RAPPORT N 4198 ASSEMBLÉE NATIONALE

La page est créée Jocelyne Le
 
CONTINUER À LIRE
RAPPORT N 4198 ASSEMBLÉE NATIONALE
N° 4198
                                                    ______

            ASSEMBLÉE NATIONALE
                                 CONSTITUTION DU 4 OCTOBRE 1958
                                          QUINZIÈME LÉGISLATURE

                         Enregistré à la Présidence de l’Assemblée nationale le 26 mai 2021

                                        RAPPORT
                                                      FAIT

         AU NOM DE LA COMMISSION DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES SUR LE PROJET DE LOI
          autorisant l’approbation de l’amendement au protocole de Göteborg
              du 1er décembre 1999, relatif à la réduction de l’acidification,
                    de l’eutrophisation et de l’ozone troposphérique,

                                         PAR   MME AINA KURIC
                                                     Députée

                                                      ——

                                                       ET

                ANNEXE : TEXTE DE LA COMMISSION
                   DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Voir le numéro : 3930.
RAPPORT N 4198 ASSEMBLÉE NATIONALE
— 3 —

                                                         SOMMAIRE

                                                                 ___

                                                                                                                                   Pages

INTRODUCTION ...........................................................................................................               5
I. LE PROTOCOLE DE GÖTEBORG EST UN DISPOSITIF IMPORTANT
   DANS LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION DE L’AIR À L’ÉCHELLE
   INTERNATIONALE ......................................................................................................               7
   A. S’AGISSANT DE LA POLLUTION DE L’AIR, LE COÛT DE L’INACTION
      EST TRÈS ÉLEVÉ POUR LES SOCIÉTÉS .......................................................                                         7
       1. Les polluants atmosphériques : de quoi parle-t-on ?..............................................                            7
       2. Des conséquences très importantes sur la santé, l’environnement et l’économie..                                              7
           a. Sur la santé .........................................................................................................   7
           b. Sur l’environnement ...........................................................................................          8
           c. Sur l’économie....................................................................................................       8
   B. L’ACTION INTERNATIONALE S’ORGANISE DANS LE CADRE DE
      RÉFÉRENCE DE LA « CONVENTION DE GENÈVE » DE 1979 ...................                                                             9
   C. LE PROTOCOLE DE GÖTEBORG REPRÉSENTE UNE AVANCÉE
      IMPORTANTE DANS LA LUTTE CONTRE PLUSIEURS POLLUANTS.......                                                                       9
II. L’AMENDEMENT AU PROTOCOLE DE GÖTEBORG MARQUE UN
    NOUVEAU PROGRÈS MAIS SA RATIFICATION EST MOTIVÉE PAR DES
    RAISONS DIPLOMATIQUES PLUS QU’OPÉRATIONNELLES ......................... 11
   A. L’AMENDEMENT RENFORCE LES ENGAGEMENTS DE RÉDUCTION
      DES ÉMISSIONS PRIS PAR LES PARTIES AU PROTOCOLE .................... 11
       1. L’élargissement du champ des polluants ............................................................... 11
       2. Le rehaussement du niveau des engagements ........................................................ 11
   B. LA RATIFICATION DE L’AMENDEMENT NE PRÉSENTE PAS
      D’INTÉRÊT SUR LE PLAN TECHNIQUE ET OPÉRATIONNEL .................... 12
   C. LA RATIFICATION EST MOTIVÉE PAR DES CONSIDÉRATIONS
      D’ORDRE DIPLOMATIQUE .................................................................................. 12
— 4 —

III. LA FRANCE DOIT ÊTRE À LA HAUTEUR DE SES ENGAGEMENTS
     DANS LE DOMAINE DE LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION
     ATMOSPHÉRIQUE ..................................................................................................... 13
   A. EN FRANCE AUSSI, LA QUALITÉ DE L’AIR EST UN ENJEU DE SANTÉ
      PUBLIQUE ............................................................................................................... 13
   B. NOTRE PAYS A RÉDUIT SES ÉMISSIONS MAIS BUTE ENCORE SUR
      LA QUESTION DES CONCENTRATIONS ......................................................... 14
       1. Des objectifs de réduction d’émissions globalement atteints ................................ 14
           a. Une baisse globale des émissions… .................................................................... 14
           b. … permis par une action sur les secteurs émetteurs ............................................. 16
           c. Au total, des objectifs pour l’essentiel atteints ..................................................... 16
       2. Des difficultés persistantes sur le plan des concentrations .................................... 17
   C. LA FRANCE DOIT DÉFINIR UNE POLITIQUE DE L’AIR AMBITIEUSE ...... 19

EXAMEN EN COMMISSION .................................................................................... 23

ANNEXE : TEXTE ADOPTÉ PAR LA COMMISSION .................................... 33

LISTE DES PERSONNES AUDITIONNÉES ...................................................... 35
— 5 —

                                  INTRODUCTION

        La commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale est saisie
du projet de loi autorisant l’approbation de l’amendement au protocole de Göteborg
du 1er décembre 1999, relatif à la réduction de l’acidification, de l’eutrophisation et
de l’ozone troposphérique.

        Le progrès des connaissances scientifiques montre que le coût de l’inaction
en matière de lutte contre la pollution de l’air – sur le plan sanitaire,
environnemental et économique – n’a cessé d’être sous-estimé. Un cadre
international s’est progressivement mis en place pour lutter contre ce phénomène
au caractère transfrontière et collectif. Le protocole de Göteborg, qui cible quatre
polluants atmosphériques bien identifiés, en constitue un maillon essentiel.

        Sur le fond, l’amendement au protocole de Göteborg, adopté le 4 mai 2012,
a pour objet de renforcer les engagements des États parties sur le plan de la réduction
de plusieurs polluants atmosphériques en intégrant, pour la première fois dans une
convention internationale, les particules primaires fines (PM2,5).

          Bien que cet amendement présente un intérêt indiscutable, sa ratification
n’aura pas d’incidence au plan opérationnel, les dispositions de l’amendement ayant
été reprises en droit interne au travers d’une directive européenne de 2016. En
réalité, la ratification se justifie essentiellement, au plan diplomatique, par un souci
de cohérence au regard des engagements environnementaux déjà pris par la France.

       Votre rapporteure appelle à autoriser la ratification de cet amendement, tout
en appelant la vigilance de votre commission sur deux points.

        Votre rapporteure appelle votre commission à être plus exigeante sur les
délais de ratification de certaines conventions internationales. Neuf ans ont été
nécessaire aux autorités françaises pour engager le processus de ratification. Si le
Parlement autorise la ratification, la France ne sera liée par cet amendement qu’à
compter de 2021 alors même que les engagements qu’il contient s’arrêtent en 2020.
Déjà obsolète, le protocole de Göteborg amendé doit d’ailleurs être remplacé par un
texte plus ambitieux dans les prochaines années. Ces délais nuisent précisément à
l’exemplarité que la France cherche à afficher en matière environnementale.

        Ensuite, quoique la ratification n’ait pas de conséquence au plan technique,
la pollution de l’air reste un enjeu de santé publique en France et les autorités
françaises ne peuvent faire l’économie d’une politique de l’air ambitieuse. Pour être
à la hauteur de l’ambition portée par nos engagements européens et internationaux,
les autorités françaises doivent reconnaitre, dans son pilotage même, la nature
profondément interministérielle de cette politique publique, ce qui suppose une
véritable mobilisation politique en faveur de la lutte contre la pollution de l’air.
— 7 —

 I. LE PROTOCOLE DE GÖTEBORG EST UN DISPOSITIF IMPORTANT DANS
    LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION DE L’AIR À L’ÉCHELLE
    INTERNATIONALE

   A. S’AGISSANT DE LA POLLUTION DE L’AIR, LE COÛT DE L’INACTION EST
      TRÈS ÉLEVÉ POUR LES SOCIÉTÉS

     1. Les polluants atmosphériques : de quoi parle-t-on ?

       À l’inverse des gaz à effet de serre, dont l’effet est global, les polluants
atmosphériques ont un impact local en fonction des concentrations observées.

         Selon ce principe, il est possible de distinguer, d’un côté, le dioxyde de
carbone (CO2) et le méthane (CH₄), qui sont des gaz à effet de serre, et de l’autre
côté, le dioxyde de soufre (SO2), les oxydes d’azote (NOx), les composés organiques
volatils non méthaniques (COVNM), l’ammoniac (NH3) et les particules primaires
fines (PM2,5), les cinq polluants qui entrent dans le champ du protocole de Göteborg
tel que révisé par l’amendement dont le présent projet de loi propose d’autoriser la
ratification.

        S’agissant des polluants de l’air, il n’existe pas d’inventaire mondial officiel
reconnu par les États, contrairement à ce qui existe pour les gaz à effet de serre,
pour lesquels la convention des Nations Unies sur le climat a créé un cadre beaucoup
plus universel. Seul existe un inventaire global utilisé par les équipes de recherche,
mais cet inventaire n’a pas de statut légal reconnu par les États.

        Comme il est difficile de quantifier globalement le niveau des émissions de
polluants atmosphériques, la quantification des émissions s’effectue le plus souvent
polluant par polluant, dont les sources sont très différentes. Les émissions
proviennent, dans des proportions différentes selon les polluants, de quatre
secteurs : les activités industrielles, l’agriculture, le résidentiel et les transports.

     2. Des conséquences très importantes sur la santé, l’environnement et
        l’économie

      a. Sur la santé
        La pollution de l’air peut avoir divers effets à court et à long terme sur la
santé. La pollution de l’air en milieu urbain accroît le risque de maladies
respiratoires aiguës (pneumonie, par exemple) et chroniques (cancer du poumon,
par exemple) ainsi que de maladies cardio-vasculaires. Les personnes déjà malades
ainsi que les populations plus vulnérables, comme les enfants, les personnes âgées
et les ménages à faible revenu ayant un accès limité aux soins de santé, sont ceux
qui subissent le plus les conséquences de la pollution de l’air sur la santé.
— 8 —

        L’organisation mondiale de la santé (OMS) estime, qu’au niveau
mondial, 1,3 million de personnes – plus de la moitié dans les pays en
développement – meurent chaque année en raison de la pollution de l’air des villes.
L’agence européenne pour l’environnement (AEE) estime par ailleurs, dans son
rapport 2020 sur la qualité de l’air (1), que l’exposition aux particules PM2,5 est à
l’origine de 400 000 décès prématurés à l’échelle de ses pays membres (2) et qu’il
représente le principal risque pour la santé lié à l’environnement en Europe.

        b. Sur l’environnement
        Les polluants de l’air ont aussi d’importantes répercussions sur
l’environnement lui-même. Le dioxyde de souffre, les oxydes d’azote, les composés
organiques volatils non méthaniques et l’ammoniac, qui entrent tous dans le champ
du protocole de Göteborg, sont responsables de trois types de pollution
d’ailleurs repris dans le titre complet du protocole :

        ● l’acidification, qui correspond à l’augmentation de l’acidité d’un sol, d’un
cours d’eau ou de l’air en raison des activités humaines – notamment des émissions
de dioxyde de souffre liées à la combustion des énergies fossiles – qui se traduit
notamment par le phénomène des pluies acides ;

        ● l’eutrophisation, lié à un excès de nutriments azotés – ammoniac et oxyde
d’azote – qui perturbe les communautés végétales et s’infiltre dans les eaux douces
causant une perte de diversité biologique. Le phénomène d’algue verte en est la
manifestation la plus connue ;

        ● l’ozone troposphérique dont la création résulte de réactions chimiques
entre les composés organiques volatils et les oxydes d’azote. Il est responsable des
pics de pollution urbains.

        c. Sur l’économie
        Bien que moins connu, les conséquences économiques de la pollution de
l’air pourraient justifier, à elles seules, de renforcer la lutte contre ce phénomène.
Les coûts économiques de la pollution atmosphérique incluent la baisse de la
productivité du travail, la hausse des dépenses de santé et l’impact négatif sur les
cultures et les forêts. Dans une étude de 2019, l’Organisation pour la coopération
économique et le développement (OCDE) estimait qu’une baisse d’un
microgramme par mètre cube de la moyenne annuelle de concentration en PM2,5
permettrait d’accroitre le produit intérieur brut (PIB) européen de 0,8 %, autrement
dit de 200 euros par tête (pour 2017) (3). Près de 95 % de cette augmentation du PIB

(1) Le rapport est accessible à l’adresse suivante : https://www.eea.europa.eu/publications/air-quality-in-
    europe-2020-report
(2) La Turquie n’entre pas dans le champ de cette estimation.
(3) L’étude est accessible à l’adresse suivante :
https://www.oecd.org/officialdocuments/publicdisplaydocumentpdf/?cote=ECO/WKP(2019)54&docLanguage
    =En
— 9 —

européen serait lié à l’augmentation de la production par travailleurs, par
l’intermédiaire d’une baisse de l’absentéisme et d’une hausse de la productivité.

   B. L’ACTION INTERNATIONALE S’ORGANISE DANS LE CADRE DE
      RÉFÉRENCE DE LA « CONVENTION DE GENÈVE » DE 1979

        La convention sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue
distance (CPATLD), signée à Genève en 1979 et entrée en vigueur en 1983, est le
premier instrument multilatéral visant à régler les problèmes de la pollution de l’air.
La « convention de Genève » fixe ainsi un cadre de coopération
intergouvernementale engageant les parties à limiter, prévenir et réduire
progressivement leurs rejets de polluants atmosphériques. Comme l’explique
l’exposé des motifs du projet de loi, « elle a permis dans une large mesure au droit
international de l’environnement de se développer, ainsi qu’à mettre en place le
cadre nécessaire pour contrôler et réduire les effets néfastes de la pollution
atmosphérique transfrontière sur la santé humaine et l’environnement. »

        Bien que celle-ci se caractérise par une dimension essentiellement locale, la
pollution de l’air ignore les frontières, ce qui imposait une démarche collective.
Selon M. Jean-Guy Bartaire, président du centre interprofessionnel technique
d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA), dans un pays comme les Pays-
Bas, la pollution d’origine transfrontalière est plus importante que la pollution
d’origine locale. Comme l’explique ce dernier, les efforts d’un pays pour baisser les
émissions et la pollution transfrontalière due à ces émissions contribuent largement
au respect par les autres pays des normes d’émissions fixées par l’OMS.

         La « convention de Genève » n’a toutefois pas été élaborée sur une base
mondiale mais sur une base régionale, celle de la Commission économique pour
l’Europe des Nations Unies (CEE-ONU) qui regroupe les pays de l’Union
européenne, de l’ex-URSS et d’Amérique du Nord. Selon les réponses fournies par
l’administration, « le choix d’une base régionale repose sur un choix politique des
parties, qui préfèrent encore aujourd’hui essayer de dupliquer le modèle en vigueur
[…] aux autres zones d’action des Nations Unies, en tablant sur son exemplarité et
son opérationnalité. » Cependant, les efforts d’universalisation achoppent encore.

   C. LE PROTOCOLE DE GÖTEBORG REPRÉSENTE UNE AVANCÉE
      IMPORTANTE DANS LA LUTTE CONTRE PLUSIEURS POLLUANTS

         Depuis son adoption, la « convention de Genève » a été complétée par huit
protocoles spécifiques. Le dernier en date est le protocole sur la pollution
atmosphérique transfrontière à longue distance relatif à la réduction de
l’acidification, de l’eutrophisation et de l’ozone troposphérique, dit « protocole de
Göteborg », signé le 1er décembre 1999 et entré en vigueur le 17 mai 2005. Il a été
ratifié par l’Union européenne ainsi que 21 États membres (dont la France), le
Canada, la Suisse, la Norvège, le Royaume-Uni, les États-Unis et la Macédoine.
— 10 —

       Le protocole de Göteborg visait à réduire d’au moins 40 %, entre 1999
et 2010, les émissions de trois polluants (dioxyde de soufre, oxydes d’azote et
composés organiques volatils), tout en introduisant la prise en compte de
l’ammoniac à ces efforts de réduction des émissions. Le protocole a pour objectif
de réduire le niveau global de la pollution atmosphérique en fixant, pour chaque
polluant, des plafonds d’émissions à l’horizon 2010. Pour atteindre ces plafonds
d’émissions, le protocole fixe des valeurs limites d’émission (VLE) sur les sources
d’émissions de polluants de l’air (installations de combustion, production
d’électricité, nettoyage à sec, voitures particulières et poids lourds, etc.). Les
engagements sont déclinés par pays en fonction de ce qu’ils sont prêts à assumer.

       Plus de quinze ans après l’entrée en vigueur du protocole, M. Bartaire
observe que « globalement, les pays jouent le jeu, en tout cas plus qu’avant ». Les
autorités nationales sont incitées à tenir leurs engagements, sous la pression des
rapports de suivi de mise en œuvre du protocole de Göteborg qui mesurent les
performances pays, des associations de protection de l’environnement et des
opinions publiques de plus en plus sensibles à ces questions. Du point de vue des
secteurs d’activité responsables de la pollution de l’air, M. Bartaire observe que « le
secteur industriel a fait le boulot mais on reste loin du compte pour l’agriculture ».

       Au niveau européen, les dispositions du protocole ont été reprises par une
directive européenne du 23 octobre 2001 concernant la fixation des plafonds
d’émission pour certains polluants atmosphériques (dite « NEC ») (1) avant même
que la France ne ratifie le protocole par une loi du 1er mars 2007 (2). La plupart des
plafonds européens sont même plus contraignants que ceux établis dans le cadre du
protocole de Göteborg (3). La directive européenne prévoit que les États membres
sont tenus d’élaborer un programme national de réduction des émissions de ces
polluants afin de respecter, en 2010, les plafonds fixés. En outre, elle impose aux
États de préparer et de mettre à jour un inventaire d’émissions et des prévisions
nationales pour les quatre polluants visés par le protocole de Göteborg.

(1) Directive 2001/81/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2001 fixant des plafonds d'émission
    nationaux pour certains polluants atmosphériques.
(2) Loi n° 2007-272 du 1er mars 2007 autorisant l’approbation du protocole à la convention de 1979 sur la
    pollution atmosphérique transfrontière à longue distance relatif à la réduction de l’acidification, de
    l’eutrophisation et de l’ozone troposphérique (ensemble neuf annexes).
(3) Rapport fait par M. Jean-Jacques Guillet au nom de la commission des affaires étrangères de l’Assemblée
    nationale sur le projet de loi autorisant l’approbation du protocole à la convention de 1979 sur la pollution
    atmosphérique transfrontalière à longue distance relatif à la réduction de l’acidification, de l’eutrophisation
    et de l’ozone troposphérique (ensemble neuf annexes), le 23 janvier 2007.
— 11 —

  II. L’AMENDEMENT AU PROTOCOLE DE GÖTEBORG MARQUE UN
      NOUVEAU PROGRÈS MAIS SA RATIFICATION EST MOTIVÉE PAR DES
      RAISONS DIPLOMATIQUES PLUS QU’OPÉRATIONNELLES

    A. L’AMENDEMENT RENFORCE LES ENGAGEMENTS DE RÉDUCTION DES
       ÉMISSIONS PRIS PAR LES PARTIES AU PROTOCOLE

         Comme le fait valoir l’étude d’impact, « bien que les émissions de polluants
aient diminué, leurs impacts sur la santé humaine ainsi que sur les écosystèmes ont
perduré, raison pour laquelle les Parties au protocole [de Göteborg] ont décidé de
réviser ce dernier. » L’amendement a été adopté par les parties au protocole le 4
mai 2012 et il est entré en vigueur le 7 octobre 2019 (1). Celui-ci vient renforcer les
engagements de réduction pris dans le cadre du protocole de Göteborg, en incluant
les particules primaires fines dans les engagements de réduction des émissions.

      1. L’élargissement du champ des polluants

         L’amendement intègre au protocole de Göteborg, à côté des quatre polluants
atmosphériques déjà concernés, un nouveau polluant : les particules primaires fines
(PM2,5). Depuis l’adoption du protocole initial en 1999, les connaissances
scientifiques et les méthodes de mesure se sont perfectionnées, ce qui a notamment
permis de mettre en lumière les effets nocifs des particules fines pour la santé
humaine et pour l’environnement (cf. supra). L’amendement définit ainsi des
engagements de réduction et des valeurs limites d’émissions visant ce polluant,
comme pour les quatre autres polluants déjà concernés par le protocole. Ce faisant,
il fait du protocole le premier accord international contraignant à prévoir des
engagements de réduction des émissions des particules primaires fines.

         Le protocole amendé inclue aussi les émissions de carbone suie, ou carbone
noir, qui est un des composants des PM2,5 et un polluant climatique à courte durée
de vie. En revanche, il ne fixe pas d’obligations en matière de réduction d’émissions
ni de valeurs limites d’émissions visant le carbone suie. Il ne formule que des
recommandations destinées à réaliser des inventaires d’émission et à focaliser les
actions de réduction des PM2,5 sur les secteurs fortement émetteurs de carbone suie.
Sont par ailleurs introduites des informations sur les techniques de réduction du
carbone suie.

      2. Le rehaussement du niveau des engagements

        L’amendement au protocole de Göteborg fixe de nouveaux engagements de
réduction plus rigoureux à l’horizon 2020, par rapport à l’année de référence
de 2005, pour les quatre polluants déjà visés (SO2, NOx, COVNM, NH3).

        En parallèle, il « sévérise » les valeurs limites d’émissions fixées dans les
diverses annexes techniques du protocole. Selon l’étude d’impact annexé au présent

(1) À la suite de la dix-neuvième ratification, par la Suisse, le 24 juillet 2019.
— 12 —

projet de loi, « ces VLE correspondent de façon générale aux valeurs hautes de la
fourchette des niveaux d’émission associés aux meilleures techniques disponibles ».

    B. LA RATIFICATION DE L’AMENDEMENT NE PRÉSENTE PAS D’INTÉRÊT
       SUR LE PLAN TECHNIQUE ET OPÉRATIONNEL

        Comme elle l’avait fait pour le protocole, la Commission européenne a
anticipé la transposition en droit européen des dispositions de l’amendement au
protocole. Les engagements inscrits dans l’amendement ont été repris par la
directive européenne du 14 décembre 2016 relative à la réduction des émissions
nationales de certains polluants atmosphériques (dite « NEC révisée ») (1).

        Les plafonds fixés par la directive européenne de 2016 sont identiques à
ceux fixés par l’amendement mais, alors que ce dernier fixe des engagements à
horizon 2020, le droit européen prévoit des engagements à l’horizon 2030, fondés
sur l’estimation du potentiel de réduction de chaque État membre. Comme le
prévoyait déjà la directive « NEC » de 2001, la directive « NEC révisée » de 2016
prévoit que les États membres établissent des programmes nationaux de lutte contre
la pollution atmosphérique et transmettent à la Commission européenne des
inventaires nationaux d’émissions des polluants atmosphériques concernés.

        Dans ce contexte, la ratification de l’amendement par la France ne conduira
pas à modifier le droit français, déjà en conformité avec ses dispositions, et ne se
traduira pas non plus par une charge accrue sur les finances publiques. Comme
l’explique l’étude d’impact, « pour la France, approuver le Protocole ne fait
qu’entériner des dispositions réglementaires déjà en vigueur en France ».

    C. LA RATIFICATION EST MOTIVÉE PAR DES CONSIDÉRATIONS D’ORDRE
       DIPLOMATIQUE

         Selon le Gouvernement, la ratification a pour objectif de conforter la
position de la France et de l’UE en vue des négociations qui doivent s’engager sur
la révision du protocole de Göteborg. L’enjeu de cette révision, prévue pour 2023-
2024, est de réviser et de « sévériser » les engagements de réduction des émissions,
les valeurs limites d’émissions des polluants de l’air ainsi que les mesures
appliquées aux secteurs économiques émetteurs. Dans le cadre de ces négociations,
la parole de la France serait affaiblie par une absence de ratification de
l’amendement de 2012 qui pourrait être interprétée, aux yeux de nos partenaires,
comme un désintérêt de notre pays pour le protocole de Göteborg.

        Plus largement, la ratification de cet amendement est une question de
crédibilité et d’exemplarité de la France ainsi que de cohérence de nos engagements
internationaux sur les sujets environnementaux. Il y aurait en effet une incohérence

(1) Directive (EU) 2016/2284 du Parlement européen et du Conseil du 14 décembre 2016 concernant la
    réduction des émissions nationales de certains polluants atmosphériques, modifiant la directive 2003/35/CE
    et abrogeant la directive 2001/81/CE.
— 13 —

majeure, d’un côté, à ignorer l’amendement au protocole, et de l’autre, à défendre
le climat et la biodiversité dans d’autres enceintes internationales. Comme
l’explique l’exposé des motifs, la France souhaite approuver l’amendement dans les
meilleurs délais pour « envoyer un signal fort reflétant ses ambitions dans la
réduction de l’acidification, de l’eutrophisation et de l’ozone troposphérique, afin
de protéger au mieux la santé humaine et l’environnement contre la pollution
atmosphérique transfrontière. »

         Votre rapporteure estime en revanche que rien ne justifie le délai – neuf ans
– nécessaire aux autorités françaises pour engager la ratification de cet amendement.
Certes, ce retard n’a pas eu incidence sur le plan de la mise en œuvre technique des
dispositions du protocole, qui ont été rapidement transposées en droit européen. Le
ministère de l’Europe et des affaires étrangères fait par ailleurs valoir que la
ratification d’autres conventions internationales accuse du retard. S’agissant de
l’amendement de 2012, la France reste « dans la moyenne » : au 21 avril 2021,
seuls 23 pays sur une cinquantaine d’États parties ont ratifié l’amendement, et la
plupart l’ont fait en 2018-2019, d’où une entrée en vigueur tardive, en octobre 2019.

         Votre rapporteure ne peut se satisfaire de ces justifications. D’abord, si
l’Union européenne ainsi qu’un grand nombre d’États membres ont ratifié
l’amendement plus tôt, c’est que la France pouvait également le faire. Surtout, sur
le fond, il est profondément insatisfaisant de ratifier en 2021 un traité international
qui fixe des engagements à l’horizon 2020, et qui est donc déjà en partie obsolète.
Enfin, le Gouvernement engage la ratification de l’amendement alors même que le
protocole de Göteborg amendé est en cours d’examen et devrait être remplacé, dans
les prochaines années, par un autre texte qui sera également soumis à ratification.
Votre rapporteure appelle donc votre commission à être plus exigeante sur les délais
de ratification de certaines conventions internationales, à commencer par celle qui
succèdera à l’amendement au protocole de Göteborg.

  III. LA FRANCE DOIT ÊTRE À LA HAUTEUR DE SES ENGAGEMENTS DANS
      LE DOMAINE DE LA LUTTE CONTRE LA POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE

    A. EN FRANCE AUSSI, LA QUALITÉ DE L’AIR EST UN ENJEU DE SANTÉ
       PUBLIQUE

        Les conséquences de la pollution de l’air n’épargnent pas la France.
En 2015, les auteurs d’un rapport sénatorial (1) évaluaient le coût de la pollution de
l’air à près de 100 milliards d’euros par an, l’essentiel étant lié aux impacts
sanitaires, mieux connus que ceux concernant le climat ou les écosystèmes naturels
ou agricoles.

       Les incidences de la pollution atmosphérique sur la santé sont en effet les
mieux connues et les plus débattues en France. En avril 2021, Santé publique France

(1) Rapport de la commission d’enquête du Sénat sur le coût économique et financier de la pollution de l’air,
    publié en juillet 2015.
— 14 —

a publié une actualisation de l’estimation du poids total de la pollution de l’air
ambiant – et en particulier des particules primaires fines – sur la santé de la
population française sur la période 2016 à 2019. Santé publique France conclut que
les PM2,5 sont responsables de près de 40 000 décès en France chaque année. Par
ailleurs, l’exposition à ces particules représentent en moyenne, pour les personnes
âgées de 30 ans et plus, une perte d’espérance de vie de près de huit mois.

          Ces travaux réaffirment l’enjeu de santé publique autour de la pollution de
l’air et incitent à poursuivre les efforts sur toutes les sources de pollution.
  LES BÉNÉFICES LIÉS À UNE MOINDRE EXPOSITION À LA POLLUTION DE L’AIR
                AMBIANT LORS DU PREMIER CONFINEMENT
          L’annonce, le 16 mars 2020, d’un confinement strict en France pour lutter contre la
première vague de Covid-19 a créé une situation environnementale jamais observée. Cette
mesure sans précédent a en effet conduit à un ralentissement massif de l’activité et de la
circulation de la population sur l’ensemble du territoire.
          Santé publique France a mis en lumière les bénéfices d’une moindre exposition des
Français à la pollution de l’air ambiant durant le premier confinement. La diminution de
l’exposition aux particules fines aurait permis d’éviter environ 2 300 décès. En outre,
1 200 décès auraient été évités du fait d’une diminution de l’exposition au dioxyde d’azote,
liée principalement au trafic routier.
         Santé publique France appelle donc à tirer au mieux les enseignements de cette
période de confinement pour identifier les solutions les plus efficaces en termes de réduction
des niveaux de pollution atmosphérique de manière à diminuer durablement les impacts sur la
santé.
Source : Santé publique France.

    B. NOTRE PAYS A RÉDUIT SES ÉMISSIONS MAIS BUTE ENCORE SUR LA
       QUESTION DES CONCENTRATIONS

      1. Des objectifs de réduction d’émissions globalement atteints

        a. Une baisse globale des émissions…

        D’une manière globale, de 1990 à 2019, les émissions de tous les polluants
sont en baisse, à l’exception du cuivre, en légère hausse. Cette tendance globale
contredit l’idée que rien ne serait fait pour lutter contre la pollution de l’air.

       S’agissant plus spécifiquement des polluants qui entrent dans le champ du
protocole de Göteborg, les émissions de dioxyde de soufre (SO2), les oxydes d’azote
(NOx) et les composés organiques volatils non méthaniques (COVNM) ont
fortement diminué sur la période 1990-2019, à l’exception de l’ammoniac (NH3)
qui connait une plus faible diminution (– 10,7% par rapport à 1990).
— 15 —

 ÉVOLUTION DES ÉMISSIONS DE SO2, NOX, NH3, COVNM ET CO ENTRE 1990 ET 2019
                            (base 100 en 1990)

      Source : ministère de la transition écologique.

        Du point de vue des polluants concernés par l’amendement de 2012, les
émissions de particules fines PM2,5 (– 71%) et de « black carbon » (BC), autrement
dit de carbone suie (– 72%), ont aussi fortement diminué sur la période 1990-2019.

        ÉVOLUTION DES ÉMISSIONS DE PARTICULES ENTRE 1990 ET 2019
                            (base 100 en 1990)

      Source : ministère de la transition écologique.
— 16 —

      b. … permise par une action sur les secteurs émetteurs
        Cette diminution des émissions est imputable à une action plus ou moins
vigoureuse sur les principaux secteurs émetteurs : l’agriculture, l’industrie, le
résidentiel et le transport. L’amélioration du parc automobile et le renforcement des
normes dans le secteur des transports, l’amélioration des performances des
équipements individuels brûlant du bois dans le secteur résidentiel et l’amélioration
des technologies dans le secteur industriel ont eu des effets positifs sur le niveau des
émissions de polluants atmosphériques. Selon les personnes rencontrées par votre
rapporteure, le secteur agricole accuse toutefois un retard assez important.

      c. Au total, des objectifs pour l’essentiel atteints

       Si l’on rapporte ces tendances à la baisse aux objectifs contenus dans les
textes européens et internationaux, la France a globalement respecté ses
engagements. Un point de vigilance demeure cependant sur l’ammoniac (NH3).
— 17 —

   SITUATION DE LA FRANCE VIS-À-VIS DE SES ENGAGEMENTS EUROPÉENS ET
       INTERNATIONAUX EN MATIÈRE DE LUTTE CONTRE LA POLLUTION
                            ATMOSPHERIQUE

Source : Centre interprofessionnel technique d’études de la pollution atmosphérique (CITEPA).

      2. Des difficultés persistantes sur le plan des concentrations

        La France a été condamnée à plusieurs reprises par les juridictions française
et européenne pour manquement à ses engagements en matière de lutte contre la
pollution de l’air. Mais il faut établir ici une distinction importante. Ces décisions
concernent les concentrations de dioxyde d’azote et de particules PM10 au titre
— 18 —

d’une directive de 2008 (1) et non les émissions de ces polluants au titre de la
directive « NEC révisée » de 2016, qui découle du protocole de Göteborg.

 LES CONDAMNATIONS DE LA FRANCE PAR LA JUSTICE POUR NON-RESPECT DE
          SES ENGAGEMENTS EN MATIÈRE DE QUALITÉ DE L’AIR

          ● Les arrêts du Conseil d’État
Dans une décision du 12 juillet 2017 (2), le Conseil d’État, ayant constaté des concentrations
en dioxyde d’azote et en particules fines PM10 supérieures aux seuils réglementaires, a enjoint
au Premier ministre et au ministre chargé de l’environnement de prendre toutes les mesures
nécessaires pour ramener ces concentrations en dessous des valeurs limites dans le délai le
plus court possible.
Le 10 juillet 2020, le Conseil d’État a estimé, dans un nouvel arrêt (3), que l’État n’avait pas
pris les mesures nécessaires permettant d’assurer l’exécution complète de sa précédente
décision. La juridiction administrative suprême a donc condamné l’État à verser une astreinte
s’il ne justifiait pas, dans les six mois à compter de la notification de sa décision, avoir exécuté
la décision du 12 juillet 2017.

          ● La jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne
Par un arrêt du 24 octobre 2019 (4), la Cour de justice de l’Union européenne a également
condamné la France pour non-respect des valeurs limites pour les oxydes d’azote dans douze
territoires. À cette occasion, la Cour a jugé que la France avait manqué à ses obligations, tant
au titre d’un dépassement systématique et persistant des valeurs limites qu’au titre de
l’obligation de veiller à ce que la période de dépassement soit la plus courte possible.
Le 3 décembre 2020, la Commission a demandé à la France de respecter l’arrêt de la Cour du
24 octobre 2019 relatif aux dépassements des valeurs limites de dioxyde d’azote. En réponse
à cette mise en demeure, les autorités françaises ont apporté des précisions sur les actions
menées par l’État aux échelles nationale et territoriale. Les autorités françaises font valoir,
d’une part, que la durée et l’ampleur des dépassements ont décru et que la période récente est
marquée par la pérennisation de cette tendance baissière, et d’autre part, que de nouvelles
mesures sont prises (instauration de zones à faibles émissions, élaboration d’un plan d’action
chauffage au bois, etc.) afin de respecter nos engagements européens et internationaux.
La France est le premier État membre à être condamné pour dépassement des valeurs limites
pour les oxydes d’azote. Le 4 mars 2021 (5), la Cour a prononcé un arrêt en manquement
similaire à l’encontre du Royaume-Uni et doit prochainement statuer sur un autre recours en
manquement visant l’Allemagne.

       Dans l’étude d’impact annexé au présent projet de loi, le Gouvernement
explique, en invoquant deux facteurs, le décalage entre des émissions en baisse et
des concentrations de polluants qui demeurent à des niveaux préoccupants.

(1) Directive 2008/50/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 concernant la qualité de l’air
    ambiant et un air pur pour l’Europe.
(2) Conseil d’État, décision n°394254 du 12 juillet 2017.
(3) Conseil d’État, décision n°428409 du 10 juillet 2020.
(4) CJUE, affaire C-636/18, 24 octobre 2019.
(5) CJUE, affaire C-664/18, 4 mars 2021.
— 19 —

        « Même si les concentrations mesurées dépendent des émissions polluantes,
il n’y a pas de lien simple et direct entre les deux. La qualité de l’air résulte de
l’interaction complexe entre la quantité de polluants émise et toute une série de
phénomènes physico-chimiques et météorologiques. Ainsi, une fois les polluants
émis dans l’atmosphère, différents phénomènes physico-chimiques et
météorologiques entrent en jeu et agissent sur les concentrations de ces polluants.
Il n’y a pas de corrélations simples entre les quantités de polluants émises et les
niveaux de concentrations de ces polluants mesurées aux stations dans l’air
ambiant.

       « Enfin, il convient de souligner que les plafonds d'émission fixés par la
directive NEC s'apprécient globalement sur l'ensemble du territoire alors que les
dépassements de seuils ont été constatés localement. S'agissant du dioxyde d’azote,
19 stations étaient en dépassement en 2019 alors que le dispositif national
comprend 415 points de mesure. Néanmoins, le Conseil d'Etat et la CJUE sont
formels : dès lors qu'une station dépasse, la France est en manquement pour le
polluant concerné, indépendamment d'une tendance nette d'amélioration de la
qualité de l'air depuis 2010 et du respect des objectifs fixés par le présent
amendement au protocole de Göteborg. »

        Pour faire baisser le niveau des concentrations des polluants sur le territoire,
mais aussi pour tenir des engagements de réduction des émissions revus à la hausse,
la France est attendue sur des mesures concrètes en faveur de la qualité de l’air.

    C. LA FRANCE DOIT DÉFINIR UNE POLITIQUE DE L’AIR AMBITIEUSE

       Si nos engagements européens et internationaux contiennent des objectifs
de réduction des émissions et des concentrations des polluants de l’air, c’est au
niveau national que sont élaborées les mesures permettant de les atteindre.

        Le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques
(PREPA) définit la stratégie de l’État pour réduire les émissions de polluants
atmosphériques au niveau national et respecter nos engagements européens et
internationaux. Le PREPA est mis à jour tous les quatre ans ; en revanche, en cas
de dépassement significatif du niveau des émissions, qui est surveillé par la
Commission européenne, l’État dispose de 18 mois pour mettre à jour le PREPA.

       Le PREPA 2017-2021, qui incarne la politique de l’air poursuivie et mise
en œuvre par la France, repose sur une double base réglementaire.

         En premier lieu, un décret (1) fixe des objectifs chiffrés de réduction des
émissions des principaux polluants à l’horizon 2020, 2025 et 2030. Le PREPA
reprend les objectifs contenus dans la directive « NEC révisée » de 2016, la France
faisant le choix d’une trajectoire linéaire pour atteindre les objectifs de 2030.

(1) Décret n°2017-949 du 10 mai 2017 fixant les objectifs nationaux de réduction des émissions de certains
    polluants atmosphériques en application de l’article L. 222-9 du code de l’environnement.
— 20 —

        En second lieu, un arrêté établit pour la période 2017-2021 (1) les actions
retenues et les modalités opérationnelles pour respecter la trajectoire ainsi fixée. Ces
actions combinent différents outils de politique publique : réglementations
sectorielles, mesures fiscales, mesures incitatives, actions de sensibilisation et de
mobilisation des acteurs, action d’amélioration des connaissances, etc. Selon
M. Jean-Luc Fugit, député et président du conseil national de l’air, les mesures
retenues dans le PREPA sont « le résultat d’un équilibre difficile entre performance
économique, justice sociale et protection de l’environnement ».

         Dans l’ensemble, les mesures portées par le PREPA 2017-2021, qui arrive
prochainement à échéance, ont été mises en œuvre. Comme le montre le tableau ci-
dessous, c’est dans le secteur de l’agriculture que la mise en œuvre a été la plus
difficile, 30 % des mesures n’ayant pas été mises en œuvre. Certaines mesures ont
par ailleurs dû être abandonnées, notamment le rattrapage de la fiscalité du diesel
sur celui de l’essence dans le sillage du mouvement des « gilets jaunes ».
           BILAN DE MISE EN ŒUVRE DU PREPA 2017-2021 AU 1ER MARS 2021

      Source : ministère de la transition écologique.

       Le ministère de la transition écologique a lancé en janvier 2021 les travaux
de mise à jour du PREPA en vue de la période 2022-2026. Ce travail est l’occasion

(1) Arrêté du 10 mai 2017 établissant le plan national de réduction des émissions de polluants atmosphériques.
— 21 —

d’améliorer les actions mises en place et de les calibrer en vue de l’atteinte de nos
objectifs en termes de réduction des émissions de polluants de l’air pour 2030.

        Trois sujets paraissent prioritaires à votre rapporteure :

        ● la mise en œuvre des actions prévues dans le domaine agricole alors que
les émissions d’ammoniac ont tendance à stagner ;

        ● le renforcement des actions visant les PM2,5 afin d’atteindre les objectifs
fixés par l’OMS, actuellement plus ambitieux que les objectifs européens ;

        ● l’amélioration des connaissances, de la formation et de la sensibilisation
aux enjeux liés à la pollution de l’air.

         Sans développer davantage les mesures destinées à améliorer la qualité de
l’air, qui n’est pas l’objet de ce rapport, votre rapporteure appelle à la mise en place
d’une politique volontariste de lutte contre la pollution de l’air en France.

       Votre rapporteure estime que la condition du succès est une plus grande
coordination interministérielle sur cette politique publique qui fait intervenir, non
seulement le ministère de la transition écologique, mais également les ministères en
charge du transport, de l’agriculture, de l’industrie et du logement.

         En l’absence d’instance interministérielle, le ministère de la transition
écologique est aujourd’hui responsable du pilotage du PREPA et doit solliciter les
différents ministères chargés de mettre en œuvre les mesures que ce plan contient.
Cependant, le ministère de la Transition écologique éprouve parfois de grandes
difficultés à impliquer les acteurs concernés. Selon M. Alain Chabrolle, vice-
président de France Nature Environnement (FNE), le ministère de la Transition
écologique et le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation « ne se parlent
plus ».

        Votre rapporteure rappelle que le renforcement de l’interministérialité
appelle avant tout un portage politique plus puissant, condition d’une politique de
l’air ambitieuse.
— 23 —

                          EXAMEN EN COMMISSION

         Le mercredi 26 mai 2021, la commission examine, sur le rapport de
Mme Aina Kuric, le projet de loi autorisant l’approbation de l’amendement au
protocole de Göteborg du 1er décembre 1999, relatif à la réduction de
l’acidification, de l’eutrophisation et de l’ozone troposphérique (n° 3930).

        M. le président Jean-Louis Bourlanges. Nous abordons l’examen du
projet de loi autorisant l’approbation de l’amendement au protocole de Göteborg du
1er décembre 1999 relatif à la réduction de l’acidification, de l’eutrophisation et de
l’ozone troposphérique – ce n’est pas du Salvador Dalí – sur le rapport de notre
collègue Aina Kuric.

         Cet amendement, adopté en 2012 et entré en vigueur en 2019, renforce la
lutte internationale contre les émissions de polluants atmosphériques en ajoutant les
particules primaires fines aux quatre composés chimiques définis dans le protocole
de Göteborg de 1999 et en abaissant les plafonds d’émission de polluants. Comme
le souligne le rapport qui vous a été transmis, ces valeurs limites d’émission de
polluants atmosphériques ont déjà été intégrées dans le droit européen par une
directive de 2016. C’est dire que pour la France, l’approbation de l’amendement ne
changera rien, le plan de réduction des émissions de polluants atmosphériques arrêté
par un décret de 2017 étant conforme aux termes de l’accord international.

         Ne croyez pas pour autant que notre collègue rapporteure fait un travail
inutile. L’enjeu de l’approbation est en fait diplomatique, dans le contexte d’une
prochaine renégociation du protocole de Göteborg où la France entend porter une
voix forte pour lutter contre la pollution atmosphérique.

        En votant ce projet de loi, vous direz : « Faites comme moi et suivez-moi. »

        Mme Aina Kuric, rapporteure. Il me revient donc de vous présenter
l’amendement au protocole de Göteborg, dont la ratification est demandée par le
Gouvernement. Ce texte porte sur un sujet difficile pour les moins scientifique
d’entre nous, dont je fais partie. Il s’agit de la réduction de l’acidification, de
l’eutrophisation et de l’ozone troposphérique. Ces dispositions sont très pointues,
surtout si l’on se réfère aux annexes. Pourtant il s’agit d’un texte qui nous concerne
tous, de la façon la plus intime possible, puisqu’il porte sur la qualité de l’air que
nous respirons.

        Une précision préalable importante : ce texte ne traite pas des gaz à effet de
serre comme le dioxyde de carbone ou le méthane, dont les effets sont globaux. En
revanche, il concerne ce que l’on appelle les polluants atmosphériques, c’est-à-dire
ceux qui ont un impact local en fonction des niveaux de concentration observés dans
l’air.
— 24 —

         Ces polluants de l’air ont un coût de plus en plus évident pour nos sociétés.
Ils ont un coût en matière de santé – l’OMS déplore 1,3 million de décès liés à la
pollution de l’air chaque année – et pour les écosystèmes – au travers de
phénomènes comme les pluies acides, les algues vertes ou les pics de pollution
urbain. Ces polluants ont aussi, et c’est beaucoup moins connu, des conséquences
économiques, par la baisse de la productivité au travail.

        Le coût de l’inaction est devenu insupportable pour chacun d’entre nous.

        En 1979, le premier instrument multilatéral destiné à lutter contre la
pollution de l’air a été adopté. La Convention sur la pollution atmosphérique
transfrontière à longue distance (CPATLD), dite de Genève, engageait pour la
première fois les États à limiter, à prévenir et à réduire leurs rejets de polluants
atmosphériques. Cette démarche collective se fondait sur un constat simple : la
pollution de l’air ignore les frontières. Autrement dit, la qualité de l’air ne
s’améliore pas dans un pays si ses voisins ne fournissent pas eux aussi des efforts.
Aux Pays-Bas, par exemple, la pollution d’origine transfrontalière est même
supérieure à celle d’origine locale.

        Les progrès scientifiques s’accélérant, la Convention de Genève a été
complétée par plusieurs protocoles, dont celui qui nous intéresse aujourd’hui : le
protocole de Göteborg de 1999. Il a pour caractéristique de s’attaquer à quatre
polluants bien précis : le dioxyde de soufre, les oxydes d’azote, les composés
organiques volatils et l’ammoniac. Tous ont des conséquences importantes pour la
santé et les écosystèmes. Pour chacun de ces polluants sont prévus, d’une part, des
plafonds d’émissions, d’autre part, des moyens de les atteindre par la définition de
valeurs limites d’émissions par secteur émetteur.

         La troisième et dernière étape est l’amendement au protocole de Göteborg,
adopté en 2012, dont nous sommes saisis. Il a pour objet de renforcer les
engagements de réduction des émissions de deux manières, d’abord en rehaussant,
d’ici à 2020, le niveau fixé pour les quatre polluants que j’ai déjà cités et surtout en
intégrant, pour la première fois dans un accord international, un cinquième polluant,
les particules primaires fines (PM2,5). Cet amendement est donc, s’agissant du fond,
très utile.

        Sa ratification, si notre commission l’autorise, n’aura pourtant aucune
incidence concrète – vous l’avez bien dit, monsieur le président – tout simplement
parce que ces dispositions ont déjà été transposées dans notre droit par une directive
européenne datant de 2016. La ratification aura, en revanche, un intérêt d’ordre
diplomatique. C’est une question de crédibilité pour la France, au moment où nous
tentons de créer une mobilisation internationale à propos des sujets environnements
et où, d’une manière plus incidente, doit s’engager une révision du protocole de
Göteborg, afin de le rendre plus ambitieux.

        Rien ne justifie, chers collègues, qu’il ait fallu près de neuf ans pour que les
autorités françaises se décident à engager la ratification de cet amendement. On peut
Vous pouvez aussi lire