Repenser la mobilité Brot für alle

 
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Repenser la mobilité Brot für alle
Nº 3 / 2020

                                                                            Repenser la
                                                                            mobilité
Le magazine pour « lire et agir »

                                                                            En route vers l’avenir

                                             a t i o n a l es
                                      Multipnonsablest !
                                       r e s maintenan
                                                    UI
                                          votez O

                                    Initiative – L’heure de     Aide d’urgence face au
                                    vérité a sonné              Covid-19
                                    Page 3                      Page 6
Repenser la mobilité Brot für alle
Éditorial                                                            Contenu                                        2

                                                                     		 Initiative Multinationales
                                                                      4 Les raisons de voter OUI !
Chère lectrice, Cher lecteur,                                        		 Gestion des crises
                                                                      6	La confiance, gage de
En Suisse, le trafic routier est à l’origine de 32 % des émissions        réussite
de CO2 et constitue ainsi un gros obstacle à la réalisation
des objectifs de l’Accord de Paris. Prendre nos responsabilités      		 Vue du Sud
                                                                      8	« L’agroécologie nous guide
implique de revoir notre approche de la mobilité.                         sur la bonne voie »

La qualité des transports publics en Suisse fait qu’il est re­            En transition
lativement facile de se passer de véhicule privé, chose moins        9	Aider les paroisses à
                                                                          se mettre au vert
évidente dans les pays de nos partenaires au Sud. Ici comme
là-bas, la réduction des distances parcourues pour se rendre au           Dossier
travail améliore la qualité de vie et préserve le climat.            10	La mobilité de demain

                                                                     12	Le coût social de la mobilité
La substitution des véhicules à essence par des automo-                   électrique
biles électriques dépend de la production de batteries au
                                                                     15	Fabricants sous la loupe
lithium-ion – les accumulateurs les plus couramment utilisés –
qui contiennent des minerais dont l’extraction présente
des risques sociaux et écologiques considérables.
C’est là un des revers de la mobilité électrique : le secteur
                                                                                   t i o n a l e s
                                                                          Multipnaonsablest !
minier enregistre un grand nombre de plaintes pour violations
des droits humains.
                                                                           r e s aintenan  UI m
Il est indispensable de légiférer pour mettre un terme à ces abus.              votez O
Pour cette raison, le 29 novembre, glissons dans l’urne un
OUI convaincu « pour des multinationales responsables » afin
de protéger les droits humains et l’environnement.
                                                                                                                          Page de titre : © Stuart Freedman/Panos Pictures. Photo : Patrik Kummer

                                                                           Impressum
                                                                           Publication Pain pour le prochain, 2020
                          Bernard DuPasquier                               Rédactrice en chef Pascale Schnyder (pst)
                                                                           Rédaction Daniel Tillmanns (dt),
                          Directeur de Pain pour le prochain               Lorenz Kummer (lk)
                                                                           Gabriela Neuhaus (gn)
                                                                           Michel Maxime Egger (mme)
                                                                           Karin Mader (km)
                                                                           Mise en page et réalisation
                                                                           Crafft, Zurich
                                                                           Travail sur les photos Schellenberg Druck AG
                                                                           Impression Druckerei Kyburz AG
                                                                           Tirages 30 481 DE / 8 267 FR
                                                                           Paraît quatre fois par an
                                                                           Prix CHF 5.– par donateur / donatrice
                                                                           sont utilisés pour l’abonnement
                                                                           Contact Pain pour le prochain
                                                                           ppp@bfa-ppp.ch, 021 614 77 17

Perspectives 3 / 2020
Repenser la mobilité Brot für alle
Initiative multinationales responsables                                                                                                                      3

                                                                                                                                             siennes les principales revendications des Na-
                                                                                                                                             tions Unies en matière d’obligation de dili-
                                                                                                                                             gence et l’Union européenne a décidé au prin-
                                                                                                                                             temps 2021, au beau milieu de la pandémie, de
                                                                                                                                             mettre en consultation une loi créant une obli-
                                                                                                                                             gation de diligence pour les entreprises et des
                                                                                                                                             mécanismes de sanction. En Grande-Bretagne,
                                                                                                                                             au Canada et aux Pays-Bas, les personnes lé-
                                                                                                                                             sées peuvent aujourd’hui déjà saisir la justice
                                                                                                                                             pour obtenir réparation.

                                                                                                                                             Une initiative largement soutenue
                                                                                                                                             La décision décevante du Parlement, à mettre
                                                                                                                                             en premier lieu sur le compte du lobbying
                                                                                                                                             acharné mené par les grandes fédérations éco-
                                                                                                                                             nomiques, contraste avec le vaste appui que la
                                                                                                                                             population accorde à notre initiative. Ainsi,
                                                                                                                                             plus de 160 politicien·ne·s du PBD, du PDC, du
                                                                                                                                             PEV, du PLR, des Vert’libéraux et de l’UDC ont
                                                                                                                                             formé un comité bourgeois pour lui donner
                                                                                                                                             leurs suffrages. Un autre comité, « Économie
                                                                                                                                             pour des entreprises responsables », regroupe
                                                                                                                                             des représentant·e·s de pratiquement toutes les
                                                                                                                                             branches économiques de notre pays et compte
                              Le 29 novembre, la Suisse votera sur l’initiative pour des multinationales responsables. Depuis des            encore plus de membres. Dans les milieux
                              mois, des milliers de drapeaux font la promotion du OUI.                                                       d’Église, l’initiative dispose déjà d’un soutien
                                                                                                                                             si vaste que les évêques et l’Église évangélique
                                                                                                                                             réformée de Suisse (EERS) se sont eux aussi po-

                              L’heure de vérité
                                                                                                                                             sitionnés en sa faveur. Selon un sondage réalisé
                                                                                                                                             en avril 2020, 78 % des électeurs et électrices
                                                                                                                                             indiquaient soutenir l’initiative, soit 11 % de
                                                                                                                                             plus qu’en février 2019.

                              a sonné
                                                                                                                                                  L’initiative a donc toutes les chances de
                                                                                                                                             passer la rampe. « Je me réjouis de commencer
                                                                                                                                             la campagne de votation, car nous pourrons
                                                                                                                                             présenter une fois de plus les enjeux de l’initia-
                                                                                                                                             tive », indique Chantal Peyer, qui ajoute que ce
                                                                                                                                             sera en effet l’occasion d’amorcer un débat sur
                              Le Parlement s’est longtemps évertué à formuler un                                                             le modèle économique vers lequel nous vou-
                              contre-projet acceptable à l’initiative, en vain. La variante                                                  lons nous diriger. « L’initiative ne demande
                                                                                                                                             qu’une chose qui devrait aller de soi : que les
                              édulcorée du lobby des entreprises s’étant imposée, c’est                                                      entreprises réparent les atteintes qu’elles
                              le peuple qui tranchera fin novembre.                                                                          portent aux droits humains et à l’environne-
                                                                                                                                             ment. » — Pascale Schnyder

                                                                                                                                             Tous les arguments sur :
                              Le grand jour est pour tout bientôt : après trois         insuffisant. « Les Chambres ont vidé l’initiative    www.ppp.ch/multinationales
                              ans de débats politiques animés, l’initiative             de sa substance, et leur projet n’empêchera au-
                              pour des multinationales responsables passera             cune atteinte aux droits humains ou à l’envi-
                              enfin devant le peuple. En effet, le contre-pro-          ronnement », déplore Chantal Peyer, cheffe
                              jet indirect adopté par les Chambres fédérales            d’équipe Entreprises et droits humains chez
                              le 4 juin n’est qu’une pirouette, car il exige sim-       Pain pour le prochain.
                              plement des multinationales qu’elles rendent
Photo : mises à disposition

                              compte des problèmes liés aux droits humains               La Suisse de nouveau lanterne rouge
                              et à l’environnement, sans les tenir respon-              Avec la décision prise sous la Coupole fédérale,
                              sables de tout abus qu’elles commettraient.               la Suisse se retrouve une fois de plus à la traîne
                              Pour les promoteurs de l’initiative, dont fait            des événements internationaux. Ainsi, la
                              partie Pain pour le prochain, c’est largement             France a adopté en 2017 déjà une loi qui fait

                              Perspectives 3 / 2020
Repenser la mobilité Brot für alle
Initiative – Votation                                                                                    4

                                                  Glencore (RDC)
        Les raisons                               En février 2019, un déversement d’acide très toxique,
                                                  destiné à une filiale de Glencore, s’est produit aux
                                                  abords de Kolwezi à la suite d’un accident. Vingt et une

        de voter
                                                  personnes ont perdu la vie, huit autres ont été grave-
                                                  ment brûlées. Un nouvel accident s’est produit peu de
                                                  temps après sur la concession de KCC, autre filiale
                                                  de Glencore, avec un bilan d’au moins 30 morts et de
                                                  nombreux blessés. Le rapport de durabilité 2019
                                                  de Glencore passe ces deux tragédies sous silence,

        OUI !
                                                  précisant qu’aucune grave atteinte aux droits hu-
                                                  mains n’a entaché les activités extractives du groupe
                                                  aux quatre coins du globe. Cet écart entre les belles
                                                  paroles couchées sur les brochures en papier glacé de
                                                  Glencore et la réalité n’est pas un fait isolé. Depuis
                                                  dix ans, Pain pour le prochain recense et analyse des
                                                  abus de ce genre, en collaboration avec ses parte-
                                                  naires locaux, et aide les victimes à faire valoir leurs
                                                  droits. Pollution de rivières et de champs, conflit
                                                  latent entre le groupe et les mineurs artisanaux locaux,
                                                  agressions par le personnel de sécurité de Glencore
                                                  ou encore nuages de poussière soulevés par les
                                                  camions qui font littéralement suf­foquer les riverains
                                                  des routes. Les atteintes sont aussi nombreuses que
                                                  variées. Toutes les assurances formulées publique-
                                                  ment par Glencore – le groupe s’engage à respecter les
                                                  droits humains et les normes environnementales – ne
                                                  sont que du vent. Sans obligation de diligence ni
                                                  mécanismes de sanction, comme le demande l’initia-
                                                  tive pour des multinationales responsables, ce n’est
                                                  pas demain que les victimes verront enfin leurs droits
                                                  respectés.

« Aucune entreprise ne devrait réa-
liser de bénéfices au détriment des
personnes et de l’environnement. »
                                                                                                                    : mises à disposition, Meinrad Schade

Samuel Schweizer, Ernst Schweizer AG   « Les entreprises doivent être
                                       responsables, car nous sommes
                                       tous responsables de la Création. »
                                                                                                             Fotos: XXY
                                                                                                             Photos

                                       Gabriela Allemann, présidente des Femmes protestantes en Suisse

Perspectives 3 / 2020
Repenser la mobilité Brot für alle
Rubrik – Votation
             Initiative                                                                                                         5

             Socfin, Libéria
             Le groupe agro-industriel luxembourgeois Socfin
             et ses filiales suisses Sogescol et Socfinco sont des
             fleurons du secteur du caoutchouc qui permet de
             réaliser de juteux bénéfices, car la demande ne cesse
             de croître pour ce produit naturel entrant notamment
             dans la composition de pneus, de sangles et de colles.
             Ces affaires florissantes contrastent avec la tragédie
             que vit la population du Libéria en raison de l’expansion
             effrénée des plantations.
             Lors d’une étude consacrée à Socfin, Pain pour le
             prochain a notamment recensé des atteintes aux droits
             fonciers, des déplacements de population et des actes
             de violence. Les habitant·e·s d’au moins 24 villages
             ont été dépouillés des terres dont ils sont propriétaires
             en vertu du droit coutumier, certain·e·s ayant même
             été délogés manu militari. Par ailleurs, les plantations

                                                                                     t i o n a l e s
             ont détruit des cimetières, des bois sacrés ainsi que
             des systèmes d’alimentation en eau et les villageois·e·s
             sont nombreux à se plaindre que les pesticides des                i n a
                                                                           Mult ponsabtl!es
                                                                            resvotez maintenan
             plantations polluent leurs sources d’eau.
             Dans les plantations, les intimidations et les actes de
             violence sont à l’ordre du jour. Les femmes, notam-
             ment, dénoncent les violences sexuelles que com-
             mettent les sous-traitants et certains membres du
             personnel de sécurité sur les plantations.
             Selon les Principes directeurs de l’ONU relatifs aux
             entreprises et aux droits humains, il incombe à Soges-
             col et à Socfinco de prévenir toute atteinte aux droits
             humains liée à leurs activités, mais cette affaire montre
             bien que les droits de la population locale ne sont pas
             suffisamment garantis par un régime non contraignant
             qui ne prévoit pas de mécanisme de plainte.

                                                                           « Si nous pouvons poursuivre
                                                                           une entreprise dans le pays
                                                                           où elle a son siège, les multi­
                                                                           nationales modifieront leurs
                                                                           pratiques et la prévention des
                                                                           atteintes aux droits humains
             « De mon point de vue, il est clair                           aura fait un grand pas en avant. »
             que la liberté et la responsabilité                           Sœur Nathalie, avocate et religieuse en République
Fotos: XXY

             entrepreneuriales vont de pair »                              démocratique du Congo

             Peter Arbenz, ancien conseiller municipal de Winterthur PLR
             Perspectives 3 / 2020
Repenser la mobilité Brot für alle
Gestion des crises                                                                                                  6

La confiance,
                                                                      « Nous sommes comme une grande famille,
                                                                      nous ne pouvons laisser tomber maintenant
                                                                      nos tisserand·e·s », a déclaré Tanveer Jahan, la
                                                                      responsable de Label STEP au Pakistan en avril
                                                                      2020, au moment où la pandémie de Covid-19

gage de réussite
                                                                      alarmait et paralysait le monde entier. La
                                                                      demande de tapis s’est effondrée en raison
                                                                      du confinement, de sorte que de nombreux
                                                                      noueurs et noueuses se sont retrouvés du jour
                                                                      au lendemain sans emploi et, par conséquent,
                                                                      sans revenus. « Auparavant, ils vivaient déjà
L’ancrage local des organisations partenaires                         dans des conditions précaires et touchaient un
                                                                      salaire si modique qu’ils ne pouvaient pas
de Pain pour le prochain a permis une aide                            mettre de l’argent de côté », a-t-elle ajouté. Au-
rapide et efficace lors de la crise de Covid-19.                      tant dire que les noueurs et noueuses dé-
                                                                      pendent désormais de la solidarité de l’en-
                                                                      semble de la branche et de toute la société.
                                                                           L’organisation Label STEP, qui a son siège
                                                                      en Suisse, œuvre depuis un quart de siècle à
                                                                      l’amélioration des conditions de travail et de
                                                                      vie dans le secteur du tapis, en luttant notam-
                                                                      ment pour abolir le travail des enfants et pour
                                                                      garantir des salaires décents. Au fil de ces an-
                                                                      nées d’engagement, STEP a tissé un réseau
                                                                      d’organisations locales, même dans les
                                                                      contrées les plus éloignées. Connaissant par-
                                                                      faitement la réalité locale, ses collaborateurs
                                                                      et collaboratrices savaient parfaitement
                                                                      quelles familles avaient besoin d’une aide
                                                                      d’urgence durant la crise de Covid-19.
                                                                           Pour garantir une aide à la fois rapide et
                                                                      efficace, Label STEP a lancé un fonds d’ur-
                                                                      gence coronavirus, auquel Pain pour le pro-
                                                                      chain a versé 50 000 francs. De mars à juin
                                                                      2020, l’organisation est ainsi venue en aide à
                                                                      quelque 3000 familles parmi les plus touchées
                                                                      d’Inde, du Pakistan, du Népal, d’Afghanistan
                                                                      et d’Iran en leur fournissant denrées alimen-
                                                                      taires et matériel de prévention.

                                                                      Souplesse et pragmatisme au service des
                                                                      plus démunis
                                                                      Les tisserand·e·s de STEP n’ont pas été les
                                                                      seules personnes en situation précaire, mena-
                                                                      cées d’exclusion sociale et de faim, à bénéficier
                                                                      de l’aide d’urgence fournie par des partenaires
                                                                      de Pain pour le prochain. L’organisation
                                                                      COFERSA au Mali a pu dispenser un soutien à
                                                                      des villageoises qu’elle accompagne depuis
                                                                      des années. Et elle a fait d’une pierre deux
                                                                      coups : elle a acheté à de nombreuses pay-
                                                                      sannes les aliments agroécologiques qu’elles
En Afghanistan, des employés de Label STEP ont distribué des colis    n’ont pu écouler en raison de la fermeture des
alimentaires à des tisserand·e·s dans le besoin lors de la crise de   marchés – leur procurant ainsi un revenu – et
Covid-19 au printemps 2020.
                                                                      a fourni des aliments sains à des familles dans
                                                                      le besoin. Au Cameroun, RADD a distribué des
                                                                      kits (constitués de masques, de savons et
                                                                      de bidons d’eau), afin que les bénéficiaires

Perspectives 3 / 2020
Repenser la mobilité Brot für alle
Gestion des crises                                                                                         7

                      Au Népal, Label STEP a soutenu des noueuses de tapis au chômage. En raison du
                      confinement, elles ne pouvaient pas rentrer dans leurs villages.

                      puissent respecter les consignes d’hygiène.            chômage partiel comme en Suisse reste un
                      « Un geste très apprécié par ces femmes qui            rêve inaccessible. Afin d’atténuer les consé-
                      sont normalement laissées pour compte », ex-           quences des futures crises, Label STEP a ren-
                      plique Marie Crescence Ngobo, la directrice du         forcé au Pakistan son engagement en faveur de
                      RADD à l’origine de cette action. En Indonésie,        l’amélioration des conditions de travail et, en
                      notre partenaire Walhi a opéré un volte-face           particulier, de la création d’un fonds d’urgence
                      spectaculaire. Après avoir annulé, comme par-          pour les noueurs et noueuses alimenté par
                      tout, l’ensemble des formations et des ateliers,       l’État et par les employeurs. Pour Tanveer
                      cette organisation de défense de l’environne-          Jahan, cette crise a clairement montré l’impor-
                      ment s’est reconvertie en prestataire d’aide           tance de la lutte pour des salaires équitables et
                      d’urgence et a distribué des équipements de            pour de bonnes conditions de travail. La coor-
                      protection partout là où la propagation de             dinatrice de STEP conclut par une métaphore
                      Covid-19 les rendait nécessaires.                      empruntée à la branche : « Pendant trop long-
                                                                             temps, nous avons bien trop balayé sous le ta-
                      L’importance capitale des salaires équi-               pis. Il est désormais temps de le soulever ! »
                      tables                                                 — Gabriela Neuhaus
                      « Les besoins sont énormes », déclare Tanveer
                      Jahan. Elle précise que les tisserand·e·s sont
                      totalement démunis, car ils reçoivent des sa-
Photos : Label STEP

                      laires si misérables qu’ils ne peuvent pas                             Votre don contribue à renforcer
                                                                                Lire et      et à protéger les personnes lors
                      mettre d’argent de côté en prévision des crises
                                                                                 Agir        de situations d’urgence.
                      comme celle de Covid-19. Bénéficier d’une as-
                                                                                             CCP 10-26487-1
                      surance-chômage et d’indemnités en cas de

                      Perspectives 3 / 2020
Repenser la mobilité Brot für alle
Vue du Sud                                                                                                                           8

                                                                                                               1/3
                                                                       Octavio Sanchez est directeur de
                                                                       l’organisation hondurienne Anafae,
                                                                       partenaire de Pain pour le prochain.

                                                                                                               de la population du
              « L’agroécologie nous guide sur                                                                  Honduras a moins
                                                                                                               de 15 ans
                      la bonne voie »
      Selon toute probabilité, le coronavirus est ar-
      rivé au Honduras de Suisse et d’Espagne : début
      mars 2020, deux femmes en provenance d’Eu-
      rope ont été testées positives. Le 16 mars, le
      gouvernement décrétait l’état d’exception, qui
      a aggravé la militarisation du pays et les at-
                                                           Au début, nous étions aussi gagnés par l’in-
                                                           quiétude à Anafae – chacune et chacun chez
                                                           soi –, mais nous avons rapidement repris nos
                                                           activités grâce à nos réseaux. Nous avons ainsi
                                                           lancé une campagne médiatique intitulée
                                                           « Nous nous protégeons afin de continuer à
                                                                                                               5,5
                                                                                                               millions de dollars
      teintes aux droits humains. Nous ne pouvions         produire des aliments sains. » Nous voulons
                                                                                                               US ont été envoyés
      quitter notre domicile pour faire des achats         que les gens cessent d’avoir peur et que les pay-   par les migrants
      qu’une fois toutes les deux semaines.                san·ne·s obtiennent la reconnaissance qu’ils
           Le gouvernement disposait d’environ             méritent. N’est-ce pas eux qui fournissent les      honduriens à leur
      quatre milliards de dollars pour gérer la crise,     aliments de base à toute la population ?            famille
      apportés notamment par la Banque mondiale.                Nous produisons aussi du matériel d’infor-
      Personne ne sait au juste à quoi cet argent a été    mation sur les mesures de protection et de pré-

                                                                                                               62 %
      utilisé, la corruption étant omniprésente au         vention nécessaires, à l’intention en particulier
      Honduras. Une partie a été versée à de grands        des petits producteurs, des dispensaires, des
      propriétaires et à des entreprises d’exportation     communautés et des écoles en zones rurales.
      de produits agricoles, à qui l’État a attribué par   Par l’entremise de nos organisations membres,
      décret des terres communautaires afin qu’ils         nous venons également en aide aux familles qui
      produisent des aliments. Or, ce sont surtout les     n’ont plus les moyens d’acheter de l’huile, du
      familles paysannes qui nourrissent le pays, ce       riz, du savon et d’autres articles d’hygiène.
      qui n’empêche pas le gouvernement de les                  Par rapport aux citadin·e·s, les familles      de la population
      ignorer. À cause du décret, les communautés          paysannes qui possèdent une parcelle s’en           hondurienne, qui
      rurales risquent de devoir céder encore davan-       sortent relativement bien. La crise nous montre
      tage de terres à l’agro-industrie.                   clairement que l’approche de l’agroécologie         compte quelque
           En dépit de la flambée persistante du
      nombre de personnes infectées, les entreprises
                                                           nous guide sur la bonne voie : quiconque pro-
                                                           duit du maïs, des haricots, des fruits et des lé-
                                                                                                               9,5 millions de per-
      ont repris leurs activités à partir de la mi-juin.   gumes et élève quelques animaux de basse-           sonnes, vivaient
      Ce sont surtout les maquilas qui ont exercé de       cour ne connaît pas la faim.
      fortes pressions. Ces zones franches produisent           La pandémie montre toute l’importance de
                                                                                                               déjà dans la pauv­
      des articles textiles et des pièces de rechange      la lutte pour le droit à la terre et aux semences   reté avant la crise
      automobiles pour le marché américain. La si-         et de la promotion des marchés locaux et des
      tuation est dramatique à Tegucigalpa et à San        liens communautaires, une façon de garantir
                                                                                                               de Covid-19
      Pedro Sula, les deux principaux centres ur-          une existence digne en dehors du système ca-
      bains : à la pénurie d’aliments s’ajoutent les dé-   pitaliste déprédateur. Dès lors, Anafae conti-
                                                                                                                                         Photo : Tina Goethe

      cès des malades, faute d’oxygène et de lits dans     nuera à défendre les droits humains et la sou-
      les hôpitaux.                                        veraineté alimentaire.

Perspectives 3 / 2020
Repenser la mobilité Brot für alle
En transition                                                                                                                                     9

                            Aider les paroisses à se
                            mettre au vert
                            EcoEglise propose un écodiagnostic, des outils et un réseau pour
                            soutenir les communautés chrétiennes dans leur engagement
                            écologique.

                                                                                                                                  Coq Vert
                                                                                                                                  Le système de management envi­
                                                                                                                                  ronnemental « Coq Vert » aide les
                                                                                                                                  paroisses à améliorer leurs résultats
                                                                                                                                  en matière d’écologie. Il les aide à
                                                                                                                                  optimiser leur consommation de
                                                                                                                                  ressources, économise des frais de
                                                                                                                                  fonctionnement et comporte des
                                                                                                                                  effets durables et motivants au-delà
                                                                                                                                  des frontières de la paroisse.
                            L’encyclique Laudato si’, dont on a fêté cette     spirituelles comme les modes de vie, les célé-
                            année le cinquième anniversaire, est devenue       brations et la catéchèse ainsi que l’engagement    Dans les paroisses qui ont obtenu
                            une référence majeure pour la conscience éco- local et global (par exemple la solidarité Nord-        le label Coq Vert, il y a un groupe
                            logique chrétienne et bien au-delà. Elle a pro- Sud). Les paroisses qui souhaitent aller plus         « environnement » actif qui s’investit
                                                                                                                                  dans un programme environne­
                            duit de nombreux fruits. Parmi eux, le label       loin peuvent viser le label « Coq Vert » proposé
                                                                                                                                  mental. Les lignes directrices de la
                            œcuménique « Église verte » en France, lancé       par œco Église et environnement. Les deux ini-
                                                                                                                                  Création définissent les principes
                            en 2017. « Une manière d’entretenir la flamme, tiatives sont complémentaires.
                                                                                                                                  essentiels pour vivre ensemble au
                            de proposer un instrument pratique, d’encou-            Le lancement d’EcoEglise est initié par       sein de la paroisse en respectant
                            rager les communautés chrétiennes à prendre        œco Église et environnement (Oeku), A Rocha        l’environnement. Des processus et
                            soin de la création », déclarait début mai 2019    Suisse, StopPauvreté ainsi que Pain pour le pro-   des compétences clairs offrent la
                            Elena Lasida, professeure à l’Institut catho- chain et Action de Carême à travers le Labora-          garantie que les questions environ­
                            lique de Paris, lors d’une rencontre interconfes- toire de transition intérieure. Pour Sophie de      nementales seront traitées de
                            sionnelle organisée par le Laboratoire de tran- Rivaz, qui représente ce dernier au sein du co-       manière régulière et systématique.
                            sition intérieure.                                 mité de pilotage, « EcoEglise permet de belles     Des informations complémentaires
                                  Depuis lors, l’idée a fait son chemin en     synergies avec nos offres comme les conversa-      ainsi que la liste des paroisses
                                                                                                                                  labellisées se trouvent sur :
                            Suisse romande. Elle a débouché sur la création    tions carbone, les ateliers d’écospiritualité
                                                                                                                                  www.oeku.ch
                            de l’initiative EcoEglise qui vise à soutenir les  ainsi qu’avec les prochaines campagnes œcu-
                            paroisses, monastères et autres organisations      méniques sur le climat. »
                            d’Église dans leur engagement écologique et             EcoEglise pourra bénéficier de l’expé-
                            climatique. Sur la base d’un écodiagnostic, elle   rience de ses grandes sœurs EcoChurch et
                                                                                                                                              nementale d
                            propose une dynamique d’amélioration et de         Église verte, qui rassemblent plus de 2000 com-               n
                                                                                                                                    tion enviro

                                                                                                                                                             an

                            valorisation de leurs efforts en plusieurs étapes, munautés au Royaume-Uni et plus de 400 en
                                                                                                                                                               s les église

                            en leur offrant des ressources, une plateforme     France. Le projet a déjà obtenu le soutien de la
                            Internet et une mise en réseau.                    Conférence centrale catholique romaine de
                                  Pour reprendre les mots d’Elena Lasida, Suisse et de l’Église évangélique réformée du
Logos : mis à disposition

                            « le but n’est pas de classer les bons et les mau- canton de Vaud (EERV). Il sera lancé officielle-
                                                                                                                                  es

                            vais élèves, mais d’offrir un outil pour accom- ment lors d’une grande célébration œcumé-                                       s
                            plir des petits pas ». Dans des domaines maté- nique sur le respect de la Création à la cathé-
                                                                                                                                                  COQ VERT •
                                                                                                                                             G
                                                                                                                                              •
                            riels comme la gestion des bâtiments et des        drale de Lausanne, le 4 octobre à 18 h.
                            terrains, mais aussi sur des dimensions plus — Michel Maxime Egger

                            Perspectives 3 / 2020
Repenser la mobilité Brot für alle
Il est grand temps d’abandonner notre
modèle de mobilité. Et pour cause,
la croissance effrénée des transports
provoquée par la mondialisation de
l’économie nuit gravement au climat
et à la qualité de vie, au Nord comme
Sud. Pourtant, d’autres voies s’offrent
à nous.

   La mobilité
   de demain
Perspectives 3 / 2020
E
                                                 n Suisse, la circulation routière génère 32 % des       de toute urgence. Bien que les milieux scientifiques, poli-
                                                 émissions totales de CO2 et représente donc de loin     tiques et économiques œuvrent à l’abandon des moteurs à
                                                 notre plus importante source de gaz à effet de serre.   combustion classiques en faveur de sources d’énergie plus
                                                 Notons que ces chiffres ne tiennent pas compte          vertes dans le secteur routier, aérien et maritime et bien que
                                                 du volume d’émissions provenant de l’aviation inter-    des progrès soient probables dans ce domaine, les efforts
                                      nationale, lui aussi considérable. Selon les estimations           déployés resteront insuffisants. Un véritable changement de
                                      du Forum international des transports (FIT), les émissions         cap ne saurait en effet se baser sur une simple reconversion
                                      de CO2 imputables aux transports s’élèvent à trois tonnes          vers de nouveaux modes de propulsion : il est tout aussi
                                      par personne et par an dans les pays qui, comme la Suisse,         essentiel de mettre un terme à la croissance actuelle dans le
                                      combinent un fort développement de leurs infrastructures,          secteur et de revoir notre approche de la mobilité.
                                      des liaisons avec le monde entier et une mobilité élevée.
                                      Dans l’hémisphère Sud, ces statistiques sont nettement plus        Les enseignements tirés de la crise sanitaire
                                      faibles et se situent en moyenne à une demi-tonne par per-         Au début de l’année 2020, l’immobilisation du trafic mondial
                                      sonne et par an. Cependant, la situation devrait radicalement      décrétée à la suite de la pandémie de Covid-19 a entraîné
                                      changer au cours des prochaines années, car les nations            un recul marqué des émissions de gaz à effet de serre liées aux
                                      émergentes s’emploient à combler leur retard. Ainsi, selon un      transports. Ainsi, le 8 avril 2020, le trafic terrestre générait au
                                      scénario datant de 2017, le FIT escompte que les émissions         total 7,5 millions de tonnes de CO2 de moins que les quantités
                                      de CO2 liées aux transports pourraient afficher une progres-       mesurées à la même date l’année précédente, la baisse s’éle-
                                      sion allant jusqu’à 70 % d’ici 2050.                               vant à 1,7 million de tonnes pour la circulation aérienne, soit
Photo : Adrian Moser

                                          Le transport motorisé, encore tributaire à 90 % des            un recul de plus de 9 millions de tonnes pour l’ensemble du
                                      énergies fossiles, torpille donc les objectifs climatiques, la     secteur des transports, et ce en un seul jour !
                                      hausse continue des émissions dans le secteur étant en                 La mise à l’arrêt généralisée exigée par la pandémie a
                                      porte-à-faux avec les mesures de réduction qui s’imposent          démontré qu’il est possible de réduire considérablement le

                       Perspectives 3 / 2020
Dossier                                                                                                                         12

trafic motorisé lorsqu’une situation urgente le fait apparaître
comme nécessaire, mais aussi que les restrictions imposées
ont des répercussions très positives : lorsque le trafic pendu-
laire cesse, que les transports de marchandises sont limités
à l’essentiel et que la circulation aérienne s’arrête, le stress, le
bruit et les émissions de particules fines disparaissent. Par
ailleurs, le nombre d’accidents de la circulation a reculé. En
outre, au lieu de faire des heures de voiture pour découvrir
des contrées éloignées, les habitant·e·s ont mis à profit leur
temps libre pour explorer leur région à pied ou à vélo.
     Dans le même temps, la crise sanitaire a pointé du doigt
les faiblesses de l’économie mondialisée, tributaire des flux
internationaux. C’est le cas, notamment, lorsque des médica-
ments et vêtements de protection essentiels font soudain
cruellement défaut, car ils sont produits à l’autre bout de la
planète. Les secteurs reposant sur les chaînes mondiales
d’approvisionnement ainsi que les branches à vocation expor-
tatrice se sont révélées particulièrement vulnérables. Tandis
qu’en Afrique, par exemple, les producteurs de roses ne
pouvaient plus exporter leurs marchandises vers l’Europe,
en Asie, les fabricants de textile restaient avec leurs articles
sur les bras. La crise mondiale des transports a menacé,
et continue à menacer, des millions d’emplois, et ce partout
sur la planète.

Repenser la mobilité
En revanche, les structures économiques et les structures
d’approvisionnement à petite échelle ont joué un rôle pilier
pendant la pandémie, et ce au Nord comme au Sud. La
                                                                            Le coût
                                                                            social de la
crise mondiale a mis en lumière combien il est important,
voire vital, que certains biens soient produits sur place,
et non importés ni exportés. Afin de forger notre vision de
la mobilité de demain, il est donc impératif que nous reva­
lorisions les cycles de production et les circuits économiques
locaux et régionaux. Nous ne saurions accepter un simple
retour à la normale, qui supposerait que toujours plus de biens
et de personnes soient transportés à bas prix aux quatre
coins de la planète. Si, au contraire, il n’est plus nécessaire
de faire la navette tous les jours voire d’émigrer à l’étranger
pour gagner sa vie, non seulement le trafic diminuera, mais
en plus nous gagnerons en qualité de vie. Toutefois, pour
                                                                       Plus respectueux du climat, les
pouvoir mettre en valeur l’échelon local, il faut également            véhicules électriques sont gour-
que nous revoyions totalement les priorités fixées en matière
de mobilité. Parallèlement à la transition du transport
                                                                       mands en minerais. Les répercus-
motorisé vers des modes de propulsion durables, notre pays             sions humaines et environne-
a besoin, notamment, de mesures qui mettent en avant la
mobilité douce, à l’image de ce qu’il se passe à Milan, où             mentales sont désastreuses.
les autorités ont transformé 35 kilomètres de rues en voies
cyclables et piétonnes. Un modèle à suivre pour d’autres               « Les boues extraites de la mine, contenant des résidus de
villes, ainsi que l’explique en substance l’ancienne respon-           métaux toxiques, sont charriées par la pluie le long des
sable des transports de la municipalité de New-York, Janette           pentes et viennent contaminer nos terres et nos viviers »,
Sadik-Khan, au journal « The Guardian » : « Il s’agit d’une            se désole Cecilia Cruz, employée d’une ONG philippine,
occasion unique de jeter un regard neuf sur les rues et de             et d’ajouter : « Non seulement les habitant·e·s des villages
s’assurer qu’elles sont aptes à atteindre leurs missions,              environnants ont dû laisser la place à la mine de nickel,
c’est-à-dire permettre aux voitures de circuler le plus vite           mais en plus ils n’ont même pas reçu les emplois promis, car
possible du point A au point B, mais aussi à tous et à toutes          l’entreprise préfère engager des travailleurs et des travail-
de se déplacer en toute sécurité. » — Gabriela Neuhaus                 leuses journaliers en provenance de la ville voisine. » L’île
                                                                       philippine de Mindanao représente l’un des plus grands
                                                                       sites d’extraction du nickel au monde. Nonante pour cent du
                                                                       minerai est expédié en Chine, où il approvisionne l’indus-

Perspectives 3 / 2020
Dossier                                                                                                                                              13

mobilité électrique
                                        trie sidérurgique et entre de plus en plus dans la fabrication    atteintes environnementales et autres répercussions néga-
                                        de batteries pour véhicules électriques. Aux côtés du cobalt      tives causées par les activités minières. La plupart des
                                        et du lithium, il s’agit de l’une des principales matières pre-   plaintes pour violation des droits humains dans le monde
                                        mières utilisées dans la fabrication des batteries au lithium-    concernent ainsi le secteur minier et portent, notamment,
                                        ion couramment employées dans les véhicules électriques.          sur le déplacement de villages entiers à la suite de l’octroi de
                                             De 2010 à 2018, la demande pour ce type de produits a        concessions minières, sur la destruction de surfaces agri-
                                        bondi de 30 % par an. Selon la plateforme Global Battery          coles, sur la pollution de l’eau et sur les atteintes causées à
                                        Alliance, cette évolution s’explique par l’électrification des    la sécurité et à la santé par les activités extractives.
                                        transports et le besoin croissant en accumulateurs pour
                                        les réseaux électriques. Et la progression se poursuit : la       Atteintes à la santé, violences et travail des enfants
                                        Banque mondiale estime ainsi que la demande en matières           Si le nickel est relativement abondant dans la nature, les gise-
                                        premières nécessaires à la production de batteries quadru­        ments exploitables de cobalt, en revanche, se concentrent
                                        plera, voire quintuplera de 2018 à 2050. Or, ces minerais sont    en République démocratique du Congo. Ce métal représente
                                        généralement extraits dans des pays présentant un taux            lui aussi un composant essentiel des batteries, la construc-
                                        de pauvreté élevé ainsi que des structures administratives et     tion d’une voiture électrique pouvant en nécessiter jusqu’à dix
                                        politiques défaillantes. Alors que l’exploitation minière         kilos. Toutefois, le cobalt a mauvaise presse, car le travail
Photo : Meinrad Schade

                                        rapporte souvent de juteux bénéfices aux élites locales, la       des enfants est monnaie courante dans les mines artisanales.
                                        population n’en profite pratiquement pas. De fait, les            En RDC, 20 % du cobalt est extrait dans des mines de petite
                                        ouvriers employés dans les mines travaillent souvent dans         taille. Il est rare que les voies d’accès et les galeries souter-
                                        des conditions misérables et dangereuses, tandis que les          raines creusées à la main soient correctement étayées, si bien
                                        habitant·e·s des villes et villages voisins sont victimes des     que les accidents dramatiques sont quotidiens.

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Dossier                                                                                                                         14

La corruption frappe fort également, et les recettes liées à
l’extraction du cobalt finissent souvent dans les poches de
quelques privilégiés plutôt que dans les caisses de l’État. Par
ailleurs, les violences exercées par les agents de sécurité
des grandes mines représentent un problème majeur, tout
comme la pollution environnementale, dont les consé-
quences sur la santé de la population locale sont désas-
treuses. Le géant minier suisse Glencore défraie régulière-
ment la chronique à ce sujet.
     Malgré ses richesses naturelles, la RDC est l’un des pays
les plus pauvres de la planète. Une grande partie de la
population vit grâce aux revenus tirés des activités minières.
Lorsque les entreprises extractives sont épinglées dans la
presse et, en conséquence, se détournent de la petite extrac-
tion sans assurer aux travailleurs et travailleuses d’autres
moyens de subsistance, ceux-ci sont doublement victimes.

La population locale frappée par une pénurie d’eau
L’exploitation du lithium comporte elle aussi des dangers
importants. « Mes parents possédaient un grand troupeau
de lamas », se remémore Hugo Díaz, un habitant du plateau
d’Atacama, au Chili. « Aujourd’hui, nous avons à peine
assez d’eau pour boire et produire du fourrage pour l’hiver »,
poursuit-il. Le triangle du lithium, situé entre le Chili,
l’Argentine et la Bolivie, abrite plus de 60 % des réserves
mondiales connues en « or blanc ».
     Le lithium issu des déserts de sel d’Amérique latine est
relativement bon marché, car il est obtenu par un processus
d’évaporation naturel. On trouve ce métal dans la saumure
présente dans le sous-sol des lacs d’altitude en fragile
équilibre avec les réserves d’eau douce. Il faut environ deux
millions de litres de cette solution saline pour produire une      Production de lithium dans le désert chilien d’Atacama.
tonne de lithium. Cette extraction provoque une baisse             L’exploitation de cette matière première recherchée met en
                                                                   danger le fragile écosystème et les communautés locales.
du niveau des eaux souterraines et menace les réserves d’eau
douce nécessaires à la préservation des écosystèmes et à la
population indigène, dont les droits sont régulièrement
bafoués par les entreprises dans le cadre de leurs activités
extractives et de leurs projets miniers.

Un label de « batteries équitables » ?
Il est de notoriété publique que l’approvisionnement en
minerais pour la fabrication de batteries est source de
problèmes. Créée en 2017 dans le cadre du Forum écono-
mique mondial de Davos, l’initiative industrielle Global
Battery Alliance (GBA) s’est fixé l’objectif ambitieux de mettre
au point d’ici à 2022 un label de batteries équitables afin
de réduire les émissions de gaz à effet de serre liées à la
fabrication des batteries, mais aussi de limiter les risques
sociaux et écologiques considérables associés à l’extraction
des matières premières. Dans sa vision à l’horizon 2030,
                                                                                                                                     Photo : Hemis / Alamy Stock Photo

la GBA va même jusqu’à requérir la mise en place d’une
chaîne de valeur responsable et équitable à l’échelle mon-
diale. Jusqu’à présent, aucun acte concret n’a donné suite
à ces déclarations d’intention. — Karin Mader

Des extraits de ce texte ont été publiés dans
l’Écomobiliste de l’ATE en mars 2020.

Perspectives 3 / 2020
Dossier                                                                                                                                 15

                                     Fabri-
                                                                                            deux producteurs chinois BYD et CATL ferment la
                                                                                            marche. Ce dernier surprend en particulier par
                                                                                            son opacité. La traçabilité des chaînes d’approvi-
                                                                                            sionnement est déficiente pour tous les fabricants

                                     cants
                                                                                            : il n’est en effet pas possible de retracer l’origine
                                                                                            des matières premières. Ils limitent ainsi l’applica-
                                                                                            tion de l’obligation de diligence et de la traçabi-
                                                                                            lité exigées aux « minerais du conflit » et au cobalt

                                     sous la
                                                                                            provenant de la République démocratique du
                                                                                            Congo, qui a mauvaise presse en raison des
                                                                                            scandales liés au travail des enfants mineurs. Les
                                                                                            rapports examinés restent pour l’essentiel muets
                                                                                            sur d’autres minerais, tels que le lithium ou le

                                     loupe
                                                                                            nickel, dont l’extraction occasionne pourtant aussi
                                                                                            des problèmes sociaux et écologiques. En ce qui
                                                                                            concerne la gestion environnementale, les entre-
                                                                                            prises mettent l’accent sur les émissions de CO2,
                                                                                            mais trois d’entre elles seulement ont aligné leurs
                                                                                            objectifs sur les exigences de l’Accord de Paris.

                                     Il n’y a pas de mobilité propre sans batteries, mais   Encourager le recyclage
                                     leur bilan écologique et social est-il lui aussi       Pour traduire en faits concrets les Principes direc-
                                     propre ? C’est pour en avoir le cœur net que Pain      teurs des Nations Unies et de l’OCDE et pour
                                     pour le prochain, Action de Carême et l’Associa-       réduire les risques d’ordre social et écologique
                                     tion transports et environnement (ATE) ont réalisé     posés par la production de batteries, il faut
                                     la première étude sur la politique commerciale         davantage légiférer dans ce domaine. La stratégie
                                     des six plus grands fabricants de batteries pour       de placements des investisseurs dans les tech­
                                     véhicules électriques, soit CATL, numéro 1 du          nologies « vertes » est elle aussi discutable si elle
                                     marché, Panasonic, Samsung SDI, LG Chem, SK            ne tient pas compte de ces risques. De surcroît,
                                     Innovation et BYD. Les auteurs du rapport, qui ont     il revient souvent moins cher d’extraire du minerai
                                     également pris sous leur loupe l’entreprise suisse     que de recycler les batteries usagées et le retrai­
                                     ABB, se sont fondés sur les données fournies           tement des différentes matières premières conte-
                                     par les producteurs dans leurs rapports relatifs à     nues dans les cellules au lithium-ion n’en est
                                     la durabilité et à leur responsabilité sociale pour    qu’aux balbutiements. Pour promouvoir le recy-
                                     déterminer leurs pratiques, ainsi que celles de        clage, il faut non seulement des mesures inci­
                                     leurs sous-traitants et partenaires commerciaux.       tatives, mais aussi des innovations techniques et,
                                          La production de batteries au lithium-ion         leur corollaire, des investissements pour que les
                                     est complexe : la chaîne d’approvisionnement           matières premières puissent être réinjectées dans
                                     du principal accumulateur d’énergie utilisé dans       le circuit économique au lieu d’être toujours
                                     les voitures électriques comprend notamment            extraites. La réutilisation de batteries parvenues
                                     les stades d’extraction, de raffinage et de fonte du   en fin de cycle de vie comme systèmes fixes de
                                     lithium. En vertu des Principes directeurs des         stockage d’énergie, dans des installations photo-
                                     Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits   voltaïques par exemple, va dans le même sens.
                                     humains et des Principes directeurs de l’OCDE          — Karin Mader
                                     pour les entreprises multinationales, le devoir de
                                     diligence des multinationales s’étend tout au long
                                     de cette chaîne de valeur. Si les derniers stades
                                     de production sont très fortement automatisés,
                                                                                                                Pour consulter l’étude « Les
                                     l’extraction des matières premières présente
                                                                                                                batteries. L’élément crucial de
                                     en revanche des risques sociaux et écologiques                             la mobilité électrique. Une
                                     considérables.                                                 Lire et     radiographie des aspects
                                                                                                     Agir
                                                                                                                sociaux et écologiques » :
                                     Manque de transparence                                                     www.voir-et-agir.ch/batterie
                                     C’est le fabricant coréen Samsung SDI qui obtient
                                     la meilleure appréciation générale, tandis que les
Fotos: XXY

             Perspectives 3 / 2020
Dossier                                                                                                                                         16

Des besoins
différents
En Suisse, de plus en plus de gens rêvent de décélération et
de mobilité douce. Dans les pays du Sud, en revanche, beaucoup
de personnes dépendent d’un réseau de transports publics
inadapté à leurs besoins.

                                                Quels sont ces événements qui ont amorcé           Comment avez-vous vécu ce changement
                                                un changement ?                                    abrupt d’habitude ?
                                                Entre juin et novembre 2018, j’ai participé à      Cela a été une révélation et je n’ai pu que regret-
                                                la « Petite École pour la Terre » à Crêt-Bérard    ter de n’avoir fait ce choix plus tôt ! Je pouvais
                                                proposée par le Laboratoire de transition          lire, travailler dans le train, contempler les pay-
                                                intérieure de Pain pour le prochain et Action      sages, être moins stressé, j’éprouvais un gain
                                                de Carême. Ce parcours sur trois week-ends         d’énergie. En fait je ressentais une immense
                                                                                                   liberté et un sentiment de bien-être lié à mon
                                                                                                   empreinte écologique dorénavant durable.
                                                                                                   C’est tout naturellement que j’ai vendu ma voi-

                                                « La sobriété rend                                 ture et pris l’abonnement général pour les
                                                                                                   transports en commun.

                                                heureux »                                          Avez-vous les moyens de partager votre
                                                                                                   expérience et de sensibiliser votre entou-
Emmanuel Jeger habite à Nyon et travaille                                                          rage à un mode de vie plus durable ?
à 60 % au Conseil synodal de l’EERV et à 40 %   a été un vrai déclic, une prise de conscience      Je travaille au sein de l’EERV à la mise en place
en tant que consultant, coach et formateur
                                                du bien commun, de mon impact écologique           du projet EcoEglise qui aborde les enjeux éco-
dans le domaine de la dynamique humaine
                                                et de la nécessité d’une transition intérieure     logiques sous un angle spirituel et propose des
(intelligence collective, management, co­
                                                pour entamer une transition écologique. Par        services pour accompagner celles et ceux qui
hésion d’équipe). Deux événements majeurs
récents dans sa vie l’ont amené à changer       la suite, j’ai complété ce parcours avec les       le désirent vers une transition écologique. À
radicalement son approche de sa mobilité.       conversations carbone. Plus concrètes, ces         mes proches qui me questionnent je leur pro-
                                                conversations m’ont permis de changer              pose d’essayer avec moins. La sobriété rend
                                                quelques habitudes énergétiques et de con­         heureux et offre beaucoup plus de liberté que
                                                sommation.                                         de contraintes ! — Daniel Tillmanns
Qui était l’Emmanuel d’avant ces deux
événements survenus en 2018 ?                   Quel fut le 2 e événement qui a participé à
                                                                                                                                                         Photo : mise à disposition

J’aimais voyager, je me considérais comme un    cette métanoïa ?
nomade et mon travail dans les télécom m’ame-   Il s’agit d’une contrainte puisque mon permis
nait en avion aux quatre coins du monde. Je     de conduire m’a été retiré pour trois mois. Dans
parcourais annuellement 50 000 kilomètres en    ce contexte, j’ai dû, du jour au lendemain,
voiture.                                        prendre les transports en commun.

Perspectives 3 / 2020
Dossier                                                                                                                                           17

                                                                                                       Tika Maya vit avec ses deux fils et partage la
                                                                                                       même maison avec sa sœur, son mari et
                                                                                                       leurs deux enfants. Âgée de 32 ans, Tika est
                                                                                                       tisseuse de tapis noués à la main dans un
                                                                                                       atelier à Sarlahi. L’atelier est affilié à STEP, un
                                                                                                       label cofondé par Pain pour le prochain.
                                                                                                       Elle a appris le tissage à Sarlahi il y a un an et
                                                                                                       demi. Elle est très satisfaite de ce travail qui
                                                                                                       est adapté à ses maux de dos puisqu’elle peut
                                                                                                       travailler assise. Pour Tika et sa famille, le
                                                                                                       choix de moyens de locomotion est restreint.

                     Quels sont les moyens de transport dispo-            ner à Dubaï pour son travail. En attendant, il      nement doit prendre des mesures sérieuses
                     nibles pour vous rendre à votre travail ?            exerce une activité agricole sur nos propres        pour mettre en place un tel service financière-
                     Il existe des voitures privées les rickshaw (tuk     terres dans notre village.                          ment supportable pour la population. Mais il
                     tuk à trois roues) pour ce trajet. Aucun autre                                                           doit également investir pour nous permettre de
                     véhicule public ne circule sur cet itinéraire. Le    À quelle distance de votre lieu de travail se       travailler dans des usines de tapis ou de vête-
                     rickshaw est très cher pour moi car il faut          trouve le premier hôpital ?                         ments proches de notre domicile afin que les
                     compter au minimum 50 roupies* pour un aller         Le poste de santé le plus proche se trouve à        gens ne doivent plus se déplacer en ville ou à
                     simple. Pour des questions de coût, mais éga-        15 km de mon lieu de travail. Je m’y rends en       l’étranger pour trouver du travail.
                     lement afin d’être à l’heure au travail, je par-     transports en commun (mini bus) et parfois           — Daniel Tillmanns
                     cours les 5–6 km de distance entre ma maison         avec ma bicyclette. En cas de problème médical
                     et mon lieu de travail à vélo.                       grave, nous devons nous rendre dans les grands * correspond à 65 centimes
                                                                          hôpitaux de Brigung (une heure de route), Na-
                     À quelle distance se trouve l’école de vos           ranghat/Biratnagar (2 à 3 heures de route) et
                     enfants et comment s’y rendent-ils ?                 surtout à Katmandou (8 heures de route).
                     Mes deux fils sont âgés de 11 et 13 ans et leur
                     école se trouve à environ 15 km de notre mai-

                                                                          « Il n’y a pas d’hô-
                     son. Les enfants se rendent à l’école en bus sco-
                     laire et il faut environ 20 minutes pour at-

                                                                          pital à proximité
                     teindre leur école.

                                                                          de notre village »
                     Qu’en est-il de la situation professionnelle
                     de votre mari ?
                     Mon mari travaille depuis 14 ans dans le secteur
                     de la construction à Dubaï. Pour s’y rendre, il
                     voyage en bus durant 8 heures pour, ensuite,
                     prendre l’avion à Katmandou. Au Népal nous           Qu’est-ce qui devrait être amélioré dans
                     n’avons qu’un seul aéroport international. Il est    votre pays pour rendre la mobilité plus
                     question d’ouvrir un nouvel aéroport interna-        efficace ?
Photo : Label STEP

                     tional à une heure de route de Sarlahi, mais         Beaucoup de choses peuvent être faites dans
                     cela risque de prendre des années. En début          ma communauté pour rendre la mobilité plus
                     d’année, mon mari était en congé à la maison         efficace. Par exemple, il n’y a pas de service de
                     et en raison de la Covid-19, il n’a pas pu retour-   transports publics dans mon village. Le gouver-

                     Perspectives 3 / 2020
Ce que vous pouvez faire                                                                                                         18

    Mobilité saine Améliorez
    votre condition physique.
    Favorisez la marche ou
    le vélo pour les courtes
    distances.

                             Plus d’espaces de vie De nombreuses
                             initiatives de quartier demandent plus
                             de pistes cyclables, plus d’espaces
                             publics et moins d’automobiles. Soute-
                             nez les initiatives proches de chez vous.

                                                                                                    Local et de saison Les
    L’imagination au pouvoir                                                                        alternatives à la grande
                                                                                                    distribution existent pour
    Avez-vous déjà imaginé com-                                                                     être consom’acteur.
    ment serait notre monde si
    l’importance du trafic motorisé
    diminuait ? Nous vous invitons à
    écouter le récit imaginaire sur :
    www.ppp.ch/perspectives

    Conversations carbone Ces discussions en
    petits groupes ont pour objectif de passer
    des paroles aux actes dans les domaines de
    l’énergie, des transports, de l’alimentation
    et de la consommation. Infos et inscriptions
    sur www.ppp.ch/les-conversations-carbone

                                        Plus de temps Limiter les
                                                                                                                                      Illustrations : Karin Hutter

                                        déplacements, pour le travail,
                                        les loisirs ou les vacances,
                                        c’est davantage de temps
                                                                         Transports en commun Testez les avantages des
                                                                         transports en commun. Moins de stress, pas de
                                                                         parking, peu d’embouteillages
Perspectives 3 / 2020
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