Trente ans de recherches sur l'histoire des années 1939-1945 en Provence

 
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Cahiers de la Méditerranée
                          103 | 2021
                          Ecrire la Méditerranée. Perspectives
                          historiographiques

Trente ans de recherches sur l’histoire des années
1939-1945 en Provence
Jean-Marie Guillon

Édition électronique
URL : https://journals.openedition.org/cdlm/15310
DOI : 10.4000/cdlm.15310
ISSN : 1773-0201

Éditeur
Centre de la Méditerranée moderne et contemporaine

Édition imprimée
Date de publication : 15 décembre 2021
Pagination : 273-291
ISSN : 0395-9317

Référence électronique
Jean-Marie Guillon, « Trente ans de recherches sur l’histoire des années 1939-1945 en Provence »,
Cahiers de la Méditerranée [En ligne], 103 | 2021, mis en ligne le 15 juin 2022, consulté le 08 septembre
2023. URL : http://journals.openedition.org/cdlm/15310 ; DOI : https://doi.org/10.4000/cdlm.15310

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Trente ans de recherches sur l’histoire des années 1939-1945 en Provence   1

    Trente ans de recherches sur
    l’histoire des années 1939-1945 en
    Provence
    Jean-Marie Guillon

1   Ces années de guerre continuent de susciter la curiosité et les divers médias continuent
    à leur faire une large place. Elles restent une référence historique essentielle et
    représentent un enjeu de mémoire sur bien des plans, alors que les acteurs mémoriels
    et médiatiques paraissent dire la vérité de ce passé quand ils ne font le plus souvent
    que conforter des idées reçues ou en imposer de nouvelles. C’est pourquoi la recherche
    est indispensable. Mais l’une des difficultés pour les jeunes chercheurs est désormais de
    s’abstraire de ce qu’avec Pierre Laborie, nous avons appelé la « vulgate », c’est-à-dire la
    reconstruction imposée par les représentations dominantes. Pourtant, le travail
    historique n’a cessé de préciser la connaissance que nous avons de ces années et notre
    région – qui correspond à une région institutionnelle tant pour le régime de Vichy que
    pour la Résistance – n’a pas été en reste.
2   En 1992, je faisais un point d’historiographie sur ce sujet dans les Annales du Midi 1. Cet
    article me servira de jalon pour le bilan que je propose2. Celui-ci se veut moins
    problématique que descriptif, il entend fournir un outil pour ceux qui prendront notre
    relais en présentant ce qui a été fait. Ayant été l’un des acteurs de cette « mise en
    Histoire », ce sera pour moi, également, l’occasion de retracer une partie de mon
    parcours pour ce qui a constitué un des aspects de mes recherches au risque de me faire
    une part que l’on pourra considérer comme trop belle. Le travail d’universitaire est
    aussi celui d’un directeur de recherches et les mémoires d’étudiants devraient avoir
    leur place dans ce bilan, mais l’absence de base de données – y compris entre les
    universités de la région, ce que j’ai toujours regretté – risquerait de donner trop de
    place à ceux que j’ai suscités. Je préfère donc n’en tenir compte que de façon
    exceptionnelle.

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    Au tournant des années 1970-1990
3   En 1992, la région accusait un retard certain par rapport à d’autres en histoire des
    années 1939-1945. Peu d’acteurs régionaux avaient publié leur témoignage. Le grand
    travail d’Henri Noguères sur la Résistance en France3 ne reflétait pas l’importance de la
    R2 (la Provence) dans sa construction. Depuis l’après-Libération où quelques récits
    principalement consacrés à Marseille étaient sortis, les ouvrages ou articles publiés
    étaient rares, à l’exception de ceux qui portaient sur le sabordage de la flotte à Toulon,
    le 27 novembre 1942, les combats de l’armée française à la Libération après le
    débarquement dans le Var, ou, dans les revues grand public, la « Gestapo » de Marseille.
    Même si les livres d’Henri Michel étaient marqués par son expérience dans le Var, la
    seule étude sur la Résistance, relevant en partie du témoignage, était celle de Madeleine
    Baudoin sur les Groupes Francs des Bouches-du-Rhône de septembre 1943 à la
    Libération4. Les revues érudites ignoraient prudemment la période comme la plupart
    des monographies de villes. Cependant, à partir des années 1960-1970, le travail des
    correspondants départementaux du Comité d’histoire de la deuxième guerre mondiale
    (CH2eGM) répondait aux enquêtes nationales du Comité (répression à la Libération,
    mouvements de collaboration, STO, etc.), aboutissait à l’élaboration de cartes
    (Résistance et Souffrance) et de dossiers documentaires (Alpes-Maritimes, Vaucluse,
    Var5) et débouchait sur les premières thèses de 3e cycle à l’Université de Nice
    (notamment celles de Jean-Louis Panicacci et Joseph Girard 6). Deux universitaires aixois
    profitaient d’opportunités pour publier deux ouvrages en marge de leurs domaines,
    Maurice Agulhon avec le dossier pionnier de l’ancien commandant de FRS, Fernand
    Barrat7 et Pierre Guiral, répondant à l’invitation d’Henri Michel pour la collection « La
    Libération de la France »8, tandis qu’à Nice se tenait, le 22 juin 1974, le premier colloque
    sur ce thème9. Mais les travaux du CH2eGM, très positivistes, souvent étriqués,
    aboutissant parfois à des impasses (la chronologie de la Résistance qui voulait recenser
    des « faits » sans définir ce qu’était un acte de résistance), n’étaient plus en phase avec
    l’histoire en train de se faire. Dans le même temps, de grands acteurs (Bénouville,
    Frenay, Bourdet, Paillole…10) livraient leurs souvenirs en donnant à la Provence la place
    qui lui revenait. Les éditions communistes et les associations d’anciens résistants
    publiaient elles aussi quelques recueils militants dont l’intérêt tient toujours aux
    extraits de témoignages utilisés11. Deux ouvrages ressortent de cet ensemble, celui de
    Claude Arnoux12, dont le mérite est de reposer en partie sur des documents allemands
    et d’éclairer la répression de façon novatrice, et la somme, engagée, mais scrupuleuse,
    de Jean Garcin, responsable de l’ANACR bas-alpine13.
4   C’est au tournant des années 1970-1980 que la recherche régionale parvient à se
    trouver en phase avec l’historiographie nationale. Des revues de référence lui
    consacrent des numéros spéciaux14 et s’ouvrent à ses travaux, y compris sur des thèmes
    longtemps tenus en lisière. Mon parcours en témoigne puisqu’après un premier article
    sur la collaboration dans le Var15, j’étais accueilli par Provence Historique pour
    l’épuration municipale sous Vichy, l’imaginaire du maquis ou dans un numéro la
    Révolution française16, par les Cahiers d’histoire de l’Institut de recherches marxistes sur les
    rapports de force politiques dans la Résistance provençale 17, dans la Revue d’Histoire
    moderne et contemporaine sur les étrangers dans cette même Résistance 18, Vingtième Siècle
    pour l’analyse du choc politique de 1940-1941 dans le Var 19 ou Le Mouvement social sur le
    syndicalisme ouvrier varois20. Avec Jean-Louis Panicacci, qui signe des articles

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    importants sur le Comité départemental de Libération et sur la Légion française des
    combattants des Alpes-Maritimes21, on retrouve dans ces revues la signature de
    collègues de même génération et de même formation universitaire, auteurs de thèses
    de 3e cycle abordant de nouveaux domaines : Jean-Michel Guiraud, Marcel-Pierre
    Bernard, Robert Mencherini, Jean Domenichino ou Jacky Rabatel 22. Après Pierre Guiral,
    Émile Temime, Philippe Joutard à Aix, et Ralph Schor à Nice encourageaient ce travail
    de défrichement23. De leur côté, les germanistes, notamment aixois autour de Jacques
    Grandjonc, contribuaient à lever le voile sur les camps d’internement pour étrangers et
    l’exil antinazi24, non sans lien avec l’essor d’une « mémoire » juive qui réveillait
    l’intérêt sur les mesures antisémites25 et sur les réseaux d’assistance. Ces études
    accompagnaient la publication de témoignages de réfugiés antinazis comme Lion
    Feuchtwanger (Le diable en France en 1985 26) ou d’acteurs du sauvetage comme Daniel
    Bénédite, principal adjoint de Varian Fry dont il restituait l’histoire 27. L’intérêt pour les
    réfugiés croisait celui pour les étrangers. Non sans lien avec l’actualité d’alors, à Nice
    comme à Aix, les travaux sur l’immigration dans la région incluaient le « moment »
    Vichy (ainsi) ou commençaient à s’intéresser à leur place dans la Résistance 28.
5   Ces regards neufs donnaient à la Provence, à Marseille en particulier, une place
    originale et sur certains points centrale. Ils avaient été en partie stimulés par la
    création de l’Institut d’Histoire du Temps Présent (IHTP), qui rattachait, par ses
    enquêtes, les recherches sur la guerre aux problématiques nouvelles, tout en réservant
    une place aux études régionales, dont celles que nous menions dans le Var, les Alpes-
    Maritimes et les Bouches-du-Rhône et qui avaient toute leur place dans ses colloques et
    publications en histoire politique (sur les communistes français entre 1938 et 1941, le
    régime de Vichy, la Libération29), en histoire de la mémoire ou en histoire des
    entreprises et des groupes sociaux30. Le temps des synthèses était arrivé. Jean-Louis
    Panicacci livrait un premier ouvrage sur les Alpes-Maritimes de 1939 à 1945 31 et ma
    thèse d’État intégrait La Résistance dans le Var dans une analyse politique globale,
    concernant aussi bien Vichy, que l’opinion, les occupations ou les mutations de la
    Libération32.
6   Bien des champs s’étaient donc ouverts depuis les années 1970, mais de façon inégale.
    L’histoire militaire restait en marge, mais Paul Gaujac offrait un ouvrage de référence –
     hors Résistance intérieure qui n’était pas dans son champ d’expertise – sur les forces
    en présence au moment du Débarquement en Méditerranée et sur les batailles de
    Toulon et Marseille qui l’ont suivi33, tandis qu’Henri Béraud relatait les combats de 1940
    et 1944-1945 sur une portion de la frontière alpine34. L’histoire religieuse était elle aussi
    à la traine, même si l’intérêt pour les réseaux d’assistance aux réfugiés et persécutés
    avait incité à regarder de plus près protestants ou catholiques et, grâce à Ralph Schor, à
    mieux connaître l’action de Mgr Rémond35. La publication de témoignages s’étiolait et
    le recueil du chef régional de l’Organisation de résistance de l’armée (ORA) et de ses
    camarades, anecdotique, laissait sur sa faim, de même que les souvenirs du chef
    régional de Combat36. Ce dernier avait toutefois le mérite de considérer Marseille
    comme « la première capitale de la Résistance », ce que nous avons repris et justifié par
    la suite. L’expression mettait le doigt sur une réalité, Marseille et sa région (littoral des
    Alpes-Maritimes inclus) avait été le premier pôle de la Résistance organisée en zone
    Sud, avant que son centre ne rejoigne Lyon en 1942, puis Paris en 1943 37.

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    Une nouvelle dynamique
7   Si la connaissance avait fait de réels progrès en une quinzaine d’années, bien des
    lacunes restaient à combler à l’orée des années 1990. Beaucoup restait à faire sur la
    Provence sous Vichy, sur les occupations de la région et sur certains aspects d’une
    Résistance dont l’étude cadre mal avec le découpage départemental. Le principal point
    aveugle restait Marseille sous l’angle de Vichy, du collaborationnisme comme de la
    Résistance ; c’est la raison pour laquelle j’avais incité Robert Mencherini, qui nous avait
    rejoints comme correspondant de l’IHTP, à s’y consacrer. Les membres de la petite
    équipe qu’unissait l’appartenance au réseau de l’IHTP ayant acquis un statut
    universitaire, ils pouvaient être mieux intégrés dans la communauté des chercheurs et
    susciter des recherches38. C’était d’autant plus important que l’IHTP tendait à prendre
    une autre direction et abandonnait le réseau de correspondants. Il clôturait ses
    enquêtes sur les années quarante en France avec « Le temps des restrictions en France
    (1939-1949) »39, la police française entre 1930 et 195040 et les élites locales « dans la
    tourmente »41. Nous allions prolonger les thématiques inaugurées par l’IHTP auxquelles
    nous avions contribué. Ainsi pour la vie économique et le ravitaillement, Robert
    Mencherini revenant sur les entreprises des Bouches-du-Rhône 42, moi-même sur la
    bauxite43 et la Chambre de commerce de Toulon et du Var « dans la guerre et
    l’occupation »44. Robert Mencherini dans ses ouvrages de synthèse, Jean-Louis
    Panicacci45 et moi-même avons traité ponctuellement de la question des pénuries et de
    leurs conséquences (santé et marché noir). Cependant, il faudrait reprendre l’étude de
    la régression matérielle et de ses conséquences comme celle de la régression morale qui
    lui est connexe. Délinquance et criminalité restent des domaines en friche. Le seul
    travail sur cette question reste la thèse de Riadh Ben Khalifa 46. Il est regrettable que
    rien de tel n’existe ailleurs, au moins pour Marseille. En revanche, Simon Kitson a
    fourni pour la police de cette ville des analyses de référence dans le cadre de son
    doctorat47, prolongeant ainsi l’enquête de l’IHTP.
8   Mais l’IHTP ne remplissant plus le même rôle et face à l’urgence historique et
    mémorielle d’un moment où tout tournait autour de Vichy, Pierre Laborie et moi-même
    avons décidé de relancer sur des bases rigoureuses l’étude de la Résistance. Cette
    initiative a abouti à l’organisation d’une série de colloques sur le thème « La Résistance
    et les Français ». Dans le premier, celui de Toulouse en 1993, nous nous sommes
    demandé comment la greffe résistante avait pris et en quoi les traditions politiques,
    principalement en France méridionale, avaient pu la favoriser. Ce colloque ouvrit la
    voie aux questions de mise en mémoire de la Résistance 48. Les autres ont abordé les
    problèmes politiques et militaires, mais ont surtout privilégié l’approche culturelle et
    sociale du phénomène à partir de milieux divers (paysannerie, classes moyennes,
    clergé, etc.49). Le dernier, celui d’Aix-en-Provence en 1997, élargissait la perspective à
    l’ensemble des sociétés nord-méditerranéennes soumises à la domination des nazis ou
    de leurs alliés50. C’est dans cette lignée – qui ne négligeait pas la dimension régionale –
    que se situe le Dictionnaire historique de la Résistance, publié par le collectif qui a présidé à
    l’organisation de cet ensemble de rencontres51. On trouvera donc dans ces publications
    des mises à jour qui concernent la Provence. J’ai approfondi, pour un récent dossier
    d’Historiens & Géographes sur la Résistance, la synthèse que j’avais rédigée pour le
    Dictionnaire 52.

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9    L’impulsion ainsi donnée n’a pas été sans effets locaux, que ce soit avec les numéros
     spéciaux de revues érudites, peu familières du contemporain proche 53, ou avec
     l’organisation de rencontres scientifiques de tous niveaux ou d’expositions
     généralement organisées par les services d’archives et souvent accompagnées de
     catalogues. La période est également marquée par les foisonnantes synthèses que
     Robert Mencherini consacre aux Bouches-du-Rhône, comblant donc ainsi la grande
     lacune qui subsistait sur Marseille, tandis que Jean-Louis Panicacci revenait sur Les
     Alpes-Maritimes dans la guerre 1939-1945 54.
10   Toutes ces initiatives rendent compte des notables avancées de la recherche, même si
     de nombreux aspects des années de guerre – en particulier, la période de la « Drôle de
     guerre » – et d’immédiat après-guerre restent insuffisamment documentés.

     Provence sous Vichy et Provence de Vichy
11   Aboutissement des premiers travaux sur les réfugiés et internés dans la région,
     l’ouverture du Mémorial des Milles en 2012 à Aix est venue donner une visibilité
     internationale à l’internement dans la région55. Le tableau donné par Ulrike Voswinckel
     et Frank Berninger, sur la Côte-d’Azur comme lieu d’accueil est assurément le plus
     complet56. Parmi les intellectuels réfugiés un moment à Marseille, Simone Weil a été
     bien mise dans les perspectives du moment par Robert Mencherini 57. On peut rattacher
     à ce milieu l’ouvrage de Mireille Pinsseau, tiré d’une thèse de 3 e cycle de l’Université
     Paris IV, dont l’intérêt principal est d’offrir un panorama précieux pour des artistes qui
     ne sont pas toujours connus58. Mais l’attention s’est surtout portée sur les réseaux
     d’assistance dont Marseille était le centre. L’action du consul du Mexique, Bosques, a
     été précisément retracée par Gérard Malgat59. Celle du Comité américain de secours,
     créé par Varian Fry, a suscité expositions et colloque patronnés par le conseil général
     des Bouches-du-Rhône60. L’équipe Fry n’est pas la plus étoffée, mais la qualité des
     réfugiés secourus et celle de ses membres expliquent l’intérêt dont elle a bénéficié de la
     part des médias et de la recherche. Elle nous intéressait aussi parce qu’elle mettait en
     évidence le rôle du milieu associatif et de la région dans l’irrigation de la Résistance. La
     publication des souvenirs complets de Bénédite, bras droit de Fry devenu responsable
     d’un chantier forestier à vocation maquisarde dans le Haut-Var, en fournit un exemple
     significatif et original61.
12   Les arcanes – complexes – du régime de Vichy ont été inégalement explorés. Il y a peu
     de travaux spécifiques sur son personnel administratif. J’ai examiné l’attitude des
     préfets de la région62, mais les autres services de l’État et les armées attendent leur
     historien. Quelques mémoires universitaires ont abordé les institutions, mais ils se sont
     surtout penchés sur l’histoire de certaines communes63. C’est plutôt du point de vue de
     la gouvernance que Robert Mencherini et moi-même avons abordé le cas de Marseille,
     notamment lors du colloque « Marseille face au(x) pouvoir(s) » 64. Prolongeant de
     précédents articles, certaines de mes contributions portent sur la vie politique sous
     Vichy au niveau des petites communes65. Ce Vichy vu d’en bas a été complété par le
     numéro des Annales du Midi 66, consacré à la Légion Française des combattants, élément
     essentiel du dispositif pétainiste, qui reste insuffisamment étudié. Ouvert par une
     introduction faisant une large part au Var et aux Bouches-du-Rhône 67, ce numéro
     rassemblait plusieurs études sur des départements méridionaux dont les Alpes-
     Maritimes étudiés par Jean-Louis Panicacci. En dehors de quelques mémoires

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     d’étudiants, les autres relais du régime, en particulier les Chantiers et les mouvements
     de jeunesse, l’école de cadres du Coudon, la politique sportive, le contrôle de l’opinion
     sont en attente d’études, tout comme la Corporation paysanne, les syndicats officiels et
     les comités sociaux (soit l’application de la Charte du travail). En dépit de sa proximité
     avec le régime, il faut considérer l’Église catholique dans son autonomie. Les
     publications de Pierre Gallocher ont éclairé une partie du très important monde
     catholique marseillais qu’il restait à défricher68. J’ai tenté de comparer les
     comportements du haut-clergé de la région69, mais Julien Brando a précisé le portrait
     de Mgr du Bois de la Villerabel, le plus haut dignitaire de Provence et le plus engagé
     dans le soutien régime dans un article tiré de son mémoire 70. Le vaste travail entrepris
     sur les dominicains de Saint-Maximin-la-Sainte-Baume m’a permis de pencher la vie de
     ces deux sites importants pour l’ordre « dans les turbulences des années de guerre » 71.
     Mais nous manquons d’études sur les autres congrégations, masculines et féminines,
     sur les prêtres et la vie religieuse au niveau des pratiques ordinaires, même si les
     éléments les plus engagés dans le « mouvement » et parfois la Résistance,
     principalement à Marseille, sont bien connus, notamment la mouvance Économie et
     Humanisme, avec notamment le père Loew, ou les militants du Mouvement populaire
     des familles72.
13   La situation est tout aussi contrastée en ce qui concerne l’opinion et la société. Les
     comportements des « communautés » étrangères, à commencer par les Italiens, n’ont
     pas suscité la curiosité qu’ils mériteraient73. Le seul groupe social qui ait fait l’objet de
     publications spécifiques, est celui des cheminots74. Mais pour le monde ouvrier en
     particulier et le monde militant en général, c’est vers les biographies du Maitron, dont
     on ne soulignera jamais assez la richesse, qu’il faut se tourner 75. Les autres groupes
     sociaux – paysannerie, professions indépendantes, etc. – restent négligés et ceci ne vaut
     pas seulement pour la période de guerre. Les études de journaux, bien que moins
     systématiques qu’avant, ont fourni matière à un certain nombre de mémoires à
     Avignon, Aix et Nice dont ressort, pour l’intérêt du titre étudié, celui de Xavier Affre
     sur Le Mot d’ordre 76. C’est dans une optique d’histoire des mentalités que j’ai abordé le
     retour des « émotions populaires », le comportement ouvrier, la question de l’identité
     régionale en Provence (ou les rumeurs de guerre), en regrettant de ne pouvoir inciter
     un thésard à entreprendre une recherche de grande ampleur sur un sujet qui touche à
     l’opinion, à l’imaginaire, aux représentations77. Les sources ne manquent pourtant pas,
     comme le prouve le journal de l’archiviste Hyacinthe Chobaut qui s’intéresse tant à la
     chronique locale qu’aux événements nationaux et internationaux sur toute la période 78.

     Occupations et répression
14   Les recherches restent à la traîne pour ce qui est de l’histoire des occupations. Cela
     tient pour partie aux difficultés d’accès aux très inégales archives allemandes ou
     italiennes, mais aussi à la faiblesse de l’histoire militaire. Seuls les événements de
     Toulon de novembre 1942 (mais peu replacés dans leur contexte) et le sort de la flotte
     française ont fait l’objet de publications solides79. Grâce à Jean-Louis Panicacci,
     l’occupation italienne est sortie de la seule connaissance des chercheurs locaux 80, mais
     les marges de cette occupation, l’action des consulats et du parti fasciste, les
     entreprises italiennes présentes dans certains secteurs restent trop mal connues. Le
     tableau est encore moins satisfaisant en ce qui concerne l’occupation allemande. La

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     solide thèse de Christian Xancho, fondée sur des sources allemandes, fournit un cadre
     très utile pour la compréhension de l’occupation militaire81. Mais des études plus fines
     – sur les effectifs militaires et l’implantation des unités ou leur rotation, les relations
     avec les autorités de Vichy – seraient utiles et plus encore des travaux sur les services
     annexes (douanes, cheminots, services économiques, propagande, transports, etc.) et
     sur la très importante Organisation Todt. Certains événements – la destruction du
     quartier du Vieux-Port à Marseille82 – sont mieux éclairés que d’autres, moins
     tragiquement spectaculaires. Mais les évacuations et destructions, ainsi que leurs
     conséquences – le travail obligatoire sur la côte régulièrement confondu avec le STO, la
     dispersion des populations, les atteintes à l’environnement – mériteraient plus
     d’attention. Le Comité d’histoire de la deuxième guerre mondiale avait lancé une
     enquête sur le travail en Allemagne bien insuffisante pour en connaître les facettes, la
     chronologie et l’ampleur. Le volontariat du travail, forme spécifique de collaboration
     ouvrière qui a un certain succès dans la région, n’a été étudié que dans les Bouches-du-
     Rhône83 et le Var. Le STO a été abordé pour le Var 84 et le Vaucluse 85, mais l’une des
     difficultés de la période pour des historiens non expérimentés est de se dégager des
     représentations toutes faites pour restituer la vérité du moment et sans encadrement
     adéquat, ils n’y arrivent pas toujours. Cela touche tous les aspects de la période, mais
     certains plus que d’autres.
15   Ce que l’on a appelé le « réveil » de la mémoire juive – qui est en fait une
     reconstruction – à la fin des années 1970 et dans les années 1980 fait partie de ce qui, en
     mettant l’antisémitisme et Vichy au centre des études, a oblitéré la xénophobie
     fondamentale du régime qui réserve un sort particulier aux juifs étrangers et a relégué
     parfois au second plan la responsabilité majeure des nazis. On doit à Serge Klarsfeld,
     outre ses ouvrages généraux, la publication des listes des déportés raciaux à partir de
     Nice et de Marseille86. Plusieurs témoignages replacent la situation des juifs dans la
     région sous des angles très différents. L’exceptionnel Journal de l’Occupation de Wladimir
     Rabinovitch, dit Rabi, avocat, contadourien avant-guerre, sioniste, résidant à Briançon
     avant de se cacher dans la Drôme et les Basses-Alpes, donne le point de vue d’un
     intellectuel juif de premier plan qui préfère son œuvre et sa survie au combat
     résistant87. Jean-Pierre Kaminker décrit la protection dont les familles juives
     bénéficiaient à Valréas88, loin des publications vengeresses d’un Isaac Lewendel blessé
     au plus profond par la déportation de sa mère89. Les départements de la région ont fait
     l’objet de travaux solides dont Provence-Auschwitz donne un aperçu que l’on complètera
     avec le beau recueil de Jean-Christophe Labadie sur les Basses-Alpes et, pour les Alpes-
     Maritimes, par les études d’Alberto Cavaglion90. Nos connaissances sur la population
     juive se sont particulièrement précisées sur les Bouches-du-Rhône avec la thèse de
     Renée Dray-Bensoussan91 et la publication du Rapport final de la Commission
     départementale sur les spoliations des Juifs dans les Bouches-du-Rhône pendant la seconde
     guerre mondiale que j’ai supervisé92.
16   À partir de novembre 1942, les arrestations de juifs sont le fait des Allemands ou de
     leurs auxiliaires français ou étrangers. Bien qu’elle laisse de côté la traque des juifs, la
     thèse de Guillaume Vieira, constitue un apport essentiel à la connaissance du système
     répressif allemand et en premier lieu des rouages du Sipo-SD et de son personnel 93.
     Mais son analyse couvre toute la région, bien au-delà de la seule aire marseillaise, et
     tous les acteurs de la chasse aux résistants, y compris les agents français de l’occupant,
     notamment les bandes spécialisées dans la chasse aux Juifs. La thèse de Guillaume

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Trente ans de recherches sur l’histoire des années 1939-1945 en Provence   8

     Vieira confirme le rôle central de la 8e compagnie de la Division Brandebourg, unité
     militaire spéciale dont l’action était plus ou moins connue dans le Gard, mais restait
     ignorée en Provence, jusqu’à ce que j’attire l’attention sur elle en pointant la confusion
     systématique entre ses éléments et les miliciens, par exemple dans l’arrestation du
     comité départemental des Basses-Alpes à Oraison. Les enquêtes de l’Association pour la
     mémoire de la résistance et de la déportation dans les Hautes Baronnies et la
     publication de Français et Allemands en collaboration 94 sont venues confirmer notre
     travail95. Mais d’autres groupes sévissent localement, ce qu’a souligné l’enquête
     exemplaire des Amis d’Antoine Diouf-Albin Durand sur les meurtres commis à Sarrians
     le 1er août 194496. Dans tous les cas, est mise en évidence la place du PPF en tant que
     réservoir d’auxiliaires pour tous les services allemands, avec comme maître d’œuvre de
     cette distribution, Simon Sabiani. Or le PPF, jusqu’à présent, n’a pas fait l’objet des
     travaux qu’il mériterait sur le plan régional97. Dès l’époque, la Milice est, non sans
     raison, montrée du doigt, mais le fait de baptiser « milicien » tout Français travaillant
     pour les Allemands et que Darnand ait la haute main sur le « maintien de l’ordre », lui
     donnent une centralité dans la répression qu’elle n’a pas eu dans la réalité. Cette
     confusion mémorielle pèse sur les quelques travaux qui la concernent 98. Celui de
     Margot Tiphaigne sur « La Milice dans les Bouches-du-Rhône » dont nous avons tiré un
     article tente d’y échapper99. Mais, là encore, un travail régional d’ensemble
     s’imposerait.
17   Grâce au Dictionnaire des Fusillés en ligne 100, on peut mesurer l’ampleur et les lieux de la
     répression dans la région, ainsi que le profil de ses victimes. Près d’un millier de notices
     biographiques concernent la Provence. Ayant couvert Basses et Hautes-Alpes, Var,
     Vaucluse et ayant recensé les morts des Bouches-du-Rhône et des Alpes-Maritimes 101,
     j’ai pu donner un tableau synthétique de la question, qui réévalue, me semble-t-il, la
     place de la région dans la lutte contre une Résistance qui fut loin d’être négligeable et
     qui l’a chèrement payé102.

     La Résistance et l’après-Résistance
18   Les progrès considérables dans la connaissance de la Résistance régionale se reflètent
     dans diverses notices du Dictionnaire historique de la Résistance. Plusieurs témoignages y
     ont contribué. Outre celui de Bénédite déjà cité, il faut noter pour Marseille ceux de
     Malou Blum sur Témoignage chrétien et de Mireille Nathan- Murat sur son père, chef
     des groupes francs103. Le récit « à chaud » de Gleb Sivirine vient étoffer l’histoire
     méconnue des maquis provençaux104. Le recueil de Grégoire Georges-Picot confirme la
     place des FTP-MOI dans la région105. Les réseaux de renseignements, longtemps
     négligés, sont désormais mieux connus. L’ouvrage de Jean Médrala est fondamental en
     ce domaine, de même que celui de Thomas Rabino sur le réseau Carte, issu d’une
     maîtrise soutenue à Aix106. Les souvenirs de Rogatien Gautier comblent une lacune
     concernant Mithridate107, tandis que Jean-Marc Binot et Bernard Boyer ont donné un
     historique de Brutus108. Plusieurs publications se sont penchées sur les chrétiens dans la
     Résistance, dans les Alpes-Maritimes109, le Var110 et surtout les Hautes-Alpes avec les
     études de Nadia Imbert111 et l’ouvrage de Philippe Franceschetti sur Antoine Mauduit,
     résistant mystique à l’engagement aussi radical que singulier 112.
19   Sur un plan départemental, la Résistance dans les Hautes-Alpes dont j’avais essayé de
     donner une synthèse113 prend de nouveaux contours avec en particulier les travaux de

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     Jean-Pierre Pellegrin sur les maquis FTP114 qui prolongent des recherches plus
     anciennes soutenues à Aix sur le maquis Morvan et ceux de l’Embrunais. Les Alpes-
     Maritimes n’ont cessé d’être documentées par Jean-Louis Panicacci 115 et, pour les
     Bouches-du-Rhône, Robert Mencherini a fourni avec le tome 3 de sa série sur ce
     département un panorama indispensable que l’on peut compléter avec des études
     localisées116 ou plus ciblées comme celles de Jean Domenichino, « La Résistance en
     entreprise : les Chantiers et ateliers de Provence à Port-de-Bouc » ou de Simon Kitson,
     « L’évolution de la Résistance dans la police marseillaise » 117. Plusieurs mémoires de
     l’Université d’Avignon ont porté sur certains aspects de la Résistance en Vaucluse
     (maquis Ventoux, presse clandestine, Parti Communiste). Pour le Var, Alain Decanis,
     mérite d’être cité tout comme, pour les Alpes-de-Haute-Provence, les publications de
     Sabença de la Valèia fondées sur les témoignages et le récit de Gérard Guerrier sur le
     maquis du Lavercq (Résister, Paris, Paulsen, 2017)118. La liaison entre les Alliés et la
     Résistance autour du Débarquement a été abordée par Arthur Layton Funk 119. Dans une
     optique différente, j’ai tenté de mieux faire comprendre les objectifs de la Résistance
     intérieure dans la libération de la Provence120. Depuis les travaux déjà cités de Paul
     Gaujac sur le débarquement en Méditerranée et la campagne de Provence, les ouvrages
     qui se sont succédé sur le sujet n’ont rien apporté de neuf. En revanche, le « front
     oublié » des Alpes en 1944-1945 a bénéficié des recherches de Pierre-Emmanuel
     Klingbeil sur les Alpes-Maritimes121, à prolonger par celles de l’association L’Amont122.
     En revanche, peu de recherches ont été faites sur les troupes américaines dans la
     région123 ou sur les prisonniers allemands. C’est pourquoi le travail très documenté de
     Guy Reymond est précieux124.
20   D’assez nombreuses publications sur la libération de localités ont vu le jour à l’occasion
     des commémorations. J’en retiens l’Histoire de la Libération de Digne de Guy Reymond en
     1993 et le numéro spécial de la Revue Marseille en 1995 125. Pour cette ville, le tome 4 de la
     série Midi rouge, ombres et lumières, de Robert Mencherini, La Libération et les années
     tricolores (1944-1947) est évidemment indispensable, tout comme les souvenirs de
     Raymond Aubrac, bien que celui-ci ne s’y dévoile guère126. Les aspects politiques de la
     Libération traités par le colloque de l’IHTP sur les pouvoirs à la Libération n’ont été
     prolongés que dans La Résistance et les Européens du Sud 127, par mes articles sur les élites
     politiques méridionales128 et par quelques travaux d’étudiants 129. Plusieurs dossiers
     attendent leurs historiens : les régiments FFI, l’épuration qui reste à reprendre sous
     tous ses aspects, la Reconstruction, hors Vieux-Port de Marseille, tant pour les villes de
     la région que pour la zone frontière, la reconstitution des services de l’État, les cahiers
     de doléances d’après la Libération dont j’ai essayé de montrer l’intérêt 130. Ces cahiers se
     font également l’écho des ressentiments contre les Italiens, étudiés dans le Var et les
     Alpes-Maritimes131, mais d’autres aspects de l’opinion – en particulier les émotions pour
     reprendre une thématique qui a le vent en poupe – restent à éclaircir, tout comme, la
     sortie de guerre et ses effets.

     Mémoire(s) et traces de mémoire
21   Ce chantier, relativement récent, mais devenu prolifique, surtout sur le plan
     médiatique où l’ignorance le dispute aux idées reçues – par exemple sur le soi-disant
     « oubli » des troupes indigènes de la Libération –, est caractérisé par deux types de
     publications. D’une part, ce sont les indispensables relevés des monuments et autres

     Cahiers de la Méditerranée, 103 | 2021
Trente ans de recherches sur l’histoire des années 1939-1945 en Provence   10

     plaques ou stèles, qui restent le plus souvent au niveau de la description. D’autre part,
     ce sont les recueils de témoignages qui manquent généralement de recul critique et
     d’outils d’analyses de la mémoire. L’un des plus intéressants sur le plan de la méthode a
     été réalisé par Planète Champsaur-Valgo auprès de personnes âgées 132. Pour les traces
     et lieux de mémoire, Jean-Louis Panicacci a couvert les Alpes-Maritimes 133, de même
     que des collectifs, pour les Alpes-de-Haute-Provence et le Vaucluse 134. J’ai de mon côté
     proposé une analyse régionale des monuments, mais je me suis plus particulièrement
     intéressé à l’odonymie en intégrant les années 40 dans les enjeux de mémoire à
     l’époque contemporaine135. Les études sur le rituel commémoratif sont rares. Je m’y suis
     essayé pour la cérémonie annuelle du 2 janvier à Signes136. J’avais critiqué lors du
     colloque IHTP de 1987, qui inaugurait les travaux sur la mémoire des années 1940, la
     croyance en une bipolarisation mémorielle entre communistes et gaullistes, en
     soulignant que l’on confondait mémoire gaulliste et mémoire de la Résistance
     intérieure non communiste et que l’on omettait la mémoire toute militaire des troupes
     de la Libération. J’ai évoqué par la suite le caractère régional des mémoires, mais ces
     problématiques seraient à prolonger. Signalons enfin le travail de Romain Beyner sur
     une commune du Luberon partagée entre le souvenir glorifié d’un événement
     « mémorable », la chute d’un avion, et le refoulement ou l’ignorance d’un fait
     embarrassant, l’arrestation d’une famille juive137. Gageons que le cas n’est pas unique et
     que de telles radiographies des représentations mériteraient d’être poursuivies.
22   L’histoire des années de guerre dans notre région s’est donc affirmée et affinée. Elle est,
     sur bien des plans, reconnue. Nombre de chantiers restent ouverts ou sont à prolonger
     d’autant que la période – comme toute période de crise majeure – constitue en quelque
     sorte un « laboratoire » où beaucoup de thématiques actuelles en histoire des
     comportements, des représentations, des relations entre les individus et les groupes
     peuvent trouver un terrain de recherche. Mais le problème est, aujourd’hui, ailleurs. Il
     est dans la relève des générations. Or celle-ci n’est pas plus assurée sur un plan régional
     que sur un plan national. La transmission de cette histoire est faite par des institutions
     de qualité, musées (Mémorial des Milles, Mémorial du Débarquement et de la Libération
     de la Provence à Toulon, Musée azuréen de la Résistance et de la Déportation de Nice,
     Musée Jean Garcin de Fontaine-de-Vaucluse) et centres d’archives, mais ils n’ont ni les
     moyens, ni la vocation de susciter et d’encadrer la recherche. L’inquiétude pour
     l’avenir est là car cette histoire, qu’on le veuille ou non, par ses enjeux civiques et
     mémoriels, n’est pas n’importe laquelle et on ne peut la laisser en déshérence ou en des
     mains non légitimes.

     NOTES
     1. Jean-Marie Guillon, « Les années 40 en Provence ou la lente émergence de l’histoire », Annales
     du Midi, t. 104, no 199-200, juillet-septembre 1992, p. 477-481.
     2. Pour une bibliographie exhaustive illustrant mon propos, voir le Bulletin de l’IHTP n o 33,
     septembre 1988, p. 23-44.
     3. Henri Noguères, Histoire de la Résistance en France, Paris, Robert Laffont, 5 vol., 1967-1981.

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4. Madeleine Baudoin, Histoire des Groupes francs (MUR) des Bouches-du-Rhône, de septembre 1943 à la
Libération, Paris, PUF, 1962.
5. Jean-Louis Panicacci, Les Alpes-Maritimes de 1939 à 1945. Textes et documents d’histoire, Nice, CRDP,
1977 ; Serge Issautier, La Résistance en Vaucluse, Avignon, Archives départementales-CDDP, 1980 ;
Jean-Marie Guillon, Le Var, la guerre, la Résistance, Nice, CRDP, 1984 (rééd. 1994).
6. Jean-Louis Panicacci,          Nice de l’Occupation italienne à la fin de la guerre, 11 novembre
1942-1er septembre 1945, Thèse de 3e cycle sous la direction d’André Nouschi, Université de Nice,
1970 ; Joseph Girard, Les FFI dans les Alpes-Maritimes, Thèse de 3 e cycle sous la direction d’André
Nouschi, Université de Nice, 1973 ; Daniel Delmonte, Le ravitaillement et le marché noir dans le Var
1939-1949, Thèse de 3e cycle sous la direction d’André Nouschi, Université de Nice, 1977, 2 tomes.
Dans ces années, furent soutenus également à Aix comme à Nice des mémoires de maîtrise
méritoires, bien que souvent prématurés.
7. Maurice Agulhon, CRS à Marseille, 1944-1947, Paris, Armand Colin-FNSP, 1971.
8. Pierre Guiral, La Libération de Marseille, Paris, Hachette, 1974.
9. André Nouschi (dir.), « La Libération des Alpes-Maritimes », Cahiers de la Méditerranée, n o 12,
juin 1976.
10. Guillain de Bénouville, Le sacrifice du matin [1945], Paris, Robert Laffont, 1983 ; Henri Frenay,
La nuit finira, Paris, Robert Laffont, 1973 ; Claude Bourdet, L’aventure incertaine [1975], Paris, Le
Félin, 2020 ; Paul Paillole, Services spéciaux (1935-1945), Paris, Robert Laffont, 1975.
11. Louis Gazagnaire, Le peuple héros de la Résistance, Paris, Éditions sociales, coll. « Souvenirs »,
1971 ; Max Burlando, Le Parti communiste et ses militants dans la Résistance des Alpes-Maritimes, La
Trinité, Fédération départementale du PCF, 1974 ; Louis Coste, La Résistance du pays d’Apt, de la
Durance au Ventoux [1974], Cavaillon, Mistral, 1982.
12. Claude Arnoux, Maquis Ventoux, quelques pages de la Résistance en Vaucluse [1974], Avignon,
Aubanel, 1994.
13. Jean Garcin, De l’armistice à la Libération dans les Alpes de Haute-Provence 17 juin 1940-20 août 1944,
Digne, Vial, 1983, rééd. 1990.
14. Pierre Guiral (dir.), « La Provence pendant la guerre », Revue d’Histoire de la seconde guerre
mondiale, 29e année, no 113, janvier 1979 ; Provence Historique, t. 33, fasc. 133, octobre-décembre
1983.
15. Jean-Marie Guillon, « Les mouvements de collaboration dans le Var : bilan d’une enquête »,
Revue d’Histoire de la seconde guerre mondiale, 29e année, no 113, janvier 1979, p. 91-110.
16. Jean-Marie Guillon, « Vichy et les communes du Var ou les dilemmes de l’épuration »,
Provence Historique, t. 33, fasc. 133, octobre-décembre 1983, p. 383-404 ; id., « Le maquis. Une
résurgence du banditisme social ? », Provence Historique, t. 37, fasc. 147, janvier-mars 1987,
p. 57-67 ; id., « Du refoulement à la réinvention, la Révolution Française dans le Var des
années 40 », Provence Historique, t. 37, fasc. 148, avril-juin 1987, p. 265-274.
17. Jean-Marie Guillon, « Les rapports de force dans la Résistance provençale », Cahiers d’histoire
de l’Institut de recherches marxistes, no 34, 1988, p. 61-71.
18. Jean-Marie Guillon, « Les étrangers dans la Résistance provençale », Revue d’Histoire moderne et
contemporaine, t. 36, no 4, octobre-décembre 1989, p. 658-671.
19. Jean-Marie Guillon, « 1940 : le Var rouge dans la vague blanche », Vingtième Siècle, n o 28,
octobre-décembre 1990, p. 57-63.
20. Jean-Marie Guillon, « Le syndicalisme ouvrier varois de l’effondrement à l’apogée
(1939-1944) », Le Mouvement Social, no 158, janvier-mars 1992, p. 36-58.
21. Jean-Louis Panicacci, « Le Comité départemental de Libération des Alpes-Maritimes
(1944-1947) », Revue d’histoire de la deuxième guerre mondiale, 32 e année, no 27, juillet 1982,
p. 77-107 ; id., « La Légion française des combattants dans les Alpes-Maritimes (octobre 1940-
octobre 1942) », Provence Historique, fasc. 134, 1983, p. 405-423.

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Trente ans de recherches sur l’histoire des années 1939-1945 en Provence   12

22. Jean-Michel Guirayd, La vie intellectuelle et artistique à Marseille à l’époque de Vichy et sous
l’occupation, 1940-1944, Marseille, CRDP, 1987 ; Marcel-Pierre Bernard, Les communistes dans la
Résistance, Marseille et sa région, Thèse de 3e cycle sous la direction d’Émile Temile, Université Aix-
Marseille I, 1982 ; Robert Mencherini, L’Union départementale C.G.T. des Bouches-du-Rhône de la
Libération à la scission 1944-1948, Thèse de 3e cycle sous la direction d’Émile Temile, Université Aix-
Marseille I, 1984 ; Jean Domenichino, Une ville en chantiers. La construction navale à Port-de-Bouc
1906-1966, Aix-en-Provence, Édisud, 1989 ; Jacky Rabatel, Une ville du Midi sous l’occupation :
Martigues, 1939-1945, Martigues, Éditions du CDAC, 1986.
23. Avec aussi des mémoires de maitrise de bonne facture. En revanche, une histoire « orale »
mal maitrisée pouvait donner des résultats décevants, ainsi la thèse désordonnée et bavarde de
Jean-Claude Pouzet (La Résistance mosaïque. Histoire de la Résistance et des résistants du Pays d’Aix,
Marseille, Jeanne Laffite, 1990), qui passe totalement à côté de son sujet.
24. Voir notamment Jacques Grandjonc et Thérésia Grundtner (dir.), Zones d’ombres, 1933-1944,
Aix-en-Provence, Alinéa, 1990 ; André Fontaine, Le camp d’étrangers des Milles, Aix-en-Provence,
Édisud, 1989.
25. Voir de Jean-Louis Panicacci, qui a collaboré avec les germanistes, « Les Juifs et la question
juive dans les Alpes-Maritimes de 1939 à 1945 », Recherches régionales, n o 4, 1983.
26. Mais aussi, entre autres, Lisa Fittko, Le chemin des Pyrénées, Paris, Maren Sell et cie, 1987 et
Anna Seghers, Transit, Aix-en-Provence, Alinéa, rééd. 1990.
27. Daniel Bénédite, La filière marseillaise, Paris, Clancier Guénaud, 1984.
28. Ainsi, Émile Temime (dir.), Migrance. Histoire des migrations à Marseille, tome 3, Aix-en-
Provence, Édisud, 1990 ; Jean-Louis Panicacci, « Les communistes italiens dans les Alpes-
Maritimes 1939-1945 », dans Vichy, 1940-1944. Archives de guerre d’Angelo Tasca, Paris-Milan,
Feltrinelli-CNRS, 1986, p. 155-180.
29. Jean-Pierre Azéma, Jean-Pierre Rioux et Antoine Prost (dir.), Les communistes français de
Munich à Châteaubriand, 1938-1941, Paris, Presses de la FNSP, 1987 ; Jean-Pierre Azéma et François
Bédarida (dir.), Vichy et les Français, Paris, Fayard, 1990 ; Philippe Buton et Jean-Marie
Guillon (dir.), Les pouvoirs en France à la Libération, Paris, Belin, 1994.
30. IHTP, La mémoire des Français, Paris, Éditions du CNRS, 1986 ; Alain Beltran, Robert Frank et
Henri Rousso (dir.), La vie des entreprises sous l’Occupation, Paris, Belin, 1994 ; Denis Peschanski et
Pierre Milza (dir.), Exils et Migrations. Italiens et Espagnols en France 1938-1946, Paris, L’Harmattan,
1998 ; Denis Peschanski et Jean-Louis Robert (dir.), Les ouvriers en France pendant la seconde guerre
mondiale, Paris, IHTP-CRHMSS, 1992.
31. Jean-Louis Panicacci, Les Alpes-Maritimes de 1939 à 1945. Un département dans la tourmente, Nice,
Serre, 1989.
32. Jean-Marie Guillon, La Résistance dans le Var : essai d’histoire politique, Thèse d’État sous la
direction d’Émile Temime, Université Aix-Marseille I, 1989. Accessible en ligne sur le site
var39-45.fr.
33. Paul Gaujac, La bataille de Provence, 1943-1944, Paris, Lavauzelle, 1984. Il en reprend l’essentiel
dans La guerre en Provence, 1944-1945, Lyon, Presses universitaires de Lyon, 1998, rééd. 2005 d’accès
plus facile.
34. Henri Béraud, La seconde guerre mondiale dans les Hautes-Alpes et l’Ubaye, Gap, Société d’études
des Hautes-Alpes, 1990.
35. Ralph Schor, Un évêque dans le siècle : Monseigneur Paul Rémond, 1873-1963, Nice, Serre, 1984.
36. Sapin et al., Méfiez-vous du toréador, Toulon, AGPM, 1987 et Général Chevance-Bertin, Vingt
mille heures d’angoisse, Paris, Robert Laffont, 1990.
37. Sur ce mouvement du Sud au Nord, voir Jean-Marie Guillon, « Jean Moulin et la Résistance de
zone Sud », Histoire et Défense. Les cahiers de Montpellier, hors-série, 2001, p. 33-51.
38. Soit Jean-Louis Panicacci qui était déjà maître de conférences à Nice, Robert Mencherini, qui
allait le devenir à l’Université d’Avignon, et moi qui venais d’être élu à Aix.

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