L'événement personnel, la grossesse et l'éducation prénatale

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L’événement personnel, la grossesse et l’éducation prénatale
                        (exemple des parents coréens)

                                                                                    Estelle CHEON-PAVAGEAU
                                                                              Doctorante en sciences de l’éducation
                                                                                     Université de Nantes (France)

                                              « Par la notion d’événement, c’est la prise en compte de l’évolution
                                              du monde qui va être produite, la mise en perspectives de
                                              transformations, de nouvelles relations, de nouvelles
                                              compréhensions. » 1

Introduction
     Ma recherche part d’un constat : la grossesse est un événement personnel à caractère
ontologique. Elle peut devenir un repère important, un révélateur d’une partie de la réalité
sociale, symbolique, humaine le plus significatif pour la perpétuation de l’humanité. L’arrivée
de la grossesse change, modifie, transforme la vie du couple : il s’agit à présent non plus d’un
simple agrégat de deux individus mais d’un binôme de deux futurs parents. Elle est donc à ce
titre une première étape et un fait déclencheur dans l’identité parentale en construction.
L’émotion qu’elle suscite est souvent positive : elle est en effet souvent considérée comme un
événement heureux de la vie. Cependant, pour certains, elle peut être perçue comme un
événement douloureux. La grossesse constitue un événement mystérieux, intime, bouleversant
et curieux… Pour toutes ces raisons la grossesse peut être légitimement considérée comme un
événement personnel. En ajoutant la notion d’événement, la grossesse devient un objet
d’études qui revêt plus d’importance et comporte une dynamique.
     De prime abord, j’orienterai mon angle de recherche sur l’éducation dans sa multiplicité et
sa complexité dès la grossesse. Ensuite, je m’intéresserai aux parents coréens qui pratiquent
l’éducation du bébé dans le ventre durant la grossesse. Ce type d’éducation est connu en
coréen sous le nom de « TaeGyo », que l’on peut traduire par « l’éducation prénatale ».

    L’objectif de ma recherche visera donc non seulement la représentation de l’événement de
la grossesse en s’articulant autour de l’éducation prénatale telle qu’elle est pratiquée en Corée
du Sud, ainsi que la critique de certains de ses aspects, mais également la reconnaissance des
qualités propres à ce type d’éducation et sa nécessité d’être, dans des aspects généralisables à
d’autres cultures. J’essayerai d’appréhender les savoir-faire, les pratiques de l’éducation
prénatale selon des caractéristiques personnelles et les idées des parents (la singularité, la
créativité, la nouveauté) lors de cet événement. Ma recherche consistera principalement à
faire la description de la pratique éducative des parents pendant la grossesse. Mes objectifs
sont articulés autours de deux axes principaux :
    - analyse de la pratique éducative générale de l’éducation prénatale dans la société
        traditionnelle.
    - analyse des nouveautés de l’éducation prénatale dans la société moderne.
    Mon but est de déterminer quel savoir peut être transmis de nos jours aux futurs parents à
partir de pratiques éducatives réalisées par d’autres parents pendant la grossesse. J’ai
privilégié la démarche déductive qui est une élaboration, construite à partir des résultats de
documents, de recherches antérieures et empiriques. Ma recherche va dans le sens heuristique.

1
 PRESTINI-CHRISTOPHE M. (2006), « Une nouvelle grille de lecture : l’événement », Pensée Plurielle N° 13, Bruxelles :
De Boeck , p. 81.

                                                          1
1. Définition de deux notions: l’événement personnel et l’éducation prénatale
        En premier lieu, il convient de bien définir ces deux notions qui seront par la suite
utilisées dans cet article.

1.1. Qu’entend-on par ‘événement personnel’ ?
        Avant de décrire d’emblée la notion d’événement personnel, afin de mieux cerner ce
concept, je voudrais d’abord évoquer comment la notion d’événement est utilisée dans
d’autres disciplines:
- En histoire, l’événement est considéré comme le moteur interprétatif de l’histoire depuis
longtemps. Selon Michel Winock (2002), l’événement historique a certaines caractéristiques
telles que l’intensité, l’imprévisibilité, le retentissement, la conséquence.
- En sociologie, l’événement est utilisé souvent comme une notion opératoire.
- En statistique, selon le dictionnaire le petit Larousse, c’est une partie d’un univers Ω réalisée
quand l’une des éventualités le composant se réalise.
- En anthropologie, l’événement est utilisé pour appréhender le concept et la valeur
opérationnelle. Les anthropologues (Van Gennep,1909 ; Marc AUGÉ,1984) citent les
événements élémentaires qui sont la naissance, la maladie, la mort. Ils ne mentionnent pas la
grossesse. « L’anthropologie s’est penchée de façon privilégiée sur les événements
élémentaires à travers l’étude des rites de passage inauguré par Van Gennep (1909) qui a
montré comment les étapes principales de cycle de vie, de la naissance à la mort[…] ».2
- En philosophie, certains philosophes ont étudié la notion d’événement, « son caractère
superficiel, éphémère et le rapport avec le sens, la structure et la connaissance qu’elle suscite
(Whitehead, 1916 ; Ricoeur, 1983 ; Deleuze, 1988 ; Arendt, 1989 ; Romano, 1998) »3
- En psychologie de la santé, « les psychologues de la santé ont élaboré une typologie des
événements de vie majeurs pour se demander dans quelles mesures ceux-ci pouvaient
déclencher certains états pathologiques en terme de santé mentale (Bruchon-Schweitzer M.,
2002). D’où la nécessité des actions de prévention et d’éducation pour la santé face aux
événements de vie considérés à priori comme générateurs de perturbations psychosomatiques
(Vandenplas-Holper, 1998) ».4
- En sciences de l’éducation, la notion d’événement commence depuis peu d’années à être
reconnue comme objet de recherche avec une approche heuristique. L’événement est utilisé
comme perspective de la formation de la personne (Lani-Bayle M., Mallet M.-A., 2006), de
l’orientation(Danvers F., 2006).
        J’emploie en effet la notion d’ ‘événement personnel’ pour désigner un événement
intime et émotionnel qui participe au changement, à la transformation de soi-même.
L’événement personnel est lié aux parcours individuels, familiaux plutôt qu’à ceux des
collectivités.
Le concept d’événement personnel lui-même prend une quadruple dimension : Contexte,
temporalité, contingence, complexité. La grossesse comme événement personnel amène la
personne à se remettre en question sur ses actes, ses attitudes, ses comportements, son
identité, son rôle, ses valeurs, ses limites, l’estime de soi, et l’image de soi.

1.2. Qu’est ce que l’éducation prénatale ?

2
  OLAZABAL I., LÉVY J.J. (sous la dir.), (2006), L’événement en anthropologie, Concepts et terrains, Québec : Les presses
de l’Université Laval, pp. 12-13.
3
  DANVERS F. (2006), Pensée Plurielle N° 13, Bruxelles : De Boeck , p. 8.
4
  Cité par : DANVERS F. (2006), « Regards croisées sur l’événement », Pensée Plurielle N° 13, Bruxelles : De Boeck , p. 19.

                                                            2
Mon intérêt pour cette notion d’éducation prénatale a commencé avec une phrase
mentionnée dans un dictionnaire : « L’éducation est un processus qui intéresse l’individu de
sa naissance à sa mort. »5 Pour nuancer cette phrase, j’ai commencé par dépouiller les
historiques et les preuves pour démontrer que l’éducation commence avant la naissance. J’ai
remarqué que ce terme d’éducation prénatale ne figurait pas dans les dictionnaires relatifs aux
sciences de l’éducation en France.
        On parle beaucoup de l’éducation de l’enfant après la naissance, c’est-à-dire
l’éducation post-natale. Aujourd’hui encore les chercheurs utilisent rarement ce terme
d’éducation prénatale dans les pays occidentaux, même dans la vie quotidienne. Tout d’abord,
pour définir cette notion j’ai étudié le premier livre qui parle d’éducation prénatale. C’est dans
l’ancien livre classique chinois « Xiao xue, la Petite étude, 1187 »6, au chapitre concernant le
commencement de l’éducation, que l’on peut trouver le terme ‘éducation prénatale’ pour la
première fois. Dans ce chapitre, l’auteur néo-confucianiste Zhu Xi7 cite d’abord, un extrait du
livre de la biographie de femmes vertueuses : « Si une femme vertueuse tombe enceinte, quand elle dort,
elle ne doit pas se pencher sur le côté ; […] Quand elle mange, elle doit éviter l’alimentation malsaine ; elle ne
doit pas manger de nourriture avariée. ; […] Pendant la soirée, elle lit les écritures religieuses et écoute les
beaux poèmes récités par les aveugles. Elle essaie d’avoir toujours l’âme tendre. Si vous suivez cela, vous
aurez un bébé talentueux, doté de bonnes manières. » 8 Et on peut trouver aussi le commentaire de ce texte : « Si
vous êtes enceinte, il faut faire attention à votre caractère, si vous avez bon cœur, vous aurez certainement un
bébé qui a bon cœur, si vous avez mauvais caractère, vous aurez un bébé qui a mauvais caractère. » Et Zhu Xi
illustre son propos en citant un exemple: « Tai Ren était la mère du roi Wen. […] Quand elle était
enceinte du roi Wen, elle ne regardait pas de lumière vive, elle n’écoutait pas de bruits impurs, elle n’était pas
hautaine dans sa façon de prononcer les paroles. Quand le bébé naquit, il était sagace et maîtrisait la
providence des choses. Sa mère lui apprenait une chose et il en comprenait cent. Enfin il devint un très bon roi
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de la dynastie Zhou.9 Les Sages disent que Tai Ren a bien fait l’éducation prénatale. ».
       À travers ce texte on peut se rendre compte que le pays d’origine de l’éducation
prénatale est la Chine. Dans ce livre, on trouve un personnage réel qui est un modèle pour les
femmes. Il s’agit de Tai Ren, la mère du roi Wen. Concernant ce roi, on ne sait pas
exactement sa date de naissance, ni sa date de décès, mais on sait qu’il a régné sur le pays vers
1099 ~ 1050 avant J.-C. Grâce à cette indication, on peut supposer que l’histoire de
l’éducation prénatale remonte à 1099 avant J. C., il y a donc environ 3 107 ans.
       Depuis la première apparition de l’œuvre de Zhu Xi, l’éducation prénatale a été
répandue et largement appliquée à la vie quotidienne en Corée. J’ai compulsé beaucoup de
dictionnaires pour exploiter le sens originel de chaque mot. Ce qu’il faut savoir, c’est que le
terme « TaeGyo, éducation prénatale » est une abréviation de « TaeA GyoYouk » ou
« TaeDjoung GyoYouk » . On peut traduire TaeA par ‘un bébé dès la conception jusqu’à avant
terme’ alors que TaeDjoung signifie ‘pendant la grossesse’. Et le terme GyoYouk signifie
l’éducation (dans le mot Youk on trouve la signification de ‘nourrir, élever, cultiver.’11)
       En fait, afin de clarifier la notion d’éducation prénatale, je vais me poser les trois
questions suivantes: À qui est destiné ce type d’éducation ? L’éducation de qui, par qui ?
L’éducation sur quoi ? Pour répondre à la première question, il est certain que cette éducation
prénatale visera directement le bébé dans le ventre ou le bébé via la mère dès la conception
jusqu’à sa naissance. Pour répondre à la deuxième question (l’éducation prénatale de qui, par

5
  Gaston MILARET(Sous la dir.) (1979), Vocabulaire de l’éducation, Education et Sciences de l’éducation, Presses
Universitaires de France : Paris, p. La quatrième de couverture.
6
  C’est un livre d’étude classique éthique pour les enfants.
7
  Zhu Xi (1130-1200) : un lettré de la Dynastie Song.
8
  LEE Ki-seok. (1994, 1ère éd. 1982), L’intérprétation nouvelle : Sohak, Séoul : Hongsinmounhwasa, p. 15.
9
  C’est la troisième dynastie chinoise, fondée vers 1122 (?) avant J.-C. et qui dominera le pays jusqu’à 256 avant J.-C.
10
   LEE Ki-seok. (1994, 1ère éd. 1982), L’intérprétation nouvelle : Sohak, Séoul : Hongsinmounhwasa, p. 162.
11
   Je note parallèlement l’étymologie du mot d’éducation en français, ce terme vient du latin « educare » qui veut dire nourrir,
prendre soin de, faire sortir, tirer hors de, conduire vers.

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qui ?), ce type d’éducation n’est pas une affaire de femmes enceintes mais peut être réalisé par
les parents, et également par les membres de la famille, les sages-femmes, les
accompagnateurs prénatals et d’autres personnes etc. Pour la réponse à la troisième question
(sur quoi ?), elle peut être vaste. Pour répondre à cette question il conviendra de décrire à la
partie suivante les pratiques de l’éducation prénatale des parents coréens.
        Selon moi, l’éducation prénatale consiste à former le bébé dans le ventre par l’action
conjointe essentiellement des parents et de l’entourage en vue d’apporter un environnement
serein, paisible et de développer les qualités potentielles physiques, affectives, sensorielles,
psychiques, intellectuelles, et artistiques de chaque bébé durant la grossesse. C’est l’ensemble
de toutes les activités éducatives des parents qui ont pour but d’éviter des conduites
défavorables, et d’exercer une influence positive, c’est-à-dire de donner au(x) bébé(s) un
environnement paisible qui favorise son épanouissement pour qu’il(s) se sent(ent) bien
pendant les neuf mois de grossesse.

2. Problématique
         Dans les années 80 en France, les recherches ont sérieusement tenté de cerner les
problématiques portant sur la grossesse et la période prénatale (l’embryon et le fœtus). Ainsi
la médecine (Alfred Tomatis, René Frydman, Michel Oden, Thos Berry Brazelton, Jean-
Pierre Relier), la psychanalyse (Serge Lebovici, Donald W. Winnicott, This Bernard),
l’éthologie (Boris Cyrunk, Jean-Marie Vidal), la psychologie (Claude Revault d’Allones et
al.) et l’haptonomie (Franz Veldman et Catherine Dolto et Bernard This) se sont penchées sur
la période avant la naissance. En éducation, la période prénatale est investie par les chercheurs
notamment dans les pays asiatiques, comme la Chine, la Corée et le Japon, mais les retombées
de leurs travaux n’ont pas encore atteint les chercheurs en éducation en Europe et en Afrique.
En effet, les recherches qui existent déjà sur la vie intra-utérine de l’enfant sont centrées
souvent sur l’aspect médical ou paramédical, et sur l’aspect psychanalytique et
psychologique, mais peu sur l’aspect éducatif. Jusqu’à aujourd’hui, très peu de recherches en
sciences de l’éducation traitent de cette période prénatale en France ou au Maroc.
         Deux problématiques vont entrer simultanément en ligne de compte :
– Celle de l’éducabilité du bébé dans le ventre.
– Celle de la spécificité de la valeur et des pratiques de l’éducation prénatale par la mère et le
père.
         Ce qui peut se résumer par ces quatre questions spécifiques: le bébé in utero est-il un
sujet éducable ? Comment les parents coréens préparent-ils et affrontent-ils cet événement de
la grossesse pour mieux accueillir l’enfant à naître ? Et chaque famille a-t-elle sa propre façon
d’éduquer son enfant et, en fin de compte, peut-on dégager certaines valeurs applicables dans
d’autres cultures ? Dans la dimension de ma problématique, l’événement n’a pas le sens de
« ce qui arrive ». Je m’intéresse plus sur la manière dont chaque personne réagit en matière
d’éducation face à l’événement de la grossesse.
         Ces problématiques sont le fondement même des mesures éducatives et pédagogiques
qui visent à donner aux parents quelques orientations et des guides pour éduquer l’enfant à
naître selon leur choix, leur volonté et leur responsabilité.

3. En quoi consiste l’éducation prénatale en Corée du sud.
       Ma recherche est centrée sur la façon dont les parents coréens mènent cette éducation
durant l’événement de la grossesse dans la société traditionnelle et moderne. Pour le savoir, je
me suis documenté, j’ai compulsé des livres, des mémoires, des thèses, des romans, des
journaux, Internet, des émission de télévision pour savoir quel type d’éducation prénatale a
été pratiqué jusqu’à ce jour. Et ensuite j’ai mené des entretiens semi-directifs à dimension
clinique avec neuf parents coréens (5 pères et 4 mères) sur leurs pratiques pour compléter la

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dimension informative de la documentation. Les pratiques d’éducation prénatale chez les
parents coréens que je vais décrire ne sont évidemment pas exhaustives.

3. 1. La grossesse et l’éducation prénatale – La tradition
        J’ai trouvé et confronté le contenu de documents-textes anciens, afin de pouvoir les
analyser. Tout d’abord, j’ai choisi chronologiquement les livres importants pour comprendre
les implications des croyances et des pratiques traditionnelles sur l’éducation prénatale en
Corée du Sud.
3.1.1. Taejounghounmoun12 (le texte de préceptes pendant la grossesse)
        Le premier livre sur l’éducation prénatale en Corée est le Taejounghounmoun. La
pratique de l’éducation prénatale dans ce texte est décrite comme suit : « La femme enceinte doit
suivre les leçons des Sages (les hommes vertueux) anciens, lire leurs œuvres, et essayer d’imiter leur vie en les
aimant. Vous-mêmes, faîtes le vœu d’avoir un enfant qui leur ressemble, que votre âme accomplisse les choses
difficiles que les gens ordinaires n’arrivent pas à faire... » 13
        Ce livre distille aussi quelques recommandations : il ne faut pas se disputer pour une
bagatelle, ne pas voler, essayer d’aider les autres, ne pas écouter les ‘bruits de luxure’ pendant
la grossesse. Ce texte montre que la période de grossesse est un moment au cours duquel les
femmes enceintes doivent faire attention. Cette période n’est pas semblable à d’autres
moments de la vie. Il révèle que pendant cette période cruciale, les femmes doivent diriger
tous leurs efforts pour réaliser l’éducation prénatale.
3.1.2 Taegyosinnki( Nouveau traité de l’éducation prénatale)
        C’est le premier livre complet spécialement conçu pour l’éducation prénatale dans le
monde il y a 208 ans. L’original Taegyosinnki a été écrit en chinois en 1800 par une femme
coréenne, Sajudang Yi (1739-1821). Par la suite, son fils « You Hee »14 a commenté le
phonème, la signification, la traduction du chinois classique en coréen, et, sous le nom de ces
deux auteurs, le manuscrit Taegyosinnki a vu le jour en 1801. Sajudang Yi est connue pour
avoir été une personne qui avait de grandes connaissances, toutes les vertus (qualités morales)
et le talent d’écrivain. Elle a d’abord consulté de nombreux livres, des documents chinois
concernant l’éducation. Après avoir lu, elle a écrit Taegyosinnki à partir de sa propre
expérience avec un fils et trois filles et de ses observations personnelles. Elle a écrit plusieurs
œuvres mais dans son testament, elle indique sa volonté de tous les brûler sauf le
Taegyosinnki. Aujourd’hui on peut facilement lire ce livre grâce à la traduction en coréen.
Nous nous permettons de citer un extrait du livre de ‘Taegyosinnki’ pour expliquer
l’importance de l’éducation prénatale : « Le père donne le sperme pour faire naître l’enfant dans le
monde, la mère l’élève et le maître enseigne. [...] La personne qui est bonne en médecine s’occupe des clients
avant qu’ils tombent gravement malades, et la personne qui éduque bien, enseigne avant la naissance. Donc,
même si des maîtres éduquent un enfant pendant dix ans, leur influence est toutefois moins prédominante que
celle de la mère pendant les dix mois15 de la grossesse. L’âme immaculée du père pour l’imprégnation est plus
importante que le comportement de la mère pendant dix mois... [...]Il est proscrit d’entrer dans la chambre de la
femme quand l’homme est malade, quand un événement malheureux est arrivé à la famille, quand il y a une
éclipse de soleil ou de lune, quand il fait très chaud ou très froid, quand il y a beaucoup de vent, quand il pleut
à torrent, ou quand il y a du tonnerre et des éclairs. L’homme doit se protéger lui-même de la luxure ou de
l’esprit malfaisant pour créer un enfant. La responsabilité d’avoir un esprit sain incombe au père... » 16

12 Je n’ai pas pu trouvé l’année exacte de la parution de ce livre. Pour l’instant ce que je sais c’est que la mère d’un lettré
JEONG Mong-ju(1337 - 1392), s’appelle Madame Yi et qu’elle a écrit ce livre sous la dynastie Goryo (918 –1392). On peut
estimer que ce livre a été écrit à la fin de cette dynastie.
13 Cité par Whang Hye-sung et al. (1996), L’alimentation pour l’éducation prénatale, Séoul : Dougji,
p. 52.
14 You Hee (1773-1831) , savant en sciences pratiques, phonologue. Il est très connu aussi en tant qu’auteur de ‘Un moun
ji’ (le journal d’alphabet coréen).
15
   Dans les livres coréens, la durée de la grossesse est de 280 jours, c’est-à-dire 10 mois lunaires. Un mois lunaire est basé
sur le retour de la pleine lune tous les 28 jours.
16
   Sajudang Yi. (1937), Taegyosinnki, Copie d’un texte original conservé à YOU Jong-ki.

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L’origine de l’éducation prénatale commence par la relation conjugale sexuelle, et
cette responsabilité revient au père. Dans la société traditionnelle, le rôle du père dans
l’éducation prénatale était primordial. Certains jours, il était sévèrement interdit d’avoir des
relations sexuelles. Les ancêtres coréens ont mis l’accent sur la valeur du temps. Pour avoir la
chance et le bonheur, il fallait selon eux attendre ou choisir le moment convenable.
L’éducation prénatale dans la société traditionnelle n’était pas une éducation précoce, mais
c’était avant tout attendre et choisir le bon moment.
         ‘Taegyosinnki’ contient dix chapitres. Sajdang Yi décrit l’efficacité et l’importance de
l’éducation prénatale, la responsabilité des parents, l’effet de l’éducation prénatale pour la
paternité, l’éducation prénatale par la mère, les méthodes, le malheur et le préjudice découlant
de l’absence d’éducation prénatale de la mère, la coopération que les membres de la famille
peuvent réaliser pour le bien-être du bébé dans le ventre, les exemples d’éducation prénatale
pratiquée en Chine etc.
3.1.3. Sam tae do et Chil tae do
        En sus de tels écrits, il y a deux méthodes transmises de génération en génération en
Corée – Sam tae do (la voie triple de l’éducation prénatale) et Chil tae do (la voie septuple de
l’éducation prénatale). La première, Sam tae do, était pratiquée par les roturiers ; la deuxième,
Chil tae do, par les aristocrates. L’une et l’autre traitent des règles se rapportant à l’éducation
prénatale que la femme enceinte doit mettre en pratique. Les règles de Chil tae do sont les
suivantes :
(1) Le mois de l’accouchement, il ne faut pas se laver les cheveux, pas monter sur le Marou (plancher surélevé),
ne pas boire d’alcool, ne pas traverser la route difficile et la rivière17, pas franchir d’enclos, ne pas passer à côté
du trou du chien 18.
(2) Il ne faut pas parler trop (Ne soyez pas bavarde). Ne pas rire et pas être étonné, ne pas pleurer, ne pas avoir
peur à tort et à travers.
(3) L’endroit nuisible au bébé dans le ventre au cours du premier mois : le plancher ; le deuxième mois : portes
et fenêtres ; le troisième mois : le seuil ; le quatrième mois : la partie surélevée d’une cuisine coréenne sous
laquelle se trouve le foyer ; le cinquième mois : le lit en bois ; le sixième mois : le hangar ; le septième mois : le
mortier ; le huitième mois : les toilettes ; le neuvième mois : la bibliothèque.
(4) Tenir un beau langage, lire des textes de sages et lire de beaux poèmes.
(5) Ne pas s’allonger sur le côté, et ne pas s’asseoir en s’appuyant sur quelque chose et ne pas être debout sur
une jambe. Cependant, les mois impairs de grossesse, vous pouvez vous allonger du côté gauche, car il y a la
magie masculine entre l’impair et le côté gauche.
(6) Garder sur votre corps la ‘ norigae 19(la breloque)’ de tortue de mer, le phénix, de pierre précieuse.
(7) Ne pas entretenir de désirs impurs (charnels), la cupidité, la plainte, la haine. Et pendant la grossesse il est
interdit de faire l’amour conjugal. Surtout il faut éviter de faire l’amour pendant le mois de l’accouchement,
sinon le bébé va tomber malade ou mourir.
       La société traditionnelle a par ailleurs édicté un certain nombre de codes sanitaire,
éthique et esthétique, préventif de cas tératologiques. Surtout, j’ai trouvé beaucoup de
prescriptions et d’interdits pour l’alimentation qui seraient trop long à détailler ici. Par
exemple si vous mangiez de la viande de canard, le bébé risquait de marcher les pieds en
éventail. Même si souvent nous pensons que c’est de la superstition, la fonction symbolique
n’est pas à négliger. On peut comprendre que ce genre d’actes étaient plutôt des mises en
garde contre une alimentation malsaine pendant la grossesse. On constate en effet que la
société traditionnelle insiste beaucoup sur la place importante que prend la ‘nutrition’ dans
l’éducation prénatale, ce qui d’ailleurs est bien mis en lumière par l’étymologie du mot
‘éducation’ en chinois et en latin : ‘nourrir’. Du point de vue social, les prescriptions invitent

17
   Dans le temps, il n’y avait pas de pont. Pour traverser la rivière les coréens ont disposé de grosses pierres pour permettre
de traverser un ruisseau.
18
   Trou du chien : En Corée dans la société traditionnelle, autour de la maison coréenne il y avait un mur. S’il y avait des
chiens dans la maison, souvent il y avait un trou percé en bas du mur extérieur pour que le chien puisse sortir librement.
Ainsi, éviter de passer à côté d’un trou du chien signifie certainement éviter que le chien n’aboie en voyant passer la femme
près de la maison et , ainsi, n’effraie la femme et son bébé.
19
   Norigae : les femmes coréennes la portent à l’attache de leur habit.

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à la tempérance, à la conciliation, à une atmosphère de calme et de bonne entente
interindividuelle durant la grossesse. On voit que les différents aspects des interdits qu’ils
soient alimentaire, gestuel, comportemental, moral ou psychologique, dont l’importance est
suggérée par l’ampleur et la rigueur, signifient bien que l’interdit est une notion éminemment
culturelle, héritée de la tradition. À part les livres importants que j’ai mentionnés ci-dessus, de
nombreux autres livres classiques coréens mettent l’accent sur l’importance de l’éducation
prénatale. Par exemple, ‘Kyuhapchongso’ (l’encyclopédie des arts du foyer pour femmes),
‘Tonguipogam’ (l’étude complète sur la médecine) et ‘Kaenyoso’ (le livre sur l’éducation des
femmes).

3. 2. La grossesse et l’éducation prénatale – La modernité
Depuis longtemps les Coréens soulignent beaucoup l’importance de l’éducation prénatale et
s’intéressent aux qualités des parents. En revanche, au fur à mesure que le temps passe, la
société a changé et la mentalité et les attitudes des parents à l’égard de l’éducation des enfants
ont évolué. Il convient donc à présent d’analyser les caractéristiques de ce type d’éducation
dans la société actuelle.
3.2.1. L’abondance des documents mis à notre disposition.
        Quand on va dans une librairie on peut trouver beaucoup de livres, de matériaux
éducatifs (CD, DVD) concernant l’éducation prénatale au rayon « grossesse et
accouchement ». Dans chaque librairie, il y a de 30 à 50 livres qui ont envahi ces dernières
années le marché concernant «TaeGyo, éducation prénatale ». Selon le choix des parents, ils
peuvent comprendre et apprendre les savoir-faire et les informations pour bien préparer la
grossesse et l’accouchement et éduquer leur bébé avant la naissance. Mais après avoir
consulté ces livres, il m’est apparu qu’un grand problème paraît se poser: chaque auteur, en
effet, a sa façon d’expliquer l’éducation prénatale en citant des cas dénués de tout
raisonnement scientifique. Par exemple, dans le livre de KIM Dong-keuk, cet auteur écrit que
si une femme boit beaucoup de lait pendant la grossesse, l’enfant aura des anomalies comme
le manque d’attention, l’insomnie, un comportement violent, le retard du développement du
cerveau etc. Comme si le lait était la cause de la débilité mentale de certains enfants, de
l’autisme, et de la difficulté du développement du langage.20 Pourtant les produits laitiers
apportent le calcium nécessaire à la grossesse. J’ai ainsi rencontré pas mal de fausses
informations dans certains livres publiés. Nous vivons dans une société d’informations qui
nous sature de conseils sur l’art et la manière d’élever nos enfants ; aussi s’avère-t-il plus que
nécessaire de porter un regard circonspect sur de telles informations et de remettre en question
leur crédibilité et leur validité...
3.2.2. Le contenu de l’éducation prénatale moderne selon la littérature.
        De nos jours, les matières traitées par l’éducation prénatale dans la société moderne
sont basées sur l’éducation prénatale traditionnelle, mais avec plus d’explications
scientifiques et de cas concrets, ainsi que sur les nouvelles activités de l’éducation prénatale.
Les livres montrent pourquoi les femmes enceintes ont besoin de tels éléments nutritifs pour
bien nourrir le bébé et même dans un livre « l’alimentation pour l’éducation prénatale »,21 on
peut trouver des recettes de cuisine pour femmes enceintes. Et il y a aussi d’autres livres
pour la musique. Dans ce livre on peut trouver des listes de musique, à faire écouter au bébé
dans le ventre. La plupart des morceaux sont de la musique classique. L’auteur a classé la
musique avant de dormir, la musique du matin, la musique au moment du repas etc. Mais
depuis les années 2000, des CDs de musique traditionnelle coréenne pour l’éducation
prénatale ont été répandus en Corée. Et il existe également de la musique aux sonorités à la

20
   KIM Dong-keuk. (1990), La prévention des handicapés par l’éducation prénatale et l’alimentation seine, Séoul :
Saemteo, p.149.
21
   HWANG Hye-sung et al. (1996), L’alimentation pour l’éducation prénatale, Séoul : Doug ji.

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fois coréennes et occidentales. Il y a des variétés très diverses pour donner une éducation
musicale au bébé dans le ventre. D’autres livres portent sur le planning à suivre selon le mois
pour la mère et le père et montrent ainsi comment il convient de préparer l’éducation
prénatale avant la grossesse et du premier mois jusqu’à l’accouchement. Les parents peuvent
inventer les matériels éducatifs selon leur imagination et leur créativité.

        J’ai répertorié les conduites observées. Les parents coréens pratiquent tout ce qui a
trait à l’éveil prénatal d’une manière naturelle, spontanée, étant conscients que le bébé a
besoin de sécurité, d’affectivité, de communication, d’apprentissage.

Répertoire des conduites éducatives modernes des parents auprès de l’enfant dans le ventre
via la mère (ou le père)
 Faire attention à l’alimentation.

 Arrêter de boire de l’alcool et de fumer.

 Ne pas prendre de médicaments sans ordonnance des médecins.

 Ne pas avoir de stress : Essayer d’avoir un esprit serein. Et essayer d’être stable et paisible

psychologiquement.
 Favoriser le développement des cinq sens du bébé dans le ventre.

 Acte de bonté: Faire une bonne action, par exemple, la donation, aider des gens en difficulté,

être généreux etc.
 Avoir une bonne relation entre époux pendant la grossesse.(ne pas se disputer. La relation

avec son partenaire est particulièrement importante pour l’éducation prénatale.)
 Sport prénatal : faire des exercices sportifs, de la natation, du yoga, de la gymnastique,

respirer de l’air frais, se promener. etc.
 Dialogue prénatal et communication : Dialoguer avec le bébé dans le ventre sur la vie

quotidienne « Il fait très beau aujourd’hui, papa prépare une bonne soupe de légumes ce soir
pour moi et pour toi… », Quand vous êtes triste expliquer au bébé dans le ventre la raison de
votre humeur chagrine, écrire un journal de la grossesse, écrire une lettre au bébé pour le jour
de sa naissance… Toucher et caresser le ventre pour avoir la communication avec le bébé.
 Eveil prénatal à la géométrie et aux mathématiques : Apprendre les figures géométriques, les

chiffres, révision du manuel des mathématiques du lycée.
 Eveil prénatal à la musique : Faire écouter la musique traditionnelle, douce, classique ou

populaire, des comptines et des chansons d’enfants etc., initiation au solfège, chant, la mère
ou le père jouant d’un instrument musical, aller au concert etc. S’il y a un conseil à donner ce
serait de choisir une musique douce, pas violente que la mère ou le père aime mais en se
mettant à l’écoute des réactions de son bébé.
 Eveil prénatal à la langue : (1) Langue maternelle : Initier l’alphabet, les mots de la langue

maternelle (2) Anglais : Vers le 5ème ou 6ème mois de grossesse, certaines futures mères
enseignent l’anglais en écoutant des CD d’anglais, en lisant des contes de fées ou en parlant,
en utilisant des expressions simples, en chantant. Initiation de l’alphabet, des mots, quelques
expressions, chansons en anglais. Il existe des livres intitulés « Maman raconte les contes au
bébé dans le ventre, Papa raconte les contes au bébé dans le ventre » en version anglaise.
Conseil : Avoir une attitude paisible et joyeuse pour parler anglais au bébé. (3) Chinois :
l’alphabet, les mots, quelques expressions, exercice de calligraphie avec l’encre de chine etc.
 Lecture prénatale : Faire la lecture (contes de fées, poèmes, les histoires enfantines et les

biographie des grands hommes etc.). Cette pratique peut être réalisée par le père et la mère.
Conseil : Quand vous lisez, essayer de caresser doucement le ventre et lisez comme si vous
dialoguiez avec le bébé. Vous demandez la réaction du bébé et essayer d’exprimer votre
impression, faîtes des remarques sur le livre que vous racontez. Au lieu de lire d’une manière

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simple, il vaut mieux le lire en exprimant assez d’émotion. Il est important que le père
participe à la lecture de contes. Vous pouvez mettre un fond de musique.
 Arts plastiques prénataux : Apprendre les couleurs, le pliage des papiers. Regarder de beaux

tableaux de la peinture. Aller au musée ou centre d’arts pour apprécier l’art.

3.2.3. L’apparition d’institutions dans lesquelles sont données des cours d’éducation
prénatale.
        Depuis des années 80 jusqu’à aujourd’hui (2008), des institutions voient le jour de
plus en plus, dans lesquelles sont donnés des cours d’éducation prénatale, à un nombre limité
de personnes. On peut distinguer deux types de cours selon la catégorie de personnes : (1)
Auprès des futurs mariés et des jeunes mariés: il y a des cours concernant l’éducation
prénatale au sein de quelques universités pour les étudiants, la YMCA à Séoul, le centre
éducatif de la loi familiale coréenne, le centre éducatif de l’église catholique Myeong dong
etc. (2) Auprès des parents, du bébé via la mère : les hôpitaux, les cliniques, les centres de la
culture organisent des cours et des ateliers d’éducation prénatale. Le programme des cours est
très varié. Il y a des cours de musique prénatale, de contes prénatals, de dialogues prénatals,
d’arts plastiques, de yoga etc. Il existe une bibliothèque spéciale pour les femmes enceintes.
Ce qui est nouveau depuis l’année 200522, c’est que certains hôpitaux, certaines cliniques,
collectivités locales, certains centres culturels et organismes privés organisent des événements
culturels pour les bébés dans le ventre, les femmes enceintes et leurs époux, les autres
membres de la familles tels que les événements musicaux, la fête de la lecture de poème etc.
Ils organisent des concerts musicaux pour que les parents et le bébé passent des moments
paisibles, joyeux et heureux.

3.2.4. Présentation des résultats de l’entretien semi-directif (ESD)
        Maintenant je vais présenter quelques extraits du travail sur le terrain que j’ai
recueillis par le biais d’entretiens semi-directifs avec les parents coréens (5 hommes et 4
femmes). Au cours de ces entretiens, j’ai travaillé avec les narrateurs sur les
questions suivantes : la valeur de l’éducation prénatale, la croyance en l’éducation prénatale,
la définition de l’éducation prénatale, la transmission du savoir, le rôle des parents, le projet
de l’éducation prénatale, les recommandations aux futurs parents.

Légende : Narrateurs(trices) : A(né 1953), B(né 1967), C(né 1962), D(née 1959), E(née, 1967), F(né 1956), G(née 1953),
H(née 1966), I(né 1961)

Thème traité : La pratique de l’éducation prénatale du côté des mères
Question (posée aux femmes) : Quand vous étiez enceinte, quel type d’éducation prénatale
avez-vous réalisé ?
– [D] […] Autrement, je faisais du bien aux gens en espérant que mon enfant devienne quelqu’un de généreux
plus tard. Régulièrement, chaque dimanche matin après avoir pris mon petit déjeuner j’écoutais la musique que
j’aime pendant 30-40 minutes. […]
- [E] Quand j’étais enceinte, j’étais très jeune, j’avais 25 ans et je ne savais rien du tout sur la préparation de la
grossesse. […]
– [H] J’évitais de regarder des films horribles et violents. Je sélectionnais les films de cinéma et de la télé. Quand
j’étais enceinte je lisais les livres concernant la grossesse. Un livre parlait du développement du cerveau de
l’enfant. C’était intéressant. Il conseillait que la femme enceinte prenne l’air frais pour fournir à l’enfant un bon
oxygène. Selon ce livre, c’est grâce à l’oxygène que le cerveau de l’enfant se développe. Alors j’ai pensé que
l’oxygène était crucial pour le développement du cerveau pendant 9 mois. Je me promenais dans les jardins. Je
faisait un peu de gymnastique. Je faisais exprès d’écouter de la musique , des chansons françaises, de la musique

22
  La réglementation de la santé pour les mères et leurs enfants a été révisée le 7 décembre 2005. Il a été décidé que, chaque
année, le 10 octobre, une journée des femmes enceintes serait organisée. Pourquoi cette date ? Le chiffre dix symbolise les
dix mois de grossesse et le mois d’octobre correspond au mois de la moisson.

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classique et d’autres musiques douces etc. Je m’étais beaucoup préparée psychologiquement à la conception du
bébé avec mon mari. […] J’allais souvent au musée toute seule, même dans les petits musées. […]
Question (posée aux hommes): Comment votre femme a-t-elle réalisé l’éducation prénatale
pendant sa grossesse ?
– [A] Ma femme et moi étions d’accord sur l’importance de l’éducation prénatale. Ma femme aime beaucoup le
café mais pendant la grossesse elle a complètement arrêté d’en boire et elle n’a pas pris de médicaments non
plus. Elle écoutait de la musique et elle a essayé d’être calme. Elle évitait d’aller à la ‘maison en deuil’ 23.
– [I] Elle a écouté la musique de Mozart et de Schubert et des slows, beaucoup de musique. Elle faisait très
attention au langage qu’elle utilisait. Elle a essayé de mener une vie paisible pendant sa grossesse. Elle a lu des
livres concernant l’éducation de l’enfant.

Thème traité : la pratique de l’éducation prénatale du côté des pères
Question (posée aux hommes) : Quand votre femme était enceinte, qu’avez-vous fait comme
éducation prénatale ?
– [A] […] J’essayais d’acheter tout ce qu’elle voulait manger pendant la grossesse. Même si des fois cela
m’embêtait. Mais j’essayais d’être patient pour la soutenir et de créer un environnement calme pour que ma
femme soit paisible. Quand les jambes du bébé ont commencé à bouger j’ai touché et caressé le ventre de ma
femme et j’ai joué de la guitare pour que le bébé dans le ventre écoute de la musique. Je faisais la lessive difficile
et je portais les choses lourdes etc. je faisais le travail difficile à la maison. Je considérais mon enfant comme un
bien précieux avant sa naissance.
– [B] J’évitais de me disputer avec ma femme. J’étais très patient pour beaucoup de choses. Et quand j’avais le
temps je faisais écouter de la musique au bébé mais pas tous les jours. Je faisais écouter de la musique classique,
des morceaux de violoncelle, de violon et de piano. Selon moi, le bébé se familiarise avec son environnement par
le son c’est à dire la voix des parents. Je désirais que le bébé se familiarise avec ma voix avant la naissance .
c’est pour cela que j’essayais de rester le plus souvent possible à côté de ma femme pendant la grossesse.
– [C] Il y a deux choses que j’ai faites : rendre l’environnement paisible pour ma femme. Deuxièmement, sans
que ma femme ne le sache, je lui faisais faire de la gymnastique intellectuelle (brain exercise) en discutant avec
elle comme si de rien n’était pendant le repas. Je crois que cette façon de faire permet un développement
intellectuel du fœtus.
– [F] J’ai fait ce que j’ai pu. Par exemple, j’essayais de ne pas donner de soucis à ma femme. J’achetais tout ce
qu’elle avait envie de manger pendant sa grossesse. Dans la journée je ne pouvais rien faire car je travaillais à
l’extérieur. Je partais de bonne heure le matin, je rentrais tard. Mais quand je rentrais, je faisais en sorte que ma
femme se sente en sécurité, tranquille. J’essayais de satisfaire ses besoins.
- [I] Franchement je n’ai pas fait grand chose. J’étais salarié, je le suis encore. Pendant sa grossesse, j’allais au
travail de bonne heure et je rentrais tard... je n’étais pas très libre. Ah si, je me rappelle ce que je faisais ! Je
faisais écouter de la musique à ma femme, à mon bébé. […] C’est moi qui sélectionnais la musique et, si je
n’était pas libre, je recommandais à ma femme d’écouter telle ou telle musique. Surtout Mozart. Mon hobby est
d’écouter la musique. Je transmettais mon goût au bébé. […]
Question (posée aux femmes) : Comment votre mari a-t-il réalisé l’éducation prénatale
pendant votre grossesse ?
– [D] Quand je suis tombée enceinte mon mari a beaucoup changé. Il est devenu beaucoup plus mûr qu’avant.
Quand il me parlait, il parlait très doucement, paisiblement. Même si on ne voyait pas le bébé dans le ventre,
mon mari croyait que le bébé était influencé par le comportement du père. Il faisait donc très attention à tout ce
qu’il faisait.
– [F] Il achetait tout ce que j’avais envie de manger. Par exemple quand je lui disais que j’avais envie de manger
des fraises, il partait avec un sac pour en acheter. Si je lui demandais une bouteille de coca-cola il l’achetait pour
moi etc. Il ne m’a pas aidé avec de belles paroles. Il m’a aidé par ses actes et par son cœur, sincèrement.
– [H] Il écoutait toutes mes demandes. Il m’achetait tout ce que je voulais manger. Il m’emmenait à l’endroit où
je voulais aller. Au cinéma etc. Il m’a beaucoup aidé. Il faisait tout ce qu’il pouvait. Il allait dans mon sens, pas
dans le sens de son organisation. Et puis notre papa24 a fait une chose importante. Quand je lui ai dit que j’étais
enceinte il ne m’a pas demandé de faire l’amour. Car il pensait que l’acte conjugal pouvait avoir une mauvaise
influence sur le bébé. Je crois que ça, c’est une éducation prénatale du côté du père. […]

23
   La ‘maison en deuil’ est une expression se rapportant à l’endroit où le cadavre du disparu est exposé quelques jours avant
les obsèques et où les membres de la famille, les amis viennent lui rendre un dernier hommage.
24
   ‘Notre papa’ signifie ‘mon mari’ en Corée. Certaines femmes coréennes appellent leur mari comme cela.

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4. Synthèse, analyse et portée heuristique
       Dans cette partie, je veux faire une synthèse et une analyse sur quelques points à partir
de documentations et des neuf entretiens que j’ai réalisés.

4.1. L’événement de la grossesse et le commencement de l’éducation
        Le point de départ de l’éducation des enfants commence dès la période de la
conception. Même avant la grossesse, le mari et la femme préparent l’événement de la
grossesse et le projet pour devenir parents. Et pendant la grossesse ils pratiquent concrètement
l’éducation prénatale. Le nouveau-né n’est pas tabula rasa car les premiers neuf mois de vie
ont laissé des empreintes et des marques indélébiles. En fait, l’éducation commence bien
avant la naissance, en tenant compte de la place de l’enfant dans la famille.

4.2. L’éducation prénatale et l’éducabilité du bébé dans le ventre
         Le bébé dans le ventre est considéré comme personne digne de respect, être
communicatif, sujet éducable, apprenant. Selon l’analyse des entretiens, l’événement de la
grossesse est très lié à l’éducation prénatale. L’une des valeurs de l’éducation prénatale que
les narrateurs ont citée est le respect du bébé dans le ventre : c’est une éducation humaniste.
Je peux dire que l’éducation prénatale consiste à respecter la vie du petit bébé, à donner au
bébé de l’amour et de la tendresse. Retournons à la problématique de départ sur l’éducabilité
de ce bébé dans le ventre. Nous voyons certains efforts des parents (former l’esprit sain de
l’enfant, développer les cinq sens, ses aptitudes intellectuelles, physiques, son sens moral,
apprendre les éléments culturels à son bébé, par exemple, la musique, l’art etc.) pour éduquer
le bébé dans le ventre en le considérant comme un petit apprenant. Le bébé dans le ventre
peut-il apprendre réellement? Les parents coréens supposent que oui. C’est une croyance et
une conviction pour eux. Mais nous ne savons pas encore précisément comment le bébé réagit
à de tels stimulus malgré plusieurs études scientifiques qui démontrent que le bébé dans le
ventre dispose de ses 5 sens et d’une capacité de mémorisation. Si on fait l’apprentissage des
lettres, par exemple, on ne sait pas si le bébé a compris ou pas. Cet apprentissage peut-il être
vraiment utile ou non ? Il y a toute une discussion à faire. Ce que nous avons découvert, c’est
que les parents coréens considèrent le bébé dans le ventre comme un sujet éducable. Ils
croient en sa capacité de recevoir des stimulus extérieurs, en l’éducabilité de ce bébé et
fournissent des efforts en ce sens , quelles que soient leur qualité et leur envergure, pour
assurer le développement harmonieux de l’enfant.

4.3. La nécessité de l’éducation prénatale
        L’éducation prénatale peut jouer pour une partie du développement de l’enfant. Nous
supposons que, en tant que première empreinte, elle peut rester ancrée pour toute sa vie
ultérieure. Neuf mois, c’est une période courte mais de plus en plus les études scientifiques
montrent que l’on ne peut pas négliger cette période prénatale pour bien commencer la vie de
l’enfant. J’ai une autre hypothèse : L’événement de la grossesse est l’une des périodes les plus
importantes de notre vie pour donner au bébé un bon départ dans sa vie. La période prénatale
est comme un tremplin en vue du développement ultérieur de l’enfant.
        Pour ma part, l’éducation prénatale n’est pas qu’une vieille tradition, mais bien une
nécessité. Pourquoi ne pas pratiquer ce type d’éducation ? Et après tout, si l’enfant est traité
avec de grands égards, beaucoup d’attention, de considération et de respect, quels
inconvénients y a-t-il à cela ?

4.4. Rapports entre culture et éducation
       Chaque pays a sa culture propre pour faire de beaux enfants. Comme l’auteur Lê
Thành Khôi l’a dit, les rapports entre culture et éducation changent selon différents critères.:

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