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EBMT Nursing Education : Cellule souche hématopoïétique Mobilisation et cytaphérèse : Guide pratique à l’usage des infirmiers et autres professionnels paramédicaux 12 Novembre 2009 I
L’EBMT (European Group for Blood and Marrow Transplantation) remercie les personnes suivantes pour leur analyse critique et leur contribution à l’élaboration de ce guide : Erik Aerts (infirmier diplômé) Suisse Aleksandra Babic (infirmière diplômée) Italie Hollie Devine (infirmière diplômée) États-Unis Françoise Kerache (infirmière diplômée) Allemagne Arno Mank (infirmier diplômé) Pays-Bas Harry Schouten (M.D.) Pays-Bas Nina Worel (M.D.) Autriche
Cellule souche hématopoïétique Mobilisation et cytaphérèse : Guide pratique à l’usage des infirmiers et autres professionnels paramédicaux Table des matières Chapitre 1 : Synthèse sur l’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques . . . . . . . . . . . . . . . 1 Chapitre 2 : Mobilisation. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 5 Chapitre 3 : Collecte de cellules souches (cytaphérèse), conservation et ré-injection . . . . . . . . 13 Chapitre 4 : Comment évoquer certains sujets avec les patients. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19 Glossaire. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 23 Bibliographie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24 Autres ressources. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27 Notes. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 28 Table of Contents
Chapitre 1 : Synthèse Chapitre 1 : Synthèse sur l’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques Les stratégies de traitement du cancer les plus reconnues comprennent la chimiothérapie et la radiothérapie. L’objectif en administrant une chimiothérapie haute dose et/ou une radiothérapie aux patients présentant des tumeurs non réfractaires est de réduire la taille tumorale. L’administration de ces traitements dans le respect des doses élevées et du calendrier intensif qu’ils nécessitent, est souvent limitée par des toxicités d’organes (par ex. moelle osseuse, cœur et poumon) et par une pancytopénie. Afin de surmonter ces limites liées à la dose administrée, l’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques (ACSH), traitement à haute dose basé sur l’injection de cellules souches hématopoïétiques, a évolué en un protocole médical permettant l’administration de doses élevées de médicaments tout en conservant une toxicité acceptable vis-à-vis des organes et du système hématopoïétique. L’injection de cellules souches autologues après un traitement intensif permet de « récupérer » la moelle osseuse en rétablissant une hématopoïèse normale. Suite à la récupération d’un fonctionnement normal de leur moelle osseuse, les patients peuvent être guéris ou recevoir un traitement anti-cancéreux supplémentaire.1,2 L’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques est un protocole médical complexe utilisé pour traiter et guérir les patients souffrant de diverses maladies malignes et non malignes. Bien que la première information sur l’utilisation d’une autogreffe dans le traitement du cancer ait été rapportée dans les années 1890,3 la guérison de patients souffrant de pathologies cancéreuses ne fut documentée qu’en 1978, suite à un essai clinique mené au National Cancer Institute (Etats-Unis).4 A la suite de ce rapport, des progrès considérables ont été réalisés dans la pratique de l’autogreffe et des milliers de patients à travers le monde ont bénéficié d’un traitement réussi de leur maladie grâce à l’utilisation de l’autogreffe. Le terme « autogreffe de cellules souches hématopoïétiques » est souvent employé comme synonyme des termes autogreffe de la moelle osseuse, autogreffe des cellules souches du sang périphérique et autogreffe de cellules hématopoïétiques.5 « Autogreffe » signifie que les cellules du donneur utilisées dans le protocole proviennent du patient lui-même, par opposition à « allogénique » où elles proviennent de cellules d’un donneur différent du patient. Dans certains cas de greffe allogénique, le terme « syngénique » est utilisé lorsque le donneur de cellules est un jumeau monozygote du patient. La source de la collecte des cellules souches est identifiée par les termes « moelle osseuse » et « sang périphérique ». Les cellules nécessaires au patient peuvent être prélevées soit directement dans la moelle osseuse du donneur, telles que celles de la crête iliaque des os pelviens, soit dans le sang périphérique du donneur. Par ailleurs, le sang de cordon ombilical, extrait du cordon ombilical et du placenta après un accouchement, est une autre source de cellules souches progénitrices utilisées en pratique clinique pour les greffes allogéniques.6 Quand deux autogreffes sont pratiquées de façon planifiée et séquentielle, le processus est appelé « autogreffe de cellules souches en tandem »6,7 Pendant les trois décennies qui ont suivi la première utilisation réussie d’autogreffe, l’intérêt de ce traitement dans les pathologies malignes et non malignes a été bien établi (Tableau 1)8. En cas de rechute de pathologies malignes, les chimiothérapies standards peuvent provoquer des niveaux inacceptables de suppression de la moelle osseuse (myélosuppression), entraînant une leucopénie, une thrombocytopénie, ainsi qu’une anémie. Cela augmente le risque d’infections, potentiellement mortelles, et de saignements. Après une chimiothérapie, le patient reçoit donc une greffe de cellules souches afin de régénérer la moelle osseuse endommagée. Ainsi, la ré-injection de cellules souches autologues est devenue une stratégie thérapeutique permettant de raccourcir la période de myélosuppression.9,11 Les données montrent qu‘un traitement à haute dose associé à des cellules souches de sauvetage a un impact positif sur le taux de réponse de la maladie. Néanmoins, chez certains patients, cette association ne permet pas d’améliorer la survie globale par rapport aux chimiothérapies conventionnelles. Ainsi, le rôle définitif de l’autogreffe dans certaines situations, telles que le traitement du lymphome de Hodgkin réfractaire ou en rechute, ou la leucémie lymphocytaire chronique reste en suspens12–15 et les indications de l’autogreffe continuent à évoluer. Chapitre 1 : Synthèse sur l’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques 1
Tableau 1. Indications de l’autogreffe des cellules souches hématopoïétiques chez l’adulte8 Option, basée sur Nécessité d’études Généralement non Maladie Traitement standard un rapport bénéfice ou d’investigations supplémentaires recommandé / risque Leucémie aiguë RC1 (risque standard, intermédiaire RC2 (rechute naissante) lymphoblastique ou élevé) Maladie en rechute ou réfractaire Leucémie aiguë myéloïde RC1 (risque intermédiaire) RC1 (risque faible RC3 (rechute naissante) M3 (RC2 moléculaire) ou élevé) M3 (persistance moléculaire) RC2 Maladie en rechute ou réfractaire Leucémie lymphoïde Maladies de faible risque chronique Leucémie myéloïde Première (PC), échec à l’imatinib Crise blastique chronique Phase accélérée ou > première PC Myélofibrose primaire ou secondaire avec un score de Lille intermédiaire ou élevé Syndrome AREBt AR myélodysplasique LAMs en RC1 ou RC2 AREB Stades plus avancés LNH diffus à grandes Rechute chimiosensible ; RC1 (IPI intermédiaire Maladie réfractaire cellules ≥ RC2 ou élevé au diagnostic) Lymphome du manteau RC1 Maladie réfractaire Rechute chimiosensible ; ≥ RC2 Lymphome RC1 Maladie réfractaire lymphoblastique Rechute chimiosensible ; et lymphome de Burkitt ≥ RC2 LNH folliculaire à Rechute chimiosensible ; RC1 (IPI intermédiaire Maladie réfractaire cellules B ≥ RC2 ou élevé au diagnostic) LNH à cellules T RC1 Rechute chimiosensible ; ≥ RC2 Maladie réfractaire Lymphome de Hodgkin Rechute chimiosensible ; Maladie réfractaire RC1 ≥ RC2 Lymphome de Hodgkin Rechute chimiosensible ; RC1 nodulaire à prédomi- ≥ RC2 nance lymphocytaire Maladie réfractaire Myélome multiple Amylose Anémie aplasique sévère Hémoglobinurie paroxystique nocturne Cancer du sein* Situation adjuvante à Réaction métastatique haut risque Réaction métastatique Tumeurs à cellules réfractaires de Rechutes sensibles germinales troisième ligne Cancer de l’ovaire RC/RP Rechute sensible au platine Méduloblastome* Post-chirurgie Post-chirurgie Cancer du poumon à Maladie limitée petites cellules Carcinome à cellules Métastatiques, réfractaire aux rénales cytokines Sarcome à cellules Réaction métastatique molles Cytopénies immunes Sclérose systémique Arthrite rhumatoïde Sclérose multiple Lupus érythémateux systémique Maladie de Crohn Polyradiculoneuropathie inflammatoire démyélinisante chronique PC, phase chronique ; RC1, 2, 3, première, deuxième ou troisième rémission complète ; RC/RP, réponse complète/réponse partielle ; IPI, Index pronostique international ; LNH, lymphome non hodgkinien ; AR anémie réfractaire ; AREB, anémie réfractaire avec excès de blastes ; AREBt, anémie réfractaire avec excès de blastes en transformation ; LAMs, leucémie aiguë myéloïde secondaire ; indique l’utilisation de l’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques quel que soit le grade. *Chez les patients présentant un cancer du sein métastatique répondeur ou avec médulloblastome, l’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques peut être envisagée si les avantages dépassent les risques, bien que des études supplémentaires soient encore nécessaires. 2 Cellule souche hématopoïétique Mobilisation et cytaphérèse : Guide pratique à l’usage des infirmiers et autres professionnels paramédicaux
Une autogreffe est un processus complexe impliquant une approche et des ressources multidisciplinaires. Sur le plan historique, ce traitement était proposé uniquement dans les centres hospitaliers universitaires. Néanmoins, avec les progrès de la médecine et des connaissances sur les procédures d’autogreffe, les patients peuvent désormais recevoir ce traitement dans des hôpitaux généraux. Le processus de la greffe de cellules souches peut être résumé en huit étapes distinctes (Figure 1) : (1) administration des traitements de mobilisation, (2) mobilisation, (3) collecte, (4) préparation du produit pour la conservation, (5) cryoconservation, (6) traitement myéloablatif, (7) greffe de cellules souches et 8) prise de greffe et récupération.1,2,6,16 Pour de plus amples informations sur chaque étape, veuillez consulter le chapitre 3. Figure 1. Le processus de greffe de cellules souches1,2,6,16 Injections Mobilisation Collecte 1 2 3 Vaisseau sanguin Moelle osseuse Injections des traitements de mobilisation Les cellules souches sont stimulées pour qu’elles Collecte des cellules souches mobilisées dans le migrent de la moelle osseuse vers le système sanguin sang en utilisant une machine de cytaphérèse Préparation pour la Chimiothérapie conservation Cryoconservation et/ou irradiation 4 5 6 Les cellules souches prélevées sont stockées dans Congélation des cellules souches pour utilisation Administration du traitement myéloablatif destiné des poches de perfusion après réalisation du traitement myéloablatif à éradiquer d’éventuelles cellules cancéreuses résiduelles et à préparer la moelle à accueillir les nouvelles cellules Greffe des cellules souches Prise de greffe et récupération 7 8 de neutrophiles (NAN) Numération absolue 500 20 000 Plaquettes Suivi après transplantation Suivi après transplantation Les cellules souches précédemment prélevées sont L’un des objectifs de l’autogreffe de cellules souches est de permettre aux cellules greffées de se transformer en cellules décongelées puis ré-injectées dans le système sanguin matures et fonctionnelles, telles que les neutrophiles et les plaquettes. Les premiers signes de prise de greffe et de récupération hématologique se traduisent par l’élévation de la numération absolue des neutrophiles et des plaquettes Chapitre 1 : Synthèse sur l’autogreffe de cellules souches hématopoïétiques 3
Dès que les patients sont identifiés comme candidats à une autogreffe, ils subissent des examens permettant de s’assurer de leur capacité à tolérer la procédure. Des médicaments sont administrés aux patients pour stimuler la migration des cellules souches de la moelle osseuse vers le sang périphérique. Ces cellules sont alors prélevées par cytaphérèse. À l’issue de la cytaphérèse, les cellules sont traitées, puis cryoconservées en vue d’une utilisation future. Habituellement, la durée de conservation varie de quelques semaines à quelques mois, bien que certains chercheurs aient rapporté avoir conservé le produit pendant 14 ans sans que celui-ci ne perde sa viabilité .17-19 Après une cytaphérèse, les patients peuvent recevoir une chimiothérapie additionnelle pour traiter une maladie sous-jacente ou peuvent directement recevoir traitement myéloablatif pré-greffe (c.-à-d., chimiothérapie à haute dose ± radiothérapie) suivi de l’injection des cellules souches précédemment collectées. Les premiers signes de prise de greffe sont une augmentation de la formule leucocytaire, survenant en général entre deux à quatre semaines après l’injection de cellules souches autologues.1,2 4 Cellule souche hématopoïétique Mobilisation et cytaphérèse : Guide pratique à l’usage des infirmiers et autres professionnels paramédicaux
Chapitre 2 : Mobilisation L’hématopoïèse désigne la fabrication des différents composants cellulaires du sang. Il s’agit d’un processus continu qui permet le maintien du fonctionnement normal du système immunitaire et de l’hémostase. Chez l’adulte, l’hématopoïèse se produit principalement dans la moelle osseuse du pelvis, du sternum, de la colonne vertébrale et du crâne.20,21 La fabrication de cellules sanguines matures se situe spécifiquement dans le microenvironnement de la moelle osseuse (Figure 2).20-22 Figure 2. Microenvironnement de la moelle osseuse20-22 Mobilisation Chapitre 2 : Cellules souches hématopoïétiques Vaisseau sanguin Cellules stromales Ostéoclaste Matrice osseuse Toutes les cellules sanguines sont dérivées des cellules souches, également appelées cellules souches pluripotentes. Ces cellules ont une capacité d’auto renouvellement illimitée, ainsi qu’une capacité de se différencier en tout type de cellule sanguine mature. La cellule souche pluripotente peut se différencier en un des deux types de cellules souches communes - la cellule souche myéloïde commune et la cellule souche lymphoïde commune. Ces cellules souches communes peuvent ensuite se différencier en cellules sanguines via une cascade complexe d’évènements (Figure 3). Le résultat final est la fabrication de cellules myéloïdes et lymphoïdes. Les cellules myéloïdes, telles que les globules rouges, les plaquettes, les macrophages et les neutrophiles sont responsables de la régénération des tissus, de l’oxygénation, de la viscosité du sang, de la coagulation et de la fonction immunitaire telle que l’immunité innée et acquise. Les cellules lymphoïdes, notamment les cellules T et les cellules B, font partie de la base du système de l’immunité acquise.2,20 Les cytokines jouent un rôle majeur dans l’hématopoïèse. Quand les cellules souches sont exposées aux cytokines, la cascade de maturation visant à produire les différentes cellules sanguines engagées est déclenchée. Des exemples de cytokines importantes sont listés dans la Figure 3. Ces cytokines sont endogènes, bien que pendant le processus de collecte de cellules souches, certaines cytokines exogènes sont administrées aux patients, afin d’améliorer le rendement des cellules souches dans un court laps de temps.21-25 Ces cytokines exogènes comprennent le filgrastim (facteur de croissance granulocytaire [G-CSF] glycosylé) et le lénograstim (G-CSF non glycosylé). Chapitre 2 : Mobilisation 5
Figure 3. Cascade de maturation de la cellule souche2,20 Cellule souche hématopoïétique Différenciation Différenciation Cellules précurseurs lymphoïdes dédiées Cellules précurseurs myéloïdes dédiées IL-2 SCF GM-CSF IL-7 Cytokines Epo Tpo IL-3 IL-12 GM-CSF M-CSF IL-3 G-CSF Supplémentaire Monocyte/ Globule Plaquettes Éosinophile Cellule B Cellule T Granulocyte macrophage rouge Cellules différenciées Epo, érythropoïétine ; G-CSF, facteur de croissance granulocytaire, GM-CSF, facteur de croissance granulocyte-macrophage ; IL, interleukine ; M-CSF, facteur de croissance des macrophages ; FCS, facteur de cellule souche ; Tpo, thrombopoïétine. Les chimiokines font partie d’un sous-groupe de cytokines associées à un seul récepteur et contribuant à la migration de la cellule. Les cellules stromales sont des couches de cellules responsables du maintien du microenvironnement de la moelle osseuse. Ces cellules sécrètent de la chimiokine SDF-1a. Cette chimiokine est une molécule de signalisation importante responsable de la prolifération, de l’écotropisme et de la prise de greffe des cellules souches. A un moment spécifique de leur développement, les cellules souches expriment le récepteur de chimiokine CXCR4. Le CXCR4 est responsable de l’ancrage des cellules souches dans le microenvironnement de la moelle osseuse. Quand le CXCR4 et le SDF-1a se lient, des interactions entre les intégrines et les molécules d’adhésion cellulaire se produisent également. L’ancrage des cellules souches au sein du microenvironnement de la moelle osseuse survient grâce à la production continue de SDF-1a par les cellules stromales. C’est la perte d’ancrage aux cellules stromales, ainsi que la perte de l’activité de SDF-1a qui favorisent la libération des cellules souches dans la circulation périphérique. Un blocage de ce récepteur avec un antagoniste de la chimiokine (tel que le plérixafor) provoque une augmentation de la quantité de cellules souches hématopoïétiques (CSH) et permet la collecte de cellules souches chez les patients présentant un myélome et un lymphome multiple.26-31 6 Cellule souche hématopoïétique Mobilisation et cytaphérèse : Guide pratique à l’usage des infirmiers et autres professionnels paramédicaux
Les cellules souches pluripotentes expriment le marqueur antigénique CD34. Ce marqueur est l’indicateur le plus souvent utilisé en pratique clinique pour déterminer l’ampleur et l’efficacité des collectes de cellules souches périphériques.25 Bien qu’ils ne représentent pas une mesure exacte de la qualité et de la quantité des cellules prélevées, les échantillons sanguins issus des collectes sont analysés afin de déterminer le nombre de cellules CD34+ présentes. Dès que l’objectif spécifique du nombre de cellules est atteint, les collectes de cellules sont arrêtées et conservées pour une utilisation future. Les objectifs cibles peuvent varier en fonction des centres de traitement et l’objectif spécifique du patient est lié à la maladie sous-jacente, la source des cellules souches et le type de greffe à pratiquer. En général, un objectif de 2 × 106 CD34+ cellules/kg de poids corporel est considéré comme minimum pour une autogreffe avec un objectif optimal de ≥ 5 × 106 CD34+ cellules/kg pour une seule greffe et de ≥ 6 × 106 CD34+ cellules/kg pour une greffe en tandem.23,25,32-36 Historiquement, les prélèvements des cellules Figure 4. Prélèvement de la moelle souches autologues impliquaient le prélèvement de la osseuse moelle osseuse de la région postérieure de la crête iliaque du patient (Figure 4) sous anesthésie générale au bloc opératoire. Néanmoins, avec les progrès de la technologie médicale, la plupart des prélèvements sont maintenant effectués par cytaphérèse (Figure 5). Le prélèvement des cellules souches du sang périphérique est considéré comme la méthode de choix pour la mobilisation avant une ACSH, permettant le confort du patient, une diminution de la morbidité et une prise de greffe rapide des leucocytes et des plaquettes. D’autres éléments de comparaison entre le prélèvement de la moelle osseuse et du sang périphérique pour une transplantation autologue sont résumées dans le Tableau 2.1,2,37-40 Tableau 2. Avantages et inconvénients des méthodes de collecte des cellules souches hématopoïétiques1,2,37-40 Méthode Avantages Inconvénients de collecte Moelle • Collecte unique • Pratiqué dans un établissement ayant une structure osseuse de soins intensifs en raison de l’anesthésie générale • Mise en place spéciale de cathéter non requise • Prise de greffe de neutrophiles et de plaquettes plus • Utilisation des cytokines non requise lente • Taux de morbidité et de mortalité plus élevés • Contamination du produit par les cellules tumorales potentiellement plus élevée Sang • Anesthésie générale non requise et • La collecte peut durer plusieurs jours périphérique possibilité d’être effectuée en consultation • Nécessite parfois la mise en place de cathéter à gros externe calibre et à double lumière pour la collecte • Prise de greffe de neutrophiles et de • Les hémorragies, les embolies et les infections sont plaquettes plus rapide des complications possibles liées à l’insertion du • Associé à des taux de morbidité et de cathéter veineux central mortalité inférieurs • Contamination du produit par les cellules tumorales potentiellement moins élevée Chapitre 2 : Mobilisation 7
Figure 5. Collecte par cytaphérèse Les concentrations des CSH sont de 10 à 100 fois supérieures dans la moelle osseuse que dans la circulation périphérique.1 Par conséquent, des méthodes permettant d’augmenter les concentrations des CSH circulantes sont nécessaires afin d’assurer des collectes satisfaisantes. Les traitements pour mobiliser les CSH incluent l’administration de cytokines avec ou sans chimiothérapie préalable aux périodes de collecte. L’utilisation de filgrastim et de lénograstim seuls comme mobilisateurs est bien établie ; ces deux agents ayant démontré de façon reproductible des concentrations élevées de CSH circulantes.41,42 On pense que le G-CSF stimule la mobilisation des CSH en diminuant l’expression génétique de SDF-1a et les niveaux protéiniques tout en augmentant les protéases qui peuvent cliver les interactions entre les CSH et l’environnement de la moelle osseuse.43-46 Le mécanisme d’action du G-CSF est illustré dans la Figure 6.43-46 La dose recommandée de filgrastim et de lénograstim est de 10 mcg/kg/j par injection sous-cutanée pendant plusieurs jours.47,48 Cependant, ces facteurs de croissance sont typiquement administrés à une dose quotidienne totale de 3-24 mcg/kg/j.25 Les données indiquent que des doses divisées de G-CSF (par ex., lénograstim 5 mcg/kg deux fois par jour) sont plus efficaces que l’administration d’une dose unique (par ex., lénograstim 10 mcg/kg quotidiennement) en raison d’un rendement supérieur de cellules CD34+ avec moins de cytaphérèse.49-51 Toutefois, la pratique clinique courante ne favorise aucune des deux approches. Figure 6. Mécanisme d’action du G-CSF43-46 Vaisseau sanguin Moelle osseuse G-CSF Neutrophile Cellules CD34+ Prolifération Libération de protéases CXCR4 Molécule d'adhésion SDF-1α Cellule stromale Ostéoblaste CXCR4, récepteur 4 de chimiokine ; G-CSF, facteur de croissance granulocytaire ; SDF-1α, facteur-1 alpha dérivé de la cellule stromale. 8 Cellule souche hématopoïétique Mobilisation et cytaphérèse : Guide pratique à l’usage des infirmiers et autres professionnels paramédicaux
Comme il est fréquent d’observer une augmentation des CSH après un traitement par chimiothérapie myélosuppressive, une méthode alternative de mobilisation des CSH consiste à administrer une chimiothérapie en association aux cytokines.22,24,25 Ce procédé est souvent appelé « chimiomobilisation ». La chimiothérapie et les cytokines agissent en synergie pour mobiliser les CSH, bien que le mécanisme exact de la mobilisation par chimiothérapie ne soit pas totalement connu. Les mécanismes possibles de la mobilisation après une chimiothérapie incluent les effets de la chimiothérapie sur l’expression des molécules d’adhésion cellulaire dans la moelle osseuse et les dommages induits par la chimiothérapie sur les cellules stromales de la moelle osseuse. Ces deux mécanismes produisent des concentrations élevées de CSH circulantes dues à la perturbation du microenvironnement de la moelle osseuse.28 La cinétique de la production des cellules CD34+ et des leucocytes après une chimiothérapie et l’administration de facteurs de croissance sont illustrées dans la Figure 7. Figure 7. Cinétique généralisée du leucocyte et de la cellule Les agents chimiothérapeutiques CD34+ Mobilisation dans le sang périphérique après une les plus couramment utilisés en chimiomobilisation sont le chimiothérapie et l’administration de cytokines cyclophosphamide et l’étoposide à haute dose.22,25,38 Le filgrastim Leucocytes Cellules CD34+ (5 mcg/kg/j) peut être utilisée la Aphérèse cytokine dans la chimiomobilisation.47 Niveau cellulaire Comme aucune chimiothérapie de mobilisation n’a démontré de supériorité par rapport aux autres, certains cliniciens choisissent d’utiliser la chimiothérapie dédiée 1 5 10 à la maladie pour la mobilisation. Nombre de jours après l'administration de la chimiothérapie Des exemples d’associations ainsi utilisées sont le protocole Chimiothérapie G-CSF cyclophosphamide, doxorubicine, vincristine, prédnisone (CHOP) G-CSF, facteur de croissance granulocytaire. ou le protocole infosfamide, carboplatine, étoposide (ICE).25 De plus, l’utilisation de rituximab (un anti-corps monoclonal dirigé vers les cellules exprimant le CD20) avant la mobilisation n’a démontré aucun rendement inférieur de cellules CD34+. En fait, il peut aider à réduire la contamination tumorale du greffon infecté.52,53 Les évènements indésirables associés aux agents chimiothérapeutiques couramment utilisés lors de la mobilisation sont listés dans le Tableau.54,55 Tableau 3. Complications* associées aux agents chimiothérapeutiques couramment utilisés pour la mobilisation (par exemple le cyclophosphamide ou l’étoposide)54,55 Effets secondaires à court terme Effets secondaires à long terme • Malaise général (faiblesse) • Miction réduite (peut indiquer une • Infertilité lésion rénale) • Symptômes GI (diarrhées, nausées, vomissements, perte d’appétit, gêne • Difficulté respiratoire ou œdème ou douleur d’estomac) (peuvent indiquer une insuffisance • Effets cutanés et de la muqueuse (érythème, modification de la texture cardiaque congestive) des ongles, alopécie, inflammation de la muqueuse) • Malignités secondaires (peuvent • Myélosuppression (thrombocytopénie, leucopénie) se présenter sous forme de • Effets secondaires liés à l’injection (tels que hypertension artérielle, nævus inhabituels, de plaies bouffées vasomotrices, douleur thoracique, fièvre, diaphorèse, cyanose, cutanées non cicatrisantes ou de urticaire, angio-œdème et bronchospasme) plastrons inhabituels) • Réaction allergique • Signes d’infection, par exemple frissons ou fièvre • Sang dans l’urine (peut indiquer une lésion de la vessie) • Sang dans les selles GI, gastro-intestinal. * Merci de consulter les monographies des produits concernés pour une liste complète des réactions indésirables. Chapitre 2 : Mobilisation 9
Le plérixafor est un nouvel agent récemment Figure 8. Mécanisme d’action du plérixafor57-61 autorisé par l’Union européenne en association avec le G-CSF chez les patients présentant ou un lymphome ou un myélome multiple dont Vaisseau sanguin les cellules se mobilisent mal, dans le but de mobiliser les cellules de la moelle osseuse dans le sang périphérique pour une collecte et Moelle osseuse une autogreffe.56 Le plérixafor est une petite molécule antagoniste du CXCR4 qui inhibe réversiblement l’interaction entreNeutrophil le CXCR4 Plérixafor Plerixafor et le SDF-1a (voir le mécanisme d’action du plérixafor à la Figure 8).57-61 Il a été démontré que l’utilisation du plérixafor en association Cellules CD34+ avec le G-CSF améliorait la collecte de cellules CXCR4 CD34+ chez les patients présentant un lymphome ou un myélome multiple par rapport à l’utilisation du G-CSF seul.30,62,63 Les effets secondaires indésirables associés à l’utilisation SDF-1α du filgrastim, du lénograstim, et du plérixafor sont listés dans le Tableau 4.47,48,56,64 Un inconvénient de la collecte des CSH est le mauvais rendement des cellules souches. Le facteur de risque le plus important d’une mobilisation inadéquate est le nombre de Cellules stromales séances de chimiothérapie myélosuppressive Osteoblast CXCR4, récepteur 4 de chimiokine; SDF-1α, facteur 1-alpha dérivé de la administrées au patient avant la collecte. Les cellules stromale agents toxiques pour les cellules souches, tels que le cyclophosphamide (doses > 7,5 g/m2), le melphalan, la carmustine, le procarbazine, la fludarabine, la moutarde azotée et le chlorambucil sont particulièrement nuisibles au rendement des collectes de cellules souches. D’autres facteurs de risque associés à une collecte moins importante de cellules CD34+ sont listés dans le Tableau 5.25,65-73 Tableau 4. Réactions indésirables* très fréquentes (> 10 %) associées aux agents utilisés dans la mobilisation des cellules souches47,48,56,64 Agent Événements indésirables Filgrastim • Douleur musculosquelettique Lénograstim • Douleur osseuse et dorsale • Leucocytose et thrombocytopénie • Hausses passagères des tests de la fonction hépatique • LDH élevée • Céphalée et asthénie Plérixafor • Diarrhée et nausée • Réactions sur les sites d’injection et de perfusion LDH, lactodéshydrogénase. * Merci de consulter les résumés des monographies des produits pour obtenir une liste complète des réactions indésirables. 10 Cellule souche hématopoïétique Mobilisation et cytaphérèse : Guide pratique à l’usage des infirmiers et autres professionnels paramédicaux
Tableau 5. Facteurs de risque et caractéristiques associés à une faible mobilisation des cellules souches25,65-73 • Type et nombre de séances de chimiothérapie administrées au patient avant la mobilisation • Âge avancé (> 60 ans) • Cycles multiples de chimiothérapie préalables au traitement de la maladie sous-jacente • Radiothérapie • Intervalle de temps court entre la chimiothérapie et la mobilisation • Maladie extensive • Maladie réfractaire • Infiltration tumorale de la moelle osseuse • Utilisation préalable de lénalidomide • Indication de mauvais fonctionnement de la moelle osseuse (par ex. faible taux de plaquettes et de cellules CD34+ à la numération) au moment de la mobilisation Peu d’options sont disponibles pour les patients présentant une faible mobilisation et la prise en charge standard de ces patients continue d’évoluer et reste mal définie. Les stratégies couramment utilisées pour la remobilisation comprennent l’élévation des doses des agents de chimiothérapie et/ou des cytokines, l’association de plusieurs cytokines, ainsi que l’allongement du temps entre le traitement chimiothérapique de la maladie et la cytaphérèse. Une stratégie alternative consiste à prélever des cellules de la moelle osseuse. Cependant, elle perd de son importance vis-à-vis des méthodes mentionnées précédemment en raison d’une prise de greffe plus lente, besoin supérieur en ressources (hospitalisation prolongée et prise en charge thérapeutique plus conséquente) et un risque plus élevé de mortalité.25,35,65,66,74-76 Les nouveaux agents récemment autorisés (tel que le plérixafor) semblent prometteurs dans le cadre des techniques de mobilisation établies pour augmenter le rendement des cellules souches pendant la collecte. Une comparaison entre les méthodes de mobilisation est listée dans le Tableau 6.22,24,25,28,37-39 Tableau 6. Comparaison des méthodes de mobilisation22,24,25,28,37-39,77-81 Régime de mobilisation Caractéristiques Filgrastim ou lénograstim • Administration en consultation externe • Peut être auto-administré • Efficacité élevée chez la plupart des patients • Mobilisation prévisible, permettant une planification facile de la cytaphérèse • Durée moins importante entre l’administration et la collecte par rapport à l’utilisation de facteur de croissance + chimiothérapie • Douleur osseuse • Faible rendement de cellules souches par rapport à l’utilisation de facteur de croissance + chimiothérapie Filgrastim ou lénograstim + • Rendement plus élevé de cellules souches par rapport à l’utilisation du chimiothérapie facteur de croissance seul • Collecte de cellules souches inférieure • Potentiel pour des activités anti-cancéreuses • Peut détériorer une future mobilisation de cellules souches • Peut nécessiter une hospitalisation • Associé à un nombre croissant d’effets indésirables • Résultats contradictoires • Durée plus importante entre l’administration et la collecte par rapport à l’utilisation de facteur de croissance • Faible prévisibilité de la durée nécessaire pour atteindre le niveau maximum de cellules CD34+ du sang périphérique Filgrastim ou lénograstim + • Faible toxicité plérixafor • Administration en consultation externe • Faible taux d’échec • Probabilité élevée de prélèvement du nombre optimal de cellules CD34+ • Efficace chez les faibles mobilisateurs • Mobilisation prévisible, permettant une planification facile de la cytaphérèse • Durée plus courte entre l’administration et la collecte par rapport à l’utilisation de facteur de croissance + chimiothérapie • Effets gastro-intestinaux indésirables Chapitre 2 : Mobilisation 11
Chapitre 3 : Collecte de cellules souches (cytaphérèse), conservation et ré-injection Avant l’initiation du processus de collecte de cellules souches, les patients doivent être examinés attentivement afin de déterminer les candidats aptes à recevoir une greffe et capables de tolérer l’ensemble des procédures. Certaines des évaluations médicales, infirmières et psychologiques peuvent s’effectuer avant qu’il ne soit dirigé vers un service de greffe. L’hématologue/oncologue traitant du patient sert souvent de premier contact pendant le processus de greffe. Toutes les analyses, évaluations et préparations du patient, nécessaires au cours de la greffe, impliquent de nombreux professionnels des soins de santé travaillant ensemble pour coordoner cette procédure médicale complexe. La pré-évaluation médicale constitue la première étape que doit effectuer le patient avant une CSH. Cela signifie que l’oncologue traitant du patient doit le recommander à un centre ou à un service de greffe. Le médecin référant doit fournir à l’équipe de greffe toutes les informations spécifiques concernant les soins prodigués jusqu’à présent, ses antécédents médicaux, le stade de son cancer, un résumé des traitements et des réponses aux anti-cancéreux et les complications survenues pendant les traitements. Tous les clichés radiographiques et résultats des analyses de laboratoire disponibles doivent accompagner ces informations. Après avoir pris connaissance des informations concernant le patient, l’équipe de greffe met en œuvre sa propre batterie de tests et d’évaluations afin de décider si le patient est éligible à une collecte et à une greffe de cellules souches. Cela implique une réévaluation du stade actuel de la maladie, une évaluation du fonctionnement de divers organes (par ex. reins, foie et poumons), une documentation sur l’absence de Collecte de cellules souches, conservation et réinjection certaines conditions de comorbidités et de maladies infectieuses (par ex. insuffisance cardiaque congestive, VIH) et une évaluation de l’état général psychosocial du patient. Dès lors, une information complète débutera à Chapitre 3 : l’intention du patient, de sa famille et/ou de ses professionnels de santé. Souvent un membre de la profession infirmière (infirmier clinique, infirmier éducateur ou infirmier coordinateur) coordonnera le processus d’éducation du patient et de ceux impliqués dans son traitement (voir Chapitre 4). Dès que le patient est déclaré éligible à une greffe, sa préparation au processus de collecte peut commencer. La méthode privilégiée pour l’accès veineux est la mise en place d’un cathéter périphérique au moment de la phase de cytaphérèse (par ex. insertion dans la veine cubitale antérieure). Pour les patients chez lesquels un accès périphérique n’est pas faisable, une sélection appropriée de cathéter et une mise en place d’un accès veineux central (par ex. veine jugulaire interne) sont planifiées avant la première collecte de cellules souches. Les cathéters utilisés pour une cytaphérèse doivent être capables de supporter de grandes fluctuations du volume sanguin circulant. De ce fait, ces cathéters sont souvent des dispositifs à gros calibre et à double lumière qui peuvent être utilisés temporairement pour la collecte ou placés de façon permanente durant tout le processus de greffe. Tout comme avec la plupart des cathéters placés aux membres supérieurs, les patients doivent être suivis pour des signes et symptômes d’hypertension artérielle, d’essoufflements et de diminution du bruit respiratoire, qui sont des indications de perforation de la paroi veineuse, d’hémothorax et/ou de pneumothorax tous rares, mais constituant des complications sérieuses pouvant survenir. Dans certains cas, les cathéters à cytaphérèse peuvent être placés centralement dans une veine fémorale si le patient présente un risque élevé de développer des complications avec le cathéter placé aux membres supérieurs ou sur la paroi thoracique. Pour les cathéters placés centralement, une évaluation radiographique est réalisée afin de vérifier son positionnement avant son utilisation. De plus, les instructions sur l’entretien du cathéter, afin de prévenir toute infection et de maintenir son intégrité, doivent être revues avec le patient et /ou les professionnels de santé.1,2,16,82,83 La préparation à la collecte de cellules souches dans un centre ou un service pratiquant la cytaphérèse est réalisée après l’évaluation pré-greffe et la mise en place du cathéter. Les patients sont informés et conseillés sur le traitement qu’ils reçoivent pendant la mobilisation, le calendrier d’administration et les effets indésirables prévus. Comme indiqué dans le Chapitre 2, les agents utilisés pendant cette phase de l’autogreffe comprennent généralement une cytokine (tel que le filgrastim) administrée seule avec ou sans chimiothérapie spécifique, ou suivant, chimiothérapie dédiée à la maladie ou enfin plus récemment, du filgrastim ou du lénograstim associé Chapitre 3 : Collecte de cellules souches (cytaphérèse), conservation et ré-injection 13
au plérixafor. Selon le choix du schéma de mobilisation, les patients peuvent avoir leur première séance de cytaphérèse après quatre à cinq jours ou, dans certains cas, après deux à trois semaines.1,16,83 La durée de la mobilisation est déterminée par l’évaluation de la numération leucocytaire du patient. Des numérations leucocytaires en série permettent au clinicien de déterminer le moment approprié pour le début des collectes. Certains centres de collecte peuvent utiliser le taux de cellules CD34+ périphériques comme marqueur de l’état de mobilisation. Le seuil d’initiation de la cytaphérèse peut varier d’un centre à l’autre, se situent entre 5 et 20 cellules CD34+/microlitre. Bien qu’elles soient utiles dans l’estimation de l’efficacité de la mobilisation, les numérations des cellules CD34+ du sang périphérique peuvent varier d’un centre à l’autre ou au sein d’un même centre.35,84,85 Figure 9. Exemple d’une machine de cytaphérèse Lorsque la mobilisation atteint son niveau optimal, le patient peut être planifié pour des séances de collecte dans le centre de cytaphérèse. Un technicien en cytaphérèse spécialisé dans la collecte de cellules souches est responsable du matériel utilisé dans le processus de collecte (Figure 9). Les infirmiers cliniques au sein du service de cytaphérèse sont tenus d’informer le patient sur le processus de collecte et de le surveiller afin de détecter d’éventuels signes de réactions indésirables. Les patients sont reliés à la machine de cytaphérèse par leur cathéter. Une ligne est utilisée pour transférer le sang du patient à la machine. Là, le sang est centrifugé dans une chambre de centrifugation située dans le séparateur de cellules de la machine. Les cellules souches désirées sont collectées pendant toute la procédure, soit par cycles, soit continuellement et les composants sanguins restants sont réinjectés au patient par la seconde ligne de son cathéter. Cette seconde ligne peut aussi être utilisée pour l’administration de solutions intraveineuses, de suppléments électrolytiques et de médicaments. Chaque séance de cytaphérèse dure environ deux à cinq heures, durant lesquelles plus de trente litres de sang ou six fois le volume sanguin moyen traités. La collecte peut s’effectuer quotidiennement jusqu’à ce que les objectifs cibles de cellules CD34+ soient atteints. Le processus de cytaphérèse peut durer jusqu’à quatre jours en fonction des caractéristiques du patient et du régime de mobilisation utilisé.2,16,17,82,86-88 Les protocoles de cytaphérèse sont relativement sûrs. Bien que le taux de mortalité soit très faible et estimé à trois décès pour 10 000,89 la cytaphérèse est associée à quelques morbidités. Le citrate est un anti-coagulant uti- lisé pendant le processus de cytaphérèse afin d’empêcher la coagulation du sang. Ainsi, l’un des effets indésirables les plus communs survenant pendant ce processus, est la toxicité liée au citrate qui se manifeste par une hypocal- cémie, à la liaison du calcium sérique ionisé. Les signes et symptômes de la toxicité au citrate, ainsi que sa prise en charge sont détaillés dans le Tableau 7. Un suivi de la calcémie avant et pendant tout le processus de cytaphérèse peut réduire la probabilité d’une hypocalcémie.16,82,90 D’autres effets indésirables de la toxicité au citrate incluent une hypomagnésémie, une hypokaliémie et une alcalose métabolique. Le magnésium, tout comme le calcium, est un ion bivalent qui est lié par le citrate. Les diminutions des niveaux de magnésium sérique sont souvent plus pro- noncées et prennent plus de temps à se normaliser que les anomalies concernant le taux de calcium. Les signes et symptômes de l’hypomagnésémie, de l’hypokaliémie et de l’alcalose métabolique ainsi que leur prise en charge sont détaillés dans le Tableau 7.16,82,90 14 Cellule souche hématopoïétique Mobilisation et cytaphérèse : Guide pratique à l’usage des infirmiers et autres professionnels paramédicaux
Tableau 7. Les complications courantes liées à la cytaphérèse16,82,90 Effet indésirable Cause Signes et symptômes Action corrective Toxicité au Anticoagulant (citrate) Hypocalcémie Diminuer le taux d’aphérèse ; citrate administré pendant la Fréquents : étourdissements, picotements augmenter le rapport sang/ cytaphérèse de la bouche, des mains et des pieds citrate ; traitement de supplémentation en calcium Rares : frissons, tremblements, convulsions et crampes musculaires, crampes abdominales, tétanie, ictus, arythmie cardiaque Hypomagnésémie Diminuer le taux d’aphérèse ; Fréquents : spasmes musculaires ou augmenter le rapport sang/ faiblesse citrate ; traitement de supplémentation en magnésium Rares : diminution de la tonicité vasculaire Hypokaliémie Diminuer le taux d’aphérèse ; Fréquents : faiblesse augmenter le rapport sang/ citrate ; traitement de Rares : hypotonie et arythmie cardiaque supplémentation en potassium Alcalose métabolique Diminuer le taux d’aphérèse ; Fréquents : aggravation de l’hypocalcémie augmenter le rapport sang/ citrate Rares : diminution de la fréquence respiratoire Thrombocytopénie Des plaquettes Faible numération plaquettaire, ecchymoses, Préparer la machine à aphérèse adhèrent à la surface saignements avec des produits sanguins au interne de la machine à lieu de soluté physiologique ; cytaphérèse transfusion de plaquettes Hypovolémie Patient intolérant à Étourdissements, fatigue, sensations Diminuer le taux de la séance d’importants transferts ébrieuses, tachycardie, hypotension, diapho- d’aphérèse ou l’arrêter de sang extracorpo- rèse, arythmie cardiaque temporairement ; bolus de rels et de volumes de liquides intraveineux plasma Défaillance du Formation de caillots Incapacité à évacuer le cathéter, accumu- Diminuer le taux de la séance cathéter de sang ou cathéter lation sous-cutanée de liquide autour de d’aphérèse ou l’arrêter mal placé pour per- la zone du cathéter ; douleurs et érythème temporairement ; bolus de mettre un flux sanguin dans la zone du cathéter ; tuméfaction du liquides intraveineux approprié bras, diminution du flux sanguin Infection Des agents pathogènes Fièvre, frissons, fatigue, peau rougeâtre et Administrer des antibiotiques ; microbiens pénètrent érythémateuse autour du cathéter, hypoten- éventuellement enlever le le sang à travers le sion, hémocultures positives cathéter cathéter ou le site du cathéter Certains patients peuvent subir une hypovolémie due aux importantes fluctuations dans le volume de sang pendant la cytaphérèse. Les signes et symptômes d’une hypovolémie, ainsi que sa prise en charge sont détaillés dans le Tableau 7.16,82,90 Avant le début de la cytaphérèse, le pouls et la pression artérielle sont mesurés puis continuellement évalués à intervalles réguliers. Il est également recommandé que le taux d’hémoglobine et l’hématocrite soient suivis. Les patients qui risquent de développer une hypovolémie sont les personnes présentant une anémie ou des antécédents cardiovasculaires et les enfants et adultes de petite taille. Les mesures préventives tentent de minimiser la variation du volume extracorporel préparant la machine de cytaphérèse avec des globules rouges et du plasma frais congelé plutôt qu’avec un soluté physiologique normal. Une hypovolémie peut également être prise en charge en administrant des bolus intraveineux de solutés et en diminuant le débit du flux de la machine de cytaphérèse. Un autre problème potentiel provoqué par une hypovolémie est le développement d’une arythmie cardiaque, potentiellement mortelle. En cas de survenue, la cytaphérèse doit être interrompue et les symptômes doivent avoir disparu avant de poursuivre les collectes.16,82,90 La thrombocytopénie, les infections et la défaillance du cathéter sont autant de complications qui peuvent survenir pendant la collecte des cellules souches. Lorsque le sang du patient est présent dans le séparateur de cellules de la machine, les plaquettes peuvent adhérer au dispositif de centrifugation. Des diminutions dans la concentration de plaquettes peuvent être importantes et il est essentiel d’effectuer des numérations Chapitre 3 : Collecte de cellules souches (cytaphérèse), conservation et ré-injection 15
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