ARABIE SAOUDITE. LE G20 TERMINÉ, LA LIBERTÉ D'EXPRESSION À NOUVEAU RÉPRIMÉE - REPRISE DE LA RÉPRESSION DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION ET DES ACTIVITÉS ...

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ARABIE SAOUDITE. LE G20 TERMINÉ, LA LIBERTÉ D'EXPRESSION À NOUVEAU RÉPRIMÉE - REPRISE DE LA RÉPRESSION DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION ET DES ACTIVITÉS ...
ARABIE SAOUDITE. LE G20 TERMINÉ,
LA LIBERTÉ D’EXPRESSION À
NOUVEAU RÉPRIMÉE
REPRISE DE LA RÉPRESSION DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION ET DES
ACTIVITÉS EN FAVEUR DES DROITS HUMAINS, RETOUR DE L’USAGE
DE LA PEINE DE MORT
ARABIE SAOUDITE. LE G20 TERMINÉ, LA LIBERTÉ D'EXPRESSION À NOUVEAU RÉPRIMÉE - REPRISE DE LA RÉPRESSION DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION ET DES ACTIVITÉS ...
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L’édition originale de ce document a été publiée en
2021
par Amnesty International Ltd
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Index AI : MDE 23/4532/2021
L’édition originale a été publiée en
langue anglaise.

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ARABIE SAOUDITE. LE G20 TERMINÉ, LA LIBERTÉ D'EXPRESSION À NOUVEAU RÉPRIMÉE - REPRISE DE LA RÉPRESSION DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION ET DES ACTIVITÉS ...
SOMMAIRE

1. INTRODUCTION                                                                                         4

2. RETOUR DE LOURDES AMENDES POUR RÉPRIMER LE MILITANTISME ET LA LIBERTÉ D’EXPRESSION                   6
2.1 CONDAMNÉS POUR ASSOCIATION PACIFIQUE                                                                7
2.2 CONDAMNÉ·E·S POUR EXPRESSION PACIFIQUE                                                              8

3. DES VIOLATIONS DE L’ARRESTATION À LA CONDAMNATION                                                    11
3.1 DÉTENTION AU SECRET, TORTURE ET AUTRES MAUVAIS TRAITEMENTS EN DÉTENTION PROVISOIRE 11
3.2 DES PROCÈS PROLONGÉS DEVANT LE TRIBUNAL PÉNAL SPÉCIAL                                               12

4. DES INTERDICTIONS ARBITRAIRES DE VOYAGER ET D’UTILISER LES RÉSEAUX SOCIAUX IMPOSÉES PAR LA JUSTICE   14

5. REPRISE DU RECOURS À LA PEINE DE MORT                                                                16

6. CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS                                                                        18
RECOMMANDATIONS AUX AUTORITÉS SAOUDIENNES                                                               18
RECOMMANDATIONS AUX MEMBRES DU CONSEIL DES DROITS DE L'HOMME DES NATIONS UNIES                          19

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ARABIE SAOUDITE. LE G20 TERMINÉ, LA LIBERTÉ D'EXPRESSION À NOUVEAU RÉPRIMÉE - REPRISE DE LA RÉPRESSION DE LA LIBERTÉ D'EXPRESSION ET DES ACTIVITÉS ...
1. INTRODUCTION

Après avoir assuré la présidence du G20 jusqu’à son point culminant, le sommet de novembre 2020, les autorités saoudiennes ont
repris les procès punitifs de défenseurs et défenseures des droits humains et d’autres personnes dissidentes, notamment devant le
Tribunal pénal spécial, et le recours à la peine de mort. Pendant les mois au cours desquels l'Arabie saoudite a présidé le G20, une
accalmie a été constatée en ce qui concerne les procès de défenseurs et défenseures des droits humains et de personnes dissidentes
devant le Tribunal pénal spécial et d'autres juridictions pénales, ainsi qu'une baisse notable du recours à la peine de mort. Pendant
cette période, la pandémie de COVID-19 a également perturbé le fonctionnement du système judiciaire.
Une fois le sommet terminé cependant, à partir de décembre 2020, les tribunaux ont repris ces procès, infligeant de lourdes peines de
prison à des personnes pour de simples tweets, ou imposant à des personnes libérées après avoir purgé leur peine des conditions
entravant leurs activités, comme des interdictions de voyager ou la clôture de leurs comptes de réseaux sociaux. Certaines des
personnes condamnées au début de l’année 2021 venaient de finir de purger de longues peines de prison dans des affaires
antérieures pour des charges similaires, liées à leur exercice pacifique des droits humains.
Après une baisse de 85 % des exécutions sous la présidence saoudienne du G20, les exécutions ont repris : neuf personnes ont été
exécutées rien qu'en décembre 2020 et, au moment de la rédaction du présent rapport, 40 autres l’avaient été entre le début de
l’année et juillet 2021. Dans un cas de violation flagrant, les autorités ont exécuté un jeune homme appartenant à la minorité chiite
d'Arabie saoudite, en juin.
Dans le présent rapport, Amnesty International se penche sur le cas de 13 personnes militantes et dissidentes qui ont été poursuivies,
condamnées ou dont la peine a été confirmée par le Tribunal pénal spécial ou ratifiée par le roi entre les mois de décembre 2020 et
juillet 2021. Amnesty International a rassemblé des informations sur le cas de 64 personnes poursuivies pour avoir exercé leurs droits à
la liberté d’expression, d’association et de réunion : 39 d’entre elles sont actuellement emprisonnées ; les autres ont récemment été
libérées sous condition après avoir fini de purger leur peine, ou sont dans l’attente de leur jugement pour des charges liées à leur
exercice de la liberté d’expression et à leurs activités en faveur des droits humains.
Dans la plupart des cas, le Tribunal pénal spécial a prononcé les peines à l’issue de procédures manifestement iniques, entachées par
des détentions au secret et à l’isolement pendant des mois d'affilée, l’absence d'accès à une représentation juridique pendant la
détention, les interrogatoires et l’intégralité du procès, ainsi que l’acceptation aveugle par le tribunal d’« aveux » extorqués sous la
torture - dans de nombreux cas, une condamnation à mort a été prononcée sur la base de tels « aveux ».
La façon dont ces procès se déroulent est en complet décalage avec les réformes juridiques récemment annoncées par le prince
héritier Mohammed bin Salman. En effet, en février 2021, le prince héritier a annoncé que l'Arabie saoudite allait adopter de nouvelles
lois et réformer la législation en vigueur afin de « préserver les droits, renforcer les principes de justice, assurer la transparence,
protéger les droits humains et parvenir à un développement global et durable ».1 Il faisait référence à quatre textes : une loi relative au
statut personnel, une loi sur les transactions civiles, un Code pénal pour les peines discrétionnaires et une loi sur la preuve. À ce jour,
les autorités n'ont toujours pas publié ces textes ni leur règlement d'application. De ce fait, il est difficile d’évaluer les conséquences
des réformes annoncées pour les droits humains.
Pourtant, au moment même où les autorités annonçaient ces réformes, le pouvoir judiciaire se remettait à poursuivre, principalement
par le biais du Tribunal pénal spécial, des personnes ayant exprimé des opinions critiques sur la politique du gouvernement. En
avril 2021, le Tribunal pénal spécial a condamné un travailleur humanitaire à une peine révoltante de 20 ans de prison, suivis d'une
interdiction de voyager de 20 ans, pour avoir exprimé pacifiquement sur Twitter des vues critiques et satiriques sur la politique
gouvernementale.

1
 Saudi Press Agency, HRH Crown Prince Announces 4 New Laws to Reform the Kingdom’s Judicial Institutions, 8 février 2021,
spa.gov.sa/viewfullstory.php?lang=en&newsid=2187801#2187801

INDEX AI : MDE 23/4532/2021
AOÛT 2021
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Les accusations étaient fondées sur de vagues dispositions érigeant en infraction l'expression pacifique d’opinions au titre de la Loi
relative aux crimes de terrorisme et à leur financement (Loi de lutte contre le terrorisme) et de la Loi relative à la lutte contre la
cybercriminalité. Amnesty International a appelé à maintes reprises les autorités saoudiennes à abroger ces deux lois ou à les modifier,
afin de les mettre en conformité avec le droit international relatif aux droits humains et les normes internationales en la matière.
Malgré la libération tant attendue, en mars et en juin 2021, de toutes les militantes des droits humains qui étaient encore derrière les
barreaux, les conditions dont ces libérations ont été assorties perpétuent de fait les violations de leurs droits. Il leur est notamment
interdit de voyager ou de s’exprimer en public, de reprendre leurs activités de défense des droits humains ou d’utiliser les réseaux
sociaux, en violation de leurs droits à la liberté d'expression, d'association et de réunion pacifique à l’intérieur du pays et à la liberté de
mouvement à l'extérieur du pays. De plus, un certain nombre de membres de la famille de personnes militantes qui avaient activement
fait campagne pour la libération de leurs proches sont également soumis à des interdictions de voyager.
Le présent rapport étudie le cas de 13 personnes qui ont été poursuivies ou condamnées par le Tribunal pénal spécial entre
décembre 2020 et juillet 2021, dont celui d’un jeune homme qui a été condamné après ratification de sa condamnation à mort. Cinq
autres personnes sont détenues arbitrairement sans inculpation depuis plus de trois ans. Le rapport examine également les
interdictions de voyager et de s’exprimer sur les réseaux sociaux imposées à plusieurs personnes après leur libération cette année.
Amnesty International s'est entretenue avec 10 personnes, dont des proches établis en dehors de l'Arabie saoudite, un avocat et des
spécialistes des droits humains, et a examiné des pièces juridiques tels que des actes d’accusation et des jugements. Pour éviter les
représailles, les entretiens ont été menés de manière strictement confidentielle et par l’intermédiaire de sources fiables en dehors du
pays, toute personne coopérant avec Amnesty International à l’intérieur du pays risquant d’être arrêtée et poursuivie au titre de la Loi
de lutte contre le terrorisme ou de la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité pour des charges telles que l’« atteinte à la
réputation du royaume » et la « communication avec des organisations étrangères ».
Compte tenu des récents événements, Amnesty International reste extrêmement préoccupée par la situation générale des droits
humains. En effet, les détentions et poursuites visant les défenseurs et défenseures des droits humains persistent, et des lois de portée
excessivement générale sont utilisées afin de justifier le fait que des personnes qui s’expriment et militent pacifiquement soient prises
pour cibles lors de procès iniques. De plus, la peine de mort continue à être employée à l’issue de procès manifestement inéquitables.
Aussi, Amnesty International appelle à nouveau le Conseil des droits de l'homme des Nations unies à mettre en place un mécanisme
de surveillance et de communication de l'information sur la situation des droits humains en Arabie saoudite.2

2
 Amnesty International, HRC45: Jointly reiterate calls on Saudi Arabia to release human rights defenders and address key benchmarks for human rights reform (Index AI :
MDE 23/2960/2020), 9 septembre 2020, https://www.amnesty.org/en/documents/mde23/2960/2020/en/

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2. RETOUR DE LOURDES
AMENDES POUR RÉPRIMER LE
MILITANTISME ET LA LIBERTÉ
D’EXPRESSION

Depuis décembre 2020, les autorités saoudiennes répriment à nouveau implacablement toute personne ayant formulé des vues
critiques à l'égard du gouvernement ou exprimé son opinion. Les autorités ont condamné des personnes arbitrairement détenues
depuis jusqu'à 20 ans, et ont allongé les peines de personnes qui purgeaient déjà des peines de prison ou avaient déjà été
emprisonnées par le passé pour leurs activités de défense des droits humains.
Dans cinq cas, des militants des droits humains détenus depuis trois à six ans ont été condamnés par le Tribunal pénal spécial à des
peines de prison allant de six à 20 ans. Dans un cas, les autorités ont porté de 15 à 17 ans de prison la peine d'un défenseur des
droits humains, sur la base de charges supplémentaires liées au fait qu’il avait demandé l'asile politique alors qu'il était jugé pour ses
activités en faveur des droits humains. Au moment de la rédaction du présent rapport, quatre personnes étaient toujours en procès
devant le Tribunal pénal spécial et une personne était détenue sans inculpation ni jugement depuis la mi-2018.

RÉPRESSION DE JANVIER À JUIN 2021 :
 DATE DE LA VIOLATION        NOM                                                                      SITUATION
 Février 2021                Israa al Ghomgham, militante chiite, incarcérée depuis 2015              Condamnée à huit ans de prison
 Février 2021                Moussa al Hashim, militant chiite, incarcéré depuis 2015                 Condamné à 17 ans de prison
 Février 2021                Alaa Brinji, journaliste, incarcéré de 2014 à 2021                       Sous le coup d’une interdiction de
                                                                                                      voyager
 Mars 2021                   Mohammad al Otaibi, fondateur d’une organisation de défense des          Peine portée à 17 ans de réclusion
                             droits humains, incarcéré depuis 2017
 Mars 2021                   Loujain al Hathloul, défenseure des droits humains, incarcérée de        Peine et interdiction de voyager
                             2018 à 2021                                                              confirmées
 Avril 2021                  Mohammad al Rabiah, écrivain critique à l’égard du pouvoir,              Condamné à six ans de prison
                             incarcéré depuis 2018

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Avril 2021                   Abdulrahman al Sadhan, écrivain critique à l’égard du pouvoir,                        Condamné à 20 ans de prison
                                 incarcéré depuis 2018
    Avril 2021                   Khalid al Omeir, défenseur des droits humains, incarcéré de 2018 à                    Condamné à 7 ans de prison
                                 2021
    Juin 2021                    Mustafa al Darwish, jeune militant chiite                                             Arrêté en 2015 et exécuté en
                                                                                                                       2021
    Juin 2021                    Nassima al Sada, défenseure des droits humains, incarcérée de                         Sous le coup d’une interdiction de
                                 2018 à 2021                                                                           voyager
    Juin 2021                    Samar Badawi, défenseure des droits humains, incarcérée de 2018                       Sous le coup d’une interdiction de
                                 à 2021                                                                                voyager

Amnesty International a rassemblé des informations sur des dizaines de cas de défenseurs et défenseures des droits humains
poursuivis pour des charges qui ne sont pas reconnues par le droit international, car elles érigent en infraction l'exercice pacifique de la
liberté d'expression, de réunion et d'association et, dans certains cas, assimilent les activités politiques militantes pacifiques ou
l'expression pacifique d’opinions politiques à des infractions relevant du terrorisme. Les chefs d'accusation les plus fréquemment
retenus contre celles et ceux qui défendent les droits humains sont les suivants : « rupture d’allégeance et désobéissance au
souverain », « mise en cause de l’intégrité de fonctionnaires », « tentative d’atteinte à la sécurité et incitation à troubler l’ordre public en
appelant à des manifestations », « transmission de fausses informations à des groupes étrangers » et « formation d’une organisation
non agréée ou participation à sa formation », au titre de la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité, de la Loi de lutte contre le
terrorisme et de la Loi sur les associations.3

                                                2.1 CONDAMNÉS POUR ASSOCIATION PACIFIQUE
                                       Mohammad al Otaibi est un membre fondateur de l'Union pour les droits humains, une
                                       organisation indépendante de défense des droits humains. Il purgeait déjà une peine de 14 ans
                                       de réclusion lorsque le Tribunal pénal spécial a augmenté sa peine, en deux temps (en
                                       décembre 2020 et en mars 2021), de trois ans au total.4 En décembre 2020, le Tribunal pénal
                                       spécial a condamné Mohammad al Otaibi à une année supplémentaire de prison dans une
                                       affaire distincte, dans laquelle il était notamment poursuivi pour avoir communiqué avec des
                                       organisations internationales et tenté de demander l'asile politique alors que son procès était en
                                       cours et avant son placement en détention en Arabie saoudite. En mars 2021, le parquet a
                                       requis une augmentation de peine de deux ans, que le tribunal a prononcée. Mohammad
al Otaibi purge actuellement des peines cumulées de 17 ans de prison au total pour ses activités de défense des droits humains.
En avril 2013, Mohammad al Otaibi et trois autres hommes ont été convoqués pour interrogatoire, après avoir informé officiellement les
autorités de la création d’une organisation de défense des droits humains appelée l'Union pour les droits humains et avoir demandé
                                          une licence. Le Bureau des enquêtes et des poursuites judiciaires a convoqué les quatre
        Mohammad al Otaibi © DR           hommes et leur a fait signer des documents dans lesquels ils s’engageaient à dissoudre
                                          l'organisation. Plus tard, Mohammad al Otaibi et un autre défenseur des droits humains ont été
traduits en justice en raison de la poursuite de leurs activités pour l'Union pour les droits humains.5
En octobre 2016, le procès de Mohammad al Otaibi devant le Tribunal pénal spécial a débuté. Cette juridiction l’a notamment déclaré
coupable d’avoir « participé à la création d’une organisation et annoncé la création de cette dernière avant d’en avoir obtenu
l’autorisation », « participé à deux entretiens dans les médias », « incité la population à manifester » et « divisé l’unité nationale,
propagé le désordre et provoqué l’opinion publique par la préparation, la rédaction et la publication de déclarations portant préjudice à
la réputation du Royaume et de ses institutions judiciaires et chargées de la sécurité ».6 Le tribunal a condamné Mohammad al Otaibi à
14 ans de réclusion, suivis d’une interdiction de voyager de même durée.

3
  Tribunal pénal spécial, jugements conservés dans les archives d’Amnesty International, concernant diverses personnes défendant les droits humains.
4
  Amnesty International, Arabie saoudite. Premières condamnations de défenseurs des droits humains sous la houlette du prince héritier « réformiste » Mohammed Bin
Salman, 25 janvier 2018, amnesty.org/fr/latest/news/2018/01/saudi-arabia-first-human-rights-defenders-sentenced-under-leadership-of-reformer-crown-prince-mohammad-
bin-salman/
5
  Amnesty International, Arabie saoudite. Deux défenseurs des droits humains en procès (Index AI : MDE 23/5098/2016), 4 novembre 2016,
https://www.amnesty.org/fr/documents/mde23/5098/2016/fr/
6
  Tribunal pénal spécial, jugement conservé dans les archives d’Amnesty International, 25 janvier 2018.

INDEX AI : MDE 23/4532/2021
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Aucune organisation indépendante de défense des droits humains n'a pu s'enregistrer au titre de la Loi de 2015 sur les associations et
les fondations, et la majorité des défenseurs des droits humains qui ont tenté de s'enregistrer officiellement ont été poursuivis et
inculpés de charges comparables à celles retenues contre Mohammad al Otaibi.
Une autre personne maintenue en détention pour avoir exercé pacifiquement son droit à la liberté d’association est Mohammad
al Bajadi, membre fondateur de l'Association saoudienne des droits civils et politiques (ACPRA), qui est privé de liberté depuis
mai 2018 sans avoir été jugé ni même inculpé. Il avait déjà été poursuivi pour les activités de défense des droits humains qu’il menait
dans le cadre de l'ACPRA et avait purgé cinq ans d’emprisonnement, de 2011 à 2016, avant d'être à nouveau arrêté en mai 2018.
L'ACPRA a fait campagne en faveur des droits des prisonniers en Arabie saoudite jusqu'à ce qu’elle soit fermée de force par les
autorités, en mars 2013. Tous ses membres fondateurs ont été arrêtés et condamnés à de longues peines de prison pour leur
appartenance à l'association et leurs activités pacifiques de défense des droits humains.

                                                LOI SUR LES ASSOCIATIONS
                                                  Les autorités saoudiennes ne tolèrent pas l’existence de partis politiques, de syndicats et de
                                                  groupes indépendants de défense des droits humains, et poursuivent et emprisonnent les
                                                  personnes qui créent des organisations de défense des droits humains sans autorisation ou
                                                  participent à leurs activités. La Loi sur les associations, en vigueur depuis 2015, interdit toute
                                                  mention des « droits humains » et octroie de vastes pouvoirs discrétionnaires au ministère des
                                                  Affaires sociales, notamment celui de refuser les autorisations de fonctionnement à de nouvelles
                                                  organisations et de dissoudre des organisations s’il considère qu’elles « portent atteinte à l’unité
                                                  nationale ». Aucune organisation indépendante de défense des droits humains ou des droits des
                                                  femmes n'a pu s'enregistrer au titre de cette loi. Des personnes défendant les droits humains qui
                                                  avaient fondé des organisations ont été jugées et condamnées pour « création d'organisations
                                                  sans autorisation ».

2.2 CONDAMNÉ·E·S POUR EXPRESSION PACIFIQUE
                                                Abdulrahman al Sadhan, un employé de la Société saoudienne du Croissant-Rouge à Riyadh, a été
                                                condamné en avril 2021 par le Tribunal pénal spécial à 20 ans de réclusion, suivis d'une
                                                interdiction de voyager de même durée. Le 3 mars, il a comparu à sa première audience secrète
                                                devant le Tribunal pénal spécial, sans avocat et en l'absence de son père, qui participait à sa
                                                défense juridique. Les éléments de preuve produits contre lui étaient une série de tweets satiriques
                                                et critiques provenant d'un compte que le ministère public l’a accusé de gérer, ainsi qu’une
                                                déclaration, signée sous la contrainte, considérée comme des « aveux ». Il a notamment été
                                                poursuivi pour « financement du terrorisme », « soutien à une entité terroriste (l’État islamique, EI)
                                                et plaidoyer en sa faveur », « préparation, stockage et envoi d’éléments de nature à porter atteinte
                                                à l’ordre public et aux valeurs de la religion » et « outrage envers les institutions et les responsables
                                                de l’État et diffusion de fausses rumeurs à leur sujet ».7
                                                Parmi les tweets jugés offensants par les autorités figurent des critiques formulées par
                                                Abdelrahman al Sadhan à l'égard de la politique économique du gouvernement, ainsi que des
                                                appels qu’il a lancés en faveur d’une forme alternative de gouvernance. Dans un de ces tweets, il
                                                disait :
            Abdulrahman al Sadhan ©DR.

           « Le maître d'œuvre de la Vision [à savoir la Vision 2030 du prince héritier Mohammed bin Salman] veut imposer des taxes sous
           prétexte de faire de l’économie nationale une économie moderne. Et si nous imposions des élections pour faire de cette monarchie
           de l'âge de pierre une monarchie présidentielle ? »8
Dans un autre tweet, il critiquait l’imposition par les autorités de nouvelles amendes routières :
          « #En_2018, tout citoyen devra consacrer une partie de son salaire mensuel au paiement de contraventions, qu’il ait commis une
          infraction ou non, toutes sortes de nouvelles infractions ridicules seront inventées. L’objectif ne sera pas de contrôler la circulation et
          de veiller à la sécurité, mais sera compatible avec la #Vision_de_la_Pauvreté qui va engloutir toutes les économies du citoyen. »9

7
    Acte d’accusation conservé dans les archives d’Amnesty International.
8
    Sama7ti, post sur Twitter, 29 mai 2017, https://twitter.com/Sama7ti/status/869247043625267201 (traduit de l’arabe par Amnesty International).
9
    Sama7ti, post sur Twitter, 2 février 2018, https://twitter.com/Sama7ti/status/959519254491037696 (traduit de l’arabe par Amnesty International).

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Abdulrahman Al Sadhan n’a été autorisé à consulter un avocat commis d'office qu’avant la deuxième audience de son procès, pendant
40 minutes. Pendant une heure seulement, son père et son avocat ont pu examiner les « preuves » retenues contre lui, qui
consistaient en plus de 200 pages de tweets provenant de ses comptes Twitter satiriques et en un document de deux pages contenant
les « aveux » d’Abdulrahman al Sadhan, probablement obtenus sous la contrainte, selon sa famille. Il avait été forcé à signer et à
estampiller des documents considérés comme des « preuves », documents dont ni son père ni son avocat n’ont reçu une copie.
En avril 2021, le Tribunal pénal spécial a condamné Mohammad al Rabiah à six ans d’emprisonnement, suivis d'une interdiction de
voyager de six ans. Mohammad al Rabiah avait soutenu la campagne en faveur du droit des femmes à conduire en Arabie saoudite et a
été arrêté en mai 2018, dans le contexte de la répression exercée contre les défenseurs des droits humains. Les charges retenues
contre lui ne sont pas des infractions dûment reconnues par le droit international et incriminent le fait qu’il ait exercé, pourtant
pacifiquement, son droit à la liberté d’expression et d’association. Il lui est reproché d’avoir « cherché à perturber la cohésion sociale et
à affaiblir l'unité nationale », « préparé et envoyé des éléments de nature à porter atteinte à l'ordre public via ses comptes de réseaux
sociaux » et « rédigé et publié un livre contenant des opinions suspectes ».
Le 25 avril 2021, le Tribunal pénal spécial a condamné le défenseur des droits humains Khaled al Omeir à sept ans
d’emprisonnement, suivis d’une interdiction de voyager de même durée, ainsi qu’à la fermeture de ses comptes de réseaux sociaux,
pour avoir mené des activités militantes et s’être exprimé en ligne, notamment en lançant sur Twitter le hashtag suivant : « le peuple
veut une nouvelle constitution ».
Khaled al Omeir avait été arrêté en juin 2018, après avoir porté plainte auprès des autorités pour des actes de torture et d’autres
mauvais traitements subis alors qu'il était détenu en 2009, sur la base de charges liées à des activités qu’il avait menées pour organiser
une manifestation. L’arrestation précédente de Khaled al Omeir remontait à janvier 2009. Il avait alors été appréhendé en même temps
que Mohammad al Otaibi, un autre défenseur des droits humains également détenu actuellement, après que les deux hommes eurent
demandé au ministère de l’Intérieur l’autorisation d’organiser une manifestation pour protester contre l’« Opération Plomb durci », une
intervention militaire israélienne dans la bande de Gaza. En mai 2011, le Tribunal pénal international l'avait condamné à huit ans
d’emprisonnement, suivis d'une interdiction de voyager de même durée, au titre de la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité et
du Décret royal 44/A, décret d’application de la Loi de lutte contre le terrorisme, pour « appel et incitation à manifester » et
« encouragement à manifester via Internet », entre autres charges.
                                                En mars 2021, la Cour suprême a confirmé la peine de la défenseure des droits humains Loujain
                                                al Hathloul, qui avait été libérée sous condition en février 2021.10 Loujain al Hathloul est
                                                actuellement sous le coup d’une interdiction de voyager de cinq ans, qui fait partie de sa peine.
                                                Elle a été détenue arbitrairement pendant près de trois ans, subissant des actes de torture et
                                                d'autres formes de mauvais traitements, dont des actes de harcèlement sexuel, ainsi que des
                                                périodes de maintien prolongé à l’isolement pendant des mois d’affilée.11 Le procès de Loujain
                                                al Hathloul a débuté devant le tribunal pénal de Riyadh en mars 2019, puis a été transféré au
                                                Tribunal pénal spécial en décembre 2020, le premier tribunal ayant estimé que l’affaire ne
                                                relevait pas de sa compétence. Le 28 décembre 2020, Loujain al Hathloul a été condamnée par
                                                le Tribunal pénal spécial à une peine de cinq ans et huit mois d’emprisonnement, assortie d’un
                                                sursis partiel de deux ans et 10 mois, à l’issue d’un procès d’une iniquité flagrante. Elle était
                                                accusée d’« espionnage pour des instances étrangères » et de « conspiration contre le royaume »
                                                pour avoir promu les droits des femmes et réclamé l’abolition du système de tutelle masculine en
                                                 Arabie saoudite.
             Loujain al Hathloul ©DR.
                                      Loujain al Hathloul avait déjà été arrêtée à deux reprises en raison de sa campagne contre
                                      l'interdiction de conduire faite aux femmes en Arabie saoudite. En juin 2017, elle avait été
retenue en garde à vue pendant deux jours afin d’être interrogée par le Bureau des enquêtes et des poursuites judiciaires. En
novembre 2014, elle avait été maintenue en détention durant 73 jours, après avoir tenté de rejoindre l’Arabie saoudite en voiture
depuis les Émirats arabes unis, défiant l'interdiction de conduire imposée aux femmes en Arabie Saoudite.
Le 10 février 2021, le Tribunal pénal spécial a condamné six militantes et militants, dont Israa al Ghomgham, à des peines de huit à
15 ans de prison pour des charges uniquement liées à leur exercice pacifique du droit à la liberté d’expression et de réunion.
Israa al Ghomgham a été condamnée par le Tribunal pénal spécial à huit ans d’emprisonnement et à huit ans d'interdiction de voyager
pour avoir mené des activités militantes pacifiques et participé à des manifestations antigouvernementales. Selon des pièces judiciaires
examinées par Amnesty International, les accusations portées contre Israa al Ghomgham étaient notamment les suivantes : infraction
au Décret royal 44/A pour « avoir participé à des manifestations à Al Qatif et évoqué ces manifestations sur les réseaux sociaux »,
« avoir apporté un soutien moral à des émeutiers en participant aux obsèques de manifestants tués pendant des affrontements avec les

10
   Amnesty International, Arabie saoudite. Le jugement confirmant la condamnation de Loujain al Hathloul est une injustice flagrante, 10 mars 2021,
amnesty.org/fr/latest/news/2021/03/saudi-arabia-verdict-upholding-loujain-al-hathlouls-conviction-an-appalling-injustice/
11
   Amnesty International, Arabie saoudite. Des informations font état de torture et de harcèlement sexuel à l'égard de militants maintenus en détention, 20 novembre 2018,
amnesty.org/fr/latest/news/2018/11/saudi-arabia-reports-of-torture-and-sexual-harassment-of-detained-activists/

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forces de sécurité » et « avoir enfreint l'article 6 de la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité », notamment en encourageant des
manifestations et en publiant des photos et des vidéos de manifestations sur Facebook. »12
Le Tribunal pénal spécial a également condamné le mari d'Israa al Ghomgham, Moussa al Hashim, dans le cadre du même procès, à
17 ans de réclusion, suivis d'une interdiction de voyager de même durée.

12
  Amnesty International, Arabie saoudite. Il faut empêcher l’exécution d’une militante, 22 août 2018, https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2018/08/saudi-arabia-appalling-
plan-to-execute-female-activist-must-be-stopped/

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3. DES VIOLATIONS DE
L’ARRESTATION À LA
CONDAMNATION

3.1 DÉTENTION AU SECRET, TORTURE ET AUTRES MAUVAIS
TRAITEMENTS EN DÉTENTION PROVISOIRE
« De quel droit peut-on kidnapper vos proches à cause de tweets ou d'opinions pacifiques et les faire disparaître pendant des années ?
L'injustice commise contre mon frère a été incroyablement difficile pour ma famille, et en particulier ma mère, qui n'a pas pu parler à son
fils depuis plus de trois ans. »
Areej al Sadhan, sœur d’Abdelrahman al Sadhan13
Les personnes récemment jugées ou condamnées par le Tribunal pénal spécial ont toutes été détenues au secret et ont été
maintenues à l'isolement pendant plusieurs mois d'affilée, sans contact régulier avec le monde extérieur. Dans la quasi-totalité des cas
décrits ci-dessous, les personnes n'ont pas été autorisées à consulter un avocat du moment de leur arrestation jusqu'à l’ouverture de
leur procès. Certaines ont été soumises à des actes de torture et à d’autres formes de mauvais traitements pendant leurs premiers mois
de détention. D'autres ont été condamnées à de lourdes peines de prison, voire condamnées à mort, au terme de procès
manifestement iniques. Un homme a ainsi été condamné à la peine capitale et exécuté à l'issue d'un tel procès, inéquitable
notamment parce que le tribunal s’est fondé sur de prétendus « aveux » arrachés sous la contrainte.
Dans le cas d’Abdulrahman al Sadhan, travailleur humanitaire, et de Mohammad al Rabiah, défenseur des droits humains, les deux
hommes ont été détenus sans inculpation ni jugement, sans aucune possibilité de contester leur détention, pendant jusqu’à trois ans
avant l’ouverture de leur procès, en 2021. Ils ont été maintenus au secret et à l'isolement, sans accès au monde extérieur, pendant une
période allant jusqu'à deux ans, au cours de laquelle ils ont été soumis à des actes de torture et à d’autres mauvais traitements.
Abdulrahman Al Sadhan a été appréhendé sans mandat, détenu au secret et soumis à une disparition forcée pendant deux ans entre
son arrestation, le 12 mars 2018, et le moment où il a été autorisé à appeler sa famille pour la première fois, le 12 février 2020. Sa
famille a indiqué à Amnesty International que pendant sa détention au secret, il avait été soumis à des décharges électriques, battu,
fouetté, suspendu dans des positions douloureuses, privé de sommeil, menacé de mort, insulté, humilié verbalement et détenu à
l'isolement. Le parquet lui a aussi fait signer des documents sous la menace alors qu’il avait les yeux bandés - tout cela parce qu’il avait
utilisé les réseaux sociaux pour critiquer le gouvernement saoudien. Abdulrahman al Sadhan a ensuite été autorisé à communiquer
avec ses proches, mais depuis le 5 avril 2021, il lui est interdit de recevoir des visites ou des appels de sa famille, qui est par
conséquent très inquiète pour sa santé et son bien-être.

13
     Entretien par courriel avec Areej al Sadhan, 27 juin 2021

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« Jour et nuit, nous nous demandons si Abdulrahman est en train d’être torturé, s’il est vivant ou non »
Areej al Sadhan, sœur d’Abdulrahman al Sadhan14
Mohammad al Rabiah, défenseur des droits humains et écrivain, est connu pour ses prises de position publiques en faveur des droits
des femmes. Arrêté le 15 mai 2018, il a été torturé à maintes reprises pendant sa première année de détention, et notamment soumis
à des décharges électriques et à des simulacres de noyade, suspendu par les pieds la tête en bas et battu au point de perdre
connaissance. Mohammad al Rabiah est toujours en détention et purge sa peine de prison.
Le défenseur des droits humains Khaled al Omeir, condamné en avril 2021 à sept ans d'emprisonnement, s'est vu refuser les services
d’un avocat durant son procès et sa détention provisoire. Il a été détenu à l’isolement pendant des périodes prolongées et a dit qu'on lui
avait maintenu les yeux bandés pendant des heures avant ses interrogatoires en détention provisoire. Il a été libéré en novembre 2016,
après sept ans d'emprisonnement. Avant d’être à nouveau arrêté en juin 2018, Khaled al Omeir avait repris ses activités militantes pour
revendiquer des libertés politiques, notamment la séparation des pouvoirs et un parlement élu.
La défenseure des droits humains Loujain al Hathloul a également porté plainte pour les actes de torture et les atteintes sexuelles
qu'elle a subis en détention provisoire. Après des pressions internationales accrues, le tribunal pénal de Riyadh, en décembre 2020,
avait annoncé l’ouverture d’une enquête du parquet sur les allégations de torture en détention formulées par Loujain al Hathloul.
Cependant, lors de l’audience du 22 décembre 2020, le juge a clôturé la prétendue enquête et a nié les actes de torture, sans fournir à
Loujain al Hathloul de copie de sa décision. Loujain al Hathloul a fait appel de cette décision devant la Cour suprême.

3.2 DES PROCÈS PROLONGÉS DEVANT LE TRIBUNAL PÉNAL SPÉCIAL
Les procès qui se déroulent devant le Tribunal pénal spécial sont intrinsèquement iniques, et les personnes poursuivies sont soumises
à des procédures entachées d’irrégularités qui sont contraires à la fois la législation saoudienne et au droit international, du moment de
l'arrestation jusqu'à l'épuisement des recours. Le tribunal bafoue régulièrement le droit à un procès équitable et ne suit pas de
procédures clairement établies et définies.
Par le passé, Amnesty International a déjà rassemblé des informations montrant que les autorités saoudiennes utilisent le Tribunal
pénal spécial depuis 2011 comme un instrument de répression pour faire taire les personnes dissidentes, s’appuyant largement sur la
Loi de lutte contre le terrorisme et la Loi relative à la lutte contre la cybercriminalité pour légitimer le fait qu’elles répriment pénalement
l'exercice pacifique de la liberté d’expression.15 Le Tribunal pénal spécial a été mis en place pour juger des personnes inculpées
d’infractions liées au « terrorisme » au titre de la Loi de lutte contre le terrorisme. Par conséquent, en tout premier lieu, les personnes
qui mènent des activités militantes, défendent les droits humains ou expriment des vues dissidentes ne devraient pas être déférées à
cette juridiction. L’iniquité des procès qui ont lieu devant ce tribunal montre bien de quelle façon les autorités réagissent au
militantisme en faveur des droits humains et à la dissidence.
Plusieurs personnes sont toujours en cours de jugement devant le Tribunal pénal spécial pour leurs activités militantes, ou pour
l’exercice pacifique de leur liberté d’expression, d’association ou de réunion, sans que la fin du procès soit en vue. Dans plusieurs cas,
des audiences ont été reportées pendant des mois d’affilée sans raison précise. Parfois, l’audience prévue n’a pas lieu et les personnes
accusées ne sont pas amenées au tribunal, alors que leur famille attend de nouvelles informations ou un jugement dans leur affaire.
Le dignitaire religieux Salman Alodah, détenu depuis septembre 2017, risque d’être condamné à mort à l’issue d'un procès inique
devant le Tribunal pénal spécial. En août 2018, Salman Alodah a comparu devant le Tribunal pénal spécial lors d'une audience
secrète, au cours de laquelle il a été accusé de 37 infractions, notamment d’appartenance à l’organisation des Frères musulmans et
d’appels à des réformes au niveau de l’État ainsi qu’à un « changement de régime » dans la région arabe. Depuis lors, plus de
10 audiences du procès de Salman Alodah ont été reportées de plusieurs mois d’affilée ces trois dernières années, sans qu’aucune
justification précise ne soit donnée à cet homme ni à sa famille, ce qui est très éprouvant pour Salman Alodah et ses proches. Lors de
sa dernière audience, fixée au 6 juillet 2021, Salman Alodah n’a pas été amené au tribunal et la procédure a été reportée une fois de
plus. L’audience précédente, prévue en mars, avait aussi été rapidement reportée.
Salman Alodah, en outre, est détenu à l'isolement depuis son arrestation, en septembre 2017. Son fils a également dit que sa santé
s'était considérablement dégradée en détention, et qu’il avait en conséquence partiellement perdu la vue et l’audition.

14
  Entretien par courriel avec Areej al Sadhan, 27 juin 2021
15
  Amnesty International, Arabie saoudite. Réduire les voix critiques au silence : des procès politisés devant le tribunal pénal spécial en Arabie saoudite (Index AI : MDE
23/1633/2020), 6 février 2020, https://www.amnesty.org/fr/documents/mde23/1633/2020/fr/

INDEX AI : MDE 23/4532/2021
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Dans une autre affaire, le Palestinien Mohammad al Khudari, 83 ans, chirurgien à la retraite,
                                            homme politique et écrivain, est détenu en Arabie Saoudite depuis le mois d’avril 2019 avec son
                                            fils Hani al Khudari. Mohammad al Khudari a été représentant officiel en Arabie saoudite de
                                            l’autorité de facto du Hamas à Gaza, mais il a démissionné de ses fonctions il y a 10 ans. Hani
                                            al Khudari, titulaire d’un doctorat en informatique, est professeur d'université et enseigne à
                                            l'Université d’Umm al Qura, dans la région administrative de La Mecque. Depuis le début de leur
                                            procès en mars 2020, leurs audiences ont été ajournées à maintes reprises sans motif précis. Lors
                                            de leur dernière audience, le 21 juin, les autorités ont reporté le procès au 3 octobre.
                                            Mohammad al Khudari a besoin de soins médicaux de toute urgence, car sa santé se détériore en
                                            prison pendant que son procès est en cours devant le Tribunal pénal spécial. Lorsqu’il a été arrêté
                                            le 4 avril 2019, il suivait un traitement contre le cancer. Les inquiétudes pour sa santé se sont bien
                                            évidemment accrues en raison de la pandémie de COVID-19 et des risques qu’elle présente pour
                                            une personne âgée souffrant de problèmes de santé préexistants. Cette année, Mohammad
                                             al Khudari a perdu partiellement l’usage de la main droite ainsi que plusieurs dents. À l’heure
          Mohammad al Khudari ©DR.           actuelle, il dépend entièrement de son fils Hani al Khudari, qui le nourrit et l’aide au sein de la
                                             prison.16
Le 8 mars 2020, les deux hommes ont été accusés devant le Tribunal pénal spécial d’« appartenance à une entité terroriste »
- référence manifeste à la fonction politique de représentant officiel de l’autorité de facto du Hamas qu’avait exercée Mohammad
al Khudari - dans le cadre d’un procès collectif concernant 68 personnes, qui n’était pas conforme aux normes internationales
garantissant la régularité des procédures. Mohammad al Khudari a également été poursuivi pour avoir occupé plusieurs fonctions de
direction au sein du Hamas.
Mohammad al Khudari et Hani al Khudari ont été soumis à des violations des droits humains flagrantes – disparition forcée, arrestation
et détention arbitraires, maintien au secret et à l’isolement pendant toute leur détention, notamment. En outre, les deux hommes ont
été interrogés à huis clos, sans que leurs avocats ne participent ni même ne soient présents. Le traitement qui leur est réservé et leurs
conditions de détention les soumettent à un stress important et à une forte pression psychologique, notamment Mohammad al Khudari,
qui a besoin de soins médicaux pour sa sonde vésicale.
Parmi les personnes qui font toujours l’objet d’un procès prolongé devant le Tribunal pénal spécial figure Salah al Haidar, le fils d'Aziza
al Yousef, une défenseure des droits humains qui a également été poursuivie devant cette juridiction pour ses activités pacifiques en
faveur des droits humains. Arrêté en avril 2019, Salah al Haidar a été libéré à titre provisoire en même temps que d’autres détenus en
février 2021, mais son procès devant le Tribunal pénal spécial est toujours en cours.

16
  Amnesty International, Arabie saoudite. Un prisonnier de 83 ans a besoin de soins médicaux urgents : Mohammed al Khudari (Index AI : MDE 23/3692/2021), 15 février
2021, https://www.amnesty.org/fr/documents/mde23/3692/2021/fr/

INDEX AI : MDE 23/4532/2021
AOÛT 2021
L’ÉDITION ORIGINALE A ÉTÉ PUBLIÉE EN LANGUE ANGLAISE.
amnesty.org
4. DES INTERDICTIONS
ARBITRAIRES DE VOYAGER ET
D’UTILISER LES RÉSEAUX
SOCIAUX IMPOSÉES PAR LA
JUSTICE

« Les interdictions de voyager arbitraires sont contraires au droit interne
saoudien, aux obligations qui incombent à l’Arabie saoudite en vertu des
traités régionaux et au droit international. La Loi relative aux documents de
voyage dispose que toute interdiction doit avoir “une durée déterminée” et la
Charte arabe des droits de l'homme, à laquelle l'Arabie saoudite est partie,
interdit aux gouvernements de priver “arbitrairement ou illégalement” des
citoyens de leur droit de quitter le pays. »
Abdullah Alodah, juriste saoudien et fils du dignitaire religieux Salman Alodah17
Dans toutes les pièces judiciaires qu’Amnesty International a examinées, les défenseures et défenseurs des droits humains déclarés
coupables ont été condamnés, en plus de leur peine de prison, à une interdiction de voyager applicable à compter du jour de leur
libération. Cette interdiction figure au jugement de chacune de ces personnes, la Loi relative aux documents de voyage étant invoquée
dans de nombreux cas. Elle empêche les défenseures et défenseurs concernés de se rendre à l'étranger pour y poursuivre en toute
sécurité leurs activités militantes de défense des droits humains.

17
     Entretien par SMS avec Abdullah Alodah, 7 juillet 2021

INDEX AI : MDE 23/4532/2021
AOÛT 2021
L’ÉDITION ORIGINALE A ÉTÉ PUBLIÉE EN LANGUE ANGLAISE.
amnesty.org
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