Particularités des nouvelles drogues Distinctive features of illicit drugs

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Réanimation 15 (2006) 412–417
                                                                                                                      http://france.elsevier.com/direct/REAURG/

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                                             Particularités des nouvelles drogues
                                               Distinctive features of illicit drugs
                                                             F. Lapostollea,*, F. Fleschb
                                     a
                                         Samu 93, EA 3409, hôpital Avicenne, 125, route de Stalingrad, 93009 Bobigny, France
                                         b
                                           Centre Antipoison, hôpitaux universitaires, BP 426, 67091 Strasbourg cedex, France

                                                              Disponible sur internet le 21 juillet 2006

Résumé
    La consommation de drogues telles cocaïne, opiacés, ecstasy, acide gamma-hydrobutyrique (GHB), datura, psilocybe, kétamine, peut induire
des manifestations cliniques sévères. L’hyperthermie est constamment associée aux intoxications graves par cocaïne et ecstasy et peut engendrer
d’autres effets cliniques graves voire mortels. Le traitement de l’hyperthermie par les techniques physiques usuelles de refroidissement relève de
l’extrême urgence et est une étape décisive dans la prévention de la mortalité. Le traitement de ces intoxications est, par ailleurs, principalement
symptomatique. L’utilisation de la naloxone peut être une alternative pour éviter une intubation–ventilation en cas d’intoxications par les opiacés;
son utilisation est néanmoins délicate et non recommandée en cas d’intoxication par la buprénorphine.
© 2006 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
Abstract
    Severe acute adverse effects may following ingestion of drugs such cocaine, opiates, ecstasy, gamma hydroxybutyric acid (GHB), datura,
psilocybe, ketamine. Hyperthermia , which can induce other associated clinical problems and occasionally death, is always associated with severe
intoxications by cocaine and ecstasy. Rapid and agressive control of hyperthermia by general cooling measures is a significant step in preventing
mortality . The treatment of illicite drugs intoxications is mainly symptomatic. The use of naloxone may be an alternative to avoid intubation/
ventilation in opiates poisonings; nevertheless the use of naloxone is tricky and is not recommended in cases of buprenorphine poisoning.
© 2006 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.

Mots clés : Cocaïne ; Opiacés ; Ecstasy ; Acide gamma-hydrobutyrique (GHB) ; Datura ; Psilocybe ; Kétamine ; Hyperthermie ; Naloxone

Keywords: Cocaine; Opiates; Ecstasy; Gamma hydroxybutyric acid (GHB); Datura; Psilocybe; Ketamine; Hyperthermia; Naloxone

1. Cocaïne et Crack                                                                  des symptômes, y compris les plus graves relèvent d’un traite-
                                                                                     ment symptomatique.
   La cocaïne, benzoylméthylecgonine, est extraite de la feuille                         Compte tenu du mode usuel de consommation de la cocaïne
d’une plante, la coca, Erythroxylon coca [1,2]. Le « crack » est                     [qui se sniffe] et du crack [qui se fume], les techniques d’épu-
un dérivé de cocaïne obtenu par mélange avec du bicarbonate                          ration n’ont pas leur place dans cette intoxication.
de sodium donnant par chauffage un précipité cristallisé qui se
fume [3]. Une liposolubilité importante lui confère une biodis-                      1.1. L’hyperthermie
ponibilité très élevée.
   La toxicité de la cocaïne et du crack est essentiellement psy-                       Elle est constamment associée aux intoxications symptoma-
chiatrique, neurologique et cardiovasculaire [4,5]. La plupart                       tiques. Elle constitue un facteur pronostic indépendant des into-
                                                                                     xications par la cocaïne. Elle doit être rapidement jugulée [6,7].
  * Auteur  correspondant.
                                                                                     Les différents composants de l’hyperthermie doivent être
    Adresses e-mail : frederic.lapostolle@avc.ap-hop-paris.fr (F. Lapostolle),       considérés. Aucune technique spécifique de refroidissement
flesch.francoise@chru-strasbourg.fr (F. Flesch).                                     n’a montré sa supériorité dans cette indication. Les techniques
1624-0693/$ - see front matter © 2006 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.reaurg.2006.07.002
F. Lapostolle, F. Flesch / Réanimation 15 (2006) 412–417                                    413

physiques usuelles de refroidissement sont indiquées : refroi-            permettent de réduire la pression artérielle, la fréquence car-
dissement des axes vasculaires par de la glace, vaporisation              diaque et la consommation en oxygène.
d’air frais, lavage gastrique à l’eau froide voire perfusion de
solutés refroidis. L’efficacité de ces techniques n’a pas été             1.5.1. Les poussées hypertensives
comparée.                                                                    Elles sont traitées, en première intention, par des sédatifs.
   Les benzodiazépines participent à réduire la température. La           En seconde intention ou d’emblée en cas de poussée hyperten-
sédation induit une réduction de l’activité motrice, principale           sive sévère, sont utilisés les dérivés nitrés ou les inhibiteurs
source de thermogenèse, qui rend compte de l’impact des ben-              calciques injectables. Les molécules antagonistes bêta-
zodiazépines sur la mortalité dans ces intoxications [8]. Le              adrénergiques sont actuellement déconseillées dans cette indi-
bénéfice des autres traitements sédatifs semble moindre. Le               cation [9–11].
dantrolène ne semble pas utile dans cette indication.
   Le contrôle de l’homéostasie doit être associé. Une déshy-             1.5.2. Les syndromes coronaires aigus
dratation, souvent présente, compromet l’efficacité du contrôle
                                                                             Les syndromes coronaires aigus ne relèvent pas de traite-
de la température en limitant l’évaporation cutanée, principale
                                                                          ments spécifiques. Comme dans les syndromes coronaires
source de thermolyse physiologique.
                                                                          aigus classiques, les dérivés nitrés doivent être largement utili-
                                                                          sés [12]. Ils réduisent la douleur thoracique en réduisant la
1.2. Les états d’agitation                                                pression artérielle [13]. L’administration d’aspirine est aussi
                                                                          indiquée, en l’absence d’argument pour un accident vasculaire
   Ils sont traités en première intention par les benzodiazépi-           cérébral hémorragique [9]. L’intérêt des inhibiteurs calciques
nes. Outre le bénéfice sur l’activité motrice évoqué précédem-            est controversé. Leur utilisation n’est donc licite qu’en cas
ment, les benzodiazépines agissent positivement sur les symp-             d’échec des autres traitements. Fibrinolyse et angioplastie ont
tômes cardiovasculaires, tachycardie et hypertension. En outre,           été utilisées avec succès au cours des infarctus du myocarde
l’utilisation de benzodiazépines limite les complications si              secondaires à la consommation de cocaïne. Toutefois, l’angio-
l’agitation est due à une autre cause [intoxication éthylique,            plastie est préférable lorsqu’elle est réalisable dans un délai
sevrage, lésion du système nerveux central, etc.]. Le diazépam            court, afin de limiter les risques hémorragiques dans ce
ou le midazolam peuvent être utilisés dans cette indication. Les          contexte propice à l’hypertension artérielle et aux hémorragies
doses requises pour obtenir les effets désirés sont parfois éle-          cérébrales [9].
vées.
   En cas d’échec, le recours aux neuroleptiques est logique              1.5.3. Les troubles du rythme
mais doit être entouré de précautions en raison du risque d’hy-
                                                                              Ils sont le plus souvent contrôlés par le traitement de l’agi-
perthermie.
                                                                          tation, de la température, la réhydration et le contrôle des trou-
                                                                          bles hydroélectrolytiques [9]. Dans le cas contraire, ils sont
1.3. Les convulsions                                                      traités, selon leur nature, conformément aux recommandations
                                                                          [9,10]. Les troubles du rythme supraventriculaires sont traités
   Elles sont traitées conformément aux recommandations, en               par inhibiteurs calciques : diltiazem ou verapamil [9,14]. Les
première intention par les benzodiazépines. Seuls le contrôle de          anomalies électrocardiographiques évocatrices d’un effet stabi-
la température et l’administration de diazépam permettaient,              lisant de membrane : élargissement des complexes QRS dans
expérimentalement de contrôler les convulsions et de réduire              un contexte d’allongement de l’espace QT peuvent être impu-
la mortalité de chiens intoxiqués par la cocaïne [8]. En cas              tés à un effet de type antiarythmique de classe I de la cocaïne et
d’échec, le recours au phénobarbital est proposé.                         traités par administration de soluté salé hypertonique [15].
                                                                          Enfin, les tachycardies ventriculaires sont traitées par amioda-
1.4. Les accidents vasculaires cérébraux                                  rone ou lidocaïne [9,16]. Il n’a pas été rapporté de toxicité liée
                                                                          à l’administration d’un anti-arythmique de classe I à un patient
    Les accidents vasculaires cérébraux des intoxications par la          intoxiqué par la cocaïne.
cocaïne peuvent être ischémiques ou hémorragiques. Ils favo-
risent les convulsions. Il n’existe pas de données sur les traite-        1.6. L’utilisation d’un curare dépolarisant
ments spécifiques de ces complications neurologiques centra-
les.                                                                         L’utilisation d’un curare dépolarisant est déconseillée dans
                                                                          les intoxications par cocaïne et crack. Leur dégradation par les
1.5. Les manifestations cardiovasculaires                                 cholinestérases, qui dégrade aussi la cocaïne, risque d’en
                                                                          majorer la toxicité. Les autres médicaments potentiellement
   Les manifestations cardiovasculaires des intoxications par la          synergiques avec la cocaïne doivent être évités dont les sympa-
cocaïne sont les poussées hypertensives, ischémie myocar-                 thomimétiques, les vasoconstricteurs, les antidépresseurs tricy-
dique, tachycardie et troubles du rythme [9,10]. Ces tableaux             cliques, les anticholinestérasiques, les anesthésiques locaux, le
sont efficacement traités par les benzodiazépines [9,10]. Elles           pancuronium, la kétamine, la naloxone…
414                                            F. Lapostolle, F. Flesch / Réanimation 15 (2006) 412–417

2. Opiacés                                                                     patient. Cette posologie est ensuite décroissante en fonction
                                                                               de l’évolution de la fréquence respiratoire. L’observation des
    L’introduction des stratégies de substitution a considérable-              patients doit se poursuivre au moins 6 heures au décours de
ment réduit l’incidence des intoxications opiacées, leur morbi-                ce traitement. L’objectif principal de ce traitement étant d’évi-
mortalité et leur profil [17]. Le nombre d’overdoses par injec-                ter l’intubation des patients, il n’est pas logique d’utiliser la
tions d’héroïne a considérablement diminué et elles ont été                    naloxone lorsque l’intubation est indiquée pour une autre com-
partiellement remplacées par les intoxications par la méthadone                plication respiratoire. Cela est évident en cas d’arrêt cardiocir-
et la buprénorphine (Subutex®) [18,19].                                        culatoire ou de pneumopathie d’inhalation qui rendent néces-
    La toxicité des opiacés est essentiellement neurologique et                saires le recours à l’intubation et à la ventilation.
respiratoire. Dans tous les cas, le tableau clinique est identique.                Cette stratégie thérapeutique est indiquée au cours des into-
Il associe coma, bradypnée et myosis [20]. En revanche, la                     xications par l’héroïne. L’intoxication par la méthadone, s’in-
méthadone et la buprénorphine ont une demi-vie beaucoup                        scrit aussi, parfaitement, dans ce cadre. Le traitement par nalo-
plus longue que celle de l’héroïne ce qui influence les choix                  xone est efficace et permet le plus souvent d’éviter l’intubation
thérapeutiques (Tableau 1) [20–23].                                            et la ventilation. La mise en route d’un traitement d’entretien et
    Compte tenu du mode usuel de consommation de l’héroïne                     une surveillance prolongée sont requis en raison de la longue
(injectée) les techniques d’épuration n’ont pas leur place dans                demi-vie de la méthadone [27]. Compte tenu de la demi-vie de
cette intoxication. Au cours des intoxications par ingestion de                la méthadone, il n’est pas certain que cette option thérapeu-
méthadone ou de buprénorphine, l’épuration digestive est indi-                 tique soit la meilleure. Aucune étude ne permet à ce jour de
quée dans la première heure, conformément aux recommanda-                      choisir entre l’intubation pour la ventilation et le traitement
tions en vigueur [24,25].                                                      par antidote. Ce choix se fait en fonction du patient, de sa
    À l’exclusion des complications dues au coma, un traite-                   situation clinique et des moyens disponibles.
ment symptomatique par intubation et ventilation est, dans                         L’efficacité de la naloxone lors des intoxications par la
tous les cas suffisant, dans l’attente de l’élimination du toxique.            buprénorphine (Subutex®) n’est pas suffisante pour en recom-
Le traitement par antidote (antagoniste compétitif), la naloxone               mander l’utilisation. La naloxone peut reverser la toxicité de la
est une alternative qui a pour objectif d’éviter le recours à l’in-            buprénorphine mais au prix de doses très élevées et d’un délai
tubation et à la ventilation [26].                                             d’efficacité le plus souvent incompatible avec l’urgence [28].
    Cependant, l’utilisation de la naloxone est délicate car l’ob-             Dans ce cas, l’intubation et la ventilation constituent le traite-
tention du réveil du patient, généralement toxicomane, est le                  ment de première intention.
plus souvent suivie de sa fuite et l’expose à la réapparition de
la symptomatologie et du risque respiratoire. Le réveil du                     3. Ecstasy
patient ne doit donc pas être l’objectif à atteindre lors de l’uti-
lisation de la naloxone. L’obtention d’une fréquence respira-
                                                                                  L’ecstasy (ou MDMA) est un dérivé amphétaminique
toire supérieure à 10/minute qui met à l’abri d’une apnée est
                                                                               obtenu par N-méthylation de la méthylène dioxyamphétamique
l’objectif à atteindre. Pour atteindre cet objectif sans réveiller le
                                                                               (MDA). L’ecstasy se vend sous forme de capsules ou compri-
patient, il faut titrer la naloxone : dilution de 0,4 mg (une
                                                                               més de couleurs et de formes variées qui renferment entre 50 et
ampoule) dans 10 ml soit une concentration de 0,04 mg/ml.
                                                                               150 mg de MDMA.
L’administration de 1 ml toutes les 2 à 3 minutes avec un
contrôle constant de la fréquence respiratoire permet le
contrôle de l’état respiratoire du patient en évitant son réveil               3.1. Cinétique
et sa fuite [26]. Il est ensuite nécessaire, compte tenu de la
courte demi-vie de la naloxone, de prendre le relais par une                      Après prise orale, la MDMA est absorbée en 20 à 60 minu-
administration continue. Celle-ci se fait à la seringue électrique             tes. Le pic plasmatique est atteint en 2 à 3 heures. L’élimina-
en utilisant une posologie (en mg/heure) proche de celle (en                   tion est urinaire. Sept à dix pour cent de la MDMA sont N-
mg) ayant permis le contrôle de la fréquence respiratoire du                   déméthylés en MDA au niveau hépatique. La MDA est le
Tableau 1
Méthadone et buprénorphine : principales données pharmacodynamiques et pharmacocinétiques
                                                   Méthadone                                          Buprénorphine (Subutex®)
Pharmacodynamique                                  Agoniste des récepteurs μ                          Agoniste des récepteurs μ
                                                                                                      Antagoniste des récepteurs k
Voie d'administration                              Per os                                             Sublinguale
Dose initiale de substitution                      20 mg                                              0,8 mg
Coût journalier moyen                              1,14 à 1,61 €                                      3,41 €
Biodisponibilité (%)                               80                                                 50
Délai d'apparition pic de concentration (h)        3                                                  3
Métabolisme                                        Hépatique                                          Hépatique
Élimination                                        Urinaire > fécès                                   Fécès (70 %) > urines (25 %)
Demi-vie d'élimination (h)                         25                                                 20–25
F. Lapostolle, F. Flesch / Réanimation 15 (2006) 412–417                                     415

métabolite principal. La sévérité des symptômes ne semble pas            3.4. Prise en charge thérapeutique
corrélée à la dose ingérée.
                                                                             Le traitement est symptomatique avec maintien d’une venti-
3.2. Mécanismes d’action                                                 lation efficace, traitement des convulsions, correction des trou-
                                                                         bles hémodynamiques, traitement de l’hyperthermie. Le traite-
    L’ecstasy et les molécules apparentées [MDEA : 3,4-                  ment de l’hyperthermie par les techniques physiques usuelles
méthylène dioxyéthylamphétamine - MDBD : 2-methylamino-                  de refroidissement relève de l’extrême urgence. L’efficacité du
1-(3,4-methylenedioxyphenyl)butane] ont une structure méthy-             dantrolène n’a pas été prouvée par des études randomisées ;
lène dioxyamphétamine, proche de la mescaline avec une forte             son utilisation éventuelle n’est donc fondée que sur la publica-
affinité pour les récepteurs sérotoninergiques et moindre pour           tion de cas ponctuels [35–37] et le résultat de quelques études
les récepteurs dopaminergiques et adrénergiques. Les mécanis-            expérimentales L’utilisation d’antagonistes des récepteurs séro-
mes de toxicité de la MDMA sur les terminaisons sérotoninergi-           toninergiques (cyproheptadine, chlorpromazine, methysergide,
ques sont complexes et ne sont encore qu’incomplètement com-             propranolol⋯) n’est pas recommandée.
pris [29].
                                                                         4. GHB
3.3. Effets cliniques
                                                                            Le GHB (gamma hydroxybutyrate ou gamma-OH, encore
                                                                         appelé « liquid ecstasy ») est une substance GABA mimétique
   Les principaux effets décrits dans les cas d’intoxications
                                                                         qui a été utilisée comme anesthésique ainsi que dans le traite-
sévères sont [30] :
                                                                         ment de la narcolepsie, du sevrage alcoolique et des symptô-
                                                                         mes de la fibromyalgie.
3.3.1. L’hyperthermie [31–33]                                               Le GHB est un constituant endogène de l’organisme dont le
    De nombreux cas d’hyperthermie ont été rapportés dans la             rôle principal serait le contrôle de l’activité de certaines synap-
littérature. Cette hyperthermie est constante dans les tableaux          ses GABA du système nerveux central [38].
graves. Elle est favorisée par la combinaison d’efforts physi-              Du fait de ses propriétés, le GHB a été détourné de ses indi-
ques intenses et prolongés dans des lieux à température                  cations thérapeutiques; il est devenu populaire dans les années
ambiante élevée, souvent associés à une hydratation insuffi-             1980 auprès des body builders californiens pour son effet sup-
sante.                                                                   posé d’accroissement de la masse musculaire.
                                                                            À partir de 1990 son utilisation à des fins récréatives s’est
3.3.2. Effets neurologiques                                              répandue chez les participants aux rave-parties en raison de ses
    Les convulsions sont une complication des intoxications              propriétés sédatives, anxiolytiques et euphorisantes. Son admi-
sévères et sont la conséquence d’une hyperthermie majeure                nistration à l’insu des victimes en a également fait une drogue
ou d’un œdème cérébral dû à une hyponatrémie profonde,                   de soumission pour les agresseurs sexuels.
elle-même consécutive à une intoxication à l’eau.                           Sa classification au tableau des stupéfiants en France (JO du
                                                                         5 mai 1999) a induit la consommation substitutive de 1,4-
3.3.3. Effets cardiovasculaires                                          butanediol (BD) et de gamma butyrolactone (GBL) [39].
   Hypertension et tachycardie sont fréquemment signalées.                  GBL est un solvant industriel présent dans certaines peintu-
Dans les intoxications sévères on peut noter un collapsus                res et dissolvants. Après ingestion, il est métabolisé en GHB et
ainsi que des troubles du rythme, type tachycardie ou fibrilla-          sa biodisponibilité est supérieure à celle du GHB. BD est un
tion ventriculaire.                                                      alcool aliphatique utilisé dans la fabrication des polymères et
                                                                         polyuréthanes. Sa métabolisation en GHB est inhibée par l’al-
                                                                         cool, vraisemblablement par un mécanisme de compétition
3.3.4. Effets hépatiques
                                                                         avec l’alcool déshydrogénase.
   L’hépatotoxicité de l’ecstasy ne semble liée ni à la dose, ni à
                                                                            Les manifestations cliniques induites par le GHB et ses pré-
la durée cumulée de l’exposition. L’évolution de l’atteinte
                                                                         curseurs comprennent [39] :
hépatique est variable, de la résolution spontanée au décès, et
sa physiopathologie controversée [34].
                                                                          ● des troubles neurologiques : confusion, agitation, myoclo-
                                                                            nies, troubles de la conscience, coma avec dépression respi-
3.3.5. Rhabdomyolyse                                                        ratoire. Les convulsions, exceptionnellement rapportées par
   Elle est fréquemment observée chez les patients présentant               certains auteurs, n’ont pas été mises en évidence en expéri-
une hyperthermie et/ou des convulsions.                                     mentation animale et sont probablement en rapport avec une
                                                                            hypoxie secondaire à une intoxication sévère ou à une prise
3.3.6. Effets biologiques                                                   associée d’amphétamines ou de cocaïne ;
   Dans les intoxications graves sont souvent observées :                 ● des troubles de la régulation de la température centrale ont
CIVD, acidose métabolique, hyponatrémie, hyperkaliémie.                     été notés. L’incidence de l’hypothermie dans les cas d’into-
416                                         F. Lapostolle, F. Flesch / Réanimation 15 (2006) 412–417

  xication au GHB a été estimée à 30 % dans certaines séries,             6. Psilocybes [41]
  mais non rapportée dans d’autres séries ;
● des troubles digestifs (nausées et vomissements) ont été                   Plus de cent vingt espèces de champignons hallucinogènes
  notés après ingestion, mais également après administration              ont été identifiées. Parmi ceux consommés le plus fréquem-
  intraveineuse, suggérant la participation d’un effet central ;          ment on trouve des              psilocybes     (P. semilanceata,
● myosis ou mydriase ont été indifféremment rapportés ;                   P. bohemica…) et des panéoles (paneolus subalteatus)
● des troubles cardiovasculaires décrits sont variables : brady-             La psilocine et la psilocybine sont les principes actifs de la
  cardie ou tachycardie, hypo- ou hypertension. Des modifi-               plupart des champignons hallucinogènes. Ils renferment tous
  cations non spécifiques de l’ECG ont été observées : bloc de            deux un noyau indole. La psilocybine est déphosphorylée en
  branche droit, fibrillation auriculaire transitoire, inversion de       psilocine dans l’organisme sous l’action d’une déphospho-
  l’onde P, aspect d’onde U.                                              rylase. Seule la psilocine passe la barrière hématoméningée.
                                                                          Son mécanisme d’action reste mal connu ; elle agirait en blo-
   Le traitement est symptomatique avec une surveillance                  quant les récepteurs sérotoninergiques post-synaptiques.
continue de l’ECG, de la pression artérielle et de l’oxymétrie               Les symptômes apparaissent après 30 minutes à 1 heure,
de pouls. En raison de l’absorption digestive rapide, une éva-            durent pendant 2 à 4 heures puis rétrocèdent généralement en
cuation digestive n’est pas recommandée. L’efficacité du char-            une douzaine d’heures. Ils se caractérisent par des troubles de
bon activé n’a pas été étudiée.                                           l’humeur (euphorie ou anxiété), des hallucinations principale-
   Certains antidotes ont été étudiés dans le but de réverser les         ment visuelles ainsi que des troubles de la perception tempo-
signes cliniques de l’intoxication au GHB (naloxone, physos-              rospatiale.
tigmine et flumazenil) mais aucun n’a prouvé son efficacité et               Des manifestations somatiques peuvent être associées :
ne peut donc être préconisé.                                              tachycardie, mydriase, troubles digestifs, somnolence, dyses-
                                                                          thésies… Des complications graves (convulsions, coma, infarc-
   Une intubation avec ventilation artificielle peut s’avérer
                                                                          tus, décès) ont été exceptionnellement rapportées et sont tou-
nécessaire même si la durée de la dépression respiratoire est
                                                                          jours en rapport avec une ingestion massive. Les symptômes
généralement brève (3 à 6 heures).
                                                                          régressent généralement spontanément en quelques heures.
                                                                          L’administration d’un sédatif peut-être nécessaire en cas d’an-
5. Datura (Datura stramonium L.) [40]
                                                                          xiété importante.
    Il s’agit d’une plante appartenant à la famille des Solana-           7. Kétamine [42]
cées, largement cultivée pour son aspect décoratif. La consom-
mation de cette plante dans un but addictif sous forme de                    La kétamine est un anesthésique non barbiturique d’action
décoction ou d’ingestion de graines est actuellement le mode              rapide, analogue structural de la phéncyclidine, utilisée en
d’intoxication le plus fréquent. Le nombre de graines ingérées            médecine humaine et vétérinaire. Elle a été commercialisée
peut varier de 7 à 200.                                                   en France depuis 1970 et son usage récréatif a été signalé dès
    Toutes les parties de la plante sont toxiques et renferment           1992 dans le milieu médical et dès 1996 dans le cadre de rave-
des alcaloïdes qui sont : l’hyocyamine (alcaloïde principal), la          parties. Elle a été classée comme stupéfiant par arrêté du 8 août
scopolamine et l’atropine présentes en faible quantité. Le                1997. Sa consommation se fait principalement par sniff (60 à
datura est, comme la belladone, un parasympatholytique mais               100 mg) mais parfois également par voie orale (200 mg) ou
dont l’effet est plus intense.                                            voie intramusculaire (50 mg). Les effets sont dose dépendants,
    L’intoxication se traduit par un syndrome anticholinergique           de durée brève (4 heures) et se traduisent par des manifesta-
à symptomatologie essentiellement neuropsychique avec exci-               tions dissociatives et hallucinogènes. Des cas de décès liés à
tation psychomotrice, propos incohérents, hallucinations                  la consommation exclusive de kétamine ont été exceptionnel-
visuelles, angoisse, désorientation, agressivité. La présence             lement rapportés. Les symptômes présentés généralement par
d’une mydriase bilatérale est constante alors que les autres              les patients hospitalisés ont été (hormis les troubles psychi-
signes anticholinergiques sont inconstants : sécheresse buccale,          ques) : tachycardie, mydriase, nystagmus, anxiété, rhabdomyo-
tachycardie sinusale, hyperthermie, rétention urinaire, vomisse-          lyse.
ments. Dans les cas graves, on peut observer : coma, convul-                 Le traitement est symptomatique avec administration de
sions et détresse respiratoire.                                           benzodiazépines en cas d’agitation et/ou d’anxiété importante.
    Le traitement est avant tout symptomatique et comporte une
surveillance clinique et l’administration de benzodiazépines.             Références
L’efficacité de la décontamination digestive n’a pas été
évaluée. Dans les intoxications sévères certains auteurs ont              [1] Karch S. The history of cocaine toxicity. Hum Pathol 1989;20:1037–9.
préconisé l’administration de physostigmine, inhibiteur de                [2] Fleming JA, Byck R, Barash PG. Pharmacology and therapeutic applica-
l’acétylcholinestérase qui a la propriété, contrairement à la                 tion of cocaine. Anesthesiology 1990;73:518–31.
                                                                          [3] Jekel JF, Allen DF, Podlewski H, Clarke N, Dean-Paterson S, Catwright
néostigmine, de traverser la barrière hématoencéphalique. Ce                  P. Epidemic free-base cocaine abuse. Lancet 1986;1:459–62.
médicament n’est plus disponible en France et son utilisation             [4] Cregler LL, Mark H. Special report: medical complications of cocaine
est controversée.                                                             abuse. N Engl J Med 1986;315:1495–500.
F. Lapostolle, F. Flesch / Réanimation 15 (2006) 412–417                                                 417

[5]    Gawin FH, Ellinwood EH. Cocaine and other stimulants. Action, abuse          [24] American Academy of Clinical Toxicology, European Association of
       and treatment. N Engl J Med 1988;318:1173–82.                                     Poisons Centers and Clinical Toxicologists. Position statement: gut
[6]    Marzuk P, Tardiff K, Leon A, Hirsch C, Portera L, Hartwell N. Ambient             decontamination. J Toxicol Clin Toxicol 1997;35:695–762.
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