LA POLLINISATION DES VILLES - Projet d'essaimage sur un territoire francilien
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Jeudi 16/06/2011 Cycle « eau/CIEL/terre(s) » Partenariat Maison départementale de l’habitat/CAUE91 LA POLLINISATION DES VILLES Projet d’essaimage sur un territoire francilien Alice BROILLIARD, paysagiste Pour son mémoire de fin d’études, en 2009, à l’Ecole nationale supérieure du paysage de Versailles, Alice Broilliard s’est intéressée à l’essaimage sur un territoire francilien. Son choix s’est porté sur la Ville Nouvelle de Cergy-Pontoise dans le Val d’Oise. Elle est venue présenter ce projet d’essaimage territorialisé à la Maison départementale de l’habitat le 16 juin 2011. Un projet fictif qui met les abeilles au cœur du projet urbain et de la transformation du territoire. L’essaimage pour développer des espaces partagés Cergy-Pontoise est une ancienne « Ville Nouvelle ». Imaginée dans les années 1950, elle est encore en expansion et sa gouvernance partitionnée depuis 2004 en 11 communes. Son histoire et ses modes de construction en font, peut-être à plus fort titre qu'une ville, un territoire d'expérimentations urbaines. Le but du projet d’essaimage est d'améliorer le cadre de vie des habitants par le développement d’espaces partagés. Il s'agit de faire surgir, à partir des nombreux recoins oubliés qui jalonnent ce territoire, un paysage de proximité. Les quartiers de Cergy-Pontoise ont été construits successivement, et par tranches, autour de la Boucle de l'Oise. Installés sur les coteaux, ils surplombent la base de loisirs, et plus généralement la vallée, cible paysagère vers laquelle sont tournés les bâtiments et les espaces publics. La Ville Nouvelle domine ce grand paysage, et les différents quartiers en tirent une certaine qualité et leur ancrage au territoire, compensant en partie l'absence d'histoire urbaine des lieux. Du « grand » paysage au paysage de « devant la porte » Le projet d'essaimage, sans renier cet héritage, va s'intéresser à un autre paysage, celui de « devant la porte », directement en contact avec les allers et venues quotidiennes. À l'inverse d'un paysage extérieur mais fédérateur vers lequel on se tourne, celui conté ici est éparpillé dans la ville, à l'image des abeilles éclaireuses cherchant leur butin. Les nombreux recoins ou espaces « non qualifiés » de Cergy-Pontoise résultent en partie de la scission entre un programme initialement établi et ses usages effectifs. Tous ces espaces vides, délaissés deviennent ici des lieux potentiels de renouveau urbain qui se transforment maintenant au gré des actions des usagers. Faisant suite aux expérimentations sur le territoire de Cergy-Pontoise, le projet fictif d'essaimage part d'un état des lieux libre d'à priori. L'association avec les abeilles est le fruit d'une recherche de liberté de pensée et de mouvements.
L'observation et la prise en compte des mœurs des apidae, dont les facteurs limitants divergent des nôtres, nous permettent d'emprunter un autre monde. L’animal transforme le territoire Une colonie d'abeilles, sur un rayon de 5 km maximum autour de la ruche ou du nid (correspondant à la capacité physique de vol d'une abeille), butine et pollinise les plantes qui lui apportent les nutriments dont elle a besoin pour vivre. Sur cette étendue, elle le fait sans se soucier des limites administratives, physiques ou symboliques de nos territoires. Ses seuls critères résident dans la qualité des sols et de ce qui y pousse. Nos alliées passeront ainsi par les airs. Le domaine est ouvert pour une armée de « gestionnaires des espaces verts », travaillant discrètement, sans relâche jusqu'à l'hiver pour emmagasiner des vivres et laissant derrière elles un territoire fertilisé. Les nombreux recoins de Cergy-Pontoise constituent des refuges essentiels à la vie des insectes pollinisateurs. Ils offrent des terrains de nourritures alternatifs entre les sols imperméabilisés urbains et les espaces agricoles mono-spécifiques du Plateau du Vexin. Ces entre-deux font office de refuges pour nombres d'espèces sauvages, animales et végétales. Ces lieux, sous-utilisés dans la ville, trouvent dans l'accueil de cette dynamique écologique un vrai rôle. Le projet d'essaimage utilise ces dynamiques comme moteurs d'aménagements, en faisant le pari que ces lieux de diversité sont aussi ceux d'une nouvelle façon d'habiter. Pour une nouvelle façon d’habiter L'essaimage survient lorsque la colonie d'abeilles est surpeuplée et produit de nouvelles reines, qui ne peuvent cohabiter. Un combat va les distinguer. La, ou les reines vaincues partent alors avec un cortège d'ouvrières et de provisions vers un nouveau lieu de nidification. Le territoire pollinisé de départ, centré sur la ruche initiale, va donc s'étendre autour d'un nouveau nid. Dans le cadre de l'essaimage de Cergy-Pontoise, il s'agira, dans un premier temps, d'appâter cet essaim en quête de refuge au coeur de nos lieux de vie, et, par là même, les aménager. L’action sur le territoire L'agglomération de Cergy-Pontoise se trouve à l'extrémité Nord-Ouest de la région francilienne et s'étend jusqu'à la bordure des plaines céréalières du Vexin. Le site de Mirapolis, ancien parc d'attraction de la Ville Nouvelle, fut installé sur cette frange. Les 33 hectares qu'il occupe sont emblématiques des sites de refuges écologiques ; ce lieu artificiel (étang, rivière, montagne Vosgienne constitués de toutes pièces), à l'état de quasi abandon depuis plus de quinze ans, constitue un site idéal pour la diversité de la flore et de la faune.
C'est au coeur de cet espace que la première ruche est installée et conduite jusqu'à l'essaimage. Mirapolis sera la piste de décollage des nouveaux essaims vers l'agglomération urbaine de Cergy-Pontoise. Dans la ville, des terrains potentiels d'accueil sont repérés selon ces critères : la qualité du substrat ou les possibilités de le rendre fertile et productif, l'orientation et le vent, le maillage des couloirs aériens, et surtout, le défi en terme d'aménagement urbain (dysfonctionnement d'usages, gestion difficile, passages impossibles ou malaisés). Car les agencements nécessaires à l'attraction, à l'accueil puis à la gestion de la nouvelle ruche auront des conséquences sur la forme et l'utilisation de ces lieux par les habitants de la ville. Et inversement. La ville à l’heure biologique des abeilles La première action consistera à varier et diversifier la nourriture destinée aux abeilles : les lieux seront déjà jardinés pour un profit direct. Ensuite, la composition d'un contexte idéal pour une ruche induit la composition d'un lieu particulièrement confortable : orientation et ensoleillement idéals, protection des vents, etc. Les structures destinées à l'observation et à la protection des abeilles pourront ensuite être réutilisées comme éléments qualitatifs de l'espace public ou comme futur lieu d'habitation. Enfin, un rucher dans la ville, c'est intégrer la temporalité biologique des abeilles et proposer de nouveaux rythmes dans la vie quotidienne, suivant le fil des saisons. La surface maximale pollinisée par les abeilles nichant dans le site-réservoir sur le territoire de Cergy- Pontoise. Source : IGN Superposition du cercle maximal de pollinisation (5 km de rayon pour un essaim installé sur le site réservoir de Mirapolis), au territoire de Cergy-Pontoise : la ville (en grisé) couronne la boucle de l’Oise et s’étale peu à peu sur le plateau du Vexin.
L’essaimage de Cergy-Pontoise, extension du territoire pollinisé et utilisation de la trame du paysage de proximité. Sources : IGN & Alice Broilliard Les points blancs dans la ville, centres de nouveaux cercles pollinisés, se rapportent à des terrains d’accueil potentiels repérés en 2009. Le projet d'essaimage propose d'utiliser les espaces-refuges comme Mirapolis (refuge pour la diversité végétale et animale, mais également pour des pratiques singulières en marge des espaces publics codés de pleine ville), nombreux aux franges de l'agglomération urbaine d'Ile-de-France, comme des éléments substantiels à la ville. Ainsi, après avoir eu un rôle de réservoirs et de garde manger, ils deviennent des pistes d'envol pour un développement qualitatif de la ville, avant peut-être d'être inclus dans le territoire urbain. Ces deux cartes sont orientées d’une façon singulière : le haut de la carte correspond au Sud (et non au Nord, comme dans la cartographie commune occidentale). Cette orientation reprend la convention du langage dansé des abeilles : lors de la danse, le haut du rayon sur lequel elles évoluent représente le Sud ou « vers le soleil ». La cour d’école : terrain d’accueil d’un essaim Située dans le quartier de Cergy-Saint-Christophe, la cour d'école du Gros Caillou est un des lieux choisis pour l'accueil d'un essaim. En 2009, la réfection des espaces extérieurs, dégradés et entièrement minéraux, est en projet. Cette école s'insère dans un réseau de chemins piétons le long du RER. Un reliquat de boisement se mêle aux plantations plus récentes extérieures à l'école, puis au talus des voies ferrées. La trame verte de la Ville Nouvelle est ici reléguée à un simple passage piéton paysagé, alors que l'espace disponible est considérable.
La rénovation de la cour, qui inclue l'accueil d'un essaim d'abeilles, est l'occasion de rétablir un lien, et de profiter des potentialités de ce contexte. Les talus fauchés des voies ferrées constituent un couloir de plantes mellifères, et donc d'abeilles. La ruche située à proximité offrira une station de choix pour un essaim. Cette ruche est installée dans une clairière, au coeur du boisement. Celui- ci, qui passe de l'intérieur à l'extérieur de l'école, sera géré de manière globale. Les voyages incessants des abeilles de part et d'autres de l'enceinte de l'école nous amènent à reconsidérer les limites qui bardent les espaces de la ville : que veut-on limiter ? À quel moment ? Avec quels moyens ? L'espace pédagogique organisé autour de la ruche pourra être profitable aux espaces publics voisins. Les métamorphoses saisonnières de la cour d’école La cour en elle-même est divisée en deux parties, séparées par un fossé drainant qui limite l'accès à la ruche pour les enfants. La partie en accès quotidien se déroule aux abords des bâtiments. L'espace boisé de l'autre côté du fossé est réservé aux temps d'observation et de jardinage encadrés par les enseignants. Les bassins d'orages, imbriqués au fossé et dimensionnés selon des proportions de salle de classe, deviennent durant les beaux jours des lieux d'apprentissage extérieurs, profitant de l'ombre créée par la lisière. Ainsi la cour se transforme suivant les saisons, offrant des espaces de jeux et d'apprentissage que l'on utilise à certains moments de l'année. Des prairies d'apport de nourritures pour les abeilles, fleuries, butinées puis fauchées, participent aux métamorphoses de la cour durant l'année.
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