La problématique des élections en Afrique : Comment maîtriser le processus électoral ?

 
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Centre Africain de Formation et
    de Recherche Administratives            Fondation Hanns Seidel
       pour le Développement

La problématique des élections en Afrique :
Comment maîtriser le processus électoral ?

      Nouvelles stratégies et renforcement
           des capacités électorales

   Séminaire des responsables des élections

                      Rapport de synthèse

                             19 – 21 Mars 2012
                              Tanger (Maroc)
La Conférence panafricaine portant sur la problématique des élections en Afrique, s’est
tenue à Tanger (Maroc) du 19-21 Mars 2012. Cette rencontre a réuni des participants venus
de plusieurs pays et de diverses institutions en charge des questions démocratiques et
électorales ainsi que des universitaires intéressés par cette problématique. Le but principal
de ces travaux était notamment de réfléchir sur les raisons de la difficulté de conduire des
processus électoraux sereins en Afrique, mais aussi de proposer des nouvelles pistes
pouvant permettre sinon de mettre fin aux crises, électorales et post-électorales du moins
de les réduire à leur plus simple expression. L’ouverture des travaux à été faite par le
Docteur Simon Mamosi LELO Directeur Général du CAFRAD et par Madame Juliette
BORSENBERGER, Représentante de la Fondation allemande Hanns Seidel.

  I. Cérémonie d’ouverture :
La cérémonie d’ouverture a été présidée respectivement par Monsieur le Directeur Général
du CAFRAD Dr. Simon Mamosi LELO. Dans son propos introductif, le Directeur Général du
CAFRAD a commencé par souhaiter aux différents participants, la bienvenue au CAFRAD et à
Tanger à l’occasion de cette rencontre qui, selon lui, marque la troisième du genre,
consacrée à la problématique des élections en Afrique. La première ayant notamment porté
sur les mutations démocratiques et la problématique électorale et la deuxième ayant porté
spécifiquement sur l’étude des cadres juridiques et réglementaires relatifs aux élections. Il
s’est ensuite réjoui de la participation nombreuse des Etats qui témoignent de leur volonté
de prendre à bras le corps la question de la démocratie et des élections en Afrique, après les
récentes expériences douloureuses enregistrées dans un certain nombre de pays de notre
continent. Il a enfin souhaité que les travaux de ce séminaire donnent lieu à des réflexions et
recommandations pouvant permettre à l’Afrique d’une manière générale, de sortir de ces
situations de crise qui ont encore et malheureusement souvent constitué de graves
entraves la marche vers la stabilité, la paix et le développement. Après quoi, Dr. LELO a fait
une brève présentation du CAFRAD, de son statut, de son histoire et de ses missions. Il a
conclu son propos en renouvelant ses souhaits de bienvenue et de bon séjour à tous les
participants dans la ville de Tanger et au Maroc d’une manière Générale.

Après lui, Madame Juliette BORSENBERGER de la Fondation Hanns Seidel d’Allemagne a pris
la parole pour à son tour souhaiter la bienvenue aux participants au nom de l’organisation
qu’elle représente. Elle a dit tout l’intérêt que revêt cette conférence à ses yeux, parce que
l’organisation des élections libres et transparentes constitue un des indicateurs fiables du
degré de démocratisation. Même si, selon Madame BORSENBERGER, cela peut paraître une
évidence, elle n’en minimise pas pour autant la complexité des situations spécifiques à
chaque pays, à chaque contexte, encore moins les enjeux qui, quelquefois,           viennent
contrebalancer ces affirmations de principe. Si elle reconnaît la réalité et la complexité de
ces spécificités, elle croit cependant que les travaux de cette conférence peuvent être
l’occasion de discuter de ces difficultés de manière à tirer les conclusions utiles et
nécessaires capables d’aider à faire des propositions permettant de dépasser les écueils
actuels et de donner lieu, à la mise en place de démocraties consensuelles et apaisées.
Après avoir présenté brièvement la Fondation Hanns Seidel, Madame Juliette
BORSENBERGER, a souhaité un plein succès aux travaux de la conférence.
C’est ainsi qu’une fois de plus, le Directeur Général du CAFRAD Dr. Simon Mamosi LELO a
repris la parole pour une présentation brève du programme provisoire. Puis s’en est suivie
une présentation individuelle des délégués conclue par une légère pause avant le début
effectif des travaux.
 II. Le déroulement des travaux

Les travaux se sont déroulés en cinq sessions présidées respectivement par M. Ahmed
ISSACK HASSAN du Kenya, Monsieur OYOUAH du Gabon, M.DJOLI ESENG’EKEL de la RDC,
Mme Justice MAMBILIMA de Zambie et M. Bourahima GBANE de Côte d’Ivoire. Ces sessions
ont donné lieu à diverses communications. Ont été abordés les thématiques suivantes :

            L’éducation au processus électoral par Dr. Simon Mamosi LELO ;
            L’organisation la coordination le contrôle, l’évaluation et le suivi de l’action
               électorale par Monsieur MIRIMO MULONGO de RDC ;
            Le rôle et la place de la loi dans l’action électorale par Dr. Stéphane MONNEY
               MOUANDJO, en lieu et place Pr. Alain Didier OLINGA empêché pour la
               circonstance ;
            La compilation et la promulgation des résultats des urnes par Messieurs
               OYOUAH et Jean Olivier KOUMBA du Gabon ;
            L’usage des Technologies de l’information et de la communication par Mme
               SOKHNA MBAYE du Gorée Institute: Centre pour la Démocratie, le
               Développement et la Culture en Afrique (IDEA) ;
 Les raisons de l’échec et les pistes de succès de l’organisation des élections en
               Afrique par S.E Dr. Mahammad Ahmad WALI du Nigeria ainsi que les
               présentations d’expérience par pays ;
            Et un panel consacré à la discussion autour du rapport entre la liberté, la
               démocratie, la paix et le développement. Ces expériences ont été présentées
               respectivement par le Burkina Faso, le Cap Vert, le Kenya, la Mauritanie, la
               RDC et le Zimbabwe. Ces différents exposés ont donné lieu à d’intéressants
               débats, riches d’expériences, d’exemples et de propositions.

III. Les débats :
Ils ont porté sur diverses questions soulevées au cours des travaux et notamment la
question de l’éducation aux principes et valeurs démocratiques. C’est ainsi qu’il est apparu
que la question de la démocratie devait premièrement être définie et comprise par le plus
grand nombre. Aussi, s’est-il posé la question de savoir comment éduquer à la démocratie
quand le concept même de démocratie n’est approprié ni par les élites, ni compris par les
peuples. Plus encore, il s’est posé la question de savoir si le peuple, dans la définition de la
démocratie, renvoyait nécessairement à l’idée de population et si ces notions pouvaient se
confondre avec celle de citoyen.
Si pour une partie, les notions de peuple,           de citoyens et de population étaient
interchangeables dans la définition de la notion de démocratie, pour d’autres en revanche,
l’idée de peuple ne peut être soluble dans la population bien qu’une frange de la population
puisse faire partie   du peuple et qu’une partie du peuple et de la population puisse
revendiquer la qualité de citoyen. Ces notions pouvant être complémentaires mais pas
nécessairement interchangeables.
Le deuxième élément de débat a porté sur la question de l’appropriation des valeurs
démocratiques par les élites au pouvoir en Afrique. C’est ainsi que d’une manière générale,
les délégués ont estimé que cette appropriation était en cours malgré la subsistance de
certaines pesanteurs liées à divers facteurs d’ordre social ou sociologique, à la complexité
de la structuration des sociétés africaines, aux enjeux parfois très éloignés des réalités et
des préoccupations spécifiques aux pays concernés,            à l’ordre international et aux
concurrences géopolitiques aussi bien au plan interne qu’au plan international et parfois
tout simplement aux insuffisances liées au degré d’éducation politique découlant de la
méconnaissance ou d’une connaissance insuffisante des codes culturels           des sociétés
africaines.
Le troisième élément de controverse a porté sur l’appropriation des règles juridiques
relatives à l’organisation des élections en Afrique. Ainsi, est-il apparu que la plupart des
règles juridiques était sinon incomprises par les acteurs politiques africains du moins tout
simplement méconnues par eux alors qu’ils aspiraient à exercer des fonctions importantes
dans leur pays. Plus encore, il est apparu que, dans bien des pays, il existait une sorte
d’amplification découlant d’une superposition de textes juridiques parfois incohérents les
uns avec les autres dans le but quelquefois de semer volontairement le trouble dans l’esprit
des aspirants à des fonctions électives ou tout simplement à les en écarter. C’est ainsi que
les débats ont mis en évidence les ambigüités issues de la répartition des compétences entre
les commissions électorales, les ministères de l’intérieur ou de l’Administration territoriale
selon les cas, et les cours constitutionnelles ou institutions équivalentes.
Le quatrième élément de controverse a porté sur la problématique de l’indigénisation de la
démocratie et de ses valeurs dans les pays africains. C’est ainsi que les délégués se sont
demandés si les pays africains ne pouvaient pas s’inventer un modèle démocratique qui leur
soit propre, fondé sur une rationalité qui leur corresponde et qui soit le produit de leur
propre construction, de leur histoire ou de leurs histoires communes et donc plus en phase
avec leurs réalités. C’est ainsi que s’est posée la question de savoir si le rapport des
africains à leur communauté n’était pas déterminant en l’occurrence par opposition à
l’individualisme véhiculé par les emprunts découlant du contact avec les pays et cultures
éloignés des leurs.
Le cinquième point de controverse a été celui de la prise en compte de la dimension genre
dans le jeu politique. Alors que dans l’expérience Zimbabwéenne on a montré une très
faible prise en compte de la dimension genre dans la participation politique et notamment
dans l’attribution des postes de responsabilité. On s’est aussi demandé comment faire en
sorte que la femme africaine d’une manière générale puisse mieux être représentée dans la
vie politique. Plusieurs pistes ont à cet égard été préconisées. C’est ainsi que pour une
partie, la mise en place des mesures incitatives devraient être engagées pour ce faire. D’où
il s’en est suivi quelques conclusions :

IV. Conclusions :
Au terme des travaux les participants à cette conférence se sont accordés sur les points de
conclusions suivants :
            La démocratie est un système de gouvernement qui reconnaît la primauté de
               la volonté du peuple ;
            C’est un processus et une construction permanents fondés sur l’appropriation
               des valeurs de liberté publiques et individuelles et de droit reconnus aux
               peuples d’une manière générale et à chaque citoyen à titre individuel, et qui,
               pour être assumé, nécessite une éducation continue en vue de son
               enracinement dans la culture des peuples ;
            Les élections constituent une des expressions de la démocratie et doivent
               être encadrées par un ordre juridique juste, favorisant l’alternance, et
               procédant de la volonté du peuple issue d’un consensus entre tous les acteurs
               du jeu politique ;
            Ces élections doivent être sinon conformes, du moins compatibles avec
               l’histoire et la culture des peuples dans lesquels elles doivent s’appliquer et
               doivent à ce titre épouser les valeurs reconnues comme étant universelles ;
            La démocratie doit par ailleurs tenir compte de l’ordre international ambiant,
               des difficultés      liées aux enjeux sous-jacents qui, quelquefois, risquent
               d’altérer son développement harmonieux à l’intérieur des Etats ;
            La démocratie doit tenir compte du rôle essentiel que jouent les femmes dans
               les sociétés contemporaines et favoriser leur intégration accrue dans la prise
               des décisions qui engagent le continent africain à tous les niveaux de
               responsabilité politique ;
            Les élection et la démocratie doivent prendre en compte les évolutions
               technologiques et les intégrer dans la mesure du possible pour favoriser la
               transparence et limiter les cas de fraudes très souvent la cause de nombreux
               désagréments à l’intérieurs des pays ;
            La démocratie et les élections doivent enfin permettre de renforcer la culture
               de la liberté, du dialogue, de la paix et du développement.

 V. Recommandations :
       Les participants à cette conférence recommandent :
1. la réaffirmation de la démocratie comme une valeur universelle et les élections
         comme une de ses expressions fondamentales ;
     2. le respect, la diffusion et la vulgarisation des lois       et règlements relatifs à
         l’organisation des élections résultant d’un consensus entre différents acteurs
         politiques pour une meilleure connaissance des cadres juridiques et réglementaires
         entourant les processus électoraux en Afrique ;
     3. la mise en place des mécanismes assurant la confiance des peuples en leurs
         institutions ceci pour favoriser une culture démocratique apaisée ;
     4. l’encouragement des dialogues entre partis au pouvoir et oppositions à travers
         notamment la définition d’un statut de l’opposition assorti d’un ensemble de
         moyen d’action de celle-ci de nature à favoriser une culture de la paix et une
         éthique de discussion ;
     5. le développement et l’encouragement            des mécanismes d’observation des
         élections africains et la mise en place d’un réseau d’expert africains en matière
         électorale ceci pour éviter les controverses découlant parfois des rapports de ces
         institutions
     6. la prise en compte dans chaque Etat du rôle indispensable des femmes dans les
         processus de démocratisation des pays africains à travers             des mécanismes
         adaptés à cet effet.
     7. l’encouragement du CAFRAD et ses partenaires et notamment la Fondation Hanns
         Seidel à poursuivre le travail de formation et de sensibilisation des Etats aux
         différentes problématiques en rapport avec la démocratie l’Etat de droit le respect
         des libertés et la culture de la paix.
VI. Remerciements :
Les participants remercient le Gouvernement du Maroc pour sont hospitalité. Ils remercient
le CAFRAD, la Fondation Hanns Seidel à travers le Dr. Simon Mamosi LELO, Mme Juliette
BORSENBERGER, et l’ensemble de leurs personnels respectifs, les interprètes et personnel
de l’hôtel Solazur de Tanger pour leur disponibilité ainsi que pour leur professionnalisme.

                                                           Fait à Tanger le 21 Mars 2012

Dr. Stéphane Monney Mouandjo
Rapporteur Général
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