Suivi Cistude 2017 réalisé dans le cadre de la LGV SEA - Lisea
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LGV SEA TOURS-BORDEAUX Suivi Cistude 2017 réalisé dans le cadre de la LGV SEA Bilan annuel des suivis par Capture-Marquage- Recapture (4ème année) et télémétrique (5ème année) d’une population de Cistude d’Europe Emys orbicularis dans la Double saintongeaise (17) Rapport réalisé pour le compte de : 14 rue Jean Moulin 86240 Fontaine-le-Comte 05 49 88 99 23 pc.nature@laposte.net
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 Suivi Cistude 2017 réalisé dans le cadre de la LGV SEA Bilan annuel des suivis par Capture-Marquage- Recapture (4ème année) et télémétrique (5ème année) d’une population de Cistude d’Europe Emys orbicularis dans la Double saintongeaise (17) Type de rapport : Rapport 2017 Association intervenante Expert intervenant (rédaction/validation) Nature Environnement 17 Maxime LAVOUE - Olivier ROQUES Coordinateur PCN Version du document Moea LARTIGAU V2 Destinataires Date d’envoi Marion GOURAUD (LISEA) V1 le 06/04/2018 - V2 le 30/04/2018 Poitou-Charentes Nature 3
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 Sommaire 1. Contexte de l’étude................................................................................. 6 2. Présentation de la Cistude d’Europe ....................................................... 8 2.1. Systématique..................................................................................................... 8 Description de l’espèce ................................................................................................ 8 2.2. Répartition ...................................................................................................... 10 2.3. Biologie et écologie .......................................................................................... 11 2.3.1. Habitats .............................................................................................. 11 2.3.2. Rythme d’activité ................................................................................. 11 2.3.3. Reproduction ....................................................................................... 12 2.3.4. Prédation............................................................................................. 12 2.3.5. Alimentation ........................................................................................ 12 2.4. Statut de conservation et protection légale ........................................................ 13 3. Présentation du site d’étude ................................................................. 14 3.1. Etang de la Goujonne et les différents étangs des sous bassins-versants de la Goujonne et des Quatre Puits ..................................................................................... 14 3.2. Etang de la Clinette et les différents étangs des sous bassin-versants du Chateauroux et de la Clinette ..................................................................................... 15 4. Matériel et méthode ............................................................................. 18 4.1. Principe du suivi par Capture-Marquage-Recapture ............................................. 18 4.1.1. Matériel utilisé ..................................................................................... 18 4.1.2. Déroulement et effort de piégeage ........................................................ 19 4.1.3. Marquage et mesures biométriques ....................................................... 19 4.2. Principe du suivi par radiopistage ...................................................................... 22 4.2.1. Matériel ............................................................................................... 22 4.2.2. Nombre d’individus équipés................................................................... 23 4.2.3. Déroulement du suivi............................................................................ 23 4.3. Analyse des résultats........................................................................................ 23 4.3.1. Données de capture-marquage-recapture............................................... 23 4.3.2. Calcul des domaines vitaux ................................................................... 24 4.3.3. Autres analyses statistiques .................................................................. 25 5. Résultats .............................................................................................. 25 5.1. Etude par Capture-Marquage-Recapture ............................................................ 25 5.1.1. Bilan des captures: données brutes ....................................................... 25 5.1.1. Analyse des données de Capture-Marquage-Recapture : estimation de la taille des populations ........................................................................................ 27 5.1.2. Structure démographique ..................................................................... 28 5.1.3. Sex-ratio ............................................................................................. 29 4 Poitou-Charentes Nature
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 5.2. Etude des déplacements par radiopistage .......................................................... 30 5.2.1. Cartographie ........................................................................................ 30 5.2.2. Calcul des domaines vitaux ................................................................... 32 6. Discussion ............................................................................................ 34 6.1. Goujonne ........................................................................................................ 34 6.2. Clinette ........................................................................................................... 36 7. Conclusion et Perspectives ................................................................... 36 Bibliographie ................................................................................................ 38 Annexe 1 - Calendrier des suivis des Cistudes sur la Goujonne et la Clinette 41 Poitou-Charentes Nature 5
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 Suivi Cistude 2017 réalisé dans le cadre de la LGV SEA Bilan annuel des suivis par Capture-Marquage-Recapture (4ème année) et télémétrique (5ème année) d’une population de Cistude d’Europe Emys orbicularis dans la Double saintongeaise (17) 1. Contexte de l’étude La Cistude d’Europe (Emys orbicularis) est une espèce protégée sur le territoire national et inscrite aux Annexes II et IV de la Directive « Habitats-Faune-Flore » de 1992 (espèce communautaire dont la conservation nécessite la désignation de Zones Spéciales de Conservation). Elle est de plus classée par l’UICN sur les Listes Rouges comme « Quasi menacé » (2017) au niveau européen et comme étant en « Préoccupation mineure » en France métropolitaine (UICN et al., 2015). Enfin, elle est désignée déterminante en Poitou-Charentes (Jourde (coord.), 2001) et bénéficiait jusqu’en 2015 d’un Plan National d’Actions, le second étant en cours de rédaction. La Charente-Maritime compte le plus grand nombre de données régionales avec des effectifs encore importants et fonctionnels, notamment dans le Marais de Brouage et la Double saintongeaise. De par ces enjeux de conservation majeurs, une étude initiale a été réalisée en 2006 sur deux sites témoins impactés par le passage de la Ligne à Grande Vitesse Sud Europe Atlantique (étangs de la Goujonne et de La Clinette) par Nature-Environnement 17 à la demande de Réseau Ferrés de France (RFF). Pour chaque étang, les principaux objectifs étaient : - d’évaluer la taille des populations, - de connaître l’occupation du site par l’espèce et son évolution saisonnière, - de localiser et caractériser des sites de ponte et d’hivernation, - de proposer des mesures d’évitement, de réduction et de compensation d’impacts. Réalisée avant la phase de construction de la LGV, cette étude constitue un état initial. Il s’agit d’un état initial particulièrement détaillé et précis concernant une espèce protégée impactée par un tel projet. Les conclusions de ce rapport ont notamment orientées les travaux de restauration effectués par COSEA (les 5 et 7 décembre 2012) sur les sites de pontes identifiés à l’époque sur les marges de l’étang de la Goujonne. A partir de 2013, deux types de suivis ont été menés aux fréquences suivantes : - 1 suivi par Capture Marquage Recapture en 2013, 2014 et 2017, - 1 suivi par radiopistage en 2013, 2014, 2015, 2016 et 2017 (le suivi est alégé à hauteur d’un unique passage mensuel en dehors des années de CMR). 6 Poitou-Charentes Nature
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 Le suivi 2017, réalisé pendant la phase de mise en service de la ligne, constitue la suite logique de celui de 2006. L’objectif est : - d’évaluer sur le long terme les éventuels impacts de la LGV SEA sur une espèce emblématique, en application de l’article 23 de l’arrêté du 24 février 2012 portant dérogation à la destruction des espèces protégées, - d’évaluer la transparence écologique des ouvrages de franchissement mise en œuvre sur le chantier de la LGV SEA pour l’espèce, comme stipulé dans l’arrêté CNPN. La reproductibilité du protocole suivi en 2006 permet d’obtenir des données comparables dans le temps et d’en tirer des conclusions objectives quant aux réels impacts de l’infrastructure et de la mise en service de la ligne. Le présent rapport dresse le bilan des suivis par Capture-Marquage-Recapture et télémétrique réalisés en 2017 et synthétise les données obtenues avec celles des 4 années précédentes. Les personnes ayant réalisé ces suivis possèdent une autorisation de capture d’espèces protégées. Poitou-Charentes Nature 7
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 2. Présentation de la Cistude d’Europe 2.1. Systématique Les Reptiles sont des vertébrés poïkilothermes, à peau écailleuse et sèche. En Europe, ils regroupent les ordres des Chéloniens (tortues) et des Squamates (lézards et serpents). Si la plupart des Reptiles ont des mœurs terrestres, quelques espèces sont plus ou moins inféodées aux milieux humides voire aquatiques, telle que la Cistude D’Europe Emys orbicularis. Cette espèce est une tortue aquatique. Elle appartient à la classe des Reptiles et à l’ordre des Chéloniens. Ceux-ci ont une carapace formée d’un bouclier dorsal (dossière) et d’un plastron ventral. Leurs mâchoires sont dépourvues de dents et forment un bec corné. Emys orbicularis fait partie de la famille des Emydidés et de la sous-famille des Emydinae. Classification de la Cistude d’Europe Règne : Animalia Embranchement : Chordata Classe : Reptilia Sous-classe : Chelonii Ordre : Testudines Famille : Emydidae Genre : Emys Nom binomial : Emys orbicularis (Linnaeus, 1758) Description de l’espèce La Cistude d’Europe, tortue boueuse, tortue des marais ou localement « Fangearde », est une tortue de couleur sombre. Sa carapace, hydrodynamique, est donc peu bombée. Elle est constituée par : - le bouclier dorsal, variant du brun noirâtre au verdâtre en passant par le rougeâtre et le grisâtre et parfois orné de points ou de raies de couleur jaunâtre, - le plastron qui peut varier du jaune-vert marbré au brun-noir uni. Les pattes palmées sont munies de longues et fortes griffes et présentent généralement des bandes ou macules jaunâtres. Le cou est allongé et le museau assez pointu possède un bec verdâtre à bords coupants. La queue est longue et effilée. Le dessus de la tête, brun, est piqueté de points jaunes ou rayés de bandes jaunâtres. Les yeux de la Cistude varient du jaune vif au rouge orangé. L’adulte mesure en moyenne de 138 à 160 mm de longueur de dossière pour les mâles, et de 140 à 180 mm pour les femelles (DUGUY et al, 1998). Notons que chez le mâle le plastron est légèrement concave, contrairement à la femelle, chez qui il est plat. Cette configuration facilite le chevauchement lors des accouplements. 8 Poitou-Charentes Nature
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 Photo 1 : Cistude d’Europe ( Emys orbicularis ) vue de profil – M. LAVOUE Nature Environnement 17 Photo 2 : Vue ventrale d’un individu de Cistude Photo 3 : Vue dorsale d’un individu de Cistude d’Europe Emys orbicularis – M. LAVOUE Nature d’Europe Emys orbicularis – M. LAVOUE Nature Environnement 17 Environnement 17 Poitou-Charentes Nature 9
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 2.2. Répartition L’aire de répartition de l’espèce peut être considérée comme une aire de répartition Ouest Eurasiatique. Elle s’étend du nord de l’Afrique au sud, jusqu’à la Pologne au nord, du Portugal à l’ouest jusqu’à la mer d’Aral en Asie centrale à l’est (Figure 1). En France, l’espèce est répartie de manière hétérogène sur les 2/3 sud du territoire. Elle est présente dans 7 régions : Nouvelle- Aquitaine, Auvergne - Rhône-Alpes, Occitanie, Bourgogne - Franche-Comté, Centre-Val de Loire, Corse, PACA. Figure 1 : Distribution européenne de la Cistude d’Europe (sources : MNHN/SPN & SEH, 1997) La Cistude d’Europe est signalée dans les quatre départements de Poitou-Charentes, bien qu’elle n’ait pas été revue dans les Deux-Sèvres depuis son signalement par Michel Fouquet (agent de l’ONCFS, bénévole au sein des associations DSNE et GODS) dans les années 80 dans les étangs de l’Argentonnais (Figure 2). Les principaux noyaux de populations en Charente-Maritime se trouvent désormais dans le Marais de Brouage et dans la Double saintongeaise. En dehors de ces localités, sa répartition est de plus en plus fragmentée. Notons que la seule donnée insulaire pour l’atlantique français est à attribuer à l’île d’Oléron où la première mention de l’espèce remonte à 1904 (ALLENOU et al, 2001). En Charente, les populations du sud semblent être en continuité avec celles de Charente- Maritime. La répartition actuelle de la Cistude semble être limitée au sud d’une ligne Barbezieux à Montbron (THIRION et al, 1998). Pour la Vienne, une des premières mentions remonte à la capture d’un individu dans le Clain par MAUDUYT en 1844. La seule population connue bien établie semble être limitée aux étangs de la région de Montmorillon. Un important travail d’actualisation des connaissances dans ce département permettra d’avoir une idée plus précise de sa répartition. En dehors de ces localités, plusieurs mentions de Cistude en Poitou-Charentes semblent être attribuables à la découverte d’individus épars sans doute échappés de jardins (DUGUY et THIRION, 2002). 10 Poitou-Charentes Nature
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 Figure 2 : Répartition de la Cistude d’Europe en Poitou-Charentes (Poitou-Charentes Nature, 2016) LEGENDE Présence avérée de Cistude sur les 10 dernières années 2.3. Biologie et écologie 2.3.1. Habitats La Cistude est une espèce aquatique, capable d’effectuer d’importants déplacements terrestres pour la ponte, mais aussi au cours de déplacements d’un milieu aquatique à un autre. Elle fréquente des zones humides variées : étangs, rivières, mares, marais d’eau douce à légèrement saumâtre, fossés, canaux… Les nids de ponte sont généralement creusés sur des milieux ouverts, bien exposés, non inondables et meubles (avec une prédilection pour les sols de nature sableuse ou argilo-limoneuse). Il s’agit en général de prairies et pelouses sèches, mais aussi, par défaut, de digues, de surfaces cultivées ou de chemins, dont la pente est orientée préférentiellement vers le sud. L’espèce hiverne sous l’eau, dans des zones de végétation dense présentant une importante couche de vase et/ou de litière végétale dans laquelle elle peut s’enfouir (cariçaies, roselières, queues d’étangs, mares forestières…). La Cistude dépend donc d’une mosaïque d’habitats dont chaque élément est indispensable à l’accomplissement de son cycle biologique. Pour se déplacer d’un milieu à un autre, elle utilise des zones de transition : les corridors écologiques. Il peut s’agir de cours d’eau, de canaux, fossés, etc. ou bien des milieux terrestres (notamment forestiers qui offrent couvert et protection). 2.3.2. Rythme d’activité La Cistude d’Europe est un animal ectotherme (dont la température corporelle dépend de la température extérieure). Elle utilise donc le soleil comme source de chaleur externe pour faire fonctionner son métabolisme. En conséquence, son cycle de vie annuel est marqué par l’alternance de Poitou-Charentes Nature 11
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 périodes d’activité au printemps et en été, puis de périodes de ralentissement d’activité ou d’hivernation en saison froide. La saison d’activité débute en février-mars et se poursuit jusqu’en octobre-novembre. La sortie d’hivernation est marquée par une courte période pendant laquelle les individus effectuent des petits déplacements au sein du milieu d’hivernation. Les Cistudes se dispersent ensuite sur l’ensemble de l’habitat disponible. 2.3.3. Reproduction La Cistude a une longévité qui peut atteindre 120 ans en captivité (ROLLINAT, 1934). Les individus acquièrent leur maturité sexuelle tardivement : 8-9 ans chez le mâle, 11-12 ans chez la femelle (DUGUY et BARON, 1998). Des accouplements ont lieu dès le mois de mars, même si la plupart interviennent en avril-mai. Ils peuvent en réalité s’étaler tout au long de la période annuelle d’activité. Des couples (mâle chevauchant une femelle) ont été observés dans le Marais de Brouage entre le 30 mars et le 8 octobre (Ibidem). Les pontes ont lieu principalement entre fin mai et la première quinzaine de juillet selon la température avec un pic au mois de juin. Il est possible pour des femelles de déposer leurs œufs en deux fois (Ibidem). Ainsi une même tortue peut être observée en train de pondre à deux reprises avec un mois d’intervalle (Ibidem). La femelle est capable de parcourir de quelques mètres à 4 kilomètres pour atteindre un site de ponte favorable. Elle dépose alors le plus souvent ses œufs au crépuscule. Les cistudons éclosent au terme d’environ 90 jours d’incubation, autour de septembre. Ils peuvent alors émerger directement ou passer la mauvaise saison au sein du nid, pour n’émerger qu’au printemps suivant, en fonction des conditions météorologiques. 2.3.4. Prédation Les pontes et les jeunes Cistudes peuvent être prédatées par les Renards (Vulpes vulpes), les Sangliers (Sus scrofa), tous les Mustélidés, mais aussi par de nombreux oiseaux tels que les Corvidés (ROLLINAT, 1934 ; SERVAN, 1988). Le taux de prédation des nids est variable et dépend intimement de la disponibilité de milieux favorables à la ponte. De manière générale, la raréfaction des sites de ponte induit leur concentration sur de faibles surfaces et un accroissement significatif de la prédation. Une évaluation expérimentale du taux de prédation a eu lieu dans le marais de Saint-Sornin (Charente-Maritime) par Guillaume BARON, René ROSOUX et Raymond DUGUY (2001) : des œufs de caille de Chine ont été enfouis dans d’anciens nids de Cistudes répartis sur 4 sites de ponte. Cette expérience a mis en évidence des taux de prédation variant de 33.3% à 100% suivant les sites, et sur une période de 10 à 20 jours (G. Baron, obs. pers.). 2.3.5. Alimentation La Cistude est essentiellement carnivore, même si elle consomme de plus en plus d’aliments d’origine végétale en vieillissant. Elle se nourrit de poissons morts, d’insectes aquatiques, de crustacés et de mollusques. Elle peut aussi consommer des larves et adultes d’Amphibiens, des poissons et alevins. Hors de l’eau, la Cistude s’attaque volontiers aux hannetons tombés sur le sol, aux escargots, aux limaces, et aux vers de terre sortis après une bonne pluie (ROLLINAT, 1934). Des cadavres de mammifères et oiseaux peuvent venir agrémenter son menu. 12 Poitou-Charentes Nature
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 2.4. Statut de conservation et protection légale Le déclin de la Cistude est un constat général à l’échelle du continent européen (HONEGGER, 1978 ; CORBETT, 1989 ; FRITZ, 1996 ; PODLOUCKY, 1997). La Cistude aurait disparu de Suisse, Belgique et des Pays-Bas. L’Autriche, l’Allemagne, la Pologne et la République Tchèque et la Slovaquie ne possèdent plus que des populations relictuelles (PODLOUCKY, 1997). Des populations encore importantes sont encore présentes en France, Hongrie, Italie, et Espagne. Malgré cela, en France, la situation de la Cistude est relativement préoccupante. Sa disparition ne date pas d’hier, en effet, on peut citer comme exemple la Vendée où elle aurait disparu à l’époque gallo-romaine (HAFFNER, 1994). D’après SERVAN (1986), l’espèce a disparu des marais de Meschers au début des années 60 et est en voie de raréfaction dans les marais de Saint-Georges-de-Didonne et de Royan (Charente-Maritime). A l’époque préhistorique, elle était présente dans la majeure partie du territoire, comme on peut le constater dans certains sites archéologiques (PARENT, 1983 ; CHEYLAN, 1998). Les menaces pesant sur l’espèce sont nombreuses : perte d’habitat, dégradation de la qualité et de la fonctionnalité des habitats terrestres et aquatiques, fragmentation des populations, pratiques agricoles et piscicoles défavorables, prédation et prélèvements d’individus, incendies, concurrence avec certaines espèces exotiques dont la tortue à tempes rouges (Trachemys scripta), la Tortue serpentine (Chelydra serpentina) dont la reproduction a été avérée sur l’estuaire de la Gironde (Maucaré, 2016) encore d’autres espèces de tortues vendues en animalerie qui pourraient se naturaliser en France. Celles-ci ont pour certaines des fortes chances de naturalisation en Europe (Kopecky et al., 2013) et certaines ont déjà été observé en Europe à l’état naturel dont Pseudemys concinna en Allemagne et en Espagne. De ce fait, l’espèce est reprise à l’annexe II de la Convention de Berne en tant qu’espèce animale strictement protégée et aux annexes II et IV de la Directive « Habitats-Faune-Flore ». De plus, en application des articles L.211-1, L.211-2 et R211-1 du Code Rural, l’espèce est inscrite sur la liste des Amphibiens et Reptiles protégés sur l’ensemble du territoire (JORF du 09/09/1993) au titre de l’Article 1. Elle est également mentionnée sur la Liste Rouge nationale comme espèce « Quasi menacée », c’est-à-dire bientôt menacée si des mesures de conservation ne sont pas mises en place. Espèce Nom scientifique DH CB PN LRM LRE Dét PC Cistude d’Europe Emys orbicularis II, IV II x NT NT x Légende : DH : Directive Habitats Faune Flore (1992) : II : Annexe II listant les espèces animales et végétales d’intérêt communautaire dont la conservation nécessite la désignation de zones spéciales de conservation ; IV : Annexe IV listant les espèces animales et végétales d’intérêt communautaire qui nécessitent une protection stricte ; CB : Convention de Berne (1979) : II : Annexe II listant les espèces qui doivent faire l'objet de dispositions législatives ou règlementaires appropriées, en vue d'assurer leur conservation ; PN : Protection nationale au titre de l’arrêté du 9 septembre 1993 ; LRM : Liste rouge mondiale UICN (2009) ; LRE : Liste rouge européenne (2009) : NT : Quasi- Menacé ; Dét PC : espèces déterminantes en Poitou-Charentes. Poitou-Charentes Nature 13
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 3. Présentation du site d’étude Les étangs de la Goujonne et de la Clinette se situent dans le sud de la Charente-Maritime, en Haute Saintonge, respectivement à l’est des communes de Montguyon et de Neuvicq. 3.1. Etang de la Goujonne et les différents étangs des sous bassins- versants de la Goujonne et des Quatre Puits D’une surface d’environ 5 000 m², l’étang de la Goujonne est connecté au site Natura 2000 FR5402010 « Vallées du Lary et du Palais » par le ruisseau de la Goujonne, affluent direct du Palais en eau toute l’année (Photo 5). Les habitats autour de cet étang sont principalement composés de prairies sableuses, de boisements (forêt acidiphile à Chêne tauzin, Aulnaies marécageuses et plantation de Pins maritimes) et, dans une moindre mesure, de cultures et de vignes sur du petit parcellaire. L’étang est fréquenté par des pêcheurs de façon assez régulière. Photo 4 : Etang de la Goujonne photographié le 15 mai 2014 – Nature Environnement 17 Des sessions de CMR ont également eu lieu sur deux autres plans d’eau du sous bassin versant de l’étang de la Goujonne : l’étang du Barail et la mare des Vallées. Ces derniers, proches du bassin de la Clinette, ont été fréquentés les années précédentes par des individus capturés pour la première fois sur l’étang de la Goujonne (constat issu du suivi télémétrique). Le choix de capturer sur cet étang et cette mare a été motivé par la volonté de capturer des individus qui auraient été marqués sur la Clinette. La présence conjointe d’individus originaires des 2 étangs auraient alors permis de mettre en évidence des échanges génétiques potentiels entre les populations de la Goujonne et de la Clinette. 14 Poitou-Charentes Nature
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 L’étang du Barail est probablement une ancienne carrière de sable ou d’argile kaolinique. Il est composé de berges en pente douce avec des communautés végétales amphibies. La taille importante de cet étang et l’existence de berges favorables à la thermorégulation difficilement accessibles rendent la capture compliquée et certainement non exhaustive. Photo 5 : Etang du barail photographié le 12 avril 2017 – M. LAVOUE Nature Environnement 17 La mare des Vallées est située en bordure d’une prairie mésophile de fauche, elle est alimentée par le ruisseau temporaire des Quatre Puits, qui trouve là sa tête de bassin. La capture a dû être interrompue à la fin du printemps, alors que la mare était presque en assec. 3.2. Etang de la Clinette et les différents étangs des sous bassin- versants du Chateauroux et de la Clinette L’étang de la Clinette est situé sur une exploitation agricole et couvre une surface d’environ 11000m². L’activité de la ferme est basée sur la production d’ovins et sur l’exploitation forestière. Au sein de cette exploitation sont présents de nombreuses mares et étangs servant d’abreuvoirs. Comme l’étang de la Goujonne, celui de la Clinette est connecté au Palais par le ruisseau de Chateauroux, qui s’assèche partiellement en été. Il est entouré de prairies sableuses, de boisements de pins et de Chênes tauzin, et de boisements humides à Aulne glutineux. Cette mosaïque d’habitats est très favorable à la présence de la Cistude d’Europe. L’étang de la Clinette est encaissé entre des parcelles prairiales. Les berges de l’étang sont en pentes douces, et très peu végétalisées. Poitou-Charentes Nature 15
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 La queue d’étang située à l’ouest est davantage végétalisée. L’étang principal et ses abords subissent de faibles pressions anthropiques liées à la pêche, au piétinement par les ovins et aux passages d’engins agricoles à proximité. Cependant, suite à des vols de nasses répétés et au refus du propriétaire de laisser l’accès à son étang depuis la fin 2014, aucune capture n’y a été réalisée en 2017. Afin de tenter de recapturer les individus issus de la Clinette et d’estimer la taille de la population à l’échelle du sous bassin versant (très peu de captures ayant été réalisées sur l’étang même en 2013 et 2014), des sessions de CMR ont été réalisées sur neuf autres mares ou étangs du bassin de la Clinette : - 2 mares au lieu-dit « la petite Clinette » ; - 2 mares situées aux lieux-dits « Le terrier des plantes » et « Le Champ du pic » ; - 4 mares aux lieux dits « Bel Air » et « Le Rendel » ; - 1 mare au lieu-dit « Baraillon ». La durée de la période de capture sur chacune d’elles a varié en fonction des niveaux d’eau respectifs et des problèmes rencontrés (en particulier vols de nasses). 16 Poitou-Charentes Nature
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 Figure 3 : Ensemble des étangs et des mares sur lesquels des sessions de CMR ont été réalisées Poitou-Charentes Nature 17
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 4. Matériel et méthode 4.1. Principe du suivi par Capture-Marquage-Recapture La méthode de capture-marquage-recapture (CMR) permet de caractériser une population en évaluant sa taille, sa structure d’âge, son sex-ratio et sa survie. Elle consiste à effectuer un premier prélèvement dans la population, à appliquer une marque permettant d’identifier les individus capturés et à les relâcher sur place. Après un temps de dispersion où les individus marqués se mélangent aux autres individus de la population, un nouveau prélèvement est effectué. Parmi les individus capturés, certains porteront déjà une marque et d’autres non. Ces derniers seront marqués à leur tour et l’ensemble des individus sera relâché. Le nombre de prélèvement dans la population dépend des objectifs de l’étude. Les données collectées sont alors testées selon différents modèles statistiques grâce à un logiciel d’analyse démographique (MARK). Le modèle statistique le plus pertinent, dont les paramètres collent le mieux aux réalités de terrain, est retenu. 4.1.1. Matériel utilisé Les pièges utilisés sont des nasses cylindriques (type tambours à deux entrées) d’une longueur d’environ 60 cm et d’un diamètre de 30 cm. Ils sont appâtés avec du foie de porc ou de la viande pour animaux. Les pièges sont placés dans l’eau au niveau des berges et fixés avec une corde. Un flotteur (bouteille en plastique vide) est placé à l’intérieur de chaque piège de manière à maintenir une partie des nasses émergée et d’éviter aux individus capturés de se noyer. Les entrées sont, quant à elles, immergées et si possible en contact avec le fond l’étang. Figure 4 : Photographie d’une nasse 18 Poitou-Charentes Nature
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 4.1.2. Déroulement et effort de piégeage En 2017, 17 nasses ont été posées à chaque session de CMR réalisées sur l’étang de la Goujonne. Pour comparaison, 16 nasses avaient été posée en 2013 et 2014 sur les étangs de la Clinette et de la Goujonne. Sur les autres plans d’eau, 2 à 4 nasses ont été posées par session de CMR, notamment en fonction de leur surface. Chaque session de piégeage se déroule sur 5 jours. La pose des pièges a lieu au jour J. Ensuite, un relevé est effectué aux jours J+1, J+2, J+3 et J+4 avec un marquage et un relâché immédiat des individus capturés. Les pièges sont retirés au jour J+4 puis installés de nouveau, après un délai d’une dizaine de jours, pour la session suivante. En fonction des dates d’assec des différents milieux (le printemps 2017 ayant connu un important déficit pluviométrique, l’assèchement a été particulièrement précoce), entre 4 et 9 sessions de CMR ont pu être réalisées entre avril et août sur chaque plan d’eau. Sur la Goujonne, les vols répétés de matériel nous ont poussé à interrompre les sessions de CMR à la session 4 et à arrêter définitivement les captures après le 16 juin. Seules 6 sessions de capture ont alors pu être réalisées. Le tableau suivant retrace l’historique 2017 des sessions de CMR sur les sites où des Cistudes ont été capturées. Tableau 1 : Effort de capture investi sur les plans d’eau ayant fait l’objet d’au moins une capture de Cistude d’Europe DATE DATE Champ du Petite SESSIONS Goujonne Barail Baraillon DEBUT FIN Picq Clinette 1 20-mars 24-mars 17 nasses 4 nasses 2 nasses 3 nasses 4 nasses 2 03-avr 07-avr 17 nasses 4 nasses 2 nasses 3 nasses 4 nasses 3 17-avr 21-avr 17 nasses 4 nasses 2 nasses 3 nasses 4 nasses 4 02-mai 06-mai 4 nasses 2 nasses 3 nasses 4 nasses 5 15-mai 19-mai 17 nasses 4 nasses 3 nasses 4 nasses 6 29-mai 02-juin 17 nasses 4 nasses 3 nasses 4 nasses 7 12-juin 16-juin 17 nasses 4 nasses 3 nasses 4 nasses 8 26-juin 29-juin 4 nasses 3 nasses 4 nasses 9 10-juil 13-juil 4 nasses 3 nasses 4 nasses 4.1.3. Marquage et mesures biométriques Le marquage s’effectue par des encoches réalisées avec une lime triangulaire sur les écailles marginales selon un code spécifique pour chaque individu. Cette technique permet le marquage individuel des individus et leur reconnaissance sur le long terme. Poitou-Charentes Nature 19
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 Figure 5 : Encoche sur une écaille marginale et code pour l’identification des individus déjà capturés Chaque individu capturé fait l’objet de mesures biométriques. Les mensurations de la carapace et du plastron seront mesurées à l’aide d’un pied à coulisse. La masse est mesurée avec une balance (précision : 1g). Le sexe et la classe d’âge (émergent, juvénile, adulte ou vieux) sont déterminés. La Cistude présente un dimorphisme sexuel important permettant une distinction rapide des sexes. Les mâles ont les yeux rouges-orangés, un plastron concave et leur queue présente un renflement pénien entre le plastron et le cloaque, tandis que les femelles ont les yeux jaunes, un plastron plat et une queue fine et effilée, sans zone pénienne. Figure 6 : Mesure de la dossière et du plastron La distinction juvénile (en croissance)/adulte (arrêt de croissance) s’opère au niveau de la ligne médiane de croissance du plastron. Lorsqu’elle est claire et légèrement renflée, l’individu est en croissance. Lorsqu’elle est fine et sombre, l’individu a achevé sa croissance. 20 Poitou-Charentes Nature
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 Figure 7 : Critère de différentiation du sexe chez la Cistude d’Europe Chez la Cistude, la croissance est cyclique, comprenant un arrêt hivernal, caractérisé sur les écailles par un sillon. L’âge peut être ainsi évalué lors des premières années de vie, par le décompte des lignes d’arrêt de croissance, jusqu’à la maturité sexuelle qui s’accompagne d’un resserrement des lignes dans la zone médiane du plastron. Chez les vieux individus, ces lignes ne sont plus visibles, les écailles du plastron ayant été polies avec le temps et les déplacements. Figure 8 : Plastron des différentes classes d’âge chez la Cistude Avant et pendant la période de ponte, les femelles capturées font systématiquement l’objet d’une palpation afin de déterminer leur état de gravidité. Poitou-Charentes Nature 21
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 4.2. Principe du suivi par radiopistage Le radiopistage (ou suivi télémétrique) consiste à fixer sur un animal un émetteur muni d’une batterie qui émet, sur une fréquence hertzienne déterminée, un signal pulsé sous forme d’ondes électromagnétiques qui se propagent dans le milieu. Ce signal est alors capté par une antenne reliée à un récepteur, qui rend le signal audible pour l’opérateur sous forme de signaux sonores. Le signal s’intensifie alors au fur et à mesure que l’antenne se rapproche ou s’oriente vers le récepteur émettant sur la fréquence réglée sur le récepteur. Il permet l’étude des déplacements dans le but de : - mesurer les domaines vitaux des individus (aire utilisée par un individu au cours d’une période considérée), - déterminer l’évolution saisonnière de l’utilisation de l’espace par les tortues (notamment identifier les sites de ponte et d’hivernation), - évaluer l’efficience des actions de restauration menées sur le site de la Goujonne, - prévoir les mesures de conservation à mettre en œuvre. Photo 6 : Individu de Cistude équipé d’un émetteur – M. LAVOUE Nature Environnement 17 4.2.1. Matériel Les émetteurs utilisés pèsent 15 g. Ils émettent en continu et sont réglés sur une fréquence comprise entre 150 et 151 MHz (fréquence adaptée à la propagation du signal à la fois dans l’air et dans l’eau). L’émetteur est fixé sur la carapace, à l’avant de la dossière, avec de la colle Epoxy à prise rapide. La batterie ayant une autonomie moyenne de 24 mois, il est nécessaire de changer l’émetteur de chaque individu a minima tous les 2 ans. Lorsque cette échéance intervient sur une année où des sessions de capture sont prévues, il convient de réaliser ce changement lors de la capture des tortues équipées. Le système de réception mobile utilisé est une antenne à trois brins associée à un récepteur de type Wildlife Track. La localisation de chaque individu contacté est enregistrée à l’aide d’un GPS (Garmin GPSmap 62). La cartographie est réalisée sous un logiciel SIG (Système d’Information Géographique). 22 Poitou-Charentes Nature
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 4.2.2. Nombre d’individus équipés Il était idéalement prévu de suivre un échantillon de 12 individus par étang (6 mâles et 6 femelles). Cet objectif a pu être atteint sur l’étang de la Goujonne dès 2013. En revanche, sur l’étang de la Clinette, le piégeage n’a pas permis d’atteindre l’échantillon voulu. En 2013, 6 individus ont pu être capturés et équipés pour le suivi sur l’étang de la Clinette, dont 4 femelles et 2 mâles. En 2014, le suivi télémétrique s’est poursuivi sur seulement 5 de ces individus, l’un des deux mâles ayant perdu son émetteur. L’individu n’a jamais pu être recapturé et n’a donc pas pu être rééquipé. En 2017, une nouvelle femelle (CP09) capturée au Champ du Picq a été équipée le 4 avril. Une femelle de la Clinette (C53) rééquipée en février 2015 n’a pas pu être recapturée en 2017 pour changer son émetteur. Ce dernier a arrêté d’émettre le 6 juin 2017 et l’individu n’a pas été réobservé. Deux mâles (CP62 et Bon 63), respectivement capturés sur les mares du Champ du Picq et du Baraillon, ont été équipés d’émetteurs le 4 avril 2017 par temps pluvieux. Il est probable que l’humidité ambiante soit à l’origine d’une mauvaise prise de la colle puisqu’ils se sont décollés respectivement autour du 26 juin et du 17 avril. Concernant l’échantillon équipé sur l’étang de la Goujonne, tous les individus anciennement suivis ont pu l’être en 2017 à l’exception de la femelle G42, dont l’émetteur a arrêté de fonctionner avant d’avoir pu la recapturer, et de la femelle G15 retrouvée morte dans l’étang le 10 avril. 4.2.3. Déroulement du suivi Le suivi est réalisé à raison d’un passage tous les deux jours en dehors de la période de ponte (cases vertes, orange et violettes dans le calendrier), pendant laquelle le suivi des femelles devient quotidien afin d’optimiser les chances de détecter leur départ sur les sites de ponte. 4.3. Analyse des résultats 4.3.1. Données de capture-marquage-recapture Les méthodes de CMR reposent sur l’hypothèse que tous les individus ne sont pas détectés lors d’un passage sur le terrain. Elles permettent d’estimer la probabilité de détecter les individus afin d’obtenir une estimation non-biaisée de l’abondance d’un site. Les analyses de données de capture-marquage-recapture peuvent être envisagées selon trois grandes classes de modèles, les modèles de populations fermées, les modèles de populations ouvertes et le Robust-design : - Les modèles de populations fermées ou « closed-capture » (Otis et al. 1978; Williams et al. 2002) visent à estimer l’abondance pour laquelle la population concernée est échantillonnée sur une courte période durant laquelle aucune entrée (naissance ou immigration) ou sortie (mort ou émigration) ne modifie la taille de la population et au sein de laquelle tous les individus présentent la même probabilité de capture. Ces analyses sur des données d’espèces longévives telles que la Cistude d’Europe peuvent donc être envisagées par année. - Par contraste, les modèles de populations ouvertes (Schwarz & Arnason, 1996) s’intéressent à la dynamique de la population concernée par l’estimation, de la survie, de la probabilité de capture et du taux d’entrée de nouveaux individus. La population peut alors être échantillonnée sur de plus grandes périodes permettant entrées et sorties. Dans ces modèles les individus doivent être homogènes dans leurs survies et leurs probabilités de détection, les émigrations doivent être permanentes, les animaux capturés doivent être relâchés immédiatement et les marques doivent être lisibles sans erreurs. Poitou-Charentes Nature 23
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 - Le dernier type de modèle, le Robust design consiste à partitionner chaque période primaire de capture en plusieurs périodes secondaires. Les périodes primaires (ici les années) sont considérées ouvertes aux gains et aux pertes tandis que les périodes secondaires (ici les sessions de capture) sont considérées fermées sans entrée ni sortie dans la population. Ce modèle est normalement relativement robuste à certains types de violations de l’hypothèse de fermeture au sein des périodes primaires (Kendall, 1999). Afin de choisir la ou les meilleures méthodes d’analyses pour ces données de CMR de Cistude d’Europe, un test d’hypothèse de fermeture (Stanley & Burnham, 1999) a été réalisé en utilisant le programme CloseTest (Stanley & Richards, 2011). Les modèles ont été testés et ajustés à l’aide du logiciel Mark (White & Burnham, 1999). L’ensemble des combinaisons possibles pour chaque classe de modèle a été ajusté dans Mark à l’aide d’algorithme de maximum de vraisemblance et comparés selon le critère d’Aikaike pour petits échantillons (AICc) (Burnham & Anderson, 2002). Lorsque plusieurs modèles sont équivalents (ΔAIC
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 4.3.3. Autres analyses statistiques Les proportions de mâles et de femelles ont été comparées avec un test binomial de conformité. Ce test permet de comparer un sex-ratio observé avec un sex-ratio théorique à savoir ici (50% de mâle et 50% de femelles). Les distributions en classe d’âge et les sex-ratios ont été comparés entre eux avec un test exact de Fisher. Ce test statistique permet de comparer entre elles plusieurs distributions observées. Les domaines vitaux ont été comparés avec un test de Wilcoxon. Ce test est adapté aux comparaisons de moyenne sur des petits échantillons ou sur des variables ne suivant pas une loi normale (comme c’est le cas ici). Ces analyses statistiques ont été effectuées avec le logiciel R. 5. Résultats 5.1. Etude par Capture-Marquage-Recapture Le bilan global n’a été effectué que sur l’étang de la Goujonne, étant donné que les captures n’ont pu être réalisées sur l’étang de la Clinette en raison du refus du propriétaire et de différents problèmes de vol de matériel. 5.1.1. Bilan des captures: données brutes Etang de la Goujonne En 2006, 23 individus ont été capturés sur l’étang de la Goujonne. En 2013 (21 individus) et en 2014 (24 individus), ce chiffre reste relativement constant. En 2017, seulement 14 individus ont été capturés. Sept individus capturés en 2013 (33%) ont été marqués en 2006. En 2014, 5 de ces 7 mêmes individus ont été recapturés et 12 individus capturés (50%) ont été marqués en 2013. Les 21% restants sont de nouveaux individus, jamais contactés lors des précédents suivis (figure 9). En 2017, 2 individus capturés en 2006 (14%), 7 capturés en 2013 (50%) et 3 capturés en 2014 (21%) ont été recapturés. Les 2 autres individus sont des individus nouvellement capturés. Notons qu’un individu marqué en 2006 non capturé en 2017 par CMR, a été retrouvé mort hors période de capture. Ce dernier s’est manifestement noyé après s’être coincé dans un herbier aquatique. Le nombre d’individus capturés sur la Goujonne était relativement stable jusqu’en 2014 mais a connu une nette régression entre 2014 et 2017. Poitou-Charentes Nature 25
CR Suivi 2017 – Cistude – Avril 2018 Figure 9 : Nombre de cistudes capturées sur la Goujonne au cours des suivis réalisés en 2006, 2013, 2014 et 2017 et leur année de marquage. Etang de la Clinette En 2006, 20 individus ont été capturés sur l’étang de la Clinette. En 2013 (7 individus) et en 2014 (5 individus), ce chiffre a considérablement régressé (figure 10). 4 individus capturés en 2013 (57%) étaient des individus marqués en 2006. En 2014, 3 de ces 4 individus ont été recapturés et un individu, capturé pour la première fois en 2013, a été recapturé. Seul un nouvel individu, jamais capturé lors des précédentes sessions de CMR, a pu être capturé cette même année. 25 Nombre d'individus capturés 20 15 Marquage 2014 Marquage 2013 10 Marquage 2006 5 0 2006 2013 2014 Année du suivi Figure 10 : Nombre de cistudes capturées sur la Clinette au cours des suivis réalisés en 2006, 2013 et 2014 et année de leur marquage Forts de ces constats et dans l’impossibilité d’accéder au site pour échantillonner l’étang de la Clinette en 2017, nous souhaitions cette année étendre l’effort de capture aux plans d’eau du bassin versant de la Clinette pour tenter : - de retrouver les individus marqués en 2006 sur l’étang de la Clinette ayant manifestement émigré de ce milieu, - de capturer de nouveaux individus pour les équiper d’émetteurs et suivre leurs déplacements au sein de la trame paysagère. 26 Poitou-Charentes Nature
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