Réflexions prospectives sur la recherche en océanographie physique en Bretagne occidentale - Ifremer
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Réflexions prospectives sur la recherche en océanographie physique en Bretagne occidentale mis en forme par F. Ardhuin, G. Charria, L. Marié, V. Thierry, J.L. Redelsperger, P. Klein Correspondants pour les différents organismes : Ifremer : F. Ardhuin UBO : à déterminer CNRS : J.L. Redelsperger SHOM : S. Louazel IRD : à déterminer Météo-France : M.N. Bouin I. Introduction: contexte, méthode et calendrier Le paysage de la recherche est lié à de multiples facteurs, dont des tendances lourdes de nos sociétés occidentales, en particulier une généralisation des évaluations, qui a abouti à un financement de plus en plus lié à des projets, et l‟émergence d‟une “culture de l‟excellence” qui concentre des moyens sur un petit nombre de chercheurs ou de groupes. Ces tendances contribuent à une évolution du cadre européen et national, mais aussi à la politique des organismes de recherche. Un autre facteur important est la démographie des personnels contribuant à l'effort de recherche. Cette évolution nous incite à repenser en profondeur les possibles objectifs et les moyens de cette recherche, et la manière dont elle relie la curiosité des individus et une émulation collective, à des réponses concrètes à des besoins socio-économiques ou des moyens moins intéressés. Dans ce contexte, l'émergence de campus scientifiques interdisciplinaires, dont celui des sciences marines à Brest, relayée par le département « mer et littoral » de la communauté d'universités et d'établissements Bretagne – Pays de la Loire, est de nature à renouveler les questions scientifiques, et à favoriser l‟originalité et la pertinence de la recherche et l'intensité de ses retombées socio-économiques. Le périmètre couvert par le présent document s‟étend donc de Lannion à Plouzané en passant par Brest. Pour faire plus court, “Bretagne occidentale” sera par la suite remplacé par “Brest”. Pourquoi la physique ? Au-delà des questionnements propres à l‟océanographie physique qui sont traités en détail dans ce document, la physique est une des disciplines des sciences de la mer et du littoral, contribuant aux autres disciplines océanographiques, et de manière plus large l'ensemble des géosciences, des sciences de l‟ingénieur et des sciences humaines. L'océanographie physique fournit des connaissances, des concepts, des outils de modélisation et des méthodes d'observation et de suivi du milieu marin. L'océanographie physique n'est pas une discipline isolée et, en retour, de nombreuses questions sur la dynamique des écosystèmes et des populations, la morphodynamique côtière, la concentration ou dispersion d'espèces chimiques, l'exploitabilité des ressources énergétiques fossiles ou renouvelables … nourrissent la réflexion des physiciens. Plutôt que d'apparaître dépassée, la segmentation disciplinaire peut être la fondation solide sur laquelle une démarche scientifique plus large, pluridisciplinaire et transversale, peut s'appuyer. Les océanographes physiciens qui ont contribué à cette réflexion sont porteurs d'un éclairage particulier sur cet objet fascinant que constitue l'océan, et qui ne demande qu'à être croisé avec d'autres éclairages disciplinaires portant sur l'océan, ses interfaces, et au-delà. 1
Peut-être plus délicate que la fracture disciplinaire, le morcellement des moyens dans plusieurs organismes de recherche peut être aussi bien une richesse, par la diversité des cultures, des expertises mises en œuvre, ou des coopérations internationales, qu'un frein, par une concurrence exacerbée dans un contexte de réduction générale des crédits de recherche. Cette concurrence se retrouve au sein même des laboratoires et des organismes, encouragée par le financement de la recherche sur projets. Ce mode de financement rend le présent exercice de prospective délicat. Ainsi, beaucoup d'avancées scientifiques seront le résultat d'opportunités associées aux succès et échecs à différents appels d'offres. Ce morcellement de l‟activité dans les différents organismes répond généralement à des besoins et missions spécifiques, et le respect de cette diversité est indispensable à toute collaboration. Certaines réalisations, comme cela a été le cas de la mise en place de l'océanographie opérationnelle et du programme Argo, ont montré combien la mise en commun des moyens pouvait aboutir à des réalisations scientifiques et techniques hors de portée des laboratoires ou organismes pris séparément. Pourquoi Brest ? Dans le village global qu'est devenue la communauté scientifique, privilégier l'échelon local peut apparaître ridicule au premier abord. Toutefois c'est parce que la recherche scientifique se nourrit des relations entre personnes que cela a un sens, sans même parler du rôle croissant des collectivités locales, et des différentes initiatives d'excellence. Nous avons donc spécifiquement réfléchi à ce qui faisait l'originalité des moyens et compétences actuels de la place brestoise aujourd'hui, et de sa possible évolution dans les années à venir, dans le cadre d'une communauté mondiale où chacun a un réseau propre de par la politique de son organisme de rattachement et des relations particulières tissées par les uns et les autres. La région brestoise rassemble un grand nombre de spécialistes de la physique océanique, et des champs scientifiques voisins, qui, avec un animation appropriée au travers des structures actuelles (Ifremer, UBO, CNRS/INSU, SHOM, Météo- France, IRD, CEREMA, ENSTA-Bretagne, Telecom Bretagne ...) peut être un écosystème scientifique de premier plan. Un autre atout essentiel du site brestois réside dans l‟existence d‟une offre d‟enseignement et de formation, au niveau Master et Doctorat, unique en France et entièrement consacrée à l‟objet « Mer ». Parmi les différentes spécialités de la « physique des océans », nous avons retenu 4 pôles principaux, qui ne sont ni exclusifs ni représentatifs de toute l'activité scientifique à la pointe bretonne : océan et climats : de l'observation à l‟analyse des mécanismes sous-jacents, océan à très haute résolution, océan côtier, interface air-mer. Ces pôles ne sont pas indépendants les uns des autres. Ils se complètent en abordant des problématiques communes (le climat notamment) sous des angles différents. D'autres pôles auraient pu être constitués, autour de techniques de mesure, par exemple l'acoustique sous-marine. Le descriptif des 4 pôles présentés ci-dessous synthétise les réflexions des chercheurs qui se sont mobilisés pour contribuer à cette prospective. Les chapitres II à V, présentent les contextes, enjeux, problématiques et positionnements des quatre pôles. Le chapitre VI esquisse quelques propositions et le chapitre VII liste les projets en cours impliquant des acteurs brestois. Ce texte a été amendé (et est en cours d‟amendement) : 2
diffusion pour amendements à l'ensemble des contributeurs et organismes de recherche (juillet 2014), rédaction d'un document de synthèse de l'ensemble (aout 2014), diffusion aux participants de la journée de prospective d‟avril 2014 (le 19 septembre 2014). NOUS SOMMES ICI. La version actuelle de ce document est donc encore provisoire. Elle est là pour vous informer de la démarche et vous inciter à vous positionner via le correspondant de votre organisme, les rédacteurs ou bien le responsable de votre unité de recherche, afin de préciser, amender ou corriger le présent document. La suite: Consultation du secteur privé pour échanger sur les besoins en recherche, opportunités, et débouchés des formations (septembre 2014). Le document définitif sera proposé aux directions scientifiques des organismes concernés en octobre 2014, pour une finalisation en décembre 2014… Pour l‟Ifremer, ce document sera présenté au conseil scientifique de l‟Institut, qui se tiendra à Brest les 8 et 9 janvier 2015. 3
II. Océan et climats II.1 Contexte Le pôle brestois s'est impliqué depuis plus de 20 ans dans les programmes d'observation in situ et satellite de l'océan dans la durée, à des échelles de temps pertinentes pour l'étude du climat et de son évolution. Il s'agit en tout premier lieu de la grande échelle océanique, avec des programmes qui ont défini la forme et le périmètre de certains laboratoires du pôle brestois (LPO et LOS) : le World Ocean Circulation Experiment (WOCE), puis CLIVAR, ARGO, et les programmes spatiaux dédiés à la mesure de la température de surface, des vents et des propriétés des glaces de mer, et des vagues. L'IRD a également contribué à ces réseaux d‟observations globaux de par son implication dans l‟initiation et la coordination de PIRATA et les mesures par des navires d'opportunité. Ces programmes sont complémentaires des efforts essentiellement portés sur d'autres techniques et d'autres variables océaniques : le niveau de la mer avec l'altimétrie à Toulouse (Brest travaillant sur l'altimétrie essentiellement pour le vent et les vagues), et la couleur de l'eau à Villefranche sur Mer (LOV) Wimereux (LOG), et dans une moindre mesure Bordeaux (EPOC) et Brest (Ifremer). La multiplication récente des observations in situ et satellite de l'océan permet d'envisager des contributions originales à l'étude intégrée des climats du système terre, d‟autant plus que le site Brestois assure, pour la plupart d‟entre elles, la collecte et la distribution à l‟ensemble de la communauté via le SISMER, le centre de données CORIOLIS et le CERSAT. En complément à cet effort d‟observation et de distribution, le pôle brestois s‟est également fortement impliqué dans DRAKKAR, un groupement de recherche international (GDRI) entre la France, l'Allemagne et le Royaume Uni, dont l‟objectif à long terme est de développer et maintenir dans cette communauté un cadre de simulation numérique de l'océan global qui permette d'adresser les questions d'interactions d'échelles (processus, impacts et paramétrisations) pertinentes pour les études de prévision climatiques et les applications opérationnelles en collaboration avec MERCATOR-Océan. Par ailleurs, un effort particulier a été porté à Brest sur l'effet de l'océan et des interactions air-mer sur le long terme, utilisant des modèles numériques de complexités différentes, qui permettent de révéler l'instabilité de certains états climatiques (e.g. Arzel et al. 2008) et d'interpréter les projections climatiques réalistes. En parallèle de cet effort sur l'océan global, l'importance croissante de la question du changement global conjugué à une forte pression anthropique locale, et son impact sur les écosystèmes côtiers a conduit à des travaux spécifiques en côtier, sur des échelles de temps climatiques. Ces travaux ainsi que les enjeux et objectifs scientifiques spécifiques à l‟océan côtier sont détaillés dans la section IV de ce document. II.2 Enjeux et objectifs scientifiques L‟océan joue un rôle de modérateur du changement climatique en absorbant une part significative du dioxyde de carbone (CO2) émis vers l‟atmosphère par l‟activité humaine. Toutefois l‟absorption du CO2 n‟est pas uniforme à l‟échelle du globe à cause du rôle joué par la dynamique océanique (Perez et al, 2013). L‟océan joue aussi un rôle de modérateur du changement climatique en absorbant une partie de l‟excès de chaleur due à l‟augmentation de l‟effet de serre. Par ailleurs, la zone géographique actuellement la plus impactée par cet excès de chaleur est l'Océan Glacial Arctique et sa périphérie, et ces modifications brutales de l'environnement polaire auront un impact sur l'océan global. Quantifier et comprendre la réponse de l‟océan au forçage anthropique est une priorité des sciences du climat et cette dernière décennie a été marquée par un effort sans précédent pour développer et consolider les systèmes d‟observation de l‟océan. Les données du réseau Argo ont permis de réduire l‟incertitude sur 4
l‟estimation du contenu thermique (e.g. von Schuckmann et al. 2011). Néanmoins, les données Argo échantillonnent les 2000 premiers mètres de la colonne d‟eau ; il n‟y a pas de mesures systématiques en dessous de cette profondeur alors que les observations éparses suggèrent une pénétration des anomalies de contenu thermique en profondeur. Finalement, les projections climatiques du GIEC suggèrent un ralentissement de la cellule méridienne de circulation (MOC, Meridional Overturning Cell), ce qui plaide pour la mise en place et le maintien de réseaux d‟observation complémentaires (Argo, altimétrie, mesures satellites, mouillages et sections hydrographiques répétées dans des régions clés (GOSHIP) qui, au-delà de la surveillance des propriétés des masses d‟eau, permettent de quantifier les variations intégrées de circulation (Mercier et al, 2014). Quand on considère les projections climatiques des scénarios du GIEC, on constate une divergence régionale des projections issues des différents modèles du système Terre. En particulier dans l‟atlantique Nord où l‟on sait que les modèles d‟océan ont une représentation des routes de transport d‟eau chaude vers le nord qui varie très significativement d‟une configuration à l‟autre. Cela est dû à une mauvaise représentation de certains processus (interactions courant-topographie, mélange vertical, marée interne, flux) mais également d‟une résolution encore trop basse dans les simulations actuelles (1/4° à 1/12°) pour résoudre les échelles dynamiques pertinentes. Ceci plaide pour une meilleure identification et représentation des processus dynamiques importants. Dans ce contexte, les quatre objectifs principaux de cet axe sont de : Diagnostiquer l‟état de référence, la variabilité et les tendances de l'état de l'océan (circulation océanique, propriétés des masses d‟eau, concentration en glace de mer ...) et leurs relations avec les forçages (naturels, anthropiques) (en lien avec le pôle “océan côtier”) Améliorer notre compréhension des mécanismes de variabilité du système couplé océan- atmosphère (en lien avec le pôle “interface air-mer”) Améliorer notre compréhension des processus et leur représentation dans les modèles d‟océan (en lien avec le pôle “océan à très haute-résolution”) Améliorer notre compréhension des processus impliqués dans le couplage physique- biogéochimie D‟une manière générale, pour mener à bien ces études nous contribuerons aux systèmes d'observation systématiques (Argo, SST, SSS, banquise, vents, vagues, flux, GOSHIP, mouillages PIRATA) en exploitant les données d'autres systèmes d'observation (altimétrie, couleur de l'eau, salinité, etc..) et en les complétant régionalement par des campagnes in situ pour l'étude de processus ciblés. Nous mènerons également des analyses jointes d'observations in situ et satellite, de simulations numériques réalistes et idéalisées, et de développement théoriques. Cette fusion de données pourra faire l'objet de généralisation au niveau régional comme c‟est prévu en Atlantique Nord dans le cadre du projet Européen AtlantOS (H2020) ou au niveau global dans le cadre de projets comme cela a été le cas dans les projets « Pathfinders Ocean Acidification » et « Oceanflux GreenHouse Gases » financés par l‟Agence Spatiale Européenne. Ces projets s'appuient sur la disponibilité de données satellites, in situ et sorties de modèles pour l'estimation de paramètres liés à l'acidification des océans (At, DIC) et gaz à effet de serre (flux air-mer de CO2) et leurs incertitudes. Ces projets reposent sur la capacité d'archivage de gros volumes de données et de retraitement de ces données. 5
II. 3 Axes de recherche et méthodes d’approche II.3.a Diagnostiquer l’état de référence, la variabilité et les tendances de l’état de l’océan et leurs relations avec les forçages (naturels, anthropiques) Circulation océanique et propriétés des masses d’eau B. Blanke, A. Colin de Verdière, F. Gaillard, P. Lherminier, G. Maze, H. Mercier, M. Ollitrault, V. Thierry, A.M. Treguier Depuis plus de 10 ans maintenant, le site brestois a fortement contribué à diagnostiquer l‟état de référence et la variabilité de la circulation océanique et des propriétés des masses d‟eaux. Ce travail a été mené en Atlantique Nord dans le cadre du projet OVIDE (cf Figure II.4; Mercier et al 2014, Thierry et al. 2008), en Atlantique équatorial dans le cadre des projets EGEE/AMMA et PIRATA (Bourles et al. 2008; Kolodziejczyk et al., 2009, 2014), en Atlantique Sud dans le cadre des projets GoodHope et SAMOC (Meinen et al. 2012) et à échelle globale avec l‟analyse des contenus thermique et halin avec ISAS (von Schuckmann et al. 2009) et avec l‟atlas ANDRO de courants à 1000m de profondeur grâce aux données Argo (Figure II.5, Ollitrault et al. 2013, Ollitrault and Colin de Verdière, 2014). Un tel diagnostic a également été mené dans le domaine côtier (chapitre IV). L‟enjeu pour les 5 prochaines années est non seulement de maintenir les séries temporelles initiées (OVIDE, ARGO, PIRATA) et les indices et produits initiés (indice de MOC, ISAS, ANDRO) pour mettre en évidence les signaux basse-fréquence mais également de développer de nouveaux indicateurs pertinents (surveillance de l‟océan profond, oxygène, thermocline). Les zones géographiques privilégiées sont l‟Atlantique (subpolaire, subtropical et tropical) et l‟océan global. Les études dans l‟océan Austral se poursuivront dans le cadre du LMI ICEMASA et en collaboration avec l‟ENS/LMD (S. Speich). Figure II.4: Intensité de la branche supérieure de la cellule méridienne de circulation (uMOC) à travers la section OVIDE. (Points rouges) uMOC déduite des données hydrographiques OVIDE. (Courbe bleue) uMOC calculée à partir des données altimétriques. (Courbes noires) uMOC déduite de Altimetrie + Argo ou des données du World Ocean Atlas. Il s‟agit maintenant de susciter des analyses jointes des bases de données “océan”, “atmosphère” et “cryosphère” et “hauturier – côtier” afin de poursuivre et compléter le diagnostic de l‟état de référence et la variabilité océanique saisonnière à multi-décennale (circulation 3D, T, S, O2, vagues, banquise, flux air-mer, couleur de l‟eau etc…) y compris les synthèses (contenu thermique, MOC, suivi lagrangien de masses d‟eaux…), d‟identifier les modes de variabilité océanique en lien avec les principaux forçages et modes de 6
variabilité atmosphériques (NAO, ENSO, régimes de temps, etc...), et de bien comprendre le rôle de l‟océan dans le système climatique terrestre et dans sa variabilité. Pour mener à bien ces analyses, la connaissance et la maîtrise des méthodes permettant de traiter une grande quantité et diversité des données parfois à faible rapport signal sur bruit est fondamentale. Il s‟agira de mettre en œuvre des méthodes statistiques pertinentes (eof, analyse spectrale, …) et d‟adopter les méthodes d'analyse issues de la discipline « fouille de données » (classification de données, reconnaissance de forme, etc ...). Figure II.5: Circulation à 1000 mètres déduite de la dérive en profondeur des flotteurs Argo (ANDRO). Hautes latitudes : glaces de mer, icebergs et interactions avec les moyennes latitudes F. Ardhuin, A. Bentamy, B. Chapron, F. Girard-Ardhuin, A. Mouche, A.M. Treguier, J. Tournadre La zone géographique actuellement la plus impactée par le réchauffement global est l'Océan Glacial Arctique et sa périphérie: fonte de la calotte du Groenland, vêlage des icebergs, réduction de l'extension de la banquise arctique. Au-delà, ces modifications brutales de l'environnement polaire ont et auront un impact sur l'océan en général, et sur le gyre subpolaire de l'Atlantique Nord en particulier. Parmi les études en cours, on peut citer par exemple la quantification des flux d‟eau douce associés aux icebergs, et leur impact sur la ventilation des masses d‟eau, ou l‟étude des rétroactions entre icebergs et glace de mer. Un exemple d'étude que l‟on souhaite mener dans le futur concerne la compréhension des mécanismes de variabilité de la circulation et de formation des masses d'eau dans les zones marginales de glace, zones complexes particulièrement difficiles à observer et à représenter dans les modèles. Sur le site brestois, le LOS travaille depuis plusieurs années sur deux composantes particulières des régions polaires : les glaces de mer et les icebergs, en exploitant les données satellites pour la création de bases de données longues, continues, homogènes (disponibles au centre d'archivages Ifremer/CERSAT). Ce travail de création de bases de données se poursuivra dans les années à venir et pourrait rentrer dans le cadre de l'Observatoire Arctique mis en place par l'INSU à Plouzané. Actuellement, un effort est mené dans le cadre du projet européen SWARP pour constituer une nouvelle base de données de houle issue de modèle dans l'Océan Arctique, avec un accent particulier sur la zone marginale de glace. De même, une méthode originale de quantification des courants moyens de surface a été développée pour l'Arctique (projet CNES ACUR et plus globalement projet de l'Agence Spatiale Européenne GlobCurrent) et le LOS a un projet avec Météo- France à Lannion d'améliorer les données de température de surface de la mer en Arctique (projet en partenariat renforcé avec Mercator-Océan, à mettre en place). 7
Il est en effet primordial d'obtenir des séries temporelles longues pour la mise en place d' “'indicateurs” pertinents tels que l‟étendue de la banquise (projet Climate Change Initiative-Sea Ice, de l‟Agence Spatiale Européenne), la quantité de banquise épaisse, la quantité d'eau douce disponible à la fonte des icebergs par exemple (projet CNES Altiberg), ou encore la vitesse de déplacement de la banquise. Le suivi de ces indicateurs permettra une meilleure connaissance des mécanismes et impacts. L‟augmentation de la vitesse de déplacement de la banquise pour une même vitesse du vent met en évidence l'amincissement de la glace au cours des 20 dernières années. La longueur des séries est par ailleurs primordiale, par exemple pour l'étude des icebergs car ils ont un caractère sporadique lié à la génération chaotique d'icebergs géants qui peuvent contenir à eux seuls l'équivalent d'une année de précipitation globale. Cette évolution des propriétés de la banquise et les besoins de prévision météo-océanique en Arctique ne peuvent plus se contenter des approches simplistes utilisées par exemple dans la modélisation des vagues. De même, la rhéologie de la banquise en zone marginale de glace demande un traitement particulier. Le pôle brestois, y compris dans le secteur privé (CLS et OceandataLab) possède une expertise en télédétection, depuis la grande échelle jusqu‟à la très haute résolution, et en modélisation numérique des vagues et de la circulation océanique, qui peuvent compléter idéalement des travaux à la mer réalisés en partenariat par des collègues internationaux. L'extension de la modélisation des états de mer à l'ensemble de l'Arctique pourra aussi permettre d'évaluer la capacité des réseaux de sismographe récemment installés autour du Groenland à détecter des sources de bruit associées à la diffusion des vagues dans la zone marginale de glace. II.3.b Analyse de la variabilité du système couplé océan-atmosphère T. Huck, O. Arzel, A. Colin de Verdière A partir des observations, notamment de SST, différents modes de variabilité ont été décrits dans l'océan Atlantique Nord, notamment l'Atlantic Multidecadal Oscillation/Variability (AMO/AMV) avec une période de 50 à 70 ans (e.g. Knight et al. 2005), mais des analyses plus récentes suggèrent des périodes plus courtes (20-30 ans) dans l'Atlantique (Frankcombe et Dijkstra 2009, Chylek et al. 2011) et plus longues dans l'Arctique (Frankcombe et al. 2010, 2011). Par ailleurs, l'évolution de la MOC à travers la section Ovide (40- 60°N) depuis 1992 (Mercier et al. 2014) montre une forte variabilité interannuelle et quasi-décennale alors que la réanalyse de l'ECMWF ORAS4 depuis 1958 semble produire à 50°N une variabilité de plus basse fréquence et moins régulière. La période et la structure de ces variations basse-fréquence dans l'Atlantique ne sont donc pas claires, et restent perturbées par la superposition du signal de réchauffement climatique. Plusieurs types de mécanismes bien distincts peuvent être responsables de la variabilité océanique. D‟une part, la variabilité forcée par l'atmosphère comme l'oscillation nord-atlantique (NAO), qui est le mode de variabilité principal de la pression atmosphérique au niveau de la mer, et qui présente principalement une variabilité interannuelle mais aussi une variabilité basse fréquence très marquée (Osborn 2006 par exemple), qui pourrait être en avance de phase d'environ 15-20 ans sur l'AMO (Li et al. 2013). D‟autre part, la variabilité interne de la circulation forcée par le vent à grand nombre de Reynolds, qui génère des périodes plutôt interannuelles (e.g. Hazeleger et Drijfhout 2000, Penduff et al. 2011) et la variabilité interne de la circulation "thermique" qui apparaît même à faible Reynolds sur des périodes de 20 à 30 ans et sur laquelle le site Brestois a beaucoup travaillé depuis 15 ans. Enfin, la variabilité couplée à échelle saisonnière à décennale. Néanmoins, les modèles couplés peinent à reproduire les caractéristiques de la variabilité observée, et leur analyse ne permet pas d'en identifier les mécanismes fondamentaux (Hodson et Sutton CD 2012 par exemple). En interprétant des résultats de modèles couplés réalistes avec des études plus ou moins idéalisées, on peut s'attendre à des progrès (Tulloch et Marshall 2012). 8
Dans les 5 prochaines années, nous souhaitons explorer la variabilité basse fréquence océanique en terme de variabilité interne, forcée et couplée. Nous poursuivrons d‟abord l‟étude des mécanismes de variabilité océanique interne (projet TI AMMO), et forcée (projets OVIDE et DRAKKAR). Nous souhaitons également développer des configurations couplées océan-atmosphère simplifiées pour les études de processus. Il convient pour cela d‟attirer des compétences en dynamique atmosphérique. II.3.c Améliorer notre compréhension des processus et leur représentation dans les modèles d’océan Interactions courant-topographie B. Ferron, N. Daniault, P. Lherminier, H. Mercier, C. Talandier, V. Thierry, A.M. Treguier Les structures topographiques telles que les bassins et les rides océaniques ont une influence majeure sur la circulation océanique. Une conséquence classique de la présence des continents est l‟existence des courants de bords ouest alors que les rides océaniques sont connues pour bloquer la propagation des masses d‟eaux profondes. A plus petites échelles, monts sous-marins, zones de fractures, seuils et rugosité du fond affectent la circulation et les masses d‟eaux profondes à travers divers mécanismes dynamiques incluant le forçage de la vitesse verticale et du mélange turbulent vertical. Etudier les processus dynamiques pertinents impliqués dans les interactions entre une bathymétrie complexe et un système compliqué de courants forcés par le vent, les flux de flottabilité, le mélange, la marée et les tourbillons, tels que ceux observés en Atlantique Nord est un réel challenge aussi bien en termes d‟observations que de modélisation car les processus ont lieu sur une large gamme d‟échelles spatio-temporelles. Figure II.1: Schéma de circulation en Atlantique Nord. Cette thématique sera abordée dans le cadre du projet RREX (Reykjanes Ridge Experiment) dans lequel nous étudierons en détail les interactions entre les courants océaniques et la ride de Reykjanes, une structure topographique majeure de l‟Océan Atlantique Nord (Figure II.1). Les trois objectifs du projet sont de : documenter la circulation autour et au-dessus de la dorsale et identifier les processus dynamiques contrôlant la connexion entre les deux côtés de la dorsale quantifier et comprendre la transformation des masses d'eau près de la dorsale déterminer les paramètres clés des modèles de circulation générale permettant une représentation adéquate de la circulation et des transformations de masse d'eau près de la dorsale et fournir des recommandations pour l'amélioration de la composante océanique de la prochaine génération de modèle de climat. 9
Pour atteindre ces objectifs, nous combinerons un jeu de données nouveau et ambitieux (Figure II.2) et des sorties de modèles réalistes avec des expériences en laboratoire et des simulations idéalisées (collaboration avec le LEGI). Le volet modélisation réaliste s'appuiera sur les simulations existantes ou programmées à court terme (modèle ORCA12) mais aussi sur le développement de configurations haute résolution communautaires de nouvelle génération, en collaboration avec le LGGE et en synergie avec MERCATOR- Ocean. La résolution visée est le 1/36° degré. Figure II.2: Schéma de l‟expérience RREX. (Points rouges) Position des stations CTD-O2/ADCP. Un profil VMP sera réalisé une station sur deux. (Points noirs) Position des mouillages courantométriques. (Points jaunes) Position des lâchers de flotteurs Argo par un système automatique de larguage de flotteurs (ASFAR). RREX est la contribution française au projet international OSNAP (US, UK, Canada, Pays-Bas, Allemagne, France, http://www.o-snap.org/ ), il est une des contributions au projet Européen AtlantOS et il contribuera au programme international Argo et à l‟Equipex NAOS pour le déploiement de flotteurs profileurs. Processus de mélange dans l’océan B. Ferron, H. Mercier Le mélange diapycnal, la dissipation d'énergie cinétique et de traceurs sont des paramètres clés qui contribuent à la définition de la stratification des océans et à leur équilibre énergétique. A ce titre, et du fait d'une méconnaissance de la distribution spatio-temporelle de ces paramètres et des processus générateurs, l'état moyen mais aussi dans une certaine mesure la variabilité des modèles de circulation générale sont sensibles à la représentation de ces phénomènes non résolus car de très petite échelle. 10
Figure II.3: Estimation du taux de dissipation d‟énergie cinétique turbulente (log10, unité : W/kg) le long de la section Ovide en 2008 Ovide. Le taux de dissipation est plus fort au-dessus de la ride de Reykjanes. Au cours des 5 prochaines années, nous souhaitons étudier les processus physiques conduisant à la dissipation d'énergie et au mélange (interactions océan-atmosphère, interactions courants-topographie, fronts, tourbillons …), quantifier l‟hétérogénéité spatiale et temporelle du mélange (qui nécessite de nouvelles approches expérimentales) et déterminer son impact sur la circulation et le mélange des masses d‟eau et évaluer sa représentation dans les modèles en testant différentes paramétrisations existantes ou en développant/améliorant de nouvelles paramétrisations. Pour cela, nous mènerons des études de processus à partir d'observations basées sur la micro- et la finestructure océanique (du cm à la dizaine de mètres). Le LPO maîtrise déjà l‟acquisition de telles mesures à partir d‟instruments de microstructure (VMP) qui sont déployés depuis un navire et qui fournissent des profils instantanés. Mais de nouvelles approches expérimentales sont nécessaires pour avoir accès à la variabilité temporelle sur des périodes plus longues des termes de mélange diapycnal et de dissipation d‟énergie et quantifier notamment l'injection d'énergie, sa dissipation et sa propagation en profondeur lors d‟évènements forts tel que les tempêtes. Depuis peu, des solutions apparaissent permettant de quantifier la dissipation/mélange dans le temps : mesures de microstructure sur glider, sur mouillage profilant, sur Provor. Un des enjeux pour les 5 prochaines années est d'acquérir et de maîtriser ces nouvelles techniques pour répondre à nos objectifs. Ces processus seront étudiés dans un premier temps en Atlantique Nord (projet RREX) et en Méditerranée occidentale. La variété des processus générateurs de turbulence (forçage atmosphérique, marée, ondes internes, interactions courant-topographie, tourbillons...) peut permettre de trouver de nombreux sites d‟intérêt et de justifier un investissement en moyens de mesures qui pourront être largement exploités. Ventilation des océans et évolution de la stratification O. Aumont, B. Blanke, G. Maze, H. Mercier, V. Thierry, A. Piron, C. Feucher Les observations montrent une tendance climatique au réchauffement des couches de surface et des couches profondes de l'océan et les projections climatiques montrent que ces tendances se renforceront à l‟avenir sous l‟effet de la constante augmentation de la concentration atmosphérique en CO2 d‟origine anthropique. Le cycle global du carbone s‟en trouvera profondément altéré (à cause des changements induits dans les flux air-mer, la solubilité, le mélange vertical) et avec lui le climat terrestre. Ces évolutions climatiques, passées et à venir, de la structure de l'océan traduisent une évolution de la stratification océanique et du processus de ventilation des masses d‟eau. En effet, les signaux climatiques pénètrent dans l'océan à la faveur du processus de ventilation des masses d‟eau. La ventilation est l‟ensemble des mécanismes par lesquels l‟information d‟une interaction avec l'atmosphère est intégrée dans l'océan. Elle résulte d‟un équilibre entre subduction d‟une masse d‟eau après formation dans la couche de mélange, circulation, mélange et ré- 11
émergence. La variabilité du climat est en grande partie contrôlée par les échelles de temps liées à ce cycle. La dynamique grande échelle de l'océan fait que les signaux climatiques pénètrent lentement l'océan profond par les hautes latitudes et ne peuvent en re-émerger qu'après un laps de temps relativement long (>>20 ans). Par contre, les signaux climatiques pénètrent, circulent et re-émergent plus rapidement aux basses et moyennes latitudes (1-20 ans). Dans la gyre subtropicale, une zone de forte stratification appelée thermocline principale, délimite les masses d‟eau de surface ventilées rapidement et localement et les masses d‟eau profondes ventilées lentement et aux hautes latitudes. Elle pourrait donc participer au contrôle de la re- émergence des signaux climatiques profonds vers la surface. Il est donc nécessaire de mieux documenter et de comprendre les processus fondamentaux qui contrôlent la variabilité de ces éléments. Notre objectif pour les cinq années à venir est de mieux comprendre les mécanismes de formation de la couche de mélange par laquelle les signaux climatiques pénètrent l‟océan intérieur, proposer de nouveaux diagnostics pour le suivi de la ventilation et de la stratification interne (thermocline) et la compréhension des transformations des masses d'eau participant à la ventilation de l'océan intérieur et la compréhension des équilibres dynamiques sous-jacent Pour mener à bien ces études, nous nous appuierons sur les bases de données existantes et tout particulièrement sur l‟incroyable jeu de données du réseau Argo. Il conviendra néanmoins de faire évoluer les systèmes d‟observation vers la surveillance de l‟océan profond et vers une mesure systématique de l‟oxygène afin de mieux suivre les chemins de ventilation. Ces processus seront étudiés dans un premier temps en Atlantique Nord dans le cadre des projets NAOS (Equipex), E-AIMS (FP7) et AtlantOS (H2020). A plus long-terme, l‟étude de la compréhension des équilibres dynamiques contrôlant la thermocline principale concernera les gyres subtropicales de l‟océan global. Les simulations numériques de l'océan global permettent une description honorable de l'organisation spatio- temporelle des traceurs physiques (température et salinité) ou géochimiques (carbone) caractérisant les masses d'eau. La description que l'on peut tirer de leur capture ou de leur restitution par l'océan intérieur fournit ainsi des indications précieuses sur le rôle de l'océan dans la stabilité et l'évolution de la circulation océanique aux échelles saisonnières, interannuelles et décennales. Le mélange turbulent et les courants océaniques jouent par ailleurs un rôle essentiel sur le devenir, par advection et diffusion, de ces traceurs. La quantification des deux processus, précieuse pour la compréhension fine du cycle de nombreux composés biogéochimiques, reste imprécise parce qu'il est compliqué de déconvoluer leurs effets respectifs dans un cadre simplement eulérien. En association étroite avec Keith Rodgers (GFDL, Princeton), Olivier Aumont (LPO et LOCEAN) et Daniele Iudicone (SZN, Naples), nous proposons d'unir une description eulérienne et une description lagrangienne de ces traceurs. Le diagnostic des termes de tendance d'un traceur océanique (et plus particulièrement les effets respectifs du mélange vertical et du mélange horizontal) le long de trajectoires effectivement suivies par des masses d'eau définit un cadre d'étude prometteur pour l'analyse de la circulation méridionale de renversement associée aux cellules subtropicales. Les constantes de temps advectives associées à ces cellules sont en effet compatibles avec la description explicite de la circulation par des flotteurs numériques, pour des simulations numériques plutôt bien ajustées au forçage de surface. II.3.d Couplage physique-biogéochimie B. Blanke, B. Chapron, F. Girard-Ardhuin, P. Lherminier, H. Mercier, Y. Quilfen , N. Reul Dans les cinq prochaines années, nous poursuivrons les collaborations avec des biogéochimistes (F. Perez, IIM Vigo, LEMAR, etc..) afin d‟étudier l‟impact de la dynamique océanique sur le cycle du carbone et des 12
éléments traces (paléoclimats) (campagnes OVIDE, projets GEOVIDE, BOCATS) et de progresser dans notre compréhension du stockage du carbone anthropique dans l‟Atlantique Nord. Nous continuerons également notre collaboration avec Keith Rodgers (GFDL, Princeton), Olivier Aumont (LPO et LOCEAN) et Daniele Iudicone (SZN, Naples) pour étudier le rôle du mélange turbulent et des courants sur le devenir, par advection et diffusion, des traceurs physiques et biogéochimiques (carbone). La quantification de ces deux processus est en effet précieuse pour la compréhension fine du cycle de nombreux composés biogéochimiques. L‟acidification des océans (projet Agence Spatiale Européenne Pathfinders Ocean Acidification) est une préoccupation majeure actuelle puisqu‟elle menace directement la biodiversité marine. Le retrait de la banquise en Arctique ces dernières années tend à accélérer les échanges air-mer et notamment les échanges de CO2 (projet Agence Spatiale Européenne OceanFlux Greenhouse Gases), ce qui rend ce bassin particulièrement vulnérable. Il y a réel enjeu à la quantification de l‟acidification des océans qui regroupe à la fois les composantes physique et chimie, impliquant également la biologie. C'est un exemple d'étude pertinente et interdisciplinaire difficile mais rendue sans doute possible par les progrès accomplis jusqu‟ici dans les mesures aussi bien que dans la modélisation du milieu marin. Des projets récents ou en cours montrent la faisabilité d'estimations plus fines de ces paramètres en utilisant conjointement des mesures (satellites, in situ) et les sorties de modèles (projets Pathfinders Ocean Acidification et OceanFlux Greenhouse Gases), ces résultats doivent servir la communauté recherche et donnent un aperçu des nombreuses possibilités de combinaisons de données multi-capteurs mais également satellites-in situ- modèles. II.4 Forces/faiblesses – opportunités/risques Une force du site Brestois est son expertise sur la donnée in situ et satellitale utilisée pour ses analyses scientifiques. Il contribue significativement au développement, pérennisation et gestion de certains systèmes d'observation systématiques (Argo, SST, SSS, bouées fixes de type PIRATA, banquise, vent, icebergs, flux, ...) et il maîtrise l‟acquisition de données in situ (T, S, O2, courant, dissipation) lors de campagnes océanographiques qui requiert une très grande technicité pour fournir des données dont la qualité satisfait aux standards internationaux. Cette capacité à mener des campagnes d‟observation dans différents domaines simultanément est une des forces majeures du site Brestois. Elle repose sur plusieurs groupes techniques présents sur le site Brestois (DT INSU, US IMAGO de l‟IRD, groupe techniqe TOIS du LPO) dont les compétences en mesures à la mer doivent être maintenues et consolidées et sur des équipes scientifiques capables de proposer et de mener de nouvelles expériences en mer. Une autre expertise originale et reconnue est l‟interprétation de mesures de télédétection spatiale, en particulier dans le domaine micro-onde au LOS, et en optique au CMS-Lannion. Cette capacité est déterminante pour affiner la précision et la continuité des séries entre différents capteurs, qui sont utiles pour répondre à des questions liées à la détection du changement global (indicateurs de qualité) aussi bien qu'à la connaissance des mécanismes et impacts (circulation océanique, échanges air-mer, étude de processus, etc…). Toutefois, la production des données spatiales a d‟abord été tirée par les besoins du temps réel, et c‟est encore largement le cas. Cette production, tout comme le retraitement systématique (comme c‟est le cas actuellement avec les missions ERS) demande une organisation dédiée et d‟importants moyens de stockage et traitements. Le positionnement de cette organisation et de ces moyens est un enjeu important. Intégrés aux laboratoires de recherche, ces moyens peuvent contribuer à transformer un idée en démonstration qui peut être un nouveau produit (par exemple la glace de mer issue des diffusiomètres ou bien les vents forts dérivés de la mission SMOS). S‟ils sont trop éloignés, il y a un risque d‟obsolescence, comme c‟est le cas actuellement de la partie “CPDC” du Centre Aval de Traitement des Données SMOS, dont il semble qu‟il n‟y ait aucun utilisateur. 13
L‟expertise unique du site Brestois sur ces différents jeux de données lui donne l‟opportunité unique de développer et pérenniser des jeux de données combinant des mesures in situ et satellite et de constituer des séries temporelles homogènes incluant des données d‟origine diverses (eg Argo + ARVOR-C + PIRATA + Recopesca + CERSAT). Cela permettrait en outre de créer une synergie hauturier–côtier en instrumentation (profileurs, transmission temps réel) qui fait actuellement défaut. Une des difficultés concerne l‟accès à ces données qui n‟est pas centralisé. Le temps dédié à la récupération des données se fait au détriment des analyses scientifiques. La création du pôle de données océan est un opportunité à saisir pour augmenter la visibilité et l‟accès aux données, via un ou plusieurs centres d‟expertises (voir propositions au chapitre VI). Par ailleurs, les bases de données marines, alimentées par les mesures satellites et instruments autonomes comme les flotteurs du réseau Argo, sont de plus en plus grandes (plusieurs dizaines de gigaoctets et teraoctets) et changent d‟heure en heure. Cette augmentation spectaculaire de la dimension et de la complexité des données engendre un risque de difficulté d'exploitation avec les outils standards. Or l‟analyse de ces très grandes bases de données offre l'opportunité de réaliser de nouvelles découvertes scientifiques sur la dynamique des océans à grande et petite échelles, et de détecter/attribuer les changements climatiques régionaux et globaux. Nous avons initié une stratégie innovante basée sur l'usage des méthodes "d'intelligence artificielle" ou de "fouille de données" issues des technologies de l'information et de la télécommunication (TIC) et qui sont adaptées au problème. Dans les années à venir, nous continuerons donc d'oeuvrer pour lever ces verrous et améliorer notre compréhension du système couplé océan-atmosphère en collaborant avec les chercheurs d'autres disciplines (mathématiques, informatiques) et en développant de nouvelles méthodes statistiques d'analyse adaptées aux très grandes bases de données in-situ et satellites. Notre proximité avec le centre Coriolis et le CERSAT constituera un atout majeur dans cette perspective. Le risque principal dans l‟observation de la variabilité climatique concerne l‟arrêt des séries temporelles existantes et surtout des produits à forte valeur ajoutée scientifique qui en sont issus (analyses ISAS, Atlas ANDRO sur les trajectoires, base de données flux au CERSAT) par manque de moyens dont les moyens humains (départ en retraite et changement d‟activité des personnels portants ces projets). Ce risque doit être mis en regard de l‟opportunité de développer de nouveaux produits ou des séries temporelles longues pour de nouvelles variables dans le domaine (oxygène, toutes variables dans l‟océan profond, couche de mélange, dissipation) dont on maîtrise la technique d‟acquisition, pour lesquelles nous avons une reconnaissance internationale et qui sont fondamentales pour nos études. Un des enjeux pour les équipes de recherche impliquées dans ces activités est de trouver le point d‟équilibre entre les efforts consentis pour générer des jeux de données et produits pour toute la communauté scientifique, et leur exploitation. Il s‟agit aussi de garder la motivation des personnels impliqués dans la durée. Ces deux aspects sont communs à toutes les activités de service et sera développé au paragraphe VI (propositions). En terme de modélisation numérique, une des forces du site Brestois réside dans son implication dans le GDRI Drakkar ce qui lui permet de contribuer au développement des simulations communautaires globales et de participer aux choix stratégiques associés. Un des objectifs est de réaliser et/ou de contribuer à des simulations numériques longues (global 1/12°; régional 1/36°) remis à jour tous les 2 ans, ce qui soulève un problème lié à la continuité et à l‟homogénéité des forçages. Le travail nécessaire sur les forçages sera donc l‟opportunité de renforcer encore en peu plus les collaborations entre le LOS et le LPO. Par ailleurs, le développement de configurations haute résolution communautaires de nouvelle génération (1/36° degré) bénéficiera au projet RREX et sera aussi une opportunité pour d'autres projets scientifiques du site brestois, en cours ou en gestation, de se fédérer autour de ces configurations “haute résolution”. Dans le domaine de la modélisation réaliste une autre opportunité du site Brestois est de s‟orienter vers la modélisation couplée (validation des modèles d‟océan utilisés pour les scénarios du GIEC) ou en "couplé guidé", une nouvelle méthode de forçage de l'océan par l'atmosphère qui permettrait de représenter les flux air-mer de manière plus réaliste qu'actuellement. Ce volet s'inscrirait dans un contexte national en contribuant à la mise au point de la composante océanique commune aux deux modèles couplés de l'IPSL et du CNRM-Cerfacs dans le 14
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