STRATEGIE DU CAPITAL HUMAIN - Mai 2014 - African Development Bank

 
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BANQUE AFRICAINE DE DEVELOPPEMENT

STRATEGIE
DU CAPITAL HUMAIN
2 0 14 – 2 0Mai18
                2014

                        UN MILLIARD D’INDIVIDUS
                   UN MILLIARD D’OPPORTUNITES
         Développement du capital humain en Afrique
Remerciements

La Stratégie du capital humain pour 2014–2018 est         Yemesrach Workie, Mohamed Youssouf, Feng
le fruit du travail d’un groupe d’experts issus d’hori-   Zhao et Issiaka Zoungrana.
zons divers, de la Banque africaine de développe-               L’établissement du rapport a été supervisé par
ment et d’ailleurs. Ce rapport a été préparé par le       la haute direction, notamment le Vice-président,
Département du développement humain (OSHD) du             Aly Abou-Sabaa, et un comité directeur composé
Groupe de la Banque africaine de développement. Il        d’Akissa Bahri, Yero Baldeh, Abdirahman Beileh,
reflète les contributions du personnel de nombreux        Ebrima Faal, Sering Jallow, Kapil Kapoor, Steve
départements de la Banque, notamment de l’agri-           Kayizzi-Mugerwa, Jacob Kolster, Janvier Litse,
culture et de l’agro-industrie (OSAN), de la recherche    Simon Mizrahi, Ginette Muteta-Nzau, Gabriel
(EDRE), du NEPAD et de l’intégration régionale et du      Negatu, Serge M. N’Guessan, Sunita Pitamber,
commerce (ONRI), des opérations du secteur privé          Timothy Turner et Desiré Vencatachellum.
(OPSM), des ressources opérationnelles et des                   Nos remerciements marqués à l’endroit de Julian
politiques (ORPC), de l’eau et de l’assainissement        Schweitzer (R4D) ainsi que le groupe d’experts tech-
(OWAS), de la stratégie (STRG) et des résultats et        niques chevronnés pour leurs contributions dans
du contrôle de la qualité (ORQR), ainsi que de l’Unité    cette stratégie. Le panel était constitué de l’Hono-
des États fragiles (OSFU). Le rapport a bénéficié         rable Mohamed Pate (ministre d’État pour la Santé
des apports et des commentaires reçus lors d’une          au Nigéria), de Frannie Leautier (secrétaire exécutive
multitude de consultations avec des représentants         de la Fondation africaine pour le renforcement des
des gouvernements de pays membres régionaux,              capacités), d’Alcyone Vasconcelos (ancienne secré-
de partenaires au développement, du secteur privé,        taire de l’Éducation pour l’État du Brésil et spécialiste
de groupes de réflexion, de communautés écono-            de programme à l’ISU) et de Kampeta Sayinzoga
miques régionales, d’universités, de la jeunesse,         (secrétaire permanente pour le Rwanda). Il y a lieu
de la société civile, d’organisations non gouverne-       de citer également Alfred J. Warkins, Jee-Peng Tan
mentales et de la diaspora africaine. Les consulta-       et Abdo Yazbeck (Banque mondiale), Anda Adams
tions avec des ministres africains des Finances, de       (Brookings Institution), Eric de Roodenbeke (Fédéra-
la Santé et de l’Éducation, de la Science et de la        tion internationale des hôpitaux), Jeffrey Avina et Zaki
Technologie ont grandement enrichi cette stratégie        Khoury (Microsoft), John Francis Biney et Joseph
du capital humain.                                        G.M. Massaquoi (UNESCO), Angela Baschieri et
     Cette stratégie a été conçue par une équipe          Jerry Ash (DFID), Richard Scheffler (Berkeley, Uni-
dirigée et guidée par Agnes Soucat. Nawsheen              versité de Californie), Tavengwa Nhongo (Plate-
Elaheebocus et Rosemond Offei-Awuku ont coor-             forme africaine pour la protection sociale), Brehima
donné, à l’échelle de la Banque, les activités de         Tounkara (UEMOA), Denis Pain (cabinet de consul-
l’équipe de consultations et de l’équipe de projet,       tants ACTS), et Therrezinha Fernandes et Bakary
avec l’appui d’Ezzeddine Larbi et Adel Ben Yous-          Diallo (Université virtuelle africaine).
sef. L’équipe du projet est composée de Cécile                  Ce rapport n’aurait pu voir le jour sans l’appui
Ambert, Aissatou Ba, May Babiker, Oussama Ben             de Shirley Chinien (OSVP) et de l’équipe chargée de
Abdelkarim, Raymond Besong, Frank Boahene,                sa production, constituée de Bruce Ross-Larson,
Felix Bongjoh, Foko Tagne Borel Anicet, Issahaku          rédacteur et son équipe de Communications Deve-
Budali, Ruth Charo, Mulle Chikoko, Nikhil Desai,          lopment Inc., et du personnel du Département de la
Amadou Bassirou Diallo, Mouna Diawara, Mai-               communication de la BAD, en particulier de Sondes
mouna Diop-Ly, Paul Dougna, Yohana Dukhan,                Ben Chagra (ERCU) et de Dieter Gijsbrechts
Varatharajan Durairaj, Henrik Franklin, Michel            (OSHD), qui ont prêté leur concours au niveau du
Guedegbe, Mohammed Gueye, Cristina Hoyos,                 site internet. De plus, Christine Magnusen et Souad
Caroline Jehu-Appiah, Dougou Keita, Nana Kgosi-           Ben Yayha ont fourni un excellent appui administra-
dintsi, Benedict Kunene, Ezzedine Larbi, Laurence         tif lors des consultations. Nous saluons tout par-
Lannes, Xin Long, Mateus Magala, Wilberforce              ticulièrement le personnel des bureaux extérieurs
Mariki, Corinne Massardier, Alain Mingat, Maria           du Burkina Faso, du Maroc et du Mozambique et
José Moreno, Justin Murara, Joseph Muvawala,              du centre de ressources de l’Afrique du Sud pour
Maimuna Nalubega, Francis Ndem, Rosemond                  leur aide dans la planification et la mise en œuvre
Offei-Awuku, Anne Sophie Olsen, Judicaël Etienne          des consultations régionales. Les auteurs tiennent
Porgo, Boukary Savadogo, Mona Sharan, Mame                à remercier également les nombreux fonctionnaires
Soce Sene, Fabrice Sergent, Abebe Shimeles, Ravi          et experts des différents pays qui ont pris part au
Soopramanien, Philippe Trape, Alfred J Watkins,           processus de consultation.

Produit par Communications Development Incorporated, Washington, D.C.
© 2014
Sigles et abréviations

BAD     Banque africaine de développement
CEA     Commission économique des Nations Unies pour l’Afrique
CER     Communauté économique régionale
EDRE    Département de la recherche
ESDA    Éducation pour le développement durable en Afrique
ESST    Enseignement supérieur, sciences et technologies
EFTP    Enseignement et formation techniques et professionnels
FAD     Fonds africain de développement
GAP     Plan d’action en matière de gouvernance
HHA     Harmonisation pour la santé en Afrique
HSBM    Mouvement holistique de Social Business
KPI     Indicateurs clés de performance
NEPAD   Nouveau partenariat pour le développement de l’Afrique
NEMA    Nouveau modèle d’éducation en Afrique
OCDE    Organisation de coopération et de développement économiques
OIT     Organisation internationale du travail
OMD     Objectifs du Millénaire pour le développement
OPEV    Département de l’évaluation des opérations
OSHD    Département du développement humain
OWAS    Département de l’eau et de l’assainissement
PBS     Programme de protection des services de base
PIB     Produit intérieur brut
PMR     Pays membre régional
PNUD    Programme des Nations Unies pour le développement
SCH     Stratégie du capital humain
STI     Science, technologie et innovation
STIM    Science, technologie, ingénierie et mathématiques
TIC     Technologies de l’information et de la communication
UA      Union africaine
UE      Union Européenne

                                                                      iii
Table des matières

     Remerciementsii

     Sigles et abréviations                                                                      iii

     Résumé analytique                                                                           1

     1    La métamorphose de l’Afrique                                                           5

     2    Un milliard d’Africains, dont 200 millions de jeunes : les éléments clés pour
            libérer le potentiel économique du continent                                         11
          Tirer parti du dividende démographique                                                 11
          Productivité, compétitivité et création d’un système économique fondé sur le savoir   12
          Chômage et sous-emploi des jeunes et des femmes, création d’emplois et fidélisation
              des travailleurs qualifiés                                                        13
          Qualité des services                                                                  14
          Des investissements accrus, une responsabilisation renforcée et une utilisation plus
              optimale des ressources dans la prestation des services                           14
          Enrayer l’aggravation des disparités                                                  15

     3    Capital humain et Stratégie de la Banque pour 2013–2022                               17
          Domaine de concentration : compétences et technologie                                  18
          Catalyseurs de la SCH                                                                 20

     4    Mise en œuvre de la Stratégie du capital humain 2014–2018                             23
          L’expérience de la Banque et les enseignements tirés                                  23
          Modalité de mise en œuvre                                                             25
          Instruments financiers                                                                30
          Activités de production du savoir                                                     30
          Établissement et renforcement de partenariats productifs                               31
          Suivi et évaluation                                                                    31

     5    Conclusion et recommandation                                                          33

iv
Table des matières

Annexes

1      Portefeuille dans le domaine du capital humain                                  35
2      Calendrier des consultations, 2011–2013                                         37
3      Les approches différenciées dans les PMR                                        38
4      Plan d’action 2014–2018                                                         39
5      Cadre logique axé sur les résultats                                              41
6      Stratégie du capital humain : projets potentiels ; exemples/liste indicative des
          projets44
7      Domaines d’intérêt particulier                                                  46
8      Liste des annexes techniques                                                    49

Notes50

Références bibliographiques                                                                       52

Encadrés
1      Définition du capital humain                                                               11
2      Renforcer les compétences en Afrique – illustration de la situation de l’éducation
       dans quelques pays                                                                        15
3      Le Nouveau modèle d’éducation en Afrique (NEMA)                                           19
4      Zoom sur la dimension hommes-femmes : les Africaines peuvent doubler le dividende
       démographique22
5      Principes directeurs de la SCH                                                           23
6      L’exemple du Programme de renforcement des compétences, de l’employabilité et de
       l’entrepreneuriat au Rwanda (SEEP)                                                       25
7      Chômage et productivité de la main-d’œuvre : un bref aperçu des efforts soutenus
       de la Banque27
8      Souk At-Tanmia : une solution innovante pour créer des emplois pour les jeunes tunisiens 30

Graphiques
1    L’impressionnante explosion démographique des jeunes en Afrique                              5
2    L’Afrique sera le continent doté de la main-d’œuvre la plus abondante en 2050                6
3    Carte des inégalités dans le monde : indice de Gini                                          7
4    Le recul de la mortalité infantile en Afrique est le plus important jamais enregistré, à la
     faveur croissance économique, mais aussi de programmes de santé solidaires                    9
5 Les jeunes Africains sont plus susceptibles d’être au chômage que les adultes                   13
A1.1 Portefeuille de développement humain                                                         35

Tableau
1      Risques et mesures d’atténuation                                                           32

                                                                                                        v
Résumé analytique

La vision qui sous-tend la présente Straté-        secteur informel, le chômage et le sous-em-
gie du capital humain (SCH) pour la période        ploi, face à la croissance démographique des
2014–2018, est de mettre à profit le potentiel     jeunes qui devraient atteindre plus du mil-
d’un milliard d’Africains, par le perfectionne-    liard d’ici à 2050, traduisent les risques aux-
ment des compétences et la promotion de            quels cette génération est exposée. L’Afrique
technologies pour améliorer les perspectives       détient le record mondial de la médiocrité du
d’emploi, garantir l’égalité des chances pour      système d’enseignement et de la faiblesse
tous et assurer la compétitivité de la main-       des taux de scolarisation, si bien que plus
d’œuvre. Plusieurs perspectives s’ouvrent à        de 90 millions d’adolescents se disputent
l’Afrique en termes de croissance et de pros-      des emplois mal rémunérés dans le secteur
périté économique. Le dynamisme du conti-          informel. Le chômage et le sous-emploi des
nent est largement reconnu à cet égard alors       jeunes et des femmes menacent la cohé-
que la communauté internationale, en parti-        sion sociale et le développement inclusif.
culier les puissances émergentes du Sud,           Ces problèmes ajoutés aux effets conjugués
manifestent un intérêt croissant pour l’Afrique,   de l’accès limité à une éducation de qua-
dont le paysage économique connaît une             lité, à la santé, la nutrition, la technologie et
rapide évolution, gage d’un avenir radieux.        l’innovation, sont autant de signaux d’alerte
Cet optimisme est alimenté par la découverte       pour nous inciter à soutenir la croissance de
d’abondantes ressources minières, l’afflux         l’Afrique et son entrée dans des domaines
croissant de capitaux, le développement de         de production et de concurrence à plus forte
la classe moyenne qui consomme de plus en          valeur ajoutée. Faute d’action résolue pour
plus grâce à un marché de détail solidement        surmonter ces énormes obstacles, toute une
implanté. On constate une ouverture et un          génération ne pourra saisir les opportunités
apprentissage progressifs de la démocratie         de développer son potentiel, d’échapper à
dans les sociétés africaines. Les nouvelles        la pauvreté et d’accompagner le continent
technologies offrent des perspectives de pro-      sur la voie de la croissance inclusive et de la
grès fulgurant et, fait encore plus prometteur,    transformation économique.
le continent possède un dividende démogra-              Pour pérenniser la croissance et la rendre
phique majeur.                                     à la fois inclusive et verte (deux objectifs de
     Ces profondes mutations sont porteuses        la Stratégie de la Banque pour 2013–2022), il
d’importantes répercussions sur le dévelop-        faut trouver des solutions innovantes et inves-
pement du capital humain, dans un contexte         tir avec efficience dans le capital humain. La
marqué par le risque d’exacerbation de la          plupart des pays africains s’en remettent à
pauvreté persistante et d’aggravation des iné-     leurs dotations factorielles, constituées pour
galités. L’Afrique vit une situation paradoxale,   l’essentiel d’une main-d’œuvre peu qualifiée
caractérisée par une croissance économique         et de ressources naturelles, pour rivaliser sur
rapide dans une société pauvre et inégalitaire     les marchés. Pour monter dans la chaîne
dont souffrent au premier chef les jeunes et       de valeur et atteindre le niveau d’économies
les femmes. La désorganisation du marché           tirées par l’efficience et l’innovation, facteurs
du travail, marquée par l’inadéquation accrue      essentiels pour promouvoir et pérenniser
des compétences, la faible productivité du         la croissance, il faut des investissements à

                                                                                                       1
Stratégie du Capital Humain 2014–2018

    grand impact dans l’éducation, la science et la      en cours. Il se dégage précisément comme
    technologie. Le dynamisme du secteur privé           enseignement que la Banque doit renforcer
    est un atout majeur pour créer des emplois,          l’appui qu’elle apporte à la science, la tech-
    produire et commercialiser des biens et des          nologie et l’innovation en Afrique tout en s’at-
    services élaborés, et bien se positionner sur        taquant à l’exclusion ainsi qu’aux inégalités
    les chaînes de valeur mondiales. Et pour             socioéconomiques et sexospécifiques. Le
    améliorer la qualité de la croissance et rendre      secteur privé a un rôle primordial à jouer dans
    celle-ci plus inclusive, il faut renforcer la par-   la prestation de services éducatifs, la créa-
    ticipation citoyenne et la responsabilité dans       tion d’emplois, l’accès aux biens essentiels
    la prestation de services publics de qualité et      et le développement rapide d’infrastructures
    accessibles, en plus de mettre en place des          sociales inclusives, en vue de promouvoir des
    dispositifs de protection sociale pour aider         prestations de service inclusives et l’entrepre-
    les individus et les communautés démunis à           nariat et de permettre que les connaissances
    supporter les chocs économiques et sociaux           et les compétences produites contribuent à
    et à sortir définitivement de la pauvreté.           développer la compétitivité des économies
         Cette Stratégie du capital humain, la pre-      nationales. On constate de plus en plus, et
    mière de la Banque, est le cadre opération-          avec les leçons tirées du Printemps arabe à
    nel de ses interventions dans ce domaine en          l’esprit, que l’expression populaire, la respon-
    Afrique. La mise en œuvre de cette straté-           sabilité et les filets de sécurité sont inscrits au
    gie prendra appui sur d’autres stratégies de         programme de la Banque comme des élé-
    la Banque – y compris celles en matière de           ments essentiels pour briser le cycle intergé-
    genre, de développement du secteur privé, le         nérationnel de la pauvreté et permettre l’au-
    Plan d’action pour la gouvernance – Phase II         tonomisation des pauvres en Afrique, surtout
    (PAG II) et la future Stratégie de lutte contre      celle des femmes. La Stratégie souligne donc
    la fragilité et de renforcement de la résilience     la nécessité de prendre en compte les dimen-
    en Afrique pour renforcer le capital humain          sions de la fragilité se rapportant au capital
    en Afrique. Elle souligne la dimension capital       humain en Afrique, grâce à la prévention et
    humain dans tous les domaines opération-             à l’atténuation des effets de ce phénomène.
    nels essentiels de la stratégie 2013–2022,                La stratégie accorde la priorité aux com-
    en mettant l’accent sur les compétences et           pétences et à la technologie. Elle souligne la
    la technologie comme pivots d’une main-              nécessité d’apporter des solutions à court
    d’œuvre productive et d’économies com-               et à long termes, adaptables et durables au
    pétitives, dans le cadre d’un programme de           chômage des jeunes et à la productivité éco-
    croissance inclusive et verte. Éclairée par          nomique. La Banque appuiera des investis-
    les principes de sélectivité, d’alignement,          sements dans le développement des com-
    d’harmonisation, appuyée sur des partena-            pétences et de la technologie dans tous les
    riats, des réseaux mondiaux et l’obligation          pays membres régionaux (PMR), à travers
    de résultat, la stratégie sera mise en œuvre         des produits du savoir, le dialogue sur les
    en veillant à une collaboration intersectorielle     politiques et les opérations de prêt. Les inter-
    au sein de la Banque et avec d’autres parte-         ventions visent à résoudre l’épineux problème
    naires externes, pour concevoir des initiatives      du chômage et du sous-emploi des jeunes et
    qui tiennent compte du contexte de ces inter-        des femmes en s’attaquant à l’inadéquation
    ventions, à savoir, des États fragiles, et des       des compétences sur le marché du travail
    pays à revenu faible et intermédiaire.               et à la faible productivité qui prévaut dans le
         La stratégie s’inspire des leçons tirées        secteur informel, gros pourvoyeur d’emplois
    de l’expérience de la Banque dans les inter-         pour les jeunes et les femmes. La Stratégie
    ventions dans le domaine du capital humain,          encourage l’entreprenariat social ainsi qu’une
    de la demande des pays et des pratiques              politique économique qui favorise la création
    optimales mondiales. Les domaines d’appui            d’emplois. Le nouveau modèle d’éducation
    retenus consolident et renforcent les efforts        en Afrique (NEMA) s’adaptera à la diversité

2
Résumé analytique

des PMR, il exploitera les nouvelles opportu-      les filets de sécurité, les emplois et l’entre-
nités offertes par le secteur privé et les tech-   prenariat. La Banque entreprendra, avec
nologies de l’information et de la communica-      certains pays, la mise en place de systèmes
tion (TIC) pour concevoir un enseignement en       financiers et sociaux –des filets de sécurité
ligne et un apprentissage adapté, permettant       et un entreprenariat social- à la demande de
de doter la jeunesse africaine des compé-          ses membres, et dans le cadre d’interven-
tences qui répondent aux exigences du mar-         tions ciblées pour leur caractère innovant
ché du travail de l’avenir.                        et leur effet catalytique. La Banque conti-
    La Banque renforcera son appui à la            nuera d’apporter son appui à l’entreprenariat
science, à la technologie et à l’innovation.       social en faveur des jeunes et des femmes
Elle axera ses efforts sur la mise en place        dans quelques pays, en tirant parti des nom-
des compétences cruciales dans divers sec-         breuses initiatives à l’échelle du continent qui
teurs économiques, notamment l’infrastruc-         visent à accélérer la réponse des jeunes au
ture et la gestion des ressources naturelles       chômage, notamment Souk At-Tanmia, l’en-
en vue d’une compétitivité accrue. Elle déve-      treprenariat social, l’Initiative pour l’emploi
loppera les compétences en science, tech-          des jeunes africains et la Facilité mondiale
nologie, ingénierie et mathématiques (STIM).       pour l’emploi dans les États fragiles.
Elle créera, en outre, des réseaux régionaux           Les opérations de la Banque axées sur
de connaissances et d’excellence pour offrir       le capital humain seront de plus en plus
des possibilités de développement et de par-       sous-tendues par des études économiques
tage transfrontière du savoir. Par ailleurs, la    et sectorielles, et tiendront compte de l’éva-
Banque renforcera son appui à la promotion         luation de leur impact. Dans le cadre de tra-
de la transformation dans l’enseignement           vaux effectués conjointement avec d’autres
technique et professionnel pour encourager         partenaires au développement, la Banque
l’entreprenariat innovant et la productivité,      entend promouvoir les travaux d’analyse lors
et se positionner sur les chaînes de valeur,       de la préparation des opérations. En outre,
surtout dans le secteur agricole. L’appui de       elle adoptera une approche systémique de
la Banque touchera aussi la facilitation de        l’évaluation des projets, y compris l’évaluation
l’établissement de cadres réglementaires           de l’impact. Plus précisément, le Groupe de
régionaux pour assurer la mobilité de la main-     référence de la Banque pour l’évaluation de
d’œuvre entre les pays africains dans des          l’impact doit faciliter l’amplification des efforts
domaines d’activité spécifiques.                   de la Banque dans les PMR, sur la base des
    Pour renforcer davantage sa contribu-          évaluations d’impact existantes.
tion au programme de croissance inclusive,             Forte de son avantage comparatif, la
la présente Stratégie appuiera de manière          Banque continuera de nouer des partena-
sélective deux catalyseurs du dévelop-             riats productifs et innovants afin d’accroître
pement du capital humain : l’efficience et         la capacité à trouver des réponses concrètes
l’inclusion dans la prestation de services.        en vue de promouvoir le développement du
Ces catalyseurs prendront appui sur les            capital humain en Afrique. Les efforts vise-
domaines pertinents des stratégies exis-           ront à dynamiser les partenariats existants,
tantes et en cours d’élaboration pour pro-         notamment la collaboration de la Banque
mouvoir un accès équitable à des services          avec l’Université des Nations Unies et le pro-
sociaux essentiels de qualité. La Banque           gramme de l’Université panafricaine pour
va soutenir le développement accéléré des          promouvoir la science et la technologie dans
infrastructures sociales, en grande partie à       l’enseignement ainsi que l’Initiative conjointe
travers des partenariats avec le secteur privé     pour l’emploi des jeunes en Afrique, en vue
et des innovations visant à faciliter l’accès      de créer des emplois. Les opérations de
au « dernier kilomètre ». La mise en place         la Banque à l’appui du développement du
de systèmes financiers et sociaux concou-          capital humain continueront d’être menées
rant à l’inclusion va consolider les liens entre   en étroite collaboration avec les autres

                                                                                                         3
Stratégie du Capital Humain 2014–2018

    partenaires au développement dans l’esprit        d’opérations dans d’autres secteurs de la
    de la Déclaration de Paris sur l’Harmonisa-       Banque. Des mesures seront prises pour
    tion, l’alignement et la coordination de l’aide   favoriser la collaboration interdépartemen-
    et du Partenariat de Deauville.                   tale. La coordination de la gestion du savoir
         Le Département du développement              et des approches plurisectorielles se fera par
    humain continuera d’apporter l’expertise          le biais des groupes thématiques créés pour
    nécessaire à la conception des opérations qui     chaque priorité opérationnelle de la Stratégie
    requièrent des interventions relatives au capi-   de la Banque pour 2013–2022. La Stratégie
    tal humain. Les opérations seront préparées       sera mise en œuvre dans le cadre budgétaire
    conjointement avec d’autres équipes secto-        actuel, au moyen de transferts des priorités et
    rielles, si nécessaire. Le capital humain sera    de gains d’efficience, en particulier un chan-
    pris en compte dans le cadre d’opérations         gement dans l’éventail des compétences du
    autonomes et à travers des composantes            personnel.

4
CHAPITRE
                         La métamorphose de l’Afrique
       1

L’Afrique connaît de profonds changements,                    à condition d’investir judicieusement dans
qui ont tous une incidence sur la construc-                   le capital humain et d’exploiter pleinement
tion de son capital humain. La démographie                    les compétences (graphique 1). Sur le plan
de l’Afrique, qui se caractérise par une popu-                économique, les pays africains affichent une
lation jeune et en croissance rapide, offre                   croissance annuelle de 5 % en moyenne
des perspectives de croissance dynamique,                     pour les dix dernières années et continuent

 Graphique 1   L’impressionnante explosion démographique des jeunes en Afrique

                         Afrique, 1950                                               Afrique, 2010
  Âge                                                        Âge
   80+                                                        80+
 75–79           Homme                   Femme              75–79            Homme                   Femme
 70–74                                                      70–74
 65–69                                                      65–69
 60–64                                                      60–64
 55–59                                                      55–59
 50–54                                                      50–54
 45–49                                                      45–49
 40–44                                                      40–44
 35–39                                                      35–39
 30–34                                                      30–34
 25–29                                                      25–29
 20–24                                                      20–24
 15–19                                                      15–19
 10–14                                                      10–14
   5–9                                                        5–9
   0–4                                                        0–4
       150     100    50      0        50     100     150       150     100      50      0        50     100     150
                     Population (millions)                                      Population (millions)

                         Afrique, 2050                                               Afrique, 2100
  Âge                                                        Âge
   80+                                                        80+
 75–79           Homme                   Femme              75–79 Homme                                      Femme
 70–74                                                      70–74
 65–69                                                      65–69
 60–64                                                      60–64
 55–59                                                      55–59
 50–54                                                      50–54
 45–49                                                      45–49
 40–44                                                      40–44
 35–39                                                      35–39
 30–34                                                      30–34
 25–29                                                      25–29
 20–24                                                      20–24
 15–19                                                      15–19
 10–14                                                      10–14
   5–9                                                        5–9
   0–4                                                        0–4
       150     100    50      0        50     100     150       150     100      50      0        50     100     150
                     Population (millions)                                      Population (millions)
  Source: Département des affaires économiques et sociales de l’ONU, 2011.

                                                                                                                       5
Stratégie du Capital Humain 2014–2018

    de résister aux crises mondiales. Le sec-                      et l’Inde (graphique 2). L’Afrique abrite égale-
    teur privé est plus que jamais présent. Sur                    ment la population la plus jeune au monde
    le plan technologique, le continent bénéficie                  et, au milieu de l’année 2011, les dix pays
    de l’évolution de la courbe technologique,                     ayant la population la plus jeune étaient des
    avec des avancées spectaculaires dans le                       pays africains2. À l›intérieur du continent, les
    domaine des technologies de l’information et                   régions les plus jeunes seront l›Afrique de
    de la communication (TIC). À l’horizon 2025,                   l›Est et l›Afrique de l›Ouest. Cette explosion
    la couverture du réseau de téléphonie mobile                   démographique de jeunes peut être l’occa-
    sera quasi universelle, ouvrant de nouvelles                   sion d’opérer des changements, de réaliser
    possibilités de services financiers à la por-                  des progrès et de promouvoir le dynamisme
    tée des populations pauvres, même dans                         social, tout comme elle peut présenter un
    les États fragiles. Sur le plan politique, la                  risque pour le continent3. Elle ouvre de vastes
    démocratie gagne du terrain en Afrique, et                     perspectives de développement économique
    les normes de gouvernance ne cessent de                        et social, à condition que les capacités de
    s’améliorer, grâce à la demande accrue de                      cette cohorte de jeunes soient orientées vers
    participation citoyenne et de responsabilité,                  des secteurs économiques porteurs.
    qui a favorisé des réformes démocratiques et                        Les enfants qui naîtront sur le continent
    réduit les conflits et les guerres civiles.                    dans les 15 prochaines années seront les
        La population actuelle de l’Afrique est de                 forces vives africaines de demain. La crois-
    1 milliard d’habitants et devrait atteindre 2,3                sance démographique et son incidence sur
    milliards d’habitants – principalement des                     le développement humain seront considé-
    jeunes – en 2050, selon les projections. Pour                  rables. D’ici une quinzaine d’années, environ
    le continent, le plus grand atout ou alors le                  600 millions d’enfants nés sur le continent au
    grand risque au cours de la décennie à venir                   début du 21e siècle constitueront la principale
    sera sa capacité à tirer parti ou non de ce                    main-d’œuvre du continent. Pour tirer parti
    réservoir de capital humain en croissance                      du dividende démographique et constituer
    rapide1. Après l’Asie, l’Afrique est le continent              une main-d’œuvre hautement qualifiée, il est
    le plus vaste et le plus peuplé du monde,                      nécessaire d’augmenter substantiellement
    avec environ 15 % de la population mondiale.                   le nombre de diplômés de l’enseignement
    D’ici à 2040, l’Afrique aura la main-d’œuvre la                secondaire et de l’enseignement et de la for-
    plus abondante au monde, devant la Chine                       mation techniques et professionnels (EFTP).

     Graphique 2   L’Afrique sera le continent doté de la main-d’œuvre la plus abondante en 2050

      Population en âge de travailler (15–64 ans, des millions)
      1,500
                                                                                                               Afrique

                                                                                                                   Indie

      1,000
                                                                                                                   Chine

                                                                                 Europe                   Asie du Sud-Est
        500
                                                                                     Amérique latine et Caraïbes

                                                                                                      Amérique du Nord
                                                                                            Amérique du Sud
           0
               1950    1960       1970      1980       1990       2000    2010       2020      2030        2040      2050
      Source : Département des affaires économiques et sociales des Nations Unies.

6
La métamorphose de l’Afrique

Il ressort des données de 2010 qu’environ                      rural, la pauvreté a baissé de 5,1 % entre 1998
5,3 millions d’élèves (23 % seulement des                      et 2008 en Afrique subsaharienne, ce qui est
enfants inscrits dans le primaire) obtiennent                  bien inférieur aux 68,8 % enregistrés en Amé-
des diplômes de l’enseignement secondaire                      rique latine et dans les Caraïbes, 51,4 %, en
en Afrique. Selon le bureau des Nations                        Asie du Sud-Est, et 45,5 %, au Moyen-Orient
Unies pour la population, 34,4 millions d’en-                  et en Afrique du Nord5. L’investissement mas-
fants entreraient dans le primaire en 2013.                    sif de l’Asie du Sud-Est dans l’éducation à
Les chiffres actuels seraient alors multipliés                 tous les niveaux a eu des retombées subs-
par cinq si 75 % de ces élèves obtiennent                      tantielles sur le capital humain et impulsé la
des diplômes de l’enseignement secondaire                      transformation industrielle de la région, témoi-
(25,8 millions d’élèves, dont la moitié de filles).            gnant ainsi des avantages potentiels à tirer du
     La croissance économique de l’Afrique,                    dividende démographique.
malgré la conjoncture mondiale incertaine, a                        L’Afrique est la deuxième région la plus
été remarquable. Sur les 54 États du conti-                    inégalitaire au monde (graphique 3). Avec un
nent, 24 ont plus que doublé leur revenu par                   coefficient de Gini proche de 0,45 %, la forte
habitant entre 1990 et 2010, sans compter                      inégalité en Afrique subsaharienne jette de
que les dix dernières années de forte crois-                   sérieux doutes sur la possibilité de réduire la
sance ont permis de faire reculer la pauvreté.                 pauvreté grâce à la croissance en Afrique. En
Sur les dix économies qui connaissent le                       2010, six des 10 pays les plus touchés par
plus fort taux de croissance au monde,4 sept                   l’inégalité étaient des pays d’Afrique subsaha-
devraient se trouver en Afrique, entre 2011 et                 rienne, étant donné que cette forte inégalité
2015. Le taux de croissance du continent a                     atténue les effets de la croissance écono-
atteint 4,8 % en 2013, contre 4,2 % en 2012                    mique sur la pauvreté6. Entre 2008 et 2011,
et cette croissance devrait s’accélérer pour                   l’inégalité était de 42 %, dans les pays riches
atteindre 5,1 % en 2014.                                       en ressources, contre 44 % dans les pays
     Le taux de pauvreté demeure élevé et                      pauvres d’Afrique7. Dans la promotion de la
l’élasticité de la pauvreté par rapport à la                   croissance économique, il peut être risqué
croissance en Afrique est bien plus faible que                 d’ignorer les inégalités, dans la mesure où
dans d’autres régions. La pauvreté a reculé de                 celles-ci limitent l’utilisation efficiente des res-
0,5 % par an en Afrique (Afrique du Nord non                   sources humaines et matérielles, font baisser
comprise) entre 1990 et 2008, contre 2,3 % en                  la qualité des institutions et des politiques,
Asie de l’Est et 1 % en Asie du Sud. La pau-                   érodent la cohésion sociale et font dérailler le
vreté touche de manière disproportionnée les                   processus de croissance, en particulier dans
femmes et les populations rurales. En milieu                   les États fragiles.

 Graphique 3   Carte des inégalités dans le monde : indice de Gini

   Indice de Gini
      22–29
      29–36
      36–43
      44–51
      51–58
      58–65
      Pas de données

  Source: https://www.cia.gov/library/publications/the-world-factbook/rankorder/2172rank.html.

                                                                                                                      7
Stratégie du Capital Humain 2014–2018

         L’empreinte écologique du continent a             et notamment en Éthiopie, au Kenya, au Mali,
    considérablement augmenté ; elle est en                au Nigéria et en Tanzanie. Le Sénégal, mal-
    passe d’atteindre sa bio-capacité, avec des            gré une croissance économique relativement
    conséquences disproportionnées pour les                faible, figure parmi les pays qui obtiennent les
    populations pauvres. Pour favoriser une crois-         meilleurs résultats, alors que dans d’autres
    sance respectueuse de l’environnement en               pays à croissance stable, comme le Libé-
    Afrique, il faut relever les défis actuels et futurs   ria, les taux de mortalité ont augmenté. Ces
    en matière de développement sans toutefois             améliorations s’expliquent par des politiques
    réduire le capital naturel du continent. Le            générales judicieuses, des mesures en faveur
    développement humain ne peut être inclusif             de l’éducation des filles, l’adoption de nou-
    et la qualité de vie ne peut s’améliorer que si        veaux procédés (par exemple, l’utilisation de
    l’on préserve le patrimoine écologique, c’est-         moustiquaires imprégnées d’insecticide au
    à-dire les écosystèmes terrestres, marins et           Kenya) et par des investissements dans les
    d’eau douce, ainsi que la biodiversité8. Ce            programmes de santé en veillant à utiliser les
    patrimoine est essentiel pour assurer la sécu-         ressources de façon optimale et à atteindre
    rité alimentaire, l’approvisionnement en eau et        les populations pauvres des zones rurales.
    en énergie, mais aussi les moyens de subsis-           Au Rwanda, la mortalité infantile a diminué de
    tance des plus pauvres, qui sont les plus tou-         deux tiers entre 2005 et 2010, tandis que le
    chés par les impacts néfastes sur l’environ-           pourcentage d’accouchements assistés par
    nement. Les sécheresses dans la Corne de               des personnels de santé qualifiés est passé
    l’Afrique et les graves crises alimentaires au         de 39 % à 70 %. La planification familiale a
    Sahel témoignent des effets catastrophiques            quadruplé (une première dans le monde).
    du changement climatique sur la sécurité ali-          Toutefois, le rapport 2011 sur les OMD en
    mentaire et la nutrition. Aujourd’hui, un Afri-        Afrique fait état de disparités criantes dans les
    cain sur quatre souffre de malnutrition, et un         progrès réalisés sur tous les indicateurs, les
    enfant sur trois, d’un retard de croissance9.          améliorations concernant surtout les groupes
    Si rien n’est fait, les rendements des cultures        aisés et les populations urbaines13. Les iné-
    céréalières en Afrique connaîtront une forte           galités dans l’accès aux services publics, et
    baisse d’ici à 2050, ce qui exposerait à la            notamment aux services d’éducation, de
    malnutrition dix millions d’enfants supplé-            santé, d’eau et d’assainissement, ne font que
    mentaires et réduirait l’apport calorique des          marginaliser davantage les groupes exclus.
    Africains de 21 % en moyenne10.                        Les progrès sont moins rapides en Afrique
         Les progrès vers la réalisation des objec-        subsaharienne que dans d’autres régions, ce
    tifs du Millénaire pour le développement               qui ne fait que creuser les inégalités dans la
    (OMD) relatifs au développement humain                 réalisation des OMD.
    en Afrique sont encourageants, malgré de                    La Banque a joué un rôle central dans
    grandes disparités entre les pays et en leur           l’élaboration du programme de développe-
    sein11. Les taux nets de scolarisation dans le         ment durable de l’après-2015 et dans la prise
    primaire (OMD 2) sont passés de 58 % à 76 %            en compte des besoins des Africains dans la
    sur la période 1999–2009, ce qui représente            formulation des priorités globales en matière
    l’amélioration annuelle la plus rapide jamais          de développement. À mesure que l’Afrique
    observée pour ce taux. L’Afrique a également           se développe, s’urbanise et se démocratise,
    doublé la réduction moyenne de la mortalité            ses objectifs cadrent de plus en plus avec
    infantile (OMD 4), qui est passée de 1,2 % par         les enjeux prioritaires à l’échelle mondiale.
    an entre 1990 et 2000, à 2,4 % entre 2000 et           Mais alors que le continent puise dans ses
    2010 (graphique 4)12. L’incidence du sida et la        réserves de ressources naturelles, il devra
    mortalité liée à cette maladie sont en baisse          investir dans les infrastructures et dans le
    dans de nombreux pays d’Afrique subsaha-               capital humain, en utilisant le genre, la gou-
    rienne. La croissance économique a été un              vernance et le secteur privé comme vecteurs
    facteur majeur de ce recul dans plusieurs pays         du développement.

8
La métamorphose de l’Afrique

 Graphique 4    Le recul de la mortalité infantile en Afrique est le plus important jamais enregistré,
                à la faveur croissance économique, mais aussi de programmes de santé solidaires

               Taux de mortalité infantile,
               moins de 5 ans (pour 1 000)
                 150–210
                 100–150
                 75–100
                 50–75
                 15–50
                 Pas de données

  Source: Sharan and Ahmed, 2011.

                                                                                                         9
Un milliard d’Africains, dont
                      200 millions de jeunes : les éléments
   CHAPITRE

                      clés pour libérer le potentiel
                      économique du continent
       2

Le développement du capital humain est au            politique et institutionnel pour une création
cœur du programme de croissance inclu-               d’emplois à forte productivité.
sive et verte de la Banque, tout autant que              La grande majorité des jeunes d’Afrique
de l’action qu’elle mène contre la pauvreté,         sont sous-employés dans des entreprises
l’inégalité entre les sexes et l’exclusion sociale   familiales à faible productivité. Les femmes
en Afrique14. Ce programme porte essentiel-          souffrent de façon disproportionnée du
lement sur le renforcement des compétences           chômage ou de l’accès aux emplois et elles
nécessaires pour stimuler la productivité et la      restent, de ce fait, en dessous du seuil de
compétitivité, pour tirer parti des innovations      pauvreté. Selon l’OIT, les jeunes de la tranche
technologiques, et pour créer des emplois. Il        d’âge de 15–24 ans représentent 60 % de
est question également de favoriser la par-          l’ensemble des chômeurs en Afrique sub-
ticipation citoyenne en vue d’améliorer la           saharienne, et, en moyenne, 72 % des jeunes
qualité des services publics et l’efficience         vivent avec moins de 2 dollars par jour, et
des dépenses publiques ; et d’instaurer              46 % avec moins de 1 dollar par jour. Envi-
des filets de protection sociale destinés à          ron 90 % des emplois en Afrique relèvent
protéger les plus pauvres contre les chocs
socioéconomiques (encadré 1)15. La Banque             Encadré 1   Définition du capital humain
devrait jouer un rôle central en s’assurant que
l’Afrique dispose du capital humain à même             Le capital humain est un facteur (une condition
d’accélérer sa croissance inclusive et verte.          nécessaire) de réalisation d’une croissance inclu-
                                                       sive et verte. C’est aussi un terme économique.
Tirer parti du dividende                               Le développement humain est un résultat du dé-

démographique                                          veloppement et une mesure à la fois de la crois-
                                                       sance inclusive et du progrès en matière de droits
De nombreux pays africains sont aujourd’hui            humains.
à même de tirer parti du dividende démogra-                 La présente stratégie indique comment la
phique qui a été l’atout des économies d’Asie          Banque contribuera à la constitution d’un capital
de l’Est entre 1965 et 1990. Dans ces éco-             humain dans le cadre global de son action visant
nomies, les taux de fécondité et les ratios de         la promotion d’une croissance inclusive et verte. La
                                                       stratégie emprunte au Forum économique mondial
dépendance ont connu des baisses specta-
                                                       sa définition du capital humain, à savoir « l’acqui-
culaires, ce qui s’est traduit par une augmen-         sition et le déploiement de compétences, de ta-
tation du nombre et de la proportion des per-          lents, de savoirs et d’expériences par des individus
sonnes en âge de travailler, avec à la clé des         et des populations, leur valeur pour des organisa-
taux élevés de croissance économique. La               tions, des économies et la société ».
capacité de l’Afrique à tirer parti du dividende            Les quatre aspects fondamentaux du capi-
                                                       tal humain sont l’éducation, la main-d’œuvre et
démographique et à le transformer en crois-
                                                       l’emploi, le bien-être, notamment les services de
sance et en création d’emplois dépendra de             santé, et un environnement favorable, y compris,
sa capacité à développer les compétences               des filets de protection ; tous ces facteurs ayant
nécessaires et à assurer la prestation de ser-         des retombées sur le capital humain et les résul-
vices cruciaux tels que les services d’éduca-          tats en matière de développement.
tion et de planification familiale, ainsi que de
                                                       Source : Forum économique mondial.
sa capacité à améliorer son environnement

                                                                                                              11
Stratégie du Capital Humain 2014–2018

     de l’économie informelle où la productivité        Il est nécessaire de faire passer ce pourcen-
     est faible et où les emplois sont précaires        tage à 1 % pour stimuler la croissance. Seule
     et mal rémunérés. Le manque d’emploi               la Tunisie a atteint cet objectif. Alors qu’elle
     « décent », auquel s’ajoutent des taux élevés      représente 13,4 % de la population mondiale,
     de chômage ainsi que les inégalités socio-         l’Afrique ne produit que 1,1 % du savoir scien-
     économiques et entre les sexes, a contribué        tifique mondial17. Trois universités africaines
     à l’élévation des niveaux de pauvreté chez les     seulement figurent parmi les 500 universités
     jeunes et les femmes d’Afrique. Le manque          les mieux cotées au monde. L’Afrique compte
     de compétences techniques, l’employabi-            seulement 35 chercheurs et ingénieurs par
     lité limitée, l’insuffisance d’informations sur    million d’habitants, contre 168 pour le Bré-
     l’emploi et d’accès aux capitaux ont limité        sil, 2 457 pour l’Europe et 4 103 pour les
     les capacités des jeunes à utiliser pleinement     États-Unis.
     leurs compétences et à contribuer à la dyna-            La pénurie de compétences a sérieuse-
     misation du secteur privé. Il demeure donc         ment entravé les progrès de l’Afrique dans
     crucial d’encourager plus avant l’esprit d’en-     les sciences, la technologie et l’innovation
     treprise et d’offrir aux jeunes du continent des   (STI). Les premiers pays d’Afrique pour ce qui
     possibilités accrues pour favoriser la création    concerne le nombre de documents de réfé-
     d’emplois de qualité, booster la croissance        rence sont l’Afrique du Sud (35e, avec 107 976
     économique, la productivité, l’innovation et       documents), la Tunisie (51e, avec 32 250
     l’emploi.                                          documents) et le Nigéria (52e, avec 35 223
          L’urbanisation rapide en Afrique offre éga-   documents), en comparaison avec les États-
     lement des opportunités pour la transforma-        Unis (1ers, avec 6,1 millions de documents), le
     tion des économies du continent. À l’hori-         Japon (4e, avec 1,6 million de documents) et
     zon 2025, plus de la moitié de la population       la France (6e, avec 1,1 million de documents).
     africaine vivra en milieu urbain ; au cours des    Aucun pays africain ne compte parmi les vingt
     25 prochaines années, la population urbaine        premiers pays dépositaires de demandes de
     croîtra presque deux fois plus rapidement          brevets en 2011 (contre 238 323 demandes
     que l’ensemble de la population et augmen-         du Japon et 4 710 demandes de la Nou-
     tera de plus d’un demi-milliard d’habitants,       velle-Zélande). Le faible développement de la
     par rapport à celle de 199016. Les services de     STI a retardé la percée des pays africains en
     base et les offres d’emplois dans les secteurs     tant qu’économies du savoir.
     porteurs ne suivent pas le rythme soutenu de            Compte tenu du faible niveau d’investis-
     l’urbanisation. Il faut donc agir pour remédier    sement dans la recherche-développement,
     à cette situation, notamment en remettant en       les pays africains sont à la traîne sur le plan
     état l’infrastructure qui se détériore, en ren-    de la compétitivité et de la productivité à
     forçant les capacités de prestation de ser-        l’échelle mondiale. Selon le rapport 2011 de
     vices, et en faisant face au surpeuplement,        la Banque mondiale sur la compétitivité de
     à la dégradation de l’environnement et aux         l’Afrique, le continent a beaucoup à gagner
     graves pénuries de logements et d’emplois          en diversifiant les exportations et en appro-
     productifs.                                        fondissant les échanges commerciaux au
                                                        niveau régional, étant donné que sa part
     Productivité, compétitivité et                     dans le commerce mondial reste faible et
     création d’un système économique                   concentrée sur les ressources naturelles. Le
     fondé sur le savoir                                faible niveau de formation des travailleurs est
     L’Afrique a été lente à développer le sec-         un obstacle majeur au commerce, à la pro-
     teur des sciences et des technologies et à         duction et à la compétitivité. Les étudiants
     commercialiser ses innovations. Avec envi-         africains se tournent en grande majorité vers
     ron 0,42 % du PIB, le continent est loin des       les filières comme l’économie, le commerce,
     objectifs internationaux pour la part des          le droit et les sciences sociales, au détri-
     dépenses dans la recherche-développement.          ment de la science, de l’ingénierie et de la

12
Un milliard d’Africains, dont 200 millions de jeunes

technologie. Les compétences produites ne                        dans certains secteurs, et notamment dans
correspondent donc pas à celles deman-                           les secteurs de l’éducation et de la santé. Les
dées sur le marché du travail si bien que les                    Africains font partie des travailleurs les plus
diplômés de l’enseignement supérieur se                          mobiles au monde, et la migration (principa-
retrouvent au chômage, alors que les pays                        lement des jeunes18) est au centre des stra-
africains continuent d’être confrontés à des                     tégies de la plupart des familles africaines.
pénuries de travailleurs qualifiés.                              La grande majorité des Africains migrent à
                                                                 l’intérieur du continent, essentiellement de
Chômage et sous-emploi des                                       façon irrégulière et en marge de la règlemen-
jeunes et des femmes, création                                   tation. Cela étant, la lenteur de l’intégration
d’emplois et fidélisation des                                    régionale continue de peser sur la mobilité
travailleurs qualifiés                                           des travailleurs, affectant la compétitivité et la
La plupart des pays africains sont aux prises                    productivité.
avec le double problème de création d’em-                             L’Afrique affiche l’un des taux de chômage
plois et de fidélisation des travailleurs qua-                   les plus élevés au monde, après celui de
lifiés, au moment même où ils doivent faire                      l’Europe. Le taux de chômage est de 12 %
venir de l’étranger des travailleurs qualifiés                   en Afrique, contre 9,1 % en moyenne dans
pour des industries spécifiques. Dans de                         le monde. Les jeunes de la tranche 15–24
nombreux pays africains, les employeurs esti-                    ans représentent 60 % des sans-emploi du
ment que le niveau inapproprié de formation                      continent. En Égypte, à Maurice, au Maroc,
de la main-d’œuvre est un obstacle entravant                     en Afrique du Sud et en Tunisie, les jeunes
la pratique des affaires et que les pénuries                     sont deux à six fois plus exposés au risque
de compétences sur le marché du travail                          de chômage que les adultes (graphique 5);
préoccupent tout particulièrement les inves-                     les jeunes femmes sont encore plus expo-
tisseurs. Le secteur privé n’est pas capable                     sées à ce risque. Le secteur informel, poten-
d’acquérir rapidement et de fidéliser les com-                   tiellement dynamique et prospère, n’a pas
pétences en Afrique. L’exode des travailleurs                    été à même d’absorber le grand nombre de
hautement qualifiés constitue un énorme défi                     demandeurs d’emploi.

 Graphique 5   Les jeunes Africains sont plus susceptibles d’être au chômage que les adultes

        %      Jeunes      Adultes
        60

        40

        20

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                          10

                           6

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  Source : calculs des experts de la BAD, utilisant les données de l’OIT pour 2011.

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