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GSJ: Volume 9, Issue 7, July 2021 ISSN 2320-9186 781 GSJ: Volume 9, Issue 7, July 2021, Online: ISSN 2320-9186 www.globalscientificjournal.com Utilisation des infrastructures routières par les exploitants forestiers et problématique de la conservation de la biodiversité dans le Parc National de Lobéké (Région de l’Est-Cameroun) Use of road infrastructure by forest operators and biodiversity conservation issues in Lobéké National Park (East Cameroon Region) Par Franck Péggy NDJODO1, Hervé TCHÉKOTÉ1 2 Lucie Félicité TEMGOUA3, Vice Clotex TAJEUKEM4, Lydie EVINA5 et Achille MENGAMENYA (1) Centre Régional d’Enseignement Spécialisé en Agriculture Forêt-Bois (2) Département de Géographie, Université de Dschang (3) Département de Foresterie, Université de Dschang (4) Department of Plant Science, University of Buea (5) UIT Bois de Mbalmayo, Université de Yaoundé 1 (6) Parc National de la Bénoué Résumé L’utilisation des infrastructures routières présentes autour des aires protégées par les exploitants forestiers et autres usagers entraine une augmentation des menaces récurrentes d’origine anthropiques sur leur biodiversité. L’un des paradoxes dans lequel s’inscrit cette recherche, est le contraste qui existe entre la volonté de conservation et la présence d’un vaste réseau routier à l’intérieur et autour du Parc National de la Lobéké (PNL) utilisé par divers acteurs dont les uns sont des exploitants forestiers et les autres les exploitants miniers. L’étude s’est appuyée sur les enquêtes par des questionnaires auprès d’un échantillon de 63 ménages choisis en fonction de leurs proximités avec le Parc et les routes. Aussi, un total de 10 personnes ressources intervenant dans la conservation de la biodiversité dans le Parc National de Lobéké a été interviewé. Il en ressort que les impacts qui se produisent sont entre autres la diminution de la faune, la migration des animaux, les troubles de reproduction des animaux, la réduction de la biodiversité floristique et la diversité des échanges. Une bonne orientation de l’utilisation des routes et pistes forestières dans le Parc National de Lobéké et sa zone périphérique permettrait de minimiser les effets néfastes de la circulation des véhicules de transport du bois sur sa biodiversité. Mots clés : Aire protégée, Évaluation d’impact, infrastructures routières, exploitations forestières, biodiversité, Parc National de Lobéké Abstract The use of road infrastructure around protected areas by loggers and other users leads to an increase in recurrent anthropogenic threats to their biodiversity. One of the paradoxes of this research is the contrast between the desire for conservation and the creation of a vast road network in and around the Lobéké National Park (PNL) used by various actors, some of whom are loggers and others of which are miners. The study uses questionnaire surveys of a sample of 63 households chosen according to their proximity with the Park and the roads. GSJ© 2021 www.globalscientificjournal.com
GSJ: Volume 9, Issue 7, July 2021 ISSN 2320-9186 782 Also, a total of 10 resource people involved in biodiversity conservation in Lobéké National Park were interviewed. It emerges that the impacts that occur are, among other things, the decrease in fauna, animal migration, animal reproduction disorders, the reduction in flora biodiversity and the diversity of exchanges. Proper orientation of the use of roads and forest tracks in Lobéké National Park and its peripheral zone would minimize the harmful effects of the circulation of timber transport vehicles on its biodiversity. Keywords: Protected area, Impact assessment, road infrastructure, logging, biodiversity, Lobéké National Park. Introduction Les aires protégées sont par excellence les zones climatiques de prédilection pour les règnes animal et végétal. En effet, le patrimoine faunique et floristique ainsi que les habitats naturels qu’on y trouve représentent une valeur universelle non seulement en tant qu’espèces et espaces dotés de caractéristiques particulières, mais également en raison du rôle actuel ou potentiel qu’il peut jouer pour l’Homme (Triplet, 2009). Autres fois enclaves marginales de protection de la nature, elles sont apparues dès la fin du XIXe siècle et représentent aujourd’hui 12% des surfaces émergées. Elles concernent l’ensemble des territoires de la planète. Dans le contexte du développement durable, on attend à présent que ces aires protégées répondent à la fois à des objectifs de conservation de la biodiversité, du développement social et qu’elles contribuent à la lutte contre les changements climatiques (Aubertin, 2008). C’est au regard de son importance que le Cameroun s’est engagé à mettre en place un certain nombre d’aires protégées sur son territoire. Le pays dispose aujourd’hui d’une grande diversité d’habitats naturels liés à la variabilité de ses caractéristiques physiques et climatiques, des mangroves et des forêts denses humides aux steppes sahéliennes. Cette diversité d’habitats naturels regorge une biodiversité riche et abondante et de nombreuses espèces endémiques, tant végétales qu’animales (Hiol et Larzilliere, 2015). Afin de sauvegarder et de valoriser cette biodiversité, un important carde législatif a été établi et suivi par deux ministères d’importance : le Ministère de l'Environnement, de la Protection de la Nature et Développement Durable (MINEPDED) et le Ministre des Forêts et de la Faune (MINFOF). Ainsi, en 1993, le Cameroun a adopté une nouvelle politique forestière pour donner suite au sommet mondial sur le développement durable qui s’est tenu à Rio de 1992. Cette politique forestière s’appuie sur les principes fondamentaux de protection et de gestion durable de l’environnement. Elle a pour objectif global le développement économique, écologique et social des forêts à travers une gestion intégrée et participative, pour une conservation et une utilisation soutenue des ressources. La Loi n° 94/01 du 20 janvier 1994 portant régime des forêts, de la faune et de la pêche ainsi que la Loi n°1996-12 du 5 août 1996, portant loi-cadre relative à la gestion de l’environnement furent établis. Ces lois venaient ainsi définir les orientations politiques et stratégiques dont les principaux axes pour la conservation de la biodiversité sont : - d’assurer la protection du patrimoine forestier et participer à la sauvegarde de l’environnement et la préservation de la biodiversité à travers la création d’un domaine forestier permanent représentant 30% du territoire national et un réseau national d’aires protégées représentatif de la biodiversité du pays ; - d’améliorer la contribution des ressources forestières et fauniques à l’économie nationale ; - de favoriser l’implication des populations dans la gestion durable des ressources. À la suite de ces lois, un important réseau d’aires protégées a été mis en place au fil du temps, d’abord dans la région des savanes, puis dans le sud forestier (Yadji et Oko, 2014). Au niveau du Sud-Est forestier, le Parc National de Lobéké (PNL) fut créé par décret n°2001/107/CAB/PM du 19 mars 2001. Il fait partie du complexe transfrontalier du Tri- GSJ© 2021 www.globalscientificjournal.com
GSJ: Volume 9, Issue 7, July 2021 ISSN 2320-9186 783 National de la Sangha, impliquant les Parcs Nationaux de Dzangha-Ndoki en République Centrafricaine) et Nouabalé-Ndoki en République du Congo. Ce parc subit malheureusement de nos jours de nombreuses pressions et menaces dues aux activités anthropiques en périphérie, mais aussi aux actes illégaux perpétrés à l’intérieur du parc (Plan d’aménagement du Parc National de Lobéké et ses environs, 2006-2010). Cependant, l’un des paradoxes dans lequel s’inscrit cette recherche est le contraste saisissant qui existe entre la volonté de la conservation et la création d’un vaste réseau routier à l’intérieur et autour du Parc National de la Lobéké. Un réseau routier utilisé par divers acteurs dont les uns sont des exploitants forestiers et les autres les exploitants miniers. On a ainsi observé avant les années 1995 un boom de l’exploitation forestière et à partir des années 2009 un boom de l’exploitation minière, conséquence de la densification du réseau routier dans la région. Partant de ce constat, cette recherche poursuit comme objectif l’évaluation de l’impact des infrastructures routières sur la gestion durable de la biodiversité dans la zone du PNL. Matériel et méthodes Le Parc National de Lobéké (PNL) est situé entre 2°05’ à 2°30’ de latitude Nord et 15°33’ à 16°11’de longitude Est. Sa superficie est d’environ 217.854 ha. Du point de vue de l’organisation administrative, le PNL est situé dans l’Arrondissement de Moloundou, Département de Boumba-et-Ngoko, Région de l’Est-Cameroun. Les figures 1 et 2 montrent la position géographique du Parc National de Lobéké aux confins naturels entre le Cameroun, la République du Congo et la République Centrafricaine. Source : Plan d’aménagement 2015-2019 Figure 1: Le Parc National de Lobéké dans la trinationale de la Sangha GSJ© 2021 www.globalscientificjournal.com
GSJ: Volume 9, Issue 7, July 2021 ISSN 2320-9186 784 Source : WWF CCPO, JSEFP, 2006 Source : Plan d’aménagement 2015-2019 Figure 2 : Le Parc National de Lobéké et sa périphérie Sur le plan méthodologique, l’étude s’est appuyée sur les enquêtes à travers un questionnaire auprès d’un échantillon de 63 ménages choisis en fonction de leur proximité avec le Parc et des routes dans les villages Yenga, Mambélé village, carrefour Mambélé, Lopondji-Mambélé, Lopondji-Kouméla, Kouméla, Long trait Mbanjani, PK27. L’étude a également exploité les entretiens menés auprès de 10 personnes ressources notamment, le conservateur du Parc National de Lobéké , le Programme Manager de WWF-programme JENGI TNS (Tri-National de la Sangha), au chef d’unité de protection et du suivi écologique de WWF–JENGI-LOBEKE, le Chef Service Aménagement des Infrastructures du Parc National de la Lobéké, le Chargé du Contentieux du Parc National de la Lobéké, le Chef d’Unité de Surveillance du Parc National de la Lobéké, le chef du village Manbélé dans lequel se trouve le service de la conservation et les Chefs des petits quartiers (Yenga, Lopondji- Koumela, Lopondji-Manbélé, long-trait Bandjani). Pour ce qui est de l’identification des impacts, l’étude a eu recours à la matrice de Léopold, habituellement utilisé pour des Études Impacts Environnemental et Social (EIES), pour identifier les différents impacts liés à l’utilisation des infrastructures routières par les exploitants forestiers sur la biodiversité dans le PNL et à la matrice de caractérisation de Fecteau qui a permis d’analyser et évaluer l’importance des impacts identifiés. GSJ© 2021 www.globalscientificjournal.com
GSJ: Volume 9, Issue 7, July 2021 ISSN 2320-9186 785 L’étude a enfin exploité les données d’observation collectées pendant la période des enquêtes. Les résultats sont articulés autour de l’analyse du réseau routier qui dessert le Parc National de Lobéké (1) et les impacts lies à l’utilisation de ce réseau routier par les transporteurs forestiers sur la biodiversité (2). Résultats 1. Le Parc National de la Lobéké : une aire protégée desservie par un réseau dense et diversifié de routes 1.1 Une aire protégée au sein d’un vaste réseau d’exploitation forestière Le Parc National de Lobé est entouré de six (06) Unités Forestières d’Aménagement (UFA) couvrant une superficie totale de 410 028 ha, à savoir les UFA 10-010, 10-011, 10- 012, 10-013, 10-063 et 10-064 et vingt et un (21) villages que sont Banana, Béla, Momboué, Dioula, Kika, Koumela Mambélé, Libongo, Lokomo, Makoka, Malapa, Mbangoye, Mbateka, Mokounounou, Moloundou, Mongo-Kéllé, Nguilili, Salapoumbé, Socambo, Yenga et Zéga. A cela s’ajoute l’existence des Zones d’Intérêt Cynégétique (ZIC) (Figure 3). Source : Plan d’aménagement 2015-2019 Figure 3 : Le Parc National de Lobéké et les Zones d’Intérêt Cynégétique (ZIC) La figure 3 présente quatre (04) Zones d’Intérêt Cynégétique (ZIC), d’une superficie totale de 449 882 ha, à savoir les ZIC 28, 29, 30 et 31 et trois (03) Zones d’Intérêt Cynégétique à Gestion Communautaire (ZICGC) d’une superficie totale de 267 668 ha à savoir les ZICGC 1, 2 et 3. 1.2. Un important réseau routier qui désert le Parc National de Lobéké et sa périphérie Les infrastructures routières (les routes et les pistes forestières) existantes dans le Parc National de Lobéké ont été ouvertes par la Société Industrielle des Bois Africains (SIBAF), société forestière d’exploitation du bois exerçant dans la localité avant l’année 1995, année autour de laquelle quel la zone du Parc National de Lobéké a été érigé en « Zone Essentielle de Protection » (ZEP) où la chasse et l’exploitation forestière sont interdites par l’arrêté N° 092/A/MINEF/ DAJ du 9 février 1995. GSJ© 2021 www.globalscientificjournal.com
GSJ: Volume 9, Issue 7, July 2021 ISSN 2320-9186 786 Couloirs d’éléphants et de surveillance du parc Route forestière Figure 4 : Routes dans le Parc National de Lobéké et sa périphérie En 2001, lorsque la ZEP est classée Parc National par le décret N°2001/107/CAB/PM du 19 mars 2001, certaines de ces routes et pistes ont été ré-ouvertes, entretenues et utilisées par les services de la conservation pour effectuer les patrouilles pendant les missions de Lutte contre le Braconnage (Missions LAB) et le suivi écologique. Elles contribuent également au développement de l’écotourisme dans le PNL (figure 5). Source : Plan d’aménagement 2015- 2019 Figure 5 : Carte de promotion de l’écotourisme dans le Parc National de Lobéké La périphérie du le Parc National de Lobéké est entouré par un réseau considérable de routes et pistes forestières (figure 6). Ces routes et pistes forestières (figure 4) ont été rattachées à la Nationale Numéro 10 (Bertoua-Moloundou), permettant ainsi le transport du bois vers les différents dépôts, mais aussi vers les grandes métropoles comme Bertoua, Yaoundé et Douala. GSJ© 2021 www.globalscientificjournal.com
GSJ: Volume 9, Issue 7, July 2021 ISSN 2320-9186 787 Figure 6 : Infrastructures routières dans le Parc National de Lobéké et sa zone périphérique La route la plus utilisée par les exploitants forestiers dans le Parc National de Lobéké est la route sur l’axe Mambélé - PK 27 avec une circulation de 30 à 40 camions par trois jours et en fonction des saisons. Elle fait une distance de 65 km. Les transporteurs forestiers qui l’utilisent sont : - Les transporteurs de l’entreprise forestière Cameroon Timber (SCT) basé à Kika au Cameroun ; - Les transporteurs de l’entreprise forestière CIB (Compagnie Industrielle du Bois) basés à Pokola au Congo ; - Les transporteurs des autres entreprises forestières basées au Congo ; - Les sociétés privées de transport telles que TOK et Delta transport. Il est important de noter qu’en dehors des transporteurs forestiers on a également les transporteurs des marchandises et des produits agricoles pour les marchés du Congo tels que les transporteurs oignons et de plantains dont la fréquence d’utilisation varie en fonction de la récolte des produits de commerce. 2. Impacts liés à l’utilisation des infrastructures routières par les transporteurs forestiers sur la biodiversité L’utilisation des infrastructures routières existantes dans le le Parc National de la Lobéké et ses environs par des exploitants forestiers et autres transporteurs de marchandises a des effets induits sur son environnement écologique (la biodiversité). Cette utilisation contribue à accroître la circulation des armes et des munitions, favorisant ainsi la naissance des campements à la périphérie du parc. 2.1. La circulation des armes et munitions, développement du braconnage L’augmentation des fréquentations sur les routes du Parc National de la Lobéké a eu des conséquences sur le trafic d’armes, munitions et produits de chasses. En effet, les transporteurs font circuler des engins de chasse tels que : les carabines de calibre12, les Kalachnikovs et les munitions. La figure 7 illustre cette activité bien connue dans le PNL. GSJ© 2021 www.globalscientificjournal.com
GSJ: Volume 9, Issue 7, July 2021 ISSN 2320-9186 788 2019* : Période allant du 28 janvier au 30 avril 2019 Source : Enquête de terrain, 2019 Figure 7 : Saisies d’armes, de munition et des pointes d’ivoires entre 2009 et 2013 et en 2019* La figure 7 montre que le trafic dans la périphérie du Parc National de Lobéké est croissant surtout si on se base sur les données de 2019* ou en moins de quatre mois le service de la conservation a saisi un nombre de munitions (336) supérieur à la quantité saisie en une année (année 2010 par exemple). Ces saisies sont en hausse par rapport aux périodes de 2003 et 2015 (figure 8). Source : Enquête de terrain, 2019 Figure 8 : Évolution de la saisie des armes dans la zone du Parc National de Lobéké de 2003 à 2015. La figure 8 montre que le nombre de saisies effectuées augmente au fil des années (de 2010 à 2015). Les différents pics croissants observés traduisent l’importance du trafic des engins et des produits de chasses dans le Parc National de Lobéké et sa zone périphérique surtout à partir de 2013. On peut donc noter un impact significatif sur les grands mammifères en nette diminution. En effet, « Dans la norme, la population normale d’éléphant est de 2020 dans le PNL. Mais, les inventaires de 2015 ont permis d’avoir une population de 1029 GSJ© 2021 www.globalscientificjournal.com
GSJ: Volume 9, Issue 7, July 2021 ISSN 2320-9186 789 éléphants ; le dernier inventaire de 2018 a permis d’avoir une population de 960 éléphants » 1. 2.2. De la naissance des campements à la pression sur les ressources L’utilisation des infrastructures routières existantes dans la zone du Parc National de Lobéké par les exploitants forestiers facilite le déplacement des réfugiés centrafricains et les orpailleurs qui créent des campements dans le parc et sa périphérie immédiate (figure 9). Sources : Enquêtes de terrain, 2019. Figure 9 : Les campements dans le Parc National de Lobéké et sa zone périphérique en 2013 A proximité des voies de communications, on observe des installations croissantes des campements (figure 9). Les populations qui s’y installent pratiquent un braconnage intensif et par conséquent dégradent gravement l’écosystème local. En même temps, on observe également les autres indices de braconnages tels que les câbles en acier, les lignes de piège et douille ainsi que les indices de braconnage des animaux comme les pangolins (figure 10). La route dans le Parc National de Lobéké favorise donc une interaction entre périphérie, les campements et les ressources. Source : Enquête de terrain, 2019 Figure 10: Écailles de pangolin 1 Entretien avec un biologiste de WWF. GSJ© 2021 www.globalscientificjournal.com
GSJ: Volume 9, Issue 7, July 2021 ISSN 2320-9186 790 2.3. L’éloignement des animaux : une conséquence de la circulation des engins et de la présence des campements Le bruit persistant des engins de transport du bois et la présence humaine ont des effets sur l’ensemble des écosystèmes et constitue une nouvelle menace pour le Parc National de Lobéké et les espèces qu’il abrite. Dans le Parc National de Lobéké, les bruits générés par une route ne s’arrêtent pas aux cinq mètres d’emprise (largeur) de cette route, il affecte la faune jusqu’à 3 km de part et d’autre quand c’est le jour et jusqu’à 4 km pendant la nuit. Ceci a donc un impact sur la faune car ces bruits contribuent à l’éloignement de certains animaux, comme le constatent certains chauffeurs et pisteurs usagers des routes : « Avant, il était presque impossible de faire les routes Kouméla-Libongo et Manbélé-Socambo sans croisé soit un troupeau d’éléphants, soit un troupeau de buffles et même un troupeau de gorilles … au fur et à mesure que le temps passe ça devient difficile, il faut être chanceux pour croiser ces animaux. »2 Aussi, « quand je commençais à accompagner les touristes en forêt on ne pouvait pas faire deux jours au mirador sans voir les gorilles et les éléphants … Maintenant c’est un peu dur pour être sûr de les voir les touristes doivent même faire 5 jours … et quand il voit même c’est plus beaucoup … moi je pense que les animaux sont entrain de finir à Lobéké. » 3. Discussion Nos investigations de terrain et analyses des données ont révélé que l’utilisation des infrastructures routières par les exploitants forestiers a des impacts sur la biodiversité dans le PNL, au vu des différentes observations et enquêtes faites sur le terrain. Nous avons noté dans cette étude que le PNL regorge de nombreuses routes et pistes forestières dont l’utilisation par les exploitants forestiers entraine des dommages importants sur sa biodiversité. L’une de ces activités c’est le braconnage qui se fait à proximité des routes et des pistes forestières dans le PNL. Ce résultat rejoint celui de Laurance (2015) qui a trouvé que dans le bassin du Congo, les signes de présence des braconniers augmentent quand l’on se rapproche des routes et que les éléphants de forêt d’Afrique déclinent jusqu’à 40 Km de la route principale. Le braconnage n’est pas la seule activité causée par l’utilisation des infrastructures routières existantes dans le PNL car Inogwabini et Twagirashyaka (2008) précisent que l’utilisation des routes et pistes forestières présentes dans l’aire protégée et leur périphérique favorisent non seulement la circulation des braconniers mais aussi le trafic des armes et la viande de brousse. A sa suite, Nzooh Dongmo et al. (2016) précise que dans le PNL, la pression du braconnage a progressivement augmenté entre 2002 et 2015 ; les petites poches de braconnage observées en 2002 se sont progressivement agrandies, d’autres foyers de braconnage se sont créés. Ces résultats sont confirmés par la présente étude qui présente l’importance du trafic des armes, munition et viande de brousse dans le PNL. Nous comprenons donc que l’importance de ce trafic dans notre zone d’étude entraine le braconnage et donc la diminution rapide de la biodiversité faunistique terrestre. Aussi l’utilisation des infrastructures routières existantes dans notre zone d’étude est source de beaucoup de bruit notamment les bruits et vibrations des véhicules de transport de bois, bruit qui favorise le stress et le recul de la faune mais aussi qui trouble la pollinisation et qui empêche la diversité des essences végétales, ce qui est un impact considérable sur la biodiversité floristique. Ces résultats concordent avec ceux de Rachel Buxton et Bruno Scala (2012) qui montrent simultanément que en modifiant le comportement ou la répartition des espèces clés, des écosystèmes entiers peuvent être affectés par des bruits. Bien plus, la pollution sonore affecte les plantes dans leur cycle de vie. Ces résultats concordent également avec ceux de Nzooh Dongmo et al. (2016) sur les raisons du recul et la diminution de la faune éléphants dans le PNL ; il précise que les populations d’éléphants ont significativement 2 Entretien avec un chauffeur 3 Entretien avec un pisteur Baka GSJ© 2021 www.globalscientificjournal.com
GSJ: Volume 9, Issue 7, July 2021 ISSN 2320-9186 791 diminuées entre 2002 et 2014 ; Les zones de forte concentration « du lac Lobéké » (au cœur du parc), et de Djembé (au sud-est) se sont progressivement érodée, due aux pressions de braconnage qui ont explosé à partir de 2007. Les éléphants se sont concentrés, dans le secteur nord-est du parc, à relief accidenté, difficilement accessible par l’homme, offrant des conditions de sécurité plus élevées. C’est ainsi que les bruits affectent les espaces protégés qui sont un instrument important de la conservation de la biodiversité et qui procurent des bénéfices aux humains Rachel Buxton (2015). En ce qui concerne l’impact sur la destruction de l’habitat et la diminution du couvert végétal, Nasi et al. (2015) montre que les routes et pistes forestières favorisent l’entrée et l’installation des populations dans les aires protégées, ce qui entraine la déforestation et la destruction des habitats dans ces aires. Notre étude confirme ce résultat en ce sens que l’utilisation des routes qui existent dans le PNL par les exploitants forestiers favorise l’installation des orpailleurs et bien d’autres acteurs de la dégradation de la biodiversité dans le Parc. Conclusion Au moyen des différentes méthodes de collecte et d’analyse des données en rapport avec notre travail, il en ressort que le Parc National de Lobéké a en son sein et dans sa zone périphérique plusieurs routes et pistes forestières qui sont utilisées par les exploitants forestiers et qui ont des impacts directs et indirects sur sa biodiversité. Il faut noter que les sources de ces impacts proviennent des maux ou gênes ou problèmes qui sont engendrés par l’utilisation des infrastructures routières existantes dans le Parc National de Lobéké par les exploitants forestiers à travers le trafic des armes et munitions, le braconnage, les bruits et les vibrations dues à la circulation des véhicules, ainsi que la naissance des petits villages et campements. Une bonne orientation de l’utilisation des routes et pistes forestières dans le Parc National de Lobéké et sa zone périphérique constituerait un élément essentiel de sa protection afin de minimiser les effets néfastes de la circulation des véhicules de transport de bois sur la biodiversité dans ce parc. Références bibliographiques Aubertin C. et Rodary E. (2008). Aires protégées : espaces durables ? Marseille : IRD, 260 p. Bruno Scala. (2012). « La pollution sonore affecte aussi les plantes ! » In : Futura Planète le 21 Mars 2012. Croisé Roland, Réflexions sur les routes forestières.662-669,1972. Hiol F. Larzilliere A., Palla F., et Scholte P., 2015. Etats des Aires Protégées : République du Cameroun.42-59. Lengagne T. et Mathieu T. (2017). Effects of traffic noise on tree frog stress levels, immunity and color signaling. Publié dans conservation Biology le 11 janvier, Janvier 2017. DOI: 10.1111/ cobi.12893. MINFOF. Plan d’aménagement du Parc National de Lobéké et sa zone périphérique. Période 2006-2010. Bertoua-Cameroun.100p. MINFOF. Plan d’aménagement du Parc National de Lobéké et sa zone périphérique. Période 2015-2019. Bertoua- Cameroun. 270p. Nzooh Dongmo ZL., N’oran K.P., Ekodeck H., Kobla S.A., Famegni S., Sombambo M., Mengamenya A., 2016. Les populations de grands et moyens mammifères dans le segment Lobéké du paysage Tri National de la Sangha, Rapport technique, MINFOF- WWF CCPO, Yaoundé, 103p. Chauvin P., Roussel A. (1972). La Pollution Atmosphérique.125p. Triplet P. et Dufour Y. (2009). Document d’objectifs des marais arrière-littoraux picards. Syndicat Mixte BiaeBaie de Somme Grand Littoral Picard. 95p. GSJ© 2021 www.globalscientificjournal.com
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