56 Journal de l'adc Association pour la danse contemporaine Genève

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Janvier — mars 2012 — adc / association pour la danse contemporaine

                                                                    56
                                                                    Journal de l’adc
    Le Pavillon de la danse se dessine Focus Culture et sport, le
coup d’envoi À l’affiche Thomas Lebrun / Daniel Linehan / William

                                                                    Association pour la danse contemporaine
                                                                    Genève
Forsythe / Perrine Valli / Pierre Droulers
       Dossier
           1207 Genève
               P.P.

                                                                    Salle des Eaux-Vives
                                                                    82 − 84 rue des Eaux-Vives
                                                                    CH −1207 Genève
2 / Journal de l’adc n° 56 / janvier — mars 2012

L’adc de janvier à mars 2012

Thomas Lebrun
Six order pieces
du 11 au 15 janvier 2012 Salle des Eaux-Vives

Martin Zimmermann & Dimitri de Perrot
Hans was Heiri
le 20 janvier 2012 Bus en-cas au Théâtre de Vidy à Lausanne

Daniel Linehan
Zombie Aporia
du 2 au 4 février 2012 Salle des Eaux-Vives
En collaboration avec le Festival Antigel

William Forsythe / The Forsythe Company
Human Writes
les 23, 24 et 25 février 2012 ONU – Palais des Nations
En collaboration avec le Festival Antigel

Perrine Valli
Si dans cette chambre un ami attend…
du 14 au 25 mars 2012 Salle des Eaux-Vives

Akram Khan Company
Desh
le 16 mars 2012 Bus en-cas à la Maison de la culture MC2 à Grenoble

Pierre Droulers
de l’air et du vent
du 28 au 31 mars 2012 Salle des Eaux-Vives
Journal de l’adc n° 56 / janvier — mars 2012 /   3

Focus                                Dossier

4 -6                                 22 - 23                                  24 - 25
Culture et sport,                    Sturm und danse                          Place à prendre
le coup d’envoi                      « Le Pavillon doit être un               Petite histoire
Un regard sur une nouvelle           révélateur », entretien avec             de la place Sturm
alliance par Dominique               Christophe Catsaros                      par David Ripoll
Hartmann

A l’affiche                          Bus, livres, chronique                   Carnet de bal         Edito

10 - 11                              26 - 27                                  28 - 29               Pavillon de la danse :
Six order pieces
Thomas Lebrun
                                     Les bus en-cas
                                     de l’adc
                                                                              Que font les
                                                                              danseurs genevois
                                                                                                    Hissez haut !
                                                                                                    A Genève, à ce jour, il n’existe toujours pas de lieu spécifi-
                                                                              et autres nouvelles   que pour la danse contemporaine. Pas de scène appropriée
                                     Une sélection
12 - 13                                                                       de la danse           pour cette discipline artistique. Le Pavillon de la danse,
                                     des dernières
Zombie Aporia                                                                                       aujourd’hui sur la table du Conseil municipal de la Ville de
                                     acquisitions                                                   Genève, doit changer cela.
Daniel Linehan
                                     du centre de                             Histoires de corps         Le projet d’un lieu pour la danse s’est formulé en 1997.
                                     documentation                                                  La commune de Lancy aurait pu l’accueillir. Mais ce projet,
14 - 15                                                                       30                    porté alors par l’adc et un groupe de travail constitué du
                                     de l’adc
Human Writes                                                                  Une danseuse          milieu professionnel de la danse, n’a pas abouti. Un réfé-
William Forsythe                     La chronique                             se raconte en trois   rendum communal a enterré en 2006 la Maison de la danse
                                     sur le gaz                               mouvements :
                                                                                                    et le centre socioculturel qui devait l’abriter. « Nous avons
16 - 17                              de Claude Ratzé                                                perdu une bataille longue et passionnante, écrivions-nous
                                                                              Tamara Bacci          alors dans le Journal de l’adc. Nous sommes déçus, mais
Si dans cette chambre
                                                                                                    paradoxalement, nous n’avons jamais parlé autant de la
un ami attend...                                                                                    danse à Genève. Enterrée une fois, mais pas morte ! »
Perrine Valli                                                                 Mémentos                   Au lendemain de cet échec, nous avons repris la quête.
                                                                                                    Nous avons étudié une vingtaine de pistes, pour aboutir
18 - 19                                                                       31                    aujourd’hui au projet d’un Pavillon sur la place Sturm. Le
                                                                              Lieux choisis en      Conseil administratif, convaincu, l’a présenté en mars der-
de l’air et du vent
                                                                                                    nier au Conseil municipal. Celui-ci doit se prononcer dans
Pierre Droulers                                                               Suisse et France
                                                                                                    les prochains mois sur l’ouverture d’un crédit destiné au
                                                                              voisine               concours et à l’étude de ce projet.
                                                                                                         Toutes les bonnes fées semblent enfin rassemblées
                                                                                                    autour du berceau d’un projet réjouissant pour la danse
                                                                                                    comme pour la ville (voir notre dossier pages 22 à 25). Le Pavillon
                                                                                                    de la danse pourrait voir le jour en 2016, soit près de vingt
                                                                                                    ans après sa première esquisse. Alors que de nombreux
                                                                                                    chorégraphes genevois s’imposent, travaillent et portent
                                                                                                    haut les couleurs de Genève dans toute l’Europe et au-delà,
                                                                                                    il serait temps qu’une scène adéquate, spécifique, dédiée
                                                                                                    leur soit construite. Une scène identifiée comme le lieu d’où
                                                                                                    émanent des propositions de danse contemporaine per-
                                                                                                    mettra assurément de travailler en profondeur avec un pu-
                                                                                                    blic constitué et conséquent, ou à conquérir encore.
                                                                                                         Bref, il y a qualité et quantité pour provoquer un saut en
                                                                                                    avant. Pour que la Genève de l’an 2016 danse, il lui faut ce
                                                                                                    lieu. De la longueur, de la largeur et de la hauteur en suffi-
Association pour la danse            David Ripoll, Gerald Sigmung,                                  sance. Mais nous le savons, l’occasion a beau être belle, il
contemporaine (adc)                  Cécile Simonet, Bertrand Tappolet
Rue des Eaux-Vives 82−84             Graphisme : Silvia Francia, blvdr
                                                                                                    faut savoir la saisir. De la bravoure et de la volonté seront
1207 Genève                          Impression : SRO Kundig                                        encore nécessaires pour ne pas voir trembler au dernier
tél. +41 22 329 44 00                Tirage : 8’500 exemplaires
fax +41 22 329 44 27                 Janvier 2012                                                   moment la main du destin qui semble en passe de s’accom-
info@adc-geneve.ch                   Prochaine parution :                                           plir. Sous peine de voir le Pavillon s’évanouir comme une
www.adc-geneve.ch                    avril 2012
                                     Ce journal est réalisé                                         Fata Morgana. Anne Davier
Responsable de publication :
                                     sur du papier recyclé.
Claude Ratzé
Rédactrice en chef :                 Photo de couverture :
Anne Davier                          Human Writes de William Forsythe
Comité de rédaction :                Photo : Dominik Mentzos
Caroline Coutau, Anne Davier,
                                     L’ADC bénéficie du soutien de la Ville
Thierry Mertenat, Claude Ratzé       de Genève, de la République et canton
Secrétariat de rédaction :           de Genève et de la Loterie Romande.
Manon Pulver
Ont collaboré à ce numéro :
Gregory Batardon, Anne Davier,
Philippe Guisgand, Dominique
Hartmann, Herrmann, Denis Laurent,
Didier Péron, Claude Ratzé,
4   / Focus / Journal de l’adc n° 56 / janvier — mars 2012

Focus

Culture et sport, le coup d’envoi
En Ville de Genève, le sport a désormais rejoint la culture,
comme au Canton. Quel est la portée de ce nouveau
découpage ? L’éloge du spectaculaire va-t-il gagner la
culture ? Confiance et circonspection s’expriment à ce
propos, alors que la Ville se veut rassurante et développe
des synergies.

                                                               Et si c’était
                                                               la faute
                                                               à la danse ?

                                                               C
                                                                         omme aucune autre disci-         aussi bien mettre les sports aux
                                                                         pline artistique, celle-ci vit   affaires étrangères », lance-t-il. La
                                                                         de l’effort physique, de la      culture vise « la création de formes
                                                                         transformation des corps,        et de sens symbolique », rappelle
                                                                de la beauté du geste. Comme              Sylviane Dupuis, auteure et profes-
                                                                aucune autre discipline, elle trace       seure de littérature à l’Université de
                                                                donc une voie royale vers le sport        Genève. Dans cette optique, le sport
                                                                et suggère avec lui des accointan-        et la culture semblent en effet de
                                                                ces. Pour Foofwa d’Imobilité, le plus     bien lointains parents. Désormais,
                                                                sportif des danseurs de la place, les     ils sont pourtant regroupés au sein
                                                                deux domaines sont pourtant aux           du même (très gros) département
                                                                antipodes, même si les brillantes         à la Ville de Genève. Or, le premier
                                                                contorsions du chorégraphe Phi-           s’adresse surtout à des amateurs,
                                                                lippe Decouflé, inaugurant les Jeux       la seconde essentiellement à des
                                                                olympiques d’Albertville, ont pu fai-     professionnels. Traditionnellement,
                                                                re rêver le contraire. « Le sport est     leurs modes de financement di-
                                                                le règne du quantitatif et de l’objec-    vergent, et les infrastructures de
                                                                tif : un match peut être qualifié de      l’un ne sont pas celles de l’autre.
                                                               “ beau”, si l’équipe n’a pas marqué,       Qu’ont-ils donc à se dire ?
                                                                elle dégringole au classement »,
                                                                relève le chorégraphe. « Qualitatif       Le plein de synergies
                                                                et subjectif, l’art est au contraire      Sami Kanaan, le magistrat en
                                                                affaire de goût et de perceptions. »      charge du département se dit très
                                                                Auteur de performances sportivo-          conscient de ces différences. S’il a
                                                                chorégraphiques, Foofwa juge inté-        tenu à rattacher à la culture le sport
                                                                ressant de les confronter ponctuel-       qu’il dirigeait au Département de
                                                                lement, mais reste perplexe quant         la cohésion sociale, de la jeunesse
                                                                au regroupement de deux secteurs          et des sports de la Ville de Genève,
                                                                aussi distincts au sein d’un même         entre 2007 et 2010, c’est pour deux
                                                                département. « On pourrait tout           raisons : parce que « sport et culture
Focus / Journal de l’adc n° 56 / janvier — mars 2012 /   5

font partie des domaines d’autono- d’exploitation des infrastructures.
mie de la Ville », où les communes « Quand Antigel a organisé ce spec-
jouent un rôle primordial face à tacle au Centre sportif de la Queue
l’état ; et parce que bien des sy- d’Arve, il a fallu fermer la halle de
nergies s’esquissent entre ceux-ci. badminton plusieurs jours, en rai-
Pour Philippe Voirol, chef du ser- son de l’aménagement technique
vices des sports, être rattaché à la nécessaire. Allez expliquer cela aux
culture après l’avoir été à la cohé- sportifs », nuance Sami Kanaan, qui
sion sociale et à la sécurité est un n’envisage que des alliances ponc-
défi passionnant — et la preuve que tuelles. Sans compter que la pénu-
le sport a plus d’une utilité dans la rie régulièrement rappelée par les
société.                                 milieux culturels ne concerne pas
     Parmi les synergies possibles, simplement les lieux de représen-
celle du public. Pas plus que celui tations mais également ceux de
qui vient transpirer deux fois par répétitions. Mais c’est surtout sur le
semaine à son cours de tchoukball terrain politique qu’Antigel a balisé
ou de tennis, le public qui fréquente le terrain en réussissant à échafau-
les salles de spectacle n’est obligé der des projets culturels communs
de le faire. Ces publics sont non avec douze communes, qui ont mis
captifs — contrairement à ceux de à disposition certaines infrastruc-
la santé ou des transports. Il s’agit tures, notamment sportives. Sami
donc de les séduire et de les fidé- Kanaan entend bien favoriser à son
liser. « Surtout que la pratique du tour cette « fluidité » et « inviter les
sport s’est beaucoup individualisée, communes à ne pas être trop pro-
rappelle Philippe Voirol. Autrefois, tectionnistes ».
on adhérait à un club d’athlétisme.          Autre convergence citée entre
Aujourd’hui, on chausse ses bas- sport et culture, celle qui concerne
kets et on va courir tout seul ». Cer- les modes de financement. L’art ly-
taines des stratégies élaborées rique compte déjà sur de généreux
pour un public pourraient ainsi mécènes, l’art contemporain ne
s’appliquer à un autre. Et pour sus- recule pas devant les partenariats
citer de nouveaux publics, rien de public-privé, et le sport en est très
tel que de mettre un peu de mou- coutumier. Pourtant, le reste de la
vement dans la culture. C’est ce que culture est traditionnellement plu-
tentera au printemps prochain une tôt éloigné de ce type de finance-
exposition consacrée aux glaciers, ment. « Une grande transparence et
à laquelle le nouveau département un cadre de fonctionnement strict
a adjoint les sports extrêmes pour sont nécessaires, en effet », estime
décliner la thématique. Et les férus le magistrat. « Ces deux garde-fous
de sport de franchir ainsi la porte du devraient éviter au département de
musée — s’ils n’y vont pas déjà. Car glisser par exemple vers une priva-
l’heure est aux tâtonnements, re- tisation des infrastructures publi-
connaît Jérôme Faas, bras droit du ques. » Parmi les règles de cohé-
magistrat. « Il s’agit à la fois de mul- rence, le choix des partenaires et la
tiplier les portes d’entrées et d’ac- provenance des fonds. Au départe-
quérir une meilleure connaissance ment, une personne a précisément
de nos publics. »                        été chargée de poser un cadre
                                         transversal — du sport à la culture —
Dans le même bain                        et de déterminer quels partenariats
En février 2011, le tout nouveau sont envisageables.
festival de danse et de musique
Antigel avait joué sans le savoir les Un souci de cohésion
précurseurs en mêlant lieux spor- sociale
tifs et culturels pour certains de ses Mais la culture et les sports ne
spectacles : que l’on pense à son convergent pas seulement, ils se
concert subaquatique, plongé dans distinguent aussi : le département
les Bains de Cressy, et à Badminton s’adresse à des professionnels
Soundsystem, où les mouvements, pour la première, à des amateurs
coups de raquettes et respirations pour la seconde qui soutient la pra-
des joueurs fournissaient la ma- tique sportive de loisirs. Court-on
tière première d’une composition le risque de mesurer l’une à l’aune
sonore effectuée en temps réel. « Si de l’autre ? Sami Kanaan se veut
vous organisez des événements rassurant : « Nous sommes très
culturels dans un centre de sport, conscients des différences qui
une partie des athlètes seront là, existent entre sport et culture, et
bien sûr », souligne Philippe Voi- entre les différents domaines cultu-
rol. Mais cette alliance a aussi ses rels. Il ne s’agit pas de dénaturer la
limites, en tout cas en matière création, qui suppose un travail pro-
6    / Dossier / Journal de l’adc n° 56 / janvier — mars 2012

                                                                                                    fessionnel et repose souvent sur de          symboliques, de textes, de sens

Vite, un poste
Réunis désormais au sein du même département
                                                                                                    solides formations. » Et d’évoquer
                                                                                                    encore une autre alliance possible :
                                                                                                                                                 ou de visions du monde ». « La Ville
                                                                                                                                                 va-t-elle penser la politique cultu-
                                                                                                    Tout comme le sport municipal qui            relle comme on pense le sport ? »,
municipal, la culture et les sports devront peu à peu                                               affiche une volonté de prévention            poursuit Myriam Kridi. « C’est un
accorder leurs violons. Pour l’heure, il n’y aurait à                                               de la santé — physique, mentale —            peu dans l’air du temps, en tout cas,
signaler que de la curiosité, un certain enthousiasme                                               une partie de la culture aurait un           notamment en France. Et que le
même. Celui que peuvent générer des approches très                                                  rôle à jouer sur le plan social. « La        meilleur gagne… ? »
                                                                                                    culture a sa propre légitimité et cer-       Dominique Hartmann
différentes, par exemple sur la façon de communiquer.
                                                                                                    tains spectacles n’ont pas d’autre
« Chacun doit se mettre à niveau et s’intéresser à
                                                                                                    justification qu’esthétique. Et les
l’autre, rappelle Jérôme Faas, adjoint de direction.                                                premiers critères de soutien finan-
Chacun, mais peut-être surtout les nouveaux venus.                                                  cier resteront la valeur artistique
Car la culture reste le poids lourd du département.                                                 d’un projet, insiste le magistrat.
Sur les 1’500 postes que compte celui-ci, 200 seule-                                                Pourtant, la culture est aussi un for-
ment ressortissent au sport.                                                                        midable levier en matière de cohé-
    La culture pèse quelque 300 millions au projet de                                               sion sociale. A Genève, cela compte,
budget 2012, le sport 48,5 millions environ. Au budget                                              où cet enjeu est si important, par
                                                                                                    exemple face aux populations mi-
2012 — « rattrapé au vol, rappelle Jérôme Faas, le vrai
                                                                                                    grantes. J’aimerais amener une par-
budget Kanaan, ce sera en 2013 » — pas encore d’aug-
                                                                                                    tie de la culture à sortir de ses murs,
mentation massive en faveur de tels ou tels projets.                                                à quitter ses circuits habituels pour
Mais pour administrer tout un nouveau secteur sans                                                  aller vers d’autres publics. On peut
rogner sur les besoins de l’autre, il faudra des moyens.                                            penser à des expos itinérantes, à
Pour l’heure, le rattachement des sports au Départe-                                                des activités culturelles décentrali-
ment de la culture n’a pas conduit à étoffer sa direc-                                              sées dans les quartiers et sollicitant
tion. «Le magistrat souhaite néanmoins qu’un adjoint                                                les associations. »
de direction chargé des sports rejoigne rapidement
l’équipe de direction, précise Jérôme Faas. La création
                                                                                                    Du symbole au football
                                                                                                    L’heure est donc plutôt aux tâton-
de ce poste dépend bien entendu de l’approbation du
                                                                                                    nements — et aux formulations pru-
Conseil municipal. » Affaire à suivre, donc.
                                                                                                    dentes. A la recherche de publics
DH
                                                                                                    nouveaux ou aux contours plus
                                                                                                    nets, à la mise en place de modèles
                                                                                                    financiers, aux synergies à activer.
                                                   Photos DR / Montage graphique : Silvia Francia
                                                                                                    Dans le milieu culturel, les person-
                                                                                                    nes interrogées se disent plutôt
                                                                                                    confiantes à l’égard du nouveau
                                                                                                    magistrat — ou un peu fataliste :
                                                                                                    « Le sport étant devenu la (seule)
                                                                                                    culture de beaucoup, il fallait bien
                                                                                                    que ce mariage (politique) eût lieu »,
                                                                                                    observe Sylviane Dupuis, qui note
                                                                                                    que « peut-être le sport en aura-
                                                                                                    t-il parfois aidés quelques-uns à
                                                                                                    s’émanciper et à se trouver eux-mê-
                                                                                                    mes, comme le fait la culture ». « Ce
                                                                                                    regroupement rapproche l’organi-
                                                                                                    sation de la Ville et celui de l’Etat, ce
                                                                                                    qui pourrait éviter des blocages »,
                                                                                                    juge Myriam Kridi, programmatrice
                                                                                                    du Théâtre de l’Usine. Mais une cer-
                                                                                                    taine circonspection pointe aussi.
                                                                                                    Car une inquiétude plus profonde
                                                                                                    plane quant à la place de la culture,
                                                                                                    qui « dépasse largement le nouveau
                                                                                                    Département de la culture et des
                                                                                                    sports, précise Sylviane Dupuis :
                                                                                                    celle de voir tout ce que nous avons
                                                                                                    appelé culture (art, littérature, théâ-
                                                                                                    tre, poésie, danse, musique, etc.),
                                                                                                    tomber bientôt aux oubliettes, les
                                                                                                    Facultés de communication rem-
                                                                                                    plaçant peu à peu les Facultés des
                                                                                                    lettres ou les départements de lit-
                                                                                                    térature, philosophie ou d’histoire
                                                                                                    de l’art, et le sport et les jeux en arri-
                                                                                                    vant à se confondre peu à peu avec
                                                                                                    la création de formes et d’images
Journal de l’adc n° 56 / janvier — mars 2012 /   7

Danse

Elektro Kif
Blanca Li / Ma 31 janvier 2012

www.forum-meyrin.ch   Image © Laurent Paillier

                      Tél. 022 989 34 34
                      Place des Cinq-Continents 1 I 1217 Meyrin
                      Service culturel Migros Genève I Stand Info Balexert
                      Migros Nyon-La Combe
8   / Mémento / Journal de l’adc n° 56 / janvier — mars 2012

      
        

     
          

                                                                   

                                                               SAISON
Journal de l’adc n° 56 / janvier — mars 2012 /                                       9

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                                                                                                                    ule
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                                                                 01
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              a a B ois
                                                  4          !        
                                                                                4 & "
                                                                          ( + 4,!) ) ! !
                                   o n                                 !
                icc s B rd
             Ch Loui Cha bes                                           
              an
                 -    th co aux
            Je isabe Des off ten
                                m
                                                                    " 4 4'  4,#
              El que cal G ie I er                                  " 4 % 4 4
              mi
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                     Pa Mél Iun lois     c k
                                                               !       !    4
           Do                    e
                             ev Lan ige
                                           g     r                        ,  4 *4/24 
                        Ste hel obs sch
                             c         L      r                                            (
                                                                                                       !
                          Mi rie Loe aire                                              
                                                                              4 4  ! 4,
                                                                                                                                                                                                                                                                    x
                                                                                                                                                                                                                                                                  au /

                              lé
                                                                                                                                                                                                                                                              off
                                        é                i
                           Va ndr ric M ghin                                
                                                                                                                                                                                                                                                           l G aire e
                                                                                                                                                                                                                                                        sca M         n

                                                                                 4 ! 44
                                                                                                                                                                                                                                                    / Pa éric Seig
                                                                                                                                                                                                                                                  es réd ude

                                A dé en re                 t                                                                                                                                                                                   mb / F
                                                                                                                                                                                                                                            sco rsch let /
                                                                                                                                                                                                                                                           A

                                                                               4
                                                                                                                                                                                                                                          e           u
                                     é                r
                                                                                                                                                                                                                                        D      e    o

                                                                             
                                                                                                                                                                                                                                      ue é Lo de R

                                  Fr eu M Pe ère                            
                                                                                                                                                                                                                                  iniq dr

                                                                                        4 
                                                                                                                                                                                                                                               l

                                                                                   )
                                                                                                                                                                                                                                om An anie

                                                                        !  *4
                                                                                                                                                                                                                             / D er / / D
                                               n        i
                                    thi Jea anc tez
                                                                                                                                                                                                                           on sig tez
                                                                                                                                                                                                                        ard Lob ebe

                                                                                                                                                                                                                                                        !4
                                                                                                                                                                                                                      h
                                                                                                                                                                                                                     C rie      R

                                                                            ! 4  "!
                              Ma                                                     
                                                                                                                                                                                                                 eth alé stin n
                                                                                                                                                                                                              sab / V ugu ora

                                              s R be             t
                                                                                                                                                                                                          Eli    is
                                                                                                                                                                                                       r / glo re / onia
                                                                                                                                                                                                                        A    Z

                                            ue Re oul e        e                                                                                                                                    sie an        iè
                                                                                                                                                                                                 ois hel L Ranc m /
                                                                                                                                                                                                                        S

                                                                              ) 4
                                                                                                                                                                                               B
                                                                                                                                                                                             is Mic es aze

                                         cq stin
                                                                                                                                                                                                                                                   04 4-34") .4
                                                                                                                                                                                          ou            u
                                                                                                                                                                                      n-L ker / Jacq rre W

                                       a                R        n                                                                                                                 ea             /
                                                                                                                                                                                / J Iunc rret / Pie
                                     J               e
                                           gu iel d Sei tler
                                                               g
                                                                            
                                                                                                                                                                             zi
                                                                                                                                                                          on eve Pe era
                                                                                                                                                                    B erg Ste Jean Tav

                                         u                                                                                                                              n / i/
                                                                                                                                                                 ca                     rie
                                                                                                                                                              hic Ite ghin / Ma
                                      A an ude tet ra

                                                                                                                       S
                                                                                                                                                                                                                                                             124
                                                                                                                                                           rC     ie     n       r
                                                                                                                                                         pa élan Me ttle
                                                                                                                                                                   u       e
                                                                                                                                                          / M thie e St
                                          D      A e S ave                                                                                                  Ma érôm

                                                                                                                      (
4")404
                                                                                                                                                             /J

                                                     m ie T zem
                                                  rô

                                                                                                                     Q    
                                              Jé Mar Wa oran
 !4 4 4 "                                        rre Z
                                                      Pie onia
                                                            S

          
         !  
       
                                                                                                                                                                                                                                                                                                  S ennhauser Creat ive Consul ting

    """                                                                 
10 / A l’affiche / Journal de l’adc n° 56 / janvier — mars 2012

 de janvier à mars
 les spectacles
 présentés par l’adc
Six order pieces − du 11 au 15 janvier − Philippe Guisgand
rencontre pour le Journal de l’adc Thomas Lebrun à Roubaix,

                                                              Philippe Guisgand : Quelles sont           order pieces, c’est plutôt une ma-         n’est pas chorégraphié, je vois deux
                                                              les raisons qui t’ont amené à re-          nière d’entrer dans la création ; c’est    états de corps différents : il y a un
                                                              venir à un projet d’interprète ?           aussi son combustible. La pièce            combat contre l’air, jusqu’à l’épuise-
                                                              Thomas Lebrun : Il y en a plusieurs.       questionne plutôt la notion d’ordre.       ment et un moment où je m’écroule
                                                              En premier lieu, depuis 2006, je                                                      mais sans disparaître. Ce sont deux
                                                              dansais surtout des soli que j’avais       L’ordre est un point de départ,            états de résistance différents. C’est
                                                              moi-même chorégraphiés. Et j’avais         mais de quel ordre s’agit-il ? L’or-       en cela que je vais parler d’état de
                                                              envie d’être à nouveau l’interprète        dre donné ? La mise en ordre ?             corps. Ainsi dans le dernier solo,
                                                              d’autres personnes, d’être nourri par      C’est tout cela et plus encore. Cha-       je dois repasser par les états des
                                                              eux. Par ailleurs, la quarantaine ap-      que artiste avait la liberté de l’en-      autres soli : planant, violent, enfermé
                                                              prochant (rire), je voulais aussi me       tendre comme il le souhaitait. Cer-        ou anéanti. Parfois avec une pensée,
                                                              lancer un défi physique. Plus spéci-       tains ont évoqué la guerre : le solo       parfois à l’aide d’une sensation. Ces
                                                              fiquement, j’ai commandé un solo à         de Bernard Glandier était inspiré          changements sont épuisants mais
                                                              Michèle Noiret avec qui j’attendais        d’un jeu d’enfants dans les camps          intéressants. Pour moi, l’écriture est
                                                              une occasion de rencontre depuis           de concentration ; Charlotte, avec         un moyen, mais les états de corps
                                                              dix ans. Je voulais aussi reprendre        les trains, suggérait l’idée de dé-        constituent le fond. C’est ce qui fait
où ils évoquent Six order pieces.

                                                              un solo de Bernard Glandier, le pre-       portation ainsi que Jean-Marc avec         danse dans cette pièce.
                                                              mier chorégraphe avec qui j’ai tra-        des faisceaux et des lieux resserrés
                                                              vaillé, et qui m’avait légué et trans-     sur des extraits de Das Berliner Re-       Tu parles « d’entre-deux » à pro-
                                                              mis son solo Pouce ! en 1999, avant        quiem. Michèle l’a plutôt entendu          pos de Six order pieces : entre
                                                              de décéder. Un solo que je n’avais         comme une alternance entre or-             commande et coécriture, entre
                                                              plus dansé depuis longtemps. Je            dre et désordre. Ursula a travaillé        écriture et interprétation. Cet es-
                                                              voulais également collaborer avec          sur la violence de l’ordre donné,          pace « entre » est le lieu de l’œu-
                                                              des artistes qui n’étaient pas choré-      citant Full Metal Jacket pour gui-         vre mais il est aussi celui des
                                                              graphes. La réalisatrice Ursula Meier      der la densité physique de mon             demandes et adresses de sept
                                                              dont les films impliquent toujours la      interprétation. Mais pour moi le           protagonistes : peux-tu préciser
                                                              question du mouvement et qui me            projet questionnait aussi la mise          la nature de ces échanges ?
                                                              guidait comme on dirige un acteur          en ordre de toutes ces proposi-            Je ne parlerai pas d’espace mais de
                                                              sur un plateau de cinéma. La vidéas-       tions. Il fallait tenir compte à la fois   lien « entre » ; du lien entre la vidéo
                                                              te Charlotte Rousseau qui m’a pro-         de la physicalité de chacune (trois        et la danse par exemple. Je préfère
                                                              posé un film à partir duquel elle m’a      rapides et trois plus lentes) mais         parler de connexion, de rencontre,
                                                              dirigé chorégraphiquement. Même            aussi du rythme général de la piè-         car l’espace dont tu parles est pour
                                                              principe avec une création lumière         ce. Car je ne voulais pas de transi-       moi synonyme d’éloignement. Com-
                                                              de Jean-Marc Serre qui a servi de          tions clairement marquées entre            ment remplir cet espace dans le
                                                              point de départ à un choix musical         les soli. Je ne voulais pas que des        cas de tel projet précis ? Comment
                                                              commun et à ma proposition dan-            spectateurs puissent identifier qui        se mettre d’accord ? Avec Scanner
                                                              sée qu’il a dirigée. Enfin, j’ai donné à   a fait quoi. Beaucoup, public com-         par exemple, j’ai reçu la musique
                                                              Scanner, un compositeur londonien,         me journalistes, s’y sont d’ailleurs       et je l’ai remercié sans autre forme
                                                              l’ensemble des musiques pour qu’il         trompés.                                   d’échange car je n’avais besoin de
                                                              me propose en retour une synthèse                                                     rien d’autre. Pour les autres, il fallait
                                                              des propositions. En réponse, j’ai         A propos de cette pièce, tu par-           que la danse soit présente ; j’ai donc
                                                              conçu le dernier solo comme une            les volontiers d’états de corps,           poussé ou résisté, comme n’impor-
                                                              synthèse de tous les vocabulaires          trouvant intéressant de saisir ce          te quel interprète. Il y a eu de réels
                                                              précédents.                                que cette idée sous-entendait              dialogues, tous différents, mais tou-
                                                                                                         pour des artistes qui ne dansent           jours sur un registre sensible.
                                                              Mais l’interprétation est-elle un          pas. C’est un mot très usité dans          Propos recueillis par Philippe Guisgand
                                                              sujet central de la pièce ?                le monde chorégraphique mais
                                                              Toute pièce est concernée par son          il a tendance à résumer une ex-
                                                              interprétation, c’est le cas pour La       périence plutôt qu’à en rendre
                                                              Jeune fille et la Mort sur laquelle je     compte… Qu’est-ce que cette
                                                              travaille en ce moment à partir de         expression signifie pour toi ?
                                                              cette œuvre musicale magistrale de         Je vais prendre l’exemple du solo
                                                              Schubert. Mais dans le cas de Six          d’Ursula Meier. Dans ce solo qui
A l’affiche / Journal de l’adc n° 56 / janvier — mars 2012 / 11

Repères biographiques
Né en 1974, Thomas Lebrun est
danseur, chorégraphe et pédagogue.
Formé au Conservatoire de Lille,
interprète de Bernard Glandier,
Daniel Larrieu ou encore Christine
Bastin, il enseigne un temps avant
de fonder en 2000 la Cie Illico.
Il prend en janvier 2012 la tête
du Centre chorégraphique national
de Tours.
Parmi ses pièces, Mimesix (2005)
cosigné avec Foofwa d’Imobilité,
Switch (2007), La Constellation
consternée (2008), Itinéraire d’un
danseur grassouillet (2009).

Six order pieces
Un solo de Thomas Lebrun /
Compagnie Illico
Six pièces courtes créées en
collaboration avec six artistes invités.
Conception, chorégraphie et
interprétation : Thomas Lebrun
Collaborations artistiques et
chorégraphies : Bernard Glandier
(chorégraphe), Ursula Meier
(scénariste/réalisatrice), Michèle
Noiret (chorégraphe), Charlotte
Rousseau (vidéaste), Scanner
(compositeur), Jean-Marc Serre
(créateur lumière)
Assistante : Anne-Emmanuelle Deroo
Création lumière : Jean-Marc Serre
Costumes : Jeanne Guellaff
Régie lumière : Jean-Marc Serre
Régie son : Mélodie Souquet
Régie vidéo : Charlotte Rousseau

Salle des Eaux-Vives
Du 11 au 15 janvier à 20h30
Samedi à 19h, dimanche à 18h
Rencontre avec l’équipe artistique
à l’issue de la représentation
du jeudi 12 janvier
Billetterie : www.adc-geneve.ch
Tél. adc : 022 320 06 06
Service culturel Migros / Stand Info
Balexert / Migros Nyon La Combe.

  Atelier du regard

  Animé par Philippe Guisgand
  le jeudi 12 janvier autour du
  spectacle de Thomas Lebrun
  infos et réservations :
  www.adc-geneve.ch

Photos : Frédérik Lovino
Zombie Aporia — du 2 au 4 février — Le chorégraphe américain
Daniel Linehan brille dans un nouveau spectacle en forme de
laboratoire pour gestes, respirations et chants.
                                                               12 / A l’affiche / Journal de l’adc n° 56 / janvier — mars 2012

                                        Photos : Luc Tanghe
A l’affiche / Journal de l’adc n° 56 / janvier — mars 2012 / 13

Repères biographiques                   Surgi de la scène avant-gardiste            qui cherche une idée pas encore ré-
Daniel Linehan a travaillé comme
danseur et chorégraphe à Brooklyn.
                                        new-yorkaise, le chorégraphe Da-            férencée, associant dans le moteur
Il collabore avec Michael Helland       niel Linehan s’est imposé en à peine        de recherche et un moment de folie
pour de nombreux duos présentés à       trois ans. Son coup de force origi-         les mots « morts vivants » et « apo-
New York, Philadelphie et Montréal.
En 2007-2008, il est artiste en         naire, Not About Everything (2008),         rie » (ou « contradiction logique »).
résidence au Movement Research.         empruntait à la fois au registre                 Sur le plateau nu, le spectacle se
Il crée en 2004 Digested Noise, puis
The Sun Came et Human Content           de la performance et du slam. Le            découpe en huit séquences comme
Pile. Le public européen le découvre    jeune homme faisait la toupie sur           huit chansons dans un concert. Les
en 2008 aux Rencontres
chorégraphiques internationales de      lui-même pendant une demi-heure             trois danseurs chantent, d’ailleurs,
Seine-Saint-Denis avec le solo Not      en clamant des phrases sur tout ce          ou font des bruits de boîtes à rythme
About Everything. Il s’est récemment
installé à Bruxelles pour assister au   que cette danse n’était pas : pas           avec leur bouche et leur thorax. Ils
cycle de recherche P.A.R.T.S.           une thérapie, pas une protestation          ne peuvent s’agripper qu’à la seule
Zombie Aporia                           contre la guerre en Irak, pas un            vibration produite par la vitesse de
Chorégraphie : Daniel Linehan
Interprétation : Daniel Linehan,
                                        geste de désespoir...                       leur corps, en proie au tempo qu’ils
Salka Ardal Rosengren, Thibault Lac         Pourtant, il parvenait à écrire         émettent et que Linehan, pervers,
Lumière : Brian Broeders                une lettre manuscrite en continuant         perturbe par des contraintes diver-
Répétiteur voix : Jonas Cole
                                        de tourner et de faire tout un tas de       ses. Salka beugle ainsi Anarchy in
                                        trucs mauvais pour les spectateurs          the UK des Sex Pistols tandis que
Salle des Eaux-Vives                    fragiles de l’oreille interne (nausée),     Thibault l’étrangle ou la porte, tête
L’adc en collaboration avec
le Festival Antigel
                                        lesquels attendaient en leur for inté-      à l’envers, sur son dos. Dans le solo
du 2 au 4 février à 20h30               rieur qu’il s’effondrât dans son vomi.      Human, un écran montre la vue sub-
samedi à 19h                                                                        jective de Linehan comme s’il portait
Billetterie : www.adc-geneve.ch
Tél. adc : 022 320 06 06                Tourment Pas du tout. Il s’arrêtait         une caméra à la place des yeux. Ce
Service culturel Migros / Stand Info    et saluait le public, pas même titu-        qui ressemble à dix minutes de
Balexert / Migros Nyon La Combe.
                                        bant. La pièce suivante, Montage            crise d’angoisse verbalisée (« Lais-
                                        for Three, il ne la dansera pas seul,       sez-moi régresser, laissez-moi ré-
Ce spectacle remplace Narcisses 0,
                                        mais avec la jeune Suédoise Salka           gresser... ») est en fait un exercice
1 et 2 de Coraline Lamaison.            Ardai Rosengren, qu’on retrouve             virtuose de synchronisation avec
Narcisse sera présenté
                                        aujourd’hui dans ce Zombie Aporia           le défilement d’une image préenre-
ultérieurement à l’adc.
                                        avec un troisième larron, le Fran-          gistrée. Pour Music and Dance, les
*Ecrits sur la musique                  çais Thibault Lac. Linehan a choisi,        danseurs se calent sur un ordinateur
 de Theodor Reik.                       peut-être par mesure de sauve-              en mode karaoké chorégraphique,
 Editions Les Belles Lettres, 1984
                                        garde, de partager l’espace et              programmé pour les obliger à chan-
                                        d’impliquer d’autres corps, d’autres        ger de posture de plus en plus vite.
                                        voix dans le tourment qui le tra-
                                        verse. Lui, dévore le plateau par sa        Intrusion Après coup, on repense
                                        seule présence : quelque chose              aux pages que le psychanalyste
                                        qui ne s’explique pas mais qui est          Theodor Reik * a consacrées à la
                                        palpable. Son côté enfantin (il a           musique, à ce qu’il nomme « mé-
                                        29 ans), la fixité étrange de son re-       lodie obstinée », ces refrains qui
                                        gard bleu et l’extrême expressi-            rentrent dans la tête et dont on ne
                                        vité de son visage quand il danse,          peut plus se débarrasser. Pour Reik,
                                        la violence habitée qu’il semble            cette intrusion obsessionnelle vise
                                        transmuer en célébrations concep-           à combler les conflits irrésolus de
                                        tuelles et ludiques fascinent.              l’existence. La musique acquiert
                                             Dès 2006, Andréa Liu, du New           ainsi « tous les pouvoirs » et, dit-il,
                                        York Art Magazine, fait preuve d’un         « peut nous protéger de dangers
                                        flair rare. Il assiste à plusieurs cour-    cachés ». A l’heure de l’afflux des
                                        tes créations de cet inconnu qui ga-        informations, de la pluralité des
                                        gne alors sa vie comme serveur et           sources possibles de connexions
                                        intitule son article « Comment fonder       de l’esprit avec une masse indé-
                                        un fan club Daniel Linehan » : « C’est      terminée de textes et musiques, le
                                        le fait d’une minorité de danseurs          motif de la mélodie obstinée revient
                                        modernes d’avoir quelque chose              tarauder plus vivement que jamais
                                        en eux — une profondeur, une intel-         l’inconscient très conscient de nos
                                        ligence, un charisme, une liberté —         jeunes gens modernes. Ils bondis-
                                        qui est plus important que la somme         sent, clament, rampent, perdent
                                        de leurs actions physiques et de            le contrôle sans jamais se perdre
                                        leurs mouvements. » Zombie Aporia,          de vue, sauvages et disciplinés. Ils
                                        sorte de laboratoire pour gestes,           voudraient peut-être créer un corps
                                        proférations et idées en vrac, six ans      politique mais le mantra final sera
                                        plus tard, lui donne raison et montre       amer, comme une endurance vain-
                                        à quel point Linehan a su garder la         cue : « Je n’ai pas rêvé la nuit der-
                                        fraîcheur de ces années de vache            nière, je n’ai pas eu de pensées dans
                                        maigre en dansant comme à tâtons,           ma tête. C’était comme si je n’étais
                                        mais avec une énergie peu commu-            pas éveillé. Comme si j’étais mort. »
                                        ne. Qu’est ce que Zombie Aporia ?           Dider Péron
                                                                                    Avec l’aimable autorisation du journal Libération,
                                        Une trouvaille de « Google freak »          article paru le 4 novembre 2011.
Human Writes − les 23, 24 et 25 février − William Forsythe
investit l’ONU avec une installation-performance.
                                                             14 / A l’affiche / Journal de l’adc n° 56 / janvier — mars 2012
A l’affiche / Journal de l’adc n° 56 / janvier — mars 2012 /15

 Les Nations Unies ouvrent                                            ensemble cette déclaration, et aider
                                                                      à la valoriser, c’est le cœur du pro-
                                                                                                                                  Human Writes
                                                                                                                                  Performance-installation :
                                                                                                                                  William Forsythe et Kendall Thomas

 leurs portes à William                                               pos de Human Writes. Ce texte est
                                                                      pour le chorégraphe William Forsy-
                                                                                                                                  Concept : William Forsythe
                                                                                                                                  et Kendall Thomas

 Forsythe et sa compagnie                                             the et le professeur de droit Kendall
                                                                      Thomas le fondement de leur per-
                                                                                                                                  Scénographie, lumières
                                                                                                                                  Costumes : William Forsythe
                                                                                                                                  Musique : Thom Willems
                                                                      formance-installation, dont le titre                        Création musicale : Dietrich Krüger,
                           Un événement, car le génial cho-           joue avec la paronymie anglaise des                         Niels Lanz, Thom Willems
                                                                                                                                  Maitre de ballet : Thierry Guiderdoni
                           régraphe n’était encore jamais             mots Right et Write.                                        Répétiteur : Agnes Noltenius
                           venu à Genève, mais surtout un                                                                         Directeur technique : Max Schubert
                                                                                                                                  Regisseur lumière : Tanja Rühl,
                           exploit. Pour ce projet inédit, il         Au pied de la lettre                                        Ulf Naumann
                           aura fallu trois années, les efforts       La retranscription de la déclaration                        Regisseur son : Dietrich Krüger,
                                                                                                                                  Mara Brinker
                           conjugués du Festival Antigel et           est soumise dans Human Writes à                             Habileuse : Dorothée Merg
                           de l’adc, la complicité du service         une règle prioritaire : l’écriture doit                     Tour manager : Paul Viebeg
                           culturel de l’ONU et des représen-         tout autant rendre compte d’elle-                           Interprètes de la Forsythe Company :
                           tants de plusieurs missions per-           même que de son empêchement.                                Cyril Baldy, Esther Balfe,
                                                                                                                                  Ekaterina Cheraneva, Brigel Gjoka,
                           manentes, sans compter l’enga-             Aucun trait ou aucune lettre ne                             Amancio Gonzalez, Josh Johnson,
                           gement de la Confédération, du             peuvent se produire directement.                            David Kern, Roberta Mosca,
                                                                                                                                  Tilman O’Donnell, Jone San Martin,
                           Canton et de la Ville de Genève,           Les performeurs sont ainsi obli-
                                                                                                                                  Parvaneh Scharafali, Yasutake Shimaji,
                           tout cela sous le patronage du             gés de trouver des stratégies de                            Elizabeth Waterhouse, Riley Watts,
                           Directeur général de l’Office des          contournement. Chaque tracé par-                            Ander Zabala

                           Nations Unies à Genève ! Bref,             ticipant à élaborer une lettre devra                        Avec la participation
                           un défi organisationnel et proto-          naître d’une contrainte physique,                           des danseurs genevois : Ruth Childs,
                                                                                                                                  Paolo Dos Santos, Laia Duran,
                           colaire pour aboutir à ce rendez-          d’un obstacle ou d’un empêche-                              Marie Caroline Hominal, Houssine
Photos : Dominik Mentzos
                           vous entre Human Writes, méta-             ment. On peut donc voir en Human                            Khald, Maud Liardon, Nans Martin,
                                                                                                                                  Yann Marussich, Olivia Ortega,
                           phore puissante de la Déclaration          Writes une métaphore de la préca-                           Susana Panades, Pierre Pontvianne,
                           universelle des droits de l’homme,         rité de la condition des droits hu-                         Raphaele Teicher, Rudi Van der
                                                                                                                                  Merwe, Manuel Vignoule
                           avec le lieu exact de son adoption         mains dans notre monde inhumain.
                           en 1948.                                   Une représentation de la difficulté
                                                                      qu’il y a, de nos jours, à mettre en va-                    L’adc et le Festival Antigel
                           Gerald Siegmund, théoricien et             leur ces droits. En même temps, cet-                        ONU – Palais des Nations
                                                                                                                                  le 23 février à 20h
                           critique spécialisé en danse et            te proposition provoque aussi une                           les 24 et 25 février à 19h
                           performance, a vu le spectacle             action entre tous les participants,                         Billetterie et informations :
                                                                                                                                  Festival Antigel / www.antigel.ch
                           pour l’adc.                                obligés de se frotter ensemble à la                         (vente en ligne dès le 9 janvier)
                                                                      formulation et à la promotion de la                         et billetterie centrale d’Antigel
                           C’est par un martèlement entêtant          Déclaration des droits de l’homme.                          (en vente dès le 23 janvier)

                           que le visiteur appréhende tout            On pourrait aussi, du coup, décrire
                           d’abord l’espace, une entrée en ma-        Human Writes comme une situation
                           tière acoustique peu habituelle. Sai-      chorégraphique de base, ou comme
                           si et attiré par ces sons insistants, le   la mise en scène performative de
                           regard effleure alors un océan de ta-      la convocation du corps devant un
                           bles métalliques identiques, toutes        principe. Dans Human Writes, les
                           tapissées de papier blanc. On s’ap-        participants comparaissent avec
                           proche prudemment des tables. Sur          leur corps particulier devant le prin-
                           chacune d’entre elles, un interprète       cipe censé en protéger l’intégrité et
                           exécute des mouvements étranges :          la sécurité. Par leurs actions com-
                           une danseuse debout devant sa ta-          munes, ils entrent en négociation
                           ble projette son fusain, qui laisse        avec la Déclaration des droits de
                           sur le papier de petits points aigus       l’homme. Des positions sont défi-
                           avant de voler en éclats en tombant.       nies, qui vont se révéler intenables,
                           En s’approchant davantage, on re-          physiquement irréalisables, épui-
                           marque qu’il y a des choses écrites        santes, et mèneront vers d’autres
                           sur les tables, des mots, des bribes,      stratégies. Human Writes nous per-
                           des phrases entières — tracées au          met de trouver un accès joueur et
                           crayon, d’une écriture fine, à peine       physique aux droits de l’homme et
                           perceptible, en plusieurs langues.         nous force littéralement à prendre
                           Les traits ou jets de fusain visent        position.
                           les mots écrits, les manquent, les         Gerald Siegmund
                           recouvrent ou les ourlent plutôt que       Traduit de l’allemand par Manon Pulver

                           de les souligner. Après un certain
                           temps, les danseurs invitent les
                           spectateurs à les aider dans leur
                           travail d’écriture. Les formulations
                           sont celles de la Déclaration univer-
                           selle des droits de l’homme adoptée
                           en 1948 par les Nations Unies à Ge-
                           nève, après la catastrophe de la Se-
                           conde Guerre mondiale. Transposer
16 / A l’affiche / Journal de l’adc n° 56 / janvier — mars 2012
Si dans cette chambre un ami attend… − du 14 au 25 mars
− Perrine Valli s’est postée au chevet d’un univers architecturé
                                                                   Bien des états des corps et sen-          Si dans cette chambre un ami at-
                                                                   tiers de l’imaginaire conduisent          tend… Philosophe dans l’âme, si
                                                                   à la chambre : le sommeil, l’amour,       ce n’est le corps, la jeune femme a
                                                                   l’expectative méditative. Traversée       choisi un intitulé ayant forme d’inter-
                                                                   du monde et de l’histoire de l’art, la    rogation. L’hypothèse ouvre sur l’at-
                                                                   création Si dans cette chambre un         tente qui évase l’événement à venir
                                                                   ami attend… décline, du réel à l’ima-     au plan de l’infini, tout en consumant
                                                                   ginaire, cet espace-boîte de pando-       l’être de l’intérieur. Comment ne pas
                                                                   re distillant ses secrets. La chambre     songer à la poétesse Dickinson et à
                                                                   comme écriture du monde, dont             son existence sur laquelle l’espace
                                                                   l’encre pas encore sèche emprunte         de la chambre se referme ? Cette
                                                                   aux joies et drames intérieurs de la      forclusion permet néanmoins tant
                                                                   poétesse anglaise Emily Dickinson         hier à l’écrivaine qu’aujourd’hui à la
entre l’abstraction onirique et le réel charnel.

                                                                   et à sa relation épistolaire. Une soli-   danseuse d’extraire bien des sen-
                                                                   tude existentielle ponctuée de vains      teurs mêlant le jus des possibles à
                                                                   appels passionnés.                        l’âcre jubilation des renoncements.
                                                                   Des gestes quotidiens — boire, zap-       Ou comment se retrancher d’un
                                                                   per, remonter un drap sur soi — sont      univers où l’on semble ne pas pou-
                                                                   remis sur le métier, ramifiés en al-      voir exister. A la fois nid, sanctuaire
                                                                   phabet chorégraphique empli de            et tombeau, la chambre est bien le
                                                                   sinuosités spiralées de bras qui ne       nœud de toute vie, atlas intérieur et
                                                                   sont pas sans évoquer le kathak du        cellule de tout mouvement.
                                                                   Nord de l’Inde. La danse reprend          Bertrand Tappolet
                                                                   ses droits par sa fluidité et son dé-
                                                                   placement glissé dans l’espace, ses
                                                                   changements de direction selon un
                                                                   axe fixe. Cet élan spatial sépare le
                                                                   geste initial de l’anecdote.

                                                                   Lieu-dit de soi
                                                                   « La chambre est la métaphore d’un
                                                                   espace identitaire. Est-ce le lieu où
                                                                   la personne, dans un dialogue avec
                                                                   soi, peut se révéler vraiment elle-
                                                                   même ? Il y a l’amour, le rêve, les
                                                                   pleurs, le lit qui sont autant d’em-
                                                                                                             Photo : Akatre
                                                                   brayeurs de mouvements, retra-
                                                                   vaillés jusqu’à les rendre souvent
                                                                   méconnaissables », dévoile la cho-
                                                                   régraphe et danseuse. Toutes gé-
                                                                   nérations confondues, l’être y naît,
                                                                   vit et meurt, de l’affrontement à la
                                                                   plénitude, de l’introspection à la
                                                                   mélancolie.
                                                                   Il y a la marque d’Edward Hopper.
                                                                   Ses personnages colonisés par la
                                                                   solitude existentielle dont la pièce
                                                                   rapatrie, sous plusieurs angles, le
                                                                   théâtre silencieux travaillé d’une
                                                                   palpable tension. Du sculpteur
                                                                   hyperréaliste Ron Mueck, l’opus
                                                                   retient le jeu sur les échelles de re-
                                                                   présentation de corps humanoïdes
                                                                   reflétant notre image au poil près,
                                                                   tout en nous métamorphosant en
                                                                   créatures de synthèse, étranges
                                                                   et monstrueuses.
A l’affiche / Journal de l’adc n° 56 / janvier — mars 2012 / 17

                           Repères biographiques
                           Perrine Valli a dansé notamment pour
                           la chorégraphe Cindy Van Acker dans
                           Corps 00 : 00, Puits, Kernel et Nixe.
                           Elle obtient une résidence au sein du
                           lieu multidisciplinaire Mains d’Œuvres
                           où elle crée en 2007 sa deuxième
                           pièce, Série. Elle entame une
                           recherche sur l’identité sexuelle dans
                           ses pièces avec Je pense comme une
                           fille enlève sa robe, puis Je ne vois
                           pas la femme cachée dans la forêt.
                           Sa pièce la plus récente,
                           Deproduction, a été créée en juin
                           2011 et présentée au Théâtre de
                           l’Usine à Genève, au Centre Culturel
                           Suisse à Paris et au Festival Far à
                           Nyon.

                           Perrine Valli est soutenue
                           par modul-dance.

                           Si dans cette chambre un ami
                           attend…
                           Conception et chorégraphie :
                           Perrine Valli
                           Interprétation : Perrine Valli
                           Création sonore : Eric Linder
                           Création lumière : Laurent Schaer
                           Scénographie et costumes :
                           Thibault Vancraenenbroeck

                           Salle des Eaux-Vives
                           du 14 au 25 mars à 20h30
                           samedi à 19h, dimanche à 18h
                           relâches lundi et mardi
                           Rencontre avec l’équipe artistique
                           à l’issue de la représentation
                           du jeudi 15 mars
                           Billetterie : www.adc-geneve.ch
                           Tél. adc : 022 320 06 06
                           Service culturel Migros / Stand Info
                           Balexert / Migros Nyon La Combe.

                             Atelier d’écriture

                             Animé par Nathalie Chaix
                             le jeudi 22 mars autour
                             du spectacle de Perrine Valli
                             infos et réservations :
                             www.adc-geneve.ch
de l’air et du vent − du 28 au 31 mars − Pierre Droulers
                             réactive l’une de ses œuvres les plus denses et dansées. Qua-
                             torze ans plus tard, cette pièce éminemment sensorielle trouve
                             un nouveau souffle.
                                                                                              18 / A l’affiche / Journal de l’adc n° 56 / janvier — mars 2012

Photos : Thibault Grégoire
A l’affiche / Journal de l’adc n° 56 / janvier — mars 2012 / 19

                                  Créé en 1996, de l’air et du vent est        intempéries qui tordent et transfor-
                                  le spectacle le plus dansé de Pierre         ment l’espace. Ils ploient, tanguent,
                                  Droulers. Depuis sa reprise en 2010,         se gonflent, tourbillonnent, s’envo-
                                  de nombreux commentateurs l’ont              lent et s’apaisent, l’accalmie après
                                  décrit comme un exemple de « dan-            la tempête, avant la tempête. Les
                                  se pure », de « danse dansée ». Pierre       souffles et les sons magnifient le
                                  Droulers a d’ailleurs lui-même af-           silence, serti de rares fulgurances
                                  firmé qu’il l’a réactivé pour répondre       musicales. L’invisible est rendu
                                  à la raréfaction de la « danse » qu’il       palpable.
                                  perçoit actuellement dans le paysa-               A propos de de l’air et du vent,
                                  ge de la danse contemporaine. Un             Pierre Droulers a évoqué Emily Dic-
                                  rappel des fondamentaux, en quel-            kinson : « Nous voyons plus intensé-
                                  que sorte plaidoyer pour une post-           ment / Par une lumière qui disparaît
                                  post-danse.                                  / Que par une mèche qui demeure.
                                       Et s’il est vrai que le mouvement       / Quelque chose dans l’envol / Cla-
                                  traverse de l’air et du vent de part en      rifie la vue / Et magnifie les lueurs. »
                                  part — un mouvement précisément              Le calme et la tempête, le vide et le
                                  écrit, ciselé même, dans sa forme            plein, la présence et l’absence, peut-
                                  autant que dans les relations tem-           être aussi la vie et la mort, la fougue
                                  porelles et spatiales qu’il inscrit —        et la mélancolie : les oppositions qui
                                  s’il est vrai aussi que l’engagement         traversent l’œuvre du chorégraphe,
                                  physique des danseurs appelle de             dont on se souvient qu’il a autrefois
                                  façon très directe celui du specta-          travaillé autour de Joyce et Beckett,
                                  teur, on aurait tort de penser que           nous font voir plus intensément.
                                  Pierre Droulers traite ici la danse          Denis Laurent
                                  comme une fin en soi. En vérité, et
                                  c’est ce qui multiplie la force expres-
                                  sive de l’œuvre, il la met en tension.                Repères biographiques
                                                                                        Après une formation à Mudra et
                                  Pierre Droulers est un chorégraphe                    chez Grotowski, Pierre Droulers
                                  qui traite les corps et le mouvement                  participe aux ateliers de Robert
                                                                                        Wilson et découvre le travail de la
                                  comme des matières, au même titre                     Judson Church. Chorégraphe et
                                  que les objets scénographiques, les                   interprète, il crée plusieurs formes
                                                                                        mixtes, un diptyque à partir de
                                  sons, la lumière, le temps et l’es-                   Finnegan’s Wake de James Joyce,
                                  pace. Non qu’il réifie l’humain, qu’il                Mountain/Fountain avec Michel
                                                                                        François ou encore de l’air et du
                                  l’annule au profit d’une grande vi-                   vent, en 1996, avec Ann Veronica
                                  sion démiurgique, mais plutôt qu’il                   Janssens. Petites Formes, en 1997,
                                                                                        invite quatre interprètes, Stefan
                                  l’abstrait, le condense, le densifie.                 Dreher, Thomas Hauert, Tijen Lawton
                                  Loin de tout effet psychologique ou                   et Celia Hope-Simpson à produire
                                                                                        chacun une petite forme
                                  dramatique, il construit ses œuvres
                                                                                        parallèlement à celle que Pierre
                                  selon une logique éminemment                          Droulers crée pour eux. En 2000, il
                                  sensorielle. Elles sont des sculptu-                  monte MA au Festival d’Automne,
                                                                                        une exploration de la flânerie urbaine
                                  res, des formes extraordinaires of-                   dans l’architecture contemporaine
                                  fertes aux sens et à la pensée, une                   des villes. En 2001, il reprend la
                                                                                        scène avec Sames, un duo avec
                                  artificialisation qui laisse plus pro-                Stefan Dreher. En 2004, il crée Inouï.
                                  fondément apparaître la vie. Au-delà
                                                                                        de l’air et du vent
                                  de la justesse et de la vitalité de son               Pièce pour 5 danseurs
                                  écriture chorégraphique, de l’air et                  Créé par Pierre Droulers
                                                                                        en collaboration avec les danseurs
                                  du vent a cette beauté-là.                            D’après une œuvre originale de 1996
                                                                                        Interprété par : Michel Yang,
                                                                                        Katrien Vandergooten, Yoann Boyer,
                                  Quelque chose dans l’envol                            Stefan Dreher, Peter Savel
                                  Initié après le spectacle Mountain/                   Création musicale : Philippe Cam
                                                                                        Musiques Gyorgy Kurtag,
                                  Fountain, où Pierre Droulers avait                    Luciano Berio, Jean-Philippe Rameau
                                  travaillé sur l’accumulation (et sa                   Création lumière : Jim Clayburgh
                                                                                        Scénographie et costumes : Thibault
                                  critique), de l’air et du vent répon-
                                                                                        Vancraenenbroeck
                                  dait pour son créateur à un besoin                    Régie générale : Nixon Fernandes,
                                  quasi écologique de faire le vide.                    Gwenaël Laroche
                                                                                        Régie lumière : Gwenaël Laroche
                                  De travailler l’absence, l’immatériel :               Régie son : Benoît Pelé
                                  l’air. L’air que les corps déplacent,                 Régie plateau : Pierre Garnier
                                                                                        Costumes : Anne Masson
                                  contre lequel ils luttent, qui les iso-
                                  lent et les unit. L’air et le vent, émo-
                                  tion toujours en mouvement, de la                     Salle des Eaux-Vives
                                  douceur la plus lumineuse à la bile                   du 28 au 31 mars à 20h30
Atelier dégustation de thés                                                             samedi à 19h
                                  la plus noire.                                        Rencontre avec l’équipe artistique
Animé par Véronique Gallais            Sur scène, le déchirement d’une                  à l’issue de la représentation
de chez Betjman & Barton                                                                du 29 mars
le jeudi 29 mars avant            feuille de papier résonne comme un                    Billetterie : www.adc-geneve.ch
le spectacle de Pierre Droulers   coup de tonnerre, l’envol de sachets                  Tél. adc : 022 320 06 06
infos et réservations :                                                                 Service culturel Migros / Stand Info
www.adc-geneve.ch                 en plastique devient une course de                    Balexert / Migros Nyon La Combe.
                                  nuages. Les corps traduisent les
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