ÉTAT ACTIONNAIRE de PRIVATISATIONS 33 milliards d'euros - SOCIÉTÉ CIVILE - Fondation IFRAP
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L E M EN SU EL DE L A FO N DAT I O N i F R A P SOCIÉTÉ CIVILE E n q u ê t e r p o u r r é f o r m e r N ° 17 9 ÉTAT ACTIONNAIRE 33 milliards d'euros de PRIVATISATIONS Mai 2017 - 8 €
PRIVATISATIONS ❚ Introduction État actionnaire : 33 milliards d’euros 9 DE PRIVATISATIONS L’État actionnaire, c’est 1 750 participations directes, pour une valeur comptable de 98,9 milliards d’euros et 538,6 milliards de chiffre d’affaires en 2015. Au sein de l’OCDE, la France est de loin le pays dans lequel les entreprises publiques emploient le plus (800 000 personnes soit 3,3 % des emplois salariés contre 2,5 % en moyenne pour l’OCDE). À Bercy, Emmanuel Macron s’était vu contraint de renoncer à certaines privatisations. Aujourd’hui, les rôles ont chan- gé. Le nouveau président peut ressortir ses projets des cartons et on évoque déjà les cas de Renault, Orange, ADP, DCNS ou encore de la FDJ. Néanmoins, l’ancien ministre de l’Économie ne renonce pas à exercer son influence sur les entreprises du portefeuille étatique. Sa préférence affirmée pour un État régulateur privilégiant la réglementation plutôt que l’actionnariat public s’accorde mal avec son rôle dans l’adoption de la « loi Florange » ou la conservation des parts acquises chez Renault. Pourtant, la mauvaise santé des entreprises publiques, les enjeux concurrentiels et la nécessité budgétaire appellent une réforme ambitieuse dont la réduction du portefeuille public constitue la première pierre. La « clarification » de la gestion des participations publiques qui fait quasiment l’unanimité restera un vœu pieu si elle n’est accompagnée de cessions d’envergure, seules à même de redessiner dans l’économie et la société, et pas seulement dans les textes de loi, les contours de l’État actionnaire. Cette voie a souvent été barrée par trois grandes peurs : les délocalisations et pertes d’emplois, l’ingérence d’investis- seurs étrangers « hostiles » dans les entreprises stratégiques et la dérégulation de l’activité économique. Ces craintes se révèlent être davantage le produit d’une confusion ancienne et tenace entre les multiples rôles de l’État français que de réalités économiques et sociales. L’État dispose d’ailleurs d’outils permettant de préserver ses intérêts sans avoir à maintenir les participations financières au niveau actuel. Pour répondre à ces enjeux, la Fondation iFRAP propose un plan de 33 milliards de cessions sur cinq ans. Ces cessions sont divisées en fonction de leurs degrés de complexité (participations cotées ou non, réformes nécessaires, portée stratégique…) en quatre phases successives : les cessions immédiates de participations cotées de l’APE (3,8 milliards), les cessions éco- nomiques et compétitives en 2017-2018 (12,6 milliards), les cessions symboliques et stratégiques de participations de l’APE en 2019-2020 (8 milliards) et les cessions ayant trait aux grandes réformes du service public pour 2021-2022 (9,3 milliards). ❙ De 2010 à 2016, le portefeuille coté de l’APE a baissé de 29 % contre 28 % de hausse pour le CAC 40 ; ❙ La dette des entreprises du périmètre de l’APE augmente de 40 % de 2010 à 2015 et atteint 150 % des fonds propres des entreprises (136 milliards d’euros) ; ❙ En moyenne depuis 2012, l’État accorde environ 10 milliards d’euros chaque année en dotations aux entreprises à participations publiques du périmètre de l’APE. ÉTUDE RÉALISÉE PAR PAUL SCHREIBER ET L'ÉQUIPE DE LA FONDATION IFRAP ▪▪▪ Société Civile n° 179 ❚ Mai 2017
PRIVATISATIONS ❚ État actionnaire L’ÉTAT ACTIONNAIRE 10 L’État actionnaire : « Léviathan1 » actionnarial à trois têtes L e terme d’État actionnaire désigne variété d’organes aux missions différentes : généralement l’intervention en fonds Agence des participations de l’État (APE) : propres, à titre majoritaire ou mino- service à compétence nationale fondé en ritaire, de l’État dans des sociétés commer- 20044, elle est en théorie l’asset manager ciales. En France, l’État actionnaire se décline du portefeuille de participations françaises, en trois volets : appuyé sur des outils budgétaires spécifiques ➊ Le volet « souveraineté » ou « intérêts essen- (compte d’affectation spéciale). Si l’APE tiels2 » : concerne uniquement des secteurs liés incarne initialement le volet souveraineté à la souveraineté (militaire et nucléaire) du et patrimoine, elle possède en pratique une pays ou la fourniture des besoins fondamen- forte composante interventionniste. taux nécessaires à son bon fonctionnement Caisse des dépôts et consignations (CDC) : (infrastructures, nouveaux réseaux et services établissement public sui generis fondé en ou opérateurs historiques de services publics). 1816 et placé sous le contrôle du Parlement5 ❚❚1 Thomas On peut citer par exemple DCNS (Direction (Commission de surveillance), la CDC pos- Hobbes, Lévia- than, 1651. des constructions navales, systèmes et services), sède une mission principalement interven- ❚❚2 Paul Schrei- fabriquant des sous-marins nucléaires français ; tionniste. Présente dans le domaine financier, ber, « État action- naire : utiliser les ➋ Le volet « interventionniste » ou « diri- elle intervient comme actionnaire d’appoint goldens shares », à l’APE et détient un grand nombre de parti- février 2017, giste » : héritage direct des grandes vagues Fondation iFRAP. de nationalisations ou sauvetages étatiques, cipations minoritaires. Elle allie actionnariat ❚❚3 BPIfrance, il vise à préserver l’emploi et à conduire des de long terme et logique d’entrepreneuriat Doctrine d’inter- vention de BPI- politiques spécifiques (énergie, industrie, télé- (CDC International Capital…) ; france, 14 avril communications…). L’État qualifie souvent BPIfrance : créée en 2012 sous la forme 2014. de manière trompeuse ces interventions à d’une société anonyme détenue à parts ❚❚4 Décret n° 2004-963 but économique ou social de « stratégiques » égales par l’APE et la CDC6, la BPI prend du 9 septembre comme avec Orange, Peugeot ou Renault ; en charge le volet « entrepreneuriat » et réa- 2004 portant création du ser- ➌ Le volet « entrepreneuriat » : vise le déve- lise de nombreux investissements minori- vice à compé- tence nationale loppement d’entreprises sélectionnées en taires. Elle possède deux pôles d’activité : le Agence des financement (garantie, prêt, cofinancement participations accord avec les objectifs principaux de la de l’État. politique économique. L’aide accordée est et innovation) et l’investissement (sur fonds ❚❚5 Ordonnance censée répondre à des exigences conjonctu- propres ou quasi propres). Auparavant, le du 3 juillet 1816 relative aux attri- relles3, elle n’a pas vocation à être éternelle ; fonds stratégique d’investissement (FSI), butions de la les FSI Régions et la « Caisse des dépôts et Caisse des dé- Si les volets souveraineté et intervention- pôts et consi- niste sont l’essence même des grandes natio- consignations entreprises » s’occupaient du gnations crée pôle investissement et Oséo du financement ; par la loi du nalisations du XXe siècle, le volet entrepre- 28 avril 1816. neuriat n’a été clairement explicité qu’avec Actionnaires spécialisés : ils sont très divers ❚❚6 Ordonnance l’apparition de BPIfrance fin 2012. Légiti- et chargés de politiques publiques spéci- n° 2012-15559 du 31 décembre mé par la crise économique des années 2000 fiques. On peut citer le Bureau de recherche 2012 relative à il reprend le mythe colbertiste d’un État- géologique et minier (BRGM), le Centre la création de la BPI. stratège. Les trois volets sont confiés à une national d’études spatiales (Cnes)… Société Civile n° 179 ❚ Mai 2017
PRIVATISATIONS ❚ État actionnaire L’actionnariat public massif : piètre gestionnaire, grand dépensier 11 Fin 2015, le portefeuille des participations de ❙ Audiovisuel (1 %) : ces participations sont l’État représente 1 750 entreprises détenues détenues par l’APE et sont caractérisées par directement dont 1 720 par le trio APE/CDC/ leur stabilité (Ina, Radio France, Rfi…). Bpifrance7 (on compte également 1 600 par- Comparée aux autres pays de l’OCDE, la pré- ticipations indirectes). La valeur nette comp- sence française dans les industries manufactu- table de l’ensemble des participations est de rières est particulièrement importante (31 % 98,9 milliards d’euros dont 80,2 pour l’APE8. des effectifs du portefeuille des participations 60 % des participations directes sont minori- publiques12). taires, elles représentent un tiers de la valeur L’effectif du portefeuille de l’État est caractéri- totale. Les 62 participations cotées en bourse sé par une grande stabilité au cours des dix der- étaient valorisées à 77,4 milliards fin 2015. nières années et les désengagements de l’État Malgré son ampleur, le portefeuille est mal ont servi à financer des augmentations de capi- connu. Les méthodes d’évaluation varient tal ou la prise de nouvelles participations plu- selon les institutions et, à l’exception de ceux tôt que de participer au désendettement ini- réunis dans le périmètre de la CDC, de nom- tialement prévu13. En 2015, les cessions de breux fonds locaux ou régionaux ne rentrent GDF-Suez, Safran et Aéroport de Toulouse- pas dans le calcul des participations de l’État Blagnac ont rapporté à l’APE 2,8 milliards et ne sont, à ce jour, pas recensés. d’euros ; mais l’agence a renforcé sa partici- En dépit d’une réduction significative depuis pation dans Areva (334 millions), Renault les années 80, la France reste le 1er pays de (1 212 millions) et KLM (42 millions). La per- l’OCDE en termes d’emploi par des entre- tinence de cette gestion patrimoniale, qui pri- prises publiques. Ainsi, en 2012, les entreprises vilégie la satisfaction de demandes étatiques publiques employaient près de 800 000 per- au détriment de la valorisation optimale des sonnes en France soit 3,3 % des emplois sala- participations cédées, peut être mise en doute. ❚❚7 Cour des riés contre 2,5 % en moyenne pour l’OCDE9. Vendre vite et mal pour secourir des entre- comptes, « L’État actionnaire », Le nombre grimpe à 2,4 millions, soit 10 % de prises peu prometteuses se révèle rarement janvier 2017. l’emploi salarié total, lorsque l’on inclut toutes être un bon investissement (le cas Peugeot de ❚❚8 Ibid. les entreprises à participation publique10. 2013 faisant figure de contre-exemple). ❚❚9 OECD, The Les participations publiques couvrent un large Le portefeuille de l’APE Size and Sectoral éventail de secteur que l’on peut ranger par Distribution of Plus important portefeuille public, le por- SOEs in OECD parts décroissantes de la valeur nette comp- and Partner tefeuille de l’APE est marqué par une nette table du portefeuille en 201511 : Countries, 2014. détérioration au cours des dernières années. En ❚❚10 Cour des ❙ Énergie (44 %) : EDF, Engie, Areva ; 2015, pour la première fois depuis la création comptes, « L’État ❙ Services et Finance (29 %) : La Poste, CNP de l’APE, le résultat d’exploitation et le résul- actionnaire », janvier 2017. Assurances, la Française des Jeux ; tat net combiné sont négatifs. Le résultat net, qui dépassait les 20 milliards en 2008, tombe ❚❚11 Ibid. ❙ Industrie et Télécoms (15 %) : Orange, à – 10,1 milliards en 201514. ❚❚12 Ibid. Renault, PSA, Eutelsat ; La valeur globale du portefeuille de l’APE ❚❚13 Sénat, Notes ❙ Défense et aéronautique (7 %) : Airbus, dépend fortement de celles de quelques par- de présentation - Projet de loi de fi- Safran, Thales, Nexter et DCNS ; ticipations. Les mauvais résultats de 2015 nances pour 2017 CAS PFE, ❙ Transports (4 %) : SNCF, RATP, Air France s’expliquent largement par les dépréciations 8 novembre KLM, ADP, les Grands Ports Maritimes ; d’actifs SNCF (Réseau et Mobilités pour 2016. Société Civile n° 179 ❚ Mai 2017
PRIVATISATIONS ❚ État actionnaire 11,8 milliards) et EDF (pour 3,5 milliards)15. ❙ CDC : 1,9 % sur 2012-2015 ; Ces dépréciations sanctionnent des faiblesses ❙ BPIfrance investissement : 3,7 % en 201520. structurelles mais ne suffisent pas à justifier 12 la mauvaise performance financière de l’APE. La politique actionnariale de l’État La rentabilité économique et financière des De 2010 à 2015, l’État engrange 25,9 mil- entreprises du périmètre de l’APE subit une liards d’euros de dividendes dont 2,6 en forte dégradation : du 31 décembre 2010 au actions au travers des participations tenant 31 décembre 2016, le portefeuille passe de du périmètre de l’APE. De son côté, la CDC 87,6 à 59,8 milliards, soit une baisse de 29 % a versé 2,98 milliards d’euros de dividendes. contre une hausse de 28 % pour le CAC 4016. Le secteur de l’énergie contribue à hauteur Les participations cotées sont fortement han- de 64 % et EDF à plus de 50 %. La poli- dicapées par les baisses du secteur de l’éner- tique actionnariale de l’État est caractérisée gie (- 70 % pour EDF entre 2005 et 2016 et par des taux de distribution et de rendement - 90 % pour Areva entre 2006 et 2016). élevés. Alors que le chiffre d’affaires global Plus préoccupant encore, l’accroissement conti- combiné du portefeuille de l’État actionnaire nu de la dette des entreprises du périmètre de a baissé de 40 % entre 2003 et 2015, le mon- l’APE, qui augmente de 64 % de 2007 à 2015 et tant des dividendes perçus a lui été multi- atteint alors 150 % des fonds propres des entre- plié par quatre21. La préférence française prises (136,6 milliards)17. Cet endettement est pour la rémunération sous forme de divi- le résultat de deux phénomènes : les investis- dendes s’explique en partie par le fait que seurs qui souscrivent savent pouvoir bénéficier ceux-ci permettent de limiter l’endettement ❚❚14 Cour des d’une garantie plus ou moins tacite de l’État au sens du traité de Maastricht car les divi- comptes, « L’État actionnaire, qui sait que cette dette n’est pas actionnaire », dendes perçus sont comptabilisés au budget janvier 2017. consolidée dans la dette maastrichtienne. général comme encaissement, ce qui n’est ❚❚15 Ibid. pas le cas de ventes de parts comptabilisées ❚❚16 Ibid. Le portefeuille de la CDC et de la BPI au CAS PFE. Elle peut aussi se comprendre Les participations de la CDC et de BPIfrance comme le résultat de la concentration des ❚❚17 Ibid. sont en meilleure santé. Après une période actifs étatiques dans des secteurs tradition- ❚❚18 Cour des comptes, « Rap- 2011-2012 difficile marquée par la crise de nellement à haut rendement comme celui port public thé- Dexia, qui aurait coûté 6,4 milliards à l’État de l’énergie (EDF et Engie contribuaient matique : Dexia : un sinistre coû- et à la Caisse de 2008 à 201218, les résultats pour 71 % au total des dividendes perçus teux, des risques s’améliorent depuis 2013. Les performances en 201522). Cependant, la conséquence de ce persistants », La Documentation du portefeuille de la BPI sont globalement tropisme n’en est pas moins préjudiciable : française, positives mais marquées par de fortes dispa- réduction des fonds propres et donc dimi- juillet 2013. rités19 et une faible lisibilité due au fonction- nution de la capacité d’investissement ou ❚❚19 Cour des nement de l’organisme et à l’éclatement de recours à l’endettement. L’exemple le plus comptes, « L’État actionnaire », ses participations. significatif reste celui d’EDF dont la situa- janvier 2017. Dans leur ensemble, les participations de tion financière profondément dégradée dès ❚❚20 Ibid. l’État sont marquées par une rentabilité 2010 n’entraîne pourtant pas de réduction ❚❚21 Commission inférieure à celle des entreprises cotées. Ce des dividendes versés à l’État qui sont alors des Finances du Sénat, « Rapport constat est vérifié par l’étude des retours sur financés par l’endettement. Il faut attendre d’information sur fonds propres moyens des trois grands action- 2015, et une progression de 43 % de la dette la politique de di- videndes de l’État naires publics qui montre des taux inférieurs du groupe en quatre ans23, pour que l’État actionnaire », à ceux des SBF 120 (en moyenne 10 % de réagisse en acceptant de percevoir son divi- janvier 2017. 2010 à 2015) : dende en actions jusqu’en 2017. ❚❚22 Ibid. ❙ APE : 2,8 % sur 2010-2015 (et -10% en L’État n’a pas toujours été aussi réticent ❚❚23 Ibid. 2015) ; à adapter sa politique de dividendes au Société Civile n° 179 ❚ Mai 2017
PRIVATISATIONS ❚ État actionnaire contexte économique. Il a consenti à réduire 7,5 milliards27 au minimum en 2017 dont ses dividendes chez Orange, diminution de 7 milliards pour les seuls Areva et EDF28. plus de 50 % entre 2012 et 2015, et à ne pas Les dividendes et les produits de ces- 13 percevoir de dividendes d’Areva dès 2010, de sions actuelles sont inférieurs aux dota- Thales depuis 2012 ou de Peugeot en 2015. tions d’en moyenne 3,8 milliards par an Néanmoins, les concessions étatiques se font de 2010 à 2015 (versements de la CDC presque toujours avec un temps de retard24. et dividendes en actions inclus). Une note Dans le contexte actuel, il est pourtant du Sénat de novembre 2016 estime qu’au urgent que l’État apprenne à se passer des moins 4 milliards sont nécessaires pour dividendes. Depuis 2012, les dividendes per- équilibrer le CAS PFE en 2017 en épui- çus par l’État n’ont cessé de chuter. Un mou- ❚❚24 Margaux sant tous les soldes cumulés du compte29 Barbier, « L’État vement qui devrait se poursuivre durant les actionnaire plus (voir tableau 1). Seules des cessions impor- gourmand qu’un prochaines années selon la Cour des comptes tantes permettraient de combler le défi- actionnaire pri- qui estime le montant des dividendes perçus vé », mai 2016, cit du compte sans faire appel au budget Fondation iFRAP. à seulement 1,9 milliard pour 201625. général. Même en prenant en compte les ❚❚25 Cour des 1,9 milliard d'euros obtenus par l’État en comptes, « L’État Des besoins en dotations aux entre- actionnaire », prises publiques toujours croissants cédant les participations de l’APE dans PSA janvier 2017. En parallèle, l’État accorde environ 10 mil- à BPIfrance30, véritable tour de passe-passe ❚❚26 Ibid. liards chaque année en dotations aux entre- comptable, 2,1 milliards restent à finan- ❚❚27 Sénat, Notes de présen- prises à participations publiques du péri- cer. La préservation du solde cumulé de tation - Projet de mètre de l’APE26 : 3,8 pour l’audiovisuel 2015 (2,4 milliards) pour un exercice 2017 loi de finances pour 2017 CAS et 6 pour la SNCF, et doit faire face à des neutre nécessiterait au minimum 4,5 mil- PFE, 8 novembre 2016. besoins de financement sans précédent de liards de cessions. ❚❚28 Cour des comptes, « L’État Tableau 1 : Estimation du résultat du CAS PFE en 2017 en l’absence d’adoption actionnaire », janvier 2017. de cessions supplémentaires (en milliards d’euros) ❚❚29 Sénat, Notes de présen- tation - Projet de Solde cumulé du CAS PFE fin 2015 (A) 2,4 loi de finances pour 2017 CAS PFE, 8 novembre Résultat du CAS PFE 2017 sans cession PSA (B) 1,1 2016. Recettes et fonds disponibles au CAS PFE ❚❚30 Philippe Cession PSA (C) 1,9 Jacqué, « L’APE revend à Bpi- Total des fonds disponibles au CAS PFE en 2017 (A + B + C) 5,4 france sa partici- pation dans Dépenses au CAS PFE (D) 7,5 PSA », 28 mars 2017, Le Monde. Résultat du CAS PFE 2017 (A + B + C - D) - 2,1 ❚❚31 Cour des Source : iFRAP d’après données de la Cour des comptes et du Sénat. comptes, « L’État actionnaire », janvier 2017. En suivant les prévisions de la Cour des compte tous les besoins annexes de finan- ❚❚32 Sénat, Notes de présen- comptes31 et du rapport du Sénat32, l’action- cement ou les augmentations de dotations tation - Projet de nariat public de l’APE nécessitera a minima publiques, alors même que la SNCF et Dexia loi de finances pour 2017 CAS un financement de 10,2 milliards en 2017… (garantie à 28 milliards) représentent tou- PFE, 8 novembre (Voir tableau 2), et ce, sans prendre en jours des dangers majeurs. 2016. Société Civile n° 179 ❚ Mai 2017
PRIVATISATIONS ❚ État actionnaire Tableau 2 : Estimation des dépenses et recettes liées à l’actionnariat public de l’APE en 2017 (en milliards d’euros) 14 Dotations en crédits budgétaires 10 (d’après la moyenne 2010-2015) Dépenses Besoin en financement en 2017 7,5 (estimation) Total dépenses 2017 17,5 Dividendes perçus en numéraire en 2017 1,9 (estimation) ❚❚33 Insee, Recettes Compte des ad- Recettes totales au CAS PFE en 2017 3 ministrations pu- (estimation et cession de PSA) bliques en 2015, mai 2016. Total recettes 2017 4,9 ❚❚34 Cour des Fonds disponibles au CAS PFE avant 2017 2,4 comptes, « L’État actionnaire », Total non financé 2017 10,2 janvier 2017. ❚❚35 Insee, Compte des ad- Même dans les années les plus fastes en déjà déficitaire (- 77,4 milliards, soit - 3,5 % ministrations pu- termes de dividendes, le bilan de l’État action- du PIB en 201533) et l’endettement croissant bliques en 2015, mai 2016. naire est très déséquilibré pour les finances des entreprises publiques (136,6 milliards en ❚❚36 David Azé- publiques. L’État actionnaire coûte bien 2015, soit 150 % des fonds propres34) fait ma, « L’impos- plus cher qu’il ne rapporte et ce coût est en craindre une crise qui pourrait déboucher sur sible État action- naire ? », jan- nette augmentation. Les besoins de recapi- des reclassements en dette publique (celle-ci vier 2017, Institut talisation de grandes entreprises publiques se monte à 2 096,9 milliards soit 95,7 % du Montaigne. pèsent lourdement sur un budget étatique PIB en 201535). ❚❚37 Bertille Bayart, « Pierre- René Lemas : je remets de l’ordre dans la maison POUR UN ACTIONNARIAT PUBLIC LIMITÉ Caisse des dé- pôts », 28 février L’État actionnaire est un danger pour l’éco- tique36 écrit par l’ancien directeur de l’APE, 2017, Le Figaro nomie, mais aussi, et surtout, pour l’État David Azéma, ou l’intervention de l’actuel Économie. lui-même. La situation de péril actuelle est président de la CDC, Pierre-René Lemas, ❚❚38 Paul Schrei- mise en lumière dans un rapport très cri- qui déclare encore « remettre de l’ordre37 ». ber, « Nationalisa- tions : dange- reuses chimères de la campagne de 2017 », avril La réduction de l’actionnariat public, une question de survie pour 2017, Fondation iFRAP. les entreprises ❚❚39 André De- Au cours de la seconde moitié du XXe siècle, L’« État tutélaire39 » s’effondre alors dans les lion, « De l’État tuteur à l’État ac- l’État, peu familier du fonctionnement des années 90 sous l’effet des libéralisations et tionnaire », Revue entreprises, leur impose néanmoins une à la suite d’une série de crises et scandales française d’admi- nistration pu- tutelle basée sur les mécanismes du droit qui frappent les entreprises publiques : le blique, 2007/4 public et la logique de budget. Le droit Crédit Lyonnais, France Télécom, Renault, les n° 124, p. 537- 572. européen de la concurrence 38, au cœur Charbonnages de France, la SNCF. Si ce fonc- ❚❚40 Loi orga- de la construction européenne, est la pre- tionnement est largement réformé suite à nique aux lois mière fissure de ce modèle de tutelle : il l’adoption de la LOLF40, l’« État actionnaire » de finances ou LOLF, 1er août entraîne progressivement la fin des mono- qui apparaît ne se débarrasse pas de toutes les 2001. poles publics. tares de son prédécesseur. Ainsi, l’État fran- Société Civile n° 179 ❚ Mai 2017
PRIVATISATIONS ❚ État actionnaire çais lance une politique de fond souverain politiques qui y voient un moyen de laisser visant à compenser l’insuffisante présence leur marque. de fonds de pension et la faible contribu- tion d’une épargne française très orientée Ces interférences entraînent un certain 15 vers l’assurance. La création de l’APE puis de nombre de déficits de gestion publique qui BPIfrance, la séparation entre le rôle action- causent la sous-performance des entreprises narial et les autres rôles de l’État n’a jamais du portefeuille : vraiment été effective. De plus, des mono- ❙ Déresponsabilisation et absence de risque poles publics « de fait » à la santé économique « personnel » : les représentants de l’État et financière inquiétante persistent (SNCF, n’assument pas le risque financier des déci- La Poste et EDF) et la « garantie implicite » sions prises dans les entreprises gérées, ils ne de l’État liée au statut d’Epic constitue un sont pas directement touchés par les pertes risque préoccupant41. On peut souligner ou errances de gestion. De plus, l’incitation quelques-unes des raisons qui expliquent la à la bonne gestion qu’est normalement la forte interférence politique dans la gestion variation du cours boursier a un impact très des entreprises : limité pour des gestionnaires publics qui ❚❚41 Paul Schrei- n’ont pas pour mission de réaliser une plus- ber, « Nationalisa- ➊ « Mille-feuille » des intérêts politiques : les value. La responsabilité des gestionnaires tions : dange- reuses chimères maires et élus locaux peuvent s’opposer à la est aussi réduite du fait de la garantie impli- de la campagne fermeture d’un bureau de poste cher à leurs cite de l’État qui réduit considérablement de 2017 », avril 2017, Fondation électeurs, bloquer la réduction du nombre de le risque de faillite. Ce sont en fait tous les iFRAP. trains qui desservent la gare locale, s’engager outils de supervision indirecte44, venant de ❚❚42 R. Kent contre la fermeture de l’usine proche… Les l’actionnariat classique et du marché, qui sont Weaver, « The intérêts locaux additionnés possèdent une neutralisés par la présence étatique ; Politics of Blame Avoidance » oc- influence réelle comme en témoigne la stra- tobre 1986, Jour- tégie d’extension des lignes à grande vitesse ❙ Limitation ou orientation du financement : nal of Public Poli- cy, Vol. 6 n° 4, poursuivie par la SNCF ; l’État a souvent préféré que ses entreprises se p. 371-398. financent par l’endettement plutôt que par ❚❚43 Paul Schrei- ➋ « Blame avoidance42 » et peur électorale : des ouvertures de capital ou sur les fonds ber, « L’opportu- nité STX France : le gouvernement redoute les conséquences propres. L’État refuse parfois l’ouverture du bâtir un géant eu- politiques des privatisations et faillites, cette capital car celle-ci constituerait une dilution ropéen de la construction na- crainte est surtout forte en période électorale de sa participation ou, pour éviter celle-ci, vale », et pour les entreprises symboliques43 ; nécessiterait un nouvel investissement dans mars 2017, Fon- dation iFRAP. l’entreprise. Ce blocage a clairement été mis ➌ Objectifs alternatifs : l’État introduit sou- en évidence dans la crise du Crédit Lyon- ❚❚44 Jean Tirole, The Theory of vent des objectifs alternatifs non compatibles nais et de France Télécom45 dans les années Corporate Fi- avec une bonne santé économique des entre- 80-90 ; nance, 2005. prises (par exemple le plafonnement des ❚❚45 André De- lion, « De l’État tarifs de l’électricité ou l'aménagement du ❙ Instabilité et « déconnexion » stratégique : tuteur à l’État ac- territoire). avec les changements politiques, la gou- tionnaire », Revue française d’admi- vernance et les stratégies des entreprises nistration pu- ➍ « Prestige » et image nationale : les entre- publiques sont moins stables que celles blique, 2007/4 n° 124, p. 537- prises contribuent au prestige national et des entreprises privées46. Les entreprises 572. peuvent avoir un impact sur les relations peuvent être poussées à poursuivre des ❚❚46 Boycko et avec les autres pays (spécialement pour le stratégies déconnectées de la réalité de al, « A Theory of Privatization », The secteur de la défense). Sauver un « fleuron » leurs situations économique et financière Economic Journal, est une motivation forte pour les hommes pour préserver les emplois, maintenir une 1996, vol. 106. Société Civile n° 179 ❚ Mai 2017
PRIVATISATIONS ❚ État actionnaire image forte... Ainsi, la SNCF a poursuivi une Ils accordent alors une « bénédiction » stratégie d’expansion du réseau de lignes à tacite aux dirigeants qui peuvent prendre grande vitesse particulièrement coûteuses et des risques sans avoir besoin de l’accord des 16 non pertinentes qui accentuent aujourd’hui actionnaires. De tels comportements ont été ses difficultés47. Et Areva a investi massive- vus dans le cas du Crédit Lyonnais, endette- ❚❚47 Cour des ment dans des mines sans intérêt, suppo- ment sur les marchés et montages financiers comptes, « La grande vitesse : sées contribuer à protéger l’indépendance pour conduire une stratégie hasardeuse de un modèle porté nucléaire française48 ; développement50, et d’Areva, dont la prési- au-delà de sa pertinence », dente a multiplié les engagements à risque octobre 2014. ❙ Recrutements et dirigeants « connectés » : (Uramin, EPR en Finlande) ; ❚❚48 Martine les dirigeants et cadres supérieurs des entre- Orange, « Areva et le scandale prises publiques proviennent généralement ❙ Multiplicité des groupes de pression : la Uramin : poker des mêmes écoles et de la fonction publique. gestion publique complexifie l’arbitrage entre menteur à Toron- to », 16 janvier Certains travaux révèlent une corrélation groupes de pression en ajoutant un groupe 2012, Mediapart. entre ce recrutement orienté et la perfor- public aux intérêts bien spécifiques et peut ❚❚49 Francis Kra- mance des entreprises49. L’augmentation du amener un renforcement disproportionné marz et David nombre de cadres dirigeants recrutés dans de l’influence syndicale. Dans ce contexte, Thesmar, « Social Networks in the la même sphère, impacte négativement les le rôle des dirigeants a souvent été plus de boardroom », résultats de l’entreprise. Un exemple mar- maintenir la paix entre groupes que d’assurer 2011. quant est celui de la présidence de la SNCF le développement de l’entreprise. Le Renault ❚❚50 Gérard Charreaux, L’en- dont les présidents ont tous exercé des fonc- en crise de 84-85 (23,4 milliards de francs de treprise publique tions dans la haute administration ou dans pertes51) était fortement handicapé par une est-elle nécessai- rement moins effi- d’autres grandes entreprises publiques (sauf gestion privilégiant le maintien de l’emploi cace, 1997. de 1955 à 1958) ; et les salaires sous l’influence des syndicats ❚❚51 André De- soutenus par l’État. Pendant longtemps, le lion, « De l’État ❙ Défaillance de contrôle : la confiance dans groupe EDF a continué à recruter malgré tuteur à l’État ac- tionnaire », Revue les dirigeants ou la poursuite d’ambitions une santé en déclin (20 000 recrutements de française d’admi- spécifiques peut conduire les pouvoirs 2011 à 2014) pour aujourd’hui être contraint nistration pu- blique, 2007/4 publics à déléguer totalement la gestion. de supprimer 5 000 emplois52 (d’ici fin 2019). n° 124, p. 537- 572. ❚❚52 Jean-Michel Bezat, « EDF va Pas de justifications sociales à l’actionnariat public supprimer 6 % de postes en France d’ici à la fin de L’APE proclame être au service de « l’intérêt capacité technique et parfois d’intérêt, le 2019 », 1er février général parce que le patrimoine géré est celui contrôle exercé par les élus est lui extrême- 2017, Le Monde. des Français53 » alors même que le citoyen n’a ment faible et diffus. Chose particulièrement ❚❚53 APE, Rap- que très peu de visibilité sur l’argent dépensé évidente lorsque l’on étudie les dividendes et port d’activité 2015-2016, 2016. par l’État actionnaire. La Cour des comptes la garantie implicite55, l’actionnariat sert sou- ❚❚54 Cour des l’a maintes fois souligné, la comptabilisation vent à dissimuler la dette publique en laissant comptes, « L’État des investissements de l’État manque de clar- des grands groupes s’endetter afin de réali- actionnaire », janvier 2017. té et il reste impossible d’avoir une percep- ser des investissements publics « déguisés ». ❚❚55 Paul Schrei- tion exhaustive des participations étatiques54. L’État a aussi recours à des jeux d’écriture ber, « Nationalisa- L’opacité du système est encore accrue par comptable qui masquent les dépenses liées à tions : dange- reuses chimères un « mille-feuille actionnarial » dans lequel ses participations : sur 680 millions de divi- de la campagne l’intervention de l’APE, de la CDC, de la dendes reversés à l’Epic BPIfrance (détenu de 2017 », avril 2017, Fondation BPI, des investisseurs spécifiques et des fonds par l’APE) par BPIfrance en 2014, 614 sont iFRAP. locaux se superposent. Faute de moyens, de transférés dans les fonds de garantie gérés Société Civile n° 179 ❚ Mai 2017
PRIVATISATIONS ❚ État actionnaire par celle-ci. Ces fonds bénéficient aussi du Or, le taux de féminisation atteint 30 % recyclage des dotations passées pour former pour les conseils d’administrations des entre- un système qui « s’apparente à de la débud- prises de l’APE60 contre 40,1 % et 38,4 % gétisation56 » pour citer la Cour de comptes. pour ceux du CAC40 et du SBF120 au 17 30 janvier 201761. Pour les entreprises dans En dépit de sa forte opacité, l’intervention lesquelles l’État détient des participations de l’État auprès des entreprises a souvent été majoritaires, la rémunération est plafon- justifiée par ses apports sociaux. Elle est pré- née à 450 000 euros par an. Certes, l’APE sentée comme une opération de protection de s’est opposée à des rémunérations jugées l’industrie française et de « sauvetage » d’em- excessives mais l’impact de ces mesures est plois, souvent à des coûts très importants, sou- modéré : vent au moyen de montages permettant de ❚❚56 Cour des contourner les obligations communautaires. ❙ le plafonnement ne concerne qu’un nombre comptes, BPI- france, une mise Le plan proposé en 2016 pour sauver Als- limité d’entreprises (ADP, CNP Assurances, en place réussie, tom Belfort est un modèle du genre. Pour une Areva et EDF en 2016) et peut avoir un effet un développe- ment à stabiliser, usine employant 480 personnes, l’État et la désincitatif sur les grands dirigeants ; des perspectives SNCF vont débourser 770 millions d’euros ❙ les rejets de rémunérations (Renault, PSA, financières à consolider, dont 400 pour la fabrication de TGV inutiles Safran en 2016 et Thales en 2014-2015) novembre 2016. dont les coûts de production et d’exploitation n’ont entraîné qu’un seul refus final en ❚❚57 Denis Cos- sont largement supérieurs à ceux de trains conseil d’administration (PSA). nard, « L’année où trois groupes normaux. Reposant sur un contrat cadre Par ailleurs, la progression des salaires des du CAC 40 ont SNCF-Alstom de 2007, qui permet de se pas- équipes dirigeantes de Bpifrance est parti- été vendus à des étrangers », ser d’appel d’offres mais pourrait être remis culièrement marquante. De 2012 à 2015, 25 décembre en cause par les institutions européennes, le les rémunérations des membres du comité 2015, Le Monde. plan coute 1,9 million d’euros par emploi exécutif et du comité de management géné- ❚❚58 Paul Schrei- « sauvé », soit 107 ans de Smic en 2017. ral présents en 2012 ont progressé de 40 % ber, « L’opportu- nité STX France : pour atteindre 274 300 euros en moyenne62. bâtir un géant eu- La désindustrialisation est un mouvement ropéen de la construction na- français et européen que l’actionnariat public Contrairement à l’État, un actionnaire vale », mars ou l’aide d’État n’a jamais réussi à enrailler. classique privilégie une rémunération au 2017, Fondation iFRAP. L’État est souvent intervenu pour protéger résultat. Le renforcement des prérogatives ❚❚59 APE, rapport des entreprises industrielles qualifiées de actionnariales en la matière est sain pour d’activité 2015- « fleurons » mais réellement en difficulté57 : l’économie et contribue naturellement à 2016, 2016. Péchiney (2003), Arcelor (2006), Alstom adapter les rémunérations aux résultats ❚❚60 Ibid. Énergie (2015), STX France58 (2017)… alors que la doctrine établit par l’actionna- ❚❚61 Elisa Bellan- Dans la plupart des cas il n’a fait que retar- riat public bloque la libre concurrence sur ger et Al, « Info- graphie : la fémi- der l’inévitable. le marché des dirigeants. L’État serait mieux nisation des servi dans le domaine par une présence ren- conseils d’admi- nistration », fé- Le rapport d’activité 2015-2016 de l’APE forcée des actionnaires privés dans la gou- vrier 2017, Le met en avant un actionnaire « responsable vernance des entreprises. Monde. et exemplaire59 », il développe particulière- Par ailleurs, l’APE affirme sa volonté de lut- ❚❚62 Cour des comptes, « BPI- ment quatre thèmes déontologiques et socio- ter contre l’évasion fiscale, mais cette lutte france, une mise éthiques qui doivent justifier et guider son n’est aucunement améliorée par la présence en place réussie, un développe- action : la mixité des conseils d’administra- de l’État au capital des entreprises. Elle est ment à stabiliser, tion, la rémunération des dirigeants, l’évasion régie par une législation commune à toutes des perspectives financières fiscale et la responsabilité sociale et environ- les entreprises conduisant une activité en à consolider », nementale (RSE). France et est placée sous la responsabilité novembre 2016. Société Civile n° 179 ❚ Mai 2017
PRIVATISATIONS ❚ État actionnaire des services fiscaux. En un mot, l’action- de l’ancienne présidente Anne Lauvergeon. nariat public ne contribue en rien à lutter L’entreprise se serait par ailleurs désengagée contre l’évasion fiscale. de la mine d’uranium de Bakouma (en Cen- 18 trafrique) sans apporter l’aide promise aux L’APE se veut aussi promoteur de la res- populations locales ni réaliser les travaux ponsabilité sociale et environnementale. nécessaires pour les protéger des radiations64. Cependant, les mesures adoptées par les entreprises du portefeuille n’ont rien d’in- ❙ Le « dieselgate » de Renault : la direction novant en la matière. De plus, les entre- générale de la Concurrence, de la Consom- prises du portefeuille de l’APE n’ont pas mation et de la Répression des fraudes (DGC- toutes fait preuve d’exemplarité éthique CRF) ouvre en décembre 2016 une enquête comme le montrent deux exemples récents : ❙ Le rachat d’Uramin par Areva (1,8 mil- portant sur le trucage des moteurs diesel du liard d’euros), a donné lieu à l’ouverture de constructeur français depuis 25 ans65. Selon la deux informations judiciaires en 2014. Les direction, près de 900 000 véhicules seraient conditions particulièrement floues de l’opéra- concernés66. Le constructeur a nié toute uti- tion impliquant le versement de commissions lisation de procédés frauduleux et l’enquête occultes63, ont entraîné la mise en examen suit actuellement son cours. Une nouvelle organisation pour l’APE Acteur essentiel de la politique actionnariale de l’État, l’APE ne bénéficie pas d’une organisation optimale qu’il s’agisse du partage de compétences avec la BPI ou de son rôle au sein des conseils d’administration des entreprises de son portefeuille. Si l’État veut être un actionnaire efficace il faut qu’il revoie le fonctionnement de l’APE notamment en professionnalisant la mis- sion des administrateurs : actuellement il y a trop de turnover et les administrateurs ne sont pas suffisamment identifiés comme apportant une vision stratégique aux entreprises. Il faut aussi qu’il redéfinisse le périmètre d’intervention de l’APE vis-à-vis de la BPI : à l’APE une gestion stable des participations majoritaires ; à la BPI une fonction d’investisseur stratégique avec une ❚❚63 Slug News & hexagones.fr, plus forte rotation de participations minoritaires. « Areva et Ura- min : la bombe à retardement du nucléaire fran- çais », 2016, Arte. LE PLAN DE CESSIONS 2017-2022 ❚❚64 Ibid. ❚❚65 AFP, « Pollu- Le plan de cession proposé s’appuie sur le naires majeurs que sont l’APE, la Caisse des tion : Renault travail de synthèse de la Cour des comptes dépôts et consignation et BPIfrance. Les soupçonné de stratégies fraudu- qui rassemble les deux cents principales par- actionnaires spécifiques sont laissés de côté leuses depuis ticipations de l’État (sans tenir compte des par souci de précision et de concision car, plus de 25 ans », 15 mars 2017, titres de placement et des titres immobilisés). par nature chargée d’enjeux ciblés, ils néces- Libération. Contrairement au RECME (Répertoire des siteraient des développements particuliers. ❚❚66 Rédaction entreprises contrôlées majoritairement par De plus, en l'absence de recensement ou Le Monde, « Die- selgate : tout l'État) de l’Insee, il inclut les participations d'estimation précise, nous n'avons pu inclure comprendre au de la Caisse des dépôts et consignations ainsi dans ce plan les participations détenues par cas de Renault », 13 mars 2017, que des participations minoritaires. Le plan les collectivités territoriales et leurs fonds Le Monde. se focalise uniquement sur les trois action- d’investissement. Société Civile n° 179 ❚ Mai 2017
PRIVATISATIONS ❚ État actionnaire 3,8 milliards de cessions immédiates : le minimum pour financer les grandes recapitalisations de 2017 19 Nous l’avons évoqué, le besoin de finance- brefs délais, la première partie du plan de ment de l’actionnaire public en 2017 est cessions proposé par l’iFRAP est composée particulièrement conséquent : 7 milliards de de participations détenues par l’APE, cotées recapitalisation sont nécessaires pour les seuls en bourse et dont la vente n’impacte pas EDF et Areva. Dans ce contexte, l’État doit directement les grandes politiques étatiques. immédiatement commencer les cessions. La Ces cessions n’ont pas de conséquence stra- mission est loin d’être impossible : le 22 juin tégique et ne nécessitent pas la création de 2012, l’Italie lançait un plan de cessions de dispositifs compensatoires ou l’abaissement 14,5 milliards dont 6 milliards sous 30 jours. de seuils légaux. Elles permettent de dégager Afin de pouvoir être exécutée dans les plus environ 3,8 milliards d’euros. Part du capital Détention Valeur totale des Entreprise Secteur détenue par l’APE Parts cédées restante après cessions au au 22/03/14 cession 22 mars 2017 (M€) Défense Thales 25,97 % 5,97 % 20 % 1 122 aéronautique CNP Assurances Finance 1,11 % 1,11 % 0% 143 Industrie et Orange 13,45 % 3,45 % 10 % 1 354 télécommunications Industrie et Renault 19,74 % 4,74 % 15 % 1 114 télécommunications Air France KLM Transports 17,58 % 2,58 % 15 % 57 Total 3 790 Source : iFRAP d’après des données de l’APE67. On peut détailler les cessions récapitulées Thales sont protégés par un pacte d’actionnaires dans le tableau précédent : (avec Dassault, TSA et Alcatel-Lucent). Dans ➊ Orange : l’État possède aujourd’hui un ces conditions, la cession de 6 % du capital peu plus de 22 % des actions d’Orange qui n’a pas d’incidence et peut rapporter environ se répartissent entre l’APE (13,45 %) et BPI- 1,1 milliard à l’État ; france (9,6 %). La vente de 3,45 % du capital ➍ CNP : détenue très majoritairement par par l’APE ne réduirait aucunement la capacité la Caisse des dépôts et consignations, les 1 % d’influence de l’État qui ne peut par ailleurs restant aux mains de l’APE sont l’héritage de être justifiée par une raison stratégique ; montages historiques et peuvent facilement être ➋ Renault : l’État y détient une large part et vendus ; vendre 4,74 % du capital de Renault n’im- ➎ Air France : les perspectives de croissance à pacte pas la capacité d’action de l’État qui moyen terme sont ternes, la participation de ❚❚67 APE, Porte- conserve 15 % du capital tout en engrangeant l’État perd chroniquement de la valeur et peut feuille de partici- près de 1,1 milliard de cession ; être réduite dans un premier temps à 15 % du pations cotées de l’État le 22 mars ➌ Thales : les intérêts stratégiques de l’État dans capital. 2017. Société Civile n° 179 ❚ Mai 2017
PRIVATISATIONS ❚ État actionnaire 12 milliards de cessions en 2017-2018 : des cessions économiques et compétitives 20 Durant les deux premières années de man- dans lequel elles peuvent être conduites est dat, peuvent être réalisées des cessions qui permis par l’absence de seuils législatifs, la ont l’avantage de dégager des fonds tout en faible influence des participations sur les réduisant la présence perturbatrice de l’État politiques de l’État et l’intérêt stratégique dans l’économie. Le délai relativement court très limité de celles-ci. Actionnaire Participation Participation Valeur estimée de cession en Entreprise public détenue après cession millions d’euros** Thales (1) APE (holding TSA) 20 %* 15 % 940 Défense Mecadev BPIfrance 30 % 0% 31 CGG BPIfrance 7,04 % 0% 33 Eramet BPIfrance 25,66 % 0% 201 FT1 C1 - ST BPIfrance 11,36 % 0% 614 Énergies et matières Sequana BPIfrance 15,42 % 0% 41 premières Technip BPIfrance 5,28 % 0% 281 Vallourec BPIfrance 5,42 % 0% 62 Eutelsat BPIfrance 26,45 % 0% 1 699 Eiffage BPIfrance 13,83 % 0% 785 Cégédim BPIfrance 15 % 0% 67 Cellectis BPIfrance 8,22 % 0% 80 Constellium BPIfrance 12,22 % 0% 91 Groupe Gorgé BPIfrance 8,23 % 0% 27 PSA BPIfrance 12,7 % 10 % 456 Renault APE 15 %* 10 % 1 176 Industrie Source : iFRAP d’après des données de l’APE, de Bpifrance et de la CDC Mersen BPIfrance 10,85 % 0% 38 et télécoms Orange(2) BPIfrance et APE 19,60 %* 10 % 3 769 Sequans BPIfrance 10,03 % 0% 11 Soitec BPIfrance 9,54 % 0% 14 TXCELL BPIfrance 11,27 % 0% 10 Valneva BPIfrance 9,98 % 0% 10 Vergnet BPIfrance 47,73 % 0% 20 CNP Assurances (3) CDC 40,93 % 33,93 % 901 Compagnie des Alpes (4) CDC 39,65 % 33,65 % 23 Services Veolia CDC 6,75 % 0% 831 et finance Air France KLM (5) APE 15 %* 10 % 111 Transports Transdev Group CDC 50 % 10 % 320 Total 12 642 * % après conduite du plan de cessions immédiates. ** valeur de cession estimée selon les cas par la valeur boursière au 22 mars 2017 ou si indisponible la valeur comptable nette. Conditions spécifiques aux cessions : (1) Maintien du pacte d’actionnaire, de la convention de protection et de la golden share ; (2) Maintien participation APE (10 %) et possible pacte d’actionnaires ou golden share ; (3) Minorité de blocage ; (4) Minorité de blocage ; (5) Pacte d’actionnaires possible. Société Civile n° 179 ❚ Mai 2017
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