TROUBLES ALIMENTAIRES CHEZ LES ADOS ? - La news juridique

 
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TROUBLES ALIMENTAIRES CHEZ LES ADOS ?

    Depuis plus d’un an, la crise sanitaire impacte les adolescents et met également leur
    santé mentale en danger. En Belgique, les services de pédopsychiatrie constatent
    une explosion du nombre de cas de troubles du comportement alimentaire (TCA)
    chez les jeunes. Ces troubles ne sont pas évidents à appréhender, car nous les
    connaissons assez peu. Pourtant, ils sont à prendre au sérieux, et nécessitent une
    prise en charge du jeune. Essayons donc de mieux comprendre les TCA, afin de ne
    pas passer à côté.

    Quels sont les « troubles du comportement alimentaire »
    Les troubles du comportement alimentaire, aussi appelés troubles de l’alimentation,
    ou troubles des conduites alimentaires, désignent des maladies mentales chroniques liées
    à l’alimentation. Le comportement est considéré comme « anormal » parce qu’il est
    différent des pratiques alimentaires habituelles mais surtout parce qu’il a des
    répercussions négatives sur la santé physique et mentale de la personne atteinte. Neuf
    personnes touchées sur dix sont des femmes, et la maladie débute souvent à l’adolescence.

    Comme tout trouble de la santé mentale, les troubles alimentaires sont difficiles à
    répertorier et à classer. Toutefois, le Manuel diagnostique et statistique des troubles
    mentaux distingue :

       •   L’anorexie mentale (appelée aussi anorexie nerveuse) : caractérisée par un refus
           de maintenir un poids adéquat pour sa taille, une peur de prendre du poids et une
           altération de l’image corporelle. Elle se déclenche dans la majorité des cas entre
           quatorze et dix-sept ans ;

       •   La boulimie : caractérisée par un rapport pathologique à la nourriture, elle se
           manifeste par des ingestions excessives d'aliments, répétitives et durables. La
           boulimie et l’anorexie s’alternent parfois par phases. La personne atteinte met
           souvent en place des comportements compensatoires (vomissements, pratique
           intensive de sports ou jeûne) afin d’éviter la prise de poids ;

       •   L’hyperphagie : caractérisée par l’ingestion compulsive d’aliments, sans
           comportements compensatoires. Elle est souvent associée à une grande
           impulsivité, et n’est pas contrée par des comportements compensatoires, d’où
           résulte en général un surpoids. Ce trouble apparaît souvent durant l’enfance ;
•   L’alimentation sélective ;

    •   Le pica (ingestion de substances non comestibles) ;

    •   Le mérycisme (phénomène de « rumination », c’est-à-dire de régurgitations et de
        remastication) ;

    •   D’autres TCA, spécifiés ou non.

Comprendre les TCA
Les TCA sont l’expression d’un mal-être qui dépasse de loin la simple volonté de perdre
du poids ou la difficulté de construire son rapport à la nourriture. Ils sont un symptôme
exprimant une souffrance sous-jacente1.

Les TCA ont des causes multifactorielles. Des facteurs d’ordres émotionnels ou
génétiques, peuvent en être à l’origine. La maladie apparait souvent subitement, et
l’identification de ses causes peut être difficile. Dans la plupart des cas, le trouble apparait
à la suite d’un évènement déclencheur, le plus souvent un traumatisme, comme un échec
(scolaire ou non), une rupture sentimentale, un rejet. Il peut parfois s’agir d’une simple
dispute, d’une remarque mal vécue.

Les personnes qui souffrent de TCA présentent des caractéristiques psychologiques assez
semblables : le manque de confiance et d’estime de soi, l’excès de perfectionnisme ou
encore de besoin de tout maîtriser.

Dans le cas de l’anorexie, il s’agirait souvent de personnes intelligentes et
perfectionnistes, à qui le contrôle du corps donnerait un sentiment de toute-puissance. Il
s’agit généralement de personnes très sensibles. Ce trouble serait associé à un antécédent
d’abus sexuel dans 30% des cas. Dans ce cas, l’anorexie peut être une façon de se
désexualiser.2

La nourriture peut également servir d’exutoire à des problèmes émotionnels. Elle permet
de se défaire d’une pression ingérable, intérieure (un mal-être) ou extérieure (liée au
cercle d’amis, à l’école).

Parmi les souffrances engendrées par des troubles de ce type, il y a l’isolement souvent
subi. En effet, le jeune prendra ses distances avec son entourage, sortira de moins en
moins. Il craindra de s’exposer au regard des autres et de devoir manger devant eux.

Une forte augmentation liée à la crise sanitaire
Depuis le printemps 2020 et le premier confinement, les services de pédopsychiatrie
dénoncent une très forte augmentation des consultations d’adolescents, et même

1 « Les troubles du comportement alimentaire », Psychologies, 21 décembre 2010, Les troubles du
comportement alimentaire (TCA) | Psychologies.com
2 « Troubles alimentaires : le mal de la décennie chez les ados », profil, n° 158 été 2021, p. 8 et s.
d’enfants de 9 à 11 ans, liées à des troubles alimentaires, principalement des cas
d’anorexie mentale.

Malheureusement, la crise sanitaire a ouvert différentes portes d’entrée à la maladie.

La rupture du lien social et le bouleversement des repères subis durant la pandémie ont
provoqué des souffrances, ce qui a amené des difficultés émotionnelles et déclenché des
TCA chez de nombreux ados. L’alimentation est pour certains une façon de gérer
l’intensité du stress perçu, ce qui peut être à l’origine de troubles.

L’impuissance face à la crise sanitaire a ouvert la voie au contrôle du corps et de la
nourriture, qui rassure. Certains ont adapté leurs comportements de façon trop radicale
et obsessionnelle, ouvrant la porte à différentes manifestations de TCA.

Le changement de rythme imposé par la crise a permis de passer plus de temps sur les
réseaux sociaux, à consulter de manière compulsive toutes sortes de comptes, parmi
lesquels ceux des influenceurs fitness, dont les contenus favorisent l'obsession d'un corps
mince.

Les pédopsychiatres ont malheureusement constaté l’aggravation de troubles durant les
périodes de confinement à la maison. Les services spécialisés ont été débordés ces
derniers mois, et de nombreux jeunes, surtout les ados et les jeunes adultes, se sont vu
inscrits sur liste d’attente. Cet engorgement a entraîné certains patients qui auraient
normalement dû être hospitalisé à être exclusivement reçus en consultation. D’autres ont
été hospitalisés dans des services non spécialisés.3

La réaction des parents
Face aux TCA de leur ado, c’est d’abord l’incompréhension pour les parents, souvent
accompagnée d’un sentiment d’impuissance, voire de peur.

Les parents craignent de rompre le dialogue avec leur(s) enfant(s). Souvent, ils négocient.
Ils sont très démunis, et la situation ne s’améliore pas sans une aide médicale.

Il faut leur indiquer qu’il s’agit d’une véritable maladie : ni un caprice, ni un régime. Le
comportement n’est pas choisi consciemment par l’adolescent. Il le subit et en sortira
rarement seul. Un changement soudain dans le comportement alimentaire de l’ado
devrait alarmer les parents.

Le premier conseil à donner à ces parents est de se tourner vers le secteur médical. Ces
troubles nécessitent en effet une prise en charge professionnelle. De la rapidité de la prise
en charge dépendent les chances de guérison.

3
 « Conséquence du Covid, l'UZ Brussel fait face à "une augmentation vertigineuse du nombre d'enfants
souffrant d'anorexie mentale sévère" », La Libre, 16 février 2021, Conséquence du Covid, l'UZ Brussel fait face à
"une augmentation vertigineuse du nombre d'enfants souffrant d'anorexie mentale sévère" - La Libre
Une prise en charge médicale
Lors d’une rencontre avec un adolescent souffrant de TCA, le travailleur social peut l’aider
à prendre conscience de son trouble. Cette première étape permet d’enclencher le
processus qui le conduira à la guérison. Une série de signaux d’alarme doivent alerter lors
d’un échange avec un ado4 :

    •   La nourriture est sa préoccupation essentielle ;

    •   Il se pense trop gros alors que son entourage l’estime trop mince (vision déformée
        de la réalité) ;

    •   Il se fait vomir car il se sent mal d’avoir trop mangé ;

    •   Il estime avoir perdu le contrôle sur son alimentation ;

    •   Il a récemment perdu un poids important sur une courte période ;

    •   Il a des antécédents de maladies psychiatriques (dépression, troubles d’anxiété,
        addictions).

Une fois le TCA suspecté, il faudra guider le jeune vers une prise en charge médicale. Le
temps joue contre le malade. En effet, plus le trouble s'installe dans la vie d’une personne,
plus les comportements alimentaires néfastes s’amplifient.

Dès les premiers signes, il faut réagir et convaincre le jeune de consulter un psychologue
et un nutritionniste. Une thérapie individuelle ou familiale pourra être mise en place.
L’ado peut également rejoindre un groupe de soutien.

Si nécessaire, le jeune pourra être orienté vers un service clinique spécialisé dans les TCA.
Il y sera pris en charge par une équipe multidisciplinaire qui appréhendera la maladie
dans toutes ses dimensions (somatique, psychique, physique, familiale...). Dans des cas
graves, la prise en charge nécessitera une hospitalisation.

L’aggravation de la maladie entrainera de lourds problèmes physiques, psychologiques et
relationnels potentiellement très destructeurs dans toutes les dimensions de la vie de
l’adolescent.

Le travail de première ligne des travailleurs sociaux est à la base du processus de
guérison, il est donc essentiel pour une maladie qui tarde souvent à être considérée
comme telle.

4« Troubles du comportement alimentaire : mieux dépister pour traiter précocement », Correspondances
en Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition - Vol. XV - nos 9-10 - novembre-décembre 2011
Prise de                                           Prise en                                        guérison
       conscience                                          charge

    Votre niveau d’intervention :
      détection et orientation

Le long chemin vers la guérison
À long terme, les troubles alimentaires engendrent de graves répercussions sur
l’organisme : une déshydratation des ongles, des cheveux, et de la peau, de l’hypoglycémie
jusqu’au coma, une déshydratation et une perte de potassium (en cas de vomissements
répétés), de l’ostéoporose (donc un risque de fractures plus important), des troubles
hormonaux et de la sexualité (troubles endocriniens), l’infertilité (transitoire), et même
la mort.5

Le taux de guérison d’un TCA est de l’ordre de 30 à 40%, et le processus est délicat. Les
TCA sont des maladies chroniques et les rechutes sont fréquentes. Il est courant que la
personne atteinte arrive à un stade grave de la maladie et que la souffrance provoque
alors un déclic. Les projets personnels, comme l’envie de pratiquer un sport, ou le projet
parental, sont un efficace vecteur de guérison.6

Quelles perspectives ?
La fin de la crise sanitaire ne coïncidera pas forcément avec un retour aux chiffres
antérieurs. Avec le déconfinement vient la reprise d’une vie sociale et donc, le retour du
regard des autres, qui peut être source de peur et de stress.

Soyons donc vigilants, et sachons détecter un désordre de type TCA, qui ne sera que
rarement exprimé directement par le jeune en difficultés.

                                                               ***

                                               Dernière mise à jour : 15 juillet 2021

       Dans cette news juridique, le masculin est utilisé comme genre neutre et désigne aussi bien les femmes que les hommes

5 « L'anorexie, le régime qui ne s'arrête plus », le ligueur, 14 avril 2015, L'anorexie, le régime qui ne
s'arrête plus < Le Ligueur (laligue.be)
6 « Troubles alimentaires : le mal de la décennie chez les ados », profil, n° 158 été 2021, p. 8 et s.
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