UNE BAISSE DE LOYER DE 130 FRANCS PAR MOIS ILS NE SONT PAS PRÈS DE DISPARAÎTRE - SENIORS - Asloca
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DROIT AU LOGEMENT Le journal de l’ASLOCA No 224 / mars 2016 www.asloca.ch CLG DOSSIER SENIORS QUAND ARRIVE LA FIN DU BAIL 1211 GENÈVE 1 POSTCODE 1 JAB TIRÉ À 89995 EXEMPLAIRES NO 224/ MARS 2016 JOURNAL DE L’ASLOCA DROIT AU LOGEMENT 1211 GENÈVE 1 CASE POSTALE 2104 FÉDÉRATION ROMANDE ASLOCA VAUD LA PREUVE PAR LES LOYERS DU QUARTIER UNE BAISSE DE LOYER DE 130 FRANCS PAR MOIS EUROPE LES BIDONVILLES ILS NE SONT PAS PRÈS DE DISPARAÎTRE
DROIT AU LOGEMENT Le journal de l’ASLOCA SOMMAIRE L’ÉDITO N 224 / mars 2016 o LE MESSAGE DE L’ASLOCA p.3 Etre chassé de son logement est une épreuve douloureuse. Plus on y sera resté longtemps, EUROPE plus la douleur sera intense, peut-être même Les bidonvilles p.4-5 perturbante. Pour éviter de se compliquer la vie avec des locataires longue durée, de SUISSE plus en plus de gérances proposent des baux Bilatérales: aucune mesure pour un nombre d’années défini. Histoire pour le marché du logement p.6 d’empêcher le locataire de s’installer... à vie. Cruelle réalité. Le dossier des pages 7 à 10 tente d’encourager les DOSSIER locataires à penser à leur avenir et à solliciter des conseils, voire Seniors: quand arrive la fin du bail p.7-10 une aide financière, notamment auprès de leur commune, pour se garantir une retraite à l’abri de ce genre de bouleversements. FRIBOURG Demande de baisse de loyer p.11 Vous pourrez découvrir dans ce journal que les bidonvilles existent aussi près de chez nous (pages 4-5). Et peut-être ne VAUD vous étiez-vous pas rendu compte que le Conseil fédéral a Politique du logement: relancé le processus sur la problématique de nos relations bi- C’est reparti pour un tour p.12 latérales avec l’Europe, mais sans aucune allusion aux difficul- tés du marché du logement (page 6). Dans le canton de Vaud, VAUD la politique du logement est sortie de son impasse en déposant La preuve par les loyers du quartier p.13 la balle dans le camp du Grand Conseil (page 11). A suivre. Le canton de Genève est en passe de devenir un ghetto pour les lo- GENÈVE cataires riches (page 14). Quant aux conseils de base, n’oubliez Tout le monde a le droit pas qu’un bailleur doit apporter la preuve des loyers du quar- de vivre à Genève p.14 tier et ce n’est pas évident du tout, que les congés économiques ne sont pas acceptables et que les demandes de baisse de loyer PERMANENCES ASLOCA p.15 sont toujours d’actualité. VOS DROITS Bonne lecture! Les congés économiques p.16 Claire-Lise Genoud Rédactrice en chef (en couverture) Marie-Antoinette va fêter cette année ses 90 ans, avec son mari elle a toujours été locataire de son appartement. DROIT AU LOGEMENT Journal de l’ASLOCA Rédactrice en chef: Diffusion: Comité de rédaction: Claire-Lise Genoud Membres des sections de Anne Baehler Bech, Christian Case postale 2104 l’ASLOCA Romande et abonnés Dandrès, Christelle Guélat Koller, 1211 Genève 1 Marie-Claire Jeanprêtre-Pittet, Graphisme: Emilie Moeschler, Carlo Sommaruga, claire-lise.genoud@asloca.ch Madame Paris/Alexandra Ruiz François Zutter Correction: Ont aussi contribué à ce numéro: Editeur: Elisabeth Gobalet Simon Chatagny, Caro, Pierre ASLOCA Romande Schilling, Nicole Tille, Tom Tirabosco Paraît cinq fois par année Case postale 2104 Impression: Centre d’Impression Abonnement 13 francs/an 1211 Genève 1 des Ronquoz, Cir-SA, Sion 2 — Droit au logement • Mars 2016 n° 224
LE MESSAGE DE L’ASLOCA par Carlo Sommaruga Secrétaire général de l’ASLOCA Romande LE MÉPRIS DES VIEUX «Depuis plus de dix des locataires âgés entre 65 et 74 ans, alors même ans, les marchés que cette tranche d’âge ne représente que 12% immobiliers suisses de la population et que ce taux s’élève à 16% évoluent dans des pour les plus de 75 ans, alors que cette tranche sphères quasi pa- d’âge ne représente que 10% de la population. radisiaques: prix Une surreprésentation choquante lorsque l’on et loyers en per- sait les difficultés des personnes âgées à sup- pétu elle c ro is - porter un déménagement et à changer de lieu sance, demande de vie en raison de la perte du réseau social inlassable et taux de vacance bas, le tout motivé construit au fil des ans. Mais, si les personnes par des taux d’intérêt plancher.» C’est avec âgées sont plus particulièrement visées par cette phrase que le Credit Suisse entame son les congés, c’est qu’en raison de la durée des rapport 2016 sur le marché immobilier suisse. contrats résiliés le niveau du loyer est infé- Une phrase qui montre le profond mépris que rieur à celui résultant d’un marché de pénurie les milieux bancaires et immobiliers portent à et que la dès lors marge de hausse de loyer lors la situation des locataires. En effet, comment de la relocation permet d’atteindre – selon le pouvoir parler de paradis lorsque les loyers langage du Credit Suisse – des rendements pa- augmentent, que des femmes et des hommes, radisiaques. Cela s’appelle le mépris des vieux! actifs ou retraités, en famille ou vivant seuls, ne trouvent pas à se loger à des conditions fi- Contre ce mépris des vieux, le Conseil na- nancières acceptables et qu’ils doivent recou- tional peut agir en acceptant la motion de- rir, quand c’est possible, aux prestations so- mandant au Conseil fédéral de proposer une ciales de l’Etat. Que penser d’une banque qui protection des personnes âgées et des familles se félicite – sans aucune vergogne – que dans contre les congés. C’est une obligation morale le secteur des immeubles locatifs, appelé pu- et sociale du Parlement de l’accepter, car il est diquement immeubles résidentiels de rende- intolérable que les investisseurs immobiliers ment, «les investisseurs obtiennent un rendement accèdent au paradis uniquement en vouant à direct de trois points de pourcentage supérieur à l’enfer les locataires, notamment les plus âgés celui des emprunts de la Confédération à dix ans», et les plus vulnérables de notre pays! soit un rendement maximal global nettement supérieur à celui fixé dans la législation. Quasi simultanément la presse se faisait l’écho d’une étude de la HES Lucerne mon- trant que 32% des résiliations de bail touchent Droit au logement • Mars 2016 - n° 224 — 3
EUROPE HABITATIONS PRÉCAIRES LES BIDONVILLES NE SONT PAS PRÈS DE DISPARAÎTRE Alors que, dans les années 1970, on pensait recensait 75 000 personnes vi- la règle. Il suffit de se référer que les habitations précaires dans nos pays vant dans les bidonvilles de au plus connu des bidonvilles France. Aujourd’hui, les es- de Lisbonne, Cova de Moura, d’Europe n’étaient qu’un phénomène passager, timations des organisations qui, grossissant régulièrement on ne peut qu’assister aujourd’hui à la cruelle françaises engagées contre la au cours des trente dernières réalité d’une situation qui ne cesse d’empirer. discrimination en matière de années, a atteint aujourd’hui logement s’élèvent à 3,5 mil- plus de 7000 âmes. Carlo Sommaruga du siècle passé, l’importance lions de personnes vivant sans Secrétaire général des règles de non-discrimina- logement ou très mal logées, Migrations Asloca Romande tion au sein de l’Union euro- dont environ 20 000 dans des internes ou externes péenne, le phénomène n’a bidonvilles. En Europe, comme partout Lorsqu’on parle de bidon- pas été éliminé. Au contraire, En Italie le recensement de dans le monde, les bidonvilles villes on pense aux favelas qui on assiste à sa brutale résur- 2011 a révélé qu’en dix ans, sont le produit de migrations surplombent Rio de Janeiro, gence, comme nous l’a rappelé soit depuis 2001, le nombre internes ou externes, qui sont aux ciudades perdidas qui cein- le pape François en 2015 lors des habitants se déclarant elles-mêmes la conséquence turent Mexico City. On pense de sa visite surprise et média- vivre dans des roulottes, des de politiques discriminatoires aussi à Kibera, situé au sud de tisée dans l’un des bidonvilles baraques, sous tente ou dans et répressives, de politiques Nairobi, en Afrique, consi- économiques induisant la déré comme le plus grand marginalisation des laissés- “ bidonville d’Afrique, passé de pour-compte ou de catas- quelque 7000 habitants dans trophes environnementales, les années 1960 à plus d’un Les bidonvilles sont naturelles ou non. million aujourd’hui. L’Europe n’est pas associée à l’idée de le symptôme Contrairement à ce que laissent sous-entendre les bidonvilles. Et pourtant…. d’un mal-développement reportages événementiels réa- Aussi en Europe économique et social produisant lisés à la va-vite, sans exper- tise et analyse sociale pré- Dans tous les pays d’Eu- marginalisation et exclusion cise, tout particulièrement ” rope à la fin des années 1970, lorsque les habitants de ces on imaginait que les bidon- taudis sont des Roms ou des villes allaient disparaître. On réfugiés d’une même natio- pensait que la mise en œuvre des abords de Rome. En ce des conditions similaires, nalité ou d’une même région, de politiques publiques, sou- début 2016 l’évacuation et la avait triplé, en passant de les bidonvilles ne sont abso- vent autoritaires comme le destruction de la «Jungle» de 23 000 à 71 000 personnes, lument pas l’expression d’un relogement des populations Calais, ce bidonville de près sans compter les 50 000 sans- comportement ethnique ou concernées dans de nouvelles de 3000 réfugiés vivant dans abri dormant dans la rue. culturel de leurs habitants. Il cités et la démolition des lieux l’espoir de rejoindre l’Angle- En Espagne la situation est ainsi intéressant de relever d’habitation insalubres, pré- terre, fait écho aux nombreux n’est pas très différente. que les favelas brésiliennes caires et illégaux, permettrait délogements et expulsions de L’estimation des «sin techo», et les bidonvilles des années de dissiper le cauchemar d’un Roms de logements de fortune c’est-à-dire des sans-abri, 1960 entourant Milan, en Ita- «infrahabitat». Malheureu- partout en Europe. varie selon les sources entre lie, trouvent de manière iden- sement, si ces politiques ont 25 000 et 40 000 personnes, tique leur origine dans l’exode massivement réduit le phé- Vivre dans la marginalité mais le chiffre exact des habi- rural massif qui déversait des nomène des bidonvilles, elles Combien sont-ils ainsi à tants vivant dans les chabo- dizaines de milliers de nou- n’ont pas réussi à l’éradiquer. vivre dans la marginalité des las, nom espagnol donné aux veaux arrivants vers les villes. Les autorités ont en effet né- bidonvilles en Europe? Il faut bidonvilles, présentes du sud Sans le sou et sans logement, gligé une donnée essentielle: le dire d’emblée, il n’y a pas au nord dans toutes les villes ces populations se sont adap- les bidonvilles – ici comme de chiffres précis, car dans la d’une certaine importance, tées à leur nouvelle réalité en ailleurs – sont le symptôme plupart des pays européens les reste inconnu. A Madrid construisant des maisons de d’un mal-développement éco- autorités ont préféré ignorer par exemple il y a encore au fortune dans des espaces ur- nomique et social produisant cette blessure sociale plutôt moins dix bidonvilles, certes bains libres mais interdits. marginalisation et exclusion. que de la chiffrer et de la car- de petite taille, mais dont la Depuis dix à quinze ans, Ainsi, malgré le développe- tographier. Dans les années population croît de nouveau. les bidonvilles se développent ment économique de la fin 1960, ATD Quart Monde Le Portugal n’échappe pas à de nouveau en regroupant les 4 — Droit au logement • Mars 2016 n° 224
EUROPE HABITATIONS PRÉCAIRES KEYSTONE/MAXPPP/©Francois Lafite/Wostok P ress Evacuation au petit matin des 400 Roms du bidonville situé sur la Petite Ceinture du boulevard Ney dans le XVIIIe arrondissement de Paris le 3 février 2016. milliers de migrants ou de plus récemment des Afghans, rant leur présence, ont refusé milliers de migrants pris au réfugiés arrivés sous nos lati- des Irakiens et des Syriens. d’intégrer. piège entre des lois qui les tudes dans l’espoir d’y trou- L’absence de coordination empêchent de rejoindre leurs ver un improbable eldorado Présence tolérée européenne et de politiques proches ou leur communau- véhiculé par les images satel- mais intégration refusée nationales volontaristes d’in- té déjà sur place dans l’un litaires des télévisions euro- Dans les bidonvilles les tégration des centaines de ou l’autre pays européen et péennes. plus anciens, on trouve des milliers de réfugiés quittant l’impossible retour dans leur Selon les pays et les villes, populations qui ont réussi à les champs de bataille d’Irak pays d’origine, dévasté par la on y trouve des Latino-Amé- survivre grâce à des emplois et de Syrie risque de nour- guerre, la crise économique ricains, des Nord-Africains, précaires, mais que les socié- rir de nouveaux bidonvilles, ou les perturbations clima- des Africains subsahariens et tés européennes, tout en tolé- tels ceux de Calais, avec ces tiques. Droit au logement • Mars 2016 - n° 224 — 5
SUISSE BILATÉRALES AUCUNE MESURE POUR LE MARCHÉ DU LOGEMENT Le Conseil fédéral tection du marché du travail 2013 et 2014, ce sont près de analystes du marché immobi- vient de relancer en saisissant le Parlement de 11 000 personnes de moins qui lier, table encore sur une aug- divers messages. L’un porte ont rejoint la Suisse et, entre mentation des loyers en 2016, le processus sur la sur la ratification du protocole 2014 et 2015, ce sont 2500 de certes de moindre importance problématique des relatif à l’extension de la libre plus qui ont renoncé à venir en que les années précédentes, relations bilatérales circulation des personnes à la Suisse. Cette évolution devrait mais en contradiction avec les avec l’Europe, mais Croatie. Un autre porte sur les se confirmer en 2016, avec un facteurs légaux de fixation du sans aucune mesure mesures de mise en œuvre de solde migratoire de 70 000 per- loyer. l’article 121a de la Constitution sonnes, notamment en raison L’i nd ice du pri x à l a d’accompagnement fédérale prévoyant une clause de la stagnation du marché consommation a été négatif pour le marché de sauvegarde (du marché du du travail, due aussi au franc en 2015 et sera probablement du logement. travail) pouvant être mise en fort. Toutefois, la pression sur stable en 2016. De plus, le taux œuvre de manière unilatérale le marché du logement reste d’intérêt de référence pour la Carlo Sommaruga par la Suisse. Un troisième forte avec 70 000 nouvelles fixation des loyers est au plus Secrétaire général message aborde les nouvelles personnes à loger, auxquelles bas et devrait entraîner une Asloca Romande mesures d’accompagnement il faut ajouter la demande baisse massive des loyers au pour le marché du travail. croissante de logements pour profit de l’ensemble de la po- Le processus de consolida- les réfugiés arrivés en 2015 et pulation et au bénéfice de la tion du cadre convention- Mesures d’accompagnement ceux – tout aussi nombreux – consommation interne et de nel entre la Suisse et l’Union pour le marché du logement qui arriveront cette année. l’économie. Européenne (UE) avec une Malgré les demandes de amélioration des mesures l’ASLOCA de mesures d’ac- Besoins réels Passivité d’accompagnement et une ga- compagnement pour le Comme le fait remarquer au niveau fédéral rantie de leur pérennité a été marché du logement, rappe- le Credit Suisse dans l’édi- Avec un ministre de l’Eco- brutalement bloqué suite à lées à de nombreuses reprises tion 2016 de son rapport sur nomie assumant la responsabi- l’acceptation de justesse par aux autorités fédérales et éga- le marché immobilier, la pro- lité sociale de son rôle plus que le peuple suisse de l’initia- lement relayées par les partis duction de logements loca- celui de gardien des dogmes tive «Contre l’immigration de de gauche, aucune mesure tifs a crû de manière sensible du libéralisme économique, masse» le 9 février 2014. dans ce domaine n’est pro- et ininterrompue depuis 2009 on aurait pu compter, au posée. Or il apparaît que pour atteindre un niveau de moment du passage du dossier Refus de l’extension de telles mesures seraient 24 000 nouvelles unités par européen au Parlement, sur à la Croatie des mesures d’accompagne- “ Ce vote a amené le Conseil ment concrètes à la libre cir- fédéral à refuser de signer le culation des personnes pour le protocole d’extension de la La pression sur le marché marché du logement. libre circulation des personnes L’attitude passive du chef (LCP) à la Croatie. Face à du logement en Suisse du Département de l’écono- cette décision, l’UE a pris des reste forte avec la demande mie, de la formation et de la re- mesures de rétorsion contre cherche, qui se contente d’at- la Suisse en suspendant notre croissante de logements tendre que le marché résorbe pour les réfugiés ” pays de la pleine participation dans quelques années la crise au programme européen de du logement – ce qui ne s’est recherche Horizon 2020 et au jamais produit de manière programme de circulation des encore nécessaires puisque le année mises sur le marché. Un continue – relève pour les loca- étudiants Erasmus. marché immobilier est inca- chiffre élevé mais en deçà des taires suisses d’une négligence pable de résorber la pénurie besoins générés par la popula- coupable dont ils subissent les Relance du processus de logements dans les centres tion supplémentaire. conséquences quotidienne- Le Conseil fédéral vient urbains au fort développe- L’étude du Credit Suisse ment dans leurs conditions de de relancer le processus poli- ment économique. montre aussi que, si l’on assiste vie ou la gestion du budget de tique interne sur la probléma- à une détente dans les zones leur ménage. tique des relations bilatérales Moins de migration rurales, tel n’est pas le cas dans Un scandale de plus pour avec l’UE et la mise en œuvre Certes on assiste à un tas- les grandes agglomérations. un ministre vraiment en de nouvelles mesures d’ac- sement non négligeable du D’ailleurs cet établissement panne et insensible à la situa- compagnement pour la pro- solde migratoire. Ainsi, entre bancaire, comme d’autres tion sociale des plus fragiles! 6 — Droit au logement • Mars 2016 n° 224
DOSSIER SENIORS «JE PASSE ENCORE PAR TOUTES SORTES D’ÉTATS» Selon une étude CLG de la HES de Lucerne, de plus en plus de personnes âgées reçoivent leur congé. Comment expliquer cette tendance qui oblige une personne à quitter un logement qu’elle habite depuis plusieurs dizaines d’années? Claire-Lise Genoud Rédactrice en chef Droit au logement Elle peine à se souvenir du jour où elle a appris la nou- velle. Mais elle n’a pas oublié: «Je dois quitter mon apparte- ment.» A 88 ans, Claire, un prénom d’emprunt, celui de sa mère, parce qu’elle ne sou- haite pas se mettre en avant, est toute pardonnée. C’est dans sa nature. Une belle âme. On la rencontre, on l’adore immé- diatement. Tout s’emmêle ces temps dans la tête de Claire, il faut dire qu’elle vient déjà de devoir prendre une décision douloureuse. Récemment sa voiture n’a pas voulu démar- rer. Alors elle a fait à pied le tour du quartier puis elle est rentrée chez elle et a choisi d’y renoncer. Pas évident de vivre sans sa voiture. Tant pis! A 88 ans, Claire vient de recevoir son congé. Elle va devoir renoncer à certains de ses meubles, Avec ce même aplomb, ce mais elle tient à conserver ce petit cheval déniché chez un antiquaire tout près de chez elle. même genre de résolution, elle a accepté d’aller visiter de résilier mon bail. Comment le même quartier. «Je suis déjà en évidence les côtés posi- l’appartement que la gérance savoir? Oh!, ce n’est pas facile. soulagée de pouvoir rester proche tifs: «Je vais avoir un balcon lui propose en remplacement Je passe encore par toutes sortes de chez moi. Ici je connais les côté levant et un autre côté cou- du sien pas très loin de chez d’états.» gens. On se salue.» Bien sûr chant. Ils donnent tous les deux elle. «Au début, j’ai dit à tout elle ne va plus avoir la vue sur le gazon et les arbres. C’est le monde que je trouvais cela Depuis son mariage côté sud et son nouvel appar- bien.» Elle laisse alors son injuste, que l’on ne pouvait pas Cela va faire trente-huit tement sera presque deux fois regard se poser autour d’elle demander à une dame de mon ans que Claire a emménagé plus petit, mais elle accepte. et se murmure à elle-même: âge de déménager, et puis je me avec son mari dans cet appar- De sa voix feutrée qui tente de «Il y a tellement de souvenirs suis dit que peut-être les proprié- tement. Depuis leur mariage cacher les larmes au fond de dans cet appartement, tant de taires avaient de bonnes raisons ils ont toujours vécu dans le ses yeux, elle cherche à mettre souvenirs…» Droit au logement • Mars 2016 - n° 224 — 7
DOSSIER SENIORS QUAND ARRIVE LA FIN DU BAIL Etre chassé du logement que l’on occupe depuis vingt, trente ou quarante tés, ni ne les invitent à envisager ans représente un stress que les acteurs du milieu immobilier ne cherchent un déménagement vers un ap- partement plus petit ou mieux pas à atténuer. Entre manque de vision et idées préconçues, la situation adapté à leur mobilité allant se des locataires de plus de 65 ans ne va pas aller en s’améliorant. réduisant.» La population de Suisse vieil- sonne sur quatre». Logique- en être conscients, souligne lit. Selon une étude réali- ment il n’est pas faux d’ima- l’auteure de l’étude, Dr Joëlle 32% des résiliations sée par la HES de Lucerne, giner que de plus en plus de Zimmerli: «Ils ne développent concernent les seniors «d’ici à 2020, une personne locataires seront des retraités. aucune stratégie pour gérer ce Les résultats de l’étude sur cinq aura plus de 65 ans Les acteurs de l’immobilier changement, ne cherchent pas à lucernoise mettent en lumière et, d’ici à 2030, une per- ne semblent pourtant pas connaître les besoins des retrai- un phénomène peu louable. «32% des résiliations de bail touchent les plus de 65 ans alors «18,7% DES LOCATAIRES DE LA VILLE DE GENÈVE TOUCHENT L’AVS» qu’ils ne représentent que 12% de la population.» Comment Interview de Sandrine Salerno, conseil- quitter son logement sous la contrainte. expliquer une telle situation? lère administrative en charge du dépar- Pour l’auteure de l’étude, il tement des finances et du logement à la Est-ce que la Ville de Genève a été ame- existe plusieurs explications, Ville de Genève. née à devoir reloger des personnes de notamment le fait qu’au bout plus de 65 ans qui avaient été expulsés d’un certain nombre d’années Est-ce que la Ville de Genève a pris des de leur logement? un propriétaire se doit d’ef- mesures pour éviter qu’un locataire de Nous ne tenons pas de statistiques sur ce point, fectuer des transformations. plus de 65 ans doive quitter son loge- je ne peux donc pas vous répondre. Il en profite – trop souvent – ment? pour résilier les baux afin de Les loyers sociaux pratiqués en Ville de Ge- Quelle est la proportion des locataires pouvoir relouer plus cher à nève font que les personnes à l’AVS (voire au de la Ville de Genève de plus de 65 ans? des candidats plus jeunes. bénéfice des prestations complémentaires) ont 18,7% de nos locataires touchent l’AVS. un loyer calculé en fonction de leurs moyens. Manque de vision de Cela permet de conserver une proportionna- Quelle est votre politique en la matière? l’avenir du marché locatif lité entre le loyer demandé et les revenus des La Ville de Genève déploie depuis de nom- Joëlle Zimmerli regrette ce personnes âgées, et évite ainsi les éventuelles breuses années une politique sociale du loge- manque de vision de l’avenir problématiques de résiliation pour arriérés de ment, dont l’objectif est de permettre aux per- du marché des locations. Plu- loyer. Quant aux cas de sous-occupation mani- sonnes, qui ont le plus de difficultés à obtenir un tôt que de chercher à diver- feste (par exemple une personne seule dans un bail auprès de propriétaires privés, de trouver sifier la population d’un im- appartement de cinq pièces), ils sont très rares un logement adapté à leurs besoins et à leurs meuble, les gérances préfèrent et se règlent toujours à l’amiable. Soit une solu- revenus. Dans ce cadre, l’attention portée aux attribuer au premier venu tion de relogement est possible et acceptée par personnes âgées est naturellement forte. montrant sa fiche de paie. Et la personne âgée, qui souvent demande elle- ce ne sera certainement pas même à changer pour un logement plus petit, Pensez-vous qu’il faut protéger les loca- un candidat de plus de 65 ans. soit la sous-occupation est tolérée. Au final, je taires âgés de certains types de résilia- Tout simplement parce qu’il n’ai connaissance d’aucune situation depuis tion? n’a plus de fiche de paie, mais 2009 où un locataire de plus de 65 ans ait dû Oui, bien sûr. La résiliation de bail peut avoir des des rentes (AVS, 2e pilier, conséquences dramatiques pour les personnes 3e pilier et prestations com- DR âgées. Souvent, elles vivent depuis des années plémentaires) et que les gé- dans leur logement; elles y ont construit une vie, rances le considèrent – à tort elles y ont tous leurs souvenirs, leurs repères. Au – comme moins solvable. choc immense de devoir quitter ce cocon s’ajoute Quand on observe l’ins- la difficulté à trouver un nouveau logement. A tabilité du marché du travail Genève, avec la pénurie qui sévit, cela s’appa- et les changements profes- rente à un véritable parcours du combattant. La sionnels qui s’accélèrent dès seule exception me semble être le cas où une les premières années hors du personne âgée voit sa situation financière chan- cocon de la formation, on se ger drastiquement et qu’elle occupe ainsi un lo- demande ce qu’attendent les gement à caractère social alors que d’autres en acteurs immobiliers pour se auraient beaucoup plus besoin. Dans ces cas, pencher sur la question de Pour Sandrine Salerno, «la résiliation l’âge précis est déterminant: si la personne a la stabilité et de la solvabi- de bail peut avoir des conséquences plus de 75 ans, il n’y a de toute manière pas de lité des locataires du troisième dramatiques pour les personnes âgées». relogement sans son accord. âge, voire du quatrième âge. C’est sûr, plus on prend de 8 — Droit au logement • Mars 2016 n° 224
DOSSIER SENIORS l’âge, plus on a besoin de l’énergie de le faire? est passé des petites annonces Sarine. Plus cool, plus design, temps pour se décider et évi- Aujourd’hui, pour obtenir dans le journal aux moteurs plus lisible d’un seul balayage demment pour entreprendre visuel, il scotche l’internaute “ un déménagement et vider un à l’écran et l’absorbe. Gagné! espace où l’on a pris ses habi- Ou alors Facebook, pas le tudes de vie. 40% des retraités de plus de mur de sa propre page car beaucoup trop limitatif, mais A la vitesse d’Internet 65 ans utilisent Internet et 20% des groupes sur lesquels on pour les plus de 80 ans ” Tout va trop vite de nos peut s’inscrire et être informé jours et rien ne favorise l’ac- d’une nouvelle offre. «Capté?» cès à un nouveau logement lance Camilla, 27 ans, qui a aux personnes qui n’ont plus un logement, on ne peut plus de recherche, suivis des «liké» les groupes Facebook 20 ans. Même les communes échapper à la Toile. Il faut y sites d’offres et de demandes concernant les logements va- ne s’en préoccupent guère. suivre les tendances. Selon comme Anibis ou Ricardo. cants à Lausanne et balancé Ne serait-ce pas à elles de lan- l’étude Wohnung de la Ville Obsolète ce genre de sites est en même temps sur son profil cer des campagnes pour sen- de Zurich «40% des retraités en train de céder son espace WhatsApp qu’elle libérait son sibiliser les seniors à penser de plus de 65 ans utilisent Inter- virtuel à des plates-formes studio zurichois pour infor- à leur retraite tout en restant net et seulement 20% des plus d’échange qui montent comme mer d’un coup d’œil tous ses dans leur village ou leur quar- de 80 ans». Ronorp ou La vie dans ta contacts! tier avant qu’ils n’aient plus En moins de dix ans, on ville. Hyper tendance outre- Claire-Lise Genoud Droit au logement • Mars 2016 - n° 224 — 9
DOSSIER SENIORS «LES RETRAITÉS PEUVENT COMPTER SUR LES PRESTATIONS COMPLÉMENTAIRES» Président du Conseil national en 2015, Selon une étude de la HES dérer. Stéphane Rossini a siégé durant seize ans de Lucerne, «32% des résiliations touchent des Selon vous, est-ce que cette à la Chambre basse. Aujourd’hui professeur de locataires âgées entre 65 crainte de l’insolvabilité des politiques publiques à l’Université de Genève et 74 ans alors que cette seniors est fondée? et à l’Université de Neuchâtel, le Valaisan est tranche d’âge ne représente Le niveau de vie des retraites consultant en politiques sanitaires et sociales que 12% de la population». est une préoccupation poli- à Haute-Nendaz et préside la Commission Comment expliquez-vous ce tique majeure. Pour les caté- fédérale AVS-AI. Spécialiste des assurances pourcentage? gories socio-professionnelles Stéphane Rossini. Cette les plus défavorisées, une sociales, il s’est penché sur la question de la phase de la vie induit de faible retraite sans réduction solvabilité des personnes à la retraite. Interview. nombreuses transformations, du coût du loyer peut claire- à la fois professionnelles et ment poser problème et pro- des modes de vie. Ainsi, la voquer de la précarité, voire DR cellule familiale évolue, tout de la pauvreté. L’augmenta- comme les besoins en espace tion des prestations complé- de logement. Les aspirations mentaires démontre que les personnelles et les contraintes rentes sont pour beaucoup physiques, par exemple encore trop basses. l’entretien d’une maison ou d’un appartement, incitent à Quelles sont les prestations revoir l’adéquation du cadre sociales qui peuvent venir d’habitation. Cela explique, en aide aux seniors? en partie du moins, la pro- Au niveau fédéral l’AVS portion de résiliations de bail. couvre le minimum vital, mais On peut voir également dans pas toujours! Avec la LPP les ce processus une dynamique rentiers devraient pouvoir positive qui vise à améliorer s’en sortir, à partir de 2025 du la qualité de vie des seniors moins lorsque tous les assurés par une meilleure adéquation auront pleinement cotisé au entre logement et situation système. Il faut donc encore personnelle et familiale. compter avec les prestations complémentaires. Elles sont Pensez-vous que les bail- un droit. Les rentiers ayant leurs craignent une certaine des difficultés doivent les «insolvabilité» des seniors? solliciter. Ils peuvent se ren- Par définition, la retraite pro- seigner au bureau communal voque une baisse de revenu. AVS, à la caisse de compensa- Le système des «trois piliers» tion ou au service social com- composé de l’AVS, de la LPP munal ou régional de leur do- et des prestations complé- micile. Les PC sont financées mentaires (PC) considère par la Confédération pour as- que le niveau de vie est main- surer le minimum vital défini tenu lorsque les prestations dans la Constitution. Et puis, de vieillesse correspondent ultime recours, si les gens ne à 60% du revenu antérieur. parviennent pas à s’en sortir: Le terme d’insolvabilité me l’aide sociale. Elle est allouée semble trop fort pour caracté- par la commune. C’est un riser le phénomène. Si le reve- droit social, auquel il ne faut nu est un élément de choix dé- pas avoir honte de prétendre. terminant, l’état de santé ou la Les prestations du système de volonté de réduire le volume santé peuvent aussi venir en de logement disponible – les aide aux seniors tout comme enfants n’étant plus là et libé- celles des associations (Pro rant des pièces devenues vides Senectute, etc.). mais coûteuses – ou l’intensité des contraintes d’entretien Propos recueillis sont aussi des motifs à consi- par Claire-Lise Genoud Selon Stéphane Rossini, «le niveau de vie est maintenu lorsque les prestations de vieillesse correspondent à 60% du revenu antérieur». 10 — Droit au logement • Mars 2016 n° 224
ASLOCA FRIBOURG BAISSE DU LOYER TEL SERA BIENTÔT PRIS QUI CROYAIT PRENDRE Une année après avoir obtenu une baisse de loyer, certains habitants d’un immeuble fribourgeois ont décidé de contester l’augmentation de loyer qui compense la baisse obtenue. A suivre. Simon Chatagny Avocat-conseil Asloca Fribourg Confrontés à la baisse du taux hypothécaire de référence à 2%, un certain nombre de locataires d’un immeuble fribourgeois ont requis une baisse de loyer à leur bail- leresse. Lors de l’audience de conciliation, laquelle s’est tenue au mois d’avril 2014, ladite bailleresse n’eut d’autre choix, face à l’évidence du bien-fondé des demandes de du quartier. Et, comme un la précédente d’ailleurs! - fixation du loyer s’élève à un ses locataires, que d’accepter heureux hasard, cette hausse semble incontestable. Quant minimum de sept à huit ans de réduire les loyers en ques- venait précisément compen- à la hausse de loyer notifiée selon le Tribunal fédéral. tion. ser les baisses de loyer accor- au mois de novembre 2015 dées un peu plus d’une année par le bailleresse, elle apparaît Aucune hypothèse remplie Réaction de la bailleresse auparavant… La trouvant un clairement abusive. En l’occurrence, aucune de L’histoire aurait ainsi dû en peu saumâtre, une partie des Cette affaire est en effet ces hypothèses n’est remplie, rester là pour ces locataires locataires concernés ont eu l’occasion de rappeler que le la dernière fixation du loyer qui n’avaient finalement obte- le bon réflexe de consulter bailleur ne peut se prévaloir ne datant que de dix-neuf nu que ce à quoi ils avaient l’ASLOCA. qu’exceptionnellement de la mois environ. manifestement droit. C’était méthode absolue pour majo- toutefois compter sans l’ima- Avec l’aide de l’ASLOCA rer le loyer en cours de bail, Cette affaire n’étant gination de leur bailleresse Assistés d’un avocat-conseil, soit uniquement dans les cinq pas encore terminée à ainsi que de sa représentante, ils ont donc bien évidemment hypothèses suivantes: l’heure de la rédaction une régie de la place! Quelle commencé par contester les- • une réserve de hausse fon- du présent article, il n’est ne fut en effet pas la sur- dites augmentations par- dée sur un facteur absolu a guère possible d’en donner prise des locataires de cet devant la Commission de valablement été formulée par l’épilogue. Il y a toutefois de immeuble lorsqu’au mois de conciliation. Mais ils ne se le bailleur bonnes raisons d’affirmer que novembre 2015 ils se virent sont pas arrêtés en si bon che- • une majoration du loyer à la bailleresse en question se tous notifier une augmen- min: le taux hypothécaire de la sortie du contrôle cantonal mordra bientôt les doigts tation de loyer. N’ayant fait référence étant entre-temps des loyers d’avoir notifié à la légère les bénéficier son bien d’aucune passé à 1,75%, ils ont donc • lors de la vente de l’im- hausses de loyer litigieuses. plus-value depuis la date de également profité de requérir meuble en cours de bail En tout état de cause, les loca- l’audience de conciliation, la une nouvelle baisse de loyer. • une réadaptation du loyer taires en question ont pris la bailleresse, toujours repré- La position des locataires à l’échéance d’un bail éche- bonne décision en soumettant sentée par sa régie, motivait paraît en l’espèce favorable. lonné ou indexé leur cas à l’ASLOCA! La suite cette hausse par une adap- En effet, leur demande de • lorsque la période qui s’est et la fin de cette affaire dans tation des loyers aux loyers baisse de loyer – comme écoulée depuis la dernière un prochain numéro du DAL. Droit au logement • Mars 2016 - n° 224 — 11
ASLOCA VAUD POLITIQUE DU LOGEMENT C’EST REPARTI POUR UN TOUR Avec le contre-projet CLG du Conseil d’Etat vaudois en matière de logements, la balle est de retour dans le camp du Grand Conseil. Anne Baehler Bech Secrétaire générale Asloca Vaud A l’heure où nous écrivons ces lignes, le Conseil d’Etat vient Alors que l’initiative de l’ASLOCA Vaud «Stop à la pénurie de logements» a été déposée d’annoncer ses intentions. il y a déjà cinq ans, la politique cantonale en matière de logements ne cesse de rebondir. Réponse du berger à la ber- gère après le renvoi du paquet fait à prendre ou à rejeter glo- ments à prix abordable sont Retour au Grand Conseil logement du Grand Conseil balement. Ce qui n’était pas le certes un pas dans la bonne La balle est de retour dans au Conseil d’Etat le 12 janvier cas auparavant. direction, mais elles sont in- le camp du Grand Conseil. 2016 (cf. DAL 223, fév. 2016). suffisantes pour lutter effica- Quelle appréciation politique Position de l’ASLOCA cement contre la pénurie aiguë fera-t-il de ce nouveau pro- Intentions du Conseil d’Etat L’ASLOCA prend acte du de logements dans le canton. jet? Difficile à dire pour le Le Conseil d’Etat propose changement de cap du Conseil Quant au droit de préemp- moment mais, au vu des posi- ainsi de modifier le conte- d’Etat, mais elle regrette que tion conféré à l’Etat – une des tions contrastées exprimées, nant et un peu le contenu du celui-ci n’entende plus propo- mesures phares – il est encore on peut déjà voir la bouteille à paquet logement. Il présente ser de contre-projet direct à une fois retaillé et recadré. encre. Quoi qu’il en soit, c’est un unique et nouveau projet son initiative «Stop à la pénu- Désormais limité aux centres une nouvelle donne. Nous de loi qui reprend l’essen- rie de logements». L’ASLOCA urbains, le droit de préemp- sommes clairement repartis tiel des dispositions propo- déplore également la volonté tion ne peut s’exercer que si le pour un tour alors que l’ini- sées jusqu’à maintenant dans du Conseil d’Etat de réunir terrain concerné présente une tiative de l’ASLOCA «Stop à la loi sur la préservation du dans une loi unique des dispo- surface d’au moins 2000 m2 la pénurie de logements» a été parc locatif et les instruments sitions visant à la fois à favo- et avec certaines conditions déposée il y a cinq ans et que légaux insérés dans ce qui riser la construction de loge- si le terrain est d’une surface la pénurie de logements, que était jusqu’alors son contre- ments à loyer abordable tout inférieure à 2000 m2 . Un droit nous ne connaissons que trop, projet direct à l’initiative de en préservant le parc locatif de préemption ainsi assoupli perdure dans le canton de l’ASLOCA «Stop à la pénurie vaudois. L’ASLOCA doute peut-il encore être considéré Vaud. de logements». Le contre-pro- que ce projet de loi permette comme un outil efficace pour jet direct est donc supprimé au d’atteindre le double objectif lutter contre la pénurie de lo- En tout état de cause, profit cette fois d’un contre- fixé, à savoir: gements à loyer abordable? La la situation ne permet projet indirect formellement • promouvoir la construction question reste ouverte. pas pour le moment à indépendant de l’initiative de de logements à loyer abor- De l’autre côté, les me- l’ASLOCA Vaud de prendre l’ASLOCA. dable sures proposées pour préser- un engagement quant à un Concrètement cela signi- • disposer de mesures adé- ver le parc locatif ont été un retrait ou non de son initiative fie que, si nous maintenons quates pour s’opposer à la peu durcies, mais elles sont «Stop à la pénurie de loge- l’initiative de l’ASLOCA, elle spéculation dont fait l’objet le encore bien en deçà des dis- ments», ni à un éventuel re- serait soumise seule en vota- parc locatif vaudois et garan- positions des lois actuellement noncement à lancer un réfé- tion populaire. Cela signifie tir ainsi sa préservation. en vigueur. Cela représente rendum contre le nouveau aussi que dorénavant les pro- une réelle péjoration de la projet de loi présenté par le positions du Conseil d’Etat, D’un côté, les mesures situation actuelle car ces me- Conseil d’Etat. L’ASLOCA contenues dans une loi d’un proposées dans le projet de sures ne seront pas suffisantes attendra dès lors la fin des tra- seul tenant, sont certes po- loi pour inciter et encourager pour garantir la préservation vaux parlementaires pour se tentiellement attaquables par les communes et les privés à de la part du parc locatif que déterminer et agir dans l’inté- référendum, mais sont de ce construire davantage de loge- l’ASLOCA juge nécessaire. rêt des locataires. 12 — Droit au logement • Mars 2016 n° 224
ASLOCA VAUD LA PREUVE PAR LES LOYERS DU QUARTIER UNE BAISSE DE LOYER DE 130 FRANCS PAR MOIS! Comme le bailleur n’a tiques que l’appartement pour Aussi lors d’un changement cours de location en utilisant pas pu apporter lequel la baisse est refusée. de locataire cette argumentation. Ne peuvent entrer en consi- Lorsque le loyer est aug- la preuve que dération que les logements menté de plus de 10% lors Il vaut donc la peine le loyer se situait qui sont comparables quant à d’un changement de locataire de se battre lorsque le en dessous de ceux l’emplacement, la dimension, et que cette hausse est moti- bailleur invoque le du quartier, le locataire l’équipement, l’état d’entre- vée par l’adaptation aux loyers niveau des loyers du quartier, a bénéficié de la baisse tien et l’année de construc- usuels, le bailleur est aussi soit pour refuser une baisse, qu’il avait sollicitée. tion. tenu d’en apporter la preuve soit pour augmenter un loyer. Si le bailleur entend se fon- stricte. Il en va de même Les chances de succès d’une der sur des statistiques offi- lorsqu’il augmente le loyer en procédure sont très élevées. Nicole Tille cielles, ces dernières doivent Juriste être suffisamment différen- CLG Asloca Vaud ciées selon les mêmes critères que ceux mentionnés plus Le bailleur qui entend s’oppo- haut. Elles doivent en outre ser à une demande de baisse tenir compte de l’évolution d’un locataire en invoquant récente des loyers. que le loyer est plus bas que ceux pratiqués dans le quar- Comparaisons concrètes tier doit en apporter la preuve De son côté, le juge doit stricte. Il ne lui suffit pas procéder à des comparai- d’affirmer que le loyer n’est sons concrètes et ne peut pas pas cher. Dans un arrêt du se baser sur une «impression 16.12.2015 (4A_179/2014), d’ensemble». La preuve doit le Tribunal fédéral a réaf- être apportée au degré de firmé ce principe. Les loca- la certitude. Les logements taires d’un appartement de proposés en comparaison ne trois pièces et demie situé à doivent pas être abusifs. Cela Morges, au loyer mensuel net signifie que, s’ils n’ont pas été de 1000 francs, ont demandé adaptés aux dernières baisses une baisse suite à la diminu- du taux hypothécaire, le juge tion du taux hypothécaire. Le doit les diminuer en calculant bailleur a refusé la baisse au la baisse correspondante. motif que le loyer se situait en dessous de ceux pratiqués Un même nombre de pièces dans le quartier. Le nombre de pièces revêt une importance primordiale Réduction exigée pour les appartements de Le Tribunal des baux a petites dimensions, ce qui réduit le loyer à 870 francs exclut toute possibilité de estimant que le bailleur comparaison entre des loge- n’avait pas réussi à prouver ments ne comprenant pas le le niveau des loyers du quar- même nombre de pièces. Pour tier. Le Tribunal cantonal de les grands appartements, la même que le Tribunal fédéral surface est plus importante et ont confirmé ce jugement. Le l’écart doit être au maximum Tribunal fédéral rappelle que, de 20%. Comme on peut le lorsque le bailleur invoque les constater à la lecture de cet loyers usuels du quartier, il arrêt, il est très difficile d’éta- doit les établir. Il doit fournir blir les loyers du quartier et, au minimum cinq logements dans la pratique, le bailleur de comparaison qui pré- échoue dans la majorité des sentent les mêmes caractéris- cas. A Morges, un locataire a vu son loyer diminuer de 130 francs. Droit au logement • Mars 2016 - n° 224 — 13
ASLOCA GENÈVE POLITIQUE DU LOGEMENT TOUT LE MONDE A LE DROIT DE VIVRE À GENÈVE En démantelant les futurs retraités notamment d’initiatives de l’ASLOCA. En l’ASLOCA combat et qui instruments juridiques ont beaucoup perdu lorsque parallèle, le conseiller d’Etat fera l’objet d’une votation le les propriétaires n’ont pas pu Christian Grobet, soutenu par 5 juin 2016. Si cette loi était antispéculation, les rembourser. les locataires, menait une po- adoptée, pour se loger, il fau- milieux immobiliers L’accession à la proprié- litique en faveur de logements drait disposer de suffisam- forcent les bas salaires té préconisée par les milieux locatifs abordables. ment d’argent pour payer les à quitter Genève. immobiliers a démontré les Pour assurer des profits loyers abusifs pratiqués dans le risques qu’elle fait peser sur la les plus élevés possibles, les canton, et en plus de suffisam- Christian Dandrès société. milieux immobiliers gene- ment de fortune pour acheter Avocat vois attaquent la protection à terme l’appartement. Or ASLOCA Genève Du côté de Genève des locataires et les lois an- moins de 20% des Genevois A Genève, la mémoire tispéculation. Leurs repré- en ont les moyens et sont Les subprimes ont permis aux des déboires de la Banque sentants au Grand Conseil se souvent déjà propriétaires. milieux immobiliers améri- C a nton a le est éga lement battent pour que les terrains Les milieux immobiliers cains de faire des bénéfices vive. Cette politique du loge- à construire ne soient plus prônent une forme de ségré- pharaoniques. En développant ment ne devait donc pas ré- soumis à celles-ci. Ils agissent gation sociale. Ils soutiennent l’accession à la propriété sans apparaître de sitôt. Et pour- aussi sur le parc locatif exis- qu’en construisant des loge- lien avec la capacité financière tant, les milieux immobiliers tant, surtout les appartements ments abordables l’Etat en- de la population, les promo- s’y risquent de nouveau et à loyer abordable. Sous pré- grange moins d’impôts qu’avec teurs ont vendu à crédit. Ces tentent de démanteler les ins- texte de permettre aux loca- des villas et des PPE de stan- dettes ont été transformées en truments juridiques antispé- taires d’acheter, ils organisent d i ng. Ron a ld Z ach a ri as, produits financiers écoulés culation. Ceux-ci ont été pour un durcissement des condi- député et bailleur, affirme sur les marchés. La suite est l’essentiel à Genève le résul- tions d’accès au logement. Ils sur son blog de la Tribune de connue: les épargnants, les tat de votations populaires et ont rédigé la loi 11408, que Genève que Genève n’a pas besoin de plus de logements, mais de plus «de contribuables aisés (personnes physiques et morales) et d’une fiscalité durable» et non pas confisca- toire. Dès lors il convient de faire place à la création de lo- gements en zone ordinaire et en zone «villas pour des contri- buables importants, créateurs d’emplois, qui souhaitent s’ins- taller dans notre canton». En défendant les loca- taires contre les congés et les loyers abusifs, par ses initiatives et ses réfé- rendums et bien que l’Office cantonal de la statistique n’ait pas mené pour le moment d’enquête sur les motifs des flux migratoires, l’ASLOCA continue de se battre contre cette volonté de faire de Genève un ghetto pour riches et de forcer les salariés à revenus modestes à partir en France ou dans le canton de Vaud. 14 — Droit au logement • Mars 2016 n° 224
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