SPÉCIAL PRÉSIDENTIELLE - LE MAGAZINE DES SCIENCES PO - Sciences Po Alumni
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LE MAGAZINE DES SCIENCES PO LE MAGAZINE DES SCIENCES PO SPÉCIAL PRÉSIDENTIELLE ÉMILE BOUTMY MAGAZINE / N° 7 / AUTOMNE 2016
ALUMNI INCIPIT CARNET DE CAMPAGNE ET SI C’ÉTAIT VRAI ? FAITES VOS JEUX DÉCRYPTAGE émile 22017 017 r éA N N É E É L E C T O R AeL E n t p FICTION sid LE GRAND DÉBAT LE CHIFFRE QUI DÉRANGE SCIENCES PO... LITIQUES www.emilepresident.fr Émile Président ! Le clin d’œil est double : nous sommes heureux de lancer le site internet d’Émile au moment de l’élection présidentielle, et d’en faire notre candidat ! N’est-il pas, avec son nom de baptême qui est un hommage au fondateur de Sciences Po, « …le meilleur d’entre nous » ? Retrouvez en ligne, dès le mois de novembre, toutes les rubriques du magazine dédiées à la présidentielle et bien d’autres contenus encore. Cette présidentielle 2017 sera suivie par les anciens élèves de Sciences Po, et c’est l’assurance d’en avoir un décryptage éclairé et incisif. alumni 3 incipit
ÉMILE ÉDITORIAL Par Anne-Sophie Beauvais Bon anniversaire, (promo 01) Directrice générale chère promo ! de Sciences Po Alumni Assumons, PAR DAVID VAILL ANT (PROMO 06) MEMBRE DU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE SCIENCES PO ALUMNI Le monde regardait vers l’Orient avec inquiétude et s’acheminait vers une crise financière avec humilité d’une ampleur inouïe ; la France se préparait à une élection présidentielle âprement disputée, après avoir N’ayons pas peur de le dire : Sciences Po vu sa jeunesse s’emparer par deux fois des rues ; les bleus voyaient la victoire leur échapper de si peu… était faite, dès les origines, pour irriguer C’était l’année 2006. Je m’apprêtais à quitter la rue Saint-Guillaume. Nous préparions nos derniers les sphères du pouvoir. C’était le projet du fon- examens, défilions dans les rues, passions des dateur de l’école, Émile Boutmy. Cette « École libre des entretiens, débattions de l’état du monde, pensions Sciences Politiques » – son nom de baptême – devient, à l’avenir, ou lui laissions le soin de s’inquiéter pour en 1945, l’« Institut d’Études Politiques de Paris », puis, en nous. Nous quittions le brouhaha de la péniche, l’odeur 2007, « Sciences Po » : autant de noms qui confirment et réaffirment des livres, les sandwiches du Basile, les discussions dans le jardin, les tutélaires Boutmy et Chapsal. Une à chaque génération la parenté de l’école avec la sphère publique et promotion de plus, une promotion unique. Tout comme politique, et qui donnent envie à ceux qui veulent s’y dédier de venir la vôtre. étudier rue Saint-Guillaume. À la veille de la présidentielle de 2017, les Sciences Po sont donc logi- Nombre d’entre nous n’ont jamais vraiment quement là. Au premier plan, à s’engager comme candidat, dans les quitté ce port d’attache qu’est Sciences Po ; devenus campagnes des primaires ; dans les coulisses, à conseiller leur « pou- professeurs, donateurs, maîtres de conférence, anciens – la rue Saint-Guillaume ne se laisse pas lain », ou bien encore dans la presse, à commenter et analyser les faits oublier facilement. Mais elles sont rares, les occasions et gestes des politiques ; sans même parler des instituts de sondages, de se retrouver tous ensemble : un anniversaire de dont les études et les porte-parole fleurissent en ces périodes d’agitation promotion, c’est probablement la meilleure possible. électorale. Le degré d’intégration des Sciences Po dans la sphère poli- Le 3 décembre, l’école reprendra nos couleurs, celle tique, au sens large, est frappant. Certains s’en agacent, on les comprend. des diplômés 2006, mais aussi 2001, 1996, 1991 et 1986 pour fêter tous ensemble nos 10, 15, 20, 25 ou Mais chercher à renier cette affinité serait une erreur. Ce magazine a 30 bougies. Une journée entière de retrouvailles, qui choisi de parler de l’actualité politique, si tendue à la veille d’une telle ne sera pas de trop pour rattraper le temps perdu échéance, et d’aller à la rencontre des Sciences Po qui font cette actua- et plonger à nouveau dans le bouillonnement qui lité. Enquête, portraits, décryptage, débat… de nouvelles rubriques vous caractérise Sciences Po. L’école a bien un peu changé sont proposées dans ce numéro. Elles vivront dans les pages d’Émile – heureusement. Mais l’essentiel est toujours là : la jusqu’à la présidentielle, et sur le site internet que nous lançons en péniche, le brouhaha, le Basile, le jardin, Boutmy et Chapsal. Et vous, si vous nous faites ce plaisir. l novembre pour suivre cette campagne au plus près : www.emilepresident.com Un grand merci à Joann Sfar, qui a accepté d’illustrer notre couver- Le samedi 3 décembre 2016, à partir de 10 h 30, ture, et de lancer ainsi avec nous cette séquence politique d’Émile. Son l’association organise les anniversaires des promotions dessin est drôle et pertinent à la fois (n’est-ce pas le talent des grands 1986, 1991, 1996, 2001 et 2016, à Sciences Po. Pour en savoir plus : dessinateurs ?) : remettons Sciences Po à sa juste place… voilà ce que anniversairespromo@sciencespo-alumni.fr ce dessin nous dit, et il a bien raison ! l ÉMILE BOUTMY MAGAZINE-SCIENCES PO - AUTOMNE 2016 - n° 7 Magazine des élèves et anciens élèves de Sciences Po, édité par Sciences Po alumni, distribué à l’ensemble des cotisants Adhésion en ligne sur www.sciences-po.asso.fr Siège de l’Association 26, rue Saint-Guillaume, 75007 Paris, 01 45 48 40 40, info@sciencespo-alumni.fr Directeur de la publication Pascal Perrineau (promo 74) Rédactrice en chef Anne-Sophie Beauvais (promo 01) Rédactrice en chef adjointe Audrey Marzouk (promo 06) Journaliste Maïna Marjany (promo 14) Rédaction Marie-Pierre Bourgeois (promo 15), Olivier de Cointet (promo 98) Directeur artistique Michel Maïquez Conseil d’orientation Agnès Chauveau (promo 95), Annick Cojean (promo 80), Jean-Sébastien Ferjou (promo 94), Éric Fottorino (promo 83), Alain Genestar (promo 76), Marc Jézégabel, Renaud Leblond (promo 86), Gérard Leclerc (promo 76), Pascal Perrineau (promo 74), Dominique Reynié (promo 83), Jérôme Sainte-Marie (promo 90), Benoît Thieulin (promo 95), Philippe Weil (promo 77) Comité éditorial Laurent Acharian (promo 00), Pascal Cauchy, Emmanuel Dreyfus (promo 91), Marie-Françoise Golinsky (promo 62), Bertrand Warusfel (promo 81) Ont aussi participé à ce numéro Camille Leboeuf Secrétariat de rédaction Bénédicte Pérot Photographe Manuel Braun Régie publicitaire FFE Directeur de la publicité Patrick Sarfati, 15, rue des Sablons, 75116 Paris, 01 53 36 20 40, www.ffe.fr Responsables commerciaux Sidney Schando, 01 43 57 88 70, et Mickael Caron, 01 53 36 37 88 Impression PRINTCORP, 6, rue Jean-Pierre Timbaud, 75011 Paris. N° ISSN 0753-3454 Création de la maquette, réalisation Polka Image. émile boutmy magazine 4 numéro 7 / automne 2106
ÉMILE S O M M A I R E 61 ANALY SE La présidentielle aux États-Unis : une élection de tous les rejets ? Par Pascal Perrineau AUTOMNE 2016 - NUMÉRO 7 64 LIVRES Émile fait sa rentrée littéraire Par Victoire Tuaillon 3 WWW.EMILEPRESIDENT.FR 66 ENTRETIEN Laurence Engel, présidente de la BnF 4 ÉDITORIAL 68 RENCONTRE Charles Philipponnat, le champagne, un art de vivre ALUMNI 7 INVITÉ 73 BONNES ADRESSES Pascal Perrineau 74 CULTURE MIX Par Pluris 10 LES NOUVEA UX MEMBRES DU CONSEIL D’ADMINISTRATION DE SCIENCES PO ALUMNI CAMPUS 13 LES DIPLÔMÉS DU 28 99 PORTRAIT Qui sont les Alumni de Sciences Po Executive Olivier Duhamel, président de la FNSP Education ? Par Elisa Mignot 22 LES L A URÉATS DU PRIX DES ALUMNI 104 ENQUÊTE Les 15 ans des CEP : enquête sur le terrain 24 PORT RAITS Par Élise Stern Fanny Fournier et Samuel Raharison 26 ENTRETIEN 109 NOS MÉCÈNES Olivier Cousi, candidat au bâtonnat 110 RECHERCHE Quel bilan de la recherche à Sciences Po ? 27 MES ANNÉES RUE SAINT-GUILL A UME Entretien avec Christine Musselin Jean-Paul Cluzel 28 C ARNET 112 ENTREPRENEURS 29 RÉTRO CARRIÈRES Ces présidents qui ont enseigné à Sciences Po DOSSIER 115 Nouveautés au pôle Carrières MAGAZINE Entretien avec Brigitte Rischard 31 DOSSIER PRÉSIDENTIELLE 120 Focus sur les ateliers fondamentaux Sciences Po : fabrique du pouvoir politique ? 36 PORT RAITS 122 L’entretien au pôle Carrières Primaire à droite : les Sciences Po s’engagent 123 Cycles pour l’emploi 40 DÉCRYPTA GE 124 ENTRETIEN La primaire : raccourci ou impasse ? Romain Dessal : “TTSO est une extension Par Jérôme Sainte-Marie de moi-même.” 42 FAITES V OS JEUX 126 ENQUÊTE Portrait-robot du candidat idéal La fonction RH a-t-elle pris le tournant du digital ? 45 LE CHIFFRE QUI DÉRANGE 128 CHEMIN DE TRAVERSE Par Luc Rouban Kee-Yoon Kim, avocate devenue humoriste 46 POINTS DE VUE 130 NOMINATIONS 48 LE GRAND DÉB AT 137 A GEND A Les études : un ascenseur social en panne ? Élisabeth Lévy et Cyril Delhay 138 D’UN MOT Par Romain Dutreil 54 FICTION Revue de campagne EN COUVERTURE Illustrateur, auteur de BD, romancier, réalisateur… Joann Sfar est Par Karim Amellal un artiste multiple. Diplômé de philosophie et des Beaux-Arts de Paris, il a été plu- sieurs fois récompensé au Festival international de la bande dessinée à Angoulême. 59 DISSERTATION Qu’est-ce qu’une vraie décision politique ? De Charlie Hebdo au Huffington Post en passant par Télérama et Paris-Match, il irrigue Par Charles Pépin la presse de dessins et se lance également dans l’écriture de romans et dans le cinéma. Joann Sfar obtient le César du meilleur premier film pour Gainsbourg, vie héroïque sorti en 2010. En 2011, il adapte sa célèbre série Le chat du rabbin au cinéma. Fin de la parenthèse, sa dernière bande dessinée est parue en septembre dernier. émile 5 sommaire
2 juillet 2016 › 8 janvier 2017 261 boulevard Raspail 75014 Paris – fondation.cartier.com #FondationCartier #LeGrandOrchestreDesAnimaux Hiroshi Sugimoto, Alaskan Wolves, 1994 (détail). Collection de l’artiste. © Hiroshi Sugimoto. Photos (animaux) : © Shutterstock / © Biosphoto.
10 13 22 29 Le nouveau conseil Qui sont les diplômés de Les lauréats du prix des Alumni Ces présidents qui ont d'adminsitration de Sciences l'Executive Education ? enseigné à Sciences Po ALUMNI Po Alumni INVITÉ I ENQUÊTE I PORTRAITS I ENTRETIEN I RÉTRO INVITÉ PASCAL PERRINEAU NOUVEAU PRÉSIDENT DE L’ASSOCIATION Des années 1970 à aujourd’hui, Pascal Per- rineau a toujours gardé des liens très forts avec Sciences Po. D’abord étudiant rue Saint-Guillaume, il y fait ensuite ses pre- miers pas en tant que chercheur. Bien qu’il s’envole vers d’autres horizons, le polito- logue revient travailler au sein de l’institu- tion à la fin des années 1980 et prend la tête du CEVIPOF jusqu’en 2013. Une nouvelle page de cette histoire vient de s’écrire, avec Pascal Perrineau son élection à la présidence de l’Association des Alumni. Son projet s’articule autour et Sciences Po, de trois grands thèmes : porter la voix des Sciences Po dans le débat public, faire vivre davantage la diversité des Alumni en région “ L’histoire d’un long et à l’international et définir un partenariat équilibré entre Sciences Po et ses anciens. compagnonnage. ” Rencontre avec notre nouveau président. PROPOS R EC UEIL L IS PA R M A ÏNA M A RJA NY (PROMO 1 4 ) PH OTOS M A NUE L BRA UN alumni 7 invité
ALUMNI INVITÉ DU DROIT À LA Sciences Po qui était tombée quelque confiance à travers leur vote. De plus, SCIENCE POLITIQUE peu en déshérence. En étant à la tête de ce laboratoire, je me suis aussi efforcé nous avons un conseil d’administration extrêmement riche, avec des gens Après mon baccalauréat à Tours, de le projeter davantage dans la vie qui viennent de tous les horizons je me destinais plutôt au droit et c’est publique en développant de multiples professionnels : culture, économie, finalement en faisant du droit public partenariats, avec des pouvoirs entreprise, administration, monde de que j’ai découvert l’objet politique, qui publics, des entreprises privées, des l’enseignement et de la recherche… m’a tout de suite intéressé. Je venais associations, le monde des médias… En revanche, je suis préoccupé par également d’une famille où il y avait un Il ne faut pas oublier que la recherche le taux de participation : à peine un grand intérêt pour la chose publique vit largement sur des fonds publics, Alumni sur dix a voté. Les Alumni et la vie politique. Je suis monté à la société attend donc légitimement sont donc des Français comme les Paris pour finir mes études de droit un retour sur investissements. autres, saisis par une certaine langueur européen et j’ai rencontré à l’université civique, contre laquelle il va falloir Paris I Georges Lavau, remarquable COMPRENDRE LES lutter. L’un de mes défis en tant que professeur de science politique. Avec lui, j’ai découvert la science politique RESSORTS DE président de l’association sera de m’adresser aux anciens moins engagés comme on la pratique à Sciences Po LA POLITIQUE dans la vie de l’association et essayer et ça m’a littéralement passionné. de doubler le taux de participation. Sur son conseil, j’ai intégré Sciences Au cours de ma carrière, j’ai Je souhaite également faire vivre de Po. Je me suis alors détaché de ma travaillé sur de multiples objets de manière plus intense la diversité des discipline originelle qui était le droit recherche mais je suis toujours resté Alumni, en région et à l’étranger. Je et j’ai découvert les grandes traditions extrêmement attaché à ce qui faisait la ne dis pas que rien n’a été accompli intellectuelles de Sciences Po, telles force de Sciences Po dans le paysage auparavant sur ce terrain, mais il que l’histoire politique et la sociologie intellectuel : l’histoire politique, faut renforcer ces actions, organiser électorale. Les chercheurs de premier l’analyse de la vie politique et des plus d’événements hors de Paris, se plan de cette maison m’ont donné courants d’idées qui l’animent ainsi que déplacer, aller à la rencontre de ces envie de me tourner vers le monde la sociologie électorale. À mon modeste Alumni. L’objectif est de montrer de la recherche, qui répondait à ma niveau, j’ai voulu m’inscrire dans cette que ce tissu incroyablement pluriel volonté de comprendre les rouages de tradition et cet héritage intellectuel, qui et chargé de multiples compétences, la politique. J’ai préparé ma thèse de m’avaient formé et qui me passionnent. a une certaine cohésion. doctorat puis je suis devenu chercheur Le fil conducteur de mes recherches a au CEVIPOF. Mais comme je pensais que la recherche n’a de sens que si on été de comprendre de quoi la politique est le symptôme. Quels sont les L’ASSOCIATION ET la communique aux jeunes générations, ressorts derrière les comportements SON ALMA MATER j’ai passé l’agrégation en 1981 et j’ai et les attitudes politiques ? Et ces été nommé professeur à Sciences Po ressorts ne sont pas toujours d’ordre Le lien entre les Alumni et Sciences Grenoble puis dans mon université politique, ils peuvent appartenir à Po doit être étroit. Lorsqu’on se d’origine, François-Rabelais à Tours. l’héritage familial, relever de clivages retrouve dans une association d’anciens sociaux, historiques ou religieux… élèves, cela signifie que l’on est attaché VINGT ANS À LA à l’institution qui nous a formés et TÊTE DU CEVIPOF UN NOUVEAU que l’on a envie de rendre une partie À la fin des années 1980, le PRÉSIDENT POUR de ce qu’elle nous a donné. Beaucoup de progrès ont été faits ces dernières directeur de Sciences Po Alain Lancelot TOUS LES ALUMNI années pour renforcer ce lien. Sous m’a demandé de revenir puis m’a la présidence de Pierre Meynard, un confié la direction du CEVIPOF. J’ai Mon parcours professionnel est partenariat a été établi avec Sciences pris énormément de plaisir à diriger l’histoire d’un long compagnonnage Po. En outre, la réforme des statuts de ce laboratoire pendant 20 ans et à y avec Sciences Po, c’était donc l’institution prévoit maintenant que le mener des recherches individuelles naturel pour moi de m’investir dans président des Alumni siège au conseil mais aussi collectives. Dans le cadre Sciences Po Alumni, car j’appartiens d’administration de la FNSP. C’est de la recherche collective, grande profondément à cette maison et à la l’un des signes de ce partenariat serein tradition du CEVIPOF, j’ai notamment culture dont elle est porteuse. Je suis et intime que les Alumni et Sciences ranimé la collection des « Chroniques heureux que les anciens de Sciences Po ont appelé de leurs vœux et c’est électorales », éditée aux Presses de Po aient bien voulu m’investir de leur extrêmement cohérent car l’association émile boutmy magazine 8 numéro 7 / automne 2016
ALUMNI INVITÉ “Faire vivre de manière plus intense la diversité des Alumni en région et à l'étranger.” un logement lors de leur scolarité à Sciences Po. Il s’agit de solidarité en actes et non pas seulement de solidarité en mots et l’Association des Alumni peut contribuer à organiser cette solidarité entre les générations. 2017, UNE ANNÉE À GRANDS ENJEUX Une année de haute intensité politique s’annonce. Elle débute dès novembre 2016 avec l’élection présidentielle américaine et, en France, avec la primaire de la droite suivie de la primaire à gauche, puis l’élection présidentielle, les élections législatives et enfin les élections sénatoriales en septembre 2017. C’est un moment extraordinaire ! Il faut que Sciences Po s’en empare et que l’Association des Alumni l’accompagne. Ce qui a fait la force de Sciences Po pendant des décennies, c’est sa capacité à parler au monde politique, à mêler les regards des universitaires, des politiques, des responsables économiques et sociaux et des journalistes sur l’objet politique. Il faut faire revivre cela avec beaucoup d’intensité au cours de cette campagne. Sciences Po ainsi que les Alumni doivent être un forum pour contribuer à éclairer la lanterne des citoyens. C’est d’autant plus urgent et important qu’aujourd’hui, représente des générations d’anciens sur les services que l’association peut nombreux sont ceux qui ont perdu élèves, il est donc légitime de leur offrir à un public d’Alumni, qui est très leurs repères. Ils sont saisis par la donner aussi voix au chapitre quant à diversifié et dont, par conséquent, les tentation du repli, ce qui s’observe la réflexion sur l’avenir de l’institution. attentes ne sont pas homogènes. Un à travers les taux de participation autre point est de savoir ce que l’on qui s’effondrent. Et là, Sciences Po a SERVICES ET peut apporter à Sciences Po en aidant directement ses étudiants. Par exemple, presque une vocation civique : faire vivre un débat public de qualité. La voix SOLIDARITÉ un important problème est celui du des Alumni doit pouvoir s’exprimer à logement. Or, certains Alumni résidant travers Émile, véritable porte-parole Au-delà des trois grands thèmes à Paris ou en région parisienne ont des de notre communauté, mais aussi à qui constituent le cœur de mon projet, appartements, des chambres à louer. travers l’organisation de multiples de nombreux autres dossiers existent. Je pense que nous pouvons aider les événements, à Paris et en région, Je pense qu’il y a une réflexion à avoir étudiants qui en ont besoin à trouver en France et à l’international. l alumni 9 invité
ALUMNI CULTURE LA CULTURE EST À L’HONNEUR À SCIENCES PO ALUMNI. ELLE EST SURTOUT ENTRE DE BONNES MAINS ! LA PRÉSIDENTE DU GROUPE CULTURE ET LE PRÉSIDENT DU CLUB CULTURE ET ART CONTEMPORAIN SE SONT PRÊTÉS AU JEU DU PORTRAIT ET REVIENNENT POUR ÉMILE SUR LEUR PARCOURS, LEUR PASSION POUR LE MONDE DE L’ART ET LEUR INVESTISSEMENT AU SEIN DE LA COMMUNAUTÉ DES ALUMNI. RENCONTRE. PAR MA ÏN A M ARJ ANY ( P RO M O 1 4 ) contribuer à quelque chose d’important », confie Fanny Fournier pour qui cette composante est essentielle à son épanouissement profession- nel. Sa passion, Fanny Fournier la transmet également au sein de Sciences Po Alumni. Depuis trois ans, elle est présidente du groupe Culture, mais aussi déléguée Sciences Po du club Culture & Management, qui rassemble des anciens d’écoles de commerce et de gestion travaillant dans le secteur culturel. Le club organise chaque mois des conférences sur le thème du management de la culture. La double casquette de Fanny Fournier lui a donné l’idée de proposer cette programmation aux alumni membres du groupe Culture. En com- Fanny Fournier, plément, d’autres activités leur sont offertes. Ces dernières années, un débat sur le thème mettre sa passion au « Investir dans l’art : entre le cœur et la raison », une conférence sur le mécénat culturel ou encore une matinée carrière sur les métiers service de sa carrière les plus porteurs dans le secteur culturel ont par exemple été organisés en lien avec d’autres groupes et clubs de l’association. Pour Fanny C ertains lieux font rêver. L’Opéra national d’aider ces établissements à mettre en place leur Fournier, les activités qu’elle organise ou aux- de Paris est l’un d’entre eux. Les yeux politique de développement en utilisant les outils quelles elle participe sont autant d’occasions rivés sur la façade savamment sculptée, du secteur privé (gestion financière, marketing, de montrer que « la culture n’est pas seulement on y pénètre avec émotion, cherchant du regard communication, etc.) », explique Fanny Fournier. un divertissement, mais un secteur écono- les mythiques plafonds du palais Garnier et Une alliance parfaite entre l’enseignement mique à part entière, qui produit de la richesse espérant apercevoir une étoile. Fanny Fournier reçu en école de commerce et sa passion économique et contribue au rayonnement de la (promo 10) y entre chaque matin depuis plus de pour la culture. Forte de cette expérience, France ». l cinq ans pour rejoindre son bureau et ne s’en la jeune femme intègre l’Association pour le lasse toujours pas. Travailler dans le secteur rayonnement de l’Opéra national de Paris en LES ACTIVITÉS DU GROUPE CULTURE de la culture est un rêve de longue date pour 2011. Au sein de cet organisme en charge de la 22 novembre 2016, 19 heures Table ronde - Crowdfunding is dead cette passionnée de musique, de littérature, de levée de fonds pour l’Opéra, elle est respon- 14 décembre 2016, 19 heures Événement networking - Meet and greet peinture ou encore de danse. Enfant, elle étudie sable du mécénat d’entreprise. Une source de 31 janvier 2017, 19 heures Cinéma - Séries télévisées : nouveaux le piano au conservatoire et prend des cours financement de plus en plus importante pour modèles, nouveaux défis de dessin. Diplômée dans un premier temps pallier la baisse des subventions publiques 21 février 2017, 19 heures Musique - Éthique et transparence : les d’une grande école de commerce parisienne, mais aussi pour accompagner l’émergence de incontournables enjeux du New Deal elle affine ensuite son profil en poursuivant nouveaux projets, impulsés par la direction. Par 28 mars 2017, 19 heures Patrimoine - Questions de successions : par un master à Sciences Po en communica- exemple, proposer des places à 10 euros pour comment aborder une succession artistique ? tion puis prend des cours du soir à l’École du les moins de 28 ans afin de leur faire découvrir 25 avril 2017, 19 heures Table ronde - L’avenir du métier de producteur Louvre. Sa formation lui permet de travailler la programmation du lieu. « Le mécénat permet dans le spectacle vivant : une concentration irrémédiable ? dans un cabinet de conseil spécialisé dans le à l’Opéra de Paris d’avoir une programmation Le groupe Culture propose tout au long de la saison la program- secteur culturel. Pendant deux ans, elle met toujours plus riche, toujours plus diversifiée, et mation du club Culture & Management, qui rassemble plus de ses compétences au service de l’Opéra de Lyon, permet à un public toujours plus large d’accéder 2 000 membres issus de grandes écoles de gestion (Sciences Po de la Mona Bismarck Fondation ou encore du à la culture. Cela donne un sens à notre activité Paris, HEC, ESCP Europe, ESSEC, EM Lyon, Audencia et INSEAD). Domaine national de Chambord. « L’idée était professionnelle et nous donne l’impression de Pour plus d’informations : sciences-po.asso.fr émile boutmy magazine 24 numéro 7 / automne 2016
ALUMNI CULTURE Avocat, le modèle économique des galeries d’art com- mence à s’époumoner. Son concept « art in the Il confie dormir très peu et être hyperactif. Il en profite pour s’investir également au sein commissaire flat » se développe dans un cadre underground, de Sciences Po Alumni et transmettre un peu uniquement grâce au bouche à oreille. Il a de sa passion. Depuis 2014, il est président du constitué un réseau d’une dizaine d’exposants club Culture et Art contemporain avec lequel il d’exposition, (« project rooms ») qui accueillent les œuvres d’artistes dans leur appartement. Progressi- organise des activités culturelles mainstream, principalement des visites privées d’exposi- écrivain… vement, naturellement, Samuel Raharison a tions dans des grands musées, mais aussi basculé de l’autre côté du miroir en devenant des événements plus confidentiels. Il a par lui-même artiste, sans jamais mettre un frein exemple mis sur pied les Rencontres de l’art les 1001 vies à sa carrière d’avocat. Contrairement à ce qu’il collectionne, il ne s’essaie pas à l’art visuel contemporain qui ont pour objectif de donner la parole aux artistes afin qu’ils livrent au de Samuel mais à la littérature. Après avoir remporté un public les clés pour décrypter leurs œuvres. concours de nouvelles et avoir été publié dans « Mon objectif à travers ce club est de répondre, une revue, il finalise son premier roman dont en relation avec les professionnels du marché de Raharison l’intrigue sera liée au monde de la culture. Avocat, amateur d’art, commissaire d’ex- position et écrivain. Les activités de Samuel l’art, à la question : l’art actuel, c’est quoi ? » Au cours de l’année 2015-16, le club a notamment organisé une rencontre avec Nathalie Rykiel à Raharison semblent ne jamais s’arrêter. propos de son livre 4 décembre et un accès pri- A vocat à l’âme artistique. Samuel Raha- vé pour accéder à la visite guidée d’une vente rison a « les pieds sur terre et la tête de prestige de Christie’s, proposant des pièces dans les étoiles ». Juriste de formation, de Nicolas de Staël et Jean Dubuffet. À l’avenir, il voulait un métier qui puisse le « stimuler Samuel Raharison aimerait que le club Culture intellectuellement » tout en continuant de et Art contemporain s’ouvre à un public de plus cultiver sa passion pour l’art contemporain, en plus large, au-delà du cadre des membres nécessaire à son équilibre personnel. Après de l’association. l un cursus académique en droit des affaires, il a exercé en tant que responsable juridique LES ACTIVITÉS DU CLUB CULTURE ET ART CONTEMPORAIN en société de gestion de portefeuille pendant 9 novembre 2016, 19 h 15 Visite guidée de l’exposition : une quinzaine d’années. Évoluant en droit Magritte – La trahison des images au centre Pompidou financier et en contact régulier avec des salles 19 novembre 2016, 15 h 30 Visite guidée de l’exposition : Oscar Wilde de marché, il complète sa formation initiale l’impertinent absolu au Petit Palais par un Executive Master en finance à Sciences 1er décembre 2016, 18 h 30 Visite guidée : Hodler, Monet, Munch au Po (promo 12). Il est ensuite devenu avocat, musée Marmottan en charge des pratiques « investment funds & 14 décembre 2016, 19 h 15 Visite thématique sur le thème : « Le vin de asset management » et « épargne salariale et l’art » au musée du Louvre actionnariat salarié ». En vertu de la réforme 16 janvier 2017, 19 heures Visite guidée de l’exposition : Brassaï de la profession d’avocat, Samuel Raharison Graffiti au centre Pompidou est également mandataire d’artistes et d’au- teurs. Une activité accessoire qui lui permet de conjuguer son expertise juridique et sa pas- PASS CULTURE sion. Amateur d’art contemporain depuis de Cette année Sciences Po Alumni vous propose une offre nombreuses années, il a également remis au d’adhésion spéciale qui vous permettra de participer goût du jour le concept d’art en appartement, aux événements organisés par le club Culture et le club s’inspirant des salons du XVIIIe siècle au cours Gourmet, tout cela à tarif préférentiel. desquels on pouvait « regarder des œuvres Réservez donc sans attendre votre Pass Gourmet de manière décomplexée et conviviale dans un ou votre Pass Culture sur sciences-po.asso.fr cadre intime », précise l’avocat, convaincu que alumni 25 culture
ALUMNI ENTRETIEN à la pointe “ Paris doit être de l’évolution du monde juridique. ” SEUL SCIENCES PO PARMI LES CANDIDATS, OLIVIER COUSI (PROMO 83) SE PRÉSENTE AU POSTE DE BÂTONNIER DE PARIS LORS DES ÉLECTIONS QUI SE DÉROULERONT LES 29 NOVEMBRE ET 1ER DÉCEMBRE. AVOCAT SPÉCIALISTE DU DROIT DES MÉDIAS ET DE LA PRESSE, IL TRAVAILLE DEPUIS 30 ANS AU SEIN DU CABINET GIDE ET COMPTE PARMI SES CLIENTS FRANCE TÉLÉVISIONS, RTL, FREE, UNIVERSAL OU ENCORE DISNEY. IL EXPLIQUE À ÉMILE LES ENJEUX DE CETTE ÉLECTION. PRO P O S RE C U E I L L I S PA R M AÏ NA M AR JANY (PROMO 1 4 ) Pourquoi vous présentez-vous au bâtonnat de Paris? haitons créer un institut du barreau de Paris. Et face au défi que Je me présente avec Nathalie Rouret, avocate en droit pénal représente l’économie numérique du droit et l’arrivée de plate- des affaires et de l’environnement. Nous voulons que la profession formes en ligne, nous devons établir une déontologie commune. d’avocat prenne les virages qui se présentent en termes de défis Enfin, la troisième thématique est l’amélioration de l’image des du numérique et de la concurrence. Paris est un pôle d’excellence avocats auprès des pouvoirs publics et des citoyens, ce qui passe avec de nombreux talents, mais les avocats ne travaillent pas suffi- par un investissement de nos confrères dans la cité. Des initia- samment ensemble. Nous souhaitons rassembler les compétences, tives existent déjà (consultations gratuites à la mairie, engage- les qualités et l’énergie des membres de notre profession pour que ments pro bono…) mais nous devons les mettre en valeur et les Paris soit vraiment à la pointe de l’évolution du marché juridique. organiser davantage. Quels sont les grands enjeux de la profession d’avocat et quelle Avocat, un rêve de longue date ? réponse y apporter ? Lorsque j’étais étudiant à Sciences Po, je ne pensais pas à deve- Notre programme s’articule autour de trois axes. Le premier nir avocat. Je voulais passer l’ENA et devenir diplomate, mais je est d’aider les jeunes confrères à s’installer et à prendre place dans n’ai pas été admis. Je me suis alors appuyé sur ma double forma- la profession. L’un des enjeux est la sélection. Ces dix dernières tion droit-Sciences Po pour devenir avocat. Et je ne regrette rien. années, beaucoup d’avocats sont arrivés sur le marché, qui arrive Sciences Po m’a finalement aidé dans ma carrière, c’est une for- à saturation. On souhaite donc que l’examen national, qui est en mation tournée vers l’éveil, la capacité de réaction et d’inventi- train d’être mis en place, permette d’avoir vité. Or, le métier d’avocat est justement un métier où l’innovation une sélection plus forte à l’entrée de la pro- est possible, on peut se fabriquer sa propre activité. En début de fession et évalue notamment les compé- carrière, après un passage à l’Institut français de presse, je me suis tences nécessaires pour être avocat, orienté vers les activités de la communication audiovisuelle. Au au-delà de la maîtrise du droit : esprit milieu des années 1980, j’ai travaillé sur la création de La Cinq et entrepreneurial, capacités d’organi- j’ai mis sur pied le département médias du cabinet Gide. C’était sation et de gestion d’un cabinet... Le un marché nouveau, l’innovation était au rendez-vous. l second axe est la conquête de mar- chés. Les avocats doivent aller cher- cher de nouvelles activités en matière d’arbitrage, de médiation, de QUEL EST LE RÔLE DU BÂTONNIER représentation, etc. Pour Le bâtonnier de Paris préside le Conseil de l’Ordre, organe délibé- rant, législatif et disciplinaire du barreau de Paris qui est composé développer ces nou- de 42 membres élus par leurs pairs. Le bâtonnier choisi à l’issue des veaux marchés, il faut élections du 29 novembre et 1er décembre commencera à travailler dès aussi permettre à nos 2017 en commun avec le bâtonnier encore en exercice pour assurer le confrères de se former. suivi des dossiers, puis il deviendra bâtonnier en titre à partir de 2018 À ce titre, nous sou- pour une durée de deux ans. 26 numéro 7 / automne 2016
ALUMNI MES ANNÉES RUE SAINT-GUILLAUME Jean-Paul Grand commis de l’État pendant plus de 40 ans, Jean-Paul Cluzel est chargé Cluzel Pourquoi Sciences Po ? Parce que c’était la manière privilégiée de faire l’ENA. J’étais né d’une famille modeste et j’ai profi- té de l’ascenseur républicain. J’avais envie de devenir haut fonctionnaire. Une amie de mes parents de cours à Sciences Po pour cette année. m’entendant toujours parler de politique, me dit un jour : «Jean-Paul, vous devriez faire l’ENA.» Je ne savais pas du tout ce qu’était l’ENA. Un retour rue Saint-Guillaume, 49 ans À l’âge de 15 ou 16 ans, j’ai appelé le standard de l’école et j’ai demandé comment on faisait pour après l’obtention de son diplôme, pour l’intégrer. La standardiste m’a répondu : « Il y a un concours mais généralement on fait Sciences Po avant. » C’est probablement elle qui a été la plus déterminante dans mon choix. Finalement, c’est celui qui fut successivement inspecteur Sciences Po qui m’a donné toutes les bases de ma carrière, beaucoup plus que l’ENA. des finances, directeur de cabinet du ministre des Affaires européennes, Un regret ? Au cours de mes trois ans d’études à Sciences Po, je n’ai jamais été invité à une « surprise party », directeur de l’Opéra de Paris, P.-D.G. de pas une seule fois, tout simplement parce que je n’appartenais pas à la même classe sociale que RFI puis de Radio France, président les autres élèves. Pourtant j’étais le meilleur élève dans ma conférence de méthode. C’était assez dur. J’avais très peu d’amis, l’apartheid social était très fort. À l’ENA, c’était plus facile avec les du Grand Palais et président du nouvel autres étudiants mais les études étaient moins intéressantes. établissement qui a fusionné le Grand Vos lieux de sortie à proximité de Sciences Po ? Palais avec la Réunion des musées Le Basile, qui n’a pas beaucoup changé. Le Bizuth. J’allais aussi dans des cinémas d’art comme nationaux Le Dragon, qui n’existe plus. C’est là que j’ai fait toute mon éducation cinématographique. J’allais aussi un peu dans les musées et au théâtre. Mais pas assez, car il fallait que je rattrape mon niveau P R O P O S R E C U E I L L I S PA R M A Ï N A M A R J A N Y ( P R O M O 1 4 ) de culture générale. Vous attendiez-vous à une telle carrière, notamment dans le domaine culturel ? Je ne pouvais pas du tout m’attendre à ce qui m’est arrivé. J’ai débuté comme inspecteur des finances, je pensais que j’allais faire une carrière dans l’administration financière. Ensuite, tout est arrivé un peu par hasard. Avant d’aller vers la culture, je me suis consacré aux affaires euro- péennes. J’étais et je reste un européen convaincu. Sciences Po y a contribué, mes professeurs, notamment Bertrand Labrusse (promo 57), ainsi que Raymond Barre (promo 48) étaient très pro-européens. BIO EXPRESS Un souvenir fort ? 1947 Naissance L’entrée dans le hall. La péniche n’a pas changé sauf qu’avant, à droite de l’entrée, il y avait un ves- 1967 Diplômé de Sciences Po et tiaire. Nous étions beaucoup moins nombreux et tous habillés en costume, donc nous déposions départ pour l’université de Chicago notre imperméable ou notre manteau au vestiaire. Cela donnait un sentiment d’être comme chez 1972 Sortie de l’ENA, promotion soi. Maintenant, à chaque fois que je reviens à Sciences Po, c’est d’abord la tenue décontractée des Charles de Gaulle élèves qui me frappe et la foule des allées et venues. 1986 à 1988 Directeur de cabinet de Bernard Bosson, ministre des Affaires européennes Enseigner pour rendre à Sciences Po 1992 à 1995 Directeur général puis À la rentrée, j’ai débuté un cours en anglais intitulé « Comparative cultural policies », obligatoire directeur de l’Opéra de Paris pour les étudiants de la section culture du master politiques publiques. J’ai le trac car Sciences Po 1995 à 2004 P.-D.G. de RFI m’a tellement apporté, tellement donné que j’ai peur de ne pas donner assez en retour. J’ai bien 2004 à 2009 P.-D.G. de Radio France évidemment conscience que les temps ont changé. Je vais aborder d’un œil absolument neuf ce 2009 à 2016 président du Grand métier de professeur. C’est l’une de mes autres anxiétés : être capable de donner à mes élèves Palais et président de la Réunion des quelque chose qui ne soit pas la réplique modernisée de ce que j’ai reçu il y a 50 ans. Je veux leur musées nationaux-Grand Palais. donner autant, mais d’une manière très différente. alumni 27 mes années...
40 42 48 59 La primaire : l’élection avant Portraits-robot du Premier grand débat de la La dissertation politique de l’élection candidat idéal présidentielle Charles Pépin MAGAZINE émile 2017 ré sid en ANNÉE ÉLECTORALE t p PORTRAIT I POINTS DE VUE I DÉCRYPTAGE I FICTION I DISSERTATION I LIVRES I DOSSIER La majorité des présidents de la Ve République sont passés par Sciences Po, cinq sur sept très exactement : Georges Pompidou, François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande. Aucune autre école française ne compte parmi ses anciens élèves autant de chefs d’État, et ce constat Sciences Po : pourrait aisément s’élargir aux ministres des différents gouvernements qui les ont fabrique du pouvoir politique ? accompagnés. D’où provient la spécificité de Sciences Po, souvent surnommée « l’école du pouvoir » ? Est-ce la conséquence logique de la volonté du fondateur de l’institution, Émile Boutmy, de rénover les élites françaises ? Les anciens élèves de la rue Saint-Guillaume sont encore nombreux, aujourd’hui, parmi les candidats à la présidentielles de 2017, à droite comme à gauche. Le prochain président sera-t-il lui aussi issu des bancs de l’école ? La question ©présidence de la République/J.Bonet-L.Blevennec est légitime et parfaitement d’actualité. Des origines, en 1872, à aujourd’hui, l’histoire de la scène politique française est- elle intrinsèquement mêlée à celle de Sciences Po ? Il semblerait que oui… magazine 31 dossier
MAGAZINE DOSSIER ÉMILE BOUTMY ET assez rapidement. « Au départ, l’idée d’Émile Boutmy est de fonder une école où l’on étudie pendant un ou deux ans seulement, pour SA VOLONTÉ DE RÉNOVER fournir une culture générale politique à des gens issus d’une autre formation. Boutmy veut aussi mettre en place une sorte de club de LES ÉLITES FRANÇAISES réflexion, avec l’idée qu’une fois sorti de l’école, on puisse y reve- Il est impossible de comprendre la place de Sciences Po dans nir pour assister à des conférences ou pour aller à la bibliothèque », le monde politique sans revenir sur l’histoire de sa création, liée à explique Emmanuel Dreyfus, historien spécialiste de Sciences Po. la guerre franco-prussienne. La défaite française est un choc pour Progressivement, sous la IIIe République, le procédé du tout le pays. Émile Boutmy, journaliste et professeur âgé de 35 ans concours se généralise, pour intégrer la fonction publique, ce qui en 1870, l’analyse comme la conséquence de l’incurie de la classe fait rapidement évoluer le projet d’Émile Boutmy, qui déclare, en dirigeante. L’idée germe alors de créer une école pour « refaire 1872, devant l’assemblée des actionnaires : « Il faut faire en sorte une tête au peuple », comme il l’écrit dans une lettre à son ami que les deux carrières politiques de haut vol qui ont une si grande Ernest Vinet, le 25 février 1871 : « Ne faut-il pas créer l’élite qui, de influence sur les destinées du pays, la diplomatie et la haute admi- proche en proche, donnera le ton à toute une nation ? Refaire une nistration, trouvent à l’école cette préparation supérieure qui leur tête au peuple, tout nous ramène à cela. (…) Entre autres choses a toujours manqué. » L’École libre des sciences politiques va ainsi bien nécessaires, il a manqué à la France d’avoir su essaimer tous devenir la voie royale pour préparer l’entrée dans le corps diplo- les ans deux ou trois cents esprits hautement cultivés qui, mêlés dans matique, à la Cour des comptes, au Conseil d’ État et à l’inspection la masse, y auraient maintenu le respect du savoir, l’attitude sérieuse des Finances. Et pour ceux qui ne réussissent pas ces concours, des intelligences et l’habitude saine de faire difficilement des choses la formation reçue à l’École libre leur permet de devenir cadres difficiles. » Quand Émile Boutmy lance Sciences Po, il veut donc dans de grandes entreprises. faire émerger, après le choc de la défaite, des élites politiques, éco- nomiques et intellectuelles, capables d’impulser une force nou- velle au pays. La proposition de cet homme, qui fréquente les DE LA IIIe À LA Ve RÉPUBLIQUE : salons de l’époque et a parmi ses connaissances de nombreux LE MODÈLE DE intellectuels, ne manque pas de séduire. Au total, 183 personnes investissent dans le capital de « l’École libre des sciences poli- L’HOMME POLITIQUE ÉVOLUE tiques », officiellement fondée en 1872. Les diverses sensibilités Progressivement, le nombre d’élèves augmente et l’École politiques de l’époque se retrouvent parmi ces nombreux action- se fait une place dans le monde de l’enseignement supérieur. Un naires. Le suffrage universel, expérimenté avec Robespierre à la certain nombre d’anciens étudiants se retrouve à des postes clés Révolution française puis avec Bonaparte, inspire encore un peu dans l’administration, mais ils sont encore peu nombreux à se lan- de défiance… L’idée est donc aussi de créer des élites capables cer en politique. À l’époque, il paraît malséant au haut fonction- d’orienter ce mode de scrutin dans cette république encore fra- naire de se présenter à des élections. Le modèle, qui perdurera gile au sortir de la guerre. Quant à la forme du projet, elle évolue sous la IVe République, est plutôt celui du médecin ou de l’avo- Les études des CHARLES DE GAULLE (1959-1969) Une éducation GEORGES POMPIDOU (1969-1974) Une scolarité d’une VALÉRY GISCARD D’ESTAING (1974-1981) De l’élite sociale à présidents de la catholique et militaire grande facilité l’élite scolaire Ve République Né à Montboudif en Auvergne le Né le 2 février 1926 à Coblence Né à Lille le 22 novembre 1890, 5 juillet 1911, Georges Pom- en Allemagne, Valéry Giscard Charles de Gaulle est formé dans pidou est un élève brillant qui d’Estaing est formé au lycée des établissements catholiques apprend avec une grande facilité. Janson de Sailly avant d’intégrer de l’école au lycée. Admis à 19 Petit-fils de paysans et enfant une classe préparatoire au lycée ans à l’académie militaire de d’instituteurs, il étudie au lycée Louis-le-Grand. Il interrompt sa Saint-Cyr en étant classé 119e sur d’Albi avant d’être admis en hy- scolarité en 1944 pour s’engager 221, il prend à cœur ses études pokhâgne à Toulouse puis d’en- dans l’armée après la Libération et finit 13e dans le classement de trer à l’École normale supérieure de Paris. Il revient en prépa à sortie de l’école. rue d’Ulm en 1931. Alors qu’il l’automne 1945 puis est reçu prépare l’agrégation, il s’inscrit sixième à Polytechnique en avril à l’École libre des sciences poli- 1946. Il poursuit sa formation à tiques, ce qui ne l’empêche pas l’ENA dans la promotion Europe d’être reçu premier à l’agrégation (1949-1951). de lettres en 1934. émile boutmy magazine 32 numéro 7 / automne 2016
MAGAZINE PRÉSIENTIELLE émile 2017 r éA N N É E É L E C T O R AeL E n t p sid cat qui devient notable dans sa ville, et qui, fort de cette implan- travaille au secrétariat général du gouvernement. De là, rapide- tation locale, se lance en politique. La maîtrise de l’art du discours ment, il entre comme conseiller au cabinet de Georges Pompidou, est aussi un atout. Les avocats, mais aussi les professeurs, réus- alors Premier ministre. On lui propose de se lancer en politique, il sissent plutôt bien car ils répondent aux exigences de la rhétorique se présente aux élections législatives en Corrèze, investi de la légi- parlementaire. Cela ne signifie pas pour autant que les anciens timité d’être un haut fonctionnaire, proche du Premier ministre. élèves de Sciences Po ne sont pas introduits dans les arcanes du Élu député, il devient rapidement ministre, lorsque Georges Pom- pouvoir politique. Les hauts fonctionnaires, s’ils ne se présentent pidou est élu, puis Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing, que rarement à une élection, jouent dans l’appareil d’ État de la et enfin, président en 1995. IVe République un rôle non négligeable. Et celui-ci se renforcera Mais Sciences Po n’est pas juste la formation initiale des hauts encore sous la Ve République, avec le passage d’un régime parle- fonctionnaires, dont les plus audacieux, après leur sortie de l’ENA mentaire à un régime présidentiel. L’intimité entre l’administra- et quelques années passées dans l’administration, se lancent en tion et le pouvoir politique est forte, et elle fait monter en puis- politique… elle est, et cela date même d’avant la guerre, une voie sance les hauts fonctionnaires issus de Sciences Po. royale à suivre lorsque l’on a le projet de faire de la politique. Pour Le modèle de l’homme politique commence à changer après Claude Lelièvre, lorsque Georges Pompidou entame, au début la guerre. Les hauts fonctionnaires sont de plus en plus nombreux des années 1930, un cursus à l’École libre des sciences politiques, à se lancer en politique. Pour l’historien Emmanuel Dreyfus, l’éco- en parallèle de sa formation à l’École normale supérieure, c’est nomie a joué un rôle dans cette évolution : « Dans les années 1960, certainement avec l’idée de se lancer un jour en politique : « On exercer le pouvoir politique demande une formation plus tech- considère souvent l’arrivée de Pompidou auprès de De Gaulle nique pour comprendre les rouages de l’administration – qui a et son entrée en politique comme une surprise, mais son passage beaucoup grossi – et aussi parce que l’on attend plus de l’action par Sciences Po est une quasi preuve que Pompidou envisageait économique de l’État. Il y a donc une légitimité qui vient de l’ex- d’avoir une action dans le monde administratif et politique. » L’his- pertise administrative et économique, et qui supplante la légiti- torien a raison, Sciences Po fait bien plus qu’irriguer les sphères mité issue de l’éloquence. » C’est ainsi que l’on voit augmenter, en de l’administration qui irriguent elles-mêmes ensuite les assem- quelques années, le nombre de diplômés de Sciences Po sur les blées parlementaires et les gouvernements : elle donne envie à bancs de l’Assemblée nationale : de 8 % en 1950, ils sont 13 % en ceux qui veulent se dédier à la politique de venir étudier rue 1978. L’historien de l’éducation Claude Lelièvre note « un tour- Saint-Guillaume. Pourquoi ? Précisément parce que Sciences Po nant dans l’entourage élyséen assez marqué sous la présidence de est le lieu où l’on apprend les fondamentaux pour comprendre la Valéry Giscard d’Estaing. Il va s’entourer d’énarques et comme la politique. Dans un paysage universitaire où pendant longtemps il plupart des énarques viennent de Sciences Po, le couple Sciences n’y avait pas d’enseignement de la science politique à proprement Po/ENA s’impose comme la haute noblesse d’État. » L’incarna- parlé, c’est-à-dire l’étude de l’organisation politique des sociétés, tion parfaite de ce modèle de l’homme politique type des années Sciences Po devient rapidement le lieu reconnu de la discipline. 1960-70 est Jacques Chirac : il intègre Sciences Po, ensuite l’ENA, Son sujet de prédilection fut très vite l’analyse des scrutins élec- dont il sort pour devenir auditeur à la Cour des comptes. Puis, il toraux. C’est l’héritage d’André Siegfried, avec ses études sur le FRANÇOIS MITTERRAND JACQUES CHIRAC NICOLAS SARKOZY FRANÇOIS HOLLANDE (1981-1995) (1995-2007) (2007-2012) (2012-2017) Une éducation Le haut fonctionnaire Les études, oui, mais Le cumul des catholique et une devenu animal la politique toujours diplômes, une façon formation classique politique en ligne de mire de ne pas choisir ? Né le 29 octobre 1916 à Jarnac, Né le 22 novembre 1932 à Paris, Né le 28 janvier 1955 à Paris, Né le 12 août 1945 à Rouen, François Mitterrand étudie dans Jacques Chirac a débuté sa vie Nicolas Sarkozy étudie notam- François Hollande est élève au l’établissement catholique Saint- scolaire dans l’école publique : ment au lycée Chaptal puis pensionnat Jean-Baptiste-de-La- Paul d’Angoulême. Baccalauréat école communale en Corrèze, intègre la faculté de droit de Salle de Rouen avant d’intégrer en poche, il monte à Paris et lycée Hoche de Versailles, lycée l’université Paris X Nanterre dont le lycée Pasteur de Neuilly-sur- s’inscrit en droit en 1934 tout en Carnot puis lycée Louis-le-Grand. il obtient une maîtrise en 1978. Seine, où il obtient son baccalau- préparant le concours d’entrée En 1951, il intègre Sciences Po L’année suivante, il reçoit un réat en 1972. Il poursuit par des à Sciences Po où il est admis en et en est diplômé en 1954. Alors diplôme d’études approfondies études en droit à l’université Paris 1935. Alors qu’après son service qu’il est admis la même année à en sciences politiques. Il étudie 2 puis à HEC Paris et à Sciences militaire il prépare le barreau, l’ENA, il fait d’abord son service également à Sciences Po mais Po, dont il est diplômé en 1974. il est mobilisé en 1939. Blessé, militaire et demande à servir en ne décrochera pas son diplôme Après avoir achevé son service prisonnier, puis évadé il entre Algérie. À sa sortie de l’ENA en à la fin du cursus, en 1981. En militaire en 1978, il intègre l’ENA ensuite directement dans l’action 1959 (promotion Vauban), il est parallèle, il obtient le CAPA (Cer- (promotion Voltaire) et devient politique. nommé auditeur à la Cour des tificat d’aptitude à la profession auditeur à la Cour des comptes comptes. d’avocat). en 1980. magazine 33 dossier
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