Période 6 - Mémoires d'Hadrien : Mémoires d'empereur, mémoire - Lelatiniste

La page est créée Gérard Marchand
 
CONTINUER À LIRE
Période 6 - Mémoires d'Hadrien : Mémoires d'empereur, mémoire - Lelatiniste
Période 6 - Mémoires d'Hadrien : Mémoires d'empereur, mémoire
                             d'homme

Parcours associé : Soi-même comme un autre.

*Marguerite Yourcenar, biographie, autobiographie (Université de Valence, Elena Real).
*Hadrien, empereur de la romanité (R. Turcan).
*PU de Rennes : Lectures de M. Yourcenar.
*Podcasts de France Culture.
*D. Koepfler étudie les sources utilisées par MY : http://www.college-de-france.fr/site/denis-
knoepfler/course-2014-02-21-09h45.htm
*http://www.univ-paris3.fr/communication-de-la-journee-d-agregation-marguerite-yourcenar-
memoires-d-hadrien-307761.kjsp
Communications de la journée d'agrégation Marguerite Yourcenar, Mémoires d'Hadrien
le 4 octobre 2014
   • Rémy POIGNAULT (U. Clermont-Ferrand) : Les vestigia mentionnés dans les Carnets de
     notes de Mémoires d’Hadrien.
   • May CHEHAB (U. Chypre) : « Rentrer […] dans la peau d'Hadrien ».
   • Anne-Yvonne JULIEN (U. Poitiers) : L’élaboration d’une écriture de soi à l’antique.
   • Catherine RANNOUX (U. Poitiers) : Mémoires d’Hadrien : une écriture « classique » ?
   • Bruno BLANCKEMAN (U. Paris 3) : Le refus du « roman historique »: Mémoires d'Hadrien
      dans la correspondance de l'écrivain.
Période 6 - Mémoires d'Hadrien : Mémoires d'empereur, mémoire - Lelatiniste
Séance 1 – La genèse de l'oeuvre

I] Lisez ces informations biographiques,
puis déterminez :
-"le point de départ, l'étincelle" de la genèse du
récit ;
-trois obstacles à la parution du récit ;
-deux points communs entre les deux récits évoqués
;
-comment Marguerite Yourcenar a considéré le
personnage principal de son récit.

Éléments biographiques

*1903    :   naissance    de    Marguerite     Yourcenar
                                                               Monnaie romaine en argent à l'effigie de
(pseudonyme       de   Marguerite     Cleenewerck       de
                                                           l'empereur Hadrien (wikipedia.org)
Crayencour), à Bruxelles. Sa mère, Fernande, était
belge ; son père, Michel de Crayencour, est un Français né à Lille. Il descend d’une famille de
petite noblesse. Fernande meurt dix jours après la naissance de son enfant.

*1904-1913 : son père s'installe l'été dans le château familial du Mont-Noir, près de la frontière
belge. La bâtisse est détruite lors de la première guerre mondiale. Marguerite reçoit l'instruction
à la maison, séjourne régulièrement dans le sud de la France.

*1914- : séjourne avec son père à Londres, puis à Paris. Elle poursuit ses études à domicile.

*1919 : Nice. Marguerite a l'idée de son pseudonyme. Elle obtient la première partie de son
baccalauréat de latin-grec.

*1924 : MY visite les vestiges des trente bâtiments de la Villa Adriana, palais de l'empereur
construit en deux temps (118-125 et 125-133). Hadrien y réunit tous ses souvenirs de voyage.

*1924-1929 : 1ère phase d'écriture (entre 20 et 25 ans, elle rédige plusieurs versions du récit
Antinoos) : manuscrit refusé par l'éditeur Fasquelle, puis par d'autres. "J'étais trop jeune". Erreur de
placer le jeune éphèbe aimé de l'empereur au point focal du récit. Destruction des manuscrits :
"Tous ces manuscrits ont été détruits et méritaient de l'être."

*1929 : publication d'un premier roman, un récit épistolaire (narration contenue dans une longue
lettre) intitulé Alexis ou le Traité du vain combat. Thème de la confrontation entre les conventions
du mariage et le désir homosexuel.

*1934-1937 : 2e temps d'écriture et de recherches ; imagine alors "longtemps" une sorte de
dialogue, mais craint de perdre la voix d'Hadrien. MY gardera de cette version que la phrase :
"Je commence à apercevoir le profil de ma mort."
L'idée d'un dialogue, mais MY ne parvient pas à introduire de conversation dans le texte car
«nous ignorons comment ces gens-là se parlaient». Les comédies latines ne peuvent donner le
ton exact de ce qu’ont pu être, par exemple, les propos d’Hadrien avec Trajan. Par ailleurs, le
ton du journal intime rédigé par un Romain est difficile à envisager par MY.

*1947 : obtention de la nationalité américaine : son pseudonyme devient son patronyme.

*décembre 1948 : MY retrouve dans une malle venant de Suisse, plus précisément dans une pile
Période 6 - Mémoires d'Hadrien : Mémoires d'empereur, mémoire - Lelatiniste
de correspondance familiale, un feuillet contenant la formule de salutation "Mon cher Marc".
C'était l’un des anciens brouillons des premières pages des Mémoires.

*début 1949 : MY rédige le premier chapitre du récit, au cours d'un voyage en train. Hadrien
passe d'une lettre pour informer Marc Aurèle de sa maladie à un récit autobiographique
complet. Empire d'Hadrien voit l'avènement du culte de l’empereur divin, culte d’origine
orientale qui ne commence à Rome que vers son époque. Auguste n’a été divinisé qu’après sa
mort.

*1949-1950 : Reprise des recherches : lecture de l'Histoire Romaine de Don Cassius dans l’édition
d’Henri Estienne et une édition moderne de l’Histoire Auguste de Spartianus (recherches faites
avant la guerre). MY reconstruit la culture d’Hadrien, mais cette fois en tant qu'empereur
("Prince") : ce qu’il lisait, ce à quoi il se référait, la manière dont il envisageait les choses à travers
les philosophes qu’il lisait. « Il faut écrire sur Hadrien et s’informer sur la manière dont il pensait ».
MY refuse le commentaire "Hadrien, c'est vous" : elle a cherché à cerner un personnage qu'elle
ne voulais pas voir "désincarné dans l'imagination humaine".

*1950 : fin de l'écriture, de la reconstitution de la vie d’Hadrien à partir de documents anciens,
mais en revivifiant ces derniers : revient à faire entrer sa propre intensité, non sa propre vie, dans
un document. Méthode contemplative parfois employée pour écrire les Mémoires d’Hadrien. Il
s'agit de laisser investir par un personnage tout en faisant total silence des idées : « arriver à un
certain niveau de sérénité dans laquelle les choses se reflètent comme dans une mer » =
l’attention des sages hindous. Écriture automatique la nuit, mais parfois pages brûlées dès le
lendemain.

*1951 : Traduction de V. Woolf et d'autres l'ont rendue célèbre. Contexte : un certain nombre
d'écrivains se distinguent. Pour une part, le chaos absolu vient d'être atteint (notion nihiliste d'un
suicide de l'espèce humaine). MY, elle, cherche à dépasser cette idée, grâce à l'humanisme
"malgré tout", il est "passé par l'abîme", celui de Thomas Mann et Hadrien, homme lettré, homme
d’action qui, fort d'un long passé de civilisation, de quelques notions de l’avenir ou de ce qu’il
craignait que l’avenir fût, regarde sa vie en perspective.

*1962 : publication de Sous bénéfice d'inventaire : MY souligne la bassesse des deux auteurs -
sources, dont elle accuse la platitude des récits. L'Histoire Auguste cependant la passionne ("une
effroyable odeur d'humanité monte de ces pages").

II] Lisez l'arbre généalogique de l'empereur, puis la
chronologie historique liée à sa vie.

Documents tirés de la Leçon Littéraire sur Mémoires
d'Hadrien (1998, Alain Trouvé ; P.U.F.)

a) Quel est le cadre spatio-temporel de la narration ?
b) Reliez quelques éléments du premier chapitre (pages 11
à 28) aux données objectives contenues dans ce
document.

Illustration : Marguerite Yourcenar à environ vingt-cinq ans.
https://www.google.com/doodles/marguerite-yourcenars-
117th-birthday
Séance 2 – Structure de Mémoires d'Hadrien (1951)

a) La citation initiale (dans Histoire Auguste, partie Vita Hadriani, de Spartien)

               Animula vagula blandula              « Petite âme vagabonde, caressante,

               Hospes comesque corporis             hôtesse et compagne de mon corps,

               Quae nunc abibis in loca             qui t'en vas désormais vers des lieux

               Pallidula rigida nudula              livides, glacés, dénudés,

                Nec ut soles dabis jocos            tu ne lanceras plus tes habituelles plaisanteries. »

→La tradition rapporte que les vers de la citation en épigraphe furent les dernières paroles
d'Hadrien. Le premier vers correspond au titre de la 1ère section (son âme le quitte).

→La citation liminaire définit le découpage du roman : les 4 parties canoniques du discours
oratoire, cernées par l'exorde (1°) et la péroraison(6°).

1° Animula vagula, blandula, (page 11)
exordium (exorde : entrée en matière, capter l'attention et la sympathie)

2° Varius, multiplex, multiformis, (page 37)
narratio (exposé des faits ; ordre, clarté, brièveté, agrément)

3° Tellus stabilita  (page 107)
divisio (étape qui consiste à subdiviser le sujet à traiter en plusieurs arguments et à constituer
ainsi le plan présenté à l’auditoire)
Un monde stabilisé,

4° Saeculum aureum (page 167)
confirmatio (lieu du triomphe du raisonnement : conjecture < définition < raisonnement)
Un siècle d'or,

5° Disciplina augusta (page 231)
refutatio (contrer les arguments adverses)
Discipline auguste,

6° Patientia (page 293)
peroratio (conclusion)
Patience,

→Les mémoires et la correspondance d'Hadrien ont inspiré l'Histoire Romaine de Dion Cassius et
l'Histoire Auguste du chroniqueur Spartien (Vita Hadriani). D'Hadrien, nous pouvons ajouter des
extraits de discours, des décisions légales, des extraits poétiques retrouvés sur inscriptions, et 3
lettres, dont l'attribution est discutable (une à sa belle-mère Matidie) : MY assume l'emprunt à
ces documents.

b) Synthèse de la première section

         I. Animula vagula, blandula - Petite âme vagabonde, caressante - EXORDIUM

     a. pages 11-28 : Ce que l'empereur Hadrien n'est plus : "Me suis-je préparé à la mort ?"
personnages : périphrase "le compagnon de mes dernières chasses étant mort jeune"
(Antinoüs) ; le médecin Hermogène(médecin attitré d'Hadrien dans la 2e partie du principat ;
nommé par Dion Cassius, au moment où Hadrien chercha à se suicider) ; l'aide de camp Céler ;
Chabrias, philosophe platonicien apprécié ; ancien cuisinier Lucius ; des Gymnosophistes ;
l'empereur des Parthes Osroès.

autres références : le célèbre cuisinier Apicius (goût du luxe et des plats élaborés) ; les
Gymnosophistes indiens et leur ascèse, le vin de Samos ; les mystères dionysiaques (danse des
Ménades, délire des Corybantes) ; Caligula, l'empereur cruel ; le juste Aristide (stratège lors de
Marathon, ostracisé puis rappelé en -480 quand Athènes est menacée par les Perses ; il
intervient à la bataille de Salamine, contribue à la victoire de Platées en -479). "Outrances" de
Néron et Tibère.

situation, cadre extradiégétique de la Villa Hadriana, en 138 : a dû faire des analyses auprès
d'Hermogène ; se dit mourant (acceptation sans éclat d'une mort par hydropisie du coeur) ;
futur empereur Marc Aurèle (adopté par Hadrien, 121-180) : on apprend qu'il est tenté par les
expériences d'ascèse (jeune âge), qu'il a recopié une sentence obscène de Posidonius (135-50),
stoïcien dont il ne reste que qq fragments. Nombreuses interpellations : "Mon cher Marc", "Ne t'y
trompe pas"; "ta jeune austérité". Référence à la situation d'énonciation : "ici, à Tibur". Autres
souvenirs : la mort d'Antinoüs ; ses jeux et courses d'enfant en Espagne ; 137 ("il y a environ un
an") : retour de Rome à Tibur dans un état de fatigue extrême.

Succession thématique : chasse (pratique abandonnée à regret, car elle lui servait de
conseillère politique) ; rapport de proximité, d'intelligence, au cheval (l'ancien, Borysthènes, qu'il
regrette) ; l'activité physique ; l'alimentation (répugnance pour les festins, la variété des plats en
sauce ; préférence pour l'art culinaire grec) ; aptitude à la frugalité dont il ne se rengorge pas (il
est riche) ; incapacité à mener certaines activités (compare la vieillesse aux pièces d'une
maison qu'on ne peut pas toutes occuper), compensée par l'efficience de l'expérience déjà
acquise dans chaque art ; passage de l'état brut d'un peuple rustique aux excès d'une
civilisation dominante ; expérience de l'abstinence chez les gymnosophistes (ascètes se
proposant de supporter au mieux la douleur) ; les systèmes philosophiques (il les a en horreur) ;
distinction entre les cyniques et les "moralistes" à propos de l'amour : selon lui, ils se rejoignent
pour assimiler l'amour aux joies purement physiques ; efforts consentis vers une philosophie
sensualiste (une grande partie de sa vie à essayer de percer le mystère de l'amour, qui fait que
l'on désire de la chair, que ce désir se meut rapidement en une passion pour un être tout
entier) ; les Mystères, qui comme l'amour nous entraînent dans un univers différent ; une
nécessaire philosophie qui éluciderait les rapports entre les sens et l'âme et permettrait une
meilleure connaissance de l'autre ; les moments où Hadrien a exercé son pouvoir de séduction
(recherche de la beauté, rejet de la prostitution, épuisement rapide par la monotonie) ; le
sommeil (il évoquera plus tard les songes) comme une expérience d'abandon et d'absence,
comme répit du malade (rejet de l'expression d'Isocrate "frère de la mort"), comme égalité
retrouvée entre les justes et les tyrans.

Thème central, la recherche du sacré, de la purification : l'alimentation ("c'est consommer un
sacrifice où nous nous préférons aux choses"), frugalité grecque, valeur sacramentelle de la
consommation du gibier, sensation "sacrée" de la gorgée de vin de Samos, de la gorgée d'eau ;
Hadrien dénonce l'"ostentation d'ascétisme" ; parallèle entre l'initiation amoureuse et celle des
Mystères dionysiaques : l'amour dompte tout effort de la raison.

bilan : un chapitre qui relève peu du type de discours narratif, mais plutôt d'une sorte
d'introduction à l'introspection analytique ; volonté de différer la chronologie, d'échapper aux
catégories morales et philosophiques : entre le genre biographique et l'essai, mais ni l'un ni
l'autre. Une question implicite : "Me suis-je bien préparé à la mort ?" Une plongée dans un
monde antique présenté sous l'angle du quotidien, concret : les mets, la vie politique, les parties
de chasse...
b. Pages 29-35 : Comment se connaître ? Connaître les autres ?

Situation, cadre extradiégétique : caractère spontané du manuscrit (c'était, dans ses
premières lignes, une lettre destinée à informer des "progrès du mal") ; adresse à Marc
Aurèle, neveu d'Antonin, adopté par Hadrien, 17 ans (une lettre principalement
administrative... qui devient autobiographie ("le projet de te raconter ma vie").
Secrétaire Phlégon (a copié le compte rendu des actes de l'empereur) ; le vieil esclave
Euphorion. "Au moment où j'écris ceci" (p. 34).

Succession thématique : nécessité de se connaître (par l'examen de sa vie, l'observation
des autres ou les livres) ; l'introspection, comme la prise de hauteur, ne permet pas la
connaissance parfaite de soi ; critique des limites de chaque genre littéraire (aucun ne
contient la vie) ; l'observation des hommes est conditionnée par le rang de
l'examinateur ; curiosité de l'empereur (rapports de police) ; pour se connaître, nous
nous bornons trop souvent à l'image que les autres nous renvoient de nous-mêmes ; se
désoler du caractère composite, hétérogène, hasardeux, de sa vie ("rien ne
m'explique") ; tentation de l'explication non rationnelle.

Références : essentiellement littéraires : Lucain (trop ampoulé) ; Pétrone (trop léger) ; les
poètes (monde trop différent du nôtre) ; les philosophes (réduisent les êtres et les choses)
; historiens (événements qui s'enchaînent de manière trop logique ; "je sais que même à
Plutarque Alexandre échappera toujours") ; les conteurs et fabulistes (matières trop
brèves).

La mouvance, le glissement, l'opacité : existence passée à glisser d'une "position
extrême" à une autre, sans s'y tenir. Cette idée annonce le titre latin de la 2 e partie,
Varius, multiplex, multiformis. "Le paysage de mes jours semble se composer [...] de
matériaux divers entassés pêle-mêle."

Bilan : Hadrien (et Yourcenar) "tiennent le point de vue" du récit, le point d'observation
d'où Hadrien commence à apercevoir la mort. Condition de découverte de ce point de
vue : connaître le champ de "ce qu'il n'est pas", puis accepter le caractère informe de
sa vie. Guerrier moyen, chasseur médiocre, un peu artiste, mais capable d'outrance,
d'extrémité. Sage et réfléchi, mais se heurtant aux "granits de l'inévitable", aux
"éboulements du hasard". Incapacité à se définir en résolvant cette suite d'actions, dont
celles accomplies par le "je" empereur.
Cette petite âme "vagabonde" a donc souvent délaissé la compréhension de sa raison
d'être pour les "explications magiques" de sa destinée.
Ces deux premiers chapitres ressemblent à une sorte de "Lettre morale" (cf. Epistulae
morales ad Lucilium), mais
-la 2e partie sera marquée d'un caractère narratif plus affirmé ;
-Hadrien n'hésite pas à mettre en avant ses défauts.
II. Varius, multiplex, multiformis – Changeant, multiple, insaisissable - NARRATIO

a. Pages 39-54 : figures paternelles, exemples familiaux ; années de formation (jusqu'en 96)

À savoir : cette citation donnant son titre à la 2 e partie est empruntée à un historien romain,
auteur de l'Epitome de Caesaribus : Abrégé des Césars, inspiré puis continuateur du livre des
Césars d'Aurélius Victor + inspiré de l'Abrégé de l'Histoire Romaine d'Eutrope), qui entendait
critiquer le caractère de l’empereur.

Personnages : grand-père d'Hadrien (rang sénatorial), Marullinus ; son père, Aelius Afer
Hadrianus (gouverneur en Afrique sans envergure, Hadrien le perd à 12 ans) ; tuteur Acilius
Attianus ; Fabius Hadrianus, ancêtre brûlé au siège d'Utique ; un autre Fabius, qui participa à
la guerre contre Mithridate ; un grand-oncle ; sa soeur Pauline ; professeur romain Terentius
Scaurus (rhétorique, philosophie, poésie, grec) ; les grammairiens et les rhéteurs ; le sophiste
Isée à Athènes ; le professeur de médecine Léotichyde ; son cousin Trajan (victorieux sur les
bords du Rhin) ; fin du règne de Domitien (arrivée des hommes nouveaux) ; un exemple
politique, Nératius Priscus, fin législateur

Lieu de composition, situation : une référence (entrée véritable dans le récit
autobiographique : "ce que je suis aujourd'hui") ; Marc Aurèle (discrètes apostrophes :
"comprends bien qu'il ne s'agit pas ici de la dure volonté du stoïque", p. 52) ; lui parle aussi
de son père Antonin ; références au nunc : "il m'importe désormais assez peu que mes
productions personnelles soient détestables ou non" (p. 44).

Thèmes : grand-père, ni cultivé ni inculte (comparé à Caton l'Ancien) ; son austérité, sa
rusticité, passion pour l'astronomie (en réalité celle d'un oncle) ; mort (inventée) du grand-
père, puis celle du père : départ pour Rome auprès de son tuteur ; une lignée assez
éloignée des décisions de Rome et des excentricités impériales ; un grand-oncle féru de
littérature augustéenne ; l'école de Terentius Scaurus ; critique des méthodes pédagogiques
des grammairiens et des rhéteurs ; intérêt cependant pour les exercices de rhétorique et la
poésie ; préférence pour le grec (langue témoin de tous les exemples historiques, de nos
modes de pensée), "c'est en grec que j'aurai pensé et vécu" ; 16 ans : les classes militaires
dans le nord de l'Espagne, après les cours du sophiste Isée à Athènes (d'après une
inscription) ; exemple méthodologique du médecin Léotichyde ; la jeunesse (on y est déjà
soi-même, mais "sans consistance" ; l'ennui, le manque d'action politique, incarnée par le
jeune Trajan, qui guette Hadrien à Athènes (absence d'enjeu politique) ; la fin du règne de
Domitien, sombre et violent ; retour à Rome et apprentissage de la nature humaine en
quelques mois d'audience (en dégage non une misanthropie, mais un certain relativisme) ;
préférer la liberté (notamment la liberté d'acquiescer) à l'exercice de la puissance.

Morale politique : circonspect au sujet du degré de morale politique des hommes de sa
famille, censés être des "hommes nouveaux".

Simplicité : sa famille, ses origines incarnent la simplicité romaine (les exemples familiaux de
bravoure, peu nombreux ; une famille provinciale).

Bilan : début de récit autobiographique assez conventionnel, après l'entrée en matière dans
le cadre de la situation d'énonciation du narrateur (niveau extradiégétique). On retrouve le
premier projet, un roman comme une suite de dialogues (Marc Aurèle est encore
régulièrement interpellé). Mais le recentrage ne va pas tarder : Yourcenar veut faire
entendre la voix d'un homme seul relié au Tout, entre la disparition des dieux et l'avènement
de Christ. Dimension polyphonique : un nouveau personnage par page.

              b. Pages 55-59 : du tribunal des affaires d'héritage à l'armée (97)
Destinataire et personnages : ne s'adresse plus en le nommant à Marc Aurèle ; aucune
référence au lieu de composition ; 2 personnages : Assar (guide caucasien) ; négociant
rencontré à Odessos.

Thèmes abordés : promotion en tant que tribun dans la Deuxième Légion, puis dans la
Cinquième (Moésie Inférieure) ; description assez précise du pays (Ukraine actuelle); mort de
Domitien ; adoption de Trajan par Nerva ; vertus de la diplomatie ; découverte de la région
entre le Danube et le Borysthènes (cf. nom de son cheval), y adora la déesse Terre ; lutte
contre le froid ; anecdote de la pierre orientale (réflexion sur les limites du monde connu) ;
attachement viscéral à la Ville.

Thème dominant de la simplicité : la rigueur des conditions de vie ("le véritable hiver"),
associée à l'ascétisme.

                c. Pages 60-67 : gagner la confiance de Trajan (début 98-106)

Personnages : Trajan ; beau-frère Servianus ; l'ancien
esclave de Servianus ; son amant, convoité par Trajan ;
tuteur Attianus, préfet du prétoire de Trajan ; secrétaire
Gallus, qui dénonce la relation amoureuse entretenue
par Hadrien ; Marcius Turbo, compagnon d'armes qui
se porte garant d'H. lors de son initiation.

Autres références : Héraclite, philosophe du VIe s. pour
qui tout être est toujours en devenir : tout se meut sans
cesse ; nulle chose ne demeure ce qu’elle est et tout passe en son contraire.

Références aux conditions de composition : cadre extradiégétique : une adresse à Marc
Aurèle ("je t'avoue ici des pensées extraordinaires", à propos de l'exaltation au moment de
donner la mort ; peu d'allusions à la situation d'énonciation : a sévi contre les dérives
sectaires qui l'attiraient à l'époque ; sa conscience plus grande de la mort ("sur deux
pensées, j'en consacre une à ma propre fin"). Un méta-récit, quand Hadrien commente sa
narration : "dont je parlais tout à l'heure" + "Il serait facile de construire ce qui précède
comme l'histoire d'un soldat [...]" ; "Mais n'oublions pas [...]" ; "Et mentionnons aussi [...]".

Thèmes abordés : rivalité avec son tuteur Servianus, qui cherche à obtenir de Trajan plus de
privilèges qu'Hadrien (H. finit par le devancer au moment d'annoncer à Trajan son
avènement) ; exploits de Trajan en Germanie ; mort de Nerva (27 janvier 98) ; méfiance de
Trajan envers Hadrien ; Hadrien devient tribun de la Deuxième Légion Fidèle ; Trajan critique
ses dettes et son goût pour la littérature ; rivalité amoureuse entre les deux cousins ; début
des expéditions contre les Daces (101-102 et 105-106) ; l'ascétisme : honore Mithra (dieu
d'origine indo-iranienne ; initiation religieuse absente des sources) ; relativise ses hauts faits
d'armes ; aucune crainte de la mort ; métaphore du theatrum mundi (p. 66 : H. Se compare
à un metteur en scène) ; reconnaissance tardive de son courage par Trajan : nomination à
la tête de la Légion Minervienne ; suicide, en 106, du roi Décébale) ; adoption en vue
(Trajan lui donne l'anneau reçu de Nerva).

La notion de personnage : incarne à l'époque une multitude de personnages très distincts ;
mais devient très vite le metteur en scène (cf. Titre de la deuxième partie). La trahison
rejetée, à laquelle Hadrien préfère la dissimulation.

Bilan : réintroduction du thème de la mort et apparition de celui des religions (rapport
ambigu à certains cultes reposant sur une initiation, dangereux quand le prince est faible).
d. Pages 68-72 : richesse et désillusions (104, élu préteur)

Personnages : Trajan ; Plotine ; Sabine, petite-nièce de Trajan (mariage arrangé par Plotine,
critiqué par Trajan).

Thèmes : aisance matérielle, populisme ; anecdote vestimentaire : garde le manteau des
tribuns (interdit aux empereurs, cf. Histoire Auguste de Spartien) un jour de forte pluie
(présage du tribunat perpétuel) ; après la questure, fonctions de tribun du peuple, de
curateur des actes du sénat ; rédaction, encouragée par Plotine, des discours de Trajan ;
mariage avec Sabine (elle a 14 ans, lui 24) ; ambiance de cour détestée (notamment
écrivains Pline et Tacite)

Lieu de composition, cadre extradiégétique : aucune référence à Rome ou à Tibur, à 138, à
Marc Aurèle.

Le vieillissement : Hadrien l'assimile à la lourdeur et au conservatisme

Notion de personnage, d'acteur : l'associe à celle d'acrobate ("par jeu, par calcul, par
nécessité").

Bilan : le thème de l'union des contraires, de la versatilité : de l'ascétisme à l'hédonisme, de
la nécessité au jeu. Un roman sur l'Homme "qui ne renonce pas" malgré sa conscience
aiguë de la fin d'un monde.

                 e. Pages 73-78 : liaisons adultérines (hors chronologie ; 137)

Autres personnages : maîtresses ; son beau-frère Servianus ; un amour en particulier ; sa
femme

Lieu de composition, situation actuelle : référence à l'année 137 ("l'an dernier" ; conspiration
de Servianus, déjà annoncée dans c.).

Principaux thèmes : les motivations des relations extraconjugales (curiosité, jeu du
comédien, réflexion au sujet des femmes de sa famille) ; visite d'une ancienne maîtresse en
137 (le souvenir de la volupté est happé par les années ; la motivation de la visite est une
dénonciation) ; relation marquée par les sentiments.

Bilan : un chapitre oscillant entre les cadres intra et extradiégétique : cette fois, le second
comporte davantage de précisions temporelles : "jusqu'aux débuts de mon principat"
s'oppose à "l'an dernier".

                 f. Pages 79-82 : toujours plus de barbarie, les Sarmates (108)

Personnages : Trajan ; Attianus ; Marcius Turbo.

Principaux thèmes abordés : le triomphe dacique de Trajan (108-109) ; invasions sarmates ;
Hadrien reçoit le titre de gouverneur de Pannonie (conflit barbare d'un an) ; retour avec les
honneurs, mais de la guerre et du populisme (triomphes dont on a oublié l'objet).
g. Pages 83-88 : changement de politique militaire (108-112)
Personnages : Trajan ; Attianus ; Marcius Turbo ; Licinius Sura, sénateur et ami influent de l'empereur
Trajan ; Lusius Quietus ; Phidias, Socrate et Charmide (oncle de Platon qui mourut dans la lutte contre
Thrasybule en -403).

Lieu de composition, cadre extradiégétique : mis au second plan.

Principaux thèmes : élection à son premier consulat ; progrès des idées défensives ; sommes
dépensées par Trajan, investies dans les conflits d'Asie ; recul des idées raisonnables avec la mort de
Sura ; Lusius Quiétus, belliciste et principal rival ; séjour en Grèce en 112 (topos de l'amollissement
hellénistique, désir de changer de politique militaire, pour au moins sauver la Grèce) ; comparaison
de l'Empire grandissant à une maladie colonisant un corps humain ; l'hellénisme et ses douceurs ;
l'inspiration grecque.

Bilan : accélération chronologique (les sources sont moins riches sur la période 108-112). Référence à
l'"état de santé de Rome" : ce dernier dépend de la paix qu'Hadrien entend défendre dans l'Empire,
afin que perdure la culture et l'esprit grecs, qu'il juge supérieurs.

               h. Pages 89-106 : les campagnes d'Asie ; de l'influence souterraine (114-117)
Personnages : Trajan, Plotine, Matidie (mère de Sabine) ; Celsus, Palma, Nigrinus, Lusius Quiétus
(rivaux) ; les chefs d'Etat orientaux autour d'Osroès.

Lieu de composition, cadre extradiégétique : une anticipation, celle du recommencement des
guerres juives (p. 98).

Autres situations spatio-temporelles : allusion à la fondation d'Antinoé à la p. 93 (2e Alexandrie, cité
fondée en l'honneur de son favori Antinoüs, mort noyé dans le Nil, en 130) + une autre anticipation p.
104 (au sujet de la mort mystérieuse d'Antinoüs).

Principaux thèmes : rassemblement à Antioche ; annexion du nord de la Mésopotamie ; soumission
d'Abgar (ouest de la Mésopotamie) ; Trajan, grossier et alcoolique, refuse de reconnaître
officiellement le roi d'Arménie ; continent trop diversifié et trop riche pour être soumis ; Plotine,
protectrice d'Hadrien ; 116 : chute de Séleucie et de Ctésiphon, capitale parthe ; soumission du
prince arabe Characène ; puis, soudaines révoltes à Séleucie, des Zélotes de Jérusalem, des Juifs de
Chypre. Trajan envoie Quietus, mais Abgar et Osroès passent à l'offensive. Siège désastreux de Hatra.
Fatigue et accablement de Trajan, qui bat en retraite. Rivalité Trajan / Hadrien, mais entente avec
Plotine, Attianus, Matidie. Mort de Trajan, testament en sa faveur. Rumeurs autour de l'authenticité du
document.

Bilan : mythe chimérique d'Alexandre ; superstition et ambition avouées : ne plus avoir à se
préoccuper de sa vie pour pouvoir se consacrer aux autres !
Tellus stabilita – Une terre pacifiée - DIVISIO

                      a. Pages 109-116: le "nettoyage" du début du principat (118)
Lieu de composition, cadre extradiégétique : mis au second plan ; fin du récit de l'ascension sociale
et politique (au prix d'un certain nbre de manoeuvres).

Personnages : Marcius Turbo, Attianus, Julius Bassus, Quiétus, Nigrinus, Palma et Celsus.

Autres situations : respect de la chronologie, mais les événements sont souvent éloignés les uns des
autres ; peu de dates, parfois même absence d'indication temporelle.

Principaux thèmes abordés : abandon de la Mésopotamie et de l'Arménie après négociations ;
cherche à rétablir des ponts commerciaux avec l'Orient ; séjour à Péluse afin de réconcilier Grecs et
Juifs ; mort de Julius Bassus en Dacie ; révoltes en Maurétanie (Quietus) et en Bretagne (Julius Severus
s'en charge pendant qu'il termine la campagne sarmate) ; échappe à un accident de chasse
imaginé par Quietus ; Attianus se débarrasse de Quietus, Nigrinus, Palma et Celsus. Autorité ; stratégie
politique du contournement ou de la délégation plus ou moins assumée (a sacrifié son vieux
conseiller, Attianus ; comparaison de Rome à un corps revenant d'une grave maladie).
b. Pages 117-123 : retours en grâce (118)

Personnages : nombreux : Servianus, sa soeur Pauline, Matidie, Plotine, sa femme Sabine, son
ami le poète Victor Voconius, Nératius Priscus, l'architecte Apollodore, Céionius Commodus.

Lieu de composition, cadre extradiégétique : adresse à Marc Aurèle (rappel de sa détestation
des spectacles, jeux + leçon de stoïcisme "S'efforcer de ne pas dédaigner les plaisirs des autres").

Principaux thèmes abordés : refus des titres impériaux et triomphes ; respect de la chronologie,
mais événements éloignés les uns des autres ; peu de dates, peu de précisions temporelles ;
essaie d'apprécier les lieux publics ; vie familiale agréable ; retour des amis, constitution d'une
cour qui n'oublie pas de rallier les anciens rivaux ; s'éprend du fils de Céionius (meurt jeune) ;
triomphe et divinisation de Trajan. L'autorité par la terreur : "Chacun de nous a plus de vertus
qu'on ne le croit, mais le succès seul les met en lumière, peut-être parce qu'on s'attend alors à
nous voir cesser de les exercer."

c. Pages 124-149 : bilan intermédiaire sur l'oeuvre politique : vivre Rome comme l'instrument de
                                la quête de la beauté du monde

Destinataire, cadre extradiégétique : Très développé dans ce passage, qui peut être lu comme
une description de Rome en 138, car très peu d'éléments chronologiques. S'adresse à MA,
l'héritier : conseil de ne pas accepter les "contributions des villes" ; mentionne les terrasses de la
Villa lorsqu'il compare son oeuvre au travail du jardinier ; Phlégon encore à ses côtés, tout
comme Arrien de Nicomédie citant Terpandre ; esclaves de la Villa, ses artisans. "Ces murs que
j'étaie sont encore chauds du contact de corps disparus", p. 141).

Autres personnages : le conseil du prince (pas d'actions narrées cependant), Florus, Suétone
(célèbres historiens), Favorinus d'Arles, Eudémon, Fidus Aquila (gouverneur d'Antinoé).

Thèmes : Hadrien bâtisseur de murailles ; une troisième Rome est à inventer ; la situation
intermédiaire de la civilisation romaine, un atout qui permet de croire en la réalisation de la
devise "Humanitas, Felicitas, Libertas" ; confiance dans le genre humain ; défiance à l'égard des
lois ; anecdote de l'esclave espagnol qui essaya de le tuer (la loi l'aurait fait exécuter, Hadrien
en a fait un homme de confiance) ; le manque de générosité est un fléau, mais l'esclavage
romain permet d'en éviter d'autres plus insidieux (la loi doit protéger davantage les esclaves) ;
condition des femmes : bilan en faveur du consentement nuptial et de l'indépendance
financière ; mesures économiques (annulation de la dette ; loi contre l'abandon des terres ;
interdiction des contributions des villes à l'empereur ; statut valorisé des courtiers du blé ;
diminution du nombre des intermédiaires ; réorganisation de l'armée : optimisation des temps de
paix ; nécessité de déléguer, sans oublier la formation et le choix réfléchi (contrairement à
Claude et Néron, p. 135) ; savoir organiser une bureaucratie qui saura, dans le pire des cas,
prendre l'intérim ("conseil du prince") ; les voyages de l'empereur (bienfaits : ivresse de la vitesse,
sentiment de liberté : "pour la première fois, le voyageur était en même temps le maître", fort car
vécu dans une certaine solitude ("je n'ai jamais eu le sentiment d'appartenir complètement à un
lieu") ; les employés qu'il emmène avec lui (artisans et secrétaire dévoués, Florus, Suétone et
Favorinus d'Arles, Eudémon (courtisans ingrats, peu intéressants) ; l'oeuvre du bâtisseur (ponts,
routes, aqueducs, ports, bibliothèques, fortifications, reconstructions : exemples du Panthéon, du
temple de Vénus, de l'Olympéion d'Athènes, d'Antinoé, de son mausolée, de la Villa Hadriana.
Cités fondées : s'émerveille de l'urbanisme de ces villes qui naissent des "rencontres" entre ses
"plans d'empereur avec les incidents de ma vie d'homme". Assume l'hellénisme (copies des
modèles grecs ; art grec qui "s'en tient à l'homme"). Peu d'intérêt pour le portrait, excepté celui
de l'être cher perdu. Référence au génie de la Tellus Stabilita. Étrange citation latine Trahit sua
quemque voluptas ("à chacun sa pente" : la sienne est la recherche de la beauté, p. 148). Cf. p.
45-46 : C’est en latin que j’ai administré l’empire ; mon épitaphe sera incisée en latin sur les murs
de mon mausolée au bord du Tibre, mais c’est en grec que j’aurai pensé et vécu ».
Autres thèmes : fin de la "petite" Rome (comme petit village ; "elle doit s'égaler désormais à la
moitié du monde", p. 124), à moins qu'elle ne réinvente un nouvel ordre de vertus plus "souples" ;
le temps qui manque à l'homo viator qui doit administrer un espace de plus en plus vaste ; "il
règne au moins un insensé par siècle" ; vaincre la solitude du maître en s'entourant de personnes
de confiance (efficaces, honnêtes, fidèles). L'absence d'un empereur : nécessaire pour contenir
Rome. Hadrien est le 1er à envisager la fin de Rome : ne se contente pas de présenter Rome
comme éternelle. Les valeurs d'organisation civile (harmonie de la Tellus Stabilita), du principe
de gouvernement portées par Rome.

Plan du chapitre : une énumération des facta, suivie d'une synthèse à portée universelle (sorte
de manuel de l'exercice des responsabilités). Les dernières pages correspondent davantage à
la mixité propre à la plupart des chapitres (factum + anecdote précise + sentence de portée
universelle) ; l'hellénisme inévitable dans certains arts. Dernier paragraphe : estimation de son
oeuvre d'empereur : "Trahit sua quemque voluptas" (chacun est entraîné par son penchant,
Virgile, Buc.), le sien ayant été la "beauté du monde", qui repose sur l'équilibre entre Force,
Justice et Muses (idéal spartiate).

         d. Pages 150-154 : retour à la chronologie : de Germanie en Bretagne (121-122)

Nouveaux personnages : jeune tribun du corps auxiliaire ; prophétesse (rares femmes).

Cadre extradiégétique : aucune référence.

Principaux thèmes : voyages dans les contrées septentrionales (goût original) : l'embouchure du
Rhin ; départ pour la Bretagne en 121 ; monde de l'Océan associé à celui des forces chaotiques,
des Titans opposés aux Olympiens ; mention des défaites contre les Calédoniens, au moment de
la guerre contre les Parthes : création des troupes indigènes et construction du mur ; rencontre
d'une sibylle ; retour par la Gaule Narbonnaise ; rend hommage à Plotine à Nîmes ; court séjour
en Espagne (Gadès, vers l'Afrique). Révoltes de Maurétanie matées, nouveaux conflits en Orient.

Autres thèmes : germe de l'idée d'un "monde atlantique" ; lassitude du contexte militaire ;
chapitre au rythme rapide, dont la succession brusque des paragraphes semble imiter la course
effrénée de l'empereur pour maintenir un monde en paix.

                                e. Pages 155-165 : être dieu (122-124)

Cadre extradiégétique : référence à la paix qui dure depuis 15 ans avec les Parthes ; la Villa où il
a fait construire un observatoire ; adresse à Marc Aurèle ("Je compte sur toi pour que cet état
de choses continue après ma mort", p. 157).

Autres personnages : Osroès, roi parthe (3e apparition) ; sa fille, otage des Romains, lui est rendue
; marchand lycien Opraomas ; l'hiérophante d'Éleusis, l'astronome Théron de Rhodes, Marullinus.

Principaux thèmes abordés : nouvelle négociation avec Osroès, fructueuse ; rencontre d'un
brahmane, qui s'immole le lendemain ; souvenir de sa rencontre avec Épictète (il avait moins de
20 ans) ; tentation du "rejet de la vie", plus accessible selon lui que le rejet des plaisirs de la vie ;
divinisation en Orient, qui oblige davantage ; initiation aux mystères d'Eleusis (124) et à
l'astronomie (rappel de la première initiation, aux côtés du grand-père).

Bilan : retour définitif à la spiritualité ; contemplation des constellations : élan vers le divin,
l'immortalité ; chapitre dans le prolongement direct du précédent (révoltes parthes) ; glissement
rapide du factuel à la réflexion métaphysique (variété des 3 derniers chapitres : idéal esthético-
politique -> récit chronologique -> issue métaphysique).
Saeculum aureum - CONFIRMATIO

         a. Pages 169-181 : "incidents et voyages" de l'âge d'Antinoüs (122-130)

Personnages : Osroès ; Cnéius Pompéius Proculus (procurateur de la Bithynie) ; Antinoüs ;
le marchand Erastos d'Ephèse ; Atticus et son fils Hérode (futur consul en 143 et
précepteur de Marc Aurèle) ; le rhéteur Polémon ; Arrien de Nicomédie (grand
connaisseur d'Epictète, "meilleur ami", devint consul suffect 129-130, puis légat) ; les
philosophes Démonax et Chabrias (platonicien, apprécié d'Antinoüs), l'acteur comique
Aristomène, appréciés ; Licinius Sura (cf. Iig).

Lieu de composition : référence à la fonction toujours actuelle de légat (Arrien "continue
de servir") ; pas d'adresse à Marc Aurèle.

Principaux thèmes abordés : rencontre, fin 123, du jeune grec dans un salon littéraire de
Bithynie (Nicomédie), et début de l'"Âge d'Or" ; portrait p. 170-171 ("Je m'émerveillais de
cette dure douceur ; de ce dévouement sombre qui engageait tout l'être") ; la chasse
en sa compagnie ; assimilation de cette période à l'âge d'or et à un changement de
perspective (moins tenté par l'introspection et l'oubli des choses) ; spectacles
enchanteurs offerts par les parties de chasse ; agrandissement du port de Sinope ; visite
des garnisons du Danube ; fondation d'Andrinople sur une base militaire thrace ;
l'Arcadie : origines d'Antinoüs ; à Mantinée, rénovation du temple de Neptune ;
rétablissement des grandes fêtes helléniques (Achaïe, jeux isthmiques) ; parties de
chasse dans l'Hélicon ; "nouvelle Athènes", reconstruction du temple de Zeus Olympien ;
l'art musical, en compagnie d'Antinoüs ; vie intellectuelle athénienne ; suicide
d'Euphratès (philosophe) ; réminiscences de Licinius Sura qui avait étudié les sources ;
ascension de l'Etna

Le voyage : voyage initiatique et diplomatique (Nicomédie, brise de la
Propontide/Marmara, les rives du Sangarios, Sinope, Byzance, traversée du Bosphore,
retour à Sarmizégéthuse, vallée de Tempé, Eubée, Attique, initiation aux mystères
d'Eleusis, Arcadie, Mantinée, Achaïe, remontée vers le mont Hélicon, Phalère, Athènes,
Rhodes, Délos, Dodone, Sicile, Phrygie

Nombreuses références culturelles antiques : Claudiopolis (cité de Bithynie), temple
d'Attys (époux devenu fou qui s'émuscula) ; Apollonius (philosophe pythagoricien) ;
Endymion (roi de la région d'Olympie, sommeil, aimé de la Lune) ; Mantinée (au cours
de la GP, s'allia avec Elis, Argos et Athènes, détruite plus tard par Sparte) ; les jeux
panhelléniques ; la source de Narcisse ; le Pactole ; Socrate ; Epictète et Xénophon,
modèles d'Arrien ; Iris (messagère des dieux, déesse de l'arc-en-ciel) ; les 14 jours de
l'alcyon (calme, autour du solstice d'hiver) ; se compare à Alcibiade, l'expédition de
Sicile (415), mutilation des Hermès : un homme entré dans l'Histoire malgré les errements
et les morts que ses choix ont causés.

Plan du chapitre : concentré d'érudition qui rend compte du foisonnement existentiel de
l'empereur : amour, arts, paix, autorité ; l'amour apporte la quiétude qui éloigne de la
tentation de l'ascèse ; respect global de l'ordre chronologique, mais la synthèse du
dernier paragraphe y échappe (réflexion sur la tombe d'Alcibiade) ; nouvelle évolution
générique : entre le roman d'apprentissage et le récit de voyage.

Rapport aux sources : on ignore l'année de naissance précise d'Arrien de Nicomédie :
Yourcenar respecte l'approximation "entre 85 et 90" et fait en sorte qu'Hadrien le
présente comme étant plus jeune que lui d'"environ douze ans".

Mémoire : Hadrien le confesse : "ma mémoire se compose une seule fresque où
s'entassent les incidents et les voyages de plusieurs saisons".

                     b. Pages 182-187 : reconstruire Rome ? (121-138)

Personnages : Antinoüs ; Plotine ; architecte Apollodore (IIIb) ; Marcius Turbo (IIc, IIf, IIg,
IIIa) ; Servianus ; Lucius Céonius ; Sabine.

Cadre extradiégétique : aucune référence.

Principaux thèmes : mort de Plotine ; inaction au moment du retour à Rome ;
restauration du Colisée terminée (remplacement de la statue colossale de Néron par
Hélios-roi) ; temple de Vénus et de Rome terminé (à l'emplacement de la Domus Aurea)
: idée de représenter l'association Roma-Amor ; choix de restaurer le Panthéon (après le
deuxième incendie, en 110 ; symbolique de la coupole et de l'oculus) ; inauguration du
temple de Vénus et de Rome

L'action symbolique : acceptation du titre de Père de la Patrie ; se voir en continuateur
et en réformateur à la fois ; réflexions sur le couple impérial ; image finale du fleuve et de
l'île, derrière laquelle se dessine le Mausolée

Références culturelles de l'Antiquité : comparaison du couple impérial avec le couple
Zeus-Junon et avec le mariage fictif entre l'hiérophante et la prêtresse d'Éleusis.

Plan du chapitre : une date précise, celle de l'inauguration du temple (avril 129 d'après
le narrateur), mais probablement le 21 avril 135, 137 ou 138 (135 = 888 e anniversaire de
Rome).

                 c. Pages 188-201 : un amour trop lourd à porter (129-130)

Cadre extradiégétique : aucune référence

Personnages : Antinoüs ; Lucius ; préfet Cornélianus ; Polémon ; le poète Straton ;
marchand arabe Mélès Agrippa ; Marcus Ulpius Castoras ; Abgar, roi d'Osroène
(Mésopotamie) ; Philon de Byblos ; son médecin Hermogène ; le chirurgien Satyrus.

Principaux thèmes abordés : maturité d'Antinoüs ; culpabilité ; évocation d'une relation
avec Lucius ; anecdotes de la sécheresse de Carthage et des paysans de Sardaigne ;
voyages en Afrique : Lambèse (Algérie) ; inauguration du temple de Zeus à Athènes :
Hadrien y reçoit de nombreux titres ; fin de la relation exclusive avec Antinoüs ("j'étais
repris par ma rage de ne dépendre exclusivement d'aucun être") ; voyage en Troade ;
initiation aux mystères des Cabires (Samothrace : dieux buveurs descendants
d'Héphaïstos), aux oracles de Trophonios (Béotie), aux fêtes d'Orphée (Thrace), aux
orgies de la Déesse Syrienne (sacrifices humains), aux tauroboles du culte de Mithra
(modifications de l'édition 1958 : qques corrections apportées par MY : le taurobole
appartient au culte de Cybèle et non au culte de Mithra ; chasses grandioses chez
Abgar ; fréquentation des spécialistes de magie ; séjours à Tyr et Antioche ; recherches
en anatomie, notamment sur les "zones intermédiaires" entre l'âme et la matière, la vie
Vous pouvez aussi lire