Tectonique des plaques, séismes et GPS
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
GPS Tectonique des plaques, séismes et GPS riches en vapeur d’eau : l’indice Comment l’installation de stations GPS permanentes n de réfraction atmosphérique change avec son contenu hygro- fournissant des données de haute précision permet de métrique, donc le front d’onde subit un léger décalage en position mesurer le déplacement et la déformation des « plaques » et en phase. Comme il n’est guère qui forment la croûte terrestre, de définir avec précision possible, à l’heure actuelle, d’es- timer avec précision le profil de leur étendue, d’analyser a posteriori les séismes voire la concentration en vapeur d’eau d’en prédire de nouveaux. de l’atmosphère (qui plus est sur 2π d’angle solide), les mesures instantanées sont entachées d’une incertitude météorologique 2. Deux autres facteurs, corrigibles, V oilà maintenant deux précision 1 des mesures s’est introduisent des incertitudes : décennies que le GPS d’ailleurs fortement accrue, mais Le déplacement du centre de fournit des données de plusieurs problèmes demeurent phase de l’antenne, ce qui signifie haute qualité à la géodésie. Sur qui en limitent l’amélioration : que, suivant l’incidence du signal, ces vingt dernières années, la la phase du signal reçu à l’entrée 1. La traversée par les signaux du récepteur varie légèrement, radio de la couche ionosphérique ; comme si celui-ci se déplaçait ; ce si cette dernière n’empêche pas phénomène peut se compenser la propagation de l’onde comme en utilisant deux antennes iden- c’est le cas pour la gamme décamé- tiques, orientées dans la meme trique (f < 30 MHz), elle introduit direction ; néanmoins un retard, qui dépend Le centrage des embases mobiles non seulement de la concentration (trépied). Cette pratique peu fiable ionique de la couche, mais égale- est remplacée par le boulonnage ment de la fréquence. Grâce à systématique des aériens. l’emploi de signaux simultanément émis sur deux fréquences différen- Grâce aux progrès accomplis tes, le retard ionosphérique peut depuis quelques années dans le s’estimer – du moins au premier calcul des orbites, l’amélioration ordre ; des réseaux permanents et GTK, la technologie bi-fréquence et les Figure 1 : Comparaison de la précision de la mesure GPS entre 1991 et 2006 en fonction 2. La traversée des couches atmos- techniques de post-traitement de la longueur des lignes de base. phériques basses (la troposphère), (filtrage), l’erreur de mesure sur 1. Il y a une grande différence entre exactitude et précision. Les mesures sont précises car on peut les répéter, elles donnent le même résultat à quelques mm près. Sont-elles cependant exactes ? C’est-à-dire, si l’on mesure avec un autre instrument, trouve-t-on une quantité identique ? 2. À l’inverse, il est possible de déduire du retard enregistré par le signal GPS l’intégration de la concentration en vapeur d’eau le long du trajet de l’onde et la concentration de l’ionosphère en particules chargées : le GPS est ainsi devenu un instrument d’observation de certaines propriétés physiques de l’ionosphère et de la vapeur d’eau dans l’atmosphère. 30 Géomatique Expert - N° 65 - Octobre-Novembre 2008
des lignes de base de plusieurs L’ultime problème tient dans la milliers de kilomètres a maintenant mise en référence : mesurer des chuté à des niveaux très faibles : il déformations sur de petits réseaux y a vingt ans, il fallait compter sur est facile, les mêmes mesures sur des incertitudes de l’ordre de 5 à de grands réseaux impliquent le 10 cm pour des lignes de base de choix d’un système de référence 5 000 km ; actuellement, sur les global, qui présente ses propres mêmes distances, ces imprécisions problèmes. L’ITRF, avec ses diffé- ne dépassent plus le centimètre. rentes réalisations, modélise les déplacements séculaires (très lents) de la croûte terrestre ; ces La tectonique réalisations ne sont pas toujours faciles, en particulier dans des des plaques régions où il y peu de stations du réseau mondial, et où les vitesses La tectonique des plaques postule de ces stations varient dans le l’existence de grands blocs solides temps. Figure 2 : Erreur sur la vitesse mesurée qui flottent à la surface du magma (en mm/an) en fonction de la durée d’observation GPS. interne en fusion. Ces blocs se déplacent selon des trajectoires L’apport du GPS propres, et leurs frontières se matérialisent par des failles ou Les grands principes de la tectoni- des dorsales, lieux privilégiés des que des plaques ont été évoqués : activités sismique et volcanique. des « plaques » surnagent sur L’étude de la tectonique requiert un manteau solide mais qui se donc l’évaluation des vitesses des comporte comme une pâte stations, solidaires de la plaque visqueuse à l’echelle de plusieurs sur laquelle elles se trouvent. Pour millions d’années (puisque la visco- cela, il suffit de mesurer régulière- sité du manteau apparaît comme ment leur position, puis de diviser 1024 fois supérieure à celle de les différences par les intervalles l’eau !) ; ces plaques se déplacent de temps. Bien entendu, plus la suivant leur trajectoire propre, précision des mesures est impor- s’écartent les unes des autres ou Figure 3 : Déplacement des différentes tante, moins l’on doit attendre entrent en collision, le tout avec stations qui participent à la réalisation de pour détecter des mouvements des vitesses de l’ordre de quel- l’ITRF 2005. de faible vitesse : ainsi, avec une ques millimètres à une dizaine de incertitude de 5 mm, il faut patien- centimètres par an (au maximum ter sept ans avant de mettre en 17 cm/an en Papouasie-Nouvelle- évidence des mouvements de Guinée et au Vanuatu, proche de l’ordre du millimètre par an ; la Nouvelle-Calédonie). si l’incertitude décroît à 3 mm, quatre ans seulement suffisent. La disponibilité de mesures GPS atteignant cette précision a On pourrait donc croire que, pour confirmé l’hypothèse de base la détecter des mouvements très théorie, tout en y apportant une lents, il suffit d’utiliser des séries touche de complexité. En effet, temporelles suffisamment longues. il est apparu que l’étendue des Ce raisonnement est cependant plaques n’étaient pas celle que faux : l’inexactitude des mesures l’on attendait, et qu’il existait passées est telle qu’il est, en des unités tectoniques de taille réalité, impossible d’exploiter ces inférieure, les « blocs », voire résultats anciens pour calculer des même des « micro-blocs », qui tendances à long terme. En outre, accommodent les chevauchements cela suppose que le mouvement des grandes plaques à plusieurs des stations ne varie pas au cours endroits. Par exemple, l’Indonésie du temps, ce qui est exact pour et la Chine du sud, que l’on croyait Figure 4 : Déplacement des stations du Sud- certaines stations, mais totalement jusqu’ici faire partie de la plaque Est asiatique et mise en évidence du bloc de faux pour d’autres. eurasienne, se rattachent en fait à la Sonde (en rouge). Géomatique Expert - N° 65 - Octobre-Novembre 2008 31
de poser des stations GPS de part et d’autre de ces failles pour enregistrer la vitesse relative des plaques le long de la fracture (« vitesse de faille »). Ce n’est pas le cas. La plupart du temps, ces failles sont « bloquées » : en raison de l’énorme viscosité et des forces de frottement, les plaques ne glissent pas librement : elles sont solidaires, et accumulent l’énergie cinétique sous forme de déformation élastique. De ce fait, le profil des vitesses axiales, prises perpendiculairement à la faille, suit assez bien une loi en arc- tangente, dont la pente maximale Figure 5 : profil transverse des vitesses GPS enregistrées près de la faille de Sagaing en correspond à la localisation de la Birmanie. faille. Lorsque ces déformations dépassent le seuil de contrainte, deux blocs indépendants, baptisés ment précise les vecteurs vitesse il se produit une rupture, c’est- bloc de la Sonde et de Chine du issus des études géologiques. à-dire un séisme. Suivant les cas, sud 3. Cette concordance signifie que les cette cassure peut être brutale et plaques possèdent une inertie telle catastrophique, ou bien étalée et Avant l’avènement des systè- que leurs trajectoires n’évoluent insensible. Ce dernier cas, baptisé mes GNSS, l’unique moyen à la pas sensiblement sur quelques « séisme silencieux », est l’une des disposition des chercheurs pour millions d’années. Cependant, découvertes de la sismologie GPS évaluer la dérive des continents trois exceptions viennent tempé- (voir ci-après). consistait en l’analyse des fonds rer cette règle : la plaque Nazca, marins. Les roches magmatiques au large de l’Amérique du sud, Le GPS ne peut évaluer la vitesse qui émergent au fond des océans l’Arabie et l’Inde semblent se des failles ; il mesure, loin à l’inté- gardent une trace de l’inversion mouvoir plus lentement que la rieur des plaques, les vitesses de régulière du champ magnétique géologie ne le laissait prévoir. dérive, et, en bordure, la défor- terrestre lorsqu’il se produit ; si Si pour la première, on penche mation causée par les frictions le les plaques s’écartent, comme plutôt pour un artefact dû au long des fractures. La vitesse de la c’est le cas le long des dorsales, manque de données précises, faille n’est accessible qu’au travers il suffit de repérer les inversions pour les deux dernières, il s’agirait d’une modélisation mathématique, identiques de part et d’autre de d’un effet réel : la plaque indienne, nécessairement arbitraire : deux la dorsale médiane, de mesurer la qui progresse vers le nord, entre modélisations différentes donne- distance qui les sépare, d’évaluer en collision avec la plaque eura- ront deux vitesses de glissement par des moyens géologiques l’âge siatique, poussant devant elle le différentes. de l’inversion pour en déduire bourrelet toujours croissant de la vitesse moyenne du mouve- l’Himalaya et du plateau Tibétain ; À première vue, il apparaît que ment. Problème : cette méthode elle a donc tendance à ralentir, l’exactitude et la multiplicité des ne fonctionne qu’en présence entraînant avec elle sa voisine mesures par GPS permet de de dorsales ; là où les plaquent arabique. calculer la trajectoire de toutes convergent au lieu de diverger, il les plaques. Cependant, il faut n’y a aucune information géologi- nuancer : pour certaines plaques que. L’évaluation des vitesses doit Des failles majoritairement sous-marines donc se faire de manière détour- (comme la plaque Nazca), le peu née, en constituant un circuit de bloquées de terres émergées ne permet plaques dont les vitesses relatives pas des relevés exhaustifs – ce sont connues. Les plaques, aux endroits où qui donne lieu à des incertitu- elles se rencontrent, créent des des. Heureusement, les additions Les mesures GPS sont venues failles dans l’écorce terrestre. vectorielles des vitesses observées corroborer de manière étonnam- On pourrait penser qu’il suffit à terre permettent de reconsti- 3. La Chine du Nord et, au-delà, un bloc Amour à l’Est du lac Baikal semblent également indépendants. 32 Géomatique Expert - N° 65 - Octobre-Novembre 2008
tuer les paramètres de glissement faille, minimisant la magnitude à sous-marins. Grâce à des modèles 9, ne peut expliquer le champ de déduits de la distribution de la déplacement enregistré. Allonger déformation à terre, on peut la zone à 1 000 km, tout en tenant raisonnablement estimer le profil compte de la courbure de la faille, de la subduction (l’angle verti- résout le problème, mais conduit cal de glissement d’une plaque à augmenter l’intensité de 9 à 9,2 sur l’autre), même à 500 km de (l’erreur pouvant s’expliquer par distance, et la vitesse totale de la saturation des sismographes convergence. et par la non-prise en compte de l’énergie des oscillations à très basse fréquence). Là-dessus, Analyse l'exploitation des données des îles Andaman pose un problème des séismes supplémentaire, leur déplacement ne concordant pas avec la prédic- Lors d’un séisme, la tension accu- tion du modèle. mulée par les plaques riveraines d’une faille se relâche. Une onde En outre, l’analyse des données Figure 6 : Famille de courbes, indexée par sismique de déformation élastique cinématiques des stations, donc de l’angle de la subduction, permettant de calculer les déformations en fonction de la se propage radialement depuis leur vitesse instantanée, fait ressor- distance à la faille (ici pour une profondeur l’épicentre à la vitesse de 4 à tir une chronologie particulière : si de blocage de 50 km). 7 km/s et entraîne avec elle un la rupture initiale se propage effec- déplacement quasi-instantané des tivement à 3,7 km/s vers le nord- région de Phuket, ces ondes sont terrains, qui s’amoindrit au fur et ouest, elle semble marquer une arrivées en concordance de phase, à mesure que l’onde progresse et pause de 30 secondes à environ ce qui a occasionné un renforce- dissipe son énergie. L’analyse du 8° de latitude nord, puis repart ment du phénomène de raz-de- champ des déplacements élémen- à une vitesse réduite de 1,8 km/s marée. D’autres endroits ont, au taires issu du GPS permet de vers le nord. La conclusion qui contraire, été relativement épar- reconstituer a posteriori le scénario s’impose est qu’il s’est produit en exact du séisme, voire de détec- réalité deux séismes : le premier, ter certaines incohérences par entre la plaque de la Sonde et rapport aux versions purement celle de l’Australie, a concerné sismologiques. environ 800 km, jusqu’au point triple Sonde/Australie/Inde ; là, il Dans le cas du séisme de l’est s’est interrompu, mais l’énergie de Sumatra du 26 décembre libérée a entraîné une deuxième 2004, estimé à 9 en magnitude de rupture consécutive, cette fois sur moment 4 (pour comparaison, environ 450 km, entre les plaques cela équivaut à une énergie de de l’Inde et de la Sonde, au niveau l’ordre de 1022 joules ; les 0,01 % des îles Andaman. dégagés sous forme d’onde sismi- que correspondent à l’explosion Ce double séisme a provoqué des d’une bombe de 300 mégatonnes), mouvements verticaux (surrec- les déplacements, avant le séisme, tion/subsidence) de l’ordre de des stations permanentes de la plusieurs mètres, qui ont donné zone voisine de la faille variaient naissance à deux ondes de raz- entre 3 cm/an et quelques mm/an de-marée séparées dans l’espace suivant leur éloignement. Le jour et dans le temps. Ces ondes de du séisme, instantanément, ces déplacement de l’océan, à très stations se sont déplacées dix basse fréquence (donc quasiment fois plus (Shanghaï, à 6 000 km insensibles en pleine mer) se de là, a enregistré un saut de sont propagées radialement à des Figure 7 : Synthèse de l’accumulation des tensions et des déformations le long de 4 mm). L’hypothèse initiale d’une vitesses de plusieurs centaines la plaque de la Sonde, avant le séisme de rupture de 450 km le long de la de kilomètres par heure. Dans la fin 2004. 4. Personne n’utilise plus l’échelle de Richter, en particulier pour les séismes majeurs. On parle de « magnitude de moment » d’après la formule de Kanamori qui relie la puissance du séisme à la taille de la faille qui a rompu. Géomatique Expert - N° 65 - Octobre-Novembre 2008 33
gnés : les ondes y sont arrivées en opposition de phase, le relief sous- marin a minimisé la violence de la vague, ou bien ils étaient protégés par d’autres terres émergées plus proche de l’épicentre. Prévision des séismes Lorsqu’une section unique d’une subduction se rompt, il est « logique » de supposer que les autres segments se trouvent fragilisés et vont finir par céder à leur tour. C’est bien ce qui s’est Figure 8 : Champ de déplacement enregistré lors du séisme du 26 décembre 2004 (deux passé dans le cas de la plaque de échelles différentes). la Sonde, puisque d’autres séismes importants ont suivi celui du 26 décembre 2004 : celui de Nias, le 28 mars 2005 (magnitude 8,7), puis celui de septembre 2007 (magnitude 8,4), dont les épicen- tres respectifs se trouvaient tous deux plus au sud. Deux questions se posent à l’heure actuelle : la première est de savoir où va se produire le prochain séisme. La faille se prolonge, en effet, d’une part au large de Java vers le sud et, d’autre part, vers le nord en direction du Bangladesh. Or, les terres émergées du delta du Gange Figure 9 : Importance du glissement (à gauche) et vecteurs de déplacement associés. Dans sont extrêmement basses et très la zone cerclée de noir, au point triple Sonde/Australie/Inde le glissement s’inverse. Il s’agit donc de deux séismes distincts. peuplées, un raz-de-marée dans la région du Golfe du Bengale serait donc potentiellement très meur- trier. L’autre question en suspens concerne un segment de subduc- tion au large de la ville de Padang (à Sumatra, sur l’équateur), qui n’a pas encore bougé (les séismes se sont produits au nord et au sud de cette zone d’environ 200 km). Deux hypothèses peuvent expli- quer ce comportement : Ou bien, à cet endroit, la visco- sité (ou la résistance) des plaques culmine, ce qui provoque un blocage plus important qu’ailleurs ; si cette hypothèse est correcte, cela signifie que la rupture, qui se Figure 10 : Mouvements verticaux de terrain provoqués par le séisme (gauche) et amplitude produira tôt ou tard, risque d’être initiale des ondes raz-de-marée consécutives (droite). d’une rare violence ; 34 Géomatique Expert - N° 65 - Octobre-Novembre 2008
Ou bien, à l’inverse, la zone en l’ordre de 10 cm/an juste après question est constituée de terrains un séisme comme celui de 2004, plus meubles, ou mieux lubrifiés, à 400 km de la faille) suivant une et glisse quasi-librement sans courbe en forme de logarithme. accumulation de contrainte, ce Cette courbe se prolonge sur des qui signifierait l’absence de risque durées importantes, parfois plus sismique dans cette région. de trente ans dans le cas du rift érythréen, ou du séisme de 1960 Quel est le scénario réel ? au Chili. Quelle interprétation L’ambiguïté doit être tranchée donner alors aux mesures GPS ? grâce à l’installation dans la À un instant t, sans historique, zone de nouvelles stations GPS mesure-t-on un déplacement permanentes qui analyseront les tectonique, ou bien une relaxation mouvements telluriques autour liée à un séisme ancien ? de Padang. Toutefois, la faille sous-marine n’est pas la seule L’étude de la relaxation tectoni- menace qui pèse sur la ville. Les que aux environs de la Patagonie séismes océaniques semblent a conduit à la découverte de Figure 11 : Carte des séismes enregistrés avoir réveillé la Grande faille de phénomènes curieux, et jusqu’ici dans la région de Sumatra depuis 2004, avec les risques potentiels de nouveaux Sumatra (faille de cisaillement), inconnus. Tout d’abord, certai- tremblements de terre. située à l’intérieur de l’île, et dont nes stations exhibent un mouve- le regain d’activité s’est traduit par ment chaotique, avec des vitesses sition de plusieurs composantes quatre séismes de l’ordre de 6 en de déplacement variables, qui cinématiques erratiques. D’autres à peine 18 mois. semblent provenir de la superpo- enregistrements issus de stations situées au large de Vancouver ont mis en évidence des mouvements de glissement étalés sur des durées pouvant atteindre plusieurs jours : il s’agit de séismes « lents », dont l’ampleur est masquée (ils ne sont pas enregistrés sur les sismogra- phes classiques, et ne provoquent aucun dégât). Dans certains cas, ces glissements imperceptibles se produisent périodiquement, comme si la plaque était le siège d’oscillations de relaxation. Ces mouvements jusqu’ici inobservés n’ont, pour l’instant, pas reçu d’ex- Figure 12 : Exemple de mouvements de relaxation suite au séisme d’avril 2007 dans le plications satisfaisantes. fjord d’Aysen en Patagonie. Phénomènes de relaxation Lors d’un tremblement de terre, les bordures des plaques concer- nées se déplacent instantanément, ce qui correspond à la libération des tensions accumulées depuis le séisme précédent. Ce mouvement brutal est suivi, sur une période bien plus longue, de déplacements lents correspondant à des déforma- tions de relaxation (amortissement visqueux). Ceux-ci se caractérisent Figure 13 : Exemple de mouvements de glissement périodiques, suffisamment lents pour par une vitesse décroissante (de passer inaperçus aux yeux de la sismologie « classique ». Géomatique Expert - N° 65 - Octobre-Novembre 2008 35
Questions subsidiaires Géomatique Expert : Pourquoi ne pas faire fluides, voire même partiellement fondues : d’études sur les mouvements verticaux ? il y a donc convection magmatique, mais les mouvements de terrain superficiels se font Christophe Vigny : Il y a deux problèmes sans heurts et sans formation de plaques. avec les mouvements verticaux. Le premier À l’inverse, Mars, planète plus petite que a trait à l’incertitude du positionnement GPS, la Terre, a déjà dissipé toute sa chaleur qui est beaucoup plus importante qu’avec les interne ; elle n’a donc plus de magma et plus mouvements horizontaux. Le second est de de mouvements convectifs internes. Il reste savoir de quoi on parle : les mouvements toutefois des traces d’une activité volcanique verticaux peuvent être dus à une multitude martienne, qui prouve que jadis la situation de facteurs, au premier rang desquels la était différente. météorologie (surcharge atmosphérique ou hydrologique du sous-sol) . Filtrer les Géomatique Expert : Haroun Tazieff avait, à données pour isoler le signal utile relève du l’époque, prophétisé un grand tremblement défi. Pratiquement, la position verticale est de terre dans la région de Nice. Qu’en est-il très difficile à exploiter. exactement ? Et le fameux « Big one » que l’on annonce depuis bientôt cent ans dans la région de Los Angeles ? Christophe Vigny : Cela montre à quel point prédire et prévoir sont des choses différentes. Prédire, c’est simplement remar- quer qu’un séisme devrait se produire dans une région un jour ou l’autre, la probabilité de son occurrence augmentant de jour en jour puisque les déformations croissent avec le temps. Prévoir, ce serait en donner la date, ce que l’on ne sait pas faire. L’exemple du séisme de Parkfield en Californie est éclairant : sur cette portion de faille, six séismes très similaires se sont produits en 1857, 1881, 1901, 1922, 1934 et 1966. Il est tentant de déduire que le système se charge Christophe Vigny, chercheur au laboratoire de géologie et rompt en moyenne tous les 23 ans, avec de l’École normale supérieure. une déviation maximum de dix ans. Ainsi, le suivant (après 1966) était attendu pour 1989 Géomatique Expert : Pourquoi la tectonique (1999 au plus tard). Or, il s’est produit le 28 est-elle propre à la Terre, et ne concerne septembre 2004. Alors, succès ou échec de pas les autres planètes « telluriques » que la prévision ? sont Vénus et Mars ? Donc oui, à Nice, comme à Los Angeles, Christophe Vigny : Vénus est plongée dans un tremblement de terre finira bien par se une atmosphère extrêmement dense et produire. Attention ! majeur en Californie (en chaude (400°C, 90 atmosphères). Il est aussi fait San Francisco), relativement faible à Nice ; possible qu’elle soit légèrement plus jeune cela se déduit de l’analyse des séismes passés, que notre Globe, donc que son intérieur soit de l’étude des failles et de l’accumulation de plus chaud. Quoi qu’il en soit, ces conditions déformation. Mais quand ? À cette question, infernales rendent les roches vénusiennes plus nul ne sait répondre. 36 Géomatique Expert - N° 65 - Octobre-Novembre 2008
Vous pouvez aussi lire