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ombres blancheswww.ombres-blanches.fr librairie en ligne à toulouse – librairie en ville 170 programme janv./fév. 2023 Saïde Ouarzaz, (détail).
samedi 7 janvier à 11 h Pierre Caye vendredi 20 janvier à 20 h 30 Pierre Bruno samedi 4 février à 11 h Hommage à J.-L. Comolli hommage à jean-louis 3 Durer p. 25 La réalité p. 31 En compagnie de Ginette Comolli, cinéaste, historien, écrivain samedi 7 janvier à 11 h samedi 21 janvier à 17 h Lavigne p. 3 rayon jeunesse rayon jeunesse samedi 4 février à 17 h Lecture dans la Cabane p. 38 Lecture pour les enfants p. 38 Maylis Adhemar samedi 7 janvier de 14 h 30 à samedi 21 janvier à 17 h La grande ourse CINÉMATHÈQUE DE TOULOUSE/OMBRES BLANCHES 15 h 30 Lydie Salvayre p. 8-9 En compagnie de Ginette Lavigne Session jeu p. 38 Irréfutable essai lundi 6 février à 17 h 30 samedi 7 janvier à 16 h de successologie p. 4 Yves le Pestipon vendredi 3 février à 19 h et samedi 4 février à 11 h Laurence de Cock lundi 23 janvier à 17 h 30 Classiques au détail • Vendredi 3 février à 19h. À la Cinémathèque. Projection du film de Ginette Lavigne : Jean-Louis Mensuel de la Librairie Ombres Blanches 50, rue Gambetta, 31000 Toulouse – Tél. : 05 34 45 53 33. E-mail : info@ombres-blanches.fr Internet : http://www.ombres-blanches.fr Une journée fasciste p. 18 J.-L. Poueyto, J.-P. Cavaillé, p. 14-15 Comolli. Filmer pour voir. À 21 h. Projection du film de Jean-Louis Comolli : La Cecilia. Présenté lundi 9 janvier à 17 h 30 D. Blanc mardi 7 février à 18 h par Ginette Lavigne, monteuse. Yves Le Pestipon Tzigane p. 26-27 P. Boursier, C. Guimont • Samedi 4 février. À la librairie. Lecture du livre de Jean-Louis Comolli : En attendant les beaux jours Classiques au détail p. 12-13 mardi 24 janvier à 18 h Écologies. Le vivant et le social (Verdier 2023). Suivie d’un entretien avec Ginette Lavigne : Jean-Louis Comolli, réalisateur, mardi 10 janvier à 18 h Rodrigo Fresán p. 23 documentariste, critique et théoricien du cinéma. Solène Rivoal Melvill p. 11 mercredi 8 février à 16 h 30 Les marchés de la mer p. 27 mercredi 25 janvier à 17 h 30 rayon jeunesse NOUS QUI RÉSIDONS au Jean Narboni, jusqu’en mercredi 11 janvier à 18 h Joël Laillier, Christian Topalov Aurelle Gaillard Banquet du Livre de Lagrasse 1973. Entretemps, pre- Emma Marsantes Gouverner la science p. 29 Ratures indélébiles durant une semaine d’été depuis mières réalisations dans Une mère éphémère p. 5 jeudi 26 janvier à 18 h p. 39 vingt-cinq ans savons l’apport de l’équipe de « Cinéastes jeudi 12 janvier à 18 h Valérie du Chéné mercredi 8 février à 18 h Jean-Louis Comolli à ces moments de notre temps », avec médiathèque José Cabanis Le piège p. 6-7 médiathèque José Cabanis d’éveil de la vue et de l’ouïe. Aupa- Janine Bazin et André Anthony Passeron vendredi 27 janvier à 18 h Brigitte Giraud ravant, nous aurons été des lecteurs S. Labarthe. Premier Les enfants endormis p. 12 Corine Defrance Vivre vite p. 7 des Cahiers du Cinéma, de Jazz- film documentaire vendredi 13 janvier à 18 h Françoise Frenkel, portrait jeudi 9 février à 18 h Magazine, puis de ses livres d’his- en juin 1968, avec Catherine Coquio d’une inconnue p. 16 Lola Lafon toire et de théorie du cinéma, que Labarthe : Les Deux Syrie, le pays brûlé p. 21 vendredi 27 janvier à 20 h 30 Quand tu écouteras les éditions Verdier ont eu la téna- Marseillaises. Premier samedi 14 janvier à 15 h Pierre Delion cette chanson cité et la générosité de nous donner film de fiction en 1974 : Colson Whitehead Oury, donc p. 30 p. 9 à découvrir. La Cecilia. Puis L’Ombre Harlem Shuffle p. 10 samedi 28 janvier à 17 h vendredi 10 février à 18 h Nous avons, dans nos tandems rouge et Balles perdues. samedi 14 janvier à 16 h 30 Selim Nassib Sylvain Venayre Ombres blanches-Cinémathèque, En même temps, pas- rayon jeunesse Le tumulte p. 15 Les guerres lointaines de la paix reçu le cinéaste-historien à plusieurs sage au cinéma docu- © Jean-Louis Porte. Mise en pages : Petits Papiers, Toulouse Impression : Groupe reprint – Parchemins du midi Sara Gavioli lundi 30 janvier à 17 h 30 p. 20 reprises, toujours dans l’affection mentaire : Tabarka Lecture dédicace p. 38 Vanessa Manceron samedi 11 février à 11 h et dans l’admiration. Jean-Louis 42-87. S’ensuivent plus de qua- principale des vivants. Ce sont samedi 14 janvier à 17 h 30 Les veilleurs du vivant café psy p. 24-25 Comolli a manifesté sa confiance rante « documentaires » et quelques les mots qui tiennent ensemble Michael Lucken p. 22 samedi 11 février à 16 h dans la Cinémathèque en déposant fictions. Mais le choix est fait : en les vivants et les morts. Rien L’universel étranger p. 24 mardi 31 janvier à 18 h rayon jeunesse à Toulouse une grande partie de ses 1989, tournage de ce qui sera le d’autre. » Il invente sa route en lundi 16 janvier à 17 h 30 Sylvie Chaperon, Odile Fillod Caroline Solé, Gaya Wisniewski archives, et ses films. Jean-Louis est premier épisode de la série Mar- égrenant une suite de petits récits Adèle Blazquez Idées reçues sur le clitoris Lecture p. 39 mort, le 19 mai dernier. Nous lui seille contre Marseille, avec Michel vifs et colorés autant que de brèves América(s)#2 p. 30-31 lundi 13 février à 18 h rendons collectivement hommage, Samson, en tout, treize films qui et dures réflexions qu’il rapporte p. 26 mercredi 1er février à 18 h Camille de Toledo par une lecture de ce dernier livre, s’étendent jusqu’à aujourd’hui. Il aux images de scènes de cinéma, mardi 17 janvier à 18 h Hélène Frappat Une histoire du vertige testamentaire et la série de projec- est mort le 19 mai 2022. à ses lectures ou son expérience. Olivier Mannoni Trois femmes disparaissent p. 14 tions de ses films, fiction et docu- GINETTE LAVIGNE. réalisa- La richesse, la variété, la dignité Marie Bonaparte/Sigmund p. 8 mardi 14 février à 18 h mentaires, que propose la Cinéma- trice de documentaires, a été la col- de l’homme dont témoignent ces Freud jeudi 2 février à 18 h Christian Bruel thèque. laboratrice (réalisation, montage) approches retiennent notre atten- p. 17 Aurélien Bellanger L’aventure politique du livre JEAN-LOUIS COMOLLI. de Jean-Louis Comolli entre 1997 tion. Dans un texte paru dans les mercredi 18 janvier à 17 h 30 Le vingtième siècle jeunesse Après avoir été l’un des animateurs et 2019. Cahiers du cinéma, son ami Jean Anne Dujin, Jean-Yves Pranchère p. 13 p. 19 du ciné-club d’Alger, en 1959- Narboni écrit : « La veille de son Esprit. Une revue des idées vendredi 3 février à 18 h mercredi 15 février à 18 h 1960, Jean-Louis Comolli vient à En attendant entrée dans le coma, il m’a dit au p. 28 Jean-Philippe Decka Renaud van Ruymbeke la Sorbonne à Paris, en philosophie, les beaux jours téléphone, en me donnant rendez- jeudi 19 janvier à partir de 18 h Le courage de renoncer p. 32 Offshore et surtout, rue d’Ulm, à la cinéma- L’auteur de ces pages se sait en vous pour la semaine suivante : » vernissage de l’exposition vendredi 3 février p. 40 thèque d’Henri Langlois, où il ren- sursis. Il écrit : « Le sursis que je Je viens d’ajouter le mot fin à un Des mains singulières. Quatre projection à la cinémathèque jeudi 16 février à 18 h contre Jean Douchet, Jean-André vis ne m’obsède pas. J’oublie que texte d’une trentaine de pages. artistes du Maroc des marges 19 h • Jean-Louis Comolli. Camille Froidevaux-Metterie Fieschi et Jean Eustache. Il devient je suis si près d’une mort atten- Le texte, à paraître, s’intitule : En A. Aboutaleb, B. Ali, S. Ouarzaz, Filmer pour voir Pleine et douce rédacteur en chef des Cahiers du due. L’oubli et sa complice la attendant les beaux jours. » n B. Oum p. 33 à 37 21 h • La Cecilia p. 3 p. 6 cinéma en 1965 et le reste, avec mémoire sont encore la ressource
4 mensonges et flatteries la famille : un ravage 5 Irréfutable essai de successologie Une mère éphémère LYDIE SALVAYRE EMMA MARSANTES samedi 21 janvier à 17 h mercredi 11 janvier à 18 h Rencontre avec Lydie Salvayre à l’occasion de la parution de Irréfutable essai de successologie Rencontre avec Emma Marsantes autour de Une mère éphémère paru aux éditions Verdier. aux éditions du Seuil. EMMA MARSANTES, née en lui, puisqu’il avait adopté les pires les rues en compagnie de sa mère, LYDIE SALVAYRE, née en 1946 Décembre), BW (2009) le prix renommée et devenir objet d’adu- 1960, a grandi en région pari- modèles qui soient, s’employant à complice et indifférente au vrai d’un père Andalou et d’une mère François-Billetdoux et Pas pleurer lation ? Car se distinguer du reste sienne. Une mère éphémère est son terroriser les siens, essayant de leur landau à la capote baissée où la catalane, réfugiés en France en (2014) a été récompensé par le prix des humains, être quelqu’un, premier roman. inculquer le goût de la chasse et du jeune fille abritait un baigneur. Ce février 1939, passe son enfance à Goncourt. quelque chose, apparaître au sang autant que le courage inutile landau du délire signifie magis- Auterive, près de Toulouse. Après JT de 20 h, avoir sa photo dans Les liens sacrés du suicide d’affronter les tempêtes en voilier, tralement la contagion de la réa- une Licence de Lettres modernes Comment… le journal, rêver de devenir une « Chant d’amour et de mort mêlant à une haute culture bour- lité non pas par le rêve mais par à l’Université de Toulouse, elle fait « Comment intriguer, abuser, star, convoiter les honneurs et les intrinsèquement mêlés, Une mère geoise des irruptions d’une vulga- le cauchemar éveillé, renvoyant ses études de médecine à la Faculté écraser, challenger ? Comment applaudissements, bref désirer éphémère s’avance avec une magni- rité assourdissante d’être ouverte- le lecteur au vertige d’une vérité de Médecine de Toulouse, puis son mentir sans le paraître ? Com- briller aux yeux du plus grand fique lenteur, s’aventurant hors ment sexuée. certes délirante mais certainement internat en Psychiatrie. Elle devient ment obtenir la faveur des puis- nombre constitue la passion la du temps horizontal de nos exis- Paragraphe après paragraphe, dans structurelle : au fil des pages, l’in- pédopsychiatre, et est Médecin sants et leur passer discrètement plus archaïque et la plus univer- tences sociales pour dénouer sur la une langue dont on peut dire, mais ceste imposé par le frère se révèle Directeur du CMPP de Bagnolet la pommade ? Comment évincer selle qui soit en ce bas monde. » Le page les « liens sacrés du suicide ». au meilleur sens du terme, qu’elle un inceste au carré, un inceste par pendant 15 ans. Lydie Salvayre est les rivaux, embobiner les foules, succès et les moyens d’y parvenir, L’autrice, enseignante et poétesse est lourde comme le sont les terres procuration, dans une famille qui l’auteur d’une vingtaine de livres enfumer les naïfs, amadouer les selon Lydie Salvayre : un vrai faux qui a choisi pour ce premier récit les plus généreuses, Emma Mar- n’était anormale qu’à l’abri d’une traduits dans de nombreux pays rogues, écraser les méchants et manuel mené tambour battant, d’adopter un pseudonyme, Emma santes avance en tenant ferme le forteresse du silence et de ses et dont certains ont fait l’objet rabattre leur morgue ? Comment d’une ironie jubilatoire et qui, à Marsantes, tient à distance le rap- socle de sa charrue. En bien des meurtrières. » n d’adaptations théâtrales. La Décla- se servir, mine de rien, de ses la manière des moralistes, dresse port à la réalité commune ; l’enjeu pages, elle semble d’ailleurs écrire Bertrand Leclair ration (1990) est saluée par le Prix meilleurs amis ? Par quels savants le portrait mordant d’une époque ne s’engage pas à la surface sociale les yeux fermés pour mieux res- Le Monde des livres Hermès du premier roman, La stratagèmes, par quelles souplesses obsédée par la performance et la de l’existence, il est plus profond : sentir par tout le corps le sillon Compagnie des spectres (1997) reçoit d’anguille, par quelles supercheries réussite à tout prix. n à plusieurs décennies de distance, qu’elle creuse, laissant remonter le le prix Novembre (aujourd’hui prix et quels roucoulements gagner la il s’agit de faire enfin quelque réel enfoui sous les mots ordinaires. chose, en l’occurrence un très beau Devenue mère à son tour (le récit livre, de la mémoire forcément est dédié à ses enfants), c’est au confuse d’une enfance trois fois sens propre qu’elle imagine davan- ravagée dans le décor idyllique des tage qu’elle raconte, fabriquant des beaux quartiers parisiens. images pour sortir du noir ce qui la Trois fois, puisque la narratrice hante : « Je ne sais plus ce qui s’est garde les traces occultées d’un très passé mais je sais que cela s’est passé. ancien viol par un voisin obsé- Dans le seul fait que je ne puisse quieux, longtemps avant l’inceste pas me souvenir tient la véracité de répété que lui aura imposé un mon récit. Cela a existé parce que je frère aîné tournant violent, à ne m’en souviens plus. » l’image du père, puis le suicide Ce rapport impossible à une vérité d’une mère gravement mélanco- qui ne le fut pas moins prend le lique, dont le passage à l’acte s’est contre-pied du témoignage dont accompagné d’une mise en scène le principe même est d’affirmer oraculaire, dans la chambre de une vérité qui préexisterait au sa fille encore adolescente : une récit afin de l’imposer. L’autrice y mère qui n’était jamais parvenue trouve une liberté inédite, parfois Cham (Amédée Charles de Noé, dit). Philippe Bertrand, Lucrèce (détail). à le devenir, mère. Jouant avec le fulgurante, ainsi dans les pages, titre du livre, on pourrait dire que, superbes, où elle parvient à mon- dans sa propre histoire, rien ou trer la folie maternelle plutôt que personne n’a su la « faire mère », de s’échiner à la dire. Aux lisières condamnée à vivre sous l’éteignoir du fantastique, elle décrit alors d’un mari haut placé résolument l’adolescente déboussolée qu’elle devenu père de famille, quant à fut et qui aimait se promener par
6 amitié, complicité après la douleur 7 Pleine et douce Vivre vite CAMILLE FROIDEVAUX-METTERIE BRIGITTE GIRAUD À LA MÉDIATHÈQUE JOSÉ CABANIS jeudi 16 février à 18 h mercredi 8 février à 18 h Rencontre avec Camille Froidevaux-Metterie à l’occasion de la parution de son premier roman Pleine Rencontre avec Brigitte Giraud autour de Vivre vite (prix Goncourt 2022) paru aux éditions et douce chez Sabine Wespieser éditeur. Flammarion. CAMILLE FROIDEVAUX- vie de couple. Elle est allée en combats féministes, tourments BRIGITTE GIRAUD est l’au- c’était avec La Route de Cormac vue strictement sociologique. Mais METTERIE, philosophe et Espagne bénéficier d’une procréa- intimes et préparatifs de la fête trice de dix romans parmi lesquels McCarthy – ça fait quand même il n’y a pas que ça : c’est vraiment professeure de science politique à tion médicalement assistée, alors s’entremêlent. À présent (Stock mention spéciale un petit bail. J’ai essayé de réflé- un très grand livre qui m’a rappelé l’université de Reims Champagne- impossible en France. Greg, l’ami Camille Froidevaux-Metterie du prix Wepler 2001), L’amour chir à pourquoi ça m’avait touché un livre que j’adore : Quatre, trois, Ardenne, a publié de nombreux de toujours, a accepté de devenir dépeint avec une grande finesse est très surestimé (Stock bourse à ce point… Il y a une raison assez deux, un de Paul Auster. Il y ima- essais dans lesquels elle travaille le « père intime » d’Ève. Dans à cette constellation féminine, tout Goncourt de la nouvelle 2007), simple, c’est que c’est un roman gine quatre fois son autobiographie à élaborer une théorie féministe peine deux semaines, aura lieu la en construisant un roman dont Une année étrangère (Stock prix qui parle des gens qui ont appar- avec, à chaque fois, des détails qui qui place le corps au centre de la fête en blanc organisée pour célé- les rebondissements bouleversent : Jean-Giono 2009), Un loup pour tenu à ce qu’on a appelé la généra- diffèrent (une seule version est réflexion. Dans le récent et très brer la naissance de leur famille rien ne se passera comme l’ima- l’homme et Jour de courage (Flam- tion rock. J’aurais pu le connaître, vraie) pour montrer tout ce qu’il remarqué Un corps à soi (2021), atypique, au grand dam de la ginent encore Stéphanie et Jamila, marion 2017 et 2019). Claude : il était critique de rock y a de fortuit dans une vie. Et l’écriture à la première personne matriarche aigrie et vénéneuse qui la nounou d’Ève, s’activant la au Monde comme je l’étais à Libé- c’est exactement le même procédé résonnait déjà avec les voix plu- trône au-dessus de ces femmes. veille du festin tant attendu. Tout ce qu’il y a ration ; il écoute Dominique A, qu’opère Brigitte Giraud : montrer rielles des femmes. À l’approche des réjouissances, Tour à tour mordante et tendre, de fortuit que j’écoutais moi aussi au tout tout ce qu’il y a de fortuit dans un chacune d’elles est conduite inter- l’écriture, dans sa fluidité et ses « C’est assez rare, mais j’ai vraiment début… Elle parle de cette généra- drame. Ce que je trouve magni- Constellation féminine roger son existence et la place nuances, révèle un véritable tem- explosé en sanglot en lisant ce livre. tion qui est la mienne, donc ça me fique dans ce livre, c’est qu’il y a Une musique libre et joyeuse que son corps y tient. Toutes, pérament d’écrivaine. n La dernière fois que ça m’est arrivé, touche forcément d’un point de une entreprise de déjouer ce qui est s’élève des pages de ce premier sœurs, nièces, amies de Stéphanie, purement de l’ordre du destin. Il roman : celle d’un chœur de témoignent de leur quotidien, à est mort dans un accident de moto femmes saluant la venue au commencer par Ève elle-même, Le piège totalement imprévisible, puisque monde de la petite Ève, enfant à qui l’autrice prête des pensées cette moto n’aurait pas dû être là née d’un désir d’amour inouï. Sté- d’une facétieuse ironie face à l’at- VALÉRIE DU CHÉNÉ car trop dangereuse. Et pourquoi phanie est cheffe de cuisine, elle tendrissement général dont elle jeudi 26 janvier à 18 h est-il rentré si tard du bureau ? Elle voulait être mère, mais pas d’une est l’objet. Comme dans la vie, Rencontre avec Valérie du Chéné autour de Le piège paru chez Captures éditions. imagine qu’il a écouté un morceau de rock très long plutôt qu’un VALÉRIE DU CHÉNÉ est diplô- nés. : la plasticienne dessine, folâtre, pour notre plus grand court… Mais c’est des idées, une mée de l’École Nationale Supé- met en résonance un titre, et les bonheur. Le Piège s’ouvre, et non gamberge absolue, qui rend ce livre rieure des Beaux-Arts de Paris envoie à Arlette qui les prolonge se referme, pour nous prendre absolument nécessaire et, je crois, et enseigne à l’Institut supérieur de ses propres mots : fabulette, aux rets des rêveries ouvertes et extrêmement utile en fait ». n des arts et du design de Toulouse récit nourri de sa vie, de ses lec- politiques de ses deux autrices. Arnaud Viviant, (isdaT). Son travail aux formes tures, de ses émotions. Il nous incite à poursuivre avec Le masque et la plume variées a pour colonne vertébrale D’un geste ample et ouvert, à elles, de quelques mots, cette tra- la question de la rencontre et de la vivacité jamais sarcastique, versée de notre Histoire à partir la confrontation avec l’autre et/ Valérie dessine en écho à ces de ce moment si singulier que ou avec l’espace. mots dont elle fait une légende et furent ces années de confine- COMMENT RÉAGIR artisti- qui condensent une situation en ment, que nul ne peut réduire à quement en des temps de confi- l’ouvrant à l’énigme réciproque une simple pandémie, à moins nement ? C’est à cette question des mots et du trait. Arlette, elle, qu’elle ne soit sociale et poli- que Valérie du Chéné dans son relance l’énigme en se livrant tique. Le piège redonne ainsi à la petit village des Corbières, et alors corps et âme aux inter- vie, à la lectrice et au lecteur tous Arlette Farge depuis Paris ont rogations qu’ils suscitent. La ses droits à s’encolérer et rêver. voulu apporter leur réponse phrase se fait simple, confidente Archives du cœur, mots et traits commune. Avec Le Piège, le et confiante, engagée jusque s’entremêlent pour interroger de protocole fut suscité par cette dans ces émotions les plus per- façon sensible, et donc politique, époque de solitude à laquelle le sonnelles dont en historienne, les maux d’une époque, les pré- Covid nous a longuement fait elle a pourtant appris à se défier. carités de la vie. n croire que nous étions condam- Mais l’humeur peut-être plus Didier Samson
8 femme à hollywood pour anne franck 9 Trois femmes disparaissent Quand tu écouteras cette chanson HÉLÈNE FRAPPAT LOLA LAFON mercredi 1 février à 18 h er jeudi 9 février à 18 h Rencontre avec Hélène Frappat à l’occasion de la parution de Trois femmes disparaissent aux éditions Rencontre avec Lola Lafon autour de Quand tu écouteras cette chanson paru aux éditions Stock. Actes Sud. LOLA LAFON est l’autrice de journal, que tous les écoliers ont HÉLÈNE FRAPPAT diplômée semaines durant, je pose inlassa- de mes trois héroïnes : la grand- six romans, tous traduits dans de lu et dont aucun adulte ne se de philosophie et passionnée de blement à ma mère la même ques- mère Tippi, la fille Melanie, la nombreuses langues, dont La Petite souvient vraiment. Est-ce cinéma, est romancière et critique tion : « Comment elle s’appelle, la petite-fille Dakota. Pour faire Communiste qui ne souriait jamais un témoignage, un tes- de cinéma. Elle a choisi de chercher dame ? » Je m’endors en mâchant revivre l’enfant détective. Pour (Actes Sud, 2014), récompensé par tament, une œuvre ? la « vérité » dans la fiction. Elle est maladroitement les syllabes de son enquêter sur une histoire louche, une dizaine de prix, et Chavirer Celle d’une jeune l’autrice, chez Actes Sud, de Lady nom. […] une histoire sale que le monde (Actes Sud, 2020) qui a reçu le prix fille, qui n’aura Hunt (2013), Noublie pas de respirer J’ai toujours aimé les détectives. entier avait depuis des décennies Landerneau, le prix France-Culture pour tout voyage (2014), Le Dernier fleuve (2019), Petite, je me prenais pour Fantô- sous les yeux, sans jamais vou- Télérama ainsi que le choix Gon- qu’un escalier à Le mont Fuji n’existe pas (2021) mette. J’embarquais mes cama- loir la regarder en face. Les écri- court de la Suisse. monter et à des- et Trois femmes disparaissent (2023). rades de classe dans des filatures vaines détectives amnésiques sont cendre, moins Critique à La Lettre du cinéma et clandestines. La rue est souvent tenaces : elles ne lâchent l’en- Je l’imaginais d’une quaran- aux Cahiers du cinéma, Trois films louche aux yeux d’une enfant. Il y quête que lorsque tous les recoins « Le 18 août 2021, j’ai passé taine de mètres fantômes de Jacques Rivette (Cahiers a vingt ans, hypnotisée par le docu- de l’énigme ont été éclairés par la la nuit au Musée Anne Frank, carrés à arpenter, du cinéma, 2002), Roberto Ros- mentaire de Rosanna Arquette, magie inquiétante et bienfaisante dans l’Annexe. Anne Frank, que sept cent soixante sellini (Cahiers du cinéma/Le Searching for Debra Winger, sur d’un récit qui rend à chacun sa tout le monde connaît tellement jours durant. La Monde, 2008) ou encore Toni Ser- une star hollywoodienne disparue mémoire. » n qu’il n’en sait pas grand-chose. nuit, je l’imaginais villo, le nouveau monstre (Séguier, des radars, j’ai écrit un article pour Hélène Frappat Comment l’appeler, son célèbre semblable à un recueille- 2018). La Lettre du cinéma. Je pressentais ment, à un silence. J’imagi- que « le fantôme, ou le fantasme nais la nuit propice à accueillir Trois héroïnes de toute actrice, c’est disparaître, La grande ourse l’absence d’Anne Frank. Mais je Quand le cinéma et la vie s’allient en continuant à exister ». me suis trompée. La nuit s’est P o u r q u o i avez-vous attendu pour fabriquer du romanesque Il m’a fallu vingt ans pour écrire MAYLIS ADHEMAR habitée, éclairée de reflets ; au aussi longtemps pour aborder votre féroce, l’œil de l’écrivaine s’allume. ce fantôme, et ce fantasme. Vingt samedi 4 février à 17 h cœur de l’Annexe, une urgence histoire familiale ? Qu’ont en commun Les Oiseaux, ans pour partir à la recherche Rencontre avec Maylis Adhemar à l’occasion de la parution de son roman se tenait tapie encore, à retrou- Il faut parfois passer par l’histoire Marnie, Body Double, Working La grande ourse aux éditions Stock. ver. » d’un ou d’une autre pour arriver Girl, Le Bûcher des vanités et Cin- Lola Lafon à la sienne. On est chargé de tant quante nuances de Grey ? […] Leurs MAYLIS ADHEMAR née en départ, Zita rentre à Ossèse, la de testaments, c’est ce qui me fas- héroïnes : Tippi Hedren, Melanie 1985, vit à Toulouse. Après un ferme de ses parents située dans Je l’imaginais cine. J’ai reçu une médaille Anne Griffith, Dakota Johnson, trois bac agricole et des études d’his- un fond de vallée ariégeois. Elle Vous vouliez réhabiliter Anne Frank Frank sans savoir ce que j’allais en femmes activement disparues de toire, elle est devenue journa- retrouve sa cabane des hauteurs, en tant qu’autrice ? faire, ma grand-mère m’a juste dit mère en fille… liste. Elle conçoit des ateliers leurs brebis et les contes bestiaux On ne devrait pas parler de « jour- qu’il ne fallait pas que je l’oublie, « J’ai toujours aimé les fugitives. d’initiation au journalisme pour de Petite-Mère, son aïeule. Un nal » à propos de son texte. Anne jamais. Et j’ai passé une nuit seule Dans les romans et les films, c’est les jeunes en territoires ruraux. soir, au café du village, elle per- Frank a fait un réel travail d’écri- dans ce musée où on est confron- une femme qui marche trop loin Son premier roman, Bénie soit cute la vie de Pierrick, un cita- vaine, elle a réécrit, coupé, choisi. tés à l’absence. Avant ce livre j’avais sur la plage, s’écarte de ses habi- Sixtine (Julliard), est sorti en din. Leur histoire d’amour sera En préférant penser que c’est eu l’idée de parler de ma grand- tudes, s’éloigne de sa vie, change 2020. celle de la maturité, celle où Zita l’œuvre spontanée d’une jeune mère, quelqu’un dont toute la vie de direction. L’heure du dîner est ZITA AURAIT DÛ être bergère s’installe dans un bel apparte- fille, on lui enlève sa démarche. est empêchée. Longtemps, elle n’a passée depuis longtemps quand sur une estive des Pyrénées, ment avec vue sur la Garonne. Ce qui me sidère, c’est la réécriture pas pu apprendre le français d’une elle entre dans un hôtel anonyme comme ses ancêtres. Le déclin Un jour d’automne, le cadavre par Hollywood et Broadway. Ce façon suffisante pour le lire et pour- et prend une chambre sous une du pastoralisme, la réintroduc- de l’ours Anis est retrouvé sur qu’elle dit est lissé, kitschifié, recou- tant c’est tout ce qui l’intéressait. Je nouvelle identité. […] tion des ours et ses bons résultats l’estive où paissent les brebis de vert d’autre chose. J’ai réalisé que voulais lui rendre hommage. Elle a J’ai toujours aimé les actrices. scolaires en ont décidé autre- sa famille. Une balle est plantée la Anne Frank que l’on vénère est commencé à lire à plus de 60 ans, J’ai cinq ans, je dois veiller tard. ment. Ingénieure agronome, elle entre les yeux du plantigrade. une construction hollywoodienne c’était sa passion. Et elle n’a jamais Rita Hayworth. Au Cinéma de minuit, je suis enchaîne les contrats à travers Tiraillée entre deux mondes, des années 1960. Cela rejoint mes su que j’étais devenue écrivaine. n foudroyée par l’apparition de le monde, expatriée de l’agro- Zita devra faire un choix entre obsessions, c’est une jeune fille réé- Extrait entretien Les Inrocks Rita Hayworth dans Gilda. Des industrie. Cinq ans après son la proie et le prédateur. n crite par des adultes.
10 v i o l e n c e , m i s è r e , é m e u t e s en nouvelle-angleterre 11 Harlem Shuffle Melvill COLSON WHITEHEAD RODRIGO FRESÁN samedi 14 janvier à 15 h mardi 24 janvier à 18 h Rencontre avec Colson Whitehead à l’occasion de la parution de Harlem Shuffle (traduction Charles Rencontre avec Rodrigo Fresán à l’occasion de la parution de Melvill aux éditions du Seuil. Recoursé) aux éditions Albin Michel. RODRIGO FRESÁN, est né en Méandres de la fiction méandres de la fiction, qui oscille COLSON WHITEHEAD, cou- filou… » Pour ses clients et voi- la fin des années 1950 et les 1963 à Buenos Aires. En 1991, il Presque vingt ans après Les Jar- sans cesse entre réalité et imagi- ronné en 2017 par le prix Pulitzer sins de la 125e Rue, à New York, émeutes de Harlem en 1964, qui publie son premier livre, Histoire dins de Kensington, Rodrigo nation dans sa quête de la plus pour Underdground Railroad puis c’est un vendeur de meubles et font suite à la mort d’un ado- argentine, qui est aussitôt un best- Fresán part de nouveau sur pure des vérités, Rodrigo Fresán en 2020 pour Nickel Boys, est né d’électroménager irréprochable lescent noir abattu par la police. seller. En 1999, il s’installe à Bar- les traces d’un écrivain : Her- aborde sous un jour nouveau ses à New York en 1969. Il s’inscrit qui travaille dur pour faire vivre Naviguant tant bien que mal celone où il travaille comme cri- man Melville, auteur magistral, sujets fétiches : « lire et écrire, dans la lignée des rares romanciers sa famille. Mais Ray Carney dans cette double vie, il se bâtit tique littéraire. Nourri de culture incompris, trop en avance sur les mystères de la vocation litté- distingués à deux reprises par cette descend d’une longue lignée peu à peu une nouvelle clien- anglo-saxonne, de Philip K. Dick son temps, jugé fou et dangereux raire et la façon dont elle irradie prestigieuse récompense, à l’ins- d’escrocs qu’il peine à renier. tèle faite de flics véreux, gangs- à John Cheever, il impose, avec par certains critiques de l’époque. les mystères encore plus inson- tar de William Faulkner et John Car les fins de mois sont diffi- ters vicieux et pornographes Les Jardins de Kensington, Man- Une vie indissociable de celle dables de la paternité. » À la fois Updike. Aujourd’hui traduit dans ciles, et il se laisse donc entraî- à la petite semaine… Harlem tra et Le Fond du ciel, une œuvre du père, Alan Melville, mort de biographie souvent inventée et plus d’une soixantaine de langues, ner par son cousin Freddie dans Shuffle est un formidable tableau vertigineuse, fertile en rêves et en fièvre après avoir traversé à pied bourrée d’anachronismes, roman il compte parmi les écrivains amé- des plans douteux, à commencer du New York des années 1960, visions, qui fait de lui un écrivain le fleuve Hudson gelé, laissant à gothique invoquant fantômes et ricains les plus audacieux et les plus par un braquage à l’Hôtel The- tout autant roman noir et roman atypique, transgresseur et incon- son jeune fils le souvenir de ses vampires, analyse de l’œuvre de talentueux de sa génération. resa, surnommé le « Waldorf de social autour des droits civiques tournable. Il a reçu en 2017 le derniers jours peuplés de discours Melville et tendre évocation de Harlem ». Cette virée hasardeuse que lettre d’amour à Harlem, qui prix Roger-Caillois et, en 2018, délirants, et formidable exemple l’attachement d’un parent à son Plans douteux qui rapidement tourne mal est confirme l’originalité et l’audace La Part inventée a été couronné de ce que peuvent être l’échec et enfant, Melvill est une lecture « Ray Carney n’était pas un la première d’une longue série de Colson Whitehead. n aux États-Unis par le Best Trans- la folie – cette dernière serait-elle aussi exigeante qu’exaltante pour voyou, tout juste un peu à laquelle Ray va se plier entre lated Book Awards héréditaire ? S’interrogeant sur les qui s’y plonge. n Joseph Oriel Eaton, Portrait Herman Melville (détail). Charles Henry Alston, Stud Poker (détail). Adam Victor (détail).
12 les années-sida pour walter benjamin 13 Les enfants endormis Le vingtième siècle ANTHONY PASSERON AURÉLIEN BELLANGER jeudi 12 janvier à 18 h À LA MÉDIATHÈQUE JOSÉ CABANIS jeudi 2 février à 18 h Rencontre avec Anthony Passeron autour de Les enfants endormis, paru aux éditions Globe. Rencontre avec Aurélien Bellanger à l’occasion de la parution de son ouvrage Le vingtième siècle aux éditions Gallimard. ANTHONY PASSERON est Ce récit intime, qui dit avec de recherches d’Atlanta ou à la né à Nice en 1983. Il enseigne les pudeur le malheur insondable, Pitié-Salpêtrière, il nous restitue AURÉLIEN BELLANGER est deviennent subitement roma- énigmatiques, tandis qu’un poète lettres et l’histoire-géographie dans Passeron parvient à le dépasser comme une épopée cette longue un écrivain français, philosophe nesque. Il a publié aux éditions se suicide à la Bnf à la suite d’une un lycée professionnel. Les Enfants pour reconstituer l’enchaînement histoire qui se poursuit encore de formation et ancien libraire. En gallimard Le grand Paris (2017), Le conférence sur le penseur. Alertés endormis est son premier roman. des faits et étudier les circonstances aujourd’hui. n 2010, il publie un essai sur Michel continent de la douceur (2019), ou par cette mort étrange, trois spé- qui ont entouré le drame. Il dresse Sylvie Tanette, Houellebecq, intitulé Houellebecq encore Téléréalité (2021), Le ving- cialistes de Benjamin se lancent Désiré et ses proches en arrière-plan le portrait d’un Les Inrockuptibles écrivain romantique, aux éditions tième siècle est son sixième roman. à la recherche de son dernier Il était le préféré de ses parents. milieu social, ces commerçant·es Léo Scheer. Son premier roman, Il est aussi occasionnellement manuscrit. Le trio nous entraîne Le premier à avoir le bac, le fils presque notables dans les années La Théorie de l’information, paraît acteur dans les films de Justine Triet dans une enquête vertigineuse, qui avait trouvé un emploi dans 1960, transformé·es en perdant·es en 2012 aux éditions Gallimard. notamment La Bataille de Solférino véritable labyrinthe de fragments, l’office notarial, honneur inespéré dans les années 1980 après l’ou- Lauréat du prix de Flore 2014, il a (2013). où à chaque nouvelle page se des- pour des petit·es commerçant·es verture des supermarchés. C’est été récompensé pour son deuxième sine un peu plus la figure de Walter de l’arrière-pays niçois. Dans cette aussi l’évocation d’un bourg en roman L’aménagement du territoire Enquête vertigineuse Benjamin. Roman polyphonique famille taiseuse, personne n’imagi- déclin, petite sous-préfecture pim- pour lequel il met en récit l’action Walter Benjamin, l’un des plus virtuose, Le vingtième siècle donne nait que Désiré allait se droguer à pante devenue arrière-pays déserté publique. Il revient sur la conquête grands mythes intellectuels du à penser notre contemporanéité l’héroïne et contracter le sida par où les jeunes s’ennuient à mourir. de la province (notamment la Bre- vingtième siècle, est toujours de manière singulière et origi- injection. Jusqu’au bout, sa mère a Passeron ausculte, sans jugement, tagne et les Pays de la Loire) par parmi nous. Un groupuscule nale, et à relire l’histoire du siècle refusé d’y croire et puis, devant le ce qu’on a appelé plus tard la le TGV mais aussi les sentiments d’extrême gauche porte son nom passé comme celui dont Benjamin corps mourant de son garçon, elle France périphérique, le territoire épars que cette technologie créée et réalise des actions militantes aurait été le héros. n a dû se rendre à l’évidence. des oublié·es. parmi la population française. Sous Cela se passait au début des années Parallèlement à cette enquête sa plume, l’État, l’administration, la 1980 et Désiré était l’oncle pater- intime et sociologique d’une technocratie et la démocratie locale nel d’Anthony Passeron. Dans maîtrise absolue, l’auteur retrace cette très belle enquête autobiogra- le parcours des chercheur·euses phique, l’auteur s’efforce de mettre qui, aux États-Unis et en France, Classiques au détail des mots sur un drame recouvert découvrent le virus, tentent de de silence. À partir d’un matériau l’identifier et de le combattre. À YVES LE PESTIPON épars, photos de famille, éclats de l’impuissance des familles répond lundi 9 janvier à 17 h 30 souvenirs d’enfance, témoignages, ici celle des soignant·es, et le drame Rencontres proposées par Yves Le Pestipon. Madeleine de Scudéry : « La il fait surgir de l’anonymat Désiré privé devient alors la minuscule Carte de Tendre ». et ses proches, seul·es et démuni·es pièce d’un puzzle international. dans une époque où le sida était L’auteur travaille en historien. Il LA « CARTE DE TENDRE » attarderons sur une page du une maladie largement mécon- reconstitue les différentes étapes est une des créations les plus premier chapitre de la première nue, et honteuse. de la lutte contre le sida, les illustres du xviie siècle. On en partie de Clélie, depuis « Mais Passeron décrypte les réactions de hésitations, les fausses pistes, les parle encore jusque dans des nous fûmes bien étonnés » à chacun·e. Le cadet (père de l’au- découragements, les avancées, chansons. Elle paraît pour la « cette précieuse qualité ». n teur), boucher-charcutier comme l’incompréhension des autorités première fois dans le roman de Très petite bibliographie ses parents, travailleur obstiné, se politiques. Il montre les moments Madeleine de Scudéry : Clé- Madeleine de Scudéry, Clélie, montre loyal jusqu’au bout malgré de solidarité entre des scienti- lie. Elle y est décrite, et Fran- histoire romaine, folio clas- les déflagrations du drame dans fiques qui partagent leur savoir, çois Chauveau, qui deviendra sique, le texte que nous lirons sa propre vie. La mère de Désiré mais aussi la concurrence d’un quelques années plus tard le gra- est aux pages 92-94. (grand-mère de l’auteur), au passé pays à l’autre pour publier dans les veur de La Fontaine, la dessine. Myriam Dufour-Maître, Les pétri de pauvreté, s’emmure entiè- revues. Il rappelle les noms de ceux Le texte va avec l’image. L’image Précieuses. Naissance des rement dans le déni ; le primo- et celles qui se sont consacré·es à la va avec le texte. Il vaut la peine femmes de lettres en France au romancier l’observe avec empa- lutte. Passeron juxtapose les faits de lire l’un par l’autre, de s’en xviie siècle, Honoré Champion, thie. sur un rythme soutenu et, passant délecter, et d’y réfléchir à l’aven- Coll. Champion Classiques de l’Institut Pasteur à un centre ture. Carte en main, nous nous Essais, 2008.
14 rester vertical beyrouth dans la guerre 15 Une histoire du vertige Le tumulte CAMILLE DE TOLEDO SELIM NASSIB lundi 13 février à 18 h samedi 28 janvier à 17 h Rencontre avec Camille de Toledo autour de son dernier ouvrage Une histoire du vertige paru Rencontre avec Selim Nassib autour de son ouvrage Le Tumulte paru aux éditions de l’Olivier. aux éditions Verdier. SELIM NASSIB journaliste, écri- taine rumeur. Ce qui l’occupe, qui gouvernent. C’est pourquoi CAMILLE DE TOLEDO est Cambre (Bruxelles) et à l’université et cette blessure, entre les langages vain, est né et a grandi à Beyrouth c’est l’éveil au sexe, le tumulte de je crois que, même si la crise liba- écrivain, docteur en littérature d’Aix-Marseille. humains et les autres formes de la dans une famille juive d’origine peur et de désir qu’il sent monter naise est très grave, cela va passer, comparée, et enseigne la créa- Il est lauréat de la Villa Medicis vie. » syrienne. Il a été l’envoyé spécial en lui. car le Liban est un pays très vieux tion littéraire à l’École nationale (2004) et de la Fondation Jan Une histoire du vertige, à sa façon de Libération pendant la guerre du Vingt ans après, en Mai 68, il capable de survivre à ses contra- supérieure des arts visuels de La Michalski pour l’écriture et la unique, est un livre d’aventure. Il Liban. s’engage en politique pour ren- dictions. » n Sélim Nassib littérature (2019). En 2008, il s’ouvre sur la cavale de Don Qui- contrer des filles. Mais l’Histoire fonde la Société européenne des chotte : cet être envoûté par la fic- Largement le prend au sérieux. Il se retrouve auteurs pour promouvoir « la tra- tion, et qui nous ressemble tant. autobiographique en prison et découvre qu’une véri- duction comme langue ». Il écrit Et à partir de là, il tourne inlassa- Composé de trois parties indépen- table guerre civile coule dans les également pour l’opéra, La Chute blement autour d’une espèce : la dantes, ce roman puissant et lar- entrailles du pays. de Fukuyama (2013) et pour le nôtre, en se demandant comment gement autobiographique raconte Lorsque l’armée israélienne enva- théâtre, Sur une île sur la tragé- nous détruisons nos appuis ter- trois épisodes de la vie du narrateur hit le Liban pour en chasser les die d’Utoya, ou le diptyque restres ? Fresque du temps présent, et de sa famille, des Juifs libanais, combattants palestiniens, il quitte PRLMNT sur la chute de de nos vertiges face à la crise écolo- à des moments clés de l’histoire de Paris où il est devenu journaliste l’Union européenne et la gique et aux épreuves de la guerre, leur pays : la crise de Suez (1956), et revient à Beyrouth couvrir de recomposition politique le livre s’adresse à un lecteur ima- l’espoir d’un changement révolu- l’intérieur le siège de sa ville. Dans grâce à des institutions ginaire : un ami, un frère ou une tionnaire (1968), la guerre civile et les rues dévastées et les immeubles inter-espèces, où les sœur, un compagnon. Il parle de l’invasion israélienne (1982). éventrés par la guerre se renouent milieux, les écosystèmes nous, de notre perte d’équilibre, Entre un père joueur de poker les fils de son destin. seront reconnus comme de notre sentiment que plus rien et une mère timide, Youssef vit à Chant d’amour pour une ville sujets de droit. En 2020, ne tient, que tout s’effondre : mais Beyrouth dans un monde impré- mythique, Le Tumulte décrit son livre Thésée, sa vie en nous apprenant, petit à petit, à gné de sensualité et de mystère. magistralement le mélange de tra- nouvelle est dans la der- tenir dans le vertige. Les mélodies de l’hébreu qu’il gique et de picaresque qui colore nière sélection du Prix En nous reliant à un monde infini, entend chez lui se mêlent aux l’un des derniers grands conflits Goncourt. Son dernier beaucoup plus vaste, où les petits sonorités de la rue arabe. La crise du vingtième siècle. ouvrage à ce jour est Le « Je » des modernes s’effacent. n de Suez n’est encore qu’une loin- fleuve qui voulait écrire Beyrouth aujourd’hui (Le Liens qui Libèrent/ « En apparence, Beyrouth Manuellea éditions, aujourd’hui est quasiment à 2021). Classiques au détail genoux. Ce qui fait pourtant que les gens qui y ont vécu, ou même Perte d’équilibre YVES LE PESTIPON ceux qui n’ont fait qu’y passer, ne « Écoute, le sol se dérobe, lundi 6 février à 17 h 30 s’en détachent pas facilement, c’est les mots dérapent ; par- Rencontres proposées par Yves Le Pestipon. La Fontaine, « Les deux amis », que cette ville envoie des signaux tout, nos appuis s’érodent. Fables, (VIII, 11). contradictoires. Le Liban est un Nous vivions « au-dessus » pays en conflit avec lui-même. du monde, dans des bulles ON SAIT presque toujours sentiments qu’elle suscite, sans D’une part, Il est peuplé de petites d’histoires ; ce que nous quelques vers de cette fable, tapage, par les mots, depuis le communautés qui sont venues se voyons, au loin, depuis cette mais on ne s’attarde pas néces- Monomotapa. n réfugier dans ses montagnes, qui hauteur, c’est une Terre abî- sairement à la « difficulté » Très petite bibliographie sont obligées de s’entendre mais mée, épuisée. Nous entrons qu’elle propose : « Qui donc La Fontaine, Fables, Biblio- qui de temps en temps s’entre- dans un temps vertigineux. Et aimait le mieux ? » demande- thèque de la Pléiade, tirage spé- tuent. D’autre part, la société moi, figure-toi, avec les livres qui t-elle au lecteur. On ne tentera cial, préface d’Yves Le Pestipon civile est extrêmement vivante, il y m’ont accompagné, j’ai voulu sai- pas de répondre, et surtout pas Patrick Dandrey, La Fontaine a un bouillonnement culturel for- sir les formes de ce vertige. Com- de conclure. On s’essaiera à ou les métamorphoses d’Orphée, midable, en totale contradiction prendre cette guerre, ce combat, déployer le pays de pensées et de Découvertes Gallimard. avec la classe des vieux mafieux
16 libraire à berlin marie et sigmund 17 Françoise Frenkel, portrait d’une inconnue Marie Bonaparte/Sigmund Freud CORINE DEFRANCE OLIVIER MANNONI vendredi 27 janvier à 18 h AVEC LE GOETHE-INSTITUT mardi 17 janvier à 18 h À l’occasion de la semaine Franco-allemande, rencontre avec Corine Defrance autour de Françoise Rencontre avec Olivier Mannoni à l’occasion de la parution de Marie Bonaparte, Sigmund Freud – Frenkel, portrait d’une inconnue paru aux éditions Gallimard. Présentée par Catherine Mazeilier. correspondance intégrale aux éditions Flammarion. Rencontre animée par Martine Girard (psychanalyste et psychiatre). CORINE DEFRANCE, histo- rienne spécialisée dans l’histoire OLIVIER MANNONI est tra- sociales), il enseigne à l’Institut de neuf cents lettres jusqu’à la mort franco-allemande, a enquêté pen- ducteur de l’allemand. Familier de psychologie de l’université de Lau- du fondateur de la psychanalyse, dant cinq ans sur Françoise Frenkel l’œuvre de Sigmund Freud, il a tra- sanne. Il est l’auteur de nombreux en 1939. Conservé à la biblio- en partant sur ses traces à travers duit ses correspondances avec Max articles et ouvrages sur l’histoire de thèque du Congrès à Washington, l’Europe, de la Pologne au sud de Eitingon (Hachette, 2009), Anna la psychologie et sur Marie Bona- cet ensemble de lettres est le der- la France. Elle a collecté et assem- Freud (Fayard, 2012) et Minna parte, notamment Marie Bona- nier grand corpus de correspon- blé tous ces documents pour bâtir Bernays (Seuil, 2015) et œuvré aux parte. Entre biologie et freudisme, dance freudienne encore inédit. cette biographie qui nous permet, nouvelles traductions de textes de Paris, PUR, 2012. Passionnante de bout en bout, aujourd’hui, de déchiffrer en pro- Freud, dont Le rêve de l’injection foisonnant d’infor mations sur fondeur Rien où poser sa tête, et faite à Irma, l’Homme aux loups, Une amitié l’introduction de la psychanalyse de reconstruire enfin un portrait Pour une introduction du narcis- En 1925, la princesse Marie en France, cette correspondance précis de Françoise Frenkel. sisme, L’inconscient, la Féminité, Bonaparte se rend à Vienne pour raconte un monde appelé à dispa- L’Amour de transfert (Payot). consulter le Pr Sigmund Freud. raître au cœur duquel deux prota- Impressionnant parcours RÉMY AMOUREUX a établi Cette rencontre sera « le plus gonistes des plus étonnants évo- En 2015, après soixante-dix ans l’édition et l’appareil critique de grand événement de ma vie », luent. Car entre la princesse venue d’un long oubli, Rien où poser sa cette correspondance intégrale. note l’arrière-petite-nièce de pour soigner sa dépression et l’un tête de Françoise Frenkel est redé- Docteur en histoire de la psycho- Napoléon Ier, princesse de Grèce des savants les plus influents de son couvert en France. L’impression- logie, professeur associé à l’EJ-IESS et de Danemark. Durant quatorze siècle, une amitié naît, qui dépasse nant parcours de cette femme (École des hautes études en sciences années, ils échangeront près de bientôt le cadre de l’analyse. Leurs nous parvient miraculeusement échanges donnent à voir un Freud intact, sa librairie française à Ber- tour à tour séduit, amusé, parfois lin, sa fuite dans la France occu- lassé de cette patiente qui n’a de pée, la déportation à laquelle elle cesse de vouloir vivre pleinement réussit à échapper, son passage en sa vie amoureuse et questionne Suisse. Le livre connaît un succès les conceptions freudiennes sur la immédiat et est traduit dans plus femme à une époque où la quête de onze langues. Ressuscité, son du plaisir féminin reste profondé- nom fait surgir de nouveaux docu- Moi aussi, alors, j’ignore tout de tion dans le quartier huppé de ment subversive. ments. Lettres, archives de police Françoise Frenkel. J’ai pourtant Charlottenburg, mêmes services « La dernière des Bonaparte », et d’État provenant de tous les pays mené, en 2003, des recherches sur proposés aux lecteurs, mêmes ren- comme elle aimait à se qualifier, qu’elle a traversés, carton d’inédits la seule librairie française connue contres avec des écrivains français loin d’être la disciple dévote que conservé pendant quarante ans à Berlin dans l’entre deux-guerres, de passage à Berlin… Mais jamais l’on a parfois décrite, témoigne au dans sa famille suisse, publications La Maison du Livre, dirigée alors aucune trace du nom de Frenkel fil des pages d’une liberté de pen- datées d’avant et après la Seconde par un couple nommé M. et dans les multiples archives consul- sée audacieuse. Quels que soient Guerre mondiale. Mme Raichinstein. Y aurait-il tées. La « liste des personnes enre- leurs désaccords, Freud verra en eu une autre librairie française à gistrées à la frontière genevoise elle une élève loyale. De fait, elle Double identité Berlin à cette époque ? Françoise durant la Deuxième Guerre mon- ne le trahira jamais et mettra sa […] Libraire à Berlin, spéciali- Frenkel et Mme Raichinstein diale », vers laquelle me conduit fortune au service de la Société sée en livres français, victime des seraient-elles la même personne ? le récit de son passage en Suisse, psychanalytique de Paris (SPP), persécutions nazies, en fuite dans Dans Rien où poser sa tête, Fran- confirme enfin sa double iden- qu’elle contribua à créer et, avec la France occupée puis réfugiée çoise Frenkel ne fait nulle part tité et révèle sa date et son lieu de l’aide de nombreux soutiens, se en Suisse, son nom est singuliè- allusion à un mari ou à un associé. naissance : « Reichenstein-Fren- portera à son secours pour l’ai- rement absent des catalogues des Tout semble cependant confirmer kel Frymeta-Françoise-Rolan- der à quitter l’Autriche nazie en grandes bibliothèques françaises et qu’il s’agit de la même librairie : deIdesa/14.07.1889/Pologne ». 1938. n introuvable sur Internet. même nom, même implanta- […] n
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