SANTÉ ET ENTREPRISE : QUEL AVENIR COMMUN ? - Ethic
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JANVIER 2020, AGNÈS BUZYN SANTÉ ET ENTREPRISE : QUEL AVENIR COMMUN ? Les débats d'ETHIC LES PARTENAIRES AGNÈS BUZYN Débat animé par : Sophie de Menthon Top Management Débat introduit par : Jean-Vasken Alyanakian Le mardi 28 janvier 2020, le mouvement ETHIC, présidé par Lazard Frères Gestion Sophie DE MENTHON a reçu la Ministre des solidarités et de la santé Agnès BUZYN, que nous remercions vivement d’avoir accepté cette invitation. *Vous pouvez retrouver les éléments de la présentation de la AB Corporate Aviation Ministre par Jean-Vasken Alyanakian, Avocat à la cour et président de la commission juridique et fiscale d’ETHIC à la fin du document. Pluriclub La Ministre fait un point sur la politique gouvernementale en matière de protection de l’enfance, des solidarités, des personnes âgées : « c’est un ministère de l’humain », déclare Agnès BUZYN. Elle met en lumière l’importance de la prévention qui constitue un mouvement d’envergure et un axe structurant de sa stratégie nationale de santé au niveau global.
" C'est un ministère de l'Humain" Les entreprises sont un moteur de la vie et ont un rôle sociétal majeur qui s’articule autour de plusieurs leviers : - l’inclusion : s’emparer de la notion d’universalité / de handicap ; - l’adaptation du travail : notamment en lien avec la politique familiale ; - la prévention : l’entreprise en tant que lieu de socialisation et d’échange ; - la capacité à innover. Interpellée sur la prolifération des arrêts maladie par Sophie DE MENTHON, notre invitée rappelle que ces derniers constituent le poste de dépenses le plus important de l’assurance maladie (?). Parmi les arrêts de travail, environ la moitié concerne des arrêts longs chez des personnes de plus de 60 ans et renvoie ainsi à des facteurs endogènes au monde du travail sur lesquels il est difficile d’agir. Pour les arrêts courts, la Ministre insiste sur la notion de responsabilité collective qui engage les entreprises qui entraînent de la sinistralité, les médecins mais aussi les salariés. Un groupe de travail avec les représentants de chacune de ces parties prenantes a d’ailleurs été instauré pour identifier les leviers d’action stratégiques sur ce sujet (Suicide d’un médecin qui pratiquait exagérément les arrêts de travail) . Sophie DE MENTHON interroge la Ministre sur notre consommation médicale et la pertinence d’afficher un solde annuel individuel des prestations de santé, c’est-à-dire un « prix de revient » du patient pour favoriser une forme de prise de conscience individuelle et collective sur les coûts de santé. Agnès BUZYN, qui rappelle l’existence d’un groupe de travail en partenariat avec le CNAM sur la possibilité d’éclairer les citoyens sur leurs dépenses maladie, nous confie le résultat peu satisfaisant des expériences menées en la matière dans d’autres pays « malheureusement, cela ne fonctionne que la 1ère fois après les gens ne regardent même plus la facture ! » ; c’est bien le chèque qui permet de fixer l’attention, comme pour le modèle américain par exemple.
Christine DEMESSE: les moyens alloués (en deçà de ceux de nos voisins) sont-ils à la hauteur de vos ambitions en matière de prévention ? Comment envisager le remplacement des médecins dans les déserts médicaux et les milieux urbains notamment avec l’usage de la télémédecine et le développementde l’intelligence artificielle ? Comment gérer les ruptures de stocks de certains médicaments importants face à des laboratoires qui préfèrent exporter ? Agnès BUZYN : pour la Ministre, ce n’est pas qu’une question de moyens : « les professionnels de santé ne sont pas des bons vecteurs de prévention car ils ne sont pas formés ». C’est pour répondre à ce problème conformément à la demande du Président de la République qu’a été déployé le service sanitaire, soit 49.000 étudiants en santé embarqués dans un projet d’éducation à la santé dans des écoles. C’est un dispositif très puissant et efficace car il permet de délivrer un message de santé dès le plus jeune âge et forment ces professionnels qui peuvent « apprendre vraiment ». « Le déploiement et le perfectionnement du service sanitaire va permettre une meilleure éducation en santé et l’appropriation des enjeux de santé publique par les professionnels eux-mêmes », affirme la Ministre. La pénurie de médicaments s’explique quant à elle par différents facteurs dont essentiellement l’émergence des classes moyennes partout dans le monde. « Il manque 12 millions de soignants dans le monde et d’un coup, il a fallu multiplier par 4 ou 5 les capacités de production de l’industrie pharmaceutique » - qui n’étaient pas pensées à cette échelle (les vaccins sont très compliqués en terme de production par exemple !). En outre, les investissements sont plutôt dédiés à l’agrandissement des lieux performants et non pas pour dupliquer les sites, d’où le blocage de la production mondiale en cas de problème sur un site. Enfin, même quand les usines sont plus nombreuses, il arrive que les fournisseurs de matières premières soient uniques au monde et idem : s’il y un problème, c’est toute la production mondiale qui est à l’arrêt. Cependant, certains efforts sont faits comme l’instauration de stocks minimums sur des produits essentiels (3 mois). Agnès BUZYN nous donne également sa vision concernant la transformation à l’œuvre en lien avec l’intelligence artificielle : « tout comme la radiologie il y a 50 ans, il s’agit d’un outil de performance au service des professionnels et non pas d’un substitut ». Représentant de l’ISRP, Institut de Formation en Psychomotricité : quid du positionnement de votre ministère quant à l’universitarisation des formations en santé ? Agnès BUZYN : C’est un projet porté avec Frédérique Vidal qui entend répondre d’une part à une demande des étudiants eux-mêmes et d’autre part à un enjeu international qui nous pousse à s’aligner sur les autres pays européens. Aussi, au regard du niveau de compétences paramédicales, il est dommage qu’il n’existe pas de diplôme universitaire, déclare la Ministre. Pour elle, ce projet ne nuit pas à la compétence acquise mais la complète par rapport à l’aspect professionnalisant et permet de sécuriser les étudiants en santé. Patrick FERRY: comment contrôler les produits utilisés dans l’agriculture ? Agnès BUZYN : Oui, il y a un embouteillage sur l’évaluation. Il y a une exigence environnementale importante qui se heurte au manque de données et de moyens humains pour réaliser une expertise robuste. A ce propos, la Ministre rappelle que le plan national santé environnement (PNSE) sera dévoilé à la période mars / avril.
Léonidas KALOGEROPOULOS: Comment concilier les nouveaux modes d’organisation par les différents ordres professionnels avec la lenteur de la régulation des administrations ? Pensez-vous que votre impulsion soit transmise à vos administrations et dans l’exécution ? Agnès BUZYN : la Ministre nous confie que chaque ministère a « une liste d’une dizaine objets de la vie quotidienne » pour suivre l’avancée des réformes ; pression qui pèse sur le Ministre et donc, sur son administration – « la nôtre n’a jamais autant travaillé entre les retraites, la loi bioéthique, la loi grand âge et autonomie : je peux vous dire que l’administration du ministère de la Santé et des Solidarités n’est pas bloquante » confie la Ministre. Pour Agnès BUZYN, c’est le « dernier kilomètre » le plus difficile, celui qu’il reste à parcourir pour concrétiser un texte dans la vie des gens, au quotidien. Les administrations sont un outil règlementaire mais la mise en œuvre dépend parfois d’autres niveaux comme les départements. De plus, elles n’ont aucune autorité sur les ordres professionnels. « Si j’ai accepté d’entrer au gouvernement, c’est notamment pour redonner de l’espoir à l’hôpital public» affirmait Agnès BUZYN. Sophie DE MENTHON sollicite son avis sur deux points essentiels ; d’un côté les maisons de santé et de l’autre, ladite crise de l’hôpital public. La présidente d’ETHIC attire également l’attention de la Ministre – qui n’a pas souhaité se prononcer - concernant la suppression du numerus clausus. Madame la Ministre rappelle l’objectif confié par le gouvernement d’arriver à 2000 maisons de santé d’ici 2 ans, qui relèvent de l’exercice libéral (pour un exercice salarié, il s’agir des centres - et non maisons - de santé). Il semble y avoir un consensus sur le fait que « l’exercice isolé du médecin n’existera pas dans 10 ans » et la nécessité adjacente d’un exercice pluri-professionnel. La maison de santé incarne ce lieu de rencontre entre les professionnels et un exercice diversifié : « la dynamique est lancée », confie Agnès BUZYN, et c’est l’avenir de la médecine, qui permettra d’attirer des jeunes. " L'hôpital c'est l'ultime refuge"
« L’hôpital souffre : il a été désinvesti depuis des années » déclare la Ministre qui reconnaît la marge de progrès existante, entre autres, en termes de management, tout en réaffirmant l’impossibilité d’envisager l’hôpital comme une entité devant faire des profits alors que l’objectif est de soigner ; « l’hôpital, c’est l’ultime refuge pour tous les français ». Mais alors, que s’est-il passé ? Comment expliquer cette crise de l’hôpital public ? La Ministre rappelle les fondements de la tarification à l’activité (T2A) et ses dérives, comme la hiérarchie artificielle des actes et l’exclusion de certains facteurs n’étant pas du tout pris en compte dans cette logique qui « pousse au crime » (plus d’actes, équipes épuisées, baisse des tarifs etc.).Pour Agnès BUZYN, le déficit (1 milliard en 2017) a été reporté sur le déficit des hôpitaux. « C’est un déficit induit par l’État » qui a créé la dette en baissant les tarifs. La Ministre affirme alors une posture de ralentissement, « je freine tout », nous dit-elle. Mais surtout, il s’agit d’engager la hausse des tarifs pendant 3 ans et la reprise de la dette, pour dégager entre 800 millions et 1 milliard de trésorerie pour les hôpitaux, laissés à leurs bons soins pour investir dans ce qui est jugé utile. Enfin, madame la Ministre attire notre attention sur la nécessité de distinguer les hôpitaux qui ne vivent pas tous la même chose ! Finalement, il existe une crise de certains hôpitaux qui vont très mal, davantage qu’une crise de l’hôpital public ; il n’y a pas de vision unifiée des 850 établissement de santé (rapport de 1 à 60% pour le personnel en grève en fonction du management de l’hôpital). Pour redorer l’image de l’hôpital et renforcer son attractivité, le Ministère de la Santé et des Solidarités a également lancé une mission sur la place du management médical dans les hôpitaux, pour modifier la gouvernance hospitalière et réaffirmer l’équilibre entre vision médicale et administrative. Le mouvement ETHIC est ravi d’avoir reçu la Ministre Agnès BUZYN pour un débat riche et éclairant et vous invite à retrouver ses préconisations en matière de santé en entreprise (*insérer lien*). *Photographie du parcours d’Agnès BUZYN : ancienne élève de l’école alsacienne, étudiante en médecine à Paris- Descartes, internat à Necker en tant que responsable de l’unité des soins intensifs d’hématologie et bientôt reconnue comme spécialiste en la matière. Madame la Ministre a fait sa thèse en 2000 : « étude de l’immunité anti-tumorale spécifique dans les leucémies myéloïdes et perspectives d’application thérapeutique », puis a dirigé une équipe à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale, co-écrit de nombreux articles scientifiques et travaillé sur la greffe de moelle osseuse, la leucémie aiguë lymphoblastique et la leucémie myéloïde chronique. Agnès BUZYN a été Membre du conseil de l’Agence de biomédecine (2001-2008), Membre du conseil d‘administration de la société française de greffe de moelle et de thérapie cellulaire (2004-2012) et elle a présidé le conseil scientifique de 2008 à 2012. La période 2008 -2013 a été consacrée à la présidence de l’institut national du cancer (vice-présidente à partir de 2010) et ensuite, de 2008 à 2013, elle fut présidente de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), au moment de la catastrophe de Fukushima ! Mais Agnès BUZYN est aussi une femme de la vie politique française, entrée au sein de LREM en 2017 et Ministre des Solidarités et de la Santé depuis mai de cette même année.
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