Veille internationale sur la culture et le commerce numérique
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DÉCEMBRE 2022 | Nº30 Veille internationale sur la culture et le commerce numérique CEIM | GRIC | FICDC PLATEFORMES NUMÉRIQUES : ENJEUX DE RÉGLEMENTATION ET EXPANSION GÉOÉCONOMIQUE Par Dr. Antonios Vlassis (Center for International Relations Studies-CEFIR, Université de Liège) Rapport d'analyse, décembre 2022 Le rapport de décembre débute par les débats concernant la loi sur l'intelligence artificielle (IA) au sein de l'Union européenne (UE) et les perspectives de développement de lignes directrices communes pour l'IA entre l'UE et les États-Unis. Le rapport met également en lumière les discussions en cours sur la réglementation de la diffusion en continu en Australie et au Canada. En outre, le rapport souligne la lutte pour les abonnés impliquant un grand nombre de plateformes en ligne, telles que Spotify, YouTube Music, Netflix, Disney Plus et HBO Max. Enfin, le rapport se penche sur l'expansion géographique de diffuseurs en continu en Afrique du Sud et en Asie du Sud-Est, ainsi que sur de nouveaux projets commerciaux, tels que l'investissement d'Amazon dans des films pour des salles du cinéma, l'implication de Netflix dans le sport en direct et les discussions sur l'avenir du service en ligne français Salto.
Enjeux de régulation, commerce numérique et culture Débats autour de la loi sur l'intelligence artificielle L'Artificial Intelligence Act est un nouveau règlement proposé par l'UE qui vise à introduire le premier cadre juridique complet pour l'IA, centré sur la confiance dans l'IA. Selon William Fry, on estime que la législation « affectera jusqu'à 35 % des systèmes d'IA utilisés en Europe, s'appliquant à tout, des systèmes bancaires à la manipulation émotionnelle » et rendant illégales certaines utilisations de l'IA. Selon la loi, les systèmes d'IA devront être transparents et explicables dès la conception et les règles seront proportionnelles à la probabilité des systèmes d'IA à nuire aux personnes ou aux biens. L'une des questions épineuses est la définition des systèmes d'IA, qui permettrait de rendre la réglementation plus résistante à l'épreuve du temps, « puisque cette technologie est encore à un stade de développement relativement précoce ». Selon Euractiv, le texte définit l'IA comme un système qui doit être capable de recevoir des données provenant d'une machine ou de l'homme ; de déduire comment atteindre un ensemble donné d'objectifs en utilisant l'apprentissage, le raisonnement ou la modélisation ; de générer des résultats sous forme de contenu, de prédictions, de recommandations ou de décisions influençant l'environnement réel ou virtuel avec lequel il interagit. À cette définition, il faut ajouter que « les systèmes d'IA peuvent être conçus pour fonctionner avec différents niveaux d'autonomie ». La loi sur l'IA a été adoptée par les ministres de l'UE lors de la réunion de Telecom le 6 décembre. En outre, la Commission européenne cherche à créer un espace transatlantique pour une IA digne de confiance, en fournissant aux entreprises un ensemble unique de lignes directrices à suivre sur l'IA. Selon Science Business, si les États-Unis et l'UE parviennent à s'entendre sur un cadre commun en matière d'IA, « il deviendrait de facto la norme mondiale, compte tenu du poids des deux économies ». D’ailleurs, les États-Unis et l'UE prévoient de présenter une « feuille de route commune » sur l'IA lors de la troisième réunion du Conseil du commerce et de la technologie entre les États-Unis et l’UE prévue début décembre. Suite à cette annonce, certains groupes industriels ont exprimé leurs inquiétudes quant à l'évolution de la politique européenne en matière d'IA. Selon Inside US Trade, le responsable du commerce international d'IBM a fait remarquer que les États- Unis et l'UE « ont des niveaux de tolérance au risque différents sur les questions d’IA et, par conséquent, ils devront respecter le niveau de risque sur lequel les deux partenaires s’accorderont ».
Lutte transnationale pour une réglementation équitable Selon le Financial Review, mi-novembre, le gouvernement fédéral australien a confirmé qu'il imposerait aux services de diffusion en continu des quotas de contenu australien qui les obligeraient à produire annuellement un certain nombre de contenus audiovisuels australiens, tels que des émissions et des films. Tandis que les opérateurs nationaux de chaînes de télévision gratuite et payante ont des obligations d'investissement dans le contenu national, les services de diffusion en continu, tels que Netflix, Amazon Prime Video et Disney Plus, n'ont actuellement aucune exigence en matière de contenu local. Le ministre fédéral des Arts, Tony Burke, a déclaré : « Nous n'avons pas encore finalisé le projet, mais n'ayez aucun doute, les quotas de contenu australien, y compris des séries dramatiques, arrivent dans notre pays ». Les associations du secteur audiovisuel, comme celles des producteurs, des scénaristes et des réalisateurs, exercent de la pression pour que les diffuseurs en continu soient obligés de consacrer 20 % de revenus générés localement à des contenus nationaux. Enfin, selon le Guardian, le nombre de séries dramatiques australiennes produites par les diffuseurs de vidéo en ligne a triplé en un an pour atteindre 29 titres avec un budget total de 446 millions USD, dépassant pour la première fois les dépenses des « chaînes de télévision pour la production de séries dramatiques australiennes ». Les chaînes de télévision gratuites, telles que Seven, Nine, Ten, SBS et ABC, ont proposé de nouvelles séries dramatiques locales avec un budget total de 208 millions USD, mais ont produit plus d'heures - 278 au total. Au Canada, le Sénat débat actuellement de la loi sur la radiodiffusion (Online Streaming Act) du gouvernement libéral - connue sous le nom de projet de loi C-11 - qui vise à adapter la politique de radiodiffusion du pays aux nouveaux défis posés par les diffuseurs en ligne et à attribuer au Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC), l'organisme de réglementation de la radiodiffusion du Canada, la possibilité de réguler les plateformes de diffusion en continu. Le Sénat étudie le projet de loi C-11 depuis fin juin 2022. À la mi-décembre, le Comité sénatorial permanent des transports et des communications a déposé un rapport signant la fin de son étude article par article. Les travaux du Sénat, puis de la Chambre des Communes, se poursuivront au retour des Fêtes. Il convient de rappeler que le projet de loi C-11 a été déposé à la Chambre des communes en février 2022 et a été adopté en troisième lecture en juin 2022.
En ce qui concerne les règles sur les médias sociaux incluses dans le projet de loi, Ian Scott, président du CRTC, a déclaré que « le CRTC n'essaie pas, n'a pas essayé et n'essaiera pas de dicter ce que les consommateurs regardent », ajoutant que toute obligation réglementaire imposée aux plateformes en ligne serait d'abord soumise à une consultation publique. Par ailleurs, à la suite de certaines préoccupations concernant l'impact de la nouvelle législation sur le contenu généré par les utilisateurs, le ministre du Patrimoine canadien Pablo Rodriguez a souligné que le projet de loi « concerne les plateformes, pas les utilisateurs », affirmant que le projet de loi vise à « protéger la culture canadienne, à offrir plus de choix aux Canadiens, à répondre aux besoins des communautés linguistiques minoritaires et à faire entrer la réglementation de l'industrie au 21e siècle ». Activités mondiales des plateformes en ligne Lutte mondiale pour les abonnés Le 1er octobre, le nombre d'abonnés de Disney+ s'élevait à 164,2 millions, avec un gain de 12,1 millions au cours du trimestre juillet-septembre. Au troisième trimestre, Disney+ a obtenu plus de 10 millions d'abonnés en dehors des États-Unis et du Canada, ce qui montre l'attrait mondial de la plateforme de diffusion en continu. Plus spécifiquement, les services de diffusion en continu de Disney, qui comprennent Disney+, Hulu et ESPN+, ont dépassé le nombre de 235 millions d'abonnés dans le monde, contre 221,1 millions d'abonnés à la fin du semestre précédent. ESPN+ et Hulu comptaient respectivement 24,3 et 47,2 millions d'abonnés au 1er octobre. À titre de comparaison, Netflix compte désormais 223,09 millions d'abonnés dans le monde et a obtenu 2,41 millions d'abonnés au troisième trimestre 2022. Au cours de la même période, les services de diffusion en continu de Warner Bros. Discovery, qui comprennent HBO Max et Discovery+, ont vu leur nombre d'abonnements combinés passer à près de 95 millions, en ajoutant 2,8 millions de clients au troisième trimestre. La principale part d’abonnés provient des marchés internationaux, où Warner Bros Discovery a ajouté environ 2,3 millions pour une base internationale de 41,4 millions d'abonnés en dehors des États-Unis et du Canada. Par ailleurs, la firme compte unifier HBO Max et Discovery+ en un seul service et la date cible est le printemps 2023 pour le lancement de la nouvelle plateforme fusionnée aux États-Unis.
En ce qui concerne le secteur de la musique, Spotify compte actuellement 456 millions d'utilisateurs actifs, dont 195 millions d'abonnés payants sur 183 marchés. Le nombre total d'utilisateurs mensuels et d'abonnés payants a augmenté respectivement de 20 % et 13 % d'une année sur l'autre. Avec plus de 80 millions de titres disponibles en diffusion en continu et un investissement accru dans les livres audio et les podcasts, Spotify reste le plus grand service de diffusion en continu audio en termes d'abonnés déclarés, comparé aux autres services audio transnationaux, tels que Apple Music, YouTube Music et Amazon. Enfin, selon Variety, dans une poussée de croissance rapide, les services de Music et Premium de YouTube comptent désormais plus de 80 millions d'abonnés payants combinés, soit une croissance de 30 millions d'abonnés par rapport aux 50 millions annoncés par la firme en septembre 2021. Nouveaux projets commerciaux Amazon, le plus grand détaillant en ligne du monde, prévoit de dépenser un milliard USD par an pour réaliser annuellement entre 12 et 15 films pour les salles de cinéma. Selon CNBC, l'industrie du cinéma manque de contenu cinématographique et cet engagement d'Amazon devrait être « un stimulant pour l'industrie ». Notons aussi, qu’au début de l’année, Amazon a acquis le studio de cinéma MGM pour 8,45 milliards USD, étoffant ainsi ses activités dans le domaine des médias. Par ailleurs, selon Reuters, Netflix souhaite investir dans la diffusion de sports en direct et a récemment « fait une offre pour les droits de diffusion de championnats sportifs », comme le circuit de tennis ATP de certains pays européens, des compétitions cyclistes ou la World Surf League. Selon le Wall Street Journal, Netflix envisage d'acheter des championnats moins médiatisés, comme le tennis et le surf, pour éviter les coûts croissants des appels d'offres pour les droits sportifs. Enfin, selon Variety, Salto, le service de diffusion en continu français lancé en 2020 et détenu conjointement par les trois opérateurs de médias français TF1, M6 et France Télévisions, pourrait « changer de mains ou fermer dans un avenir proche ». Fin novembre 2022, les deux chaînes commerciales TF1 et M6, qui détiennent ensemble 33,33 % de Salto, ont décidé de vendre leurs participations, laissant ainsi le service en ligne sans deux de ses trois opérateurs parents. Salto, considéré comme une alternative nationale à Netflix et aux autres diffuseurs mondiaux, comprend des contenus de rattrapage provenant de 19 chaînes différentes appartenant aux trois opérateurs de médias.
Expansion géographique des plateformes en ligne Netflix reste le service de vidéo à la demande le plus populaire en Afrique du Sud, suivi par Amazon Prime Video et l'acteur national Showmax. Selon Fortress, la part de Netflix représente environ 31 % du marché sud-africain, tandis que la part de Prime Video et de Showmax atteint respectivement 28 % et 25 % du marché. En outre, le radiodiffuseur public South African Broadcasting Corporation (SABC) a récemment lancé SABC+, son propre service en ligne, qui comprend 19 stations de radio et trois chaînes de télévision en clair. Au cours de la dernière année fiscale, le SABC a déjà investi plus d’un milliard de rands (58 millions USD) dans la création de contenu pour stimuler son service de diffusion en continu. Madoda Mxakwe, PDG du groupe SABC, a souligné qu' « aucun radiodiffuseur dans ce pays ne peut rivaliser avec la SABC en matière de contenu ». SABC+ diffusera également des contenus archivés, notamment des émissions d'information, des matchs de football, des documentaires et des feuilletons. De plus, selon Variety, en Asie du Sud-Est, Netflix a pris la tête du marché de la vidéo à la demande et représente 42 % de l'audience vidéo sur les cinq marchés d'Asie du Sud-Est - Singapour, Indonésie, Thaïlande, Philippines et Malaisie – selon un nouveau rapport de Media Partners Asia. Netflix est suivi par l'acteur régional Viu avec 13 % de l'audience et par le chinois WeTv de Tencent avec 10 %. En ce qui concerne l'origine du contenu, environ 38 % du visionnage de vidéos concerne du contenu produit en Corée, devant les 22 % enregistrés pour le contenu américain et les 13 % pour le contenu chinois. Enfin, selon Hollywood Reporter, grâce au nombre de services de diffusion en continu proposant des programmes étrangers, la part de titres non américains visionnés par le public américain aux États-Unis a plus que doublé, passant de moins de 8 % en 2018 à plus de 16 % en 2021. Whip Media, une société américaine de licences de contenus mondiaux, a souligné que plusieurs plateformes de vidéo se concentrent aujourd'hui sur des contenus non américains : environ 38 % de nouvelles émissions en développement de Netflix sont dans une langue autre que l'anglais et près d'un quart des contenus de Disney+ n’est pas en anglais.
Il convient de noter que l'augmentation des dépenses consacrées au contenu en langue locale-nationale semble également être due aux nouvelles réglementations concernant les obligations d'investissement des diffuseurs de vidéo en ligne. À ce titre, la directive européenne révisée sur les Services de Médias Audiovisuels (SMA), adoptée en novembre 2018, prévoit des obligations pour les fournisseurs de services audiovisuels à la demande de respecter un quota de 30 % d'œuvres européennes dans leurs catalogues. En outre, selon la SMA révisée, lorsque les États membres exigent des diffuseurs linéaires et des fournisseurs de vidéo à la demande qu'ils contribuent financièrement à la production de contenus audiovisuels européens et nationaux, ils peuvent exiger de ces diffuseurs et fournisseurs ciblant des audiences sur leur territoire mais établis dans d'autres États membres qu'ils apportent une telle contribution financière. Cette dernière devrait être en lien avec le chiffre d'affaires généré dans le pays, où l'audience est ciblée. Des lectures supplémentaires pour le rapport de décembre : Netflix show brings back Blockbuster, but some brands should stay dead, The Conversation, 24 novembre 2022, Lien. Disney Tries Mixing Streaming with Shopping, The New York Times, 1 novembre 2022, Lien. How streamer investment and a revamped public funding mechanism are driving Mexico’s production scene, ScreenDaily, 22 septembre 2022, Lien.
Sources : Artificial intelligence definition, governance on MEP’s menu, EURACTIV, 8 novembre 2022, Lien. EU hopes to build aligned guidelines on artificial intelligence with the US, Science Business, 22 novembre 2022, Lien. The other reason Amazon is bringing Neighbours back, Financial Review, 18 novembre 2022, Lien. The Online Streaming Act in the Senate, Senate of Canada, 18 novembre 2022, Lien. Disney+ adds 12.1 million subscribers to cross 164 million worldwide ahead of ad-tier launch, Variety, 8 novembre 2022, Lien. How Spotify stayed No 1 in streaming audio even with Apple, YouTube and Amazon aiming for it, CNBC, 10 novembre 2022, Lien. Amazon plans to invest 1 billion USD a year in movies for theaters, Bloomberg, 23 novembre 2022, Lien. Netflix explores investing in live sports, bids for streaming rights – WSJ, Reuters, 8 novembre 2022, Lien. French streamer Salto in Turmoil: TF1, M6, two of three parent companies to sell their stakes, Variety, 21 novembre 2022, Lien. Americans are watching more international TV than ever before, The Hollywood Reporter, 20 novembre 2022, Lien. DIRECTION Gilbert Gagné, chercheur au CEIM et directeur du Groupe de recherche sur l’intégration continentale (GRIC). RÉDACTION Antonios Vlassis, maître de conférences et chercheur, Center for International Relations Studies (CEFIR)- Université de Liège, membre au CEIM. Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation (CEIM) UQAM, 400, rue Sainte-Catherine Est, Pavillon Hubert-Aquin, bureau A-1560, Montréal (Québec) H2L 2C5 CANADA. Téléphone : 514 987-3000, poste 3910 / Courriel : ceim@uqam.ca / Site web : www.ceim.uqam.ca Fédération internationale des coalitions pour la diversité culturelle (FICDC) 33 rue Milton, bureau 500, Montréal (Québec), H2X 1V1, CANADA. Téléphone : 514 277-27666 / Courriel : coalition@cdc-ccd.org / Site web : www.ficdc.org Les opinions exprimées et les arguments avancés dans cette note analytique demeurent sous l’entière responsabilité du rédacteur ainsi que du Centre d’études sur l’intégration et la mondialisation et n’engagent en rien ni ne reflètent ceux de la Fédération internationale des coalitions pour la diversité culturelle. Mise en page FICDC
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