SPÉCIAL PRÉSIDENTIELLE - LE MAGAZINE DES SCIENCES PO - Sciences Po Alumni

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SPÉCIAL PRÉSIDENTIELLE - LE MAGAZINE DES SCIENCES PO - Sciences Po Alumni
LE MAGAZINE DES SCIENCES PO

                              LE MAGAZINE DES SCIENCES PO

SPÉCIAL
PRÉSIDENTIELLE
ÉMILE BOUTMY MAGAZINE / N° 7 / AUTOMNE 2016
SPÉCIAL PRÉSIDENTIELLE - LE MAGAZINE DES SCIENCES PO - Sciences Po Alumni
SPÉCIAL PRÉSIDENTIELLE - LE MAGAZINE DES SCIENCES PO - Sciences Po Alumni
ALUMNI INCIPIT

CARNET DE CAMPAGNE                                                        ET SI C’ÉTAIT VRAI ?

                                                                                       FAITES VOS JEUX
 DÉCRYPTAGE
                                           émile

                                    22017
                                      017 r éA N N É E É L E C T O R AeL E n
                                                                          t
                                p

 FICTION                                           sid                                     LE GRAND DÉBAT

                                                                      LE CHIFFRE QUI DÉRANGE
SCIENCES PO... LITIQUES
                         www.emilepresident.fr
    Émile Président ! Le clin d’œil est double : nous sommes heureux de lancer le site internet d’Émile au
    moment de l’élection présidentielle, et d’en faire notre candidat !

    N’est-il pas, avec son nom de baptême qui est un hommage au fondateur de Sciences Po, « …le meilleur
    d’entre nous » ?

    Retrouvez en ligne, dès le mois de novembre, toutes les rubriques du magazine dédiées à la présidentielle
    et bien d’autres contenus encore.

    Cette présidentielle 2017 sera suivie par les anciens élèves de Sciences Po, et c’est l’assurance d’en avoir un
    décryptage éclairé et incisif.

                                                   alumni   3   incipit
SPÉCIAL PRÉSIDENTIELLE - LE MAGAZINE DES SCIENCES PO - Sciences Po Alumni
ÉMILE ÉDITORIAL
                                                                                                                                          Par Anne-Sophie Beauvais

Bon anniversaire,                                                                                                                         (promo 01)
                                                                                                                                          Directrice générale
chère promo !                                                                                                                             de Sciences Po Alumni

                                                                                                                                          Assumons,
PAR DAVID VAILL ANT (PROMO 06)
MEMBRE DU CONSEIL D’ADMINISTRATION
DE SCIENCES PO ALUMNI

      Le monde regardait vers l’Orient avec
inquiétude et s’acheminait vers une crise financière
                                                                                                                                          avec humilité
d’une ampleur inouïe ; la France se préparait à une
élection présidentielle âprement disputée, après avoir                                            N’ayons pas peur de le dire : Sciences Po
vu sa jeunesse s’emparer par deux fois des rues ; les
bleus voyaient la victoire leur échapper de si peu…                                               était faite, dès les origines, pour irriguer
C’était l’année 2006. Je m’apprêtais à quitter la rue
Saint-Guillaume. Nous préparions nos derniers
                                                                                                  les sphères du pouvoir. C’était le projet du fon-
examens, défilions dans les rues, passions des                                                    dateur de l’école, Émile Boutmy. Cette « École libre des
entretiens, débattions de l’état du monde, pensions                                               Sciences Politiques » – son nom de baptême – devient,
à l’avenir, ou lui laissions le soin de s’inquiéter pour                                          en 1945, l’« Institut d’Études Politiques de Paris », puis, en
nous. Nous quittions le brouhaha de la péniche, l’odeur
                                                                                                  2007, « Sciences Po » : autant de noms qui confirment et réaffirment
des livres, les sandwiches du Basile, les discussions
dans le jardin, les tutélaires Boutmy et Chapsal. Une
                                                                                                  à chaque génération la parenté de l’école avec la sphère publique et
promotion de plus, une promotion unique. Tout comme                                               politique, et qui donnent envie à ceux qui veulent s’y dédier de venir
la vôtre.                                                                                         étudier rue Saint-Guillaume.
                                                                                                  À la veille de la présidentielle de 2017, les Sciences Po sont donc logi-
     Nombre d’entre nous n’ont jamais vraiment                                                    quement là. Au premier plan, à s’engager comme candidat, dans les
quitté ce port d’attache qu’est Sciences Po ; devenus
                                                                                                  campagnes des primaires ; dans les coulisses, à conseiller leur « pou-
professeurs, donateurs, maîtres de conférence,
anciens – la rue Saint-Guillaume ne se laisse pas                                                 lain », ou bien encore dans la presse, à commenter et analyser les faits
oublier facilement. Mais elles sont rares, les occasions                                          et gestes des politiques ; sans même parler des instituts de sondages,
de se retrouver tous ensemble : un anniversaire de                                                dont les études et les porte-parole fleurissent en ces périodes d’agitation
promotion, c’est probablement la meilleure possible.                                              électorale. Le degré d’intégration des Sciences Po dans la sphère poli-
Le 3 décembre, l’école reprendra nos couleurs, celle
                                                                                                  tique, au sens large, est frappant. Certains s’en agacent, on les comprend.
des diplômés 2006, mais aussi 2001, 1996, 1991 et
1986 pour fêter tous ensemble nos 10, 15, 20, 25 ou
                                                                                                  Mais chercher à renier cette affinité serait une erreur. Ce magazine a
30 bougies. Une journée entière de retrouvailles, qui                                             choisi de parler de l’actualité politique, si tendue à la veille d’une telle
ne sera pas de trop pour rattraper le temps perdu                                                 échéance, et d’aller à la rencontre des Sciences Po qui font cette actua-
et plonger à nouveau dans le bouillonnement qui                                                   lité. Enquête, portraits, décryptage, débat… de nouvelles rubriques vous
caractérise Sciences Po. L’école a bien un peu changé                                             sont proposées dans ce numéro. Elles vivront dans les pages d’Émile
– heureusement. Mais l’essentiel est toujours là : la
                                                                                                  jusqu’à la présidentielle, et sur le site internet que nous lançons en
péniche, le brouhaha, le Basile, le jardin, Boutmy et
Chapsal. Et vous, si vous nous faites ce plaisir. l                                               novembre pour suivre cette campagne au plus près :
                                                                                                  www.emilepresident.com
                                                                                                  Un grand merci à Joann Sfar, qui a accepté d’illustrer notre couver-
Le samedi 3 décembre 2016, à partir de 10 h 30,                                                   ture, et de lancer ainsi avec nous cette séquence politique d’Émile. Son
l’association organise les anniversaires des promotions
                                                                                                  dessin est drôle et pertinent à la fois (n’est-ce pas le talent des grands
1986, 1991, 1996, 2001 et 2016, à Sciences Po.
Pour en savoir plus :
                                                                                                  dessinateurs ?) : remettons Sciences Po à sa juste place… voilà ce que
anniversairespromo@sciencespo-alumni.fr                                                           ce dessin nous dit, et il a bien raison ! l

ÉMILE BOUTMY MAGAZINE-SCIENCES PO - AUTOMNE 2016 - n° 7 Magazine des élèves et anciens élèves de Sciences Po, édité par Sciences Po alumni, distribué à l’ensemble des cotisants Adhésion en ligne sur
www.sciences-po.asso.fr Siège de l’Association 26, rue Saint-Guillaume, 75007 Paris, 01 45 48 40 40, info@sciencespo-alumni.fr Directeur de la publication Pascal Perrineau (promo 74) Rédactrice en chef
Anne-Sophie Beauvais (promo 01) Rédactrice en chef adjointe Audrey Marzouk (promo 06) Journaliste Maïna Marjany (promo 14) Rédaction Marie-Pierre Bourgeois (promo 15), Olivier de Cointet (promo 98)
Directeur artistique Michel Maïquez Conseil d’orientation Agnès Chauveau (promo 95), Annick Cojean (promo 80), Jean-Sébastien Ferjou (promo 94), Éric Fottorino (promo 83), Alain Genestar (promo 76), Marc
Jézégabel, Renaud Leblond (promo 86), Gérard Leclerc (promo 76), Pascal Perrineau (promo 74), Dominique Reynié (promo 83), Jérôme Sainte-Marie (promo 90), Benoît Thieulin (promo 95), Philippe Weil (promo 77)
Comité éditorial Laurent Acharian (promo 00), Pascal Cauchy, Emmanuel Dreyfus (promo 91), Marie-Françoise Golinsky (promo 62), Bertrand Warusfel (promo 81) Ont aussi participé à ce numéro Camille Leboeuf
Secrétariat de rédaction Bénédicte Pérot Photographe Manuel Braun Régie publicitaire FFE Directeur de la publicité Patrick Sarfati, 15, rue des Sablons, 75116 Paris, 01 53 36 20 40, www.ffe.fr Responsables
commerciaux Sidney Schando, 01 43 57 88 70, et Mickael Caron, 01 53 36 37 88 Impression PRINTCORP, 6, rue Jean-Pierre Timbaud, 75011 Paris. N° ISSN 0753-3454 Création de la maquette, réalisation Polka Image.
                                                                      émile boutmy magazine           4    numéro 7 / automne 2106
SPÉCIAL PRÉSIDENTIELLE - LE MAGAZINE DES SCIENCES PO - Sciences Po Alumni
ÉMILE S O M M A I R E
                                                       61 ANALY SE
                                                            La présidentielle aux États-Unis : une élection de tous les rejets ?
                                                            Par Pascal Perrineau
    AUTOMNE 2016 - NUMÉRO 7
                                                      64 LIVRES
                                                            Émile fait sa rentrée littéraire
                                                            Par Victoire Tuaillon

 3 WWW.EMILEPRESIDENT.FR                              66 ENTRETIEN
                                                            Laurence Engel, présidente de la BnF
 4 ÉDITORIAL                                          68 RENCONTRE
                                                            Charles Philipponnat, le champagne, un art de vivre
    ALUMNI
 7 INVITÉ                                              73 BONNES ADRESSES
    Pascal Perrineau                                   74 CULTURE MIX
                                                            Par Pluris
10 LES NOUVEA UX MEMBRES DU CONSEIL
    D’ADMINISTRATION DE SCIENCES PO ALUMNI
                                                            CAMPUS
13 LES DIPLÔMÉS DU 28                                 99 PORTRAIT
    Qui sont les Alumni de Sciences Po Executive            Olivier Duhamel, président de la FNSP
    Education ?                                             Par Elisa Mignot
22 LES L A URÉATS DU PRIX DES ALUMNI                 104 ENQUÊTE
                                                            Les 15 ans des CEP : enquête sur le terrain
24 PORT RAITS                                               Par Élise Stern
    Fanny Fournier et Samuel Raharison
26 ENTRETIEN                                         109 NOS MÉCÈNES
    Olivier Cousi, candidat au bâtonnat              110 RECHERCHE
                                                            Quel bilan de la recherche à Sciences Po ?
27 MES ANNÉES RUE SAINT-GUILL A UME                         Entretien avec Christine Musselin
    Jean-Paul Cluzel
28 C ARNET                                           112 ENTREPRENEURS

29 RÉTRO                                                    CARRIÈRES
    Ces présidents qui ont enseigné à Sciences Po           DOSSIER
                                                     115 Nouveautés au pôle Carrières
    MAGAZINE                                                Entretien avec Brigitte Rischard
31 DOSSIER PRÉSIDENTIELLE                            120 Focus sur les ateliers fondamentaux
    Sciences Po : fabrique du pouvoir politique ?
36 PORT RAITS                                        122 L’entretien au pôle Carrières
    Primaire à droite : les Sciences Po s’engagent   123 Cycles pour l’emploi
40 DÉCRYPTA GE                                       124 ENTRETIEN
    La primaire : raccourci ou impasse ?                    Romain Dessal : “TTSO est une extension
    Par Jérôme Sainte-Marie                                 de moi-même.”
42 FAITES V OS JEUX                                  126 ENQUÊTE
    Portrait-robot du candidat idéal                        La fonction RH a-t-elle pris le tournant du digital ?
45 LE CHIFFRE QUI DÉRANGE                            128 CHEMIN DE TRAVERSE
    Par Luc Rouban                                          Kee-Yoon Kim, avocate devenue humoriste
46 POINTS DE VUE                                     130 NOMINATIONS
48 LE GRAND DÉB AT                                   137 A GEND A
    Les études : un ascenseur social en panne ?
    Élisabeth Lévy et Cyril Delhay                   138 D’UN MOT
                                                            Par Romain Dutreil
54 FICTION
    Revue de campagne                                EN COUVERTURE Illustrateur, auteur de BD, romancier, réalisateur… Joann Sfar est
    Par Karim Amellal                                un artiste multiple. Diplômé de philosophie et des Beaux-Arts de Paris, il a été plu-
                                                     sieurs fois récompensé au Festival international de la bande dessinée à Angoulême.
59 DISSERTATION
    Qu’est-ce qu’une vraie décision politique ?      De Charlie Hebdo au Huffington Post en passant par Télérama et Paris-Match, il irrigue
    Par Charles Pépin                                la presse de dessins et se lance également dans l’écriture de romans et dans le
                                                     cinéma. Joann Sfar obtient le César du meilleur premier film pour Gainsbourg, vie
                                                     héroïque sorti en 2010. En 2011, il adapte sa célèbre série Le chat du rabbin au cinéma.
                                                     Fin de la parenthèse, sa dernière bande dessinée est parue en septembre dernier.
                                                           émile   5   sommaire
SPÉCIAL PRÉSIDENTIELLE - LE MAGAZINE DES SCIENCES PO - Sciences Po Alumni
2 juillet 2016 › 8 janvier 2017
  261 boulevard Raspail 75014 Paris – fondation.cartier.com
#FondationCartier           #LeGrandOrchestreDesAnimaux
Hiroshi Sugimoto, Alaskan Wolves, 1994 (détail). Collection de l’artiste. © Hiroshi Sugimoto. Photos (animaux) : © Shutterstock / © Biosphoto.
SPÉCIAL PRÉSIDENTIELLE - LE MAGAZINE DES SCIENCES PO - Sciences Po Alumni
10                                 13                                          22                                  29
Le nouveau conseil                 Qui sont les diplômés de                      Les lauréats du prix des Alumni   Ces présidents qui ont
d'adminsitration de Sciences       l'Executive Education ?                                                         enseigné à Sciences Po

                       ALUMNI
Po Alumni

                      INVITÉ I ENQUÊTE I PORTRAITS I ENTRETIEN I RÉTRO

                                                 INVITÉ

PASCAL
PERRINEAU
NOUVEAU
PRÉSIDENT DE
L’ASSOCIATION
Des années 1970 à aujourd’hui, Pascal Per-
rineau a toujours gardé des liens très forts
avec Sciences Po. D’abord étudiant rue
Saint-Guillaume, il y fait ensuite ses pre-
miers pas en tant que chercheur. Bien qu’il
s’envole vers d’autres horizons, le polito-
logue revient travailler au sein de l’institu-
tion à la fin des années 1980 et prend la tête
du CEVIPOF jusqu’en 2013. Une nouvelle
page de cette histoire vient de s’écrire, avec
                                                     Pascal Perrineau
son élection à la présidence de l’Association
des Alumni. Son projet s’articule autour
                                                     et Sciences Po,
de trois grands thèmes : porter la voix des
Sciences Po dans le débat public, faire vivre
davantage la diversité des Alumni en région
                                                     “ L’histoire d’un long
et à l’international et définir un partenariat
équilibré entre Sciences Po et ses anciens.
                                                     compagnonnage. ”
Rencontre avec notre nouveau président.
                                                 PROPOS R EC UEIL L IS PA R M A ÏNA M A RJA NY (PROMO 1 4 )
                                                 PH OTOS M A NUE L BRA UN

                                                          alumni     7     invité
SPÉCIAL PRÉSIDENTIELLE - LE MAGAZINE DES SCIENCES PO - Sciences Po Alumni
ALUMNI INVITÉ

DU DROIT À LA                                       Sciences Po qui était tombée quelque          confiance à travers leur vote. De plus,
SCIENCE POLITIQUE                                   peu en déshérence. En étant à la tête de
                                                    ce laboratoire, je me suis aussi efforcé
                                                                                                  nous avons un conseil d’administration
                                                                                                  extrêmement riche, avec des gens
      Après mon baccalauréat à Tours,               de le projeter davantage dans la vie          qui viennent de tous les horizons
je me destinais plutôt au droit et c’est            publique en développant de multiples          professionnels : culture, économie,
finalement en faisant du droit public               partenariats, avec des pouvoirs               entreprise, administration, monde de
que j’ai découvert l’objet politique, qui           publics, des entreprises privées, des         l’enseignement et de la recherche…
m’a tout de suite intéressé. Je venais              associations, le monde des médias…            En revanche, je suis préoccupé par
également d’une famille où il y avait un            Il ne faut pas oublier que la recherche       le taux de participation : à peine un
grand intérêt pour la chose publique                vit largement sur des fonds publics,          Alumni sur dix a voté. Les Alumni
et la vie politique. Je suis monté à                la société attend donc légitimement           sont donc des Français comme les
Paris pour finir mes études de droit                un retour sur investissements.                autres, saisis par une certaine langueur
européen et j’ai rencontré à l’université                                                         civique, contre laquelle il va falloir
Paris I Georges Lavau, remarquable                  COMPRENDRE LES                                lutter. L’un de mes défis en tant que
professeur de science politique. Avec
lui, j’ai découvert la science politique
                                                    RESSORTS DE                                   président de l’association sera de
                                                                                                  m’adresser aux anciens moins engagés
comme on la pratique à Sciences Po                  LA POLITIQUE                                  dans la vie de l’association et essayer
et ça m’a littéralement passionné.                                                                de doubler le taux de participation.
Sur son conseil, j’ai intégré Sciences                   Au cours de ma carrière, j’ai            Je souhaite également faire vivre de
Po. Je me suis alors détaché de ma                  travaillé sur de multiples objets de          manière plus intense la diversité des
discipline originelle qui était le droit            recherche mais je suis toujours resté         Alumni, en région et à l’étranger. Je
et j’ai découvert les grandes traditions            extrêmement attaché à ce qui faisait la       ne dis pas que rien n’a été accompli
intellectuelles de Sciences Po, telles              force de Sciences Po dans le paysage          auparavant sur ce terrain, mais il
que l’histoire politique et la sociologie           intellectuel : l’histoire politique,          faut renforcer ces actions, organiser
électorale. Les chercheurs de premier               l’analyse de la vie politique et des          plus d’événements hors de Paris, se
plan de cette maison m’ont donné                    courants d’idées qui l’animent ainsi que      déplacer, aller à la rencontre de ces
envie de me tourner vers le monde                   la sociologie électorale. À mon modeste       Alumni. L’objectif est de montrer
de la recherche, qui répondait à ma                 niveau, j’ai voulu m’inscrire dans cette      que ce tissu incroyablement pluriel
volonté de comprendre les rouages de                tradition et cet héritage intellectuel, qui   et chargé de multiples compétences,
la politique. J’ai préparé ma thèse de              m’avaient formé et qui me passionnent.        a une certaine cohésion.
doctorat puis je suis devenu chercheur              Le fil conducteur de mes recherches a
au CEVIPOF. Mais comme je pensais
que la recherche n’a de sens que si on
                                                    été de comprendre de quoi la politique
                                                    est le symptôme. Quels sont les
                                                                                                  L’ASSOCIATION ET
la communique aux jeunes générations,               ressorts derrière les comportements           SON ALMA MATER
j’ai passé l’agrégation en 1981 et j’ai             et les attitudes politiques ? Et ces
été nommé professeur à Sciences Po                  ressorts ne sont pas toujours d’ordre               Le lien entre les Alumni et Sciences
Grenoble puis dans mon université                   politique, ils peuvent appartenir à           Po doit être étroit. Lorsqu’on se
d’origine, François-Rabelais à Tours.               l’héritage familial, relever de clivages      retrouve dans une association d’anciens
                                                    sociaux, historiques ou religieux…            élèves, cela signifie que l’on est attaché
VINGT ANS À LA                                                                                    à l’institution qui nous a formés et

TÊTE DU CEVIPOF                                     UN NOUVEAU                                    que l’on a envie de rendre une partie

     À la fin des années 1980, le
                                                    PRÉSIDENT POUR                                de ce qu’elle nous a donné. Beaucoup
                                                                                                  de progrès ont été faits ces dernières
directeur de Sciences Po Alain Lancelot             TOUS LES ALUMNI                               années pour renforcer ce lien. Sous
m’a demandé de revenir puis m’a                                                                   la présidence de Pierre Meynard, un
confié la direction du CEVIPOF. J’ai                     Mon parcours professionnel est           partenariat a été établi avec Sciences
pris énormément de plaisir à diriger                l’histoire d’un long compagnonnage            Po. En outre, la réforme des statuts de
ce laboratoire pendant 20 ans et à y                avec Sciences Po, c’était donc                l’institution prévoit maintenant que le
mener des recherches individuelles                  naturel pour moi de m’investir dans           président des Alumni siège au conseil
mais aussi collectives. Dans le cadre               Sciences Po Alumni, car j’appartiens          d’administration de la FNSP. C’est
de la recherche collective, grande                  profondément à cette maison et à la           l’un des signes de ce partenariat serein
tradition du CEVIPOF, j’ai notamment                culture dont elle est porteuse. Je suis       et intime que les Alumni et Sciences
ranimé la collection des « Chroniques               heureux que les anciens de Sciences           Po ont appelé de leurs vœux et c’est
électorales », éditée aux Presses de                Po aient bien voulu m’investir de leur        extrêmement cohérent car l’association

                                            émile boutmy magazine   8   numéro 7 / automne 2016
SPÉCIAL PRÉSIDENTIELLE - LE MAGAZINE DES SCIENCES PO - Sciences Po Alumni
ALUMNI INVITÉ

                                                                                “Faire vivre de manière
                                                                                plus intense la diversité
                                                                                des Alumni en région et à
                                                                                l'étranger.”
                                                                                          un logement lors de leur scolarité
                                                                                          à Sciences Po. Il s’agit de solidarité
                                                                                          en actes et non pas seulement de
                                                                                          solidarité en mots et l’Association des
                                                                                          Alumni peut contribuer à organiser
                                                                                          cette solidarité entre les générations.

                                                                                          2017, UNE ANNÉE À
                                                                                          GRANDS ENJEUX
                                                                                               Une année de haute intensité
                                                                                          politique s’annonce. Elle débute
                                                                                          dès novembre 2016 avec l’élection
                                                                                          présidentielle américaine et, en France,
                                                                                          avec la primaire de la droite suivie de
                                                                                          la primaire à gauche, puis l’élection
                                                                                          présidentielle, les élections législatives
                                                                                          et enfin les élections sénatoriales en
                                                                                          septembre 2017. C’est un moment
                                                                                          extraordinaire ! Il faut que Sciences Po
                                                                                          s’en empare et que l’Association des
                                                                                          Alumni l’accompagne. Ce qui a fait
                                                                                          la force de Sciences Po pendant des
                                                                                          décennies, c’est sa capacité à parler au
                                                                                          monde politique, à mêler les regards
                                                                                          des universitaires, des politiques,
                                                                                          des responsables économiques et
                                                                                          sociaux et des journalistes sur l’objet
                                                                                          politique. Il faut faire revivre cela
                                                                                          avec beaucoup d’intensité au cours
                                                                                          de cette campagne. Sciences Po ainsi
                                                                                          que les Alumni doivent être un forum
                                                                                          pour contribuer à éclairer la lanterne
                                                                                          des citoyens. C’est d’autant plus
                                                                                          urgent et important qu’aujourd’hui,
représente des générations d’anciens          sur les services que l’association peut     nombreux sont ceux qui ont perdu
élèves, il est donc légitime de leur          offrir à un public d’Alumni, qui est très   leurs repères. Ils sont saisis par la
donner aussi voix au chapitre quant à         diversifié et dont, par conséquent, les     tentation du repli, ce qui s’observe
la réflexion sur l’avenir de l’institution.   attentes ne sont pas homogènes. Un          à travers les taux de participation
                                              autre point est de savoir ce que l’on       qui s’effondrent. Et là, Sciences Po a

SERVICES ET                                   peut apporter à Sciences Po en aidant
                                              directement ses étudiants. Par exemple,
                                                                                          presque une vocation civique : faire
                                                                                          vivre un débat public de qualité. La voix
SOLIDARITÉ                                    un important problème est celui du          des Alumni doit pouvoir s’exprimer à
                                              logement. Or, certains Alumni résidant      travers Émile, véritable porte-parole
    Au-delà des trois grands thèmes           à Paris ou en région parisienne ont des     de notre communauté, mais aussi à
qui constituent le cœur de mon projet,        appartements, des chambres à louer.         travers l’organisation de multiples
de nombreux autres dossiers existent.         Je pense que nous pouvons aider les         événements, à Paris et en région,
Je pense qu’il y a une réflexion à avoir      étudiants qui en ont besoin à trouver       en France et à l’international. l

                                                               alumni   9   invité
SPÉCIAL PRÉSIDENTIELLE - LE MAGAZINE DES SCIENCES PO - Sciences Po Alumni
ALUMNI CULTURE

LA CULTURE EST À L’HONNEUR À SCIENCES PO ALUMNI. ELLE EST SURTOUT
ENTRE DE BONNES MAINS ! LA PRÉSIDENTE DU GROUPE CULTURE ET LE PRÉSIDENT DU CLUB
CULTURE ET ART CONTEMPORAIN SE SONT PRÊTÉS AU JEU DU PORTRAIT ET
REVIENNENT POUR ÉMILE SUR LEUR PARCOURS, LEUR PASSION POUR LE MONDE DE L’ART ET
LEUR INVESTISSEMENT AU SEIN DE LA COMMUNAUTÉ DES ALUMNI. RENCONTRE.
PAR MA ÏN A M ARJ ANY ( P RO M O 1 4 )

                                                                                                          contribuer à quelque chose d’important », confie
                                                                                                          Fanny Fournier pour qui cette composante est
                                                                                                          essentielle à son épanouissement profession-
                                                                                                          nel.
                                                                                                          Sa passion, Fanny Fournier la transmet
                                                                                                          également au sein de Sciences Po Alumni.
                                                                                                          Depuis trois ans, elle est présidente du groupe
                                                                                                          Culture, mais aussi déléguée Sciences Po du
                                                                                                          club Culture & Management, qui rassemble
                                                                                                          des anciens d’écoles de commerce et de
                                                                                                          gestion travaillant dans le secteur culturel. Le
                                                                                                          club organise chaque mois des conférences
                                                                                                          sur le thème du management de la culture. La
                                                                                                          double casquette de Fanny Fournier lui a donné
                                                                                                          l’idée de proposer cette programmation aux
                                                                                                          alumni membres du groupe Culture. En com-

   Fanny Fournier,                                                                                        plément, d’autres activités leur sont offertes.
                                                                                                          Ces dernières années, un débat sur le thème

   mettre sa passion au
                                                                                                          « Investir dans l’art : entre le cœur et la raison »,
                                                                                                          une conférence sur le mécénat culturel ou
                                                                                                          encore une matinée carrière sur les métiers

   service de sa carrière                                                                                 les plus porteurs dans le secteur culturel ont
                                                                                                          par exemple été organisés en lien avec d’autres
                                                                                                          groupes et clubs de l’association. Pour Fanny

C
        ertains lieux font rêver. L’Opéra national   d’aider ces établissements à mettre en place leur    Fournier, les activités qu’elle organise ou aux-
        de Paris est l’un d’entre eux. Les yeux      politique de développement en utilisant les outils   quelles elle participe sont autant d’occasions
        rivés sur la façade savamment sculptée,      du secteur privé (gestion financière, marketing,     de montrer que « la culture n’est pas seulement
on y pénètre avec émotion, cherchant du regard       communication, etc.) », explique Fanny Fournier.     un divertissement, mais un secteur écono-
les mythiques plafonds du palais Garnier et          Une alliance parfaite entre l’enseignement           mique à part entière, qui produit de la richesse
espérant apercevoir une étoile. Fanny Fournier       reçu en école de commerce et sa passion              économique et contribue au rayonnement de la
(promo 10) y entre chaque matin depuis plus de       pour la culture. Forte de cette expérience,          France ». l
cinq ans pour rejoindre son bureau et ne s’en        la jeune femme intègre l’Association pour le
lasse toujours pas. Travailler dans le secteur       rayonnement de l’Opéra national de Paris en          LES ACTIVITÉS DU GROUPE CULTURE
de la culture est un rêve de longue date pour        2011. Au sein de cet organisme en charge de la       22 novembre 2016, 19 heures Table ronde - Crowdfunding is dead
cette passionnée de musique, de littérature, de      levée de fonds pour l’Opéra, elle est respon-        14 décembre 2016, 19 heures Événement networking - Meet and greet
peinture ou encore de danse. Enfant, elle étudie     sable du mécénat d’entreprise. Une source de         31 janvier 2017, 19 heures Cinéma - Séries télévisées : nouveaux
le piano au conservatoire et prend des cours         financement de plus en plus importante pour          modèles, nouveaux défis
de dessin. Diplômée dans un premier temps            pallier la baisse des subventions publiques          21 février 2017, 19 heures Musique - Éthique et transparence : les
d’une grande école de commerce parisienne,           mais aussi pour accompagner l’émergence de           incontournables enjeux du New Deal
elle affine ensuite son profil en poursuivant        nouveaux projets, impulsés par la direction. Par     28 mars 2017, 19 heures Patrimoine - Questions de successions :
par un master à Sciences Po en communica-            exemple, proposer des places à 10 euros pour         comment aborder une succession artistique ?
tion puis prend des cours du soir à l’École du       les moins de 28 ans afin de leur faire découvrir     25 avril 2017, 19 heures Table ronde - L’avenir du métier de producteur
Louvre. Sa formation lui permet de travailler        la programmation du lieu. « Le mécénat permet        dans le spectacle vivant : une concentration irrémédiable ?
dans un cabinet de conseil spécialisé dans le        à l’Opéra de Paris d’avoir une programmation         Le groupe Culture propose tout au long de la saison la program-
secteur culturel. Pendant deux ans, elle met         toujours plus riche, toujours plus diversifiée, et   mation du club Culture & Management, qui rassemble plus de
ses compétences au service de l’Opéra de Lyon,       permet à un public toujours plus large d’accéder     2 000 membres issus de grandes écoles de gestion (Sciences Po
de la Mona Bismarck Fondation ou encore du           à la culture. Cela donne un sens à notre activité    Paris, HEC, ESCP Europe, ESSEC, EM Lyon, Audencia et INSEAD).
Domaine national de Chambord. « L’idée était         professionnelle et nous donne l’impression de        Pour plus d’informations : sciences-po.asso.fr

                                                         émile boutmy magazine     24   numéro 7 / automne 2016
ALUMNI CULTURE

Avocat,                                              le modèle économique des galeries d’art com-
                                                     mence à s’époumoner. Son concept « art in the
                                                                                                        Il confie dormir très peu et être hyperactif. Il
                                                                                                        en profite pour s’investir également au sein

commissaire
                                                     flat » se développe dans un cadre underground,     de Sciences Po Alumni et transmettre un peu
                                                     uniquement grâce au bouche à oreille. Il a         de sa passion. Depuis 2014, il est président du
                                                     constitué un réseau d’une dizaine d’exposants      club Culture et Art contemporain avec lequel il

d’exposition,                                        (« project rooms ») qui accueillent les œuvres
                                                     d’artistes dans leur appartement. Progressi-
                                                                                                        organise des activités culturelles mainstream,
                                                                                                        principalement des visites privées d’exposi-

écrivain…
                                                     vement, naturellement, Samuel Raharison a          tions dans des grands musées, mais aussi
                                                     basculé de l’autre côté du miroir en devenant      des événements plus confidentiels. Il a par
                                                     lui-même artiste, sans jamais mettre un frein      exemple mis sur pied les Rencontres de l’art

les 1001 vies                                        à sa carrière d’avocat. Contrairement à ce qu’il
                                                     collectionne, il ne s’essaie pas à l’art visuel
                                                                                                        contemporain qui ont pour objectif de donner
                                                                                                        la parole aux artistes afin qu’ils livrent au

de Samuel
                                                     mais à la littérature. Après avoir remporté un     public les clés pour décrypter leurs œuvres.
                                                     concours de nouvelles et avoir été publié dans     « Mon objectif à travers ce club est de répondre,
                                                     une revue, il finalise son premier roman dont      en relation avec les professionnels du marché de

Raharison                                            l’intrigue sera liée au monde de la culture.
                                                     Avocat, amateur d’art, commissaire d’ex-
                                                     position et écrivain. Les activités de Samuel
                                                                                                        l’art, à la question : l’art actuel, c’est quoi ? » Au
                                                                                                        cours de l’année 2015-16, le club a notamment
                                                                                                        organisé une rencontre avec Nathalie Rykiel à
                                                     Raharison semblent ne jamais s’arrêter.            propos de son livre 4 décembre et un accès pri-

A
         vocat à l’âme artistique. Samuel Raha-                                                         vé pour accéder à la visite guidée d’une vente
         rison a « les pieds sur terre et la tête                                                       de prestige de Christie’s, proposant des pièces
         dans les étoiles ». Juriste de formation,                                                      de Nicolas de Staël et Jean Dubuffet. À l’avenir,
il voulait un métier qui puisse le « stimuler                                                           Samuel Raharison aimerait que le club Culture
intellectuellement » tout en continuant de                                                              et Art contemporain s’ouvre à un public de plus
cultiver sa passion pour l’art contemporain,                                                            en plus large, au-delà du cadre des membres
nécessaire à son équilibre personnel. Après                                                             de l’association. l
un cursus académique en droit des affaires,
il a exercé en tant que responsable juridique                                                           LES ACTIVITÉS DU CLUB CULTURE ET ART CONTEMPORAIN
en société de gestion de portefeuille pendant                                                           9 novembre 2016, 19 h 15 Visite guidée de l’exposition :
une quinzaine d’années. Évoluant en droit                                                               Magritte – La trahison des images au centre Pompidou
financier et en contact régulier avec des salles                                                        19 novembre 2016, 15 h 30 Visite guidée de l’exposition : Oscar Wilde
de marché, il complète sa formation initiale                                                            l’impertinent absolu au Petit Palais
par un Executive Master en finance à Sciences                                                           1er décembre 2016, 18 h 30 Visite guidée : Hodler, Monet, Munch au
Po (promo 12). Il est ensuite devenu avocat,                                                            musée Marmottan
en charge des pratiques « investment funds &                                                            14 décembre 2016, 19 h 15 Visite thématique sur le thème : « Le vin de
asset management » et « épargne salariale et                                                            l’art » au musée du Louvre
actionnariat salarié ». En vertu de la réforme                                                          16 janvier 2017, 19 heures Visite guidée de l’exposition : Brassaï
de la profession d’avocat, Samuel Raharison                                                             Graffiti au centre Pompidou
est également mandataire d’artistes et d’au-
teurs. Une activité accessoire qui lui permet de
conjuguer son expertise juridique et sa pas-
                                                                                                         PASS CULTURE
sion. Amateur d’art contemporain depuis de
                                                                                                         Cette année Sciences Po Alumni vous propose une offre
nombreuses années, il a également remis au
                                                                                                         d’adhésion spéciale qui vous permettra de participer
goût du jour le concept d’art en appartement,
                                                                                                         aux événements organisés par le club Culture et le club
s’inspirant des salons du XVIIIe siècle au cours
                                                                                                         Gourmet, tout cela à tarif préférentiel.
desquels on pouvait « regarder des œuvres
                                                                                                         Réservez donc sans attendre votre Pass Gourmet
de manière décomplexée et conviviale dans un
                                                                                                         ou votre Pass Culture sur sciences-po.asso.fr
cadre intime », précise l’avocat, convaincu que

                                                            alumni   25   culture
ALUMNI ENTRETIEN

           à la pointe
         “ Paris doit être
de l’évolution
                                                                           du monde juridique. ”
                 SEUL SCIENCES PO PARMI LES CANDIDATS, OLIVIER COUSI (PROMO 83) SE PRÉSENTE AU POSTE DE BÂTONNIER
                 DE PARIS LORS DES ÉLECTIONS QUI SE DÉROULERONT LES 29 NOVEMBRE ET 1ER DÉCEMBRE. AVOCAT SPÉCIALISTE DU DROIT
                 DES MÉDIAS ET DE LA PRESSE, IL TRAVAILLE DEPUIS 30 ANS AU SEIN DU CABINET GIDE ET COMPTE PARMI SES CLIENTS FRANCE
                 TÉLÉVISIONS, RTL, FREE, UNIVERSAL OU ENCORE DISNEY. IL EXPLIQUE À ÉMILE LES ENJEUX DE CETTE ÉLECTION.
PRO P O S RE C U E I L L I S PA R M AÏ NA M AR JANY (PROMO 1 4 )

                 Pourquoi vous présentez-vous au bâtonnat de Paris?                          haitons créer un institut du barreau de Paris. Et face au défi que
                      Je me présente avec Nathalie Rouret, avocate en droit pénal            représente l’économie numérique du droit et l’arrivée de plate-
                 des affaires et de l’environnement. Nous voulons que la profession          formes en ligne, nous devons établir une déontologie commune.
                 d’avocat prenne les virages qui se présentent en termes de défis            Enfin, la troisième thématique est l’amélioration de l’image des
                 du numérique et de la concurrence. Paris est un pôle d’excellence           avocats auprès des pouvoirs publics et des citoyens, ce qui passe
                 avec de nombreux talents, mais les avocats ne travaillent pas suffi-        par un investissement de nos confrères dans la cité. Des initia-
                 samment ensemble. Nous souhaitons rassembler les compétences,               tives existent déjà (consultations gratuites à la mairie, engage-
                 les qualités et l’énergie des membres de notre profession pour que          ments pro bono…) mais nous devons les mettre en valeur et les
                 Paris soit vraiment à la pointe de l’évolution du marché juridique.         organiser davantage.

                 Quels sont les grands enjeux de la profession d’avocat et quelle            Avocat, un rêve de longue date ?
                 réponse y apporter ?                                                              Lorsque j’étais étudiant à Sciences Po, je ne pensais pas à deve-
                      Notre programme s’articule autour de trois axes. Le premier            nir avocat. Je voulais passer l’ENA et devenir diplomate, mais je
                 est d’aider les jeunes confrères à s’installer et à prendre place dans      n’ai pas été admis. Je me suis alors appuyé sur ma double forma-
                 la profession. L’un des enjeux est la sélection. Ces dix dernières          tion droit-Sciences Po pour devenir avocat. Et je ne regrette rien.
                 années, beaucoup d’avocats sont arrivés sur le marché, qui arrive           Sciences Po m’a finalement aidé dans ma carrière, c’est une for-
                 à saturation. On souhaite donc que l’examen national, qui est en            mation tournée vers l’éveil, la capacité de réaction et d’inventi-
                                        train d’être mis en place, permette d’avoir          vité. Or, le métier d’avocat est justement un métier où l’innovation
                                           une sélection plus forte à l’entrée de la pro-    est possible, on peut se fabriquer sa propre activité. En début de
                                             fession et évalue notamment les compé-          carrière, après un passage à l’Institut français de presse, je me suis
                                                tences nécessaires pour être avocat,         orienté vers les activités de la communication audiovisuelle. Au
                                                 au-delà de la maîtrise du droit : esprit    milieu des années 1980, j’ai travaillé sur la création de La Cinq et
                                                  entrepreneurial, capacités d’organi-       j’ai mis sur pied le département médias du cabinet Gide. C’était
                                                 sation et de gestion d’un cabinet... Le     un marché nouveau, l’innovation était au rendez-vous. l
                                                second axe est la conquête de mar-
                                               chés. Les avocats doivent aller cher-
                                              cher de nouvelles activités en matière
                                                    d’arbitrage, de médiation, de            QUEL EST LE RÔLE DU BÂTONNIER
                                                            représentation, etc. Pour        Le bâtonnier de Paris préside le Conseil de l’Ordre, organe délibé-
                                                                                             rant, législatif et disciplinaire du barreau de Paris qui est composé
                                                               développer ces nou-
                                                                                             de 42 membres élus par leurs pairs. Le bâtonnier choisi à l’issue des
                                                               veaux marchés, il faut
                                                                                             élections du 29 novembre et 1er décembre commencera à travailler dès
                                                                aussi permettre à nos        2017 en commun avec le bâtonnier encore en exercice pour assurer le
                                                                confrères de se former.      suivi des dossiers, puis il deviendra bâtonnier en titre à partir de 2018
                                                                 À ce titre, nous sou-       pour une durée de deux ans.

                                                                                   26   numéro 7 / automne 2016
ALUMNI MES ANNÉES RUE SAINT-GUILLAUME

                                                                                                                            Jean-Paul

Grand commis de l’État pendant plus
de 40 ans, Jean-Paul Cluzel est chargé
                                                                                 Cluzel
                                                                                 Pourquoi Sciences Po ?
                                                                                 Parce que c’était la manière privilégiée de faire l’ENA. J’étais né d’une famille modeste et j’ai profi-
                                                                                 té de l’ascenseur républicain. J’avais envie de devenir haut fonctionnaire. Une amie de mes parents
de cours à Sciences Po pour cette année.                                         m’entendant toujours parler de politique, me dit un jour : «Jean-Paul, vous devriez faire l’ENA.» Je
                                                                                 ne savais pas du tout ce qu’était l’ENA.
Un retour rue Saint-Guillaume, 49 ans                                            À l’âge de 15 ou 16 ans, j’ai appelé le standard de l’école et j’ai demandé comment on faisait pour
après l’obtention de son diplôme, pour                                           l’intégrer. La standardiste m’a répondu : « Il y a un concours mais généralement on fait Sciences Po
                                                                                 avant. » C’est probablement elle qui a été la plus déterminante dans mon choix. Finalement, c’est
celui qui fut successivement inspecteur
                                                                                 Sciences Po qui m’a donné toutes les bases de ma carrière, beaucoup plus que l’ENA.
des finances, directeur de cabinet du
ministre des Affaires européennes,                                               Un regret ?
                                                                                 Au cours de mes trois ans d’études à Sciences Po, je n’ai jamais été invité à une « surprise party »,
directeur de l’Opéra de Paris, P.-D.G. de                                        pas une seule fois, tout simplement parce que je n’appartenais pas à la même classe sociale que
RFI puis de Radio France, président                                              les autres élèves. Pourtant j’étais le meilleur élève dans ma conférence de méthode. C’était assez
                                                                                 dur. J’avais très peu d’amis, l’apartheid social était très fort. À l’ENA, c’était plus facile avec les
du Grand Palais et président du nouvel                                           autres étudiants mais les études étaient moins intéressantes.
établissement qui a fusionné le Grand
                                                                                 Vos lieux de sortie à proximité de Sciences Po ?
Palais avec la Réunion des musées                                                Le Basile, qui n’a pas beaucoup changé. Le Bizuth. J’allais aussi dans des cinémas d’art comme
nationaux                                                                        Le Dragon, qui n’existe plus. C’est là que j’ai fait toute mon éducation cinématographique. J’allais
                                                                                 aussi un peu dans les musées et au théâtre. Mais pas assez, car il fallait que je rattrape mon niveau
P R O P O S R E C U E I L L I S PA R M A Ï N A M A R J A N Y ( P R O M O 1 4 )   de culture générale.

                                                                                 Vous attendiez-vous à une telle carrière, notamment
                                                                                 dans le domaine culturel ?
                                                                                 Je ne pouvais pas du tout m’attendre à ce qui m’est arrivé. J’ai débuté comme inspecteur des
                                                                                 finances, je pensais que j’allais faire une carrière dans l’administration financière. Ensuite, tout
                                                                                 est arrivé un peu par hasard. Avant d’aller vers la culture, je me suis consacré aux affaires euro-
                                                                                 péennes. J’étais et je reste un européen convaincu. Sciences Po y a contribué, mes professeurs,
                                                                                 notamment Bertrand Labrusse (promo 57), ainsi que Raymond Barre (promo 48) étaient très
                                                                                 pro-européens.

BIO EXPRESS                                                                      Un souvenir fort ?
1947 Naissance                                                                   L’entrée dans le hall. La péniche n’a pas changé sauf qu’avant, à droite de l’entrée, il y avait un ves-
1967 Diplômé de Sciences Po et                                                   tiaire. Nous étions beaucoup moins nombreux et tous habillés en costume, donc nous déposions
départ pour l’université de Chicago                                              notre imperméable ou notre manteau au vestiaire. Cela donnait un sentiment d’être comme chez
1972 Sortie de l’ENA, promotion                                                  soi. Maintenant, à chaque fois que je reviens à Sciences Po, c’est d’abord la tenue décontractée des
Charles de Gaulle                                                                élèves qui me frappe et la foule des allées et venues.
1986 à 1988 Directeur de cabinet de Bernard
Bosson, ministre des Affaires européennes                                        Enseigner pour rendre à Sciences Po
1992 à 1995 Directeur général puis                                               À la rentrée, j’ai débuté un cours en anglais intitulé « Comparative cultural policies », obligatoire
directeur de l’Opéra de Paris                                                    pour les étudiants de la section culture du master politiques publiques. J’ai le trac car Sciences Po
1995 à 2004 P.-D.G. de RFI                                                       m’a tellement apporté, tellement donné que j’ai peur de ne pas donner assez en retour. J’ai bien
2004 à 2009 P.-D.G. de Radio France                                              évidemment conscience que les temps ont changé. Je vais aborder d’un œil absolument neuf ce
2009 à 2016 président du Grand                                                   métier de professeur. C’est l’une de mes autres anxiétés : être capable de donner à mes élèves
Palais et président de la Réunion des                                            quelque chose qui ne soit pas la réplique modernisée de ce que j’ai reçu il y a 50 ans. Je veux leur
musées nationaux-Grand Palais.                                                   donner autant, mais d’une manière très différente.

                                                                                        alumni   27    mes années...
40                               42                                                                    48                          59
La primaire : l’élection avant   Portraits-robot du                                                    Premier grand débat de la   La dissertation politique de
l’élection                       candidat idéal                                                        présidentielle              Charles Pépin

        MAGAZINE
                                                                                                                                                             émile
                                                                                                                                                           2017
                                                                                                                                                            ré
                                                                                                                                                                  sid en
                                                                                                                                                             ANNÉE ÉLECTORALE

                                                                                                                                                                           t
                                                                                                                                                          p
PORTRAIT I POINTS DE VUE I DÉCRYPTAGE I FICTION I DISSERTATION I LIVRES I

                                                                                                                      DOSSIER
La majorité des présidents de
la Ve République sont passés
par Sciences Po, cinq sur sept
très exactement : Georges
Pompidou, François Mitterrand,
Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy
et François Hollande. Aucune
autre école française ne compte
parmi ses anciens élèves autant
de chefs d’État, et ce constat
                                                                                             Sciences Po :
pourrait aisément s’élargir
aux ministres des différents
gouvernements qui les ont
                                                                                         fabrique du pouvoir
                                                                                              politique ?
accompagnés. D’où provient
la spécificité de Sciences
Po, souvent surnommée
« l’école du pouvoir » ? Est-ce
la conséquence logique de
la volonté du fondateur de
l’institution, Émile Boutmy, de
rénover les élites françaises ?
Les anciens élèves de la rue
Saint-Guillaume sont encore
nombreux, aujourd’hui, parmi
les candidats à la présidentielles
de 2017, à droite comme à
gauche. Le prochain président
sera-t-il lui aussi issu des
bancs de l’école ? La question
                                      ©présidence de la République/J.Bonet-L.Blevennec

est légitime et parfaitement
d’actualité. Des origines, en
1872, à aujourd’hui, l’histoire de
la scène politique française est-
elle intrinsèquement mêlée à
celle de Sciences Po ?
Il semblerait que oui…

                                                                                            magazine   31   dossier
MAGAZINE DOSSIER

    ÉMILE BOUTMY ET                                                             assez rapidement. « Au départ, l’idée d’Émile Boutmy est de fonder
                                                                                une école où l’on étudie pendant un ou deux ans seulement, pour
    SA VOLONTÉ DE RÉNOVER                                                       fournir une culture générale politique à des gens issus d’une autre
                                                                                formation. Boutmy veut aussi mettre en place une sorte de club de
    LES ÉLITES FRANÇAISES                                                       réflexion, avec l’idée qu’une fois sorti de l’école, on puisse y reve-
         Il est impossible de comprendre la place de Sciences Po dans           nir pour assister à des conférences ou pour aller à la bibliothèque »,
    le monde politique sans revenir sur l’histoire de sa création, liée à       explique Emmanuel Dreyfus, historien spécialiste de Sciences Po.
    la guerre franco-prussienne. La défaite française est un choc pour                Progressivement, sous la IIIe République, le procédé du
    tout le pays. Émile Boutmy, journaliste et professeur âgé de 35 ans         concours se généralise, pour intégrer la fonction publique, ce qui
    en 1870, l’analyse comme la conséquence de l’incurie de la classe           fait rapidement évoluer le projet d’Émile Boutmy, qui déclare, en
    dirigeante. L’idée germe alors de créer une école pour « refaire            1872, devant l’assemblée des actionnaires : « Il faut faire en sorte
    une tête au peuple », comme il l’écrit dans une lettre à son ami            que les deux carrières politiques de haut vol qui ont une si grande
    Ernest Vinet, le 25 février 1871 : « Ne faut-il pas créer l’élite qui, de   influence sur les destinées du pays, la diplomatie et la haute admi-
    proche en proche, donnera le ton à toute une nation ? Refaire une           nistration, trouvent à l’école cette préparation supérieure qui leur
    tête au peuple, tout nous ramène à cela. (…) Entre autres choses            a toujours manqué. » L’École libre des sciences politiques va ainsi
    bien nécessaires, il a manqué à la France d’avoir su essaimer tous          devenir la voie royale pour préparer l’entrée dans le corps diplo-
    les ans deux ou trois cents esprits hautement cultivés qui, mêlés dans      matique, à la Cour des comptes, au Conseil d’ État et à l’inspection
    la masse, y auraient maintenu le respect du savoir, l’attitude sérieuse     des Finances. Et pour ceux qui ne réussissent pas ces concours,
    des intelligences et l’habitude saine de faire difficilement des choses     la formation reçue à l’École libre leur permet de devenir cadres
    difficiles. » Quand Émile Boutmy lance Sciences Po, il veut donc            dans de grandes entreprises.
    faire émerger, après le choc de la défaite, des élites politiques, éco-
    nomiques et intellectuelles, capables d’impulser une force nou-
    velle au pays. La proposition de cet homme, qui fréquente les
                                                                                DE LA IIIe À LA Ve RÉPUBLIQUE :
    salons de l’époque et a parmi ses connaissances de nombreux                 LE MODÈLE DE
    intellectuels, ne manque pas de séduire. Au total, 183 personnes
    investissent dans le capital de « l’École libre des sciences poli-          L’HOMME POLITIQUE ÉVOLUE
    tiques », officiellement fondée en 1872. Les diverses sensibilités               Progressivement, le nombre d’élèves augmente et l’École
    politiques de l’époque se retrouvent parmi ces nombreux action-             se fait une place dans le monde de l’enseignement supérieur. Un
    naires. Le suffrage universel, expérimenté avec Robespierre à la            certain nombre d’anciens étudiants se retrouve à des postes clés
    Révolution française puis avec Bonaparte, inspire encore un peu             dans l’administration, mais ils sont encore peu nombreux à se lan-
    de défiance… L’idée est donc aussi de créer des élites capables             cer en politique. À l’époque, il paraît malséant au haut fonction-
    d’orienter ce mode de scrutin dans cette république encore fra-             naire de se présenter à des élections. Le modèle, qui perdurera
    gile au sortir de la guerre. Quant à la forme du projet, elle évolue        sous la IVe République, est plutôt celui du médecin ou de l’avo-

Les études des                            CHARLES DE GAULLE
                                          (1959-1969)
                                          Une éducation
                                                                                GEORGES POMPIDOU
                                                                                (1969-1974)
                                                                                Une scolarité d’une
                                                                                                                     VALÉRY GISCARD
                                                                                                                     D’ESTAING (1974-1981)
                                                                                                                     De l’élite sociale à
présidents de la                          catholique
                                          et militaire
                                                                                grande facilité                      l’élite scolaire

Ve République
                                                                                Né à Montboudif en Auvergne le       Né le 2 février 1926 à Coblence
                                          Né à Lille le 22 novembre 1890,       5 juillet 1911, Georges Pom-         en Allemagne, Valéry Giscard
                                          Charles de Gaulle est formé dans      pidou est un élève brillant qui      d’Estaing est formé au lycée
                                          des établissements catholiques        apprend avec une grande facilité.    Janson de Sailly avant d’intégrer
                                          de l’école au lycée. Admis à 19       Petit-fils de paysans et enfant      une classe préparatoire au lycée
                                          ans à l’académie militaire de         d’instituteurs, il étudie au lycée   Louis-le-Grand. Il interrompt sa
                                          Saint-Cyr en étant classé 119e sur    d’Albi avant d’être admis en hy-     scolarité en 1944 pour s’engager
                                          221, il prend à cœur ses études       pokhâgne à Toulouse puis d’en-       dans l’armée après la Libération
                                          et finit 13e dans le classement de    trer à l’École normale supérieure    de Paris. Il revient en prépa à
                                          sortie de l’école.                    rue d’Ulm en 1931. Alors qu’il       l’automne 1945 puis est reçu
                                                                                prépare l’agrégation, il s’inscrit   sixième à Polytechnique en avril
                                                                                à l’École libre des sciences poli-   1946. Il poursuit sa formation à
                                                                                tiques, ce qui ne l’empêche pas      l’ENA dans la promotion Europe
                                                                                d’être reçu premier à l’agrégation   (1949-1951).
                                                                                de lettres en 1934.

                                             émile boutmy magazine    32   numéro 7 / automne 2016
MAGAZINE PRÉSIENTIELLE                                                                          émile
                                                                                                                                                       2017
                                                                                                                                                       r éA N N É E É L E C T O R AeL E n

                                                                                                                                                                                t
                                                                                                                                                       p
                                                                                                                                                                sid

cat qui devient notable dans sa ville, et qui, fort de cette implan-      travaille au secrétariat général du gouvernement. De là, rapide-
tation locale, se lance en politique. La maîtrise de l’art du discours    ment, il entre comme conseiller au cabinet de Georges Pompidou,
est aussi un atout. Les avocats, mais aussi les professeurs, réus-        alors Premier ministre. On lui propose de se lancer en politique, il
sissent plutôt bien car ils répondent aux exigences de la rhétorique      se présente aux élections législatives en Corrèze, investi de la légi-
parlementaire. Cela ne signifie pas pour autant que les anciens           timité d’être un haut fonctionnaire, proche du Premier ministre.
élèves de Sciences Po ne sont pas introduits dans les arcanes du          Élu député, il devient rapidement ministre, lorsque Georges Pom-
pouvoir politique. Les hauts fonctionnaires, s’ils ne se présentent       pidou est élu, puis Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing,
que rarement à une élection, jouent dans l’appareil d’ État de la         et enfin, président en 1995.
IVe République un rôle non négligeable. Et celui-ci se renforcera               Mais Sciences Po n’est pas juste la formation initiale des hauts
encore sous la Ve République, avec le passage d’un régime parle-          fonctionnaires, dont les plus audacieux, après leur sortie de l’ENA
mentaire à un régime présidentiel. L’intimité entre l’administra-         et quelques années passées dans l’administration, se lancent en
tion et le pouvoir politique est forte, et elle fait monter en puis-      politique… elle est, et cela date même d’avant la guerre, une voie
sance les hauts fonctionnaires issus de Sciences Po.                      royale à suivre lorsque l’on a le projet de faire de la politique. Pour
      Le modèle de l’homme politique commence à changer après             Claude Lelièvre, lorsque Georges Pompidou entame, au début
la guerre. Les hauts fonctionnaires sont de plus en plus nombreux         des années 1930, un cursus à l’École libre des sciences politiques,
à se lancer en politique. Pour l’historien Emmanuel Dreyfus, l’éco-       en parallèle de sa formation à l’École normale supérieure, c’est
nomie a joué un rôle dans cette évolution : « Dans les années 1960,       certainement avec l’idée de se lancer un jour en politique : « On
exercer le pouvoir politique demande une formation plus tech-             considère souvent l’arrivée de Pompidou auprès de De Gaulle
nique pour comprendre les rouages de l’administration – qui a             et son entrée en politique comme une surprise, mais son passage
beaucoup grossi – et aussi parce que l’on attend plus de l’action         par Sciences Po est une quasi preuve que Pompidou envisageait
économique de l’État. Il y a donc une légitimité qui vient de l’ex-       d’avoir une action dans le monde administratif et politique. » L’his-
pertise administrative et économique, et qui supplante la légiti-         torien a raison, Sciences Po fait bien plus qu’irriguer les sphères
mité issue de l’éloquence. » C’est ainsi que l’on voit augmenter, en      de l’administration qui irriguent elles-mêmes ensuite les assem-
quelques années, le nombre de diplômés de Sciences Po sur les             blées parlementaires et les gouvernements : elle donne envie à
bancs de l’Assemblée nationale : de 8 % en 1950, ils sont 13 % en         ceux qui veulent se dédier à la politique de venir étudier rue
1978. L’historien de l’éducation Claude Lelièvre note « un tour-          Saint-Guillaume. Pourquoi ? Précisément parce que Sciences Po
nant dans l’entourage élyséen assez marqué sous la présidence de          est le lieu où l’on apprend les fondamentaux pour comprendre la
Valéry Giscard d’Estaing. Il va s’entourer d’énarques et comme la         politique. Dans un paysage universitaire où pendant longtemps il
plupart des énarques viennent de Sciences Po, le couple Sciences          n’y avait pas d’enseignement de la science politique à proprement
Po/ENA s’impose comme la haute noblesse d’État. » L’incarna-              parlé, c’est-à-dire l’étude de l’organisation politique des sociétés,
tion parfaite de ce modèle de l’homme politique type des années           Sciences Po devient rapidement le lieu reconnu de la discipline.
1960-70 est Jacques Chirac : il intègre Sciences Po, ensuite l’ENA,       Son sujet de prédilection fut très vite l’analyse des scrutins élec-
dont il sort pour devenir auditeur à la Cour des comptes. Puis, il        toraux. C’est l’héritage d’André Siegfried, avec ses études sur le

FRANÇOIS MITTERRAND                  JACQUES CHIRAC                       NICOLAS SARKOZY                       FRANÇOIS HOLLANDE
(1981-1995)                          (1995-2007)                          (2007-2012)                           (2012-2017)
Une éducation                        Le haut fonctionnaire                Les études, oui, mais                 Le cumul des
catholique et une                    devenu animal                        la politique toujours                 diplômes, une façon
formation classique                  politique                            en ligne de mire                      de ne pas choisir ?
Né le 29 octobre 1916 à Jarnac,      Né le 22 novembre 1932 à Paris,      Né le 28 janvier 1955 à Paris,        Né le 12 août 1945 à Rouen,
François Mitterrand étudie dans      Jacques Chirac a débuté sa vie       Nicolas Sarkozy étudie notam-         François Hollande est élève au
l’établissement catholique Saint-    scolaire dans l’école publique :     ment au lycée Chaptal puis            pensionnat Jean-Baptiste-de-La-
Paul d’Angoulême. Baccalauréat       école communale en Corrèze,          intègre la faculté de droit de        Salle de Rouen avant d’intégrer
en poche, il monte à Paris et        lycée Hoche de Versailles, lycée     l’université Paris X Nanterre dont    le lycée Pasteur de Neuilly-sur-
s’inscrit en droit en 1934 tout en   Carnot puis lycée Louis-le-Grand.    il obtient une maîtrise en 1978.      Seine, où il obtient son baccalau-
préparant le concours d’entrée       En 1951, il intègre Sciences Po      L’année suivante, il reçoit un        réat en 1972. Il poursuit par des
à Sciences Po où il est admis en     et en est diplômé en 1954. Alors     diplôme d’études approfondies         études en droit à l’université Paris
1935. Alors qu’après son service     qu’il est admis la même année à      en sciences politiques. Il étudie     2 puis à HEC Paris et à Sciences
militaire il prépare le barreau,     l’ENA, il fait d’abord son service   également à Sciences Po mais          Po, dont il est diplômé en 1974.
il est mobilisé en 1939. Blessé,     militaire et demande à servir en     ne décrochera pas son diplôme         Après avoir achevé son service
prisonnier, puis évadé il entre      Algérie. À sa sortie de l’ENA en     à la fin du cursus, en 1981. En       militaire en 1978, il intègre l’ENA
ensuite directement dans l’action    1959 (promotion Vauban), il est      parallèle, il obtient le CAPA (Cer-   (promotion Voltaire) et devient
politique.                           nommé auditeur à la Cour des         tificat d’aptitude à la profession    auditeur à la Cour des comptes
                                     comptes.                             d’avocat).                            en 1980.

                                                                   magazine   33   dossier
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