Profil environnemental de Basse-Normandie - Les sous-sols et la géodiversité - La Basse-Normandie est le manuscrit géologique le plus complet de ...
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Profil environnemental de Basse-Normandie Les sous-sols et la géodiversité Affleurements rocheux le long du littoral de La Hague / Patrick Galineau / DREAL BN ❝ La Basse-Normandie est le manuscrit géologique le plus complet de France... ❞
Réalisation de la thématique Ce document a été conçu grâce à la contribution de nombreux rédacteurs issus de services spécialisés dans le domaine de l’environnement. Il présente un état des lieux des sous-sols et de la géodiversité en Basse-Normandie. Compte tenu de l’état de la connaissance et de l’importance du thème considéré, ce recueil ne peut être exhaustif. Il prend en compte les données qui ont été transmises par les acteurs mobilisés. Une rubrique internet dédiée permet son actualisation et son enrichissement. Les services de l’État ont coordonné l’ensemble des travaux. Directeur de publication : Jean Charbonniaud, Préfet de la région Basse-Normandie, Préfet du Calvados Directrice de la rédaction : Caroline Guillaume, Directrice régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement de Basse-Normandie (DREAL) Cadrage : Michel Guéry, Philippe Surville (DREAL) Conception et management : Sandrine Héricher (DREAL) Développement graphique et mise en page : Séverine Bernard (DREAL) Direction technique et expertise : Frédéric Gresselin (DREAL) Rédaction Un patrimoine géologique d’intérêt international : Frédéric Gresselin (DREAL) Les usages des sous-sols, les altérations et les risques : Sylvie Boutten, Melissa Delavie, Nathalie Desruelles, Frédéric Gresselin, Guillaume Goodwin, Sandrine Héricher, Mathieu Morel, Matthieu Pelletier (DREAL) Avec les contributions de : Jacques Aubry, Françoise Gigot (Lithothèque), Catherine Varlet-Coeffier (Lycée Malherbe de Caen) Cartographies : Julien Defenouillère, Séverine Bernard (DREAL), Chloé Delaigues (Ecovia) Relecture Conseil régional de Basse-Normandie : Thierry Berthaux, Isabelle Bureau DREAL : Christine Bordier, Ludovic Genet, Michel Guéry, Olivier Lagneaux, Marie-Josée Lopez-Jollé, Annie Magnier, Philippe Surville, Patrice François Ecovia : Roland Thaler Lycée Malherbe de Caen : Catherine Varlet-Coeffier Lithothèque de Normandie : Françoise Gigot Secrétariat Général aux Affaires Régionales : Jeanne de la Porte, Vincent Rivasseau Photographies : cet ouvrage a bénéficié de la transmission de photographies de la part de nombreux contributeurs. Les droits de reproduction ont été accordés spécifiquement pour l’usage du Profil environnemental. Toute reproduction complémentaire pour d’autres utilisations nécessite l’accord des auteurs. ISBN : 978-2-11-151133-0 - Dépot légal : novembre 2015 La réalisation de ce document a bénéficié de financements de l’Union Européenne (FEDER) et de l’État (Ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie). 3
Dans les versants escarpés du bocage, dans de nombreuses carrières et le long du littoral, sur les estrans ou dans les falaises, la nature révèle en Basse-Normandie quelques affleurements géologiques du plus grand intérêt, national ou international. C’est à travers l’étude de notre région, dès la fin du XVIIIe siècle, que des pionniers ont contribué à poser les fondements d’une nouvelle discipline : la géologie. Leurs noms sont peu connus du grand public. Ces érudits étaient des membres de la « Société Linnéenne de Normandie », créée par Arcisse de Caumont en 1823 et qui diffusa à l’époque une revue scientifique d’audience internationale. Grâce à ces savants, l’Université de Caen a rayonné dans le passé et notre patrimoine est connu des géologues du monde entier. S’il suscite toujours autant d’intérêt, deux siècles après la naissance des sciences de la Terre, c’est qu’il est d’une grande valeur scientifique et pédagogique. La Basse-Normandie est en effet le manuscrit géologique le plus complet de France. Ces prestigieuses ressources ont offert à nos villes et à nos villages de magnifiques constructions et monuments. L’exemple le plus réputé est celui de la pierre de Caen qui traversa la Manche et même l’Atlantique pour édifier de célèbres monuments tels que la cathédrale de Durban en Angleterre ou Christ Church à Montréal. Dès le Néolithique, nos ancêtres ont exploité les moindres richesses du sous-sol : silex, houille, fer et autres métaux, pierres à chaux et de taille, craie, argiles… Les matériaux les plus rares sont désormais épuisés ou trop difficiles d’accès et ne peuvent actuellement bénéficier d’une valorisation économique. Le gisement de roches massives de types grès, granites, calcaires… est volumineux et pour l’essentiel dédié à la fabrication de granulats. Il fait l’objet d’une exploitation raisonnée. L’exploitation des gisements souterrains a laissé de nombreuses cavités dont quelques-unes seulement sont parfaitement connues. À l’exception de certains secteurs localisés, la connaissance de l’aléa et la maîtrise du risque sont peu avancés, même si l’État et l’Union européenne ont tenté de mobiliser les collectivités, moins avancées sur ces aspects. Valérie Guyot/DREAL BN 5
1 Un patrimoine géologique d’intérêt international 9 • Les roches les plus anciennes de France : l’Orosirien de l’anse du Cul Rond (âgées de 2 milliards d’années) • Le Néoprotérozoïque et la création de la chaîne de montagne cadomienne (de -640 à -540 millions d’années) • Du Cambrien à la création de la chaîne de montagne varisque : une microplaque située au large de l’Afrique (de -540 à -320 millions d’années) • Le cycle alpin (de -200 millions d’années à aujourd’hui) 2 Les fonctionnalités des sous-sols 35 • Les fonctionnalités écologiques • Les fonctionnalités économiques : l’extraction de matériaux 3 Les altérations et les risques liés au sous-sol 47 • Le stockage des déchets • Les cavités souterraines • Les glissements de terrain et chutes de blocs • Le risque sismique 4 Synthèse et enjeux 68 • Chiffres clés • Grille « AFOM » • Enjeux et orientations 5 Acteurs régionaux et bibliographie 71 • Acteurs régionaux • Bibliographie 7
1. Un patrimoine géologique d’intérêt international À découvrir d ans ce chapit La géologie de la Basse-Normandie est d’une grande richesse. La région re appartient dans son intégralité à la plaque armoricaine même si, à l’Est, cette XX Des roches parmi les plus anciennes de France dernière disparaît sous les recouvrements secondaires et tertiaires du Bassin XX Le Néoprotérozoïque et la création parisien. de la chaîne de montagne cadomienne XX Du Cambrien à la création de la À l’Ouest, le Massif armoricain, fortement plissé, forme des paysages de collines chaîne de montagne varisque bocagères, incisées de vallées plus ou moins échancrées et parcourues de zones XX Le cycle alpin humides. À l’Est, le Bassin parisien propose un relief plus doux de plaines et de plateaux, aux vallées ouvertes ou en auge, et quelques collines qui courent du Pays d’Auge au Perche. Du littoral escarpé du Cotentin ... ? Définition La géodiversité représente « l’ensemble des éléments des sous- sols, sols et paysages qui, assemblés les uns aux autres, constituent des systèmes organisés, issus de processus géologiques ». Cela concerne autant les phénomènes passés de la Terre, Olivia Durande/DREAL BN observables dans les sous-sols, sols et paysages (traces de vie...), que les phénomènes courants actuels ... aux bocages de l’Orne (biologiques, climatiques...) qui agissent sur ces composantes. Le monde minéral est le substrat de la vie, les écosystèmes actuels ne sont que la dernière image d’un livre que le géologue cherche à reconstituer. L’environnement géologique et l’histoire de la Terre fournissent des indices qui permettent de comprendre l’évolution de la vie et de la biodiversité actuelle. Ainsi, la géodiversité est le complément indissociable de la biodiversité. Marc Heller 9
Profil environnemental de Basse -Normandie Décembre 2015 | Les sous-sols et la géodiversité La Basse-Normandie tient depuis plusieurs centaines de millions d’années yy un registre des plus complets sur l’histoire de notre planète. La tectonique des plaques n’a plus de secret pour elle. Elle a vécu l’élévation de trois chaînes de Le monde minéral est montagnes. Elle peut témoigner de l’explosion de la vie et de la disparition des le substrat de la vie. dinosaures. Elle était « invitée » à l’ouverture de l’Atlantique. Elle est incollable yy sur les grandes glaciations. Qui peut se « vanter » d’avoir autant voyagé dans le monde et amoncelé autant de souvenirs qu’elle nous offre sous la forme de roches et de fossiles ? Probablement beaucoup d’autres régions à travers le monde mais celle-ci est une des plus riches à l’échelle de la planète. La spirale géologique Réalisation : DREAL de Basse-Normandie et Agence Bingo Repères Les richesses géologiques, minéralogiques et paléontologiques font partie du patrimoine naturel au même titre que la biodiversité (article L 411- 5 du code de l’Environnement). Un inventaire du patrimoine est mené dans chaque région sous la responsabilité des DREAL, sur la base d’une méthode élaborée au niveau national par le Muséum National d’Histoire Naturelle, avec l’appui technique du Bureau de Recherches Géologiques et Minières (BRGM). La DREAL coordonne l’élaboration de l’inventaire en s’appuyant sur l’Association Patrimoine Géologique de Normandie et le Conseil Scientifique du Patrimoine Naturel (CSRPN) de Basse-Normandie. Les inventaires du Calvados et de l’Orne sont disponibles sur le site internet de la DREAL, celui de la Manche est en cours de réalisation. 10
La baie d’Écalgrain et l’anse du Cul Rond (50) Repères La Terre s’est formée il y a environ 4,5 milliards d’années et la vie y est apparue il y a 3,5 milliards d’années. Les seules traces de l’évolution de la planète encore identifiables aujourd’hui sont enregistrées dans les roches présentes. Pour dater les événements de l’histoire de la Terre et des êtres vivants, on dispose de deux types d’outils : la stratigraphie et la radiochronologie. La stratigraphie permet d’établir la succession d’événements au cours du temps en déterminant l’ancienneté relative des roches et des fossiles qu’elles contiennent (datation relative). La radiochronologie, par mesure de la décroissance radioactive d’isotopes, permet, dans certaines conditions, d’assigner à une roche ou à un fossile son âge exact (datation absolue). Olivia Durande/DREAL BN 11
Profil environnemental de Basse -Normandie Décembre 2015 | Les sous-sols et la géodiversité L’échelle stratigraphique est la division des temps géologiques fondée sur l’étude des strates sédimentaires qui se sont déposées successivement au cours du temps. Elle est divisée en grandes unités, les ères, elles-mêmes divisées en unités de plus en plus courtes, les systèmes ou les périodes, les époques ou les séries et les étages. L’étage est l’unité de base de l’échelle stratigraphique ; il est représenté par un stratotype, c’est-à-dire une couche géologique caractérisée par un contenu lithologique et paléontologique spécifique. 12
Les roches les plus anciennes de France : l’Orosirien de l’anse du Cul Rond (âgées de 2 milliards d’années) La géologie de la Basse-Normandie est un manuscrit dont les premières pages ont été définitivement perdues. Il ne reste aucune trace de l’histoire régionale au-delà de 2 milliards d’années. Seuls, de cette lointaine époque, ? Définitions persistent quelques lambeaux d’un socle orosirien (icartien) Roche métamorphique : roche dont les témoins les plus célèbres affleurent dans la Hague qui a subi une transformation et à Guernesey, dans l’Icart Bay. minéralogique et structurale à la suite d’élévations de la température C’est à marée basse que l’Anse du Cul Rond (Jobourg, 50) dévoile les plus beaux et de la pression faciès des roches les plus vieilles de France. Elles sont datées de 2 milliards d’années et prennent la forme de gneiss et de migmatites. Formées dans l’écorce Gneiss : roche métamorphique. Les terrestre profonde, elles reposent désormais à la surface du globe. gneiss de l’anse du Cul Rond sont d’anciennes roches sédimentaires Nez de Jobourg (50) (paragneiss) et magmatiques (orthogneiss) qui, portées dans des conditions de température et de pression très élevées (550°c et 5 à 6 kilobars minimum) se sont progressivement transformées en gneiss. Certains minéraux inclus dans ces gneiss sont datés de 2 milliards d’années. Ce sont les seuls témoins connus de cette époque en Basse-Normandie. Migmatites : roche d’origine gneissique qui s’est engagée dans un processus de fusion partielle. Laurent Mignaux/MEDDE-MLETR Orthogneiss oeillés Frédéric Gresselin/DREAL BN 13
Profil environnemental de Basse -Normandie Décembre 2015 | Les sous-sols et la géodiversité Le Néoprotérozoïque et la création de la chaîne de montagne cadomienne (de -640 à -540 millions d’années) De nouveaux quelques feuillets arrachés et l’histoire reprend au Néoprotérozoïque, il y a 640 millions d’années. L’épopée de la plaque armoricaine débute. Pendant 100 millions d’années (Ma), la Basse-Normandie ? Définitions est « sous le feu des projecteurs ». C’est l’époque Orogenèse : ensemble des « glorieuse » de la création de la chaîne de montagne événements aboutissant à la cadomienne, dont le nom fait référence au nom latin de formation d’une chaîne de Caen (Cadomus). montagnes par compression. Arcs insulaires : ensembles d’îles, la plupart volcaniques, réparties en La chaîne cadomienne, ou « The Cadomian belt », comme l’appellent les un ou plusieurs alignements courbes Anglo-saxons, est, à l’époque, une chaîne de montagne puissante qui dessinant des arcs à convexité s’étend du Canada à l’Espagne et du Royaume-Uni à la Pologne. généralement tournée vers le large. Leur présence résulte de la La Basse-Normandie est, à cette époque, un système d’arcs insulaires situé au subduction d’une plaque océanique large de l’Afrique. Les processus cinématiques qui régissent son fonctionnement sous une autre plaque tectonique. s’apparentent à ceux actuellement observés dans les archipels du Pacifique, au large de l’Australie (L’arc des îles Mariannes par exemple). Edifiés par un Pluton : roche grenue formée par volcanisme particulièrement abondant autour de –585 Ma, les arcs insulaires du cristallisation lente d’un magma Vast et de Coutances forment des cordillères montagneuses bordées de toute part profond. par des mers profondes. Les produits d’érosion générés par les arcs viennent s’y déposer. La diorite de Coutances Le plus vaste des bassins sous-marins est celui de la Mancellia. Situé au Sud- Est de l’arc de Coutances, il est le siège, entre -585 Ma et -540 Ma, d’une importante sédimentation qui donne naissance au « flysch briovérien ». Ce flysch est une formation détritique essentiellement constituée de grès et de schistes. Elle atteint plusieurs milliers de mètres d’épaisseur dans le bassin mancellien. La principale phase de déformation liée à la constitution de la chaîne de montagne cadomienne se situe vers -540 Ma. Les bassins sédimentaires se trouvent progressivement émergés et leurs sédiments font l’objet d’un intense serrage. Les plis et les failles qui en résultent, orientés Nord-Est/Sud-Ouest structurent encore la région de nos jours. Frédéric Gresselin/DREAL BN Soumis à de très fortes pressions, les parties les plus profondes du bassin mancellien entrent en fusion vers - 540 Ma et émettent un abondant La diorite de Coutances est le principal magmatisme. En remontant vers la surface, les magmas donnent naissance à de pluton armant l’Arc de Coutances. nombreux plutons : granodiorites de Vire, d’Avranches, de la Ferté-Macé, d’Athis, D’autres diorites se mettent en place de Fougères, d’Izé… En s’injectant dans le flysch briovérien, les magmas le plus au Nord, dans l’arc du Vast. Les diorites ressemblent à des granites mais transforment par cuisson en cornéennes et schistes tachetés. sont moins acides que ces derniers. 14
Le flysch briovérien de la vallée de la Laize (14) ? Définitions Granodiorite : roche cristalline un peu moins riche en silice qu’un granite. Cornéenne : roche « dure comme de la corne » issue de la cuisson d’une roche parent (grès, schistes, calcaires…) par une intrusion magmatique. Schistes tachetés : roche très dure issue également de la cuisson d’une roche parent par une intrusion magmatique. Situé plus loin de l’intrusion que la cornéenne et donc porté à une température moindre que cette dernière, le schiste tacheté est moins bien recristallisé, moins dur et Frédéric Gresselin/DREAL BN davantage altérable. Ainsi, dans le Sud de la Normandie, les schistes tachetés Le flysch briovérien est une formation détritique essentiellement constituée de « grès forment-ils des reliefs assez mous et de schistes ». Sur des milliers de mètres d’épaisseur affleurent des alternances de grauwackes, de grès et de siltites, anciens matériaux de remplissage du bassin océanique là où les cornéeennees déterminent de la Mancellia. la présence de reliefs accentués ceinturant les granodioritiques. 15
Profil environnemental de Basse -Normandie Décembre 2015 | Les sous-sols et la géodiversité Totalement émergée à l’issue de l’orogénèse cadomienne, la plaque armoricaine La discordance angulaire entre subit alors une phase d’érosion continentale de grande ampleur. Les premiers les terrains du Néoprotérozoïque dépôts recouvrent la chaîne cadomienne en discordance. (anciennement appelé Briovérien) et ceux du Cambrien Cette discordance angulaire s’observe de façon spectaculaire dans la vallée de la Vire ou de la Laize, à Jacob Mesnil, où elle attire chaque année des milliers de géologues en herbe venus de toute la France et des pays voisins. ns rie a mb tsc pô Dé brio Dé érien pôt s v Le conglomérat cambrien, formation fluviatile à galets, repose sur le Néoprotérozoïque s discordance (entre -1 milliard et - 540 millions d’années) plissé et érodé angulaire Françoise Gigot/Lithothèque de Normandie Galets cambriens issus de l’érosion de la chaîne cadomienne (Equeurdreville-Hainneville) ? Définitions Discordance : surface d’érosion séparant un ensemble plissé lors d’une phase tectonique d’un autre ensemble non plissé par cette dernière, car déposé postérieurement à la déformation. La discordance cadomienne correspond à la présence des terrains cambriens reposant sur les terrains néoprotérozoïques plissés. Caldeira : cratère volcanique géant pouvant mesurer plusieurs kilomètres de diamètre lié à Frédéric Gresselin/DREAL BN l’affaissement d’un volcan par effondrement de la chambre La période de décompression qui suit l’orogenèse cadomienne au Cambrien magmatique qui l’alimente. s’accompagne d’une montée des derniers magmas que cette dernière a généré. Les régions de Saint-Germain-le-Gaillard (Nord-Cotentin) et d’Alençon (Orne) Ignimbrite : roche formée de débris sont alors le siège d’un véritable « feu d’artifice ». Les volcans explosifs de lave acide issus d’une nuée ardente libèrent localement, par le biais de nuées ardentes, des centaines de mètres et soudés avant leur refroidissement. d’épaisseur de roches éruptives. De tels trésors constituent aujourd’hui le Elle est principalement de couleur gris soubassement d’une partie de la forêt d’Ecouves… foncé à gris-bleu. Le mot ignimbrite vient du latin, de ignis, le feu, et La vie paraît absente à cette époque et semble attendre l’explosion de la dernière imber, la pluie. caldeira pour s’épanouir dans la région. Aucun fossile n’a été jusqu’ici trouvé dans les terrains briovériens. Pyroclastites : roches issues d’éruptions extrêmement violentes au cours desquelles les volcans expulsent des volumes considérables de cendres et de ponces et émettent des coulées acides riches en gaz. 16
Le fossé volcanique du Maine Source : J. Le Gall, 1993 Repères Des volcans en Basse-Normandie : la caldeira cambrienne d’Ecouves (Source : J. Le Gall, 1993) Au cours du Cambrien, la bordure Sud-Est de la Mancellia est le siège d’une intense activité volcanique s’étendant d’Ecouves à la Charnie. L’extension de la province volcanique est estimée à plus de 75 km de long (limite Nord inconnue) et 50 km de large. Les centres éruptifs se situent au sein de grandes caldeiras dont celle d’Ecouves. Les produits émis, ignimbrites et pyroclastites, reflètent le dynamisme hautement explosif du volcanisme. Les volcanites de la forêt d’Ecouves se sont mises en place très rapidement, dans un environnement deltaïque au Nord et marin au Sud. L’émission des ignimbrites s’est exercée en lien avec l’effondrement du toit de la Les premiers dépôts cambriens torrentiels à fluvio-deltaïques, témoignent du démantèlement de chambre magmatique, lors de la la chaîne cadomienne à travers un processus dénommé pénéplanation. formation de la caldeira d’Ecouves. La texture des ignimbrites indique une température de mise en place supérieure à 500°C. Galets de très grande taille (cliché 1) Galets de petite taille (cliché 2) Sables grossiers avec graviers (cliché 3) galets graviers galets Frédéric Gresselin/DREAL BN Frédéric Gresselin/DREAL BN Frédéric Gresselin/DREAL BN Les dépôts sont de plus en plus fins au fur et à mesure que diminuent l’altitude des reliefs et le pouvoir de transport des torrents et des fleuves. À l’extrême base de la série cambrienne, le conglomérat se compose ainsi de galets de très grande taille (cliché 1). Ils deviennent de plus en plus rares vers le haut de la série, remplacés par des galets de petite taille (cliché 2) puis par des graviers et des sables grossiers (cliché 3). 17
Profil environnemental de Basse -Normandie Décembre 2015 | Les sous-sols et la géodiversité Du Cambrien à la création de la chaîne de montagne varisque : une microplaque située au large de l’Afrique (de -540 à -320 millions d’années) L’écriture du manuscrit est plus distincte, quelques paragraphes restent cependant illisibles et des pages sont arrachées de temps à autre. Un des trilobites les plus célèbres de Basse-Normandie : Asaphus, découvert lors du creusement de la tranchée de chemin de fer de Mortain Une plate-forme sédimentaire au large de l’Afrique, dans l’hémisphère Sud La première transgression marine du Cambrien commence dans le Cotentin dès -540 Ma. Les premiers dépôts, les schistes et grès de Carteret, contiennent la faune la plus ancienne du Massif armoricain, éponges et hyolithes. Bientôt, les fonds normands sont tapissés de dépôts bactériens et de stromatolithes. Mais l’instabilité de la plaque armoricaine ne permet pas l’installation durable de cette plate-forme carbonatée (fonds marins où se déposent les calcaires). La mer se Valérie Guyot/DREAL BN - Université de Caen, retire assez rapidement pour revenir petit à petit, du Cambrien à l’Ordovicien. laboratoire de géologie ? Les stromatolithes se localisent au Cambrien inférieur dans les trois provinces marines du Cotentin, de la vallée de l’Orne et du Maine. D’après Doré, 1987 Définitions 0 30 km Transgression marine : Paléographie envahissement des continents par au Cambrien inférieur la mer, dû à un affaissement des terres émergées ou à une élévation générale du niveau des mers. Stromatolithe : formation rocheuse calcaire formant des massifs en forme de chou-fleur. Les stromatolites ou stromatolithes signifient « tapis de pierre » en grec. L’origine biologique Stromatolithes Calcaire et argiles silteuses Arkoses, Grès feldspathiques Valérie Guyot/DREAL BN - Université de Caen, des stromatolithes est avérée pour Argiles, schistes et grès Socles émergés Dolomies et calcaire dolomitiques Haut-fond à sédimentation réduite laboratoire de géologie les roches récentes, ayant moins de 350 millions d’années. Elle est le Le premier fossile à carapace à apparaître dans la région est un trilobite fait de micro-organismes, telles les dénommé Bigotina. Cet organisme, découvert dans la falaise du Cap de Carteret cyanobactéries, qui précipitent le (50) et daté du Cambrien inférieur, est peut-être le plus vieux fossile à squelette bicarbonate en carbonate de calcium. externe du monde. Les plus anciens stromatolithes datent de -3,5 milliards d’années. Hyolithes : fossiles semblables à de petits mollusques coniques. 18
Position de la plaque Position de la plaque armoricaine vers -530 Ma armoricaine vers -480 Ma (tache jaune de l’Arc cadomien) (tache jaune au Sud de l’Océan rhéic) Source : La Normandie (J. Le Gall et al., 2003) Source : La Normandie (J. Le Gall et al., 2003) Cambrien - 530 Ma Ordovicien - 480 Ma Équateur Siberia Équ ate ur Siberia Laurentia t us ec n iap Baltica ie 30° éa n om S Oc 30 °S Laurentia ad cC Océ Oc Baltica Ar an R héic éa n 60 iap ° ec tu s Gondwana Gondwana Pôle Sud Pôle Sud Pendant 200 millions d’années, les conditions de la sédimentation vont essentiellement rester littorales dans la région. La mer ne recouvre définitivement l’Armorique qu’au cours de l’Ordovicien (-480 Ma). Du Cambrien au Dévonien (-540 à -410 Ma), la plaque armoricaine demeure une province marine située au large de l’Afrique (Gondwana) et, liée à cette dernière, « voyage » à travers le monde. La plaque armoricaine passe une grande partie de son histoire sous les tropiques ou l’équateur. Jusqu’au Carbonifère, elle se positionne dans l’hémisphère Sud faisant même une petite incursion près du pôle Sud, autour de -440 millions d’années. Mais vers -410 millions d’années, l’Armorique retrouve sa position tropicale. La présence de récifs coralliens carbonatés dans la région de Baubigny (Manche) en est une preuve indéniable. Poussée progressivement par l’Afrique en direction du Nord, la plaque cadomienne va de nouveau rentrer en compression, provoquant la création d’une nouvelle chaîne de montagnes : la chaîne varisque (appelée anciennement « hercynienne »). Le serrage varisque prend effet entre -360 et -320 Ma en Basse-Normandie. Position de la plaque Position de la plaque armoricaine (tache jaune) armoricaine (tache jaune) vers -380 Ma (Dévonien). vers -300 Ma (Carbonifère). Source : La Normandie (J. Le Gall et al., 2003) Source : La Normandie (J. Le Gall et al., 2003) Dévonien - 380 Ma Carbonifère - 300 Ma Laurasla Continent des vieux grès rouges Océa n Rhé Équ ic ate Équ ur ate ur Gondwana Gondwana Pôle Sud Pôle Sud Sandrine Héricher/DREAL BN 19
Profil environnemental de Basse -Normandie Décembre 2015 | Les sous-sols et la géodiversité Les plis varisques (hercyniens) au large de La création d’une nouvelle chaîne Vauville (photo des fonds marins pris par sonar latar) de montagnes : l’orogenèse varisque À la fin de l’orogenèse varisque, la Basse-Normandie présente le maillage structural qui l’organise encore de nos jours. Il se compose de deux lignes directrices : • la ligne varisque (ou hercynienne) Ouest-Nord-Ouest/Est-Sud-Est • la ligne cadomienne Ouest-Sud-Ouest/Est-Nord-Est. Les plis varisques s’observent à toutes les échelles : ils déforment les terrains Frédéric Gresselin/DREAL BN précambriens, déjà abondamment plissés lors de l’orogenèse cadomienne, et structurent les matériaux paléozoïques en de grands plis de longueur d’onde déca-kilométrique. Ces plis disposent en leur sein de nombreux replis Galet cambrien déformé au cours de secondaires. La matière est ainsi déformée parfois jusqu’au niveau du grain l’orogenèse varisque sédimentaire qui la constituait à l’origine. Le galet cambrien a été cisaillé (coupé en deux) par la pression s’exerçant sur la roche et, entre les deux parties nouvellement formées, des cristaux de quartz gris surlignés de rose et de la chlorite (verdâtre) ont recristallisé en cours de déformation. Frédéric Gresselin/DREAL BN L’o ssa t ure her cyn ien ne Les p lis h erc Discordance yni ens s ien adom nne lis c omie Les p cad ture ssa L’o 20
Le relief actuel de la région s’articule autour des lignes de force héritées des orogènes cadomien et varisque Lithothèque de Basse-Normandie Synclinal de May Synclinal d’Urville May-sur-Orne Laize-la-Ville Jacob-Mesnil N Jurassique La Roche Blain S Paléozoïque Briovérien Briovérien 0 1 km L’architecture géologique de la Basse-Normandie est héritée de son histoire. Le bâti briovérien, représenté en vert foncé, plissé lors de l’érogénèse cadomienne, a été recouvert en discordance par les terrains paléozoïques (en vert clair). Pendant l’orogenèse varisque, les assises paléozoïques sont déformées à leur tour par des plis plus ouverts. Ces plis redéforment le bâti cadomien. Après pénéplanation, la mer jurassique a déposé petit à petit ses sédiments (en jaune), en discordance également. Certains reliefs paléozoïques comme à May- sur-Orne, n’ont été recouverts que tardivement par la mer jurassique. Les dépôts jurassiques y sont déjà érodés. Le magmatisme varisque Les magmas émis lors de la formation de la chaîne varisque sont beaucoup moins abondants que ceux produits pendant la période cadomienne. Le serrage varisque est par ailleurs moins « violent » en Basse-Normandie que le cadomien. Les plis qui en résultent sont ainsi beaucoup plus amples et ouverts. ? Définitions Magmatisme intraplaque : Dans la région, les premières déformations varisques sont enregistrées vers -360 magmatisme émis au cœur d’une millions d’années. Elles s’accompagnent du soulèvement de la plaque, de son plaque tectonique par fusion érosion et de la création de deux bassins sédimentaires (bassins de Laval et de partielle du manteau terrestre. Montmartin-sur-Mer). Ils reçoivent les matériaux détritiques émis par l’érosion. Les laves produites possèdent une signature géochimique particulière Le manteau, bombé par cette déformation, se met à fondre très partiellement et qui les distinguent des laves émises émet un magmatisme intraplaque. Tandis que des laves s’épanchent au Sud de par fusion de la croûte terrestre. la Mancellia, un important champ filonien doléritique s’injecte entre Mayenne et Saint-Lô. Dolérite : roche filonienne formée à partir d’un magma basaltique. À la fin de l’orogenèse, la fusion de la croûte armoricaine donne naissance à des granites hyper-alumineux. Le granite d’Alençon, à deux micas, en est un archétype. Il n’est connu à l’affleurement que sur quelques hectares. Aussi est-on tenté de ne lui accorder que peu d’importance dans l’histoire régionale. Mais sa signature géophysique s’étend sur une incroyable surface qui, en forme de baïonnette, court d’Alençon à La Loupe, en Eure-et-Loir. 21
Profil environnemental de Basse -Normandie Décembre 2015 | Les sous-sols et la géodiversité Le granite de Flamanville se met en place au Carbonifère vers -300 Ma. Il a Dolérite dans la région de La Hague été formé plus profondément que celui d’Alençon et résulte d’un mélange de deux magmas, l’un en provenance du manteau, l’autre formé dans la croûte terrestre. Il prend naissance le long d’une ancienne faille du bâti cadomien qui longe les côtes françaises de Barfleur à l’Aber Ildut, en Bretagne, en passant par Ploumanac’h. Le granite de Flamanville est un des joyaux de notre patrimoine. Les conditions de son observation, le long du littoral, sont quasi-idéales. Des générations de Françoise Gigot/Lithothèque de Normandie chercheurs et d’étudiants viennent l’analyser. Alimenté par des filons s’injectant dans la croûte terrestre depuis une chambre magmatique située en profondeur, S’échappant de la chambre magmatique le granite a gonflé en refoulant et cuisant son encaissant. Le Cap de Flamanville et traversant des roches plus froides, offre le spectacle de la « lutte » physique et chimique que se sont livrés deux le magma basaltique, à l’origine d’une corps en « pleine bataille » : un magma chaud et son encaissant froid. Celui-ci, dolérite, cristallise assez rapidement, composé de roches sédimentaires s’est, à travers sa température et sa rigidité, surtout sur les bordures du filon. Il arrive opposé à l’intrusion. Le granite lui même est le théâtre de la lutte de deux qu’au cœur du filon, si ce dernier est matériaux : un magma basique et un magma acide qui, incompatibles sur un plan suffisamment épais et que son magma refroidit plus lentement, des cristaux chimique, ont désorienté les processus de cristallisation des minéraux et forcé apparaissent comme ici des cristaux ces derniers à se protéger, les uns contre les jus acides, les autres contre les jus de plagioclase (en gris pâle). À partir basiques. d’un même magma, selon la vitesse de refroidissement, des roches grenues, micro-grenues (filon) ou sans cristaux ou presque (laves) sont formées. Le granite de Flamanville Le granite de Flamanville au microscope bordure blanche Restite au sein d’un bloc de granite cœur rosâtre Une restite Frédéric Gresselin/DREAL BN Jacques Aubry/Lithothèque de Normandie Afin de comprendre l’histoire de la terre, le géologue se penche sur le moindre indice. Frédéric Gresselin/DREAL BN Ce cristal rosâtre bordé de blanc, observé au sein du granite de Flamanville, a commencé à cristalliser sous la forme d’un minéral acide dénommé orthose, riche en sodium et en potassium (cœur rosâtre). Il a fini sa cristallisation sous la forme d’un minéral plus Au sein de la chambre magmatique du basique, dénommé plagioclase, riche en calcium (bordure blanche). Or, lorsque un granite de Flamanville, le mélange entre magma cristallise, le plagioclase apparaît normalement avant l’orthose. Si l’orthose a le magma acide et le magma basique stoppé sa cristallisation au profit du plagioclase, c’est que le chimisme du magma a n’est par toujours parfait. Il subsiste soudainement changé, devenant trop basique et trop riche en calcium pour que l’orthose des « restites » du magma basique qui poursuive sa cristallisation. Ce changement provient du fait qu’un magma basique, se présentent sous la forme d’enclaves formé dans le manteau terrestre, s’est injecté dans la chambre magmatique du granite noirâtres, d’aspect plus ou moins de Flamanville alors que les processus de cristallisation étaient déjà engagés. D’une fantomatiques selon qu’elles ont été peu anomalie de croissance d’un minéral, on en déduit que le granite de Flamanville est issu ou fortement ingérées par le magma du mélange de deux magmas : un acide, un basique. acide. 22
Les cornéennes Magma et cornéennes Littoral de la région de Flamanville (50) magma s’injectant dans les cornéennes les roches cuites à son contact le granite cornéennes enclavées dans le granite le contact entre le granite et son « encaissant » Frédéric Gresselin/DREAL BN Frédéric Gresselin/DREAL BN « Dures comme de la corne », les roches Le magma repousse les cornéennes à cuites au contact immédiat du granite sa périphérie tout en s’y injectant. Il sont appelées cornéennes. Certains « tente » d’en ingérer des enclaves. Trop minéraux présents dans les cornéennes, froides, celles-ci sont très « indigestes » comme la sillimanite, indiquent que la pour le magma. Contrairement aux température de cuisson a dépassé 550 °C enclaves du magma basique, elles en bordure de l’encaissant. présentent un bord franc démontrant qu’elles n’ont pu être « ingérées ». Frédéric Gresselin/DREAL BN Altération en boule du granite de Flamanville Injections de magma dans les cornéennes Injections de magma dans les cornéennes liée au processus d’arénisation (50) magma injecté dans les cornéennes puis plissé par le gonflement du granité magma injecté dans les cornéennes puis plissé par le gonflement du granité Frédéric Gresselin/DREAL BN Frédéric Gresselin/DREAL BN Les injections de magma qui surviennent dans les cornéennes constituent des filons initialement rectilignes. En s’injectant dans un encaissant plus froid, le magma filonien cristallise, forme une roche qui finit par se déformer. Les injections les plus tardives sont les moins déformées, telle celle de gauche. Les plis dans les cornéennes sont, au contact du granite, tellement serrés qu’il est difficile de les diagnostiquer. Frédéric Gresselin/DREAL BN 23
Profil environnemental de Basse -Normandie Décembre 2015 | Les sous-sols et la géodiversité Le cycle alpin (de -200 millions d’années à aujourd’hui) L’orogenèse varisque prend fin en Basse-Normandie il y a 320 millions d’années environ, laissant place aux processus d’érosion, de sédimentation et de distension. ? Définitions Pénéplanation : formation d’une surface topographique caractérisée par de faibles pentes et des dépôts superficiels. Erosion : phénomène résultant de l’action de l’eau, des vents et de la Le Brachiosaure Le Pliosaure gravité qui provoque l’enlèvement des couches supérieures des sols La distension et la pénéplanation Sédimentation : ensemble des post-varisques processus par lesquels les particules, transportées par un agent d’érosion La distension et la pénéplanation dites « post-varisques » façonnent la plaque (eau, vent, gravité) cessent de se pendant près de 100 millions d’années et la préparent aux transgressions déplacer et se déposent, devenant marines du Jurassique. L’Armorique est désormais située au niveau de l’équateur. ainsi des sédiments. L’érosion des reliefs hercyniens génère de volumineux produits détritiques qui s’épandent dans des dépressions et des bassins continentaux. Au Carbonifère, Distension : étirement de la ces cuvettes sont le réceptacle d’une abondante matière organique émise croûte terrestre qui provoque son par la flore locale (fougères arborescentes, conifères…). Elle donne naissance amincissement et sa rupture. La aux futurs charbons du bassin de Littry (14) et de Plessis-Lastelle (50). La distension se matérialise généralement Basse-Normandie constitue alors la partie occidentale du bassin houiller anglo- au niveau structural supérieur par franco-belge. l’apparition de failles perpendiculaires à la direction des forces de distension. L’émission d’un volcanisme intraplaque accompagne les premières étapes de Les failles de distension sont des failles la distension. Ce volcanisme est essentiellement émis dans le Cotentin où des typiques des zones de rift. laves basiques viennent s’injecter dans les sédiments houillers de la région de Carentan. C’est le dernier épisode volcanique survenu dans la région. Fougère du Carbonifère La pénéplanation de la chaîne varisque se poursuit tout au long du Permien et du Trias (entre -300 et -200 millions d’années) sous un climat chaud et assez sec. Pour décrire la paléogéograhie de l’époque, certains auteurs se réfèrent aux paysages du Sud-Est américain. La Basse-Normandie est alors rattachée à l’actuelle Amérique du Nord et se situe non loin de l’Afrique. Valérie Guyot/DREAL BN Université de Caen, laboratoire de géologie Le bassin houiller de Basse-Normandie Charbon de Normandie La Compagnie minière de Littry fut la première compagnie minière crée en France, en 1747. Le gisement fut découvert en 1740 dans le cadre de la prospection du fer pour une forge de Balleroy. Mais le bassin houiller bas-normand n’a pas connu le même essor économique que ceux de Belgique et du Nord de la France. Les veines de charbon, peu nombreuses et peu épaisses, ont généré des volumes restreints de combustible. Ses débouchés furent donc régionaux (fours à chaux, maréchaux-ferrants). Le charbon bas-normand a cependant fourni le gaz d’éclairage de la ville de Paris en 1860 (source : guide géologique Normandie-Maine). Valérie Guyot/DREAL BN Université de Caen, laboratoire de géologie 24
Magmatisme de la distension post-varisque Paléogéographie de la Basse-Normandie vers -255 Ma Source : Scotese, 1998 (www.scotese.com) Late Permian 255 Ma un filon de lamprophyre Basse-Normandie Mer des Sargasses Ancient Landmass Modern Landmass Subduction Zone (triangles point in the direction of subduction) Sea Floor Spreading Ridge La pénéplanation de la chaîne varisque s’effectue en Basse-Normandie sous un climat Frédéric Gresselin/DREAL BN aride équatorial. Les continents sont en brun, les océans en bleu et les mers en gris bleu. D’après Scotese, 1998 Le magmatisme de la distension post- varisque n’affleure qu’en de rares endroits comme ici ce filon de lamprophyre dans La transgression jurassique l’anse du Culeron (la Hague). Vers -200 Ma, la région est une surface presque aplanie. Elle dispose alors d’un relief peu différent de celui d’aujourd’hui et accueille ses premiers dinosaures. La surface de pénéplanation post- varisque n’est pas régulière. Elle présente des creux et des bosses selon La surface de pénéplanation post-varisque la dureté des matériaux érodés. Très durs, les grès dessinent souvent des reliefs que la mer jurassique a recouverts banc de calcaire tardivement. À l’aplomb de ces reliefs, jurassique qui dessinaient au Jurassique des écueils, des îlots ou des archipels, les calcaires forme de la surface de Écueil jurassiques sont souvent moins épais. pénéplanation C’est le cas ici à Villedieu-les-Bailleuls grès paléozoïque (61) où un petit écueil se dresse parmi les bancs calcaires du Jurassique. Jacques Aubry/Lithothèque de Normandie Poisson du Trias supérieur ? Définition Pénéplanation : processus d’érosion qui conduit à la formation de larges espaces ne possédant que de faibles dénivellations et de rares reliefs résiduels. Valérie Guyot/DREAL BN - Université de Caen, laboratoire de géologie 25
Profil environnemental de Basse -Normandie Décembre 2015 | Les sous-sols et la géodiversité Marnes de Port-en-Bessin (14) Environnement paléogéographique de la Basse-Normandie vers -195 Ma (Jurassique inférieur) Source : Scotese, 1998 (www.scotese.com) Early Jurassic 195 Ma Basse-Normandie Mer des Sargasses Françoise Gigot/Lithothèque de Normandie Les Marnes de Port-en-Bessin et le Calcaire de Caen ont le même âge et sont géographiquement très proches. Leur différence de faciès s’explique par leurs conditions de sédimentation : Ancient Landmass littorale pour le calcaire de Caen et Modern Landmass domaine marin plus distal (et donc plus Subduction Zone (triangles point in the direction of subduction) profond) pour les marnes de Port-en- Sea Floor Spreading Ridge Bessin. En effet, le milieu littoral, trop énergétique (houle, marée), ne permet L’Armorique est une île située sous les tropiques au large de l’Afrique et de l’Amérique pas la sédimentation des argiles. du Nord. Elle se positionne au cœur de l’ancien delta d’un immense fleuve, qui, au Trias, Pinces d’Eryma bedelta, genre éteint de crus- drainait le territoire compris entre l’Afrique et les deux Amériques. Ce fleuve la reliait à tacés décapodes de la région d’Écouché (61) la future Mer des Sargasses (Sa), située en amont hydraulique. Selon les périodes, la mer armoricaine est sous l’influence des eaux chaudes de la Thétys (l’océan alpin) ou des eaux froides de l’Océan arctique, via la Mer du Nord. D’après Scotese, 1998 Au Jurassique, l’Armorique est une île de grande taille que la mer recouvre petit à petit. Elle est isolée du reste du Bassin anglo-parisien par un sillon sous- Valérie Guyot/DREAL BN marin, dénommé le « sillon marneux ». Les argiles produites par l’érosion Université de Caen, laboratoire de géologie continentale viennent s’y déposer. Plus près des côtes, la sédimentation est plus Calcaire de Caen carbonatée. Port-en-Bessin et sa falaise offrent un point d’analyse exceptionnel des conditions de sédimentation régnant au cours du Bathonien dans le sillon marneux. Au cours de la même période, plus près du rivage, se déposent les sédiments calcaires de la future pierre de Caen (-165 Ma). Le recouvrement marin s’effectue par impulsions, entrecoupées de cycles régressifs. Les épisodes transgressifs (de recouvrement par la mer) s’accompagnent d’une sédimentation plus argileuse. Lors des phases les plus transgressives, la sédimentation devient plus argileuse y compris dans la région Françoise Gigot/Lithothèque de Normandie de Caen. Fossiles de coraux à Mont-Canisy (14) Les épisodes régressifs permettent à la plate forme carbonatée de se réimplanter : le milieu marin, davantage soumis à l’influence des houles car moins profond, devient trop agité pour que les argiles puissent s’y déposer. Les sédiments se chargent alors en débris coquilliers et en carbonates. Ces changements majeurs s’accompagnent même parfois de l’installation d’une barrière de corail. Le Mont-Canisy, près de Deauville, est un très bel exemple de récif corallien datant de cette époque. Les coraux fossiles, la faune et la flore associées (algues, oursins, mollusques), y sont dans un remarquable état de Françoise Gigot/Lithothèque de Normandie conservation. 26
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