Zwingli en images - Reforme.net

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Publié le 13 mai 2021(Mise à jour le 27/05)
Par Martine Lecoq

Zwingli en images
Un biopic dédié au Réformateur Ulrich Zwingli (1484-1531) est désormais
disponible en DVD, avant sa distribution dans les salles françaises. Il était sorti en
2019, à l’occasion des 500 ans de la Réforme en Suisse allemande.

En France, le grand public ne connaît guère son nom, à moins d’avoir flirté avec
l’histoire et le protestantisme. Et, même ainsi, la perception qu’on en a, demeure
souvent tronquée. Pourtant, ce personnage haut en couleur, contemporain de
Luther, mérite ce film inspiré qui le réhabilite et le réactualise. Un vent
dépoussiérant qui fait du bien ! On est emporté. « Le producteur allemand Mario
Krebs, plus sympathisant de Zwingli que de Luther, cherchait un cinéaste pour
son projet, raconte le réalisateur zurichois Stefan Haupt. Dès que je l’ai su, je me
suis proposé. Zwingli a marqué ma jeunesse. »

À huit ans, Stefan Haupt est enfant de chœur au Grossmünster, l’abbaye
emblématique de Zurich qui accoucha de la Réforme en 1519, et à dix ans, il
visite la maison du Réformateur. Lui-même de famille protestante, il quitte vers
vingt ans l’Église mère qui le serre trop. « Aujourd’hui, si j’en étais encore
membre, je crois que j’y resterais », confie-t-il.
L’homme derrière le Réformateur
Jusqu’à peu, la mémoire du Réformateur avait cessé d’être populaire à Zurich. On
l’accusait d’austérité excessive, d’inaptitude à la joie. Or cette image négative est
en train de s’estomper. Stefan Haupt, qui ne l’avait d’ailleurs jamais fait sienne, a
vu les recherches nécessaires au film confirmer ses intuitions : « J’ai découvert en
lui l’homme, son amour des femmes, sa passion des mots, des textes qui incitent à
penser, son idéal d’une société solidaire qui, dans ses règles, met au premier plan
l’aide aux pauvres et aux malades. Enfin son goût pour la musique. »

Aux côtés du personnage principal, dont l’acteur Max Simonischek tient le rôle, le
réalisateur réserve une place de choix à sa femme Anna (Sarah Sophia Meyer) qui
en incarne, pourrait-on dire, la conscience. En réalité, on sait peu de choses sur
elle, sauf qu’elle est veuve lors de leur rencontre et mère de trois enfants. « À
l’époque, quand un homme épousait une veuve, il n’était pas tenu de s’occuper
des enfants qui n’étaient pas les siens, explique Stefan Haupt. Or Zwingli les a
pris en charge. Pour elle, bien sûr, j’ai dû inventer. Mais les théologiens de
l’université de Zurich ne m’ont pas cru trop éloigné de la vérité puisqu’ils m’ont
fait docteur honoris causa de leur faculté. »

Un film à succès
Sorti sur les écrans en Suisse alémanique en 2019, le film a décroché un très
ample succès. En Allemagne par contre, l’astre Luther, plus flamboyant, a
légèrement occulté le Réformateur suisse qui, toujours, affirma une grande
indépendance à l’égard de son prédécesseur. Précisons tout de même que Zwingli
se marie un an avant Luther, qu’il termine sa traduction de la Bible en allemand
également avant lui, qu’elle n’est pas un effort solitaire, comme l’est la
luthérienne, mais collectif. Chacun, religieux ou laïc, est convié à participer.

Plus le film approche de sa fin, plus le Réformateur dévoile ses ombres. La part
belle est donnée aux divisions internes inhérentes à toutes les révolutions. Ce
moment fatidique où, après la lutte contre l’ennemi commun, les amis à leur tour
s’entredéchirent. Aussi assiste-t-on à la confrontation poignante de Zwingli avec
les premiers anabaptistes, ses compagnons de jeunesse. En s’affirmant toujours
plus à l’intérieur de son territoire, il commence à en déborder. C’est ainsi que ce
pacifiste, qui s’insurgeait autrefois contre le mercenariat suisse, finit par vouloir
enflammer l’Europe. Et c’est sur un champ de bataille, celui de Kappel, qu’il
meurt en 1531.

« Je regrette que Luther n’apparaisse pas dans le film, commente Gabriel de
Montmollin, directeur du Musée international de la Réforme, à Genève,
notamment à l’époque de la controverse qui l’oppose à Zwingli concernant la
Cène. Mais je trouve le film très réussi par son interprétation et son climat. Il
restitue bien l’atmosphère crépusculaire qu’on imagine, chargée à la fois de
violence et d’enthousiasme. » Zwingli n’a jamais connu Jean Calvin, plus jeune
que lui, mais sa figure fondatrice a inspiré ce dernier. « Ils se rejoignaient dans
l’idéal d’une cité chrétienne “parfaite” qui ne se coupe pas du monde, conclut
Gabriel de Montmollin, ils avaient un même rapport à la politique qu’ils voulaient
davantage consciente des valeurs de l’Évangile. »

Chronologie

Les évènements qui ont jalonné la vie d’Ulrich Zwingli se sont presque
exclusivement déroulés au cœur de la Confédération suisse :
1514 : Rencontre avec l’humaniste Érasme à Bâle
1519 : Curé de Zurich, premières prédications au Grossmünster
1523 : Passage définitif à la Réforme, rédaction de 67 thèses à l’occasion de la
première dispute de Zurich
1526 : Excommunication suite à la dispute de Baden
1529 : Rencontre avec Martin Luther à Marbourg, désaccord avec ce dernier sur
la doctrine eucharistique
1531 : Mort lors de la deuxième bataille de Kappel contre les cantons catholiques

En DVD

Stefan Haupt, Zwingli, le Réformateur, C-Films AG Schweiz (prod.), Eikon
Südwest (coprod.), 2019, 2 h 03 min. Distribution Panocéanic Films, diffusion
France par les Éditions La Cause.
À lire

Huldrych Zwingli, Les 67 thèses réformatrices de 1523 et leurs
commentaires, Labor et Fides, 2021, 448 p., 34 €.

Lire également :

  Série “Les autres Réformateurs” (01) : Zwingli, l’autre père de la Réforme

  Lecture : Zwingli, l’autre père de la Réforme

  Qui sont les réformateurs protestants ?

Publié le 19 avril 2021(Mise à jour le 27/04)
Par Matthias Wirz
En Suisse, les évangéliques
s’opposent au «mariage pour tous»
Un référendum a été déposé le 12 avril dernier pour contrer une loi fédérale
ouvrant le mariage civil aux couples de même sexe. La fronde a été lancée par des
représentants politiques de droite. Elle est largement soutenue par les Églises
évangéliques du pays.

Une « brèche sociale et politique qui évacue la définition historique du mariage,
compris comme l’union durable d’un homme et d’une femme » : voilà comment
une alliance, regroupant différents partis de droite, dont le Parti évangélique
suisse (PEV), voit la perspective d’accorder en Suisse, par une loi, le mariage civil
aux couples de même sexe. Ce comité d’opposition a déposé près de 60 000
signatures à la chancellerie fédérale le 12 avril. Résultat : le peuple helvétique
devra se prononcer sur la question dans les urnes, en principe cet automne. Aux
côtés du PEV, ce référendum est notamment soutenu par d’importants milieux
chrétiens, en particulier protestants évangéliques.

Le projet de loi auquel ces groupes s’opposent a été entériné en décembre 2020
par le Parlement fédéral. Il prévoit l’élargissement du mariage civil aux couples
homosexuels, l’adoption conjointe des enfants et l’ouverture au don de sperme
pour les lesbiennes mariées. Mais il ne comprend pas la gestation pour autrui, qui
pourrait permettre à deux hommes d’avoir des enfants. Jusqu’à présent, les
couples suisses de même sexe ont uniquement la possibilité du partenariat
enregistré, un état civil qui leur est réservé et qui n’entraîne pas les mêmes droits
que le mariage.

Avant que le Parlement ne tranche, un sondage de l’institut GFS-Zürich
dénombrait 82 % de Suisses disposés à laisser les homosexuels se passer la bague
au doigt.

Les protestants divisés
Les milieux évangéliques se sont donc mobilisés pour l’aboutissement du
référendum. Le Réseau évangélique suisse (RES) défend son opposition au projet
de loi par « les conséquences négatives pour l’enfant s’il grandit sans mère ou
sans père », selon son secrétaire général Marc Jost. Pour lui, « il n’y a pas de
raison impérative d’assurer une égalité de traitement absolue entre les
partenariats hétérosexuels et homosexuels, qui diffèrent sur un aspect central,
soit la capacité à se reproduire naturellement ».

Un communiqué de la faîtière des évangéliques du pays craint en outre qu’« à
terme, l’ouverture de la médecine de la reproduction aux couples féminins
conduise tôt ou tard à la demande de gestation pour autrui pour les couples
masculins et donc à l’instrumentalisation du corps humain ».

Mais, si les évangéliques s’opposent fermement au mariage pour tous, les
protestants réformés de la Confédération adoptent des positions plus contrastées.
La Fédération des Églises protestantes de Suisse (FEPS, devenue EERS, Église
évangélique réformée de Suisse au début de l’an dernier) en a accepté le principe
à une large majorité lors du Synode de novembre 2019. Elle s’était alors déclarée
« favorable à l’ouverture du mariage aux couples de même sexe au plan du droit
civil ». Au niveau cantonal, plusieurs Églises réformées pratiquent d’ailleurs déjà
la bénédiction d’unions entre deux hommes ou deux femmes. Toutefois, parmi les
ministres et les fidèles, des voix fortes se font entendre pour distinguer ces
bénédictions de celles du mariage traditionnel, voire pour les empêcher.

Publié le 25 mars 2021(Mise à jour le 25/03)
Par Sophie Esposito
Série : “Le Prix de la paix”, guerre
en héritage et passé trouble
Diffusée par Arte, cette série fait le jour sur une période peu glorieuse de
l’histoire suisse, durant et à l’issue de la Seconde Guerre mondiale.

1945. La guerre est finie. La Suisse, petit pays neutre au cœur de l’Europe, a été
relativement épargnée. La jeune génération helvète aspire au renouveau et à la
justice. Tandis que Klara tente de réparer les blessures des survivants de
l’Holocauste dans un foyer de la Croix-Rouge, son fiancé Johann, qui travaille
dans l’industrie textile, espère moderniser l’entreprise en difficulté de son beau-
père. Egon, le frère de Johann, fait ses premiers pas dans le bureau du procureur
général. Sa mission : pourchasser les nazis évadés.

Confrontés au conservatisme et aux compromissions de leurs aînés, tous trois se
rendent vite compte que cette façade de paix se construit avec le sang des
victimes de la guerre. Avec un scénario bien documenté et très démonstratif, Le
Prix de la paix porte un regard sans complaisance sur un pan méconnu de
l’histoire de la Suisse pendant le conflit mondial et dans l’immédiat après-guerre.
On y voit le rôle discret des banques, les compromis idéologiques envers le voisin
hitlérien, l’indigence des moyens accordés à l’accueil des réfugiés juifs rescapés
des camps de concentration, la corruption de l’administration et l’organisation de
filières pour « blanchir » l’argent des spoliations et les nazis en fuite.

À travers le destin croisé des membres d’une famille, entre aspiration intimes et
responsabilité collective, cette fresque chorale historique et courageuse va
crescendo.

Le Prix de la paix, six épisodes diffusés sur Arte les 25 mars et 1er avril à
20 h 55 et sur arte.tv
Publié le 18 mars 2021(Mise à jour le 23/03)
Par Augustine Passilly

La Suisse a voté pour l’interdiction
du niqab
Le « Oui » l’a emporté lors d’un référendum organisé en Suisse le 7 mars quant à
l’interdiction de dissimuler son visage dans l’espace public. En cause : le port du
niqab, rare dans le pays mais loin de laisser indifférent.

Les pourfendeurs suisses du niqab ont remporté, le 7 mars, à une très faible
majorité – 51,2 % -, le référendum visant à interdire le vêtement. À l’initiative de
ce scrutin, le Comité d’Egerkingen, une association proche de l’Union
démocratique du centre (UDC, droite populiste), souhaitait promouvoir l’égalité,
la liberté et la sécurité. Or, beaucoup dénoncent au contraire une atteinte à la
liberté des femmes, ultra-minoritaires en Suisse, à porter, souvent de leur plein
gré, ce petit morceau de tissu pour cacher leur visage.

Le niqab, ou le choix du voile intégral
Andreas Tunger-Zanetti, spécialiste de l’Islam à l’Université de Lucerne et auteur
d’une récente étude sur les femmes portant le voile intégral en Suisse, les estime
en effet à une trentaine. Il s’agit, constate-t-il, souvent de converties ou de
musulmanes issues de familles peu pratiquantes.
« La plupart sont nées dans le pays ou y sont arrivées quand elles étaient enfants,
y ont été scolarisées, maîtrisent les langues locales et travaillent. Elles font le
choix du voile intégral car cela correspond à leur lecture de la piété dans l’islam.
Certaines souhaitent aussi mieux contrôler de cette manière leurs relations avec
les hommes dans l’espace public et enfin, parfois, exprimer leur opposition par
rapport à leur propre famille ou à la société qui exhibe par exemple des corps nus
sur des panneaux publicitaires », détaille le chercheur.

Pour lui, tant l’organisation du référendum que son résultat expriment « un
malaise » et une incapacité, pour certains de ses concitoyens, à « s’imaginer que
porter niqab peut relever du choix personnel ». Et ce car demeurent ancrées « les
images de guerre en Afghanistan, en Irak ou au Yémen, où les femmes sont
véritablement oppressées ».

Un phénomène extrêmement marginal en
Suisse
« Les Suisses n’ont pas retenu la leçon des Français », remarque, pour sa part, la
sociologue Agnès De Féo (1). Selon elle, la loi française interdisant le voile
intégral en 2010 s’est en effet révélée contre-productive. « Cela ne fait que
nourrir l’argumentaire djihadiste pour un phénomène qui n’existait [quasiment]
pas, dénonce-t-elle. Les partisans de l’interdiction du niqab ont voulu couper
l’herbe sous le pied des musulmans, alors que c’est justement en faisant de
l’islamisme un sujet d’actualité que ce phénomène arrive. Car les musulmans vont
se sentir heurtés, stigmatisés, et peut-être développer des réflexes d’auto-défense
dans la mesure où cette décision ouvre la voie à de nouvelles interdictions ou
limitations dans l’exercice de la religion musulmane. » En 2009, un précédent
référendum, déjà instigué par le Comité d’Egerkingen, avait fait interdire la
construction de minarets.

David Zaugg, collaborateur pour les affaires publiques et la migration au sein de
l’Église évangélique réformée de Suisse, rejette, lui aussi, le vote du 7 mars qu’il
voit à la fois comme « une atteinte aux libertés fondamentales et une intervention
pour laquelle il n’y a pas de raison fondée ». Il souligne, également, « un
phénomène extrêmement marginal en Suisse ». Avant de conclure : « La Suisse
est connue pour sa grande capacité d’intégration. Nous devrions plutôt nous
appuyer sur cette force et sur l’attractivité d’un modèle de société basé sur les
libertés individuelles. »

(1) Derrière le niqab. 10 ans d’enquête sur les femmes qui ont porté et enlevé le
voile intégral, Agnès De Féo, Armand Colin, 288 pages, 17,90 €.

Publié le 17 février 2021(Mise à jour le 18/02)
Par Matthias Wirz

Suisse : “Légiférer sur le voile,
c’est comme interdire la chasse au
tigre”
Interdire le voile intégral ? Andreas Tunger-Zanetti a étudié la question de près.
Expert du rapport entre islam et société, il gère le Centre de recherches sur la
religion de l’université de Lucerne. Son dernier ouvrage porte précisément sur le
voile et ses pratiques en Suisse (Verhüllung, Verlag Hier und Jetzt, 2021, en
allemand).

La Suisse se prononce le 7 mars sur l’interdiction du voile intégral dans
les lieux publics. La situation est-elle donc si préoccupante ?
Le port du voile intégral touche en fait une part infime de la population en Suisse.
On estime à deux ou trois douzaines les femmes qui sortent couvertes. Soit entre
21 et 37 personnes sur l’ensemble du territoire helvétique. Il s’agit de femmes
provenant de familles non pratiquantes, d’origine chrétienne ou musulmane, qui
ont découvert l’islam autour de 20-23 ans. Elles veulent alors le vivre de tout leur
cœur et de tout leur corps, et choisissent de se voiler « pour plaire à Dieu »,
comme elles disent. Cela se combine avec une autre dimension de leurs
motivations, indépendante de la religion : le souhait de maîtriser leur rapport aux
hommes et au corps.

On peut donc dire que ce vêtement ne leur est pas imposé, mais qu’elles
le choisissent librement ?

La recherche dans tous les pays d’Europe occidentale constate clairement une
absence de contrainte ou de pression sociale pour cette pratique. Elle conduit
plutôt à des difficultés au sein de la famille de ces femmes. Pour elles, le voile est
une forme de protestation, d’affirmation d’elles-mêmes, dans une phase
particulière de leur vie. Le port du voile intégral n’est d’ailleurs pas toujours lié à
une pratique religieuse cohérente chez elles.

Or on les croit souvent proches d’un islam radical, voire politique…

Le salafisme offre un cadre pour les femmes voilées, du point de vue des
concepts, c’est vrai. Mais elles ne participent pas à un système organisé ou unifié.
Elles ont plutôt une attitude sélective, elles « bricolent » spirituellement, et
n’adoptent qu’une partie de « l’offre », celle du vêtement.

Deux cantons bannissent la dissimulation du visage dans les lieux publics.
A-t-on pu y observer des changements depuis l’introduction de cette
mesure ?

À Saint-Gall, la police n’a pas rencontré un seul cas à traiter. La décision n’a donc
pas eu d’effet pervers incitatif, comme on a pu le constater en France. Elle a été
aussi efficace que si l’on avait adopté une interdiction de chasser le tigre… Au
Tessin, il y a eu des amendes pour des touristes ne se doutant de rien ; et
quelques femmes de Suisse alémanique se sont exposées voilées dans les rues,
par provocation. Au total, ce canton compte 60 infractions en quatre ans et demi,
mais 28 concernent le voile et 32 sont liés à des hooligans cagoulés.
Une telle loi est simplement inutile, à vous entendre ?

En Suisse, la question du voile est un prétexte pour exprimer une nostalgie
identitaire, qui cache une certaine peur. Et l’interdiction d’un morceau d’étoffe
est tout à fait inadéquate. C’est un symbole. Or c’est la réalité qu’il y a derrière
qu’il faut traiter, non le symbole en lui-même.

Propos recueillis par Matthias Wirtz

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Publié le 17 février 2021(Mise à jour le 17/02)
Par Matthias Wirz

La Suisse débat de l’interdiction
du voile intégral
Proscrire par référendum la dissimulation du visage dans l’espace public : le
peuple helvétique en décidera le 7 mars. Dans une confrontation souvent
émotionnelle, les représentants des religions s’opposent en majorité à cette
mesure jugée disproportionnée et liberticide.

« Oui à l’interdiction de se dissimuler le visage. » C’est le libellé de l’initiative
populaire (référendum) sur laquelle le peuple suisse se prononce dans les urnes le
dimanche 7 mars. La mesure, qui doit s’appliquer à tout l’espace public, ne
prévoit d’exceptions que dans les lieux de culte et pour des raisons sanitaires,
sécuritaires, climatiques ou festives (on pense aux masques de carnaval).

Une campagne qui vise « l’idéologie
islamiste radicale »
L’initiative a été lancée par un groupe proche de la droite identitaire, qui a déjà
remporté une première victoire populaire en 2009. À son instigation, la Suisse
avait alors interdit par 57,5 % des voix la construction de minarets sur son
territoire. En proposant ce nouvel objet, le « comité d’Egerkingen » entend
défendre l’égalité, la liberté et la sécurité : égalité entre personnes et religions
dans l’espace public ; liberté notamment pour les femmes, qui ne seraient plus
opprimées par un vêtement qui leur serait imposé ; et sécurité, puisque
l’interdiction toucherait également les casseurs ou les hooligans masqués. Mais
c’est bien sûr le voile intégral que les partisans visent. Il est « contraire à notre
mode de vie », affirment-ils. Et il est surtout « étroitement lié à l’idéologie
islamiste radicale ». Car c’est bien cette dernière qu’ils ont en ligne de mire.

Le gouvernement fédéral et le parlement s’opposent à cette initiative. Ils la
trouvent disproportionnée au phénomène de la dissimulation du visage, jugé
marginal sur le plan national. L’interdiction serait d’ailleurs inappropriée à un
système fédéraliste où chaque canton réglemente souverainement son espace
public. Elle risque enfin d’être contre-productive, en excluant davantage encore
les femmes qu’elle dit vouloir défendre. C’est pourquoi un contre-projet plus ciblé
a été ficelé, qui impose de se découvrir uniquement pour des besoins
d’identification. Il entrera en vigueur en cas de résultat négatif le 7 mars.

Objet émotionnel
Au-delà des arguments politiques, sociaux ou religieux, le débat touche un
élément éminemment émotionnel : le visage. Révélateur de l’individualité de
chaque personne et constituant à la fois la dernière barrière pour la protéger,
c’est « la vitrine de l’intériorité », selon le théologien Bruno Chenu. La campagne
est donc sensible et n’évite pas l’irrationalité. D’autant que les mesures sanitaires
imposent ironiquement aux interlocuteurs de débattre en se voilant eux-mêmes le
visage derrière un masque chirurgical…

Des arguments pour ainsi dire symétriques sont d’ailleurs avancés de part et
d’autre. Si les partisans du projet veulent empêcher la discrimination des femmes
contraintes à porter le voile, les opposants arguent qu’en les stigmatisant la
mesure discriminerait aussi les femmes. Alors que les premiers trouvent le voile
liberticide, c’est son interdiction que les autres considèrent comme liberticide.
Tandis que l’égalité signifie pour les uns se faire face à visage découvert, cette
même égalité implique pour les autres le droit de se vêtir comme on l’entend.

         « Les partisans du projet qualifient cette confrontation de “guerre
des civilisations” »

Les prises de positions dépassent le clivage entre la droite (favorable au texte) et
la gauche (opposée). Des femmes notamment socialistes soutiennent l’interdiction
pour des motifs d’égalité des genres ; une gauche laïque la défend contre le retour
de signes religieux.

Certains partisans du projet, comme le parlementaire fédéral Jean-Luc Addor, du
Valais, n’hésitent pourtant pas à qualifier cette confrontation de « guerre des
civilisations ». C’est que la question ne touche pas seulement la place des femmes
dans la société : elle concerne le vivre-ensemble et l’intégration des pratiques de
foi dans un pays devenu multiculturel et multireligieux. Mais elle excite surtout
une certaine peur du terrorisme dans un contexte où le sentiment anti-islamique
apparaît toujours moins tabou.

Religions opposées à la mesure
Ce n’est pas un hasard si l’objet du vote est généralement nommé « initiative anti-
burqa ». Même si ce symbole vestimentaire propre à l’Afghanistan ne se rencontre
pas en Suisse (où les femmes musulmanes voilées portent le niqab, moins strict),
il inquiète. Une frange de la population redoute en effet une propagation de
l’islam et la menace qu’elle ferait peser sur la culture chrétienne. Une crainte qui
s’est déjà traduite dans les urnes suisses par l’adoption, dans les cantons du
Tessin et de Saint-Gall, en 2016 et 2018, d’une interdiction de la dissimulation du
visage. Une mesure cependant repoussée dans cinq autres cantons durant la
dernière décennie.

C’est précisément pour encourager la paix religieuse et la liberté de culte que le
Conseil suisse des religions (CSR) a exprimé son opposition unanime au texte.
Une position qui a toutefois été attaquée par les milieux musulmans libéraux et
certains groupes chrétiens. Ainsi, selon le pasteur Shafique Keshavjee, ne pas
interdire le voile ferait le jeu de groupes musulmans politiques qui entendent
« utiliser nos lois pour faire avancer les leurs ».

L’Église évangélique réformée de Suisse se range derrière la prise de position du
CSR (dont elle est membre). Ses arguments reposent sur la défense de la
démocratie et des libertés individuelles. La présidente de l’Église, la pasteure Rita
Famos, regrette ainsi que la discussion fasse « purement et simplement
abstraction » de la position des femmes qui seraient touchées par cette mesure.
Et elle observe l’inutilité de celle-ci sur l’islam extrémiste, en pointant la France :
« Une interdiction du voile y existe depuis dix ans, mais elle n’a pas permis de
contenir l’islam radical. »

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Publié le 30 octobre 2020(Mise à jour le 2/11)
Par Louis Fraysse

“Calvin en Amérique”, la nouvelle
exposition du Musée international
de la Réforme
Le Musée international de la Réforme de Genève, en Suisse, consacre sa dernière
exposition à l’identité religieuse des États-Unis.

Alors que la France vient de basculer de nouveau dans le confinement, on se
retrouve à rêver de voyage au long cours, de lever les voiles, larguer les amarres
et partir à l’aventure. Il y a tout juste 400 ans, le Mayflower accostait en
Amérique, après plusieurs semaines de traversée. À son bord, une centaine de
passagers, dont les “Pères pèlerins” puritains, entrés depuis dans la légende de la
fondation des États-Unis.

À l’occasion de ce 400e anniversaire, le Musée international de la Réforme (MIR),
situé à Genève, en Suisse, propose une nouvelle exposition intitulée “Calvin en
Amérique”» – clin d’œil aux péripéties d’un célèbre reporter à houppette.
L’identité religieuse des États-Unis
d’aujourd’hui
“Cela faisait quelque temps que nous envisagions de consacrer une exposition à
l’Amérique, confie Gabriel de Montmollin, directeur du MIR. Après les Suisses, les
Américains constituent la nationalité la plus représentée parmi nos visiteurs.
Beaucoup tiennent à voir de leurs yeux notre édition de la Geneva Bible de 1521,
la première Bible protestante anglophone, cinquante ans avant la King James
Bible. À l’occasion de ce 400e anniversaire de la traversée du Mayflower, et alors
que les Américains vont voter pour élire leur président, nous avons souhaité nous
interroger sur l’héritage de ces premiers protestants arrivés en Amérique du
Nord, ainsi que sur l’identité religieuse des États-Unis aujourd’hui.”

Pour aborder la postérité de la Réforme aux États-Unis, riche thématique s’il en
est, l’exposition Calvin en Amérique s’organise autour de quatre entrées. Dans la
salle de la Compagnie, l’exposition présente, sous la forme de vingt-trois blocs de
bois, un kaléidoscope de l’identité religieuse américaine. Le musée a pour cela
obtenu une trentaine d’œuvres et fac-similés prêtés par dix-sept institutions
muséales des États-Unis. Amish, Amérindiens, sorcières, réveils, Martin Luther
King… Les thèmes choisis permettent de parcourir plusieurs siècles d’histoire.

Musique, cinéma et réalité virtuelle
“Il ne s’agit pas pour nous de proposer une histoire “sainte” des États-Unis,
précise pour autant Gabriel de Montmollin. Pour ne prendre qu’un exemple, nous
considérons ainsi la thématique de l’esclavage dans toute sa complexité. D’un
côté, nous insistons sur l’indéniable rôle moteur du protestantisme dans le
mouvement abolitionniste : nous affichons ainsi un fac-similé du premier tact
abolitionniste de l’histoire américaine ; il date de 1700 et reprend l’histoire
biblique de Joseph vendu par ses frères. D’un autre côté, nous présentons aux
visiteurs une “bible d’esclave” de 1807 : tous les passages relatifs à la liberté, à la
libération en ont été expurgés, que ce soit dans le livre de l’Exode, dans les
Psaumes ou dans les épîtres pauliniennes : cette bible comprend ainsi l’ordre
“Obéissez à ceux qui sont vos maîtres”, tiré de la Lettre de Paul aux Éphésiens,
mais le passage de l’épître aux Galates “En Christ il n’y a plus ni homme libre, ni
esclave” a lui disparu…”
L’exposition se poursuit par trois autres installations, respectivement consacrées
à l’influence de la religion dans la musique et le cinéma américains ainsi qu’à une
expérience d’un genre bien particulier. Muni d’un casque de réalité virtuelle, le
visiteur pourra, cinq minutes durant, voyager sur le pont du Mayflower. De quoi
se sentir, quelques instants, l’âme d’un Père pèlerin.

À noter
Calvin en Amérique
Exposition temporaire du 28 octobre 2020 au 28 février 2021.
Du mardi au dimanche, de 10 h à 17 h. Durée de la visite : environ 45 minutes.
Musée international de la Réforme
4, rue du Cloître 1204 Genève
+41 22 310 24 31
www.mir.ch

* Important : du fait de la pandémie de Covid-19, les autorités de Genève ont
annoncé la fermeture obligatoire pour un mois de tous les musées. Par
conséquent, le Musée international de la Réforme ne rouvrira ses portes qu’en
décembre, si la situation sanitaire le permet.

Cliquez ici pour consulter le plan de protection mis en place par le musée, en
réponse à la pandémie de Covid-19.
Publié le 9 octobre 2020(Mise à jour le 9/10)
Par Protestinter

En Suisse, le protestantisme se
mobilise contre les thérapies de
conversion
Les thérapies de conversion, souvent couplées à des abus spirituels, sont
dénoncées par plusieurs Églises protestantes en Suisse romande.

“Je n’ai pas besoin d’être guéri.e.x”, tel était le titre d’une table ronde organisée
le 7 octobre par l’Antenne LGBTI du LAB, espace pour jeunes adultes de l’Église
protestante de Genève (EPG) au Temple de Plainpalais. Élaborée par son
responsable Adrian Stiefel dans le cadre de la campagne de la Ville de Genève
contre l’homophobie et la transphobie, cette soirée a fait appel à plusieurs
spécialistes afin de dialoguer sur les dangers que représente les “thérapies de
conversion“.

Mais qu’en est-il exactement en Suisse romande? Ces procédés seraient-ils si
répandus? Contactée la veille de la conférence, la psychiatre Franceline James,
médecin référent de la Consultation pour victimes de dérives sectaires de
l’Association genevoise pour l’ethnopsychiatrie, explique “avoir reçu beaucoup de
victimes de mouvements fondamentalistes de manière générale, mais très peu de
personnes ayant vécu une expérience de thérapie de réorientation sexuelle à
proprement parler”.
À part quelques acteurs largement médiatisés, dont ce psychiatre schwytzois qui
fait parler de lui en 2019 à cause de son programme de guérison sexuelle, ou
encore les stages de l’association évangélique Torrents de vie à Bussigny et à
Genève, il est en effet plutôt difficile de trouver des associations ou Églises qui
revendiquent clairement l’existence, en leur sein, d’un programme visant à faire
revenir des croyants volontaires à l’hétérosexualité. Même Adrian Stiefel, très
attentif au problème, ne saurait nommer spécifiquement une autre organisation.

Abus spirituels et violations des droits
fondamentaux
Pour Liliane Rudaz-Kagi, diacre Présence et Solidarité de l’Église évangélique
réformée du canton de Vaud (EERV), il y a toutefois de quoi s’inquiéter.“Ce que
j’ai entendu lors d’accueils de personnes LGBT est bien plus sournois”, pointe-t-
elle. “On peut certes questionner le consentement de personnes se rendant dans
des séminaires prétendant ouvertement guérir l’homosexualité. Mais, d’autres
fois, sous la forme d’un pseudo accueil, des personnes se sont retrouvées face à
des prédications clairement homophobes ou entourées de fidèles se mettant à
prier pour elles et pour leur salut.” Et de mentionner l’“abus spirituel”, également
évoqué lors de la conférence de l’Antenne LGBTI du LAB par Blaise Menu,
modérateur de la Compagnie des pasteurs et des diacres de l’EPG. “Toute
violation des droits fondamentaux, au sein d’une organisation religieuse, a pour
base un abus spirituel”, rappelle le ministre, qui était d’ailleurs intervenu sur les
règlements d’application de la nouvelle loi sur la laïcité genevoise, entrés en
vigueur en juin dernier, afin que cette notion y figure.

“Beaucoup de choses se font oralement dans certaines paroisses évangéliques et
échappent vraisemblablement aux médias et aux professionnels du milieu
ecclésial”, assure Andrea Coduri, coordinateur du groupe LGBT À bras ouverts au
sein de l’EERV. Selon ce psychologue, “il existe en Suisse romande des pasteurs
qui rencontrent individuellement des personnes LGBT pour les guérir de
l’homosexualité”. À cela s’ajouteraient des prêches et un enseignement religieux
prônant une hétéronormativité issue de la doctrine biblique. Une réalité que
souhaite combattre Adrian Stiefel, grâce aux actions de son antenne et à la
prévention.

Légiférer sur les thérapies de conversion?
Mais alors, comment s’emparer du problème du point de vue juridique, si la
majorité de ces pratiques restent souterraines? Lors de la table ronde, on rappelle
d’ailleurs la motion rejetée par le Conseil fédéral en 2019, visant à interdire de
“guérir les mineurs homosexuels”. Exposée par Nesa Zimmermann, co-
responsable de la Law Clinic sur les droits des personnes vulnérables de
l’Université de Genève, la raison invoquée était celle d’un arsenal juridique déjà
suffisamment complet selon Berne. Toutefois, une nouvelle motion invitant le
Grand Conseil à définir les thérapies de conversion dans la loi, ainsi qu’à les
interdire dans le canton de Genève, a été déposée en mai dernier par le député
Vert Yves de Matteis.

Selon Adrian Stiefel, “on va un peu vite en besogne, en voulant absolument
légiférer contre des thérapies ou des camps isolés”. Lui-même passé par ce genre
de séminaire aux États-Unis à la fin des années 90, déclare “qu’on sous-estime
toute la pression communautaire qui peut se faire de manière beaucoup plus
insidieuse au sein d’institutions religieuses”.

Sons de cloches identique chez Liliane Rudaz-Kagi: “Les lois donnent un cadre,
mais ce qui me paraît très important, c’est d’envoyer des signaux d’aide. Les
antennes d’accueil LGBT des Églises nationales se doivent d’être des endroits
sûrs où l’on peut être qui l’on est, avec son orientation, son genre et son besoin
spirituel.” Un constat auquel Adrian Stiefel veut ajouter son projet de
“conscientisation” grâce à l’Antenne LGBTI du LAB, conçue comme un espace de
“réconciliation” et de “refuge”. “Il est important d’effectuer un travail de fond au
sein même des Églises et que l’institution établisse une doctrine mettant sur un
pied d’égalité tout individu, indépendamment de l’orientation ou du genre.”

Lucas Vuilleumier

Pour Protesinfo
Publié le 14 septembre 2020(Mise à jour le 14/09)
Par Rédaction Réforme

L’Église réformée suisse soumise à
une     commission      d’enquête
indépendante
La démission du président de l’Église réformée suisse, accusé de comportements
déplacés à l’égard d’une femme, a déclenché la nomination d’une commission
d’enquête temporaire.

L’année 2020 aurait dû marquer le 100e anniversaire de la Fédération des Églises
protestantes de Suisse (FEPS) et sa transformation en Église évangélique
réformée de Suisse (EERS). Le coronavirus et la démission du président du
Conseil synodal Gottfried Locher, mis en cause dans une affaire de harcèlement,
ont donné un sérieux coup de frein aux festivités. Bien que déjà complexe à gérer,
cette dernière affaire (lire ici l’article publié dans Réforme) s’est encore obscurcie
lorsque l’on a appris que Sabine Brändlin, membre du Conseil synodal en partie
en charge du dossier qui avait démissionné en avril pour des raisons personnelles,
l’avait fait parce qu’elle avait entretenu une relation d’ordre privé avec
l’intéressé. À cela se sont encore ajoutés les témoignages d’autres femmes qui ont
voulu souligner le comportement souvent inadapté de l’ancien président avec la
gent féminine. Bref, de quoi alimenter les choux gras de la presse, principalement
alémanique, engendrant imprécisions et spéculations. “Même si nous avons tout
de même pu observer un certain rayonnement des Églises en période Covid, c’est
comme si nous avions vécu une véritable éclipse avec cette crise”, a introduit en
début de session Pierre-Philippe Blaser, membre du Conseil de l’EERS et
président du Conseil de l’Église réformée fribourgeoise.

L’Église réformée suisse veut garantir une
enquête indépendante
Afin de pouvoir gérer au mieux ce dossier qui secoue l’ensemble de l’institution,
le Synode de l’EERS a donc décidé de mettre sur pied une commission
temporaire. Elle a pour mission de garantir l’enquête externe menée par l’étude
d’avocats mandatés par le Conseil de l’EERS. Parmi ses tâches: déterminer si les
reproches à l’encontre de l’ancien président sont justifiés, savoir si des mesures
de protection adaptées existaient durant la période concernée et/ou si elles ont
été mises en place par la suite. La manière dont le Conseil a traité la plainte sera
également à prendre en compte.

Après discussion, il a été accepté que des membres qui ne soient pas délégués au
Synode puisse faire partie de cette commission, surtout si leur domaine
d’expertise est pertinent. Cette décision concernait le cas particulier de la
présidente de la conférence des Femmes protestantes en Suisse Gabriella
Allemann. “Si quelqu’un est qualifié pour participer à cette commission, c’est bien
elle qui connaît le dossier. Elle a notamment organisé des discussions en lien avec
les débats engendrés par le mouvement #MeToo. Cela contribue également à
renforcer notre crédibilité envers l’extérieur et les médias”, a souligné Andreas
Zeller, président du Conseil des Églises réformées Berne-Jura-Soleure.

Lors du synode des 14 et 15 septembre, Gabriella Allemann a donc été élue aux
côtés de Rolf Markus Berweger (ZG), Corinne Odile Duc (ZH), Barbara
Hirsbrunner (GR), Roland Stach (BEJUSO), Lars Syring (AI/AR) et Marie-Claude
Ischer-Wagner, présidente de l’Église réformée vaudoise, qui prendra également
la même casquette au sein de la commission. “Nous vous remercions pour la
confiance témoignée. Nous allons nous mettre au travail avec rigueur et
honnêteté pour répondre au mandat que vous nous avez confié”, a-t-elle
communiqué aux délégués.
200 000 Frs en frais d’avocats, de
communication et de traduction
Le travail de la commission s’étendra de septembre 2020 à juin 2021. Elle rendra
son rapport au synode d’été 2021. Elle analysera le rapport d’enquête externe de
l’étude d’avocats Rudin Cantieni, en tirera les conclusions nécessaires et
soumettra ses propositions au synode le cas échéant. C’est un soulagement pour
le bureau du synode, qui était jusqu’ici seul en charge du dossier. Pour ses
membres, les derniers mois ont été plus qu’éprouvants et ont grandement
surchargé leurs emplois du temps.

“L’affaire” a également eu des répercussions financières, qui ont demandé à être
clarifiées par plusieurs délégués. En effet, depuis janvier, pas moins de 200 000
francs ont été dépensé en frais d’avocats, de communication et de traduction. Une
grande partie des frais juridiques de la plaignante ont été pris en charge. De plus,
l’ancien président bénéfice d’une indemnité de licenciement suite à un
arrangement entre parties qui reste confidentiel. Conscient que le Conseil a agi
dans l’urgence afin de préserver les intérêts supérieurs de l’EERS, Christophe
Weber-Berg, président du Conseil de l’Église d’Argovie s’est dit surpris du
montant des dépenses. “En faisant mes calculs, cela voudrait dire que les bureaux
d’avocats ont travaillé plus de 300 heures sur ce cas, tout comme les services de
communication. Il est légitime de se poser la question de ce qui se cache derrière
cette somme.” Il a notamment invité le Conseil à être aussi transparent que
possible afin d’éviter toute méprise sur la question.

Renouer la confiance entre l’institution et
le terrain
Une transparence qui a également été demandée par le délégué des Églises
réformée Berne-Jura-Soleure Christoph Knoch. À l’heure des questions, il a
interpellé le Conseil sur les nombreux courriers de sorties d’Église qui se basent
sur la démission de Gottfried Locher. Cette problématique n’est pas prise à la
légère par le Conseil, qui comprend que la crise actuelle ait engendrée de la
méfiance et qui fait tout pour maintenir le dialogue en clarifiant les faits, en étant
attentif, professionnel et surtout transparent.
Nicolas Meyer

Avec Protestinfo.ch

Publié le 8 septembre 2020(Mise à jour le 8/09)
Par Protestinter

Une nouvelle vision pour l’avenir
de l’Église réformée vaudoise
L’Église réformée vaudoise dessine son avenir dans un processus participatif
entre son exécutif et le synode. Au cœur des débats, la place de la jeunesse.

Une vision commune dans une Église attachée à un ADN multitudiniste relève du
défi. Réunis en session extraordinaire le 5 septembre à Denges, les délégués au
synode (organe délibérant) de l’Église réformée vaudoise (EERV) ont alors décidé
de s’attaquer à une telle vision dans un processus participatif avec le Conseil
synodal (exécutif), en vue du programme de législature annoncé pour décembre.
Comme prévu, le Conseil synodal a présenté un état des lieux et sa vision pour
l’EERV. Un rapport qui a généré plusieurs heures de débat.
L’Église réformée vaudoise à la rencontre
des jeunes
Les chiffres relevés par l’exécutif font état du recul du nombre de réformés, de la
baisse du nombre de jeunes terminant le catéchisme et de l’urgence à créer du
lien avec les familles. Un constat qui “impose d’accélérer le passage vers une
nouvelle manière d’être Église”, lit-on dans le rapport. Quant à la vision, elle se
résume en un slogan: “Mobilisée par l’Évangile de Jésus-Christ, notre Église
participe activement à l’humanisation de la société au sein d’une Création à
soigner”. Elle se fixe comme priorité stratégique la création de liens avec la
jeunesse vaudoise qui vit “soit dans l’urgence, soit dans la déprime, soit dans le
j’m’en foutisme” et que l’EERV ne parvient plus à rejoindre. La photographie du
canton a été jugée déconnectée de la réalité, insatisfaisante et pessimiste par
plusieurs délégués. Saluée par certains, la vision n’a, quant à elle, pas fait
l’unanimité. D’aucuns lui reprochent le peu d’ancrage théologique, un flou de
vocabulaire et le manque d’identité propre. Néanmoins, nombreuses ont été les
interventions exprimant le désir de partir à la rencontre des jeunes et de les
accompagner dans leur quête de sens.

Mais la vision de l’exécutif n’est pas son programme de législature. “Nous avons
une vision, elle n’est pas parfaite, mais avançons!”, affirme le pasteur Julian
Woodford qui a usé de la métaphore: “Un homme qui marche va plus vite que
quatre savants assis par terre”. Face à des visions multiples et nombreuses, les
délégués ont finalement préféré prendre acte de la vision du Conseil synodal,
plutôt que de l’adopter. Ils ont par contre approuvé le processus participatif qui
sous-tend cette vision. Et décidé de la mise en place d’un groupe de travail, en
vue du synode de décembre, date à laquelle le programme de législature sera
soumis. Cette décision permet à l’organe délibérant de poursuivre le débat, de
réfléchir ensemble à l’Église que souhaite être l’EERV et à la façon dont elle
compte l’incarner.

Renouvellement des textes institutionnels
Durant sa session, le synode a également adopté une modification du Règlement
ecclésiastique relatif à l’institution de l’Autorité de surveillance des fondations
ecclésiastiques liées à l’EERV. L’assemblée a aussi ratifié le toilettage de la
convention d’exécution 2020-2024 entre l’EERV et la Fédération ecclésiastique
catholique romaine vaudoise pour les missions au service de tous exercées en
commun.

Marie Destraz

À retrouver sur protestinfo.ch
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