Utilisation des infrastructures routières par les exploitants forestiers et problématique de la conservation de la biodiversité dans le Parc ...

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Utilisation des infrastructures routières par les exploitants forestiers et problématique de la conservation de la biodiversité dans le Parc ...
GSJ: Volume 9, Issue 7, July 2021
ISSN 2320-9186                                                                               781

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   Utilisation des infrastructures routières par les exploitants forestiers et
  problématique de la conservation de la biodiversité dans le Parc National
                    de Lobéké (Région de l’Est-Cameroun)

  Use of road infrastructure by forest operators and biodiversity conservation
           issues in Lobéké National Park (East Cameroon Region)

                                                         Par
    Franck Péggy NDJODO1, Hervé TCHÉKOTÉ1 2 Lucie Félicité TEMGOUA3, Vice
           Clotex TAJEUKEM4, Lydie EVINA5 et Achille MENGAMENYA

(1) Centre Régional d’Enseignement Spécialisé en Agriculture Forêt-Bois
(2) Département de Géographie, Université de Dschang
(3) Département de Foresterie, Université de Dschang
(4) Department of Plant Science, University of Buea
(5) UIT Bois de Mbalmayo, Université de Yaoundé 1
(6) Parc National de la Bénoué

Résumé
L’utilisation des infrastructures routières présentes autour des aires protégées par les
exploitants forestiers et autres usagers entraine une augmentation des menaces récurrentes
d’origine anthropiques sur leur biodiversité. L’un des paradoxes dans lequel s’inscrit cette
recherche, est le contraste qui existe entre la volonté de conservation et la présence d’un vaste
réseau routier à l’intérieur et autour du Parc National de la Lobéké (PNL) utilisé par divers
acteurs dont les uns sont des exploitants forestiers et les autres les exploitants miniers.
L’étude s’est appuyée sur les enquêtes par des questionnaires auprès d’un échantillon de 63
ménages choisis en fonction de leurs proximités avec le Parc et les routes. Aussi, un total de
10 personnes ressources intervenant dans la conservation de la biodiversité dans le Parc
National de Lobéké a été interviewé. Il en ressort que les impacts qui se produisent sont entre
autres la diminution de la faune, la migration des animaux, les troubles de reproduction des
animaux, la réduction de la biodiversité floristique et la diversité des échanges. Une bonne
orientation de l’utilisation des routes et pistes forestières dans le Parc National de Lobéké et
sa zone périphérique permettrait de minimiser les effets néfastes de la circulation des
véhicules de transport du bois sur sa biodiversité.

Mots clés : Aire protégée, Évaluation d’impact, infrastructures routières, exploitations
forestières, biodiversité, Parc National de Lobéké

Abstract
The use of road infrastructure around protected areas by loggers and other users leads to an
increase in recurrent anthropogenic threats to their biodiversity. One of the paradoxes of this
research is the contrast between the desire for conservation and the creation of a vast road
network in and around the Lobéké National Park (PNL) used by various actors, some of
whom are loggers and others of which are miners. The study uses questionnaire surveys of a
sample of 63 households chosen according to their proximity with the Park and the roads.

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Also, a total of 10 resource people involved in biodiversity conservation in Lobéké National
Park were interviewed. It emerges that the impacts that occur are, among other things, the
decrease in fauna, animal migration, animal reproduction disorders, the reduction in flora
biodiversity and the diversity of exchanges. Proper orientation of the use of roads and forest
tracks in Lobéké National Park and its peripheral zone would minimize the harmful effects of
the circulation of timber transport vehicles on its biodiversity.
Keywords: Protected area, Impact assessment, road infrastructure, logging, biodiversity,
Lobéké National Park.

Introduction
    Les aires protégées sont par excellence les zones climatiques de prédilection pour les
règnes animal et végétal. En effet, le patrimoine faunique et floristique ainsi que les habitats
naturels qu’on y trouve représentent une valeur universelle non seulement en tant qu’espèces
et espaces dotés de caractéristiques particulières, mais également en raison du rôle actuel ou
potentiel qu’il peut jouer pour l’Homme (Triplet, 2009). Autres fois enclaves marginales de
protection de la nature, elles sont apparues dès la fin du XIXe siècle et représentent
aujourd’hui 12% des surfaces émergées. Elles concernent l’ensemble des territoires de la
planète. Dans le contexte du développement durable, on attend à présent que ces aires
protégées répondent à la fois à des objectifs de conservation de la biodiversité, du
développement social et qu’elles contribuent à la lutte contre les changements climatiques
(Aubertin, 2008).
    C’est au regard de son importance que le Cameroun s’est engagé à mettre en place un
certain nombre d’aires protégées sur son territoire. Le pays dispose aujourd’hui d’une grande
diversité d’habitats naturels liés à la variabilité de ses caractéristiques physiques et
climatiques, des mangroves et des forêts denses humides aux steppes sahéliennes. Cette
diversité d’habitats naturels regorge une biodiversité riche et abondante et de nombreuses
espèces endémiques, tant végétales qu’animales (Hiol et Larzilliere, 2015). Afin de
sauvegarder et de valoriser cette biodiversité, un important carde législatif a été établi et suivi
par deux ministères d’importance : le Ministère de l'Environnement, de la Protection de la
Nature et Développement Durable (MINEPDED) et le Ministre des Forêts et de la Faune
(MINFOF). Ainsi, en 1993, le Cameroun a adopté une nouvelle politique forestière pour
donner suite au sommet mondial sur le développement durable qui s’est tenu à Rio de 1992.
Cette politique forestière s’appuie sur les principes fondamentaux de protection et de gestion
durable de l’environnement. Elle a pour objectif global le développement économique,
écologique et social des forêts à travers une gestion intégrée et participative, pour une
conservation et une utilisation soutenue des ressources. La Loi n° 94/01 du 20 janvier 1994
portant régime des forêts, de la faune et de la pêche ainsi que la Loi n°1996-12 du 5 août
1996, portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement furent établis. Ces lois
venaient ainsi définir les orientations politiques et stratégiques dont les principaux axes pour
la conservation de la biodiversité sont :
    -  d’assurer la protection du patrimoine forestier et participer à la sauvegarde de
       l’environnement et la préservation de la biodiversité à travers la création d’un domaine
       forestier permanent représentant 30% du territoire national et un réseau national
       d’aires protégées représentatif de la biodiversité du pays ;
    - d’améliorer la contribution des ressources forestières et fauniques à l’économie
       nationale ;
    - de favoriser l’implication des populations dans la gestion durable des ressources.
     À la suite de ces lois, un important réseau d’aires protégées a été mis en place au fil du
temps, d’abord dans la région des savanes, puis dans le sud forestier (Yadji et Oko, 2014). Au
niveau du Sud-Est forestier, le Parc National de Lobéké (PNL) fut créé par décret
n°2001/107/CAB/PM du 19 mars 2001. Il fait partie du complexe transfrontalier du Tri-

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National de la Sangha, impliquant les Parcs Nationaux de Dzangha-Ndoki en République
Centrafricaine) et Nouabalé-Ndoki en République du Congo.
       Ce parc subit malheureusement de nos jours de nombreuses pressions et menaces dues
aux activités anthropiques en périphérie, mais aussi aux actes illégaux perpétrés à l’intérieur
du parc (Plan d’aménagement du Parc National de Lobéké et ses environs, 2006-2010).
Cependant, l’un des paradoxes dans lequel s’inscrit cette recherche est le contraste saisissant
qui existe entre la volonté de la conservation et la création d’un vaste réseau routier à
l’intérieur et autour du Parc National de la Lobéké. Un réseau routier utilisé par divers acteurs
dont les uns sont des exploitants forestiers et les autres les exploitants miniers. On a ainsi
observé avant les années 1995 un boom de l’exploitation forestière et à partir des années 2009
un boom de l’exploitation minière, conséquence de la densification du réseau routier dans la
région.
       Partant de ce constat, cette recherche poursuit comme objectif l’évaluation de l’impact
des infrastructures routières sur la gestion durable de la biodiversité dans la zone du PNL.

Matériel et méthodes
       Le Parc National de Lobéké (PNL) est situé entre 2°05’ à 2°30’ de latitude Nord et
15°33’ à 16°11’de longitude Est. Sa superficie est d’environ 217.854 ha. Du point de vue de
l’organisation administrative, le PNL est situé dans l’Arrondissement de Moloundou,
Département de Boumba-et-Ngoko, Région de l’Est-Cameroun. Les figures 1 et 2 montrent la
position géographique du Parc National de Lobéké aux confins naturels entre le Cameroun, la
République du Congo et la République Centrafricaine.

                                    Source : Plan d’aménagement 2015-2019
          Figure 1: Le Parc National de Lobéké dans la trinationale de la Sangha

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                                    Source : Plan d’aménagement 2015-2019
Figure 2 : Le Parc National de Lobéké et sa périphérie

   Sur le plan méthodologique, l’étude s’est appuyée sur les enquêtes à travers un
questionnaire auprès d’un échantillon de 63 ménages choisis en fonction de leur proximité
avec le Parc et des routes dans les villages Yenga, Mambélé village, carrefour Mambélé,
Lopondji-Mambélé, Lopondji-Kouméla, Kouméla, Long trait Mbanjani, PK27. L’étude a
également exploité les entretiens menés auprès de 10 personnes ressources notamment, le
conservateur du Parc National de Lobéké , le Programme Manager de WWF-programme
JENGI TNS (Tri-National de la Sangha), au chef d’unité de protection et du suivi écologique
de WWF–JENGI-LOBEKE, le Chef Service Aménagement des Infrastructures du Parc
National de la Lobéké, le Chargé du Contentieux du Parc National de la Lobéké, le Chef
d’Unité de Surveillance du Parc National de la Lobéké, le chef du village Manbélé dans
lequel se trouve le service de la conservation et les Chefs des petits quartiers (Yenga,
Lopondji- Koumela, Lopondji-Manbélé, long-trait Bandjani).
   Pour ce qui est de l’identification des impacts, l’étude a eu recours à la matrice de Léopold,
habituellement utilisé pour des Études Impacts Environnemental et Social (EIES), pour
identifier les différents impacts liés à l’utilisation des infrastructures routières par les
exploitants forestiers sur la biodiversité dans le PNL et à la matrice de caractérisation de
Fecteau qui a permis d’analyser et évaluer l’importance des impacts identifiés.

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    L’étude a enfin exploité les données d’observation collectées pendant la période des
enquêtes.
   Les résultats sont articulés autour de l’analyse du réseau routier qui dessert le Parc
National de Lobéké (1) et les impacts lies à l’utilisation de ce réseau routier par les
transporteurs forestiers sur la biodiversité (2).

Résultats
1. Le Parc National de la Lobéké : une aire protégée desservie par un réseau dense et
diversifié de routes

1.1 Une aire protégée au sein d’un vaste réseau d’exploitation forestière
        Le Parc National de Lobé est entouré de six (06) Unités Forestières d’Aménagement
(UFA) couvrant une superficie totale de 410 028 ha, à savoir les UFA 10-010, 10-011, 10-
012, 10-013, 10-063 et 10-064 et vingt et un (21) villages que sont Banana, Béla, Momboué,
Dioula, Kika, Koumela Mambélé, Libongo, Lokomo, Makoka, Malapa, Mbangoye, Mbateka,
Mokounounou, Moloundou, Mongo-Kéllé, Nguilili, Salapoumbé, Socambo, Yenga et Zéga. A
cela s’ajoute l’existence des Zones d’Intérêt Cynégétique (ZIC) (Figure 3).

                                    Source : Plan d’aménagement 2015-2019
Figure 3 : Le Parc National de Lobéké et les Zones d’Intérêt Cynégétique (ZIC)

La figure 3 présente quatre (04) Zones d’Intérêt Cynégétique (ZIC), d’une superficie totale de
449 882 ha, à savoir les ZIC 28, 29, 30 et 31 et trois (03) Zones d’Intérêt Cynégétique à
Gestion Communautaire (ZICGC) d’une superficie totale de 267 668 ha à savoir les ZICGC
1, 2 et 3.

1.2. Un important réseau routier qui désert le Parc National de Lobéké et sa périphérie
       Les infrastructures routières (les routes et les pistes forestières) existantes dans le Parc
National de Lobéké ont été ouvertes par la Société Industrielle des Bois Africains (SIBAF),
société forestière d’exploitation du bois exerçant dans la localité avant l’année 1995, année
autour de laquelle quel la zone du Parc National de Lobéké a été érigé en « Zone Essentielle
de Protection » (ZEP) où la chasse et l’exploitation forestière sont interdites par l’arrêté N°
092/A/MINEF/ DAJ du 9 février 1995.

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            Couloirs d’éléphants et de
            surveillance du parc                             Route forestière

Figure 4 : Routes dans le Parc National de Lobéké et sa périphérie
        En 2001, lorsque la ZEP est classée Parc National par le décret N°2001/107/CAB/PM
du 19 mars 2001, certaines de ces routes et pistes ont été ré-ouvertes, entretenues et utilisées
par les services de la conservation pour effectuer les patrouilles pendant les missions de Lutte
contre le Braconnage (Missions LAB) et le suivi écologique. Elles contribuent également au
développement de l’écotourisme dans le PNL (figure 5).

                                    Source : Plan d’aménagement 2015- 2019
    Figure 5 : Carte de promotion de l’écotourisme dans le Parc National de Lobéké

La périphérie du le Parc National de Lobéké est entouré par un réseau considérable de routes
et pistes forestières (figure 6). Ces routes et pistes forestières (figure 4) ont été rattachées à la
Nationale Numéro 10 (Bertoua-Moloundou), permettant ainsi le transport du bois vers les
différents dépôts, mais aussi vers les grandes métropoles comme Bertoua, Yaoundé et Douala.

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Figure 6 : Infrastructures routières dans le Parc National de Lobéké et sa zone périphérique

         La route la plus utilisée par les exploitants forestiers dans le Parc National de Lobéké
est la route sur l’axe Mambélé - PK 27 avec une circulation de 30 à 40 camions par trois jours
et en fonction des saisons. Elle fait une distance de 65 km. Les transporteurs forestiers qui
l’utilisent sont :
    - Les transporteurs de l’entreprise forestière Cameroon Timber (SCT) basé à Kika au
         Cameroun ;
    - Les transporteurs de l’entreprise forestière CIB (Compagnie Industrielle du Bois)
         basés à Pokola au Congo ;
    - Les transporteurs des autres entreprises forestières basées au Congo ;
    - Les sociétés privées de transport telles que TOK et Delta transport.
         Il est important de noter qu’en dehors des transporteurs forestiers on a également les
transporteurs des marchandises et des produits agricoles pour les marchés du Congo tels que
les transporteurs oignons et de plantains dont la fréquence d’utilisation varie en fonction de la
récolte des produits de commerce.

2. Impacts liés à l’utilisation des infrastructures routières par les transporteurs
forestiers sur la biodiversité
        L’utilisation des infrastructures routières existantes dans le le Parc National de la
Lobéké et ses environs par des exploitants forestiers et autres transporteurs de marchandises a
des effets induits sur son environnement écologique (la biodiversité). Cette utilisation
contribue à accroître la circulation des armes et des munitions, favorisant ainsi la naissance
des campements à la périphérie du parc.

2.1. La circulation des armes et munitions, développement du braconnage

       L’augmentation des fréquentations sur les routes du Parc National de la Lobéké a eu
des conséquences sur le trafic d’armes, munitions et produits de chasses. En effet, les
transporteurs font circuler des engins de chasse tels que : les carabines de calibre12, les
Kalachnikovs et les munitions. La figure 7 illustre cette activité bien connue dans le PNL.

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                                    2019* : Période allant du 28 janvier au 30 avril 2019
                                            Source : Enquête de terrain, 2019
Figure 7 : Saisies d’armes, de munition et des pointes d’ivoires entre 2009 et 2013 et en
2019*
       La figure 7 montre que le trafic dans la périphérie du Parc National de Lobéké est
croissant surtout si on se base sur les données de 2019* ou en moins de quatre mois le service
de la conservation a saisi un nombre de munitions (336) supérieur à la quantité saisie en une
année (année 2010 par exemple). Ces saisies sont en hausse par rapport aux périodes de 2003
et 2015 (figure 8).

                                            Source : Enquête de terrain, 2019

Figure 8 : Évolution de la saisie des armes dans la zone du Parc National de Lobéké de 2003
à 2015.

      La figure 8 montre que le nombre de saisies effectuées augmente au fil des années (de
2010 à 2015). Les différents pics croissants observés traduisent l’importance du trafic des
engins et des produits de chasses dans le Parc National de Lobéké et sa zone périphérique
surtout à partir de 2013. On peut donc noter un impact significatif sur les grands mammifères
en nette diminution. En effet,
            « Dans la norme, la population normale d’éléphant est de 2020 dans le
       PNL. Mais, les inventaires de 2015 ont permis d’avoir une population de 1029

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         éléphants ; le dernier inventaire de 2018 a permis d’avoir une population de 960
         éléphants » 1.

2.2. De la naissance des campements à la pression sur les ressources
     L’utilisation des infrastructures routières existantes dans la zone du Parc National de
Lobéké par les exploitants forestiers facilite le déplacement des réfugiés centrafricains et les
orpailleurs qui créent des campements dans le parc et sa périphérie immédiate (figure 9).

                            Sources : Enquêtes de terrain, 2019.
Figure 9 : Les campements dans le Parc National de Lobéké et sa zone périphérique en 2013

       A proximité des voies de communications, on observe des installations croissantes des
campements (figure 9). Les populations qui s’y installent pratiquent un braconnage intensif et
par conséquent dégradent gravement l’écosystème local. En même temps, on observe
également les autres indices de braconnages tels que les câbles en acier, les lignes de piège et
douille ainsi que les indices de braconnage des animaux comme les pangolins (figure 10). La
route dans le Parc National de Lobéké favorise donc une interaction entre périphérie, les
campements et les ressources.

                                           Source : Enquête de terrain, 2019
Figure 10: Écailles de pangolin
1
    Entretien avec un biologiste de WWF.

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2.3. L’éloignement des animaux : une conséquence de la circulation des engins et de la
présence des campements
      Le bruit persistant des engins de transport du bois et la présence humaine ont des effets
sur l’ensemble des écosystèmes et constitue une nouvelle menace pour le Parc National de
Lobéké et les espèces qu’il abrite. Dans le Parc National de Lobéké, les bruits générés par une
route ne s’arrêtent pas aux cinq mètres d’emprise (largeur) de cette route, il affecte la faune
jusqu’à 3 km de part et d’autre quand c’est le jour et jusqu’à 4 km pendant la nuit. Ceci a
donc un impact sur la faune car ces bruits contribuent à l’éloignement de certains animaux,
comme le constatent certains chauffeurs et pisteurs usagers des routes :
            « Avant, il était presque impossible de faire les routes Kouméla-Libongo et
      Manbélé-Socambo sans croisé soit un troupeau d’éléphants, soit un troupeau de
      buffles et même un troupeau de gorilles … au fur et à mesure que le temps passe
      ça devient difficile, il faut être chanceux pour croiser ces animaux. »2 Aussi,
      « quand je commençais à accompagner les touristes en forêt on ne pouvait pas
      faire deux jours au mirador sans voir les gorilles et les éléphants … Maintenant
      c’est un peu dur pour être sûr de les voir les touristes doivent même faire 5 jours
      … et quand il voit même c’est plus beaucoup … moi je pense que les animaux sont
      entrain de finir à Lobéké. » 3.

Discussion
         Nos investigations de terrain et analyses des données ont révélé que l’utilisation des
infrastructures routières par les exploitants forestiers a des impacts sur la biodiversité dans le
PNL, au vu des différentes observations et enquêtes faites sur le terrain. Nous avons noté dans
cette étude que le PNL regorge de nombreuses routes et pistes forestières dont l’utilisation par
les exploitants forestiers entraine des dommages importants sur sa biodiversité. L’une de ces
activités c’est le braconnage qui se fait à proximité des routes et des pistes forestières dans le
PNL. Ce résultat rejoint celui de Laurance (2015) qui a trouvé que dans le bassin du Congo,
les signes de présence des braconniers augmentent quand l’on se rapproche des routes et que
les éléphants de forêt d’Afrique déclinent jusqu’à 40 Km de la route principale.
         Le braconnage n’est pas la seule activité causée par l’utilisation des infrastructures
routières existantes dans le PNL car Inogwabini et Twagirashyaka (2008) précisent que
l’utilisation des routes et pistes forestières présentes dans l’aire protégée et leur périphérique
favorisent non seulement la circulation des braconniers mais aussi le trafic des armes et la
viande de brousse. A sa suite, Nzooh Dongmo et al. (2016) précise que dans le PNL, la
pression du braconnage a progressivement augmenté entre 2002 et 2015 ; les petites poches
de braconnage observées en 2002 se sont progressivement agrandies, d’autres foyers de
braconnage se sont créés. Ces résultats sont confirmés par la présente étude qui présente
l’importance du trafic des armes, munition et viande de brousse dans le PNL. Nous
comprenons donc que l’importance de ce trafic dans notre zone d’étude entraine le
braconnage et donc la diminution rapide de la biodiversité faunistique terrestre.
         Aussi l’utilisation des infrastructures routières existantes dans notre zone d’étude est
source de beaucoup de bruit notamment les bruits et vibrations des véhicules de transport de
bois, bruit qui favorise le stress et le recul de la faune mais aussi qui trouble la pollinisation et
qui empêche la diversité des essences végétales, ce qui est un impact considérable sur la
biodiversité floristique. Ces résultats concordent avec ceux de Rachel Buxton et Bruno Scala
(2012) qui montrent simultanément que en modifiant le comportement ou la répartition des
espèces clés, des écosystèmes entiers peuvent être affectés par des bruits. Bien plus, la
pollution sonore affecte les plantes dans leur cycle de vie. Ces résultats concordent également
avec ceux de Nzooh Dongmo et al. (2016) sur les raisons du recul et la diminution de la faune
éléphants dans le PNL ; il précise que les populations d’éléphants ont significativement

2
    Entretien avec un chauffeur
3
    Entretien avec un pisteur Baka

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diminuées entre 2002 et 2014 ; Les zones de forte concentration « du lac Lobéké » (au cœur
du parc), et de Djembé (au sud-est) se sont progressivement érodée, due aux pressions de
braconnage qui ont explosé à partir de 2007. Les éléphants se sont concentrés, dans le secteur
nord-est du parc, à relief accidenté, difficilement accessible par l’homme, offrant des
conditions de sécurité plus élevées. C’est ainsi que les bruits affectent les espaces protégés
qui sont un instrument important de la conservation de la biodiversité et qui procurent des
bénéfices aux humains Rachel Buxton (2015).
         En ce qui concerne l’impact sur la destruction de l’habitat et la diminution du couvert
végétal, Nasi et al. (2015) montre que les routes et pistes forestières favorisent l’entrée et
l’installation des populations dans les aires protégées, ce qui entraine la déforestation et la
destruction des habitats dans ces aires. Notre étude confirme ce résultat en ce sens que
l’utilisation des routes qui existent dans le PNL par les exploitants forestiers favorise
l’installation des orpailleurs et bien d’autres acteurs de la dégradation de la biodiversité dans
le Parc.

Conclusion
         Au moyen des différentes méthodes de collecte et d’analyse des données en rapport
avec notre travail, il en ressort que le Parc National de Lobéké a en son sein et dans sa zone
périphérique plusieurs routes et pistes forestières qui sont utilisées par les exploitants
forestiers et qui ont des impacts directs et indirects sur sa biodiversité. Il faut noter que les
sources de ces impacts proviennent des maux ou gênes ou problèmes qui sont engendrés par
l’utilisation des infrastructures routières existantes dans le Parc National de Lobéké par les
exploitants forestiers à travers le trafic des armes et munitions, le braconnage, les bruits et les
vibrations dues à la circulation des véhicules, ainsi que la naissance des petits villages et
campements. Une bonne orientation de l’utilisation des routes et pistes forestières dans le Parc
National de Lobéké et sa zone périphérique constituerait un élément essentiel de sa protection
afin de minimiser les effets néfastes de la circulation des véhicules de transport de bois sur la
biodiversité dans ce parc.

Références bibliographiques
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