"Préhistoire" : itinéraires d'un mot dans les champs du savoir - 22 mai 2018 Musée d'Archéologie nationale 23 mai 2018 Institut National ...

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"Préhistoire" : itinéraires d'un mot dans les champs du savoir - 22 mai 2018 Musée d'Archéologie nationale 23 mai 2018 Institut National ...
Colloque
international

 «Préhistoire» :

                                                                Photo : Frise de lions gravés sur côte © MAN
 itinéraires d’un mot
 dans les champs
 du savoir
 Organisé par Sophie A. de Beaune et Rémi Labrusse

                                               22 mai 2018
                              Musée d’Archéologie nationale

                                               23 mai 2018
                        Institut National d’Histoire de l’Art
"Préhistoire" : itinéraires d'un mot dans les champs du savoir - 22 mai 2018 Musée d'Archéologie nationale 23 mai 2018 Institut National ...
« Préhistoire » : itinéraires d’un mot
                dans les champs du savoir

        Après de premiers emplois sporadiques dans les années 1840,
le mot de « préhistoire » s’est imposé dans les principales langues
européennes à la fin des années 1860, avec une rapidité qui signale
l’intensité du besoin collectif auquel il répondait. Bien sûr, la science
positive s’est efforcée de réduire son indétermination sémantique, par
l’introduction d’innombrables catégories internes. À cette taxinomie
fébrile, cependant, la culture commune a unanimement répondu par
l’affirmation de la seule idée de « préhistoire », bloc nébuleux où le
rapport entretenu par le monde occidental avec l’idée d’origine, à l’ère
de la technique industrielle, n’a plus cessé de se refléter. Au-delà de
ce que la science préhistorienne, non sans fluctuations, cherchait à
délimiter sous ce vocable, une idée de la préhistoire s’est ainsi installée
dans les consciences, imbrication d’observations, de pensées et de
fantasmes, constellation de représentations qui continuent à désigner
aujourd’hui un besoin de réagir aux clivages historiques de la modernité.
        C’est pourquoi le mot et ses horizons de sens se retrouvent
dans de multiples champs du savoir ; en s’inscrivant dans ces différents
contextes épistémologiques, ils contribuent à enraciner toujours
davantage l’idée de préhistoire dans nos consciences et lui confèrent
des valeurs métaphoriques variées. Le but de ce colloque est donc de
rapprocher différents types de discours autour du mot « préhistoire »,
afin de délimiter les définitions et les usages du mot et des idées qu’il
véhicule dans les dispositifs conceptuels d’une dizaine de disciplines :
archéologie, anthropologie sociale, psychanalyse, ethnologie, histoire,
histoire de l’art, philosophie, histoire religieuse, études littéraires.
       A partir de là, il s’agira de cartographier divergences et
récurrences, évolutions et permanences dans les interprétations
et les usages du mot, et de parvenir à une compréhension à la
fois plus précise et plus complexe de la notion de préhistoire.
Mardi 22 mai 2018
                            Saint-Germain-En-Laye,
                   Auditorium du musée d’Archéologie nationale

                                  9h30 : Accueil

                                  Introduction
•   9h45 | Hilaire Multon (directeur du musée d’Archéologie nationale -
    Domaine national de Saint-Germain-en-Laye)
Allocution de bienvenue
•   10h | Sophie A. de Beaune (Université Jean Moulin – Lyon III, UMR
    7041 ArScAn) et Rémi Labrusse (Université Paris Nanterre, EA 4414
    HAR)
Introduction

                            Préhistoire et archéologie

Modérateur : Philippe Jockey (Université Paris Nanterre, UMR 7041
ArScAn)
• 10h30 | Alain Schnapp (Université de Paris Panthéon – Sorbonne)
Les antiquaires face à la longue durée
• 11h | Oscar Moro Abadía (Memorial University of Newfoundland)
Origines de l’archéologie préhistorique et institutionnalisation de la
préhistoire en France et aux États-Unis
•   11h30 | Catherine Schwab (Musée d’Archéologie nationale, UMR
    7041 ArScAn)
La notion de Préhistoire, depuis 150 ans, au Musée d’Archéologie
nationale

•       12h | Discussion
                               13h-14h : Déjeuner

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Mardi 22 mai 2018
                         Saint-Germain-En-Laye,
                Auditorium du musée d’Archéologie nationale

             Philologie, anthropologie sociale, psychanalyse

Modératrice : Silvana Condemi (UMR 7268 ADES)
• 14h | Claude Blanckaert (UMR 8560 Centre Alexandre Koyré)
Quand les philologues inventaient la préhistoire
• 14h30 | Gérard Lenclud (Laboratoire d’anthropologie sociale)
Cure de vieillesse. L’homme de la préhistoire, le Sauvage, le primitif
• 15h | Patrick Merot (médecin psychiatre et psychanalyste)
Préhistoire et psychanalyse : une longue histoire, une histoire compliquée
•   15H30 | Discussion

                            16h30 : Pause café

•   16h45 | Visite du musée d’Archéologie nationale (« Du paléolithique
    au mésolithique »)

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Mercredi 23 mai 2018
                                        Paris,
               Salle Vasari de l’Institut National d’Histoire de l’Art

                   Ethnologie, littérature, histoire de l’art

Modératrice : Isabelle Sidéra (UMR 7055 Préhistoire et technologie,
Maison René-Ginouvès)
• 9h30 | Richard Kuba (Frobenius Institut)
« Urgeschichte », « Vorgeschichte » et « Prähistorie ». Histoire d’un
terme ambigu en Allemagne
•  10h | Dominique Vaugeois (Université de Pau et des Pays de l’Adour,
   ALTER)
La préhistoire : un contre-regard dans la littérature française de la
seconde moitié du XXe siècle
• 10h30 | Maria Stavrinaki (Université Paris I)
Deux contemporaines : préhistoire et histoire de l’art
•       11h | Discussion

                                  12h : Déjeuner

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Mercredi 23 mai 2018
                                    Paris,
           Salle Vasari de l’Institut National d’Histoire de l’Art

         Histoire, philosophie, histoire culturelle et religieuse

Modérateur : Frédéric Keck (Musée du Quai Branly – Jacques Chirac)
• 14h | Nathalie Richard (Université du Mans, TEMOS CNRS)
Le connu et l’inconnu : histoire et préhistoire au XIXe siècle
• 14h30 | Fanny Defrance-Jublot (École Pratique des Hautes Études)
Comment les théologiens se saisissent de la préhistoire : constats
d’incompatibilité et tentatives d’appropriations
• 15h | Jean Vioulac (philosophe)
D’une révolution l’autre : la révolution industrielle à la lumière de la
révolution néolithique
•   15h30 | Discussion
•  16h30 | Sophie A. de Beaune (Université Jean Moulin – Lyon III, UMR
   7041 ArScAn) et Rémi Labrusse (Université Paris Nanterre, EA 4414
   HAR)
Conclusion

                              18h : Cocktail
                      salle de réception A. Warburg

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Résumés
Alain Schnapp (Université de Paris Panthéon-Sorbonne). Les antiquaires face
à la longue durée.
    L’idée d’une histoire antérieure à la Création a été longtemps combattue
par le dogme judéo-chrétien, mais elle est bien présente dans une tradition qui
traverse la philosophie ionienne, la vision chinoise de la succession des âges
ou la théorie du temps dans l’Inde ancienne. Dès l’Antiquité, un certain nombre
d’observateurs se sont interrogés sur l’idée des « pierres de foudre », ou «
céraunies », et les mégalithes d’Europe occidentale ont hanté l’imagination des
antiquaires de la Renaissance et des Lumières. En Scandinavie, et au Danemark
en particulier, la discussion entre le fameux antiquaire de Copenhague Ole
Worm et le théologien protestant Isaac Lapeyrère a bien failli déboucher sur la
reconnaissance d’une humanité « pré adamite », et l’idée d’un temps beaucoup
plus long que celui concédé par la chronologie biblique. En arrêtant Lapeyrère
en février 1656 à Bruxelles, l’Inquisition a mis fin à une aventure intellectuelle
de première grandeur. Mon exposé reviendra sur cet épisode afin de mieux
cerner les difficultés rencontrées par les antiquaires des XVIIe et XVIIIe siècles
pour confronter leurs observations de terrain avec la chronologie établie.

Oscar Moro Abadía (Memorial University of Newfoundland). Origines de
l’archéologie préhistorique et institutionnalisation de la préhistoire en France
et aux États-Unis.
    Les historiens de l’archéologie ont souvent discuté à propos des origines des
termes « préhistoire » et « archéologie préhistorique ». Même si ces discussions
terminologiques ne sont pas sans intérêt, il me semble plus intéressant
d’analyser comment la définition de l’archéologie pendant la seconde moitié du
XIXe siècle a déterminé les cadres institutionnels dans lequel cette discipline
s’est développée pendant le XXe siècle. Je vais plus particulièrement examiner
ici les cas de la France et des États-Unis. En France, la préhistoire – ou la
« paléoethnologie » comme l’appelait Gabriel de Mortillet en 1883 – s’est
développée dans un contexte marqué d’un côté par le nationalisme, de l’autre
par la collaboration avec les géologues et les paléontologues. Cette situation a
largement déterminé la définition institutionnelle de la préhistoire comme une
discipline soit historique soit proche des sciences naturelles.
    Aux États-Unis, au contraire, l’archéologie préhistorique s’est développée
dans un contexte colonial, ce qui a été décisif pour la considérer comme une
branche de l’anthropologie. En examinant ces deux cas, j’aspire à montrer
comment certaines orientations actuelles trouvent leurs origines dès le
moment de la définition de la discipline.
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Catherine Schwab (conservatrice, Musée d’archéologie nationale, UMR 7041
ArScAn). La notion de Préhistoire, depuis 150 ans, au Musée d’Archéologie
nationale.
    Depuis son ouverture, en 1867, le Musée d’Archéologie Nationale à Saint-
Germain-en-Laye, près de Paris, expose des collections de faune, d’industrie
et d’art préhistoriques. La présentation de ces collections a, bien évidemment,
connu d’importantes évolutions sur cette longue période d’un siècle et demi.
    Nous nous interrogeons sur la manière dont ce jeune domaine scientifique
a été exposé et présenté au public, dans le cadre des différentes salles
de Préhistoire du musée et, parallèlement, dans celui des premières
expositions universelles, d’un point de vue muséographique, pédagogique et
épistémologique.

Claude Blanckaert (DR CNRS, UMR 8560 Centre Alexandre Koyré). Quand les
philologues inventaient la préhistoire.
    Selon une thèse admise, la nomination des sciences humaines est un
élément régulateur et identitaire. Les mots qui les désignent participent
d’un processus complexe de certification, d’agréments, de choix collectifs. Ils
favorisent la stabilisation des paradigmes et, en définissant ainsi son territoire,
la discipline se fait connaître et surtout reconnaître. L’histoire de la préhistoire, «
science dans l’enfance » comme on le dit vers 1860, obéit idéalement à ce canon.
Néanmoins, la caractéristique traversière de la préhistoire est communément
oubliée aujourd’hui. Beaucoup d’historiens ont recadré leurs études sur ses
seules assises « archéologiques » en oubliant (ou en censurant le fait) que le
mot préhistoire, facteur présumé de consensus, fut d’abord contesté. En effet,
la préhistoire est d’emblée une science-carrefour, d’une démarche éclectique,
revendiquant longtemps les grilles d’analyse du géologue et du linguiste,
l’évolutionnisme des ethnographes et le goût patrimonial des antiquaires
d’ancienne facture.
    Le terme s’est pourtant diffusé tout au long du XIXe siècle. Dans les limites
de nos connaissances actuelles, il fait peu de doute que la « paléontologie du
langage », initiée par les philologues dès les années 1830, a servi de guide
puissant et prioritaire pour la solution des « problèmes obscurs de l’époque
préhistorique » (Adolphe Pictet, 1837) et de l’« archéologie psychologique » des
peuples.

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Gérard Lenclud (DR CNRS, LAS). Cure de vieillesse. L’homme de la préhistoire,
le Sauvage, le primitif.
     L’entrée dans le champ de la science de l’homme préhistorique, au XIXe
siècle, a administré une cure de vieillesse à toute une partie de l’humanité de
ce temps. En à peine plus d’un demi-siècle, le Sauvage, puisque c’est de lui
qu’il s’agit, a pris des milliers d’années, commué en Primitif sous la plume des
fondateurs de la discipline anthropologique.
     Entre 1680 et 1715, lorsqu’éclate la crise de la conscience européenne,
si alertement chroniquée par Paul Hazard, nul ne doute qu’Adario, le Huron,
est le contemporain du baron de La Hontan, aventurier aux avant-postes des
Lumières, auteur des Dialogues de M. le Baron de La Hontan et d’un Sauvage
dans l’Amérique (1704). Dans ces dialogues qui eurent un immense succès,
Adario cloue le bec au Baron qui, selon la loi de ce qui deviendra un genre, s’est
attribué le rôle ingrat de faire-valoir. Un homme qui partage le présent d’autres
hommes peut-il ne pas être branché sur la même longueur d’onde temporelle
que son interlocuteur ? Au demeurant, un autre Huron mettra sac à terre dans
la baie de la Rance ; celui-ci, on peut le toucher de l’œil et du doigt ; il étonnera,
il intriguera mais, une fois « intégré », puisque recruté dans l’armée du Roi, on
n’en parlera plus.
     Mais voilà qu’au XIXe siècle, ce siècle qui a introduit le temps dans le vivant et
l’a promu en mode d’être fondamental, le Huron va reculer dans la chronologie.
Pour le malheur (académique) d’Adario et de ses frères, les Américains, la
discipline anthropologique naît à une époque où l’idée de la haute antiquité
de l’homme ne rencontre plus aucune résistance. « La jeunesse de la forme
humaine date de loin, car les jours des premiers âges étaient des jours
séculaires », écrit Boucher de Perthes. On découvrit l’homme fossile. Or ce
dernier avait abandonné certaines traces de son activité ressemblant à celles
se laissant observer en Amérique, en Afrique ou en Océanie. On en déduisit que
les Sauvages étaient des Primitifs, quelque part dans le temps entre l’homme
fossile et le Civilisé.
     Adario était au siècle précédent notre contemporain ; il devint le contemporain
du mammouth et du rhinocéros laineux ! Son « hier » à lui était trop lointain
pour imaginer que son « aujourd’hui », il puisse le partager avec l’« aujourd’hui
» du Civilisé. « La vie sauvage, écrit E. B. Tylor, n’est que la continuation à notre
époque de l’état social de l’âge de pierre ».
     Il fallut du temps en anthropologie pour remettre, si j’ose dire, le temps des
hommes à sa place.

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Patrick Merot (médecin psychiatre et psychanalyste). Préhistoire et
psychanalyse: une longue histoire, une histoire compliquée.
   La référence à la préhistoire et à la phylogenèse est un leitmotiv dans la
pensée de Freud. Il s’agira dans cette réflexion sur l’emploi du mot préhistoire
dans les écrits de l’inventeur de la psychanalyse d’évaluer les enjeux qui
étaient sous jacents pour lui quant à la place de la psychanalyse dans le champ
scientifique. Cette réflexion abordera aussi l’histoire des rapports de Freud avec
les préhistoriens.
   L’étude comparée de Totem et tabou et de « Vue d’ensemble des névroses de
transfert », deux textes dans lesquels la référence à la préhistoire se présente
de façon très différente, sera un axe privilégié pour explorer cette question et
permettra d’aborder les positions épistémologiques de Freud.

Richard Kuba (conservateur, Frobenius Institut). « Urgeschichte »,
«Vorgeschichte » et « Prähistorie ». Histoire d’un terme ambigu en Allemagne.
    Le fait qu’en allemand différents termes soient utilisés pour désigner la
préhistoire est un indice de ses fondements conceptuels divers. Effectivement,
ces termes ont connu bien des transformations au cours du long XIXe siècle. En
même temps, l’imagination d’un passé sans écriture doit beaucoup à l’analogie
ethnologique. Des pratiques disciplinaires hybrides et approches similaires
vis-à-vis de la culture matérielle au concept de culture ou bien encore à la
conception d’un Autre, qu’il soit éloigné géographiquement ou dans le temps,
attestent de concepts et de fondements partagés par les deux disciplines. La
présentation se propose d’analyser l’histoire croisée de l’ethnologie et de la
préhistoire en Allemagne, depuis Herder jusqu’à Frobenius.

Dominique Vaugeois (MCF HDR, Université de Pau et des Pays de l’Adour,
ALTER). La préhistoire : un contre-regard dans la littérature française de la
seconde moitié du XXe siècle.
    Au mi-temps du siècle dernier, avec Bataille et Char, la littérature
française a célébré la force d’apparition de l’art pariétal dans les découvertes
archéologiques dont Lascaux est le fleuron. Au-delà de l’émerveillement, la
préhistoire comme référence s’est avérée, des années cinquante à aujourd’hui,
un puissant instrument d’exploration des limites de la représentation et un terme
signifiant dans une configuration de questions et de thématiques qui occupent
le champ littéraire à un certain moment de son histoire. La possibilité du récit,
l’histoire après l’Histoire, le corps, la condition sensible, les hétérotopies, le
tournant géographique des années 1990 (Michel Collot) sont quelques-uns des
domaines de pensée qu’arpentent les textes littéraires, armés de la mesure «
préhistorique ».

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Maria Stavrinaki (MCF, université Paris I Panthéon-Sorbonne). Deux
contemporaines : préhistoire et histoire de l’art.
    La découverte et la reconnaissance de l’art préhistorique, mobilier, puis
pariétal, sont venues démentir les présupposés fondamentaux de l’histoire de
l’art, discipline alors en pleine fondation. D’autres sciences humaines, telle
l’ethnologie et l’anthropologie, sont venues procurer aux historiens de l’art
les instruments principaux à l’interprétation de cet art, avec, pour résultat,
la neutralisation du paradoxe. Nous nous attacherons à ce croisement entre
l’art et les sciences humaines, pour y relever les dénis, les apories productives
et les récits conflictuels. Comment faire parler le mutisme des images ?
Comment historiciser l’origine ? Quel en serait le sujet, individuel ou collectif
? Aujourd’hui, guère plus sages que nos prédécesseurs au XIXe siècle, nous
observons la résurgence des mêmes apories, des mêmes récits.

Nathalie Richard (PR, Université du Mans, TEMOS CNRS). Le connu et l’inconnu
: histoire et préhistoire au XIXe siècle.
    Lorsqu’elle se constitue en discipline, dans le contexte français, l’archéologie
préhistorique s’ancre dans les sciences historiques de la nature plus que dans
l’histoire érudite. Fondant ses analyses sur la géologie et sur une herméneutique
des objets, elle a pu être considérée, par ceux dont la science reposait sur une
herméneutique des textes, comme illégitime en tant que science de l’homme.
    Aussi, chez certains historiens du XIXe siècle français, les mots « pré-
histoire » et « pré-historique » ont-ils servi à construire la frontière entre
enquêtes légitimes et illégitimes portant sur l’homme, entendu comme être ne
se réduisant pas à sa part animale.
    Ma communication examinera, à travers plusieurs exemples, ce jeu de
construction des limites et d’une identité disciplinaire du point de vue, non des
préhistoriens, mais des historiens adeptes de la critique érudite des sources.

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Fanny Defrance-Jublot (École Pratique des Hautes Études). Comment les
théologiens se saisissent de la préhistoire : constats d’incompatibilité et
tentatives d’appropriations
    Au regard du rythme avec lequel les jalons de l’archéologie préhistorique
naissante s’implantent dans les représentations après 1859, la temporalité du
monde catholique sur la question renouvelée des origines humaines, lestée par
une Église hiérarchisée, longtemps et majoritairement rétive à la modernité,
suit une cadence lente, alternant des phases de raidissement et des phases de
relative ouverture. En soustrayant à l’autorité des institutions religieuses les
clefs d’un savoir de l’origine qui s’autonomise à l’égard des textes sacrés, la
préhistoire constitue un vecteur parmi d’autres des processus de sécularisation.
Le dogme du Péché originel, clef de voûte des prescriptions religieuses et des
voies d’accès au Salut, est notamment fragilisé dans son historicité. Dans
le sillage du Syllabus de Rome, la démarche concordiste, regardant le suivi
de la lettre de la Bible comme la base essentielle d’une « bonne » pratique
scientifique, s’enracine dans le monde catholique. Certains théologiens de la
fin du XIXe siècle, comme le père Joseph Brucker ou le père Raoul de Scorraille
voient ainsi dans la préhistoire une « fiction répugnante ».
    Une autre tendance s’exprime malgré tout, bravant l’hostilité environnante,
celle du père Dalmace Leroy et de l’abbé Claude Léon Guillemet dans les
années 1880-1890, puis du chanoine de Dorlodot dans les années 1920, qui
réfléchissent aux moyens d’intégrer les apports des travaux de Darwin à une
nouvelle représentation des origines humaines, respectueuse des dogmes.
Le conflit se solde dans les années 1940-1950, pour ouvrir la voie à une
normalisation des discussions entre théologiens et scientifiques, notamment
visible dans les travaux plus récents du teilhardien Jean-Michel Maldamé.

                                                                            11
Jean Vioulac (philosophe). D’une révolution l’autre : la révolution industrielle à
la lumière de la révolution néolithique.
    L’avènement du concept de « Préhistoire » au XIXe siècle est contemporain
de la découverte du « continent Histoire », qui a conduit à aborder tous les
phénomènes humains comme résultats de processus historiques, là où
auparavant ils étaient compris comme faits de nature. La distinction entre
une Préhistoire et une Histoire présupposait ainsi d’emblée, d’une part un
événement de rupture ou de passage de l’un à l’autre, événement qui dans
les années 1920 sera nommé « révolution néolithique », d’autre part imposait
d’admettre que l’Histoire, et donc le phénomène humain, avait un début, et par
suite aurait probablement une fin.
    L’avènement de la notion de Préhistoire correspond aussi au moment où
l’idée d’une Post-Histoire s’impose en philosophie, et d’abord et avant tout
dans la pensée de Hegel. L’analyse de la « révolution néolithique », qui la fonde
sur des ruptures techniques et économiques, conduit alors à identifier cet
événement de rupture dans la révolution industrielle, et par suite de reprendre
la question de la Préhistoire et de l’Histoire sur ses bases réelles, non plus avec
Hegel mais avec Marx.

12
Le cheval bondissant. Bois de renne. Abri de Montastruc, Bruniquel © MAN

                                                                           13
Informations pratiques
                                      Organisation :

Sophie A. de Beaune : sophie.de-beaune@univ-lyon3.fr
Rémi Labrusse : remi.labrusse@wanadoo.fr

                                      Coordonnées :

      Musée d’Archéologie nationale
      Château-place Charles de Gaulle
      78100 Saint-Germain-en-Laye

RER ligne A : Station Saint-Germain-en-Laye
http://musee-archeologienationale.fr/visiter/informations-pratiques

      Institut National de l’Histoire de l’Art
      2 rue Vivienne
      75002 Paris

Métro ligne 3 : Station Bourse
https://www.inha.fr/fr/l-inha/informations-pratiques/acces-et-horaires.html

              Entrée libre et gratuite dans la limite des places disponibles.
             En raison du plan vigipirate, merci de prévenir de votre venue.

      Renseignements et inscriptions : Quentin.Roblin@parisnanterre.fr

Ce colloque bénéficie d’une aide de l’État gérée par l’Agence nationale de la
recherche au titre du programme Investissements d’avenir portant la référence
«ANR-11-LABX-0026-01».
      « Préhistoire » : itinéraires d’un mot dans les champs du savoir
                     Labex Les passés dans le présent
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