Pneumonie à Staphylococcus aureus : quand faut-il l'évoquer et comment la traiter ?

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Réanimation (2010) 19, 304—309

MISE AU POINT

Pneumonie à Staphylococcus aureus : quand faut-il
l’évoquer et comment la traiter ?
Staphylococcus aureus pneumonia: When should we evoke it and how to
treat it?

S. Mortaza a,b, J.-R. Zahar a,∗,b, A. Kouatchet a,b

a
  Laboratoire de microbiologie, hôpital Necker- Enfants- Malades, Assistance publique—Hôpitaux de Paris, faculté de médecine,
université Paris-Descartes, 149, rue de Sêvres, 75743 Paris cedex 15, France
b
  Service de réanimation médicale, centre hospitalo-universitaire d’Angers, faculté de médecine, université d’Angers,
4, rue Larrey, 49000 Angers, France

Reçu le 7 février 2010 ; accepté le 30 mars 2010
Disponible sur Internet le 22 avril 2010

        MOTS CLÉS                         Résumé Staphylococcus aureus représente une cause rare de pneumonie communautaire. La
        SARM                              prévalence des souches de staphylocoques productrices de la leucocidine de Panton et Valen-
        communautaire ;                   tine (LPV) est en constante augmentation dans le monde. Cette toxine est impliquée dans la
        Pneumonie ;                       survenue d’une entité clinique appelée pneumonie nécrosante staphylococcique, au pronostic
        Leucocidine de                    particulièrement sombre, touchant des sujets sains et immunocompétents. Souvent précé-
        Panton et Valentine ;             dée d’une infection virale rhino-pharyngée, cette pneumonie est caractérisée par l’association
        Syndrome grippal ;                d’une fièvre élevée, d’hémoptysies, d’infiltrats alvéolaires multilobaires et d’une leucopénie.
        Antibiotique                      L’évolution, souvent mortelle, se fait le plus souvent vers un choc ou une hypoxémie réfractaire.
                                          Même si l’incidence des Staphylococcus aureus résistants à la méticilline (SARM) communau-
                                          taires LPV+ reste faible en France, en cas de forte suspicion, l’antibiothérapie empirique doit
                                          couvrir le SARM. Le choix thérapeutique doit prendre en compte les caractéristiques pharmaco-
                                          cinétiques des molécules, et favoriser celles ayant une bonne diffusion pulmonaire. De même,
                                          certaines données fondamentales suggèrent l’intérêt des molécules ayant la capacité à blo-
                                          quer la synthèse de la LPV. Enfin, l’administration précoce d’immunoglobulines intraveineuses
                                          pourrait être proposée comme traitement adjuvant.
                                          © 2010 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits
                                          réservés.

                                          Summary Staphylococcus aureus is a rare cause of community-acquired pneumonia. However,
        KEYWORDS                          methicillin resistant S. aureus (MRSA), usually known as a nosocomial pathogen, has emerged
        Community-acquired                as a cause of community-acquired necrotising pneumonia in young healthy patients without
        pneumonia;                        classic health-care-associated risk factors. Community-onset necrotising pneumonia due to CA-
                                          MRSA is now recognised as an emerging clinical entity (it still rarely described in France) with

    ∗   Auteur correspondant.
        Adresse e-mail : Jean-ralph.zahar@nck.aphp.fr (J.-R. Zahar).

1624-0693/$ – see front matter © 2010 Société de réanimation de langue française. Publié par Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés.
doi:10.1016/j.reaurg.2010.03.017
Pneumonie à Staphylococcus aureus                                                                                              305

                                   distinctive clinical features and substantial morbidity and mortality. A viral prodrome (e.g.,
  Staphylococcus                   influenza or influenza-like illness) followed by acute onset of shortness of breath, sepsis, and
  aureus;                          haemoptysis is the most frequent clinical presentation. Clinicians had to be aware of this cause
  Methicillin resistant;           of community-acquired pneumonia. Indeed in such patients treatment of community-acquired
  Panton Valentine                 pneumonia should include an appropriate antibiotic treatment to cover MRSA and to decrease
  leucocidin                       toxin production. In some cases, the adjunctive use of intravenous immunoglobulin may be
                                   indicated.
                                   © 2010 Société de réanimation de langue française. Published by Elsevier Masson SAS. All rights
                                   reserved.

Introduction                                                         Chez l’enfant, l’épidémiologie bactérienne des PAC
                                                                  diffère peu de celle de l’adulte. S. pneumoniae et
Le regain d’intérêt, ces dernières années, pour les pneu-         M. pneumoniae sont les deux espèces bactériennes les plus
monies communautaires à Staphylococcus aureus (SA) est            fréquemment isolées. Les infections à SA malgré leur gravité
largement dû à la diffusion aux États-Unis des SA résistants      restent exceptionnelles [7—10].
à la méticilline (SARM) communautaires et possédant la leu-
cocidine de Panton et Valentine (LPV). En effet, durant les       Pneumonie communautaire à Staphylococcus
cinq dernières années, le continent nord-américain a connu        aureus : terrain et présentation clinique
des épidémies d’infections à SARM communautaires dont
la localisation la plus inquiétante et la plus grave était le     La pneumonie communautaire à SA ne présente pas de
parenchyme pulmonaire.                                            particularités cliniques spécifiques. Seules les pneumonies
    Notre objectif dans cette revue est de repréciser le poids    secondaires à SA LPV+ nécessitent, de par leur présenta-
de cet agent pathogène dans l’épidémiologie des pneumo-           tion particulière et leur gravité initiale, une mise au point.
nies communautaires, de préciser la symptomatologie des           L’évolution de ces pneumonies nécrosantes, qui touche
pneumonies à SA sécréteur de la LPV et de rappeler les            volontiers les patients jeunes, est souvent décrite comme
possibilités thérapeutiques.                                      « foudroyante » et leur tableau clinique est caractérisé
                                                                  par l’association d’une fièvre élevée, d’une hémoptysie,
                                                                  d’infiltrats alvéolaires multilobaires et d’une leucopénie.
Épidémiologie des pneumonies                                      Dans une étude rétrospective, Gillet et al. avaient comparé
communautaires                                                    la présentation clinique et l’évolution de 16 patients présen-
                                                                  tant une pneumonie communautaire à SA LPV+ à 36 témoins
Les agents pathogènes les plus fréquemment isolés                 présentant une pneumonie à SA LPV- [11]. Dans ce travail,
des pneumonies aiguës communautaires (PAC) sont :                 les patients infectés par une souche LPV+ étaient plus jeunes
S. pneumoniae retrouvé dans 38 % des cas et les virus respi-      (âge médian 14,8 ans versus 70,1 ans) ; un syndrome pseu-
ratoires dans 29 % des cas [1]. Les autres agents pathogènes      dogrippal avait précédé 12 des 16 infections à SA LPV+ alors
semblent moins fréquemment isolés : Haemophilus influen-           qu’il n’existait que chez trois des 33 infectés par un SA LPV-
zae dans 2 % des cas, Mycoplasma pneumoniae, Legionella           [11]. Les patients infectés par une souche LPV+ étaient signi-
pneumophila, Chlamydiae spp respectivement dans 8 %, 4 %          ficativement plus fébriles, plus tachycardes et l’on notait
et 6 % des cas [2].                                               une différence significative sur la présence d’une hémopty-
    L’étiologie microbienne des pneumonies communautaires         sie, d’un épanchement pleural et d’une leucopénie [11].
varie en fonction de l’âge du patient, de la présence ou          Par ailleurs, la survie à 48 heures n’était que de 63 % en
non de comorbidité et de la gravité initiale. Ainsi, les          cas d’infection à SA LPV+ alors qu’elle était de 94 % pour
deux agents pathogènes les plus fréquemment isolés chez           les patients infectés par un SA LPV-. La survie médiane des
les patients admis en réanimation pour PAC grave sont             pneumonies à SA LPV+ n’était que de dix jours, la mort
S. pneumoniae et L. pneumophila [3].                              étant due à la survenue d’un choc ou d’une hypoxémie
    Quelles que soient les études épidémiologiques, SA ne         réfractaire. Enfin, l’étude anatomopathologique de trois cas
semble pas faire parti des agents pathogènes les plus fré-        a révélé des ulcérations nécrotiques diffuses trachéales et
quemment isolés. Ainsi, dans l’étude espagnole de Gutierrez       bronchiques ainsi qu’une nécrose hémorragique des septa
et al., SA était retrouvé globalement dans 0,4 % des cas et       inter-alvéolaires [11] (Tableaux 1—4).
uniquement dans la tranche d’âge de 15 à 44 ans, chez des             Le regain d’intérêt pour cette entité clinique est apparu
patients sans comorbidité et qui nécessitaient une hospi-         avec l’émergence des SARM communautaires aux États-
talisation systématique. De même, SA était isolé dans 1 %         Unis. L’incidence des pneumonies nécrosantes à SA LPV+
et 1,5 % des cas, respectivement, dans l’étude de Diaz et         est inconnue, seuls les cas identifiés ou publiés sont pris
celle de Lim [4,5]. Chez l’adulte, y compris en réanima-          en considération et certains cas ne sont probablement pas
tion, la prévalence des pneumonies à SA semble inférieure         diagnostiqués. La première description clinique de pneu-
à 2 %. Si les pneumonies communautaires à SA sont rares,          monie à SA LPV+ résistant à la méticilline remonte à
l’implication des souches sécrétrices de LPV atteint 85 %         2003 [12]. Les auteurs rapportaient quatre cas de pneu-
dans l’étude de Lina [6].                                         monie nécrotique survenant chez des patients jeunes, sans
306                                                                                                             S. Mortaza et al.

 Tableau 1    Présentation clinique des pneumonies a SARM           Tableau 3 Activité anti-SARM et anti LPV des principaux
 LPV +.                                                             antibiotiques utilisables.

 Terrain                                                                                 Activité anti-SARM    Activité anti-LPV
   Sujet jeune sans antécédent, sans comorbidité
                                                                    Linézolide           Oui                   Oui
   Épisode viral des voies aériennes supérieures
                                                                    Bactrim              Variable              Non
     précédant le tableau clinique
                                                                    Rifampicine          Oui                   Oui
 Présentation clinique
                                                                    Fluoroquinolones     Non                   Non
   Fièvre > 39 ◦ C
                                                                    Acide fucidique      Oui                   Oui
   Tachycardie >140/mn
                                                                    Clindamycine         Variable              Oui
   Hémoptysie
   Hypotension
   Leucopénie
   Atteinte multilobaire, épanchement pleural
                                                                   gie, quatre étaient infectés par une souche Influenza A [11].
                                                                   En mettant à nu la membrane des cellules ciliées, l’infection
 Tableau 2 Différences microbiologiques entre SARM                 virale préalable pourrait servir de porte d’entrée au SA lui
 communautaire et nosocomial.                                      permettant ainsi de coloniser l’épithélium respiratoire, les
                           SARM                SARM                souches productrices de LPV ayant une affinité particulière
                           communautaire       nosocomial          pour cet épithélium quand il est lésé [13]. Enfin, dans l’étude
                                                                   de Francis et al., le caractère hémorragique des aspira-
 Phénotype                                                         tions trachéales ainsi que la gravité initiale caractérisée par
   Fluroquinolones         Sensible            Résistant           la présence d’un état de choc et d’une leuconeutropénie
   Clindamycine            Sensible            Résistant           avaient été relevés par les auteurs [12]. Il est donc important
   Acide fucidique         Résistant           Sensible            d’évoquer le diagnostic devant :
   Gentamicine             Sensible            Sensible
   Kanamycine              Résistant
 Cassette de résistance                                            • la séquence virale précédant la symptomatologie pulmo-
   SCC mec                 IV                  II                    naire ;
 Prévalence en France       39 ◦ C, tachycardie > 140/min,          Fièvre variable, absence d’état de
                                         hypotension artérielle (choc                     choc d’emblée
                                         d’apparition rapide)
                                            Hémoptysie                                    Expectorations purulentes
                                            Lésions nécrotiques laryngées                 Absence de lésions nécrotiques
 NFS                                     Leucopénie                                       Hyperleucocytose
 Radiographie de thorax                  Atteinte multilobaire                            Atteinte unilobaire
                                         Pleurésie ± purulente                            Pleurésie peu fréquente
 Évolution                               Recours très fréquent à la ventilation           Ventilation mécanique moins
                                         mécanique (75 %)                                 fréquente
                                         Mortalité élevée (> 75 %)                        Mortalité plus faible
Pneumonie à Staphylococcus aureus                                                                                          307

Que faut-il penser de la toxine de                                plus élevée de toxine LPV, a permis de mettre en évidence
Panton—Valentine ?                                                l’absence de corrélation entre gravité clinique et production
                                                                  de toxine [23].

Connue depuis 1932 pour son activité leucotoxique, la toxine
de Panton-Valentine [15] est codée par deux gènes, luk-S-
                                                                  Microbiologie
PV et luk-F-PV, portés par un bactériophage lui conférant
la possibilité d’être transférable [16]. Ces gènes codent         Les épidémies décrites aux États-Unis et en Europe sont
pour une protéine extracellulaire composée de deux sous-          associées à la diffusion en milieu communautaire d’une
unités S et F, inactives individuellement : elles s’assemblent    souche clonale de SARM possédant une cassette de résis-
directement sur la paroi membranaire des cellules cibles          tance de type IV ou V (Souche dite USA 300) et possédant la
(polynucléaires neutrophiles-PNN, monocytes et macro-             toxine de LPV.
phages) pour former un heptamère capable d’ouvrir des                 En France, bien qu’il existe des souches résistantes à
canaux calciques et créer des pores transmembranaires.            la méticilline produisant la LPV, la majorité des souches
Cela entraîne la destruction des leucocytes attirés par           restent sensibles à la méticilline. Une première étude
l’infection du parenchyme pulmonaire, augmentant leur             rétrospective a été menée au CHU Bicêtre sur une durée de
perméabilité et entraînant la libération de leurs conte-          trois ans dont l’objectif a été de déterminer l’incidence des
nus toxiques (substances pro-inflammatoires, enzymes et            souches LPV+ au sein des souches de SARM. Des 17 souches
espèces réactives à l’oxygène) : ce processus accélére            possédant un phénotype de résistance évocateur, les auteurs
l’apoptose, induisant une vasodilatation locale et une            notaient une incidence de 0,8 % au sein de l’espèce et 2 %
nécrose tissulaire [17]. Cette réaction serait susceptible de     au sein des SARM [24].
s’auto-amplifier : les médiateurs inflammatoires libérés en             Une étude menée de 2001 à 2004 par l’ONERBA mettaient
masse attirant par chimiotactisme les PNN et favorisant ainsi     en évidence une prévalence de souches sécrétrices de la
l’infiltration tissulaire des cellules inflammatoires [18]. Elle    toxine de LPV au sein des souches de SARM, inférieure à
appartient à la famille des toxines synergo-hyménotropes,         0,4 % à l’hôpital comme en ville [25].
c’est-à-dire composée de deux sous-unités non associées               Plus récemment, Maugat et al., dans une étude tran-
mais qui agissent de façon synergique pour lyser la mem-         versale de trois mois dont l’objectif était d’estimer la
brane cellulaire [19].                                            fréquence d’isolement des SARM dans les laboratoires
    Pendant plusieurs années, le débat autour de la viru-         d’analyses de biologie médicale français et la proportion
lence propre de la toxine LPV est resté inachevé. En effet,       de souches productrices de la LPV notaient que l’incidence
les études cliniques comparant les infections dues à des          des patients porteurs de SARM dans la communauté
souches de SA LPV+ et celles dues à des souches de SA LPV-        française était estimée à 0,50 (IC95 % : 0,41—0,60) pour
mettaient en évidence une morbidité accrue et une sur-            10 000 habitants [26]. L’analyse moléculaire des souches
mortalité associée aux souches de SA LPV+ [11]. Toutefois,        confirmait que 80,6 % des SARM appartenaient au clone
les études fondamentales étaient jusque là contradictoires.       Lyon, caractéristique des souches hospitalières françaises
Certaines études plaidaient pour une virulence équivalente        et 10,6 % à des clones proches de celui-ci. Un clone émer-
des souches LPV+ et LPV- attribuée au gène de virulence           geant porteur du gène tst1 était détecté chez six patients
cna [13], les souches LPV+ auraient une affinité supérieure        et une seule souche productrice de LPV a été retrouvée
pour le collagène de type I et IV et la laminine [13,20].         [26].
D’autres, en évaluant le rôle de la toxine LPV sur un modèle          Les souches de SARM sécrétrices de LPV ont un profil
d’infection sous-cutanée chez la souris, ne mettaient en évi-     phénotypique caractéristique. Ainsi la présence d’une résis-
dence aucune différence de mortalité dans le groupe de            tance à la kanamycine, à l’acide fucidique, aux tétracyclines
souris infectées par une souche de SA LPV+ comparative-           et une sensibilité aux fluoroquinolones, à la gentamicine et à
ment aux souris infectées par une souche de SA LPV- [21].         la tobramycine doivent faire évoquer l’hypothèse de souches
Par ailleurs, dans ce travail, certaines souches LPV- sem-        sécrétrices de LPV.
blaient être plus virulentes que les souches LPV+, le volume
des abcès semblant plus important en cas d’infection par          Thérapeutique
une souche LPV- [21]. Enfin, dans un travail fondamental
récent, Lanbadeira—Rey et al. ont mis en évidence le rôle         L’antibiothérapie des pneumonies communautaires, notam-
fondamental de la toxine LPV dans la survenue des pneumo-         ment celles recommandées en cas de forme sévère, cherche
nies nécrosantes en démontrant que la toxine elle-même            à couvrir les deux agents pathogènes les plus fréquemment
était suffisante pour causer une atteinte du parenchyme            isolés : S. pneumoniae et L. pneumophila. Quelles que soient
pulmonaire [22]. De même, l’expression de la toxine LPV           les bêtalactamines utilisées (amoxicilline ou céphalospo-
était associée à une modification globale de la transcrip-         rine de troisième génération), elles sont soit inefficaces
tion de gènes codants pour d’autres protéines (sécrétées          (amoxicilline) soit de faible efficacité (céphalosporine de
ou membranaires), comme la protéine A staphylococcique            troisième génération) sur le SA sensible à la méticilline.
(SpA), une des plus importantes adhésines produite par SA,        Seule l’association amoxicilline — acide clavulanique a une
capable de perturber la phagocytose des cellules immuni-          activité suffisante sur les souches de SAMS, et dans tous les
taires. Plus récemment, une étude microbiologique réalisée        cas, les trois molécules les plus fréquemment prescrites sont
à partir de souches cliniques et dont l’objectif était de véri-   totalement inefficaces sur les souches de SARM. De plus,
fier si les manifestations cliniques graves (pneumonie ou          outre la nécessité d’adapter l’antibiothérapie initiale et de
fasciite, nécrosantes) étaient associées à une production         couvrir le staphylocoque, il paraît important au moins dans
308                                                                                                             S. Mortaza et al.

les pays où la prévalence est plus importante qu’en France,      [36]. Certains auteurs ont utilisé des facteurs de crois-
de couvrir les SARM.                                             sance hématopoïétiques chez des patients neutropéniques
    Pour être efficace, l’antibiothérapie doit prendre en         présentant une pneumonie nécrosante [37]. L’utilisation de
compte plusieurs particularités : la sensibilité à la méticil-   l’oxygénation extracorporelle ne semble pas être efficace
line, la diffusion pulmonaire de la molécule et une activité     dans cette indication [38].
modulant l’expression de la toxine. L’antibiothérapie
« classique » des infections à SARM reste, à l’heure actuelle,
                                                                 Conclusion
les glycopeptides. Toutefois, leur lente bactéricidie, leur
mauvaise diffusion tissulaire et la difficulté d’obtention
de concentrations efficaces font que d’autres molécules           La pneumonie à SA LPV+ reste une entité rare en France.
sont proposées [27]. Des succès variables dans le trai-          Toutefois, sa rapidité d’évolution et sa gravité font qu’il
tement des pneumonies à SARM LPV+ ont été obtenus                est important de savoir l’évoquer chez le sujet jeune, sans
avec des associations d’antibiotiques comportant les molé-       antécédent connu, présentant une pneumonie d’évolution
cules suivantes : vancomycine, clindamycine, rifampicine,        rapide, nécrosante, précédée d’un syndrome pseudogrippal
association triméthoprime-sulfaméthoxazole [11,28—30]. Il        et éventuellement en échec d’une antibiothérapie adap-
a été démontré, in vitro, que les bêtalactamines (et à           tée à une situation de pneumonie communautaire grave.
un moindre degré les glycopeptides) pouvaient augmenter          Dans ce cas, la mise en place, dès la suspicion clinique,
la sécrétion de LPV en cas de concentration insuffisante          d’une antibiothérapie prenant en compte le SARM semble
[31]. Or les bêtalactamines diffusant mal dans les tissus        aujourd’hui primordiale. Enfin, la prise en compte du poten-
nécrotiques, abcédés et peu vascularisés des pneumonies          tiel de gravité de cette pathologie doit rapidement faire
nécrosantes, leur usage serait donc susceptible d’aggraver       envisager une admission dans un service adapté de réani-
théoriquement les lésions pulmonaires, surtout à la phase        mation capable d’une prise en charge spécifique, tenant
aiguë où les lésions sont les plus importantes. L’utilisation    compte de l’importance des lésions nécrotiques et du risque
d’oxacilline seule (sans substance inhibitrice de LPV) en cas    élevé d’évolution vers une hypoxie réfractaire ou un choc
de SAMS LPV+ serait donc potentiellement délétère.               septique.
    En revanche, il a également été démontré in vitro que les
antibiotiques inhibiteurs de la synthèse protéique comme         Conflit d’intérêt
le linézolide ou la clindamycine, inhibent fortement la
sécrétion de LPV [32,33], raison pour laquelle ces deux          Aucun.
antibiotiques sont largement utilisés dans les pneumonies
nécrosantes à SA LPV+. La clindamycine et le linézolide
permettent de supprimer la production de la toxine LPV pen-      Références
dant la phase stationnaire de croissance du staphylocoque
[34], la clindamycine permettant par ailleurs de diminuer la     [1] Johansson N, Kalin M, Tiveljung-Lindell A, Giske CG, Hed-
sécrétion de la toxine TSST-1, responsable du choc toxique           lund J. Etiology of community-acquired pneumonia: increased
                                                                     microbiological yield with new diagnostic methods. Clin Infect
staphylococcique [35]. À noter que le linézolide est un anti-
                                                                     Dis;50(2):202—9.
biotique efficace sur les souches de SARM alors que l’activité
                                                                 [2] Gutierrez F, Masia M, Rodriguez JC, et al. Epidemiology of
de la clindamycine est variable dans ce cas. Ainsi, certaines        community-acquired pneumonia in adult patients at the dawn
souches isolées aux États-Unis ont une résistance inductible         of the 21st century: a prospective study on the Mediterranean
à la clindamycine empêchant l’utilisation de cette molé-             coast of Spain. Clin Microbiol Infect 2005;11(10):788—800.
cule. La rifampicine et les fluoroquinolones, notamment la        [3] Gutierrez F, Masia M, Mirete C, et al. The influence of age
lévofloxacine et la moxifloxacine, font partie de l’arsenal            and gender on the population-based incidence of community-
thérapeutique. La durée optimale de traitement reste incer-          acquired pneumonia caused by different microbial pathogens.
taine. Le caractère abcédé de la pneumonie implique une              J Infect 2006;53(3):166—74.
durée du traitement souvent prolongée à trois ou quatre          [4] Diaz A, Barria P, Niederman P, et al. Etiology of community-
                                                                     acquired pneumonia in hospitalized patients in chile: the
semaines.
                                                                     increasing prevalence of respiratory viruses among classic
                                                                     pathogens. Chest 2007;131(3):779—87.
                                                                 [5] Lim WS, Macfarlane JT, Boswell TC, et al. Study of commu-
Traitements associés                                                 nity acquired pneumonia aetiology (SCAPA) in adults admitted
                                                                     to hospital: implications for management guidelines. Thorax
L’utilisation des immunoglobulines intraveineuses a été              2001;56(4):296—301.
proposée. Elles comportent des anticorps dirigés contre          [6] Lina G, Piemont Y, Godail-Gamot F, et al. Involvement of
les deux sous-unités de la LPV qui permettent in vitro :             Panton-Valentine leukocidin-producing Staphylococcus aureus
(1) de neutraliser l’activité de la toxine en inhibant               in primary skin infections and pneumonia. Clin Infect Dis
la formation de pore et (2) d’inhiber son effet cyto-                1999;29(5):1128—32.
toxique. L’inhibition de l’activité semble être temps            [7] Chiang WC, Teoh OH, Chong CY, Goh A, Tang JP, Chay
                                                                     OM. Epidemiology, clinical characteristics and antimicro-
et concentration-dépendante. Leur prescription précoce
                                                                     bial resistance patterns of community-acquired pneumo-
limiterait théoriquement l’aggravation des lésions paren-            nia in 1702 hospitalized children in Singapore. Respirology
chymateuses. La dose recommandée n’est pas bien                      2007;12(2):254—61.
identifiée. À l’instar du choc toxique d’origine strep-           [8] Tajima T, Nakayama E, Kondo Y, et al. Etiology and clinical
tococcique, les auteurs utilisent une dose de 2 mg/kg                study of community-acquired pneumonia in 157 hospitalized
renouvelable dans les 48 heures en cas de sepsis persistant          children. J Infect Chemother 2006;12(6):372—9.
Pneumonie à Staphylococcus aureus                                                                                                            309

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