Parodies de démocratie électorale au Maniema : à qui profitent les abus des gouverneurs imposés ?1

 
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Parodies de démocratie électorale au Maniema : à qui profitent les abus des gouverneurs
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Parodies de démocratie électorale au Maniema : à qui
profitent les abus des gouverneurs imposés ?1
                                                      "La pensée ne doit jamais se soumettre, ni à un dogme, ni à un
                                                      parti, ni à une passion, ni à un intérêt, ni à une idée préconçue,
                                                      ni à quoi que ce soit, si ce n'est aux faits eux-mêmes ; parce
                                                      que, pour elle, se soumettre, ce serait cesser d'exister."

                                                                                        Henri Poincaré (1854—1912).

Contexte
La Commission électorale nationale indépendante (CENI) a publié vendredi 2 mars 2018 la liste
des candidats gouverneurs et vice-gouverneurs jugés recevables pour l’élection dans les
provinces du Kwango et du Maniema frappées par les vacances de postes. Pour la province du
Maniema, la Majorité présidentielle a aligné Omolela Selemani Justin et Nyangilolo Museme
Michel, alors que Djanga Dimanja Felix et Dauda Saleh Sendo ainsi que Kahambo Mwanabwato
Godefroy et Bala Olonge André se présentent en indépendants. La CENI renseigne que le
traitement des contentieux des candidatures par les cours d’appel est fixé du 6 au 12 mars. La
publication de la liste définitive des candidats par la CENI interviendra le 14 mars2.

En effet, il est important de réfléchir anticipativement au conditionnement psychologique dans
lequel les électeurs c’est-à-dire les députés provinciaux du Maniema, se trouvent en ce moment
et la réaction qu’ils pourraient adopter en relation étroite avec leurs expériences du passé
(élections de 2006) et les enjeux de l’heure. Il ne s’agit pas ici de procéder à des enquêtes
approfondies de type classique mobilisant un arsenal de techniques et de théories
sophistiquées3, mais plutôt d’examiner rapidement, à travers les comportements (les faits :
actions, déclarations…), la dynamique d’acceptation et de rejet de ces gouverneurs arrivant au

1
  Il s’agit d’une réflexion de prospective politique faite au nom de la Dignité Humaine et de la Justice Sociale au
Maniema. Il est aussi question de remplir ma responsabilité sociale d’universitaire face à des situations de crise
potentielles nécessitant un dialogue entre toutes les catégories d’intellectuels du Maniema.
2
 Radio Okapi, “Election des gouverneurs au Kwango et au Maniema : la CENI publie la liste des candidats retenus’’
 https://www.radiookapi.net/2018/03/03/a ctualite/politique/election-des-gouverneurs-au-kwango-et-au-
maniema-la-ceni-publie-la [ Consulté le 3 mars 2018]
3
  Pour atteindre les groupes-cibles, cette réflexion est délibérément débarrassée de tout académisme encombrant.
Il s’agit donc d’une lecture simplifiée de faits disponibles dans le temps et dans l’espace pour l’audience visée. Même
les sources théoriques (articles et ouvrages élaborés sur les élections, la démocratie, la décentralisation, la
gouvernance, politiques publiques…) en sont simplement évacuées pour rendre le discours compréhensible par tous.
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sommet de la province du Maniema par une méthode d’imposition par les partis alliés au pouvoir.
L’analyse se penche aussi aux articles de presse consacrés aux questions électorales
(candidatures, campagnes électorales…) et à la gestion de la province du Maniema, notamment
les rapports entre l’exécutif provincial et l’Assemblée provinciale, sans oublier l’influence bien
visible de la société civile s’exerçant sur les deux institutions. Il faut aussi rester attentif aux
influences des instances politiques nationales pesant sur le fonctionnement des provinces ; le
développement économique et social de ces entités est toujours remis aux calendes grecques et
ce, malgré la présence des gestionnaires élus et l’abondance des ressources naturelles4.

Le Maniema constitue un cas emblématique de ces provinces où l’élection du gouverneur suscite
des inquiétudes, surtout quand on sait que la Majorité présidentielle a toujours imposé son
candidat et qui, au bout de la course, est le seul à sortir vainqueur. Concrètement parlant, quelles
leçons tirer du passé pour comprendre le comportement électoral possible des députés censés
élire le nouveau gouverneur du Maniema ? Y a-t-il opportunité de voter pour le candidat de la
Majorité suite à l’imposition ? Peut-on envisager un scenario contraire c’est-à-dire l’échec du
candidat imposé par cette dernière ? En d’autres termes, est-ce que les députés provinciaux du
Maniema ont pris conscience de coûts dus au vote généralement accordé au candidat de la
Majorité dont les abus5 demeurent sans précédent ?

En termes de prospective politique, ce questionnement permet globalement d’interroger les
victoires sans surprise commanditées de gouverneurs de province se révélant inefficaces après
coup, et de suggérer de nouvelles perspectives à privilégier par les députés provinciaux pour
favoriser l’ancrage de la démocratie à la base. Sur cette base, il est possible d’avancer une
hypothèse générale de l’échec du candidat de la Majorité dans l’élection attendue le 28 mars
prochain. Au-delà du profil controversé du candidat lui-même, il est crucial de noter que les abus
de ses prédécesseurs constituent une base argumentaire qui déterminera les députés dans leur

4
    L’on déplore cependant le fait que leur mise en valeur demeure à ce jour assez marginale.

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  Ce terme a un sens général ; il couvre toutes sortes de préjudices que les communautés ont subis du fait de la
mauvaise gouvernance de l’autorité (l’exécutif provincial) au Maniema et de l’absence d’application du principe de
redevabilité garantissant la transparence.
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vote pour ne pas laisser libre cours à la continuité des effets néfastes d’une gestion coupée de
toute orthodoxie.

Des précédents fâcheux pour la candidature imposée au poste de gouverneur de
province au Maniema : Justin Omolela Selemani

Si pendant les années de règne constitutionnel placé sous le label de la démocratie6 les députés
de la Majorité sur l’ensemble du territoire national pouvaient affirmer du zèle dans leurs soutiens
au régime en place, il faut cependant constater que leur enthousiasme déclinait à mesure que
l’on avançait vers la fin7. Autrement dit, les députés provinciaux se sentiraient de moins en moins
contraints au strict respect de la discipline du parti, surtout quand ils sont conscients de
l’inefficacité des actions entreprises par la hiérarchie du parti dans le contexte actuel.

Beaucoup de Congolais et ressortissants du Maniema, intellectuels ou non, constatent
simplement que la candidature de Monsieur Justin Omolela Selemani est malvenue au poste de
gouverneur de province. Dans sa livraison du 22 février 2018, kindu7.wordpress.com, un journal
en ligne consacré au Maniema, a alerté l’opinion sur les risques de dérapage que représentent
certaines candidatures dont celle de Monsieur Justin Omolela Selemani8. En effet, après avoir
rappelé la dénonciation faite par la Nouvelle Société Civile du Maniema, qui déplore les
démarches de certains hauts cadres du PPRD voulant induire le Chef de l’Etat en erreur en lui
présentant des « noms périmés » dans l’histoire politique du Maniema pour l’élection du
gouverneur, le journal souligne le passé peu glorieux de ce candidat en ces termes : « Justin
Omolela : Ancien ministre provincial de l’intérieur du Maniema, celui-ci fut déchu [de ses
fonctions] en 2008 par l’Assemblée provinciale du Maniema suite à l’incompétence. Incapable de
gérer un ministère provincial, quel miracle pour lui de gérer toute une province comme le
Maniema dont les défis surpassent [dont les défis sont énormes] ? »

6
  Notamment, les deux mandats successifs couverts par les élections de 2006 et 2011.
7
   Depuis le 19 décembre 2016, le régime survit grâce à des accords spéciaux dépourvus de toute légalité
constitutionnelle car ils n’ont jamais été prévus dans les dispositions transitoires ou finales de la Constitution en
vigueur en RDC.
8
  Election du Gouverneur du Maniema : on veut induire le RAÏS en erreur
https://kindu7.wordpress.com/2018/02/22/election-du-gouverneur-du-maniema-on-veut-induire-la-rais-en-
erreur/ [Consulté le 24 février 2018]
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A juste titre, il est fondamental de signaler que Monsieur Justin Omolela n’est pas seulement
incompétent dans le domaine de la gestion publique, comme le pense la Nouvelle Société Civile
du Maniema. Omolela l’est également et avant tout dans le domaine le plus sensible de la vie de
toute société humaine, à savoir : l’éthique. Spécifiquement parlant, dans le domaine académique
où il s’est forgé un nouveau statut social, celui de « Professeur d’université », il faut bien noter
que l’intéressé a violé les règles de l’art pour avoir servilement copié le mémoire pour le Diplôme
d’Études Supérieures (DES) d’un autre chercheur, qui se trouve être un Professeur de la Faculté
de Sciences sociales à l’Université de Kisangani. Ce mémoire a permis à Omolela de se prévaloir
auteur d’une thèse de doctorat, soutenue à l’Université de Kindu avec des complicités bien
assurées parmi les universitaires du Maniema ayant choisi le silence. Ces derniers ne peuvent
cependant pas prétendre en ignorer les coûts, notamment pour leur réputation aujourd’hui et
demain. Le plus gênant, c’est que le dernier mythe fort du Maniema, entretenu au travers de
nombreuses générations, est ainsi en train d’être démantelé devant leur regard passif et
complice ! « Ku Maniema, hakutoke boy », est-ce vrai encore aujourd’hui ? Si quelqu’un est
capable de s’approprier les œuvres de l’esprit d’une autre personne pour son élévation, peut-on
deviner les conséquences de son futur rapport à l’argent (biens matériels, en général) de la
province que l’on veut lui confier par l’astuce électorale à base d’imposition ?

En commettant la fraude universitaire (plagiat) pour obtenir gratuitement le dernier titre
universitaire (Docteur), il a cru ainsi aller de victoire en victoire au point de proférer des menaces
à l’endroit de sa victime, auteur du mémoire. Dans les pièces jointes au présent, l’on y découvre
des échanges discordants entre Monsieur Justin Omolela, niant les faits avec l’orgueil d’homme
politique sans éthique, et sa victime, rappelant au tricheur impénitent les conséquences de son
acte. Les processus de sanctions en cours à l’égard du concerné enclenchés au niveau national,
se heurtent depuis 2016 à des obstructions commanditées par certains cadres de son parti
politique. Omolela revient donc au Maniema ragaillardi et pense affronter les députés
provinciaux avec une victoire déjà empochée depuis Kinshasa.

Au vu de ce qui précède, qui prétendra demain s’étonner devant les abus inévitables d’un
candidat qui consolide chaque jour sa position à cause du « silence politiquement correct » des

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universitaires du Maniema ? Les « expériences démocratiques » au sommet de la province du
Maniema donnent l’image d’un chaos social et économique programmé puisque l’on assiste à un
phénomène de reproduction du « renouvellement politique sans renouveau ». La réponse des
universitaires, en tant que leaders d’opinion, se fait attendre. La population, quant à elle, a le
sentiment d’être victime du silence de ses élites (au pouvoir ou non).

Inauguration de la parodie de démocratie au Maniema : l’élection de Didier
Manara Linga, candidat de la Majorité présidentielle

Depuis les premières élections de la Troisième République, celles de 2006, le Maniema a connu
deux gouverneurs dont la gouvernance chaotique n’échappe à personne9. Pour preuve, ils sont
tous partis de leur poste dans des conditions qui ne riment pas avec le concept « honorable ».

Le règne de Didier (dit Didi) Manara Linga est le point de départ pour qui veut comprendre les
effets néfastes d’une démocratie piégée par la dictature de partis politiques dans les Etats en
transition. Ce député national du parti et de la Majorité au pouvoir (alors Alliance de la Majorité
présidentielle) a été préféré aux députés provinciaux comme gouverneur de la province du
Maniema. L’on sait pourtant qu’après son démantèlement de l’exécutif provincial du Maniema
pour mauvaise gouvernance, il est retourné à Kinshasa avec des garanties de rejoindre
l’Assemblée nationale, donnant ainsi aux observateurs non avertis l’impression commode de
n’avoir jamais commis d’abus susceptibles de l’entrainer sur le terrain judiciaire.

Pour rappel, AfricaNews renseigne que, dans une pétition transmise à Joseph Kabila en 2010, la
Société civile de Kasongo charge Didi Manara de malversation financière, de haute trahison, en
plus de propos malveillants contre le Chef de l’Etat et le gouvernement central, non sans
demander son éviction immédiate. Voici une synthèse de cette pétition livrée par le
journal précité :

9
  Les articles exploités pour décrire le règne de ces deux anciens gouverneurs du Maniema, sont disponibles (voir les
liens repris dans les références infrapaginales à travers le texte). Il n’existe aucun article portant démenti des sources
exploitées par l’auteur jusqu’à la date d’aujourd’hui.
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« Ça se corse pour Dr. Didier Manara Linga. Les esprits sont très surchauffés contre le gouverneur
du Maniema, et à Kinshasa, l’on faisait de plus en plus état d’une motion de défiance en gestation
contre Didier Manara à l’initiative des députés de son propre parti, le PPRD. Il y a peu, à Punia, la
population était descendue dans la rue pour réclamer la démission du gouv’. Et voilà que vient
d’atterrir sur la table de travail du président de la République, Joseph Kabila, une pétition qui
dénonce les méfaits et abus du gouv’ et demande son limogeage. Le texte rédigé et signé par des
délégués des 50 organisations de la Société civile du Maniema dont la Fédération des entreprises
du Congo - FEC - précisément de Kasongo, territoire d’origine de Manara, fait part des
détournements d’argent rétrocédé aux ETD, d’incitation à la haine tribale et des propos
malveillants à l’endroit du gouvernement central, accusé par le gouv’ de ne rien faire pour le
développement de la province. Accusations graves, très graves pour que Manara y survive.
Par exemple, celle ayant trait au dispatching des fonds alloués aux ETD et qui l’accable: Nous
avons découvert que de novembre 2008 à Juillet 2009, le gouverneur a mis à la disposition des
entités déconcentrées et décentralisées un montant global de 1.108.887 USD sur tout ce qu’il a
reçu du gouvernement central... », chargent les pétitionnaires avant de poursuivre : au regard du
tableau publié par le ministère du Budget, nous savons que l’enveloppe allouée par le
gouvernement central était, pour la même période, de plus ou moins 1.000.000 USD par mois,
ce qui nous donne le chiffre de USD 10 millions pour les 10 mois ». La Société civile constate donc
que Manara n’a alloué à ses entités que le 1/10 de l’enveloppe, gardant les 9/10, soit USD 9
millions pour lui ! Rien d’autre qu’un détournement.

La Société civile du Maniema s’insurge désormais contre la présence du Dr. Didi Manara Linga,
l’ancien médecin directeur, de l’Hôpital de Kipaka, à la tête de leur province. Elle l’a fait savoir
dans une pétition adressée au chef de l’Etat, Joseph Kabila Kabange, et réceptionnée le 20 janvier
2010 par le service courrier de la présidence de la nation. Alors que ses relations avec ses
camarades du PPRD/Maniema sont déjà mise à mal, le gouv’ vit un nouveau drame : la grave
accusation de la Société civile, particulièrement celle de Kasongo, son territoire d’origine. La
pétition de la Société civile du Maniema est une première contre un gouverneur de province.
Son importance grandit quand on considère qu’elle est la résultante des frustrations cumulées
par les paysans, ceux qui ne s’intéressent pas vraiment à la politique. Leur révolte mérite donc

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une attention particulière et risque de faire tache d’huile. Coaché jadis par Barnabé Kikaya, l’ex-
parsec de Kabila nommé ambassadeur en Grande Bretagne, Manara est en butte à ses premiers
gros ennuis depuis son entrée en fonction il y a trois ans. Ses farouches ennemis se recrutent
aujourd’hui dans la Société civile.

Déjà en brouille avec les siens, son seul soutien apparent reste celui du président de l’Assemblée
provinciale que les pétitionnaires disent être son frère de tribu. Encore faudra-t-il que cet appui
l’emporte sur les griefs musclés portés à charge de Manara. La Société civile elle, charge le
gouverneur de trois principaux maux : pillage des ressources de la province, incitation à la haine
tribale et à la division ainsi que trahison envers le gouvernement de la République et incitation à
la révolte populaire contre le gouvernement central. Les rédacteurs de la pétition alignent des
preuves écrasantes, comme celle de la gestion des fonds alloués aux ETD : « Nous avons
découvert que de novembre 2008 à juillet 2009, le gouverneur a mis à la disposition des entités
déconcentrées et décentralisées un montant global de USD 1.108.887 sur tout ce qu’il a reçu du
gouvernement central... », chargent les pétitionnaires. Ils évoquent un montant de USD 140.595
pour tous les territoires, soit une moyenne de USD 14.059,5 par mois pour les 7 territoires ou
encore plus ou moins USD 2.000 par mois par territoire ; USD 20.400 pour les 7 territoires ou
encore plus ou moins UDS 2.000 par mois par territoire : USD 120. 400 pour les 7 cités, soit USD
1,720 par cité par mois et USD 847.892 pour les 34 collectivités 10».

     L’on est ainsi tenté de penser que « plus on abuse, plus on se crédibilise et donc plus on a des
chances d’être promu à des hautes fonctions ». Aujourd’hui, l’impunité a une légitimité que
personne ne défie au Maniema. Manara se serait-il ressaisi pendant son séjour au Parlement,
peut-on s’interroger en voyant l’homme être réélu député national en 2011 ? Ce n’est jamais
tard pour les humains de changer, même si l’on demeurera encore longtemps sous l’emprise du
système et ses pratiques.

10
  AfricaNews - Maniema : le gouverneur Didier Manara accusé d’avoir détourné 9 millions Usd (25/01/10),
http://www.congoforum.be/fr/nieuwsdetail.asp?subitem=1&newsid=164710&Actualiteit=selected [Consulté le 3
mars 2018]
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Le long règne de Pascal Tutu Salumu malgré lui, ou l’institutionnalisation de la
parodie de démocratie au Maniema

Une rétrospective sur le cas atypique du règne de Tutu Salumu, qui risque de se reproduire avec
le mot d’ordre des mentors du parti au pouvoir, est nécessaire pour armer les députés
provinciaux contre le nouvel affront fait à la population du Maniema. Il s’agit de leur faire
comprendre pourquoi ils doivent affirmer leur indépendance face à cette infamie consistant à
assurer la reproduction du système de prédation avec la caution électorale légitimant les auteurs
d’abus.

Pascal Tutu Salumu, député provincial devenu aussi gouverneur par la volonté de la Majorité au
pouvoir, est l’illustration parfaite d’une parodie de démocratie au Maniema. Au nom de la
controversée discipline du parti imposant des consignes autoritaires de vote, Tutu a été « élu »
massivement contre toute attente. A sa sortie, la plus déshonorante dans l’histoire politique des
gouverneurs du Maniema, l’on redécouvre sans surprise le caractère artificiel et irréaliste du vote
antidémocratique qui l’avait porté au sommet de la province. La déchéance de ce dernier a été
marquée par un vote majoritaire et sincère de 16 voix pour et d’une seule voix contre, sans
compter les 3 abstentions fantaisistes sur un total de 20 députés présents à la séance du 16
décembre 2017.

Ci-dessous, est le condensé du récit de la parodie de démocratie électorale, tel que présenté par
Grâce Mbambi11, un témoin de l’événement dont la sincérité ne peut être questionnée par les
Maniemiens qui gardent frais les souvenirs de ce déni de citoyenneté en matière de participation
politique par voie d’élections :

      a) L’arrivée de Kabila bascule tout le calcul !

« Le président de la république Joseph Kabila débarque à Kindu pendant cette campagne
électorale d’une manière inattendue avec une face d’un vrai militaire après une absence de 4

11
  Grâce Mbambi, « Maniema : l’aire de Pascal Tutu Salumu, l’épisode d’un gouverneur avec un repos normal »,
https://kinduinfo.wordpress.com/2017/07/26/maniema-laire-de-pascal-tutu-salumu-lepisode-dun-gouverneur-
avec-un-repos-normal/ [ Consulté le 3 mars 2018]
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Parodies de démocratie électorale au Maniema : à qui profitent les abus des gouverneurs
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ans. Sa mission de quelques heures à Kindu parce qu’ensuite il doit se rendre en Afrique du sud
où il est invité pour assister au coup d’envoi de la coupe du monde, est de réunifier les députés
provinciaux qui avaient créé deux blocs au sein de l’hémicycle de l’Assemblée provinciale (le bloc
de G13 et celui de G11).

Après une série des consultations initiées au gouvernorat par le raïs en personne, Kabila gagne
son pari. Parce que, non seulement il a réussi à unifier à nouveau tous les élus provinciaux, mais
aussi il est parvenu à convaincre ces derniers à voter pour Tutu Salumu, candidat que Kabila
présente de son parti le PPRD. Mission terminée et Joseph Kabila prend son avion, direction le
pays de Nelson Mandela. Derrière lui les députés provinciaux votent à 98 % Tutu Salumu soit 22
voix sur 24. Tutu Salumu est hissé à la tête du Maniema et devient le 14e gouverneur de l’histoire
de la province du Maniema12.

      b) Un représentant de Kabila ou un gouverneur de province ?

Après son élection comme gouverneur de province, Pascal Tutu est devenu un enfant chéri de
Kabila. Malgré cet incident malheureux qui s’est produit à la tribune centrale de Kindu en 2011
lors de la campagne électorale présidentielle où Kabila a traité officiellement son protégé Tutu
devant un bain de foule comme un menteur pur et simple. Mais ceci n’a pas coupé les liens de
l’oncle et son neveu. Après, Kabila intensifie les voyages au Maniema jusqu’à annoncer le 29 juin
2016 devant plusieurs milliers de Kindusiens13 que c’est lui le gouverneur du Maniema. Donc,
celui qui va toucher Tutu Salumu, touchera directement Joseph Kabila14.

12
   Il semble, de l’avis de la majorité des observateurs présents à Kindu à cette époque, le Chef Prosper Tunda Kasongo
(candidat gouverneur) et son colistier, le Professeur Léonard N’Sanda Buleli (candidat vice-gouverneur), étaient
empêchés d’accéder à la salle pendant que leurs collègues députés conféraient avec le Chef de l’Etat sur l’élection
du nouvel exécutif provincial et les possibilités de réconciliation de deux blocs constitués de députés provinciaux
pendant la crise. Il y a lieu de s’interroger sur les mobiles de l’invalidation de sa nouvelle candidature sept ans après !
Peut-on, là, pressentir la popularité de ce dernier à travers ces rejets répétés et injustifiés de sa participation à la
compétition politique par voie d’élections ?
13
   Habitants de la ville de Kindu.
14
   Un peu comme ce fut sous le régime Mobutu avec la prétendue complicité Mobutu-Peuple, Mobutu-Mamans :
« Otumuli Mobutu, otumoli baMamans ; otumuli baMamans, otumoli Mobutu ».
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      c) Mais pourquoi Pascal est toujours épargné par tout contrôle parlementaire ?

C’est la question que plus d’un Maniemien se pose. Pascal Tutu est aussi le seul gouverneur qui
est invité rarement à l’Assemblée provinciale pour rendre compte15, malgré sa gestion chaotique
jugée par quelques Maniemiens16.

On n’aperçoit le célèbre gouverneur du Maniema à l’hémicycle que pendant la présentation du
projet budgétaire. Et le reste du temps, il est seulement dans son luxueux bureau climatisé au
gouvernorat de province ou encore dans la ville-province de Kinshasa où l’homme se rend
presque chaque mois ».

Quoi qu’il en soit, la carence des contrôles parlementaires, voire des conflits entre l’Assemblée
provinciale et l’exécutif provincial du Maniema est bien symptomatique d’un système clientéliste
dans un Etat néo-patrimonial. Les dénonciations ayant conduit au démantèlement de Pascal Tutu
Salumu après de longues années d’abus, seraient favorisées par ses excès d’enrichissement
personnel qui n’arrangeraient plus ses partenaires, à la fois nationaux et provinciaux, ces derniers
étant pourtant habitués depuis longtemps à le « comprendre » et à « coopérer » avec lui dans
ses opérations d’enrichissement17. Les dividendes tirés de l’exploitation de mines d’or par Banro
Mining Corporation (firme canadienne) à Salamabila, ne représentent qu’une facette de cet
empire aux frontières invisibles engagé dans le pillage organisé des ressources naturelles du pays
derrière une légalité apparente. Les transactions financières liées à cette exploitation d’or au
Maniema font justement partie de l’arsenal explicatif de la rupture entre Pascal Tutu et ses
partenaires provinciaux et nationaux.

15
   Darius Omari, « Maniema. Assemblée provinciale du Maniema. Le député Serge Kawaya déplore l’agissement
des membres du bureau de l’organe délibérant », Le vrai modérateur, no 134,
http://nabiisamwelihouse.org/index.php/component/k2/item/1008-maniema-assemblee-provinciale-du-
maniema-le-depute-serge-kawaya-deplore-l-agissement-des-membres-du-bureau-de-l-organe-deliberant
[Consulté le 4 mars 2018]
16
   Habitants ou ressortissants de la province du Maniema.
17
   Sachant que Pascal Tutu n’était manifestement redevable à personne au niveau provincial, son départ apparaît
plutôt comme le résultat d’une décision au sein de son parti et de la Majorité présidentielle au niveau supérieur
(national), qui auraient finalement autorisé son départ à cause d’abus graves dans son rôle de serviteur se faisant
passer pour un homme devenu indépendant et plus riche que ses commanditaires ! Donc, l’Assemblée provinciale
n’a fait qu’exécuter un ordre venu d’en haut avant d’être appelée à légitimer un nouveau client, qui risque
cependant d’être contesté car déconnecté de la clientèle locale (noyau provincial).
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C’est ici le lieu de souligner, au plan national, que l’opposition affichée ouvertement par les
opérateurs miniers à la promulgation du nouveau code minier congolais, constitue un indicateur
pertinent sur l’ampleur des torts subis en termes de privations par les populations locales
pendant de longues années d’exploitation incontrôlée et sans contrepartie réelle de ressources
naturelles du pays18. Pour gérer stratégiquement les pressions de la part de ces firmes
internationales du secteur minier, les autorités sont parfois amenées à prendre des décisions qui
n’ont rien à faire avec les procédures démocratiques, pourvu qu’elles contribuent à l’espérance
de vie du régime19. Ainsi, entre l’état chronique d’un peuple affamé et dépourvu d’une grande
capacité de pression, d’une part, et l’urgence de satisfaire à la demande des acteurs ambigus et
puissants que représentent les géants miniers, de l’autre, l’on peut bien deviner que c’est le
groupe représentant un moindre mal qui risquera d’être sacrifié20. Le potentiel de crédit
populaire qu’incarne la promulgation de ce code minier serait effectivement remarquable et
stratégique sur le plan de l’opinion, mais il n’est pas essentiel pour un régime qui,
constitutionnellement, joue aux prolongations et n’est plus préoccupé de gagner l’opinion à son
avantage. La manne financière que représentent les ces opérateurs miniers, même dans

18
   Les codes minier, forestier et des investissements remontant à 2002 étaient tous confectionnés en fonction de
recommandations néolibérales, marquant ainsi la rupture avec l’intransigeance du nationaliste et radical feu
Laurent-Désiré Kabila. Stratégiquement parlant, tout était fait au nom de la relance économique et diplomatique
d’un Congo longtemps demeuré isolé et appauvri par la guerre.
19
   Revue de presse par Radio Okapi, Le Potentiel : « Rencontre Kabila-miniers : entre chantage et marchandage », :
https://www.radiookapi.net/2018/03/06/actualite/revue-de-presse/le-potentiel-rencontre-kabila-miniers-entre-
chantage-et [6 mars 2018]
20
   Au-delà des analyses simplistes qui évoquent souvent cet élément subjectif, « le manque de volonté politique du
régime », pour expliquer les reports des élections et le refus même de les financer, il faudrait voir comment
l’influence et les intérêts de ces acteurs économiques internationaux structurent constamment et en profondeur les
enjeux et défis des « processus démocratiques » en même temps qu’ils conditionnent les actions d’un régime
reposant sur une base néo-patrimoniale (contrôle de ressources, clientélisme, parodie d’élections pour légitimer les
clients-défenseurs du régime…). La peur constante de ces opérateurs économiques internationaux de ne pouvoir
embrasser l’inconnu (un nouveau président qui afficherait des allures ultranationalistes) renforcerait également leur
penchant à soutenir la continuité des acteurs en place dont les modes opératoires sont maîtrisés et raisonnablement
acceptés ou tolérés. Il ne faudrait pas perdre de vue que, sur le plan politique, les filiales des multinationales opérant
en RDC font partie de la catégorie « clients » de tout régime dans le modèle néo-patrimonial, malgré la nature de
leurs activités (business). C’est pourquoi, proposant des garanties de soutiens, l’on ne peut s’étonner de les voir
espérer la non-promulgation du code minier sous sa forme actuelle. Le silence du président de la république ferait
aussi l’affaire quand on sait que ces firmes n’accepteraient jamais de subir des impositions relevant d’un code non
encore promulgué officiellement. Le dépassement du délai constitutionnel de 15 jours ne créerait aucune
soumission de la part des acteurs qui ont conscience d’être en position de force, surtout dans la conjoncture
électorale marquant l’année 2018.
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l’hypothèse où les taux de leurs impôts étaient légèrement majorés, correspond à un soutien
significatif à l’action gouvernementale.

L’élection prochaine du gouverneur de province au Maniema, une autre parodie
dont on n’ignore pas les conséquences, mais facile à déjouer sans frais !

« Ou le Roi ou Rien ! ». La discipline du parti qui semble justifier toutes les impositions de
candidatures, doit être bien interprétée par les élites qui dominent cette institution
démocratique appelée Assemblée provinciale. Pour servir la cause démocratique, la discipline du
parti devrait s’aligner sur la logique de la « baïonnette intelligente ». En effet, il ne s’agit pas de
subir, de se comporter de manière passive et peu rationnelle du type « exécution avant,
réclamation après » c’est-à-dire que les députés provinciaux votent (à l’aveuglette) d’abord pour
le candidat imposé par la haute hiérarchie du parti, avant d’ouvrir les yeux et d’envisager de le
chasser par des motions après des abus graves pourtant non soumis à des mécanismes de
réparation ou de restitution ! Tout nouveau gouverneur élu, qu’il vienne de la Majorité, comme
on s’est habitué, ou du camp des indépendants, comme certains aiment se blanchir en
proclamant une neutralité de circonstance, devrait être préparé à comprendre les enjeux et défis
sous-tendant son pouvoir dans le contexte actuel du Maniema—vache laitière.

En fait, on ne saurait favoriser l’exécution de mauvaises décisions dictées par les hauts cadres
d’un parti quand on sait pertinemment bien, que leurs effets seront dévastateurs. Toute gestion
rationnelle des ressources (humaines, principalement) devrait permettre d’anticiper c’est-à-dire
prévenir ou empêcher le recrutement d’un personnel politique21 défaillant : l’on reconnaît
aujourd’hui sans peine que les coûts (financiers, politiques, sociaux…)22 induits par les abus

21
   En général, l’élection en tant que mode de désignation des gestionnaires, est l’élément central qui confère aux
entités décentralisées le caractère politique. Il va donc que cette condition bénéficie d’une attention particulière
pour garantir la stabilité et le sens de gouvernement démocratique à la base.
22
   Sur le plan financier, on note le manque à gagner en recettes publiques ; sur le plan politique, il y a discrédit des
électeurs (les députés), pour avoir élu un gouverneur incompétent et sans intégrité ; sur le plan social, on relève les
privations dont sont victimes les populations et les conflits qui en découlent dans un contexte de pauvreté aggravée
par la mauvaise gouvernance de ressources (affectation de fonds à des dépenses non prévues dans le budget et le
manque de justice sociale dans le recrutement du personnel des régies créées pour une prédation à visage légal). La
mauvaise distribution des opportunités est un facteur de tensions sociales, observée sous le régime de Pascal Tutu
Salumu. Les récentes nominations des administrateurs (titulaires et adjoints) ont reproduit les mêmes patterns au
Maniema sous l’influence de mêmes clients égoïstes du régime.
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commis sur une longue durée par des « gouverneurs de la malgouvernance » sont très élevés et
justifient le niveau de turn-over        23   au sommet de la province du Maniema. Des élections sont
formellement organisées pour relancer la bonne gouvernance alors qu’en fait les mauvais
candidats imposés au poste de gouverneur sont les produits de choix de hautes instances
politiques nationales dont les acteurs (individus, partis, plateforme) affichent des convictions et
des intérêts qui, le plus souvent, ne correspondent pas aux véritables enjeux électoraux des
entités visées. Explicitement, la population du Maniema est préoccupée par un changement
positif pour tous, ce qui est en contraste avec la logique des prébendes soutenue par les mentors
du parti se battant pour leurs candidats-clients !

Même dans l’hypothèse où il faudrait respecter le droit de la Majorité de proposer voire imposer
ses candidats, pourquoi ne miserait-elle pas sur ses meilleurs hommes et ses meilleures femmes
pour reconquérir le crédit qui lui manque cruellement aujourd’hui ? Dans les faits, ce qui rend
l’ethnicité désagréable et contre-productive, comme dans le clan de la Majorité et surtout du
parti qui se veut dominant (PPRD), c’est de vouloir investir coûte que coûte dans les moins
compétents professionnellement. Les tâtonnements dans la composition de la liste des candidats
de la Majorité présidentielle sont révélateurs du manque de consensus entre partis à ce sujet :
on y décèle les luttes sous-jacentes de leadership et on y voit particulièrement comment les
principaux mentors du parti qui se veut dominant, se livrent bataille pour faire passer leurs
candidats au détriment d’autres partis alliés dont les candidats ne seraient pas dociles aux yeux

23
   Taux de rotation des gouverneurs, une situation suscitée par les élections parodiées. Celles-ci ne sauraient
nullement assurer la stabilité des gestionnaires et la réalisation des projets de développement nécessitant
l’implémentation des politiques publiques basées sur le long terme (projets utiles et durables favorisant l’intégration
et l’épanouissement des communautés). Sans la complaisance due à des complicités multiples (provinciale et
nationale), le Maniema aurait connu un nouvel exécutif depuis bien longtemps et qui, s’il ne se montrait pas sérieux,
serait aussi remplacé sans délai. Soit, de 2010 à 2018, on aurait connu un nouveau gouverneur chaque 3 ans comme
durée moyenne, vu l’ampleur d’abus passés sous silence (cover-up) pendant sept ans sous Pascal Tutu Salumu. Ainsi,
une étude « scientifique » qui attribuerait à Pascal Tutu les modestes progrès accomplis (infrastructures de la ville
de Kindu, particulièrement) pendant la période considérée, alors que l’on sait qu’ils sont l’œuvre du Gouvernement
central, serait tout simplement une autre supercherie intellectuelle. Une étude sérieuse, par contre, est celle qui se
pencherait à démontrer comment la province a été mal gérée (décrivant les actions, les acteurs et les complicités)
et discuter sur la base de faits pourquoi les hautes instances de la Majorité ont jugé opportun de demander à
l’Assemblée provinciale de se débarrasser de Pascal Tutu maintenant seulement avant de surgir avec une liste de
candidats extérieurs à l’Assemblée et qui empêche à la démocratie de fonctionner de manière autonome au niveau
provincial. Toute autre chose ne serait qu’un travail idéologique et contre-productif, donc inutile pour la science et
pour la société.
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de principaux commanditaires trônant à Kinshasa. La Majorité présidentielle a tâtonné deux fois
avant de désigner de façon définitive son candidat vice-gouverneur. Cependant, elle a
constamment repris le nom de son candidat gouverneur qui, pour bien des observateurs,
constitue un vrai problème (son manque de crédit populaire) et qui peut faire échouer cette liste
du régime. La Commission électorale nationale indépendante (CENI), pour sa part, a invalidé
certaines candidatures indépendantes sans en présenter les causes24 c’est-à-dire des explications
pertinentes au regard de dispositions légales en la matière (conditions d’éligibilité et de
recevabilité des dossiers de candidature).

C’est pourquoi, même si l’on estime stratégique de préserver la cohésion au sein du parti en
s’empêchant tout tiraillement sur la composition de la liste des candidats (gouverneur et vice-
gouverneur), il reste essentiel voire déterminant pour les députés provinciaux de voter pour qui
ils veulent. Ceci leur permettrait de sanctionner de façon démocratique et exemplaire, à la fois
les candidats imposés et les hauts cadres du parti ou de la plateforme (Majorité présidentielle)
pour leur manque de considération à l’égard des provinces et des communautés de base. Ce
serait une façon pragmatique de contribuer à l’éducation à la citoyenneté véritable et à la
démocratie par la base.

Malgré le poids de l’ethnicité, identifiée comme une des constantes significatives dans la
politique congolaise, il convient de reconnaître que le Maniema a déjà démontré sa capacité à
surmonter les clivages ethniques et le fanatisme tribal, et à focaliser ses énergies sur la survie de
ses institutions. L’on doit se rappeler que les auteurs des motions qui ont ébranlé les deux règnes
appartenant désormais au musée politique du Maniema, étaient eux-mêmes originaires de
territoires d’origine des gouverneurs concernés. En d’autres termes, Didi Manara Linga a été
contraint à démissionner à la suite d’une vague d’accusations initiées principalement par des
ressortissants de son propre territoire (Kasongo). Il en est de même de Pascal Tutu Salumu : celui-
ci est du territoire de Kabambare dont le député Jumaini Malisawa, appartenant à la Majorité

24
  Les candidatures invalidées pour deux listes des indépendants dans la province du Maniema concernent : Shabani
bin Sueni Modeste (gouverneur) et Ndjoloko Tambwe Bathe (vice-gouverneur) ; Tunda Kasongo Prosper
(gouverneur) et Pataule Kalema Josué (vice-gouverneur). Voir : Communiqué de presse no 002/CENI-RDC/18 du 02
mars 2018.
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présidentielle, est aussi originaire. Ces deux faits, anodins en apparence, sont des indicateurs qui
révèlent le niveau de maturité politique atteint par les représentants de sept territoires du
Maniema, siégeant au sein de l’Assemblée provinciale.

Accepter à la fois de jouer, d’une part, le rôle légitime de contrôle parlementaire vis-à-vis de
l’exécutif provincial (le gouverneur, principalement) et, d’autre part, le rôle sordide de plébiscite
en faveur d’un candidat imposé, ne serait qu’une aberration inacceptable. Il suffit de songer aux
risques sécuritaires et aux conflits potentiels qu’alimente cette parodie d’élection parmi les
députés eux-mêmes et les ex-gouverneurs imposés d’en haut mais chassés plus tard à l’initiative
de ressortissants de leurs propres territoires, sinon leurs propres terroirs (collectivités ou
groupements). Ces députés sont exposés à des ennuis, notamment l’éventuelle vengeance de la
part des personnalités politiques éjectées et leurs fanatiques (soutiens de partis, soutiens de
clans ou parents, soutiens de réseaux mafieux impliqués dans le business, opérateurs
économiques bénéficiant d’un régime de monopole, exemptions, exonérations…). Il convient d’y
réfléchir profondément et d’agir en conséquence.

Pourquoi donc reconnaître la légitimité des députés provinciaux uniquement dans le rôle devenu
ambigu, celui de débarrasser la province d’un gouverneur devenu encombrant de par ses abus
et, plutôt que de leur laisser la liberté de parachever leur travail, leur demander de légitimer un
nouveau bourreau pour la population qu’ils représentent ? C’est une méthode qui rappelle l’une
des pratiques de répression sous la colonisation, consistant à faire flageller à la chicote, des
populations dites indigènes par leurs homologues indigènes. Telle situation créait ainsi une
fausse culpabilisation des Noirs colonisés face à d’autres colonisés, alors qu’en réalité c’est
l’intrusion des agents coloniaux, donneurs d’ordres, du reste illégitimes, qui était source
d’amertume au sein des communautés. Si les acteurs politiques sont constamment
instrumentalisés au point de provoquer une polarisation de groupes d’élites ou de territoires
d’une même province, il est possible de déboucher sur des conflits ouverts à moyen ou long
terme: d’un côté, les groupes ou territoires réputés légitimes par clientélisme pour exercer le
pouvoir politique provincial à travers de fausses élections, et de l’autre, ceux étiquetés illégitimes
pourtant relevant tous d’une même famille politique (Majorité présidentielle).

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Remarques finales

Il n’y a pas de doute que l’Etat congolais, dans sa configuration politique depuis Mobutu,
correspond encore aujourd’hui au modèle néo-patrimonial. Celui-ci est caractérisé par des
réseaux clientélistes, ce qui suppose des niveaux ou échelons divers distinguant les patrons de
clients, du sommet à la base, dont l’unité d’objectifs est assurée par un groupe restreint
d’hommes autour du détenteur exclusif du pouvoir politique (Le chef de l’Etat). Les échanges
réciproques de soutiens et allégeance des clients, d’une part, et de distribution de postes et
autres avantages matériels venant du sommet, de l’autre, ne doivent pas demeurer le privilège
d’un groupe ou de quelques groupes prédéfinis comme incarnant la confiance du patron
(président de la république) et des sous-patrons (les mentors du parti ou de la Majorité).

Quand tout le monde sait que l’accès au pouvoir politique ouvre le chemin vers l’acquisition du
matériel (l’argent sous diverses formes, donc les avantages matériels formant le patrimoine),
selon cette formule quelque peu cynique « Il faut gouverner pour posséder25 », ou tout au moins
« gérer », il devient urgent de considérer les intérêts des uns et des autres dans le système néo-
patrimonial. Les groupes qui sont constamment contournés au cours du recrutement politique,
seraient donc condamnés à la pauvreté, si pas simplement à l’appauvrissement. Les ressources
dont bénéficient ceux qui sont privilégiés comme de meilleurs clients, sont parfois logées sur le
sol ou dans le sous-sol appartenant aux aires géographiques des élites exclues, ce qui est une
source évidente de profondes frustrations et de conflits potentiels26.

25
   Malgré l’existence d’un gouvernement parallèle (acteurs informels mais influents, souvent parents ou alliés) dans
le fonctionnement réel de la plupart des systèmes à faible institutionnalisation du pouvoir politique, en principe, il
faut « être » gouvernant pour « gouverner » ou « gérer » ou encore « administrer » une cité. C’est ainsi seulement
que l’on peut acquérir ou « avoir » ou encore « posséder » des biens matériels. L’être se reflète dans le statut ou le
titre politique dont on est revêtu (gouverneur), mais l’acteur politique génère, grâce au pouvoir politique dont il
dispose, le pouvoir économique (le patrimoine) qui s’amplifie par accumulation pour la formation de la richesse.
L’on sait que d’autres accèdent au pouvoir politique grâce à leur pouvoir économique (« posséder pour gouverner »).
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   Le groupe maï-maï dit Malaika dirigé par Sheikh Assan dans le Sud-Maniema (territoire de Kabambare), n’échappe
pas à cette logique de réaction à une frustration suscitée par la privation (avoir) et l’exclusion (être). C’est aussi le
cas de nombreuses milices qui écument les ressources naturelles dans les enclaves de l’Est du pays. Ces opérateurs
de la violence sont, généralement, des laissés-pour-compte des régimes successifs que le pays a connus depuis les
années 60 avec les premiers rebelles, vengeurs de Lumumba. En d’autres termes, l’ampleur (le nombre et la
dangerosité) de ces groupes dans des espaces bien localisés à travers le pays, constitue un indicateur pertinent pour
mesurer le niveau de paupérisation de masse parmi les populations (en particulier, les jeunes qui constituent la cible
des recruteurs/seigneurs de guerre).
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