de captage et stockage du CO2 18 MOBILITÉ BAS CARBONE Filière hydrogène Sommes-nous enfin entrés dans l’ère de l’hydrogène ? 21 Mobilité gaz A quand l’utilisation généralisée du gaz comme carburant ? 24 Biocarburants Entretien avec Philippe Tillous-Borde sur les biocarburants 26 Véhicule électrique Donner à tous les français l’accès à un véhicule propre, un objectif réalisable ? 28 NUMÉRIQUE & BIG DATA Technologies vertes Technologie de l’information : peuvent-elles être aussi « vertes » ? 31 Big data Les initiatives numériques des entreprises au service de la transition énergétique 33 Smart city Les Smart Data, levier clé pour des villes plus intelligentes et plus vertes 35 4
RETOUR SUR L’IMPLICATION DES PAYS DANS LA COURSE CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT Fin novembre 2015, 157 pays avaient publié leurs contributions pour la conférence climat de Paris, couvrant un peu plus de 89% des émissions mondiales de gaz à effet de serre (GES) de 2012 et dépassant le seuil critique de 80% évoqué par l’Union européenne pour une entrée en vigueur du protocole. Cet effort commun de mobilisation a enclenché une dynamique positive nécessaire à la réussite de la COP21. Adaptation ou atténuation, réduction relative ou absolue, les pays étaient libres de choisir leur propre voie. LES PAYS DÉVELOPPÉS, UN SOCLE COMMUN TRANSFORMÉ PAR LES INTÉRÊTS INDIVIDUELS Les pays développés ont été les premiers à s’exprimer sur leurs voulaient s’aligner sur les engagements de l’Union européenne, engagements pour le climat, nombre d’entre eux ayant essayé il faudrait qu’ils réduisent leurs émissions de 42% d’ici 2025 de respecter la limite du 31 mars 2015. La plupart, comme les par rapport à 2005. Quant au Japon, le choix de 2013 n’est pas pays européens, se sont donnés un rôle d’exemple en publiant en anodin puisqu’il s’agit du pic des émissions, conséquence de premier leurs contributions pour inspirer les autres Etats, mais le l’arrêt de la production nucléaire après l’incident de Fukushima. résultat n’est pas toujours à la hauteur de l’ambition de la COP21. Finalement, les pays européens et la Russie bénéficient, pour leur Certes, ces pays se sont engagés à opérer une réduction absolue part, pleinement du choix de l’année 1990, date depuis laquelle de leurs émissions, mais avec une sélection de critères plus ou les émissions de GES n’ont cessé de diminuer mécaniquement moins contraignants. Les pays européens forment un groupe avec la décarbonisation de leurs industries. homogène situé dans le prolongement du protocole de Kyoto avec l’ambition de réduire leurs émissions de GES de 40% d’ici Ainsi, malgré un niveau d’industrialisation homogène et une 2030. La Russie vise une réduction de 25 à 30% par rapport au contribution similaire au réchauffement climatique, ce groupe niveau de 1990 d’ici 2030 quand le Canada et la Nouvelle-Zélande de pays peine manifestement à se réunir autour d’une ambition tablent sur une réduction de 30% en 2030 par rapport à 2005 soit commune. Derrière les objectifs affichés de baisse des un objectif proche des 26% envisagés d’ici 2025 par les Etats-Unis. émissions, la délocalisation de l’industrie, la prise en compte des L’Australie s’est fixée le même objectif que les Etats-Unis mais à forêts et le recours aux mécanismes internationaux diminuent l’horizon 2030. Le Japon annonce de son côté une réduction de fortement les efforts qu’ont à fournir ces pays pour respecter 26% en 2030 par rapport à 2013. Derrière cette différence de date, leurs engagements. A l’orée de la COP21, la question cruciale est se cache en réalité plusieurs enjeux stratégiques. Par exemple, de déterminer si ces faibles efforts affichés sauront convaincre le dans les pays nord-américains, les émissions étaient plus reste du monde et lancer une dynamique globale. Alors qu’il est élevées en 2005 qu’en 1990. En comparaison, si les Etats-Unis nécessaire de réduire d’au moins 40% les émissions par rapport Visualisation des types de contributions proposées au 16 octobre 2015 Visualisation des types de contributions proposées au 10 Novembre 2015 © Sia Partners Légende Réduction Réduction en intensité Réduction relative Autres types de Non prononcé Absolue capitalistique (scénario au fil de l’eau) contributions (mitigation) © Sia Partners 6
au niveau de 1990 pour minimiser le réchauffement, l’absence PMA ET AOSIS3, DES PETITS CONTRIBUTEURS de mécanismes tangibles avec des engagements politiques contraignants laissent planer le doute sur le caractère suffisant QUI DOIVENT PESER DANS LES NÉGOCIATIONS des promesses faites par les pays développés. Ces derniers portent une responsabilité importante puisque la quasi-majorité de la pollution depuis l’entrée dans l’ère industrielle peut leur être Les PMA et les Etats membres de l’’Alliance des petits Etats attribuée. Par ailleurs, cette responsabilité est d’autant plus forte insulaires (AOSIS 3) n’ont pas contribué et ne contribuent que ces pays ont les capacités financières et technologiques aujourd’hui que très peu au réchauffement climatique. Pourtant, suffisantes, leur engagement étant avant tout une question de ils en seront les principales victimes. L’enjeu pour ces pays est conscience nationale et de volonté politique. Le reste du monde donc triple : garantir de la part des pays pollueurs de véritables attend donc, de la part de ce groupe, des efforts conséquents et engagements pour diminuer leur impact sur le réchauffement, une véritable implication. C’est pour cette raison que l’absence obtenir un soutien financier et technologique de la part des de mécanismes contraignants, le scepticisme affiché de certains pays développés et privilégier les mesures d’adaptation pour politiques comme en Australie ou aux Etats-Unis et les choix construire d’ores et déjà une économie soutenue par des économiques sont autant de menaces sérieuses pour le succès technologies faiblement émettrices. Ce groupe attend donc de la conférence de Paris. des signes conséquents de la part des pays développés pour juger de leur implication. Bon nombre d’entre eux sont d’ailleurs favorables à l’instauration de peines juridiques pour manquement aux engagements pris à la COP21. D’autre part, le maintien du LES PAYS À REVENU INTERMÉDIAIRE1, Fonds Vert pour le climat avec un objectif annuel de 100 milliards UN DÉFI POUR ALLIER CROISSANCE ET CLIMAT de dollars est une condition importante à l’adhésion de ce groupe qui ne pourra réaliser de transition qu’avec l’aide financière des pays riches, comme la République Démocratique du Congo qui Ce groupe de pays était à tort noyé dans la masse des pays en conditionne son effort de 17% de réduction à l’obtention d’une développement, alors que leur comportement vis-à-vis du climat aide d’environ 20 milliards de dollars. est à mi-chemin entre les Pays Moins Avancés (PMA)2 et les Si l’échéance de 2030 est trop proche pour que la situation pays développés. Ils représentent l’une des clés pour assurer évolue réellement dans ces pays, les premiers exemples comme un tournant majeur dans les négociations pour le climat. Bien le Gabon (-50%/Business As Usual4) et l’Ethiopie (-60%/Business qu’encore faiblement émetteurs, notamment si l’on considère les As Usual) avaient illustré la trajectoire et les efforts auxquels émissions par habitant, ces pays vont atteindre d’ici le milieu du pourraient s’engager ces pays pourvu qu’ils en aient les moyens. siècle des niveaux d’émissions qui se rapprochent de ceux des Avec la réduction des émissions par rapport au scénario Business pays riches. Ainsi, la Chine émet déjà, à elle seule, un quart des As Usual ou des efforts importants de mitigation et d’adaptation, émissions mondiales et le Brésil, avec la déforestation, n’est pas les pays de ce groupe espèrent convaincre qu’un développement l’inoffensif spectateur qu’il aimerait être puisqu’il se place parmi économique plus respectueux de la planète est possible. les dix plus gros émetteurs de la planète. Pourtant, les engagements climatiques sont aujourd’hui perçus comme un frein à la croissance économique, fortement stimulée DES PAYS QUI AVANCENT, par une industrie carbonée, délocalisée des pays riches et dont ces nouveaux pays industriels portent les conséquences DES PAYS QUI FREINENT, climatiques sans en consommer les produits finis. De fait, ces pays ne s’engagent pas sur des réductions absolues comme les UNE DEADLINE QUI NE CHANGE PAS pays riches mais sur de la mitigation, c’est-à-dire une réduction par rapport à des scénarios au fil de l’eau ou en intensité/$PIB. La Certains pays ont montré leur prise de conscience de l’urgence Chine et l’Inde ont ainsi respectivement opté pour des réductions climatique en publiant en avance de phase leurs contributions. de 45% et entre 20 et 25% des émissions/$PIB par rapport à Cette initiative met d’autant plus en évidence les pays qui freinent l’année 2005 alors que la Corée du Sud (37%), le Maroc (32%) et le des quatre fers à prendre des engagements. L’Australie a joué la Mexique (40%) prévoient des réductions par rapport au scénario montre et n’a publié sa contribution que tardivement alors qu’elle au fil de l’eau. Finalement, le Brésil se distingue par une réduction est le 12ème pays le plus pollueur pendant que l’Inde (6,3% des absolue de 37% par rapport à 2005. Un point notable à souligner émissions mondiales) n’a été que le 142ème pays à publier. est qu’une proportion non négligeable de ces contributions est inconditionnelle, c’est-à-dire que les réductions seront menées sans l’aide financière des pays riches ce qui dénote de la part de ce groupe une implication plus forte qu’elle n’a pu l’être par le passé. L’enjeu majeur de ces pays sera donc de trouver un équilibre entre croissance économique et climat, un pari auquel certains croient déjà, en investissant massivement, à l’instar de la Chine et du Brésil dans des filières et technologies plus propres. 1 Le terme de pays à revenu intermédiaire renvoie à la typologie de classement des pays par la Banque mondiale en fonction de leur revenu national brut par habitant. 2 Le terme « Pays Moins Avancés » ou PMA regroupe une grande majorité des pays d’Afrique subsaharienne et quelques pays d’Asie et d’Océanie 3 L’Alliance des petits Etats insulaires (AOSIS) a été fondée en 1990 dans le but de renforcer l’influence de ces pays qui vont être les principales victimes du réchauffement climatique via l’élévation du niveau de la mer. 7
Les temps forts de la lutte contre le réchauffement LES TEMPS FORTS DE LA LUTTE climatique dans le monde… 1900 CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE DANS LE MONDE 100 50 +2 1967 Prédiction climatiques de scientifiques américains 1979 Doublement des émissions de C02 et augmentation de la température de Création du GIEC 1ère conférence Chargé du suivi des 2,5°C d’ici 2005 mondiale sur le climat changements climatiques 1ère mise en garde contre les changements climatiques 1988 1992 Sommet de la Terre Rio’92 2500 recommandations pour 1997 le 21ème siècle Protocole de Kyoto Accords de Kyoto ratifiés Impose aux pays industrialisés Par les 15 Etats de l’UE de réduire de 5,2% leurs GES 2002 2005 Entrée en vigueur du Nouveau Cadre 2008 Protocole de Kyoto Climat & Energie 2030 US et Australie, seuls pays 40% de GES en moins, 27% Paquet Energie-Climat industrialisés à ne pas en d’économie d’énergie, 27% 20% de GES en moins d’ici tenir compte d’EnR dans le mix énergétique 2020 (les 3×20) 2012 2015 2015 21ème Conference Of the Parties 30 Novembre – 11 Décembre 196 pays réunis pour un engagement commun 2050 100 Mds$/an à mobiliser à partir de 2020 40 à 70% de réduction des émissions de CO2 d’ici 2050 +2°C maximum de hausse des températures d’ici 2100 2100 105 Gt(1) 15 Gt(2) +2°C Objectifs 2030 Emissions totales Ecart d pour les pays de CO2 (Gt) par rap 26-28 43 30 26-28 26* 25-30* 40 industrialisés** (% de réduction des émissions CO2 / 2005) pré-ind Monde GES : Gaz à Effet de Serre * : % par rapport à 2013 pour le Japon et à 1990 pour la GIEC : Groupe d’experts Intergouvernemental sur Russie et l’Union européenne Europe l’Evolution du Climat ** : La Chine a comme objectif d’atteindre le pic de ses EnR : Energies renouvelables émissions tandis que l’Inde souhaite réduire de 35% son France CNTE : Conseil National de la Transition Ecologique intensité carbone par rapport à 2005. 8
… et le programme d’actions en France, focus sur la loi de Transition ... ET Energétique LE PROGRAMME D’ACTIONS EN FRANCE, +4 FOCUS SUR LA LOI DE TRANSITION ENERGÉTIQUE 2012 Septembre 1ère Conférence environnementale du FRISE CHRONOLOGIQUE Janvier quinquennat Lancement du Débat National pour la Transition Energétique 2013 Avril - Juin Décembre Consultation des CNTE Travaux parties prenantes préparatoires au projet de loi 2014 Mars Juillet Commission mixte Présentation du paritaire projet de loi en conseil des ministres 2015 Juillet 2ème lecture du Sénat et lecture définitive à l’Assemblée Nationale 18 Août Journal Loi promulguée Officiel 2015 Loi de programmation : 60 mesures dans les secteurs bâtiment, transport et EnR 10 Mds€ de budget sur 3 ans pour soutenir le programme Des actions dès 2015 jusqu’à horizon 2050 Particuliers, entreprises et collectivités impliqués ensemble C(2) +4,8°C(1) de température Consommation Consommation Emissions d’énergies fossiles énergétique finale nationales de GES Part d’EnR dans la consommation Objectifs 2030 pport à l’ère -30% - 20% - 40% 23% généraux pour dustrielle (°C) (par rapport à 1990) (par rapport à 2012) la France (1) : Emissions de CO2 et augmentation de température estimées pour la fin du siècle selon le scénario RCP 8,5 du GIEC : émissions de GES continues sans plan de réduction (2) : Emissions de CO2 et augmentation de température estimées pour la fin du siècle selon le scénario RCP 4,5 du GIEC : technologies et politiques énergétiques permettant de stabiliser les émissions de GES © Sia Partners 9
LOI DE TRANSITION ENERGÉTIQUE : QUELLE PRÉVISION DE CROISSANCE VERTE ? Le 18 août dernier, quatre mois avant la très attendue Conférence de Paris sur le Climat (COP21), la loi de transition énergétique pour la Croissance Verte » était enfin parue au Journal Officiel. Ce sont au total 215 articles votés après deux années de consultations et de discussions parlementaires, qui engagent la France dans son nouveau modèle énergétique. Pressant le pas avant l’ouverture de la COP21, la ministre de l’Ecologie, du Développement Durable et de l’Energie, Ségolène Royal, a annoncé la publication de 50% des textes d’application d’ici fin 2015, prônant ainsi l’exemplarité et le pragmatisme en faveur de l’environnement. Cependant, au-delà des notions de progrès, de compétitivité et de réduction de l’impact environnemental promis par cette vague de mobilisation, une des premières questions de fond est d’ordre économique : quels bénéfices pouvons-nous attendre de cette transition énergétique ? RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE : DE LA PRISE DE CONSCIENCE À L’ACTION Dans son 5ème rapport, le GIEC1 réévalue à 95%, la certitude que Seule l’Europe a fait figure de bon élève en terme de volontarisme l’ « activité humaine est la cause principale » du réchauffement écologique, ayant traduit les objectifs internationaux en directives climatique. Nous savons aujourd’hui que si les émissions de gaz européennes. Le 1er paquet Energie-Climat a vu le jour en 2008, à effet de serre (GES) continuent de progresser à leur rythme fixant les objectifs « 3x20 »2 pour 2020, révisés par la suite en actuel, les températures moyennes pourraient augmenter de 2014 portant de nouveaux objectifs à horizon 2030. 4,8°C d’ici la fin du siècle, le niveau des océans s’élèverait de 1 La France avait déjà entamé un plan d’actions en 2007 au travers mètre, les précipitations et les sécheresses seraient plus intenses du Grenelle de l’Environnement. Mais ces mesures, en plus et plus fréquentes et les océans s’acidifieraient. d’être perçues comme timides par les associations écologiques, Le premier accord engageant pour répondre au problème du présentaient un risque de croissance négative à partir de 2020. réchauffement climatique a été signé à Kyoto en 1997, prévoyant La nouvelle présidence française a alors voulu concilier nécessité une réduction de 5% des GES en 2012 par rapport à 1990. Entré écologique et redressement économique, en s’engageant dans en vigueur en 2005, puis reconduit sur 8 ans en 2012, l’efficacité une Croissance Verte ambitieuse. du protocole s’est montrée limitée, étant donné que les Etats-Unis et la Chine qui totalisent 40% des émissions mondiales de CO2 en 2005, n’y ont pas pris part. Les pays signataires ne représentent aujourd’hui que 35% des émissions mondiales. Panorama des thèmes et objectifs du texte de la loi « transition énergétique pour la croissance verte » promulgué en août 2015 • Pollution de l’air Thèmes abordés • Consommation d’énergie divisée par 2 Transports Bâtiments • Dépendance aux hydrocarbures d’ici à 2050 • Remplacement du parc auto par des véhicules propres Objectifs A B • Rénovation de 500 000 logements/an C • Création de 75 000 emplois • 7 millions de points de recharge en 2030 communs : -50 % de consommation entre 2012 et 2050 -30 % d’énergies fossiles entre 2012 et 2030 • Responsabilités de • Multiplication de la part Nucléaire l’exploitant face aux -40 % d’émissions de GES entre 1990 et 2030 des EnR par 2 d’ici à 15 ans EnR* principes de sûreté • Cadre de production • Rôle de l’Autorité de 32 % d’EnR dans la consommation en 2030 et hydroélectrique moderne Sûreté Nucléaire renforcé 40 % dans la production électrique • Soutien financier amélioré 50 % de nucléaire dans la production électrique en 2025 • Lever les freins réglementaires • Découplage croissance économique / & Procédures Gouvernance Economie circulaire • Faciliter le développement des EnR -50 % de déchets consommation de matières premières • Lutter contre la précarité énergétique en décharge en 2025 € • 2020 : -10 % de déchets ménagers • Créer des cadres pour tracer l’action en • 2020 : valoriser 70 % des déchets BTP associant tous les acteurs • 2020 : 55 % de DND* recyclés, 2025 : 65 % *EnR : Energies Renouvelables, DND : Déchets Non Dangereux © Sia Partners 1 Groupe Intergouvernemental sur l’Evolution du Climat, 2014 2 Les « 3x20 » correspondent à 20% d’EnR, 20% d’efficacité énergétique, -20% de CO2 10
Lien entre croissance du PIB mondial et consommation d’énergie UNE LOI POUR POLLUER MOINS Source : BP Statistical Review et World Bank 2015 ET DÉPENSER MOINS Variation de PIB mondial Variation de consommation mondiale d'énergie 8% Au-delà d’atteindre le Facteur 4 3 en 2050, l’ensemble des objectifs et mesures de cette loi vise également à réduire la consommation 6% d’énergie et améliorer l’efficacité énergétique de nos systèmes : en somme, alléger à terme la facture énergétique française. 4% En 2012, celle-ci avait atteint le montant record de 69 milliards d’euros, contribuant à 82% au déficit total. 2% Avec une proportion de 75%, le pétrole importé pèse lourd dans la facture aux côtés du gaz et du charbon. Seul l’excédent 0% d’électricité l’atténue légèrement. L’objectif de consommation d’énergie finale divisée par deux -2% d’ici à 2050, en particulier dans les transports (carburants) et les bâtiments (chauffage et eau chaude) laisse présager une baisse -4% de cette facture. Bien sûr, le prix de l’énergie, notamment celle 1965 1970 1975 1980 1985 1990 1995 2000 2005 2010 2015 importée, est aussi un facteur non négligeable dans la variation © Sia Partners du solde énergétique. En 2014, la facture s’est vue allégée de 11 On comprend ainsi que pour soutenir la croissance tout en milliards d’euros par rapport à 2013, essentiellement grâce à la réduisant la consommation, cela implique des actions sur baisse du prix du baril (-9%). l’efficacité, le mix et le coût de l’énergie. Si l’on peut bien imaginer que l’objectif de réduction de 30% de Les commissions consultées et l’ADEME ont établis différents la consommation d’énergies fossiles d’ici à 2030 diminuera de scénarios de transitions énergétiques et leurs impacts macro- presqu’autant l’importation de combustibles, il ne faut pas oublier économiques en 2050 : que réduire à hauteur de 50% la part du nucléaire augmentera le prix de l’énergie. Aussi, porter à 32% la part d’EnR dans la • Le déficit commercial se creuserait d’abord de 0,2% de PIB avant consommation finale nécessitera des investissements. Cela de se rétracter d’1 point d’ici 2050 ; impliquera qu’à court terme, la transformation du mix énergétique • 330 000 emplois seraient générés d’ici 2030 et 825 000 d’ici accentuera le déficit commercial. 2050, dans les secteurs des EnR, du transport et du BTP ; Toutefois, l’étude d’impact réalisée pour la lecture du texte à • les investissements, l’emploi et la réduction du déficit l’Assemblée Nationale prévoit une baisse de la facture de 7% en commercial entraineraient une croissance +3% de PIB. 2030 par rapport à 2012, au lieu d’une hausse de 15% dans un scénario sans transition énergétique, soit un écart de 15 milliards d’euros. UNE LOI POUR QUEL COÛT ? UNE LOI VERTE POUR Toutes ces projections sont encore très prospectives, et reposent AUGMENTER LA CROISSANCE sur beaucoup d’hypothèses à concrétiser. La question subsidiaire porte alors sur les moyens : quelles formes prendront les décrets pour atteindre ces objectifs, qui se heurteront notamment aux Bien que l’industrie de l’énergie ne représente, en 2013, que 1,6% différents lobbies des secteurs ciblés ? Et les 10 miliards d’euros du PIB et 138 000 emplois temps plein, c’est en fait un moteur de annoncés par Ségolène Royal suffiront-ils à financer les crédits croissance. L’ensemble des secteurs économiques recourent à d’impôts et les éco-prêts aux particuliers, aux collectivités et aux l’énergie, à plus ou moins grande échelle, pour produire des biens entreprises ? et des services. De ce fait, la consommation d’énergie est en général intimement liée à la croissance économique. Pour le moment, rien n'est joué et la portée de cette loi dépendra des textes d'application, ainsi que de l’impact d'un accord engageant à la COP21. Rien ne nous interdit d’espérer un Protocole de Paris pour succéder au Protocole de Kyoto? 3 Le facteur 4 implique de diviser par 4 les émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990. 11
ÉCONOMIE LOCALE & MARCHÉ CO2
L’ÉCONOMIE CIRCULAIRE : VERS L’ÉMERGENCE DE NOUVEAUX MODÈLES ÉCONOMIQUES Depuis le développement de l’industrie, le modèle économique mondial est basé sur un modèle linéaire du type « produire, consommer, jeter ». Durant le 20ème siècle, s’est développée une société de consommation qui a augmenté de façon considérable son prélèvement sur les ressources naturelles. D’après l’ONG américaine Global Footprint Network1, la consommation annuelle de l’humanité a aujourd’hui dépassé la capacité de la planète à renouveler les ressources consommées : le modèle linéaire a donc atteint ses limites. Dès lors, on peut se demander comment maintenir le niveau de croissance, quand la plupart des ressources minérales stratégiques telles que le plomb ou le cuivre seront bientôt épuisées ? UN CHANGEMENT DE PARADIGME NÉCESSAIRE EN FRANCE, UNE ENTRÉE RÉCENTE DANS LA TRANSITION VERS L’économie circulaire vise à changer de paradigme par rapport UNE ÉCONOMIE CIRCULAIRE à l’économie linéaire, en limitant le gaspillage des ressources et l’impact environnemental, et en augmentant l’efficacité à tous les stades de l’économie des produits. Contrairement au modèle Depuis quelques années, la notion d’économie circulaire apparaît linéaire qui se contente de consommer des ressources, le modèle en France et fait peu à peu son entrée dans la loi. Ainsi, un article circulaire envisage la réintroduction du produit dans la phase de complet de la loi sur la transition énergétique pour la croissance production. verte, votée en 2015, lui est consacré2. Ce nouveau modèle part d’un principe simple : les ressources Cet article se traduit par des actions concrètes telles que la dont nous avons besoin pour maintenir nos niveaux de vie vont réduction de 50% des quantités de produits manufacturés non venir à manquer et leurs prix seront alors très élevés. Dès lors, recyclables mis sur le marché national avant 2020 ou encore il est fort probable que la source d’approvisionnement la moins l’interdiction de tous les emballages et sacs en matière plastique chère soit de récupérer les ressources stockées dans les produits oxo-fragmentable. L’économie circulaire ne s’adresse pas usagés, d’où la nécessité de penser dès la conception du produit seulement aux acteurs publics en charge du développement à la circularité des ressources qu’il renferme. durable et territorial. Les entreprises, en recherche de L’économie circulaire est basée sur trois piliers que sont la performances économiques et environnementales, y trouvent gestion des déchets, l’offre des acteurs économiques et le aussi leur compte, tout comme la société toute entière qui peut comportement des utilisateurs. Afin de produire des résultats ainsi réinterroger ses besoins et sa manière de consommer. notables, ce modèle économique ne doit négliger aucun de ces trois piliers. Apparition de l’économie circulaire en France 2007 Sept 2013 14 oct. 2014 Novembre 2014 Inscription de l’Economie Conférence Environnementale, Annonce du projet de loi sur la « L’économie circulaire, état des Circulaire dans les réflexion gouvernementale sur transition énergétique pour la lieux et perspectives », rapport du engagements du Grenelle de le sujet de l’Economie croissance verte (titre IV Conseil Général de l’Environnement l’Environnement Circulaire consacré à l’économie circulaire) et du Développement Durable L’économie circulaire en France 6 février 2013 Octobre 2014 7 nov. 2014 22 juillet 2015 Création de l’Institut « Guide méthodologique du Annonce d’un plan de réduction et de Adoption définitive par le de l’Economie développement des stratégies régionales valorisation des déchets pour la Parlement de la loi sur la Circulaire d'économie circulaire en France », outil période 2014-2020, considéré comme transition énergétique d’aide à la décision rédigé par l’ADEME un pilier de la croissance circulaire pour la croissance verte © Sia Partners 1 Le Global Footprint Network se présente comme « laboratoire d’idées international qui fournit des outils de comptabilité d’Empreinte Ecologique afin de guider les décisions politiques appropriées dans un monde aux ressources limitées ». 2 Titre IV : « lutter contre les gaspillages et promouvoir l’économie circulaire : de la conception des produits à leur recyclage » 13
DES INITIATIVES DÉJÀ DÉVELOPPÉES de vente des pneus, Michelin propose désormais un service de gestion externalisée du parc pneumatique. Cette solution est À TRAVERS LE MONDE : L’EXEMPLE DU JAPON basée sur la mise à disposition de pneus restant la propriété de Michelin et facturés aux kilomètres parcourus. Ce service comprend, outre la location des pneus, une optimisation de leur Le Japon fait figure d’exemple à suivre puisque, en envisageant maintenance via la minimisation du temps d’immobilisation des l’économie circulaire comme un levier de croissance économique, camions, ainsi qu’une vérification régulière de leur pression. Ce ce pays a réussi à découpler sa croissance économique de sa dispositif a permis à Michelin de multiplier par trois la durée consommation. Il est intéressant de noter que ce modèle a été de vie de ses pneus, et ainsi de réaliser des économies tout en appliqué sous la contrainte, à cause d’un manque de place pour garantissant une proposition de valeur supérieure à ses clients. stocker les déchets et d’une forte croissance démographique. Il s’agit d’une situation qui pourrait affecter de nombreux pays L’écologie industrielle dans les prochaines décennies. Le dispositif législatif nippon, Dénommée aussi symbiose industrielle, l’écologie industrielle officialisé en 2000 par une loi-cadre associée, est décliné a pour but de créer des réseaux d’acteurs industriels par secteurs d’activité et par catégorie de produits pour tenir complémentaires où les déchets des uns constituent des compte des spécificités et des différents niveaux de maturité des ressources pour les autres. Les déchets sont ainsi réintroduits industries du recyclage. Il se démarque aussi par sa dynamique dans le circuit économique. Bien souvent, les motivations sous- d’amélioration continue. Les objectifs fixés par l’Etat nippon, en jacentes de ces actions restent liées aux enjeux économiques concertation avec des professionnels, sont régulièrement revus des entreprises qui les mettent en œuvre. Ainsi, il peut s’agir de la pour tenir compte de l’évolution technologique et des résultats récupération de la chaleur et du CO2 des industriels pour chauffer atteints. Selon le gouvernement, 650 000 emplois auraient ainsi les serres des agriculteurs, ou d’utiliser les déchets d’une usine été créés en l’espace de sept ans, en particulier dans le domaine pour fabriquer des combustibles de synthèse (gaz, fuels,etc.). des biens de consommation finale et des matériaux3. Les bénéfices de l’écologie industrielle sont doubles : • Des bénéfices environnementaux via une diminution de la pollution atmosphérique, une réutilisation des déchets (chaleur FACE À LA RARÉFACTION DES RESSOURCES, et CO2) comme matières premières, et une réduction de la ON ASSISTE À L’ÉMERGENCE consommation de ressources ; • Des bénéfices stratégiques et économiques pour l’entreprise : il DE NOUVEAUX BUSINESS MODELS s’agit d’un moyen pour l’entreprise d’innover, de se démarquer de la concurrence ou encore d’accroître son efficience en optimisant sa consommation de ressources et sa gestion des déchets. En plus de présenter des bénéfices environnementaux évidents, Les projets d’écologie industrielle se développent partout dans le l’économie circulaire est créatrice de richesse et d’emplois sur monde depuis le début des années 2000, en particulier en France l’ensemble du territoire, en particulier en aval des déchetteries où le nombre de projets a été multiplié par 5 entre 2005 et 2013. avec le développement du recyclage. L’économie de la fonctionnalité Exemples de projets d’écologie industrielle dans le monde Un nombre grandissant d’entreprises, des start-up comme de multinationales, adoptent l’économie de la fonctionnalité. A Canada Burnside travers ce business model le producteur ne vend plus le bien mais Danemark Kalundborg Suède Ora l’usage de celui-ci. Il garde la propriété du bien et des matériaux, et les coûts d’utilisation étant désormais à sa charge, il cherche Luxembourg Suisse Japon Kawasaki Windhof Genève alors à réduire la consommation d’énergie lors de la phase de vie États-Unis IEDP du produit. Chine Australie Urumqi Kwinana Le producteur dispose de plusieurs solutions pour minimiser ses Mexique Afrique du Sud coûts parmi lesquelles : Tampico Brésil Metsimaholo Minas Gerais • L’éco-conception des produits composant la prestation, qui permet de réaliser une marge plus importante (réduction des © Sia Partners consommations de ressources, allongement de la durée de vie et donc du nombre de transactions potentielles) ; • La mise en place d’une circularité des matières premières Initialement développés en Europe dans les années 60-70, des projets composant le produit (utilisation de matériaux renouvelables ou d’écologie industrielle ont depuis été initiés partout dans le monde : recyclables). - L’Europe et l’Amérique du Nord sont particulièrement actives dans le domaine depuis le début des années 2000 ; A titre d’exemple, Michelin a créé une rupture stratégique en - Des projets d’écologie industrielle commencent à se développer dans les développant un nouveau business model à destination de ses pays émergents depuis quelques années. clients transporteurs. Au lieu de rester sur un modèle classique 3 Rapport sur la mise en place d’une politique d’économie circulaire au Japon, « 2010 Establishing a sound material-cycle society » 14
UN CHANGEMENT DE PARADIGME À ACCOMPAGNER ET RÉFLÉCHIR Évolution du nombre de projets d’écologie industrielle Cependant, ce changement de paradigme ne se fera pas du jour en France entre 1980 et 2013 au lendemain : il va en effet falloir responsabiliser et intéresser Source : Association OREE le consommateur, afin qu’il devienne acteur de l’économie Nombre circulaire. De plus, comme préconisé par le Conseil Général de de projets l’Environnement et du Développement Durable, la réorientation 60 vers le modèle circulaire doit être conçue et réalisée à une échelle internationale afin de ne pas pénaliser les entreprises par rapports à leurs concurrents étrangers4. 50 Le recyclage, un des piliers de l’économie circulaire, ne doit 40 pas être pris comme excuse pour consommer et produire : la réduction à la source, notamment via l’éco-conception est une priorité. De plus, il ne faut pas oublier que le recyclage n’est pas 30 une « boucle étanche » : la plupart des matériaux ne sont en effet pas recyclables à l’infini. 20 Par ailleurs, l’économie circulaire peut vite conduire à des 10 aberrations si elle n’est pas réfléchie. Elle s’appuie parfois sur un cercle de 10 000 km, lorsque des déchets français sont envoyés en Chine pour être recyclés puis de nouveau expédiés en France 0 pour être consommés. Relocaliser les usines de recyclage dans le pays de consommation pourrait permettre de réduire ces © Sia Partners distances et de créer des emplois dans ce même pays. Concernant les emplois justement, aujourd’hui, en France, le potentiel de l’économie circulaire en termes d’emplois est étudié Cette explosion du nombre de projets en France s’explique par : pilier par pilier, secteur par secteur. Mais il devient urgent de - Des réglementations de plus en plus contraignantes (Paquet énergie/ réaliser une étude systémique du potentiel socio-économique climat, Grenelle de l’Environnement) de la transition vers l’économie circulaire dans son ensemble. - Des programmes de recherche dédiés permettant de financer les Une telle étude permettrait d’identifier les nouvelles opportunités initiatives (ARPEGE, COMETHE) socio-économiques pouvant mener à une évolution positive - L’implication des collectivités locales dans le cadre des Agendas 21 du marché de l’emploi. L’économie circulaire a donc encore du locaux et Plans Climat Énergie Territoriaux chemin à parcourir sur le territoire français. Comparaison des cycles de vie linéaire et circulaire L’économie collaborative Ressources Cycle de vie linéaire Il s’agit probablement du business model le plus connu et celui qui naturelles Cycle de vie circulaire a le plus fait ses preuves : les exemples tels qu’Airbnb, BlaBlaCar, Drivy ne manquent pas. Il repose sur la mise sur le marché de Eco- l’usage d’un produit que l’on possède, via la centralisation des conception Extraction biens sur une plateforme internet. L’économie collaborative crée une monétisation de la notion de partage : • D’un côté, les créateurs et gérants des plateformes de partage se Fabrication Recyclage rémunèrent via des commissions et/ou des revenus publicitaires; • De l’autre côté, le propriétaire du produit est rémunéré en contrepartie du prêt de celui-ci. Distribution Dès lors, plus les biens coûtent chers à l’achat et plus ils sont utilisés de manière occasionnelle, plus le nouveau mode de Utilisation Fin de vie Elimination consommation que constitue l’économie collaborative s’avère rentable pour les particuliers. © Sia Partners 4 « L’économie circulaire, état des lieux et perspectives », Novembre 2014, réalisé par le CGEDD 15
UN PRIX DU CARBONE MONDIAL POUR FINANCER LA LUTTE CONTRE LE CHANGEMENT CLIMATIQUE? L’ébauche du futur accord sur le climat élaboré à Bonn sera sans nul doute l’objet de vives discussions lors de la COP de Paris. Toutefois, un principe a d’ores et déjà été acté : plutôt qu’un objectif de réduction commun, il sera basé sur la somme des contributions volontaires de chaque pays signataire. S’il s’agit là d‘un premier pas nécessaire pour une réduction des émissions de gaz à effet de serre au niveau mondial, la disparité des situations économiques et des ambitions climatiques des pays contributeurs pose la question de la cohérence et de l’efficacité des politiques qui accompagneront la mise en application de ce nouveau protocole. Même en admettant un effort partagé par la majorité des pays, il paraît difficile d’imaginer un accord contraignant sans volet financier. Si la perspective d’une taxe carbone internationale semble encore lointaine, la mise en place progressive d’un système de « cap and trade » global assorti de mécanismes de marché efficaces et assurant une justice envers les pays du Sud paraît indispensable pour atteindre les objectifs du nouvel accord post-2020. Un certain consensus semble émerger pour la création d’instruments de marché donnant un réel prix au carbone. La Banque Mondiale a ainsi lancé un appel solennel en ce sens l’année dernière ; elle a été suivie par le sommet de l’ONU sur le climat de New-York et certaines entreprises1, qui ont choisi unilatéralement de fixer un prix du carbone en interne pour mieux s’adapter aux contraintes futures. LIMITER LES ÉMISSIONS DE CARBONE, À QUEL PRIX ? Il existe plusieurs façons de donner un prix au carbone : carbone des produits auront au final un impact sur les prix à la • La plus évidente consiste à taxer directement chaque tonne consommation des produits polluants. Par exemple, les normes de carbone émise. Une telle taxe pigouvienne2 a pour avantage anti-pollution dans l’automobile stimulent l’investissement en de compenser à la source les coûts sociétaux de l’émission de R&D des constructeurs, qui répercutent ensuite ce coût à la vente. gaz à effet de serre. Malheureusement, ce coût reste encore aujourd’hui très délicat à quantifier précisément, et les premières études semblent pencher vers des montants extrêmement S’INSPIRER DES PROJETS EXISTANTS élevés. L’inconvénient d’une telle taxe est aussi de ne pas imposer de plafond à l’ensemble des émissions. Le prix unitaire du POUR FINANCER LA LUTTE carbone devra donc être fixé avec précaution pour faire diminuer CONTRE LE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE les émissions du niveau souhaité tout en limitant les effets sur l’économie. • L’approche d’un marché carbone associé à un système de quotas suit une logique inverse : le niveau maximum d’émissions Comme les projets pilotes existants l’ont montré, il n’existe pas de est fixé à l’échelle mondiale ou d’un pays, puis des quotas sont recette miracle : le juste prix du carbone sera sans doute obtenu répartis entre les différents acteurs sous forme de crédits par une combinaison judicieuse de ces trois méthodes. Ainsi, carbone. Ensuite, libre à eux de s’échanger des crédits au prix de nombreuses expériences existent déjà de par le monde, qui de marché pour respecter leurs quotas. Cette méthode permet préfigurent de manière plus ou moins aboutie ce que serait un en théorie d’atteindre les objectifs de réduction d’émissions au futur marché mondial du carbone. moindre coût global : elle pousse à réaliser les mesures les plus Malgré ses échecs répétés et son incapacité à garantir un prix du rentables en premier, chaque acteur arbitrant entre le coût de carbone suffisamment élevé pour stimuler les investissements, limiter ses émissions ou celui de racheter des crédits carbone. par ses ambitions et l’étendue de son périmètre, le marché Mais en pratique, l’attribution des quotas et les règles du marché européen (EU-ETS) reste à ce jour la référence au niveau mondial. doivent être fixées très précisément pour que le prix reflète le coût Il existe néanmoins de nombreux autres projets à l’échelle sociétal réel du carbone. Ce système est particulièrement adapté nationale ou régionale, à des stades de maturité divers. Même au pour les grandes entreprises industrielles les plus émettrices qui sein de pays traditionnellement hostiles à une action renforcée disposent de nombreux leviers d’investissement pour diminuer sur le climat, des mécanismes régionaux se sont mis en place, leurs émissions. comme au Canada, où des marchés existent dans six États • Enfin, un certain prix du carbone peut être déterminé de manière malgré la réticence du gouvernement fédéral. Les mécanismes indirecte : des normes et réglementations visant à limiter le bilan financiers de réduction des émissions sont également en plein 1 Certaines entreprises ont formé des coalitions, comme We Mean Business, qui rassemble 111 grands groupes, dont certaines plusieurs grosses capitalisations françaises. 2 Une taxe pigouvienne, de l’économiste anglais Arthur Pigou a pour objectif d’intégrer au coût d’un produit ou d’un service les externalités négatives nécessaires à sa production. 16
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