APPROCHE OSTEOPATHIQUE D'UNE DOULEUR DE MEMBRE FANTOME A TYPE DE BRULURE
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APPROCHE OSTEOPATHIQUE D’UNE DOULEUR DE MEMBRE FANTOME A TYPE DE BRULURE Par Emmanuel PIQUEMAL Projet de recherche en vue de l’obtention du DIPLOME D’OSTEOPATHE Tuteur de projet de recherche : Christian CASTEJON DCEO2 - 2008 Approche ostéopathique d’une douleur de membre fantôme à type de brûlure ~ E. Piquemal 1
SOMMAIRE INTRODUCTION.................................................................................................................... 3 I. CONTEXTE THEORIQUE............................................................................................ 5 A. RAPPELS ANATOMIQUES ................................................................................................ 5 1. La septième vertèbre cervicale ................................................................................... 5 2. Le ganglion cervical inférieur .................................................................................... 6 3. Le plexus brachial ...................................................................................................... 7 4. Les artères du membre supérieur................................................................................ 7 5. L’innervation orthosympathique des artères du membre supérieur ........................... 9 B. RAPPELS PHYSIOLOGIQUES ......................................................................................... 13 1. La stimulation du système vasomoteur .................................................................... 13 2. La vasoconstriction et la vasodilatation ................................................................... 14 3. Rôle vasomoteur du ganglion sympathique ............................................................. 14 C. RAPPELS PHYSIOPATHOLOGIQUES .............................................................................. 15 1. Physiopathologie d’une douleur fantôme à type de brûlure..................................... 15 2. Physiopathologie d’une dysfonction ostéopathique ................................................. 21 II. HYPOTHESE DE TRAVAIL ................................................................................... 22 III. METHODOLOGIE ................................................................................................... 23 A. CHOIX DE LA POPULATION .......................................................................................... 23 1. Recrutement ............................................................................................................. 23 2. Critères d’inclusion et d’exclusion........................................................................... 24 3. Répartition de la population recrutée en groupe témoin et groupe testé .................. 25 B. PARTIE EXPERIMENTALE ............................................................................................. 25 1. Protocole expérimental lors du premier rendez-vous............................................... 26 2. Protocole expérimental lors des rendez-vous suivants............................................. 26 3. Variables testées ....................................................................................................... 28 4. Regroupement des données collectées ..................................................................... 28 5. Utilisation des données collectées............................................................................ 29 C. MATERIEL UTILISE ...................................................................................................... 30 1. Salle de soin avec thermostat ................................................................................... 30 2. Caméra infrarouge.................................................................................................... 30 3. Echelle EVA............................................................................................................. 30 4. Questionnaire sur la dépression................................................................................ 30 IV. BIBLIOGRAPHIE ..................................................................................................... 31 V. ANNEXES....................................................................................................................... 34 Approche ostéopathique d’une douleur de membre fantôme à type de brûlure ~ E. Piquemal 2
INTRODUCTION « La médecine n’est qu’une et a besoin de tous ceux qui peuvent assister les patients. » J.-P. Barral1 « En matière de globalité, la chaîne ganglionnaire sympathique latéro-vertébrale ne devrait pas être la dernière préoccupation de l’ostéopathe, mais la toute première. » S.G.J. Wernham2 Il y a de cela cinq cent ans, Ambroise Paré, illustre chirurgien et anatomiste français, s’intéressait à la douleur du membre fantôme3. Cette douleur, ressentie dans la partie amputée d’un individu, a toujours fasciné les cliniciens et les chercheurs. Véritable paradoxe pour les neurophysiologistes, ces douleurs représentent un cas extrême de douleurs neuropathiques. Reconnue aujourd’hui comme une entité médicale à part entière, de nombreuses recherches médicales ont été menées. Les données expérimentales ont permis d’entrevoir certains mécanismes sous-jacents. Cependant, la prise en charge thérapeutique de ces douleurs est une des plus difficiles : la douleur du membre fantôme constitue toujours, en 2009, un défi thérapeutique majeur pour les cliniciens. Il y de cela plus d’un siècle, Andrew Taylor Still déployait la bannière de l’Ostéopathie4,5 aux côtés de la bannière de la Médecine Allopathique. Still, à l’instar de sa réflexion permanente sur l’Homme et la Nature, encourageait ses élèves : « Nous n’avons fait qu’agripper la queue de l’écureuil, dans le trou de l’arbre ». William Garner Sutherland, fondateur de l’Ostéopathie Crânienne, explique dans son ouvrage Contributions of thoughts que la plus grande partie de l’écureuil ostéopathique se trouve toujours à l’intérieur du trou de l’arbre. John Wernham6 confirme : « il reste encore beaucoup à apprendre et à découvrir ». Il nous incombe, en tant qu’ostéopathe, de poursuivre la recherche ostéopathique. Le « Vieux Docteur », fondateur de l’Ostéopathie, allait jusqu’à assimiler les initiales « D.O. », pour « Diplomate in Osteopathy », au verbe anglais « to dig on » signifiant « creuser »7. Á ce jour, la recherche ostéopathique concernant la douleur du membre fantôme est quasi inexistante. Il est donc de notre devoir, face à la souffrance des patients amputés, de déterminer dans quelle mesure l’Ostéopathie peut leur venir en aide. Lorsque nous avons débuté les recherches sur les études scientifiques ayant été réalisées au sujet de la douleur du membre fantôme, nous nous sommes rapidement aperçus qu’il ne fallait pas parler d’un seul type de douleur du membre fantôme, mais de plusieurs. Il a donc fallu définir dans un premier temps quelle forme de douleur allait faire l’objet d’une Approche ostéopathique d’une douleur de membre fantôme à type de brûlure ~ E. Piquemal 3
recherche en Ostéopathie. Après une étude de ces différents types, nous avons privilégié la douleur de membre fantôme à type de brûlure, causée par une réduction du débit sanguin superficiel dans le moignon. La raison de ce choix est simple. A. T. Still a énoncé quatre principes pour définir l’Ostéopathie : la fonction gouverne la structure, et vice versa ; le corps est un tout ; le corps peut s’autoguérir ; la règle de l’artère est suprême. L’attachement particulier de Still à ce dernier principe2, dans lequel il emploie le terme « suprême », nous a décidé à mener une recherche sur ce type de douleur liée à la vascularisation du membre supérieur. Dans un second temps, il a fallu définir quelle zone amputée nous allions étudier. Au vu de l’implication neurologique dans ce type de douleur, le choix s’est porté vers une région anatomique très représentée dans le cortex somatosensoriel primaire : la main. C’est en effet une zone richement innervée et dont la somatotopie est très étendue dans le cortex. Dans un troisième temps, il a fallu définir par quel biais nous pouvions avoir une influence sur cette douleur dans la main fantôme. L’étude de l’anatomie, de la physiologie et de la physiopathologie nous a permis de définir deux choses. D’une part, quelles structures pouvaient être impliquées dans la cause de cette douleur, à savoir le ganglion cervical inférieur, la septième vertèbre cervicale ainsi que la vascularisation et l’innervation orthosympathique artérielle du membre supérieur8,13. D’autre part, le type de technique employer : il y a de cela plusieurs siècles, des médecins tels qu’Hippocrate (se basant sur des concepts physiopathologiques de la médecine égyptienne), Galien ou Avicenne (se basant sur l’anatomie et la neurologie) mettaient en avant « l’art de la thérapeutique vertébrale »9. Plus près de nous, Irvin Korr préconisait le traitement vertébral en cas d’hypersympathicotonie10. Au terme de cette recherche, nous avons pu établir une hypothèse de travail : est-ce qu’une technique ostéo-articulaire directe sur la septième vertèbre cervicale peut soulager une douleur de membre fantôme à type de brûlure ? Après une revue des données anatomiques, physiologiques et physiopathologiques, recroisant à chaque fois savoir livresque et données expérimentales récentes et internationales au sujet des douleurs de membre fantôme à type de brûlure, nous déterminerons sur quelle population tester notre hypothèse de travail et de quelle manière la recruter, et enfin nous détaillerons le matériel à utiliser ainsi que le protocole scientifique mis en place afin de déterminer la place de l’Ostéopathie dans le traitement de ces douleurs du membre fantôme. « Tu ne dois pas demander si untel est un cas pour l’Ostéopathie, mais ce que l’Ostéopathie peut faire pour ce cas précis ! » (Littlejohn)11. Approche ostéopathique d’une douleur de membre fantôme à type de brûlure ~ E. Piquemal 4
I. CONTEXTE THEORIQUE Dans son autobiographie, Andrew Taylor Still évoque la théorie selon laquelle « le plus grand sujet d’étude de l’homme, c’est l’homme »4. L’anatomie, la physiologie et la physiopathologie sont de vastes sujets d’étude. Cependant, pour les besoins de ce projet de recherche, leur étude doit être aussi succincte que complète. C’est pourquoi, dans les rappels suivants, nous concentrerons notre attention sur la stricte étude des éléments en lien direct avec notre problématique. De plus, il nous semblait fondamental de pouvoir visualiser avec précision les structures mises en cause. Léonard De Vinci12 était conscient de la quantité d’information transmises par des illustrations claires : « tu donneras une notion exacte de leur forme, […] par cette méthode très rapide de les dessiner sous divers aspects, on en donne une connaissance vraie et complète ». C’est la raison pour laquelle les structures décrites sont accompagnées de schémas en annexe. A. RAPPELS ANATOMIQUES « Un ostéopathe doit connaître la forme et la position de chaque os du corps, aussi bien que l’endroit où s’attache chaque muscle ou ligament. Il doit connaître l’approvisionnement vasculaire et nerveux. » A.T. Still4 La charnière cervico-dorsale est une zone clé dans le concept ostéopathique, notamment d’un point de vue neuro-végétatif de part son influence sur la vasomotricité de la tête, du cou, et des membres supérieurs13. Nous allons décrire uniquement certaines structures de la fosse sus-claviculaire et du membre supérieur. Néanmoins, nous gardons à l’esprit que la circulation sanguine des membres supérieurs peut être influencée par une tension musculaire, une rétraction aponévrotique, une restriction de la mobilité vertébrale ou du dôme pleural, etc. Dans un premier temps nous allons étudier la septième vertèbre cervicale et le ganglion stellaire, puis dans un second temps nous décrirons la vascularisation et l’innervation orthosympathique du membre supérieur. 1. La septième vertèbre cervicale La septième vertèbre cervicale14 (Annexe 1, page 33), vertèbre de transition entre le rachis cervical et dorsal, est composée de plusieurs éléments. Son corps est large et plat et est articulé avec celui des vertèbres voisines par les apophyses semi-lunaires ; il présente parfois une facette costale14,15. Ses pédicules, très courts, sont implantés près de l’angle postéro- Approche ostéopathique d’une douleur de membre fantôme à type de brûlure ~ E. Piquemal 5
supérieur du corps. Ses apophyses transverses, non perforées, se terminent par un tubercule ; dans certains cas elle sont très développées et forment de véritables côtes cervicales. Par ailleurs, Papassin J-J16 précise que normalement « les côtes cervicales, très petites, se soudent complètement aux corps vertébraux ». Ses apophyses articulaires sont orientées en arrière et en haut, ses lames sont longues, et son apophyse épineuse, très longue, non bifide et est inclinée vers le bas. Facile à palper sous la peau, on l’appelle d’ailleurs « vertèbre proéminente ». 2. Le ganglion cervical inférieur Le ganglion cervical inférieur fait partie de la chaîne sympathique latéro-vertébrale17 comprenant de nombreux ganglions, de T1 à L217. Les ganglions, très petits, sont unis par un connectif irrégulier et souvent dédoublé17. a) La morphologie du ganglion cervical inférieur Sa morphologie est très variable (Annexe 2, page 34). Dans un quart des cas il est exclusivement cervical et se présente comme une masse unique semi-lunaire13,18 à base supérieure, à concavité supéro-externe13,18 et à convexité inférieure18. Dans les trois quarts des cas il est fusionné au premier ganglion thoracique13,18 ; il réalise alors le ganglion cervico- thoracique ou « premier ganglion thoracique » pour Neubüer18. Il a parfois une forme polycyclique d’où son autre nom « stellaire »13, signifiant « étoilé »19,20. Il se présente alors comme une masse dédoublée en deux segments : un segment inférieur principal, volumineux et conique à sommet inférieur, sur le flanc postéro-externe de l’artère vertébrale ; un segment supérieur, intermédiaire, en forme de cupule, sur le flanc antéro-interne de l’artère. Ces deux segments sont réunis par des rameaux formant un anneau, ou anse péri-vertébrale, autour de l’artère vertébrale. b) Les rapports du ganglion cervical inférieur Ses rapports (Annexe 2, page 34) se font essentiellement avec le versant postérieur du dôme pleural13, dans la fossette sus- et rétro-pleurale de Sébileau13. En avant et en bas il contacte le dôme pleural13 ; en arrière se trouve l’apophyse transverse de C713,18 et le col de la première côte13,17,18 ; en dedans il contacte la face latérale du corps de C713,17 et le ligament vertébro-pleural13 ; en dehors se trouvent les ligaments transverso-pleuraux13 et costo- pleuraux13 ; enfin en haut il contacte l’artère vertébrale13. Approche ostéopathique d’une douleur de membre fantôme à type de brûlure ~ E. Piquemal 6
c) Les branches du ganglion cervical inférieur Ses branches (Annexe 2, page 34) (Annexe 3, page 35) comprennent des rameaux communicants et des nerfs efférents périphériques. Certains rameaux communicants sont superficiels et sont reliés aux nerfs rachidiens C5 à T1 (Annexe 3, page 35) (Annexe 4, page 36) ; d’autres sont profonds et réunissent le nerf vertébral aux racines nerveuses C5 à C7. On compte plusieurs nerfs efférents périphériques, dont deux concernent directement notre propos : les nerfs vasculaires pour l’artère sous-clavière et ses branches, et les nerfs anastomotiques autour de l’artère sous-clavière, avec les nerfs vagues et phréniques (via l’anse de Vieussens). Les autres sont le nerf vertébral13, 18 de François Franck13, les nerfs cardiaques inférieurs, pleuraux et enfin musculaires. 3. Le plexus brachial Il est formé par la réunion des branches antérieures des nerfs rachidiens C5 à T1 qui s’anastomosent (Annexe 5, page 37). Les racines C5 et C6 et C8 et T1 se rejoignent et forment respectivement les premier et troisième troncs primaires ; la racine C7 constitue le second tronc primaire. Chaque tronc primaire se divise en deux pour former une branche antérieure et postérieure. La réunion des branches postérieures forme le tronc secondaire postérieur. Les branches antérieures des deux premiers troncs primaires se rejoignent et forment le tronc secondaire antéro-externe ; la branche antérieure du troisième tronc primaire devient le tronc secondaire antéro-interne13. Le tronc secondaire postérieur donne les nerfs radial et circonflexe. Le tronc secondaire antéro-externe se divise en deux branches terminales : le nerf musculo-cutané et la racine externe du nerf médian. Le tronc secondaire antéro-interne enfin se divise en quatre branches terminales : les nerfs cutanés médial du bras et de l’avant-bras, le nerf cubital et la racine interne du nerf médian13. 4. Les artères du membre supérieur L’étude du système vasculaire artériel du membre supérieur (Annexe 1, page 33) (Annexe 6, page 38) s’effectuera des zones proximales aux zones distales, sans décrire précisément la vascularisation artérielle de la main car elle est amputée dans le cas présent. L’artère sous-clavière, volumineuse, destinée aux membres supérieurs notamment, a une origine et un trajet différent à droite et à gauche13. D’une longueur de 8 cm à droite et de 11 cm à gauche, l’artère sous-clavière est une artère élastique de 9 à 10 mm de diamètre. A sa partie moyenne, au sommet de sa courbe, dans le défilé des scalènes, elle présente un Approche ostéopathique d’une douleur de membre fantôme à type de brûlure ~ E. Piquemal 7
rétrécissement : l’isthme de Stahel13,14. L’artère sous-clavière droite, naissant derrière l’articulation sterno-costo-claviculaire droite, est issue de la bifurcation du tronc artériel brachio-céphalique13. Dirigée d’abord en haut et en dehors, elle décrit sur le versant antérieur du dôme pleural une courbe à concavité inférieure13. Elle passe ensuite par le défilé interscalénique et prend une direction oblique en bas et en dehors. Enfin, elle passe dans la pince costo-claviculaire13 par le défilé rétroclaviculaire de Gaud, entre la cloison falciforme cléido-scapulaire en haut et la première côte en bas21. Elle devient alors l’artère axillaire droite. L’artère sous-clavière gauche naît dans le thorax de la partie la plus postérieure de la convexité de la crosse aortique. Elle chemine d’abord dans le médiastin où elle monte verticalement avant de gagner l’orifice supérieur du thorax et de décrire une vaste courbe sur le versant antérieur du dôme pleural et suit le même trajet qu’à droite13. L’artère axillaire, gros tronc artériel situé dans le creux axillaire, approvisionne le moignon de l’épaule et les régions voisines par ses branches. D’une longueur de 8 à 10 cm, elle fait 6 à 8 mm de diamètre, fait suite à l’artère sous-clavière et naît au milieu du bord postérieur de la clavicule. Lorsque le bras est horizontal, elle est rectiligne et horizontale. Elle se continue au bord inférieur du grand pectoral par l’artère humérale13. Faisant suite à l’artère axillaire au bord inférieur du tendon du grand pectoral, l’artère humérale constitue le tronc artériel du bras. Elle descend ensuite obliquement en bas en avant et en dehors dans la loge antérieure du bras puis la gouttière bicipitale interne. Elle se termine face antéro-interne du coude, un peu au dessus de l’interligne articulaire, où elle se divise en deux branches : une branche externe (artère radiale) et une branche interne (artère ulnaire)13. Le réseau péri-artériel du coude entoure cette articulation par un riche réseau artériel formé par des collatérales des artères humérales, radiales et ulnaires. Formé de deux cercles péri-épicondylien et péri-épitrochléen, il constitue une voie anastomotique entre les systèmes du bras et de l’avant-bras13. Branche externe de l’artère humérale, s’étendant du pli du coude à la face palmaire de la main, l’artère radiale prolonge la direction de l’artère humérale. Elle descend verticalement dans la loge antérieure de l’avant-bras vers la styloïde radiale où elle traverse la tabatière anatomique. Elle arrive à la paume de la main où elle s’anastomose avec le rameau palmaire profond pour former l’arcade palmaire profonde13. Branche interne de l’artère humérale, s’écartant à angle aigu de l’artère radiale, l’artère ulnaire est d’abord oblique en bas et en dedans puis devient verticale. Profonde et volumineuse, c’est la véritable nourricière de l’avant-bras. Elle descend verticalement dans la loge antérieure de l’avant-bras vers la face antérieure du poignet où elle passe dans la loge de Approche ostéopathique d’une douleur de membre fantôme à type de brûlure ~ E. Piquemal 8
Guyon. Arrivée à la paume de la main elle s’anastomose avec le rameau palmaire superficiel pour former l’arcade palmaire superficielle13. 5. L’innervation orthosympathique des artères du membre supérieur Nous allons suivre le même chemin que pour notre raisonnement ostéopathique : le trouble vient des structures proximales et s’exprime dans les structures distales. Nous allons donc commencer notre étude par l’origine des nerfs vasomoteurs, ou nerfs vasculaires, pour finir sur la description de l’innervation orthosympathique des artères du membre supérieur (Annexe 3, page 35). a) Origine et trajet des nerfs vasculaires L’innervation vasomotrice du membre supérieur dépend de plusieurs structures. Du centre vers la paroi vasculaire13 : centres vaso-moteurs encéphaliques, centres vaso-moteurs médullaires, voies vaso-motrices, centres et voies vasomoteurs périphériques et enfin appareil nerveux interstitiel des vaisseaux (Annexe 7, page 39). Nous décrirons ici les centres médullaires et les voies vasomotrices, puis nous détaillerons les voies vasomotrices périphériques, les centres vasomoteurs périphériques et enfin l’appareil nerveux interstitiel des vaisseaux. 1) Les centres médullaires et les voies vaso-motrices13 Les centres vasomoteurs médullaires impliqués dans la vasomotricité des vaisseaux du membre supérieur sont superposés dans la « pars intermedia » des niveaux médullaires T1 à T8 (Annexe 4, page 36 ; note : le schéma de cette annexe ne représente pas le 8ème niveau médullaire). Bien qu’ils exécutent des ordres venus des centres supérieurs, il sont autonomes : ils ont une disposition métamérique et contrôlent la vasomotricité régionale du sang. Les voies vasomotrices quant à elles, qui peuvent être directes ou croisées (Annexe 8, page 40), permettent de faire le lien entre ces centres médullaires étagés dans le névraxe, mais aussi entre les centres neurovégétatifs de la chaîne ganglionnaire sympathique latéro- vertébrale. Il existe des centres vasomoteurs reliés entre eux par des voies vasomotrices sur toute la hauteur de la moelle. Ils sont capables d’interactions mais gardent une certaine indépendance, et bien qu’étagés comme les centres cérébro-spinaux, ils n’obéissent pas aux mêmes lois de dépendance hiérarchique. Approche ostéopathique d’une douleur de membre fantôme à type de brûlure ~ E. Piquemal 9
2) Les voies vasomotrices périphériques13 Des centres neuro-végétatifs médullaires part un premier neurone pré-ganglionnaire et des centres neuro-végétatifs périphériques (les ganglions autonomes) démarre un second neurone (Annexe 8, page 40). On peut décomposer le trajet périphérique des fibres vasomotrices en trois parties : trajet pré-ganglionnaire, zone intra-ganglionnaire et enfin trajet post-ganglionnaire. Dans la partie pré-ganglionnaire, les fibres vasomotrices pré-ganglionnaires partent d’un segment médullaire thoracique, rejoignent d’autres fibres dans les nerfs rachidiens et gagnent les ganglions sympathiques latéro-vertébraux par les rameaux communicants blancs. Il est important de noter qu’un segment médullaire fournit plusieurs ganglions sympathiques et que les fibres vasomotrices du membre supérieur proviennent des 8 premiers segments dorsaux (T1 à T8) (Annexe 4, page 36). Dans le ganglion sympathique, les fibres vasomotrices pré-ganglionnaires s’arrêtent et s’articulent avec les neurones ganglionnaires. Certaines fibres font synapses dans les ganglions leur correspondant, et d’autres les traversent sans s’interrompre pour trouver leur relais dans un ganglion sus- ou sous-jacent (jusqu’à 7 ganglions au dessus ou au dessous) (Annexe 8, page 40). Certaines fibres pré-ganglionnaires remontent par la chaîne ganglionnaire sympathique jusqu’au ganglion stellaire et y font relais avec des fibres post- ganglionnaires, appelées aussi nerfs ganglionnaires. Certains de ces nerfs ganglionnaires sont des nerfs vasculaires et vont innerver les artères du membre supérieur (Annexe 3, page 35) : ils viennent en général du nerf satellite ou de la formation sympathique la plus proche. Après une brève revue anatomique, nous approfondirons la distribution de ces nerfs. b) Anatomie et terminaison d’un nerf vasculaire Un nerf vasculaire peut être rectiligne, sinueux, spiralé ou enrubanné autour de l’artère. Rarement plus long que 5 centimètres (cm), il peut l’être lorsqu’il chemine dans la gaine artérielle sur 10 à 15 cm ; ceci justifie le nom « nerf propre de l’artère » comme c’est le cas pour les artères humérale profonde et cubitale. Il présente une incidence oblique dans sa terminaison, atteint l’artère par la face qui correspond au nerf d’où il émane, et enfin chemine dans la gaine de l’artère. Les fibres sympathiques se terminent par une sorte de résille nommée « réticulum nerveux terminal » : elle est considérée comme l’épanouissement du sympathique (Annexe 7, page 39). Cette résille entoure les fibres musculaires lisses et plonge Approche ostéopathique d’une douleur de membre fantôme à type de brûlure ~ E. Piquemal 10
dans le sarcoplasme. Ainsi, chaque fibre musculaire de la paroi vasculaire est soumise à son influence nerveuse. c) Distribution des nerfs vasculaires Les fibres vasomotrices post-ganglionnaires suivent une voie directe ou indirecte (Annexe 7, page 39). Les nerfs vasculaires directs, constituant les voies périvasculaires, naissent directement de la chaîne sympathique et de ses branches viscérales ; ils innervent les gros troncs artériels, leurs branches viscérales et pariétales, ainsi que les vaisseaux de la racine des membres tels que les artères sous-clavières. Les nerfs vasculaires indirects, avant d’atteindre leur territoire, sortent de la chaîne sympathique par les rameaux communicants gris et voyagent dans les nerfs cérébro-spinaux C6 à T1 ou le plexus brachial : ils innervent notamment les vaisseaux des parois des membres. Plusieurs facteurs font augmenter le nombre de nerfs vasculaires présents dans une région. Plus un segment artériel donne de collatérales plus il reçoit, de manière proportionnelle, de nerfs vasculaires. De plus, si un tronc artériel est proche d’une articulation le nombre de nerfs vasculaires augmente et ils s’organisent en plexus. Enfin, les nerfs vasculaires sont plus nombreux à mesure que l’on s’approche de la partie distale des membres. 1) Les centres vasomoteurs périphériques Si l’on admet la conception de Gaskell et Langley13 selon laquelle les fibres pré- ganglionnaires ne sortent du névraxe que par les rameaux communicants blancs thoraciques et lombaires, les centres vasomoteurs périphériques correspondants prennent une importance particulière et le ganglion stellaire apparaît comme le passage obligé des fibres pré- ganglionnaires destinées au segment cervical (Annexe 3, page 35) (Annexe 4, page 36). A partir d’eux, la chaîne ganglionnaire sympathique latéro-vertébrale ne serait qu’un « tronc périphérique centrifuge », selon le chirurgien et physiologiste René Leriche13. Nous conclurons l’étude anatomique des centres vasomoteurs périphériques du membre supérieur par une citation de G. Herniou : « toute l’innervation vasomotrice du membre supérieur et de l’extrémité céphalique passe par le ganglion stellaire ». 2) L’appareil nerveux interstitiel des vaisseaux Il a été observé que l’extraction des fibres pré- et post-ganglionnaires altère l’activité vasomotrice. Il existe donc au sein de la paroi vasculaire des cellules, des fibres, ainsi que des terminaisons motrices et sensitives : ce sont les réticulum nerveux terminaux. D’après Approche ostéopathique d’une douleur de membre fantôme à type de brûlure ~ E. Piquemal 11
Leriche, « La construction fonctionnelle du système vasomoteur est un réseau ; les plexus péri-artériels et intra-artériels constituent par leur continuité une sorte de voie longue […]. C’est elle qui assure la solidarité des fonctions vasomotrices le long de chaque membre et sur les membres distants »13. d) L’innervation orthosympathique des artères Wrisberg, Blandin, Bourgery et Jacob13 signalent que des filets vasculaires du ganglion cervical inférieur accompagnent l’artère sous-clavière sur toute son étendue. Cruveilhier17 va jusqu’à dire que ces filets « s’accolent à l’artère sous-clavière et lui forment un plexus que j’ai pu suivre sur l’artère axillaire et même sur l’humérale jusqu’au pli du coude »13. Le ganglion stellaire envoie des nerfs vasculaires directement ou par l’intermédiaire de l’anse de Vieussens à la face postérieure de l’artère (Annexe 2, page 34). Les nerfs vasculaires situés en dehors de l’anse forment souvent un important pédicule qui chemine sur l’artère au-delà du scalène antérieur et dont les branches vont aussi à ses collatérales. Les nerfs vasculaires situés en dedans de l’anse, qui naissent parfois du nerf cardiaque inférieur ou de ses racines, vont jusqu’au tronc brachio-céphalique à droite et à la crosse aortique à gauche. Le ganglion intermédiaire (segment supérieur) et les branches de l’anse péri-vertébrale donnent des nerfs vasculaires à la face antérieure de l’artère sous- clavière et surtout à ses collatérales. Enfin, le dernier segment de l’artère sous-clavière reçoit des filets rares issus des septième et huitième nerfs cervicaux (Annexe 3, page 35). La face postérieure de l’artère axillaire est innervée par les nerfs vasculaires issus des troncs secondaires du plexus brachial, les troncs antéro-interne et antéro-externe étant les plus constants. La partie proximale de la face antérieure de l’artère axillaire est innervée par la fin des ramifications issues du ganglion cervico-thoracique pour l’artère sous-clavière. La partie distale de la face antérieure reçoit un filet du nerf médian et un ou deux nerfs vasculaires issus des nerfs des pectoraux et de leur anse (Annexe 3, page 35). L’artère humérale est innervée par trois filets vasculaires issus du nerf médian. Le premier innerve la partie proximale de l’artère et le second l’accompagne sur un trajet assez long. Le troisième est le plus important et le plus long : il va à la division de l’artère et se divise pour innerver les origines des artères ulnaire et radiale (Annexe 3, page 35). De son origine à la naissance de l’artère radiale récurrente, l’artère radiale est innervée par le troisième filet vasculaire issu du nerf médian et reçoit ensuite des filets issus de la branche antérieure du nerf radial. Le reste de l’artère est innervée par des branches du nerf Approche ostéopathique d’une douleur de membre fantôme à type de brûlure ~ E. Piquemal 12
médian. L’artère radiale récurrente antérieure reçoit un filet nerveux qui se détache de la branche postérieure du nerf radial (Annexe 3, page 35). De son origine à la naissance de l’artère ulnaire récurrente et des artères interosseuses, l’artère ulnaire est innervée par le troisième filet vasculaire issu du nerf médian. A partir de là, les branches d’un long nerf vasculaire issu du nerf ulnaire, appelé le « nerf de l’artère cubitale de Henlé », serpente l’artère et lui fournit une abondante innervation. On peut le suivre jusqu’au poignet voire jusqu’à l’arcade palmaire superficielle. Le tronc des artères récurrentes ulnaires reçoit un filet d’une collatérale du nerf médian. Une branche des artères récurrentes ulnaires reçoit des filets nerveux du nerf ulnaire et du nerf interosseux antérieur (Annexe 3, page 35). B. RAPPELS PHYSIOLOGIQUES « Le praticien ostéopathe doit être capable de justifier le traitement qu’il prodigue, pas tant pour son patient, mais plutôt pour lui-même ». A.T. Still8 L’étude de l’ensemble de la physiologie mêlant système nerveux autonome et artères sortant du cadre de ce projet de recherche, nous limiterons la description de leurs interactions aux membres supérieurs. 1. La stimulation du système vasomoteur Le muscle lisse des vaisseaux est sous la dépendance d’un système nerveux particulier, appelé vasomoteur, qui subit également des influences hormonales. Pour les besoins de ce projet, nous nous limiterons à l’étude des stimulations périphériques du système nerveux vasomoteur. a) Les stimulations nerveuses d’origine périphériques Les messages sensitifs venant de la périphérie jouent un rôle capital dans la mise en jeu du système vasomoteur. Toutes les excitations périphériques, qu’elles soient mécaniques, chimiques ou thermique, quelle que soient leur provenance ou leur trajet, peuvent être la source de réactions réflexes vasomotrices13. Les excitations portant sur la sensibilité des ligaments articulaires et du périoste, riches en corpuscules sensitifs, ont un retentissement marqué sur le système artériolaire. René Leriche explique : « la clinique nous fait constater Approche ostéopathique d’une douleur de membre fantôme à type de brûlure ~ E. Piquemal 13
que toute torsion un peu vive d’un ligament articulaire éveille de vives réactions vasomotrices locales ». Il ajoute que le « jeu articulaire est un facteur de la régulation vasomotrice » 13. De plus, la « loi de l’excitation des nerfs vasosensibles de l’adventice » de Leriche attire l’attention sur un aspect important de la sensibilité adventitielle vasculaire : « L’excitation adventitielle se traduit par deux phénomènes inverses : vasoconstriction d’abord, vasodilatation ensuite » (Leriche)13. Ce phénomène, dans lequel l’endothélium vasculaire excité produit une variation du débit sanguin, fait partie de certaines pathologies telles que les côtes cervicales13,14 ou la crise pure de la maladie de Raynaud13. 2. La vasoconstriction et la vasodilatation La régulation du tonus vasculaire dépend d’un système vasomoteur neuroendocrinien chargé de le maintenir et pouvant être l’objet de stimulations variées qui, par le jeu de réflexes incessants et innombrables, adaptent le tonus vasculaire au prorata des besoins. Il est essentiel de noter ici que la vasodilatation est le résultat de l’inhibition des tonus vasomoteurs central ou périphérique. La vasodilatation étant le résultat du relâchement de l’appareil vasomoteur, elle ne peut être que passive. On distingue deux degrés, deux types de vasodilatation13. L’une, d’origine nerveuse ou hormonale, concerne davantage le système veineux donc elle sera mise de côté au profit de l’étude de l’autre, d’origine nerveuse. Cette dernière se manifeste par une hyperthermie avec rougeur. Son siège est artériel ou artériolaire et son mécanisme est central ou périphérique (inhibition ou section des voies vasoconstrictrices)13. Des interventions invasives telles que le bloc sympathique ou la sympathectomie (respectivement l’anesthésie temporaire et l’ablation du système nerveux orthosympathique local) augmentent le débit sanguin vers le membre atteint22 et donc sa température23. L’étude thermographique a établi que la diminution du débit associée aux douleurs fantômes n’est pas provoquée par une suractivité sympathique généralisée, car la froideur et l’hypoperfusion sont limitées au membre résiduel, tandis que le membre intact conserve sa température22. 3. Rôle vasomoteur du ganglion sympathique Des travaux réalisés sur les médiateurs chimiques démontrent que les ganglions sympathiques sont pourvus d’une activité propre et assurent un certain contrôle sur la vasomotricité. La transmission de l’influx nerveux dans la chaîne sympathique se fait grâce à un neurotransmetteur libéré aux extrémités des fibres vasomotrices. Ce médiateur peut être de l’Acétylcholine, vasodilatatrice, ou l’Adrénaline (ou une substance voisine) vasoconstrictrice. Approche ostéopathique d’une douleur de membre fantôme à type de brûlure ~ E. Piquemal 14
On parle alors, respectivement, de récepteurs cholinergiques et adrénergiques. La transmission du message nerveux orthosympathique et parasympathique entre les neurones pré- et post-ganglionnaire se fait grâce à l’Acétylcholine. La transmission du message nerveux parasympathique dans la synapse neuro-effectrice est aussi cholinergique ; en revanche, la transmission du message nerveux orthosympathique dans la synapse neuro-effectrice est adrénergique13. C. RAPPELS PHYSIOPATHOLOGIQUES 1. Physiopathologie d’une douleur fantôme à type de brûlure Après avoir brièvement établi ce qu’est une douleur fantôme, nous commencerons par l’étude de la douleur pour cibler ensuite vers la douleur de membre fantôme à type de brûlure. a) Distinction préalable3 Il convient de distinguer trois types de phénomènes chez les amputés. Les sensations de membre fantôme d’une part sont l’ensemble des sensations non douloureuses émanant du membre coupé et perçues comme extrêmement « réelles » par le patient. Les douleurs du moignon d’autre part, constantes au décours immédiat de l’intervention, sont localisées dans le moignon exclusivement. Les douleurs du membre fantôme enfin, aussi appelées douleurs fantômes, regroupent l’ensemble des sensations douloureuses localisées dans le membre fantôme, à l’exception cependant des irradiations et des douleurs projetées dans le membre fantôme (d’origines viscérales par exemple comme les possibles douleurs de la main gauche dans le cadre d’une pathologie cardiaque comme l’angor) qui ne sont pas directement imputables à l’amputation. Dans la suite de ce projet de recherche, nous détaillerons en particulier les douleurs du membre fantôme à type de brûlure. b) La douleur24 1) Origine du message douloureux Le message douloureux naît dans des nocicepteurs (terminaisons nerveuses libres) lorsque le seuil de stimulation de ces nerfs dépasse le niveau liminaire. Ils sont situés dans les tissus cutanés, vasculaires, articulaires, osseux et viscéraux qui répondent à des stimuli électriques, mécaniques, thermiques, chimiques et biologiques. Puis le message est véhiculé par des fibres sensitives afférentes jusqu’à la moelle épinière et est dirigé vers une aire spécialisée dans le cerveau via la moelle épinière. Il existe deux types de douleurs : les Approche ostéopathique d’une douleur de membre fantôme à type de brûlure ~ E. Piquemal 15
douleurs par excès de nociception, et la douleur par désafférentation qui correspond à la douleur de membre fantôme à type de brûlure. 2) Les voies de transmission du message douloureux Les nerfs qui véhiculent la douleur sont de deux types. On trouve les fibres Aδ et C (petit calibre) qui véhiculent la douleur, et les fibres Aα et Aβ (gros calibre) qui véhiculent les sensations tactiles et la proprioception (Annexe 9, page 41). Ils vont jusqu’à la corne postérieure de la moelle épinière, zone de passage obligé de la douleur ; on y observe un véritable filtrage et un aiguillage du message douloureux. Le message venant des fibres Aδ et C va soit dans les faisceaux spino-thalamiques puis au thalamus10,24, soit dans la formation réticulée via les faisceaux spino-réticulés10,24. En cas de douleur de membre fantôme, il arrive que l’on coupe ces voies conductrices de la douleur par radicotomie (chirurgie délabrante)24. 3) Les mécanismes d’inhibition du message douloureux On trouve dans la moelle deux systèmes d’inhibition de la douleur. Le premier est au niveau médullaire dans les structures de Gall et Burdach : les excitations des fibres Aα et Aβ active un neurone inhibiteur et freinateur qui bloque le passage des influx douloureux venant des fibres Aδ et C. Le second est au niveau supramédullaire : des voies inhibitrices partent du mésencéphale et lors d’une stimulation douloureuse, il entraîne une réaction analgésique via des sécrétions d’endorphines. La transmission du message douloureux ne s’effectue donc pas de manière totalement libre. En cas de douleur de membre fantôme, il arrive on peut stimuler les voies d’inhibition de la douleur dans la moelle épinière (Gall et Burdach) pour bloquer par inhibition la voie spino-thalamique qui conduit la douleur24. c) La douleur de membre fantôme13 1) Caractéristiques de la douleur de membre fantôme Selon Jensen ainsi que Sherman R.A., jusqu’à 80 % des personnes amputées ressentent une douleur dans une partie manquante du corps22. De façon générale, l’incidence de ces douleurs ne semble pas dépendre de l’âge, du sexe, du niveau, du côté ou de la cause de l’amputation3. Ces douleurs fantômes peuvent apparaître après l’amputation et pourraient être plus fréquentes lorsqu’elles étaient présentes dans le membre avant l’amputation3. Par ailleurs, Katz J. a rapporté des phénomènes de réminiscence, c’est-à-dire que d’anciennes douleurs (ongles incarnés, entorses…) sont réapparues alors qu’elles n’étaient plus présentes lors de l’amputation. Bouhassira D. explique dans l’ouvrage Les douleurs neuropathiques que Approche ostéopathique d’une douleur de membre fantôme à type de brûlure ~ E. Piquemal 16
dans 80% des cas ces douleurs apparaissent dans la semaine après l’amputation et que six mois après elles sont toujours présentes même si la fréquence des attaques est sensiblement réduite3. Les enfants3,22 (selon Weinstein S. et ses collègues), les amputés congénitaux22 et les amputés suite à une perte graduelle du membre (comme dans la lèpre, d’après Price D.B.3), sont moins sujets à ce type de douleur. Il s’agit généralement de douleurs intermittentes avec des paroxysmes dont la fréquence est très variable (de quelques accès par jour à quelques fois par an)22. Ces accès douloureux, prédominants dans la partie distale du membre fantôme, peuvent être très intenses et avoir un retentissement fonctionnel majeur3. Les facteurs psychologiques (stress, anxiété…) ne semblent pas constituer la cause des douleurs fantômes même s’ils semblent avoir une incidence sur leur évolution et leur sévérité3,22. La physiopathologie exacte de ces douleurs restent un mystère, mais l’ensemble des travaux indique que la sévérité de la douleur est essentiellement déterminée par des facteurs périphériques et centraux3,22 : c’est pourquoi nous approfondirons dans ce projet de recherche cet aspect physiopathologique. 2) Origine de la douleur de membre fantôme22 Aussi appelée douleur par désafférentation, elle résulte de la lésion ou de la destruction de structures périphériques ou centrales. Elle a deux composantes principales : une composante continue, type brûlure ou arrachement ; une composante fulgurante : la douleur à type de décharge électrique éclatant par intermittence par exemple. Elle dépend de facteurs périphériques et centraux. Pour comprendre les douleurs de membre fantôme il faut comprendre que dans le système de transmission de l’information douloureuse il existe non seulement un système de câblage qui transmet l’information de la périphérie vers le centre, mais aussi un système d’inhibition, de contrôle. Quand un nerf est coupé, cela perturbe le système de contrôle : la douleur de membre fantôme, par désafférentation, est due à une dysfonction de ce système de contrôle : les mécanismes d’inhibition ne peuvent plus intervenir. 3) Les mécanismes sous-jacents d’une douleur du membre fantôme La revue Pain22, ainsi que l’ouvrage Les douleurs neuropathiques3, signale qu’il existe plusieurs types de douleurs du membre fantôme. On distingue les douleurs causées par une tension musculaire dans le membre résiduel (selon Sherman R.A.22), les douleurs liées à une réduction du débit sanguin superficiel dans le moignon (d’après Karstetter K.22), les douleurs Approche ostéopathique d’une douleur de membre fantôme à type de brûlure ~ E. Piquemal 17
attribuées à une position anormale et irréductible du membre fantôme (torsion d’une articulation, poing serrés dont les ongles rentrent dans la paume…)3 et enfin Devor M.22 a avancé un dernier mécanisme périphérique possible : l’écoulement ectopique d’un névrome du moignon survenant spontanément ou suite à une stimulation. Dans le cadre de ce projet de recherche, nous avons choisi de traiter la seconde cause mentionnée ici : c’est pourquoi nous allons approfondir dans les paragraphes suivants les résultats des recherches concernant les douleurs du membre fantôme dues à une réduction du débit sanguin superficiel. D’après Sherman R.A., les enquêtes menées à grande échelle chez des amputés montrent l’inefficacité des traitements qui ne sont pas dirigés vers leurs mécanismes sous-jacents22. 4) La réorganisation corticale a) Etude du phénomène Les dernières données expérimentales concernant les douleurs de membre fantôme ont été apportée par des études portant sur la réorganisation du cortex somatosensoriel primaire (Annexe 10, page 42) après amputation et désafférentation chez des animaux adultes. Par exemple, Merzenich M.M. et ses collègues22 ont remarqué que l’amputation d’un doigt chez un singe Douracouli adulte a entraîné un envahissement par les zones adjacentes de la zone de représentation corticale du doigt désafférenté. Par exemple, Pons a montré qu’une amputation et une désafférentation du bras et de la main de singes entraînent un envahissement de leur zone par les zones adjacentes : la bouche et le menton. Cet envahissement peut aller de quelques millimètres à quelques centimètres selon la date et la zone d’amputation (d’après Pons T.P.22). Un an plus tard, Ramachandran V.S. et ses collègues22 ont noté une correspondance point par point entre des sites de stimulation sur le visage et des douleurs fantômes chez des amputés du membre supérieur. Ceci les a amené à suggérer qu’ « une réorganisation corticale pourrait être à l’origine de ce phénomène fantôme ». De son côté, Montoya P.3 a mis en évidence d’importantes modifications de la représentation somatotopique corticale chez certains patients. Une réorganisation des cartes somato-sensorielles a été objectivée au moyen de la magnétoencéphalographie3. Cela a permis de montrer, chez des amputés du membre supérieur, une augmentation de l’amplitude des réponses corticales évoquées par des stimulations de la face et, surtout, une extension importante de la zone corticale de Approche ostéopathique d’une douleur de membre fantôme à type de brûlure ~ E. Piquemal 18
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