Pour le Cinquantenaire de l'Ouverture du Concile Vatican II (Octobre 1962 - Octobre 2012) - CONFERENCE EPISCOPALE CENTRAFRICAINE COMMISSION ...
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CONFERENCE EPISCOPALE CENTRAFRICAINE COMMISSION EPISCOPALE POUR LA CULTURE Pour le Cinquantenaire de l’Ouverture du Concile Vatican II (Octobre 1962 – Octobre 2012) - Pistes de réflexions - Abbé Serge – Hubert BANGUI
Mot de son Excellence Monseigneur Edouard MATHOS, Evêque de Bambari et Président de la CECA Le Concile Vatican II a été un évènement extraordinaire pour le monde, déjà très relayé à l’époque par des medias. « Le Concile Vatican II est sans doute l’évènement le plus important de l’histoire du XX° siècle », s’exclamait le général de Gaulle. Pour l’Eglise, ce fut une période d’effervescence inouïe, de grande espérance et de renouveau. 2400 évêques du monde entier, réunis de 1962 à 1965 au cours des quatre sessions, ont travaillé de concert et donné un ensemble de textes qui, aujourd’hui, n’ont en rien perdu de leur actualité. La mise en œuvre d’un concile a toujours nécessité, au cours de l’histoire de l’Eglise, un certain temps. Si ces dernières décennies, l’influence du Concile s’est déjà faite fortement sentir, n’en concluons pas trop vite que maintenant elle serait obsolète. Nous n’avons certainement pas fini de récolter les fruits de ce concile. Le Pape Jean Paul II affirmait : « Le Concile est une boussole qui permet de s’orienter dans le vaste océan du troisième millénaire ». Quant au pape Benoît XVI, dans un célèbre discours à la curie en décembre 2005, il n’hésitait pas à remarquer : « Aujourd’hui nous pouvons tourner notre regard avec gratitude vers le Concile Vatican II ; si nous le lisons et que nous l’accueillions par une juste interprétation, il peut être et devenir toujours plus une grande force pour le renouveau toujours nécessaire de l’Eglise ». Depuis près de cinquante ans, une tâche considérable a déjà été accomplie pour recevoir l’enseignement de Vatican II. Cependant, beaucoup de fidèles n’ont pas connu la période qui a précédé le Concile, tout simplement car ils n’étaient pas encore nés. En outre, des changements immenses ont eu lieu dans la société civile depuis la fin du Concile aussi bien au plan politique, social, économique que culturel. Il est donc indispensable de se plonger dans les textes afin de les connaître et de les appliquer aujourd’hui dans l’esprit de renouveau évangélique qui a animé les Pères conciliaires. L’Eglise, c’est-à-dire, autant chaque baptisé-confirmé que nos communautés et nos mouvements, est appelée sans cesse à être cette épouse du Christ rayonnante de sa sainteté. Plus que jamais, la nouvelle évangélisation suppose d’aimer nos contemporains pour dialoguer avec chacun, sans perdre notre saveur évangélique en étant capable de rendre compte de notre foi avec une douce bienveillance et la force de la vérité. Avec insistance, j’invite toutes nos communautés à se mettre au travail afin de s’approprier le contenu de ces pages. Dans la docilité à l’Esprit Saint, notre Eglise doit trouver nourriture et encouragement dans cet enseignement. Il nous permettra de mieux témoigner de notre joie de croire et d’annoncer explicitement par la parole et par les actes la Bonne Nouvelle du Ressuscité. Nous exprimons toute notre gratitude à l’Abbé Serge-Hubert BANGUI, secrétaire de la commission épiscopale pour la culture de nous avoir proposés ce précieux outil de travail. Bonne lecture et heureuses réflexions aussi bien à titre personnel que communautaire, dans l’élan donné par nos aînés, les Pères du Concile. 2
Pour éclairer votre lecture Les 16 documents conciliaires En quatre sessions réparties sur quatre ans, le concile Vatican II a produit seize documents : - Quatre Constitutions, (une constitution est un document dogmatique ayant valeur doctrinale ferme et permanente.) : • La Révélation divine – Dei Verbum (DV) • La Sainte Liturgie – Sacrosanctum Concilium (SC) • L’Eglise – Lumen Gentium (LG) • L’Eglise dans le monde de ce temps – Gaudium et Spes (GS) - Neuf décrets, (un décret est un ensemble de décisions ayant une portée pratique, pastorale et disciplinaire, pour notre temps) : • L’activité missionnaire de l’Eglise – Ad Gentes (AG) • La charge pastorale des évêques – Christus Dominus (CD) • Le ministère et la vie des prêtres – Presbyterorum Ordinis (PO) • La formation des prêtres – Optatam Totius (OT) • L’apostolat des laïcs – Apostolicam Actuositatem (AA) • Le renouveau de la vie religieuse – Perfectae Caritatis (PC) • L’Œcuménisme – Unitatis Redintegratio (UR) • Les Eglises Orientales Catholiques – Orientalium Ecclesiarum (OE) • Les moyens de communication sociale – Inter Mirifica (IM) - Trois Déclarations, (une déclaration se hasarde dans un chemin plus neuf et donne des orientations, c’est-à-dire des pistes de réflexion et de comportement dans l’état actuel du monde et de la recherche). • L’éducation chrétienne – Gravissimum educationis momentum (GE) • Les relations avec les religions non chrétiennes – Nostra Aetate (NA) • La liberté religieuse – Dignitatis humanae (DH) Ces seize documents de Vatican II ont été esquissés, discutés, amendés et finalement votés à la quasi-unanimité par près de 2400 Pères conciliaires. 3
Première Partie : Le Contexte Global du Concile Vatican II - Vatican II, le Concile du Renouveau - I - Pourquoi ce Concile ? Le 27 janvier 1959, en pleine semaine de prière pour l’unité des chrétiens, en la fête de la conversion de saint Paul, le journal du Saint-Siège « l’Osservatore Romano » publie une allocution du pape Jean XXIII prononcée en l’Eglise Saint Paul-Hors-les-Murs. En quelques lignes, le pape annonce trois évènements d’importance : un synode diocésain pour Rome, la mise à jour du droit de l’Eglise et la réunion d’un concile œcuménique pour l’Eglise Universelle. Par un décret daté du 3 février 1962, le pape convoque le concile pour le 11 octobre de la même année. Dans son discours d’ouverture, le pape dégage les lignes de force du futur concile : - présenter à tous les hommes la doctrine catholique dans son intégralité et dans un langage qui réponde aux exigences de l’époque ; - faire grandir l’unité de la famille chrétienne et humaine ; - lutter contre « l’attrait excessif – déjà ! – pour les biens matériels. Dans une période historique marquée par de fortes turbulences, le Concile, par la voix du Pape, entend répondre aux défis posés par la société contemporaine, défis auxquels le Concile Vatican I, interrompu brutalement par la guerre de 1870, n’avait pu répondre. A – Des Changements considérables Depuis le XIX° siècle, le monde connaît des changements considérables. Dans toutes les couches sociales, nombreux sont ceux qui croient en la marche continue du progrès. Paradoxalement, les deux guerres mondiales ont permis à la civilisation occidentale d’asseoir son emprise sur le monde. Ce n’est pas sans risques car la division du monde en deux blocs antagonistes, ceux de l’Est et de l’Ouest, fait courir à la planète un risque nucléaire. Peu à peu, l’essor fulgurant des transports et des moyens de communication réduit les distances. Un extraordinaire brassage d’hommes, d’idées et de modes parcourt la planète ; et avec lui l’idée de liberté, comme le rappellent les nombreux peuples qui gagnent leur indépendance avec la décolonisation. Un monde et un esprit nouveau émergent. Comment l’Eglise pourrait-elle échapper à ce bouleversement planétaire ? L’invitation à un concile œcuménique, c’est-à-dire universel, avec des évêques venant en nombre du monde entier, constitue un signe fort : l’Eglise n’est pas sourde aux appels du monde. Elle entend aussi prendre la parole dans ce monde, car elle a un message pacifique à lui délivrer. Qu’un tiers des évêques présents à Rome vienne du Tiers-Monde constitue un signe fort de changement. B – Eglise et Société, le temps des fractures L’époque des Lumières au XVIII° siècle et la Révolution de 1789 avaient marqué l’avènement de temps nouveaux : l’émergence de la liberté individuelle et de la liberté de conscience comme acteurs majeurs. Des changements fondamentaux se préparaient, comme la séparation de l’Eglise et de l’Etat, la Déclaration des Droits de l’Homme, la liberté de conscience et le libre exercice du culte. Le pouvoir monarchique n’était plus au service de l’Eglise Catholique. En Europe, peuples 4
et nations entendent grandir hors de toute allégeance religieuse. Dans le monde, le succès des missions chrétiennes ne parvient pas à camoufler l’ignorance du Christ partagée par de nombreux peuples et cultures. Le christianisme cesse de se confondre avec la civilisation occidentale et bien des chrétiens, étonnés, découvrent que l’on peut ne pas croire et avoir cependant une morale. En quelques décennies, la société change plus profondément que durant des siècles. Dans le même temps, l’Eglise Catholique en reste pour l’essentiel au programme élaboré durant la Contre-Réforme (seconde moitié du XVI° siècle). C’est là qu’il faut chercher l’origine première de l’appel au Concile Vatican II : le fossé qui se creuse entre l’Eglise et le monde environnant est tel que le dialogue entre les deux devient difficile. D’un côté, une Eglise Catholique héritière d’une civilisation de nature traditionnelle, paroissiale et rurale. De l’autre, une société industrielle et scientifique, désireuse d’expliquer rationnellement le monde. « Dieu est mort ! » Clame le philosophe Nietzsche. « Nous avons éteint dans le ciel des lumières qu’on ne rallumera plus », lance René Viviani, futur Président du Conseil de la Troisième République française, au moment des querelles liées à la séparation des Eglises et de l’Etat (1905). Tandis que l’histoire s’accélère, l’Eglise continue de véhiculer une tradition de moins en moins en phase avec la vie du monde. Elle arrive parfois avec succès à résister à ce mouvement de fond : la naissance du scoutisme, l’apparition du christianisme social, la fondation des mouvements de laïcs comme l’Action catholique de la jeunesse française e, 1886, sont autant de signes de l’empreinte vivante du christianisme. Mais ces résistances n’entravent pas le mouvement de fond : la civilisation rurale, vivier traditionnel du catholicisme, s’épuise. C – L’émergence d’un mouvement d’émancipation. Il est intéressant de constater que ce mouvement d’émancipation appelé « modernité » prend naissance dans un monde majoritairement chrétien, mais que les autorités ecclésiastiques ont du mal à comprendre la légitimité de telles aspirations. Tandis qu’une Eglise hiérarchisée, dogmatique, se resserre autour du pape, on constate les prémices d’un renouveau à la fois pastoral, biblique (Ecole de Jérusalem) et liturgique. Après la seconde Guerre Mondiale, alors que l’Occident entame une croissance cette tension devient insupportable. Le pape Jean XXIII tire le constat de cette fracture en convoquant les évêques du monde entier. Signe des temps, alors que le précédent concile, celui de Vatican I en 1870 n’avait réuni que 700 évêques pratiquement tous européens, Jean XXIII rassemble quelques 2400 évêques, parmi ceux- ci, les Européens n’ont plus la majorité. Le discours d’ouverture prononcé par le pape est significatif d’une Eglise et d’un monde certes anxieux et divisés, mais également mus par un optimisme foncier. « Le Concile qui vient de s’ouvrir, déclare le ‘’ bon pape Jean ’’, est comme une aurore resplendissante qui se lève sur l’Eglise, et déjà les premiers rayons du soleil levant emplissent nos cœurs de douceur. » Au fond, la convocation du concile entend faire œuvre d’évangélisation en adaptant l’Eglise aux réalités de son époque. 5
II – Aux Sources des Prémices La réforme conciliaire a ses précurseurs, le plus souvent des hommes et des femmes tourmentés par l’écart croissant qui se creuse entre l’Eglise et la société. Comment faire pour retrouver le chemin du dialogue entre deux mondes que pratiquement tout oppose ? Dès le début du XX° siècle, nombreux sont celles et ceux qui travaillent, le plus souvent dans l’ombre, à la ‘’ mise à jour ‘’ de la foi de l’Eglise. Dans quels domaines œuvrer afin que la foi de l’Eglise devienne à nouveau intelligible ? Est en cause ici, non la foi de l’Eglise, mais la façon de l’annoncer. Les étapes du processus de renouveau se manifestent dans un certain nombre de domaines. A – La naissance de l’exégèse biblique catholique L’exégèse catholique est en panne, à mille lieues de la protestante, enseignée en Allemagne dans l’enseignement supérieur d’Etat. Nombreux sont les évêques et théologiens à s’émouvoir du retard pris par les sciences religieuses catholiques. Dès la fin du XIX° siècle, des prêtres réagissent, comme le père Lagrange, qui fonde en 1890 l’Ecole Biblique de Jérusalem. Grâce aux sciences sacrées et profanes, il s’agit pour ces pionniers de préciser la figure du Christ. Marie- Joseph Lagrange sera suivi par une pléiade de savants catholiques, soucieux de fonder historiquement la foi chrétienne. Au milieu du siècle, l’Eglise est gagnée par un bouillonnement intellectuel qui se propage jusqu’aux plus hautes sphères. En 1943 avec l’encyclique ‘’ Divino Afflancte Spiritu ‘’, le pape Pie XII reconnaît la légitimité de la méthode dite historico-critique permettant d’analyser les textes bibliques de la même manière que les textes profanes. Nombreux seront les experts au Concile à avoir bu le lait de ces nouvelles méthodes d’exégèse. B – Le Renouveau Ecclésiologique. A partir des années 1950, autour des théologiens comme le français Yves Congar ou l’allemand Karl Rahner, naît l’idée que le pape a pris dans l’Eglise une place démesurée ; et que le collège des évêques et le principe de collégialité ne sont pas suffisamment mis en lumière. Quelles doivent être la place du pape au sein du collège des évêques et celle des évêques par rapport au premier d’entre eux ? Peu à peu, le rôle des évêques en tant que successeurs des Apôtres est réévaluée, à la fois comme membres du collège et comme chef d’une Eglise particulière. Le laïcat est lui-même reconsidéré, tant il devient difficile de promouvoir l’Evangile avec une telle coupure entre Eglise enseignante et église enseignée. Si une première Action Catholique naît avant la Première Guerre Mondiale, les années 1920 voient la création de mouvements d’évangélisation par milieux : la jeunesse ouvrière chrétienne est fondée en 1924, les Jeunesses Agricole et Etudiante Chrétiennes en 1929. Après la Seconde Guerre Mondiale, il devient de plus en plus difficile de considérer les laïcs comme des sujets passifs, d’autant que certains d’entre eux, comme Claudel, Mauriac ou Bernanos, sont auréolés d’une renommée mondiale. Ainsi, l’Eglise ne peut plus être envisagée comme une société parfaite et uniquement hiérarchique. Elle se perçoit comme communion, rassemblement des fidèles du Christ, baptisés dans la foi catholique, professant une fois trinitaire sous le gouvernement du pape et des évêques, successeurs des Apôtres. 6
C – Le mouvement liturgique Durant des siècles avait prévalu une multiplicité de rites liturgiques. Le pape Pie X (1903-1914) demande « la participation active des fidèles aux mystères sacro-saints et à la prière publique et solennelle de l’Eglise ». La liturgie doit être l’action commune de tous les fidèles, non du seul prêtre. Le missel de saint Pie V (1570) était le missel d’une messe sans peuple. Le prêtre pouvait ainsi célébrer seul même s’il y avait une assemblée. Sous l’impulsion de théologiens et d’évêques toujours plus nombreux, de profonds changements sont envisagés : célébration face à l’assemblée à l’instar des célébrations des premières communautés, réévaluations de la Parole de Dieu, participation plus active des fidèles … D – Pour un œcuménisme catholique S’estimant détentrice d’une unique vérité, l’Eglise met longtemps à s’intéresser à l’œcuménisme. Encore le fait-elle au début de façon étroite. Pour le pape Pie XI (encyclique Mortalium Animos, 1928), l’œcuménisme est considéré à sens unique : il s’agit de réintégrer les brebis égarées dans le giron romain. Dans la vie quotidienne, toute rencontre d’un catholique avec des protestants et des orthodoxes est difficile, voire interdite. Ce genre d’attitude est jugé méprisant, non seulement de la part des Eglises protestantes mais aussi des Orthodoxes, mais aussi de certains observateurs catholiques. Que faire pour raccommoder la « tunique sans couture » du Christ ? Sous l’impulsion de l’abbé Couturier, la semaine de prière pour l’unité des chrétiens devient la première manifestation concrète de cette prise de conscience (1933). En Allemagne, en Belgique des prélats et des théologiens prennent la mesure du drame de la séparation et ces initiatives individuelles sont les premiers germes d’un mouvement plus large. Ce qui aura pour conséquence que des responsables protestants et orthodoxes seront présents au Concile Vatican II en tant qu’observateurs. III – Son impact dans l’histoire L’impact d’un tel évènement aussi rare que spectaculaire est nécessairement grand. A l’extérieur beaucoup sont surpris par la capacité d’introspection de la plus vielle institution du monde. Dans l’Eglise, cette grande aération suscite l’enthousiasme du plus grand nombre. Sont en revanche inquiets les membres de la minorité, opposés dès le début à toute réforme. « Fasse Dieu que vos travaux et vos efforts, vers lesquels convergent non seulement les regards des peuples, mais l’espoir du monde entier, répondent pleinement à ce que l’on en attend », déclare Jean XXIII à la fin de son discours d’ouverture. Autrement dit, si le Concile s’adresse à l’Eglise universelle, ses répercussions iront bien au-delà et nombreux seront les gouvernements et responsables à être attentifs à ses conclusions. La manière dont l’Eglise Catholique se réformait attirait nécessairement l’intérêt, voire la sympathie. Bien sûr, nombre de contraintes externes l’y poussaient, mais l’essentiel de l’impulsion provenait de l’intérieur. C’était extraordinairement novateur. Comment la plus vielle institution au monde arriverait-elle à se réformer sans toucher à ses principes constitutifs vitaux, sa foi et ses dogmes ? Voilà un défi qui ne pouvait laisser indifférent. Nous sommes loin des conciles précédents, circonscrits à une aire géographique limitée et s’adressant à des populations connaissant une unité de foi. De plus, Vatican II ne s’intéresse pas seulement à l’Eglise, à ses institutions et à son développement, mais à l’ensemble du monde. 7
Demeure donc, pour l’Histoire le fait capital qu’une institution universelle parvient à se réformer sans trop de dommages (excepté le schisme de Mgr Lefebvre dont il est hasardeux d’exagérer l’importance) et à renouer le dialogue avec le monde qui l’entoure. Il est vrai que, pour y parvenir, l’Eglise use d’un ton positif qui, jusqu’à présent, faisait complètement défaut aux précédents conciles : plus d’anathèmes1, mais un regard positif et bienveillant sur le monde. A elle seule, l’absence de condamnations préfigure un nouvel état d’esprit : l’instauration d’un dialogue fraternel entre l’Eglise et le monde. En ouvrant sans y être contrainte un chemin de dialogue avec des univers lointains (Islam, Judaïsme, monde de l’incroyance), tout en ne cédant rien sur son message, l’Eglise parvenait à cette performance : dialoguer sans se renier. IV – Bref aperçu de la situation de notre pays de la fondation de Bangui à 1962. Les premiers missionnaires sont arrivés sur les bords de l’Oubangui en 1894 (équipe de Mgr. Prospère Augouard). Ils ont fondé la mission Saint Paul des Rapides le 18 février 1894 ; ensuite ce sera le tour de Ndjoukou le 28 février 1895 qui sera baptisée au nom de la Sainte Famille. En 1962, l’année de l’ouverture du Concile Vatican II, notre Eglise était vielle de 78 ans avec deux diocèses : Bangui et Berberati et une préfecture apostolique, Bangassou. A – Sur le plan politique Jusqu’aux dernières années du XIX° siècle, le reste du monde ignorait complètement cette partie de la grande forêt et ses habitants. Cependant du XVI°-XVII° siècle, la Traite occidentale touche le territoire centrafricain plus tardivement que les pays côtiers ; malgré tout, dans la seconde partie du XVIII° siècle, l’épanouissement de « bois d’ébène » près des côtes pousse les Occidentaux à multiplier les conflits entre les royaumes africains et encourage les razzias de leurs alliés esclavagistes. C’est à travers le haut Congo et l’Oubangui que sont acheminés des milliers de Centrafricains. Au total, la Traite aurait fait tomber le chiffre de la population estimée à 5-6 millions d’habitants au XVI° siècle, à moins de 700 000 au début du XX° ; la Traite orientale a contribué aussi à cette diminution. Le 26 juin 1889 Dolisie et Usac fondent Bangui au confluent de la M’poko. Le pays est passé successivement de l’esclavage, au portage, aux exploitations des grandes sociétés concessionnaires, à la colonisation, à l’indépendance. A cette époque, quand les hommes n’étaient pas astreints à récolter, loin de leur village, une quantité excessive de caoutchouc, ils étaient réquisitionnés pour la construction des voies ferrées. Ce fut une véritable hécatombe. Ceux qui s’y refusaient ou ne pouvaient remplir les objectifs d’exploitation étaient battus, parfois à mort, ou mutilés, ou incarcérés. Par exemple, Chef coutumier, le père de Bokassa, Ngboundoulou Mindogon en 1927, a tenté de libérer certains des prisonniers du travail forcé. Pour ce crime impardonnable, il est exécuté sous les yeux de sa femme et de leur fils de 6 ans, Jean. La veuve meurt de chagrin une semaine plus tard. La tante de Jean, Sirilié, périt peu après sous les coups de fouet des sbires de la compagnie forestière Sanga- Oubangui (CFSO) qui avait le monopole du caoutchouc dans la région. Sirilié (ou Siribé) était la mère de B. Boganda, le futur grand leader oubanguien. 1 - anathème : désigne une sentence, une réprobation à l’égard d’une idée ou d’une personne, spécialement dans le cadre d’une hérésie. 8
B – Les actions de B. Boganda A l’instigation de Mgr. Grandin et sur l’amicale pression de ses amis, l’abbé Boganda se décidait à se présenter au parlement. Il fut élu le 10 novembre 1946. Alors commence une nouvelle étape de sa vie. Il devient le symbole de la lutte anticoloniale et dénonce quotidiennement les exactions des Français. Il sera abandonné par les missionnaires et l’administration coloniale. La lutte pour l’égalité des droits allait regrouper autour de Boganda, tous ceux qui se sentaient humiliés par la colonisation. A Bangui, les employés refusaient d’êtres tutoyés, les boys d’être giflés, les manœuvres d’être chicotés. Raciste dans sa majorité, la minorité européenne y vit le signe d’une révolution. Elle ne se trompait pas. Boganda se rendait partout où une injustice lui était signalée. Le jour de Pâques, 29 mars 1959, l’avion régulier Nord-Atlas de l’UAT qui assurait la liaison Berberati-Bangui et dans lequel Boganda avait pris place s’écrasait dans le district de Boda, sur la rive gauche de la Lobaye. L’émotion dans le pays fut immense. La RCA n’était pas encore indépendante et déjà la quittait le seul homme politique capable de la guider dans cette passe difficile. Ce peuple oubanguien avait du mal à réaliser cette mort tragique le jour même de la résurrection du Seigneur. Trois ans après cette disparition tragique, 1962, c’est un peuple encore sous le choc, traumatisé qui va apprendre l’ouverture du Concile Vatican II même s’il n’y comprenait pas grand’ chose. C – Au plan diplomatique Notre Eglise a commencé à faire partie de la Délégation Apostolique de Dakar le 22 septembre 1948. Le 24 septembre 1960 elle était comprise dans la Délégation Apostolique de l’Afrique Centre-Occidentale (Lagos) et, en 1963, dans celle des Etats de l’Afrique Centrale (Yaoundé). Le 4 novembre 1967, après le Concile, des rapports diplomatiques étaient établis entre la RCA et le Vatican. Donc, en 1962 notre Eglise dépendait encore de la Délégation Apostolique de l’Afrique- Occidentale (Lagos). V – Quelques informations Les informations de l’année 1962 n’étant pas disponibles, nous proposons d’en avoir une idée à partir de celles de l’année 1960. A – En général En 1960, il y avait donc pour tout le pays: • 125820 catholiques • 33 frères étrangers • 41158 : catéchumènes • 03 sœurs africaines • 114 prêtres étrangers • 121 sœurs étrangères • 01 frère centrafricain 9
B - Les prêtres autochtones En 1962 il y avait six (06) prêtres oubanguiens-centrafricains (Boganda inclus) • Boganda : 1938 • Ngoui : 1956 • Lingo : 1950 • N’dayen : 1961 • Dobozendi : 1955 • Nzolenga : 1962 C - Les diocèses et paroisses 1 - Archidiocèse de Bangui (Bangui, M’baïki, Kaga-Bandoro, Bambari) Cathédrale Notre-Dame de l’Immaculée Conception de Bangui (1929), Saint Paul des Rapides (1894), Notre Dame d’Afrique (1954), Saints Martyrs de l’Ouganda (1962), Notre Dame de Fatima (1950), Saint Pierre de Boali (1960), Saint François de Sales de Bossembélé (1947), Sainte Jeann d’Arc de M’baïki (1925), Saint Michel de Boda (1938), Sacré-Cœur de Safa Loko (1960), Sainte Famille de Sibut (1943), Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus de Kaga-Bandoro (1946), Sainte Marie de Ndélé (1949), Sainte Anne de Dékoa (1955), Sainte Famille de Ndjoukou (1895), Saint Joseph de Bambari (1920), Notre - Dame des Victoires de Bambari (1953), Notre-Dame d’Agoudou-Manga (1947), Notre-Dame de Liesse de Grimari (1947), Saint Nicolas de Kouango (1955), Notre-Dame de la Ouaka de Bakala (1959), Saint François-Xavier d’Ippy (1935), Saint Louis de Bria (1955). 2 – Diocèse de Berberati (Berberati, Bossangoa, Bouar) Cathédrale Sainte Anne de Berberati (1923), Sacré-Cœur de Berberati (1958), Notre-Dame de Fatima de Gamboula (1959), Notre-Dame de la Membéré de Carnot (1945), Saint François d’Assise de Nola (1939), Saint Antoine de Padoue de Bossangoa (1943), Notre Dame de l’Ouham de Bossangoa (1957), Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus de Nana-Bakassa (1960), Saint Yves de Kouki (1950), Saint François d’Assise de Bouca (1955), Immaculée Conception de Batangafo (1954), Sainte Famille de Pahoua (1946), Saint Joseph de Bouar (1945), Notre-Dame de Fatima de Bouar (1960), Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus de Baboua (1959), Saint Miche de Bozoum (1931), Sainte Thérèse de l’Enfant Jésus de Bossemptélé (1962), Notre-Dame de la Garde de Bocaranga (1954). 3 – Préfecture Apostolique de Bangassou (Bangassou, Alindao) Cathédrale Saint Pierre Claver de Bangassou (1929), Saint Georges de Ouango (1951), Saint Bernard de Gambo (1953), Saints Martyrs de l’Ouganda d’Obo (1958), Saint Joseph de Mobaye (1954), Sacré-Cœur d’Alindao (1936), Sainte Thérèse de Poudjio (1958), Cœur Immaculé de Marie de Kembé (1957). En 1962, il y avait en tout, 49 paroisses en Centrafrique. 4 – Les Séminaires Il n’y avait que deux petits séminaires en 1962 : • Sibut : 1948 • Berberati : 1961 10
D - les Œuvres En 1962, l’Eglise de Centrafrique était déjà engagée dans plusieurs œuvres tant spirituelles, éducatives, sociales, sanitaires que culturelles: Catéchèse (centre catéchétique), animation rurale, ciné-club, bibliothèque, centre ménager, soins et rééducation des handicapés, maternité, pédiatrie, jardin d’enfants, écoles primaires, animation urbaine, travail social, éducation sanitaire, centre nutritionnel, formation artisanale, léproserie, animation vocationnelle, dispensaire privé, œuvre de développement et d’intégration des pygmées, centre de formation agricole, centre d’apprentissage en menuiserie et formation ménagère, visite aux malades, animation de la jeunesse, accueil et formation des filles en recherche de la vie religieuse, formation ménagère et couture, assistance technique dans le domaine agricole, animation des femmes et jeunes filles, accompagnement des équipes des fonctionnaires, coopératives agricoles, alphabétisation, couture et hygiène, pharmacie, centre technique féminin, centre de promotion féminine, briqueterie, garage, imprimerie, élevage et culture attelée…. E – Nos Pères Conciliaires Les évêques de Centrafrique qui ont pris part au Concile Vatican II : 1. Mgr. Léon – Toussaint-Jean CHAMBON 2. Mgr. Alfonse Célestin Basile BAUD 3. Mgr. Joseph Cucherousset 4. Mgr. Antoine Marie MAANICUS Deuxième Partie : En parcourant les documents I – Lumen Gentium – Constitution dogmatique sur l’Eglise Nous pouvons souligner ces quelques lignes : • Le passage d’une Eglise pyramidale (pape-évêques-prêtres-laïcs), à une Eglise Peuple de Dieu, Corps du Christ, Temple de l’Esprit (LG N°2), ce qui renverse complètement la perspective envisagée jusque-là : « il y a une Eglise enseignante et une Eglise enseignée », disait le pape Pie X au début du XX° siècle. Au concile, c’est l’ensemble des chrétiens qui devient premier et reçoit mission d’être « sacrement c’est-à-dire signe et moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité du genre humain » (L.G. N°2). • Le passage d’une Eglise qui voulait s’imposer à l’ensemble de la société, à une Eglise qui accepte d’être minoritaire dans le monde et donc d’entrer en dialogue avec ce monde. • Le passage d’une Eglise qui pensait détenir à elle seule la vérité, à une Eglise qui entre en dialogue avec les autres religions chrétiennes (œcuménisme) et les autres religions (dialogues interreligieux) ; et qui accepte d’être changée par ce dialogue. • Le passage d’une Eglise qui se concevait comme une société juridiquement structurée (« une société parfaite »), à une société qui reconnaît des « germes du verbe » ailleurs qu’en elle- même (LG 15 et 16) et le travail de l’Esprit en dehors d’elle-même. 11
• Le passage d’une Eglise où la hiérarchie était première et où les laïcs étaient subordonnés aux évêques et aux prêtres, à une Eglise qui reconnaît d’abord l’égale dignité de tous les chrétiens de par leur baptême qui les fait « prophètes, prêtres et rois » (IP 2, 20) II- Dei Verbum – Constitution sur la Révélation Divine C’est l’une des quatre grandes constitutions du Concile Vatican II. Elle affirme que la Révélation n’est pas un catalogue de vérités, mais une Bonne Nouvelle : Dieu invite à partager sa vie. Mais comment se transmet-elle ? Avec Dei Verbum, la Parole de Dieu reprend toute sa place dans l’Eglise. Les chrétiens vont se réapproprier l’écriture. Ce texte majeur du Concile nous place au cœur du mystère de l’Eglise, qui se fonde sur la Parole de Dieu, et il donne un élan nouveau à l’œcuménisme, puisque toutes les Eglises partagent cette même Parole. L’Eglise trouve sa source et sa raison d’être dans le service de la Parole de Dieu. L’originalité de ce beau texte est qu’il présente cette communication de Dieu aux hommes comme une conversation entre amis : « Dieu invisible s’adresse aux hommes en son immense amour ainsi qu’à des amis ; il s’entretient avec eux pour les inviter et les admettre à partager sa propre vie » (DV n°2). III – Sacrosanctum Concilium – Constitution sur la Sainte Liturgie - La liturgie, source et sommet de la vie de l’Eglise – Pour la majorité des gens, la réforme liturgique est ce qui est le plus visible du Concile Vatican II ; pour certains même, c’est la seule chose qu’ils en connaissent. En même temps on entend ou on lit certaines critiques accusant le Concile d’avoir rompu avec la Tradition et innové complètement. Il n’est donc pas indifférent de replacer la démarche conciliaire dans le mouvement qui l’a préparée, mouvement approuvé et soutenu par divers papes qui se sont succédé. Cela avait commencé par le travail des historiens : ils firent apparaître qu’au cours des siècles, la célébration s’était chargée de rites secondaires et surtout, s’était de plus en plus éloignée de la participation de l’assemblée. Ce travail des historiens avait trouvé un écho dans les décisions papales : Pie X avait recommandé la communion fréquente, la communion des enfants et avait insisté sur la nécessaire participation active du peuple chrétien à la célébration, Pie XII, de son côté, avait présenté la liturgie comme le culte intégral du corps mystique du Christ (Mediator Dei) avant de réformer la liturgie de la vigile pascale et de la Semaine Sainte (pour la première fois on proclamait la Parole directement en Français) ; Jean XXIII avait, quant à lui, entrepris une réforme générale des rubriques2. Et tout cela avait trouvé vie dans le peuple chrétien grâce au « mouvement liturgique », marqué, entre autres, par la parution de missels latin-français pour les fidèles, par les messes dialoguées. Cela s’accompagna de la création de nouveaux cantiques d’inspiration biblique et liturgique (Gelineau, Deiss, Didier Rimaud…). Ce mouvement liturgique avait sensibilisé l’ensemble des évêques et c’est à la quasi-unanimité qu’ils votèrent le texte de la constitution. 2 - Règles à observer dans les divers offices du culte, ainsi appelées parce qu’elles sont écrites en lettres rouges dans les livres liturgiques. 12
Tel qu’il se présente, le texte de la Constitution nous apparaît comme une sorte de loi-cadre dans laquelle s’exprime la signification théologique profonde de l’action liturgique et les enjeux d’une réforme qui s’avère alors nécessaire. Pour cela, le Pape Paul VI créera, dès janvier 1964, un Concilium (conseil) pour la mise en application de la constitution et publiera en septembre de la même année l’instruction Inter Oecumenici, qui sera suivie d’une série d’ordonnances d’application, dont la plus visible à nos yeux fut la publication du nouveau lectionnaire et du nouveau missel romain. Suivirent ensuite les éditions renouvelées de l’office divin (bréviaire) et des divers sacrements. Et le 4 décembre 1988, le pape Jean-Paul II, dans sa « lettre apostolique pour le vingt-cinquième anniversaire de la constitution Sacrosanctum Concilium sur la liturgie, en redisait », en les prenant à son compte, les intuitions principales, y ajoutant un chapitre sur la nécessaire adaptation de la liturgie aux différentes cultures. IV – Gaudium et Spes – Constitution sur l’Eglise dans le monde de ce temps « Entrer en dialogue amical avec le monde », voilà ce qu’a voulu faire le Concile Vatican II durant les quatre sessions de travail entre 1962 et 1965 et plus particulièrement dans la Constition Gaudium et Spes. Paul VI disait dans son encyclique Ecclesiam Suam, en 1964 : « l’Eglise doit entrer en dialogue avec le monde dans lequel il vit. L’Eglise se fait parole ; l’Eglise se fait message ; l’Eglise se fait conversion ». C’est pour cela que cette Constitution se nomme très justement : « l’Eglise dans le monde de ce temps ». Le plan de cette Constitution est intéressant à regarder : elle s’ouvre par un préambule (n° 1-10) décrivant sociologiquement la condition humaine d’alors, ses grandes mutations, les aspirations et les interrogations des hommes de ce temps. Dans la première partie, (n° 11-45), le concile développe sa pensée sur le rôle de l’homme dans le monde, affirmant la dignité de la personne humaine et passant en revue tout ce qui caractérise son humanité, parlant aussi de la responsabilité de l’homme et des chrétiens dans l’avènement d’un monde meilleur (spécialement le n° 22). Dans la deuxième partie, (n°46-90), les pères conciliaires passent en revue quelques problèmes plus urgents, comme le mariage et la famille, la culture, la vie économique et sociale, la sauvegarde de la paix, etc. La conclusion (n°91-93) revient sur le mot important de cette constitution : dialogue. V – Presbyterorum Ordinis – Décret sur le ministère et la vie des prêtres Voté en toute fin du concile, à la veille de la clôture, le décret Prebyterorum Ordinis a bénéficié de l’apport de toutes les réflexions et de tous les textes précédents. Constitué d’abord de simples propositions, il a pris ensuite la forme d’un projet de décret pratique avant de devenir le document que nous connaissons, qui apporte de nombreuses clarifications : ainsi il distingue les fonctions des états de vie, et les ministères (ou services) des charismes. Les conséquences concrètes sur la vie des prêtres marquent des tournants décisifs car ceux-ci sont présentés : 13
• D’abord comme ministres de la Parole • Puis comme ministres de l’eucharistie et des sacrements • Puis éducateurs et pasteurs (participant à la charge pastorale de l’évêque), • Comme membres du monde, • Membres de l’Eglise comme tous les baptisés, • Enfin comme collaborateurs de l’évêque dans le presbyterium, • Pour être signes de salut VI – Apostolicam Actuositatem – Décret sur l’Apostolat des Laïcs Le fait qu’il y ait, dans les Actes du Concile, un décret sur le laïcat représente déjà un évènement. Lors des conciles précédents et jusqu’à Vatican I, les laïcs étaient considérés comme l’objet de l’apostolat, en somme le public, la matière, à évangéliser. Avec Vatican II, ils deviennent une part de la structure théologique de l’Eglise. Dès 1960, dans la phase de préparation au concile, le pape Jean XXIII avait tenu à ce qu’une commission, comprenant des laïcs, soit créée pour faire le bilan de ce qui existait depuis 50 ans concernant la place des laïcs dans la vie de l’Eglise. Ce décret se situe dans la droite ligne de la Constitution Lumen Gentium dont tout un chapitre (le chapitre IV) est consacré aux laïcs. Après avoir rappelé la dignité des laïcs, ce chapitre montre comment, par leur baptême, ils participent à la triple fonction sacerdotale, prophétique et royale du Christ (n°34, 35, 36). Remarquons ce qui est dit à ce sujet : l’apostolat des laïcs réalise la présence de l’Eglise dans le monde, ils sont considérés comme le levain dans la pâte. En lisant ce décret, on se rend compte qu’aujourd’hui on ne parle plus de l’apostolat des laïcs de la même manière. Pour mesurer l’évolution, il est nécessaire de prolonger ce qui est dit dans ce décret par la lecture de documents plus récents. Nous le ferons brièvement avec l’exhortation apostolique de Paul VI « Annoncer l’Evangile » (1975) et avec celle de Jean-Paul II, « Les Laïcs, fidèles du Christ », suite au synode sur la « Vocation et Mission des laïcs dans l’Eglise et dans le monde », qui s’est tenue à Rome en octobre 1987, plus de vingt ans après la fin du concile. Même si le mot « ministère » est assez peu employé dans ce décret, la question des ministères à faire advenir est tout de même posée. Dès le chapitre I, une phrase est à souligner : « Il y a dans l’Eglise diversité du ministère, mais unité de mission » (AA 2, b). La mission de l’Eglise dans ce décret est ainsi définie : « l’Eglise est faite pour étendre le règne du Christ à toute la terre, pour la Gloire de Dieu le Père » (AA 2, a). La dimension universelle est donc bien soulignée. C’est par tous ses membres que l’Eglise exerce sa mission apostolique qui est de sauver toute la création en l’incorporant au Christ. Chaque baptisé reçoit de l’Esprit Saint « des dons particuliers (les charismes), en vue de l’édification du Corps tout entier dans la charité » (AA 3, d). VII – Ad Gentes – Décret sur l’activité missionnaire de l’Eglise – L’activité missionnaire est si essentielle à l’Eglise que, dès la Constitution Lumen Gentium, l’accent est mis sur « l’urgence accrue » d’ « illuminer tous les hommes de la lumière du Christ » (LG 1). Le décret Ad gentes, souligne cette nécessité inhérente à la nature même de l’Eglise : la Parole de Dieu doit être offerte à toutes les nations (d’où son titre : ad gentes) et tous les chrétiens sont appelés à annoncer à tous les peuples et à toutes les cultures, l’amour de Dieu. 14
VIII – Une Eglise en Dialogue Introduction aux : • Déclarations sur le Liberté religieuse • L’Eglise et les religions-non chrétiennes • Décret sur l’Œcuménisme • Une démarche d’ouverture Ces trois documents témoignent tout particulièrement de la démarche d’ouverture des Pères conciliaires vers ceux qui vivent à des distances différentes de l’Eglise catholique romaine. En effet le Concile Vatican II a marqué un tournant considérable en prenant acte du passage d’un modèle de société à un autre : de l’état de chrétienté, dans lequel la société toute entière devrait être autant que possible catholique, les non-catholiques y étant plus ou moins bien admis selon les lieux et les époques, on est passé à la société mondialisée et sécularisée actuelle, où les croyants-pratiquants sont minoritaires. Parce qu’ils ne reposent pas sur le principe de chrétienté, ces trois documents, ainsi que le Décret sur la charge des évêques qui introduit la collégialité, sont ceux sur lesquels Mgr Lefebvre a fondé son opposition au Concile lui-même. Sa contestation de la liturgie, plus immédiatement sensible chez ses fidèles, était alors bien moindre, puisque, même s’il avait émis des réserves, il avait voté la constitution sur la Liturgie. Ces trois documents sont dénommés déclarations et décret. Ils sont des mises en œuvre sur les points particulièrement importants des textes fondamentaux appelés Constitutions. On devra donc ne pas isoler ces trois textes de l’ensemble du Concile. • L’Eglise dans le monde Ces documents, dans la continuité des grandes Constitutions du Concile, reprennent à frais nouveaux la réflexion antérieure sur le rapport de l’Eglise au monde. Rappelons-nous qu’au milieu du XIX° siècle, le rapport au monde contemporain avait été formulé dans les condamnations publiques de l’encyclique Quanta Cura et de son annexe, le Syllabus, catalogue des principales erreurs de notre temps ; datées de 1864, elles marquaient une opposition frontale entre l’Eglise et la société. Le pape Léon XIII avait à la fin du siècle infléchi ces positions. Comme pour les autres textes conciliaires, l’aggiornamento, c’est-à-dire la mise à jour de l’Eglise sur la liberté de religion, sur l’œcuménisme et sur les religions non-chrétiennes, se fonde sur des racines beaucoup plus profondes qu’elle va chercher bien en deçà du XIX° siècle, dans l’Ecriture et dans la longue Tradition. Il s’appuie aussi sur des pratiques de terrain, dans des paroisses et dans les mouvements qui ont anticipé ce qui devait être mis en œuvre par le Concile. Près de 50 ans après, on ne se rend plus assez compte de la situation du milieu du XX° siècle, ce qui entraîne une difficulté d’appréciation entre générations. Loin d’être la cause de l’affaiblissement actuel de l’Eglise, qui avait commencé bien avant, le Concile est au contraire une 15
réaction dynamique des papes Jean XXIII et Paul VI et des évêques. En relisant ces textes, remarquons qu’il s’agit toujours de vivifier le message de l’Eglise et la foi de chacun. • Trois types de dialogue bien distincts Les trois documents ouvrent de vrais dialogues fondés sur le respect de l’autre, une des composantes indispensables de l’amour du prochain, mais il s’agit de trois dialogues très différents par leur raison d’être et leurs modalités. Le dialogue avec les incroyances et une bonne partie de la culture de notre temps a pour but de permettre une présence au monde et à nos contemporains, qui puisse être porteuse de l’amour de Dieu pour tous les hommes. Le dialogue interreligieux avec les autres religions a pour but de contribuer à une juste compréhension de ceux qui composent l’humanité et ainsi de contribuer à la paix. Le dialogue avec le judaïsme, en raison du lien spécifique entre chrétiens et juifs, y a une place toute particulière. Le dialogue œcuménique avec les autres chrétiens a pour but de recomposer une unité des chrétiens. Il repose non sur des négociations, mais sur un approfondissement de notre foi chrétienne, donc sur une certaine conversion des Eglises et de leurs membres. Depuis Jean XXIII, les papes en ont fait l’une des tâches essentielles de l’Eglise. IX – Poursuivre et Amplifier Vatican II « Le Concile est comme la boussole qui permet de s’orienter dans le vaste océan du troisième millénaire » (Jean-Paul II) On l’entend dans ce paragraphe concluant la constitution Gaudium et Spes, les Pères conciliaires ont conscience que ce Concile doit « passer dans les mœurs ». Il faut du temps pour qu’un concile soit reçu en Eglise et la réception de Vatican II est toujours en cours. Bien de choses sont déjà passés dans les mœurs de l’Eglise. Mais il reste encore à faire ! D’autre part, cette réception diffère d’un continent à l’autre, même de pays à pays, et de génération à génération. A - Vatican II … et après ! Il aura fallu attendre presque 20 ans pour le nouveau Code de Droit Canonique (1983) traduise dans le droit, les changements apparus sur le terrain. Ces 20 ans furent une période extrêmement riche en analyses, enquêtes, recherches, réflexions, forums, débats, dans les Conférences épiscopales comme dans les diocèses et les paroisses. Depuis les années 80, la réception du Concile laisse une impression contrastée. L’Eglise évolue, trop vite pour certains et pas assez pour d’autres ; elle s’est beaucoup ouverte au monde, mais son message n’y est pas toujours bien reçu ; elle prêche la miséricorde ; mais elle est accusée de ne 16
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