Art contemporain et monuments, une cohabitation délicate
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Vendredi 10 septembre 2021 - N° 2227 Enquête Art contemporain et monuments, une cohabitation délicate MARCHÉ VENTES NFT : l’art a-t-il encore Sotheby’s décroche sa place dans la bulle ? la mirifique collection Macklowe VU D’AILLEURS Qu’achètent les millenials américains ? www.lequotidiendelart.com 3€
E XP OS ITI O N 6 J U I LLE T 2021 → 2 JANVI ER 2022 261 BOULEVARD FONDATION RASPAIL CARTIER 75014 PARIS .COM Damien Hirst, Ceremonial Blossom, 2018. Collection privée. © Damien Hirst and Science Ltd. Tous droits réservés, ADAGP, Paris, 2021. Photo © Prudence Cuming Associates. Design graphique : deValence, Paris.
sommaire / nO 2227 / 10 septembre 2021 P5 essentiels P11 l’enquête Art contemporain et monuments, une cohabitation délicate Sarah Hugounenq P16 décryptage / marché NFT : l’art a-t-il encore sa place dans la bulle ? Fanny Lakoubay P18 vu d’ici / vu d’ailleurs La lettre de Melissa Smith : Qu’achètent les millenials américains ? Retrouvez toutes nos offres d’abonnement sur : lequotidiendelart.com/achat/abonnement Le Quotidien de l’Art est édité par Beaux Arts & cie – sas au capital social de 1 303 309 euros – 9 boulevard de la Madeleine – 75001 Paris – rcs Nanterre n°435 355 896 CPPAP 0325 W 91298 issn 2275-4407 www.lequotidiendelart.com – un site internet hébergé par Platform.sh. 131, boulevard de Sébastopol, 75002 Paris, France – tél. : 01 40 09 30 00. Président Frédéric Jousset Directrice générale Solenne Blanc Directeur de la rédaction Fabrice Bousteau Directeur général délégué et directeur de la publication Jean-Baptiste Costa de Beauregard Éditrice adjointe Marine Lefort Le Quotidien de l’Art : Rédacteur en chef – Rafael Pic (rpic@lequotidiendelart.com) Rédactrice Alison Moss (amoss@lequotidiendelart.com) L’Hebdo du Quotidien de l’Art : Conseillère éditoriale Roxana Azimi Rédactrice en cheffe adjointe Magali Lesauvage (mlesauvage@lequotidiendelart.com) Rédactrice Marine Vazzoler (mvazzoler@lequotidiendelart.com) Contributrices de ce numéro Sarah Hugounenq, Fanny Lakoubay, Melissa Smith Traducteur Jean-François Allain Directeur artistique Bernard Borel Secrétaire de rédaction Manon Michel Maquette Yvette Znaménak Iconographe Mathilde Bonniec Régie publicitaire advertising@lequotidiendelart.com tél. : +33 (0)1 87 89 91 43 Dominique Thomas (directrice), Peggy Ribault (Pôle Art), Hedwige Thaler (Pôle hors captif), Adèle Le Garrec (Musées), Juliette Jabet (Marché de l’art) Studio technique studio@lequotidiendelart.com Abonnements abonnement@lequotidiendelart.com - tél. : 01 82 83 33 10 Illustration de couverture Yasmine Gateau pour Le Quotidien de l’Art. © ADAGP, Paris, 2021 pour les œuvres des adhérents. 3 /L’Hebdo du Quotidien de l’Art / numéro 2230 / 10 septembre 2021 2021
Georges d'Espagnat (1870 - 1950), Crique au Lavandou (détail), 1899 - Collection particulière - Photo Archives Durand-Ruel ©Durand-Ruel & Cie 19 mai 24 oct. 2021 ALBERT ANDRé GEORGES d'ESPAGNAT GUSTAVE LOISEAU MAXIME MAUFRA HENRY MORET Propriété Caillebotte Yerres Essonne 20 min. de Paris RER D Avec le soutien financier du Jusqu’au 3 octobre 2021 Jusqu’au 24 octobre 2021 Martin Guillaume Biennais Marie-Noëlle de La Poype L’orfèvre de Napoléon Ier Photosynthesis Maison Orangerie proprietecaillebotte.com
essentiels © Succession Alberto Giacometti (Fondation Alberto et Annette Giacometti, Sotheby’s décroche la mirifique Alberto Giacometti, collection Macklowe Le Nez, 1947 (fonte de 1964). a question taraudait depuis deux ans L les experts du marché. Qui de Christie’s, Paris + Adagp, Paris) 2021/Courtesy Sotheby’s. Sotheby’s ou Phillips se verrait conier la miriique collection du magnat new-yorkais de l’immobilier Harry Macklowe et son ex-épouse Linda ? L’écurie Patrick Drahi a décroché de haute lutte la timbale, soit 65 œuvres estimées autour de 600 millions de dollars, qui seront dispersées en novembre 2021 et mai 2022. Au menu notamment quelques trophées, comme le Nez de Giacometti, estimé Andy Warhol, 60-80 millions de dollars, Nine Marylins d’Andy Nine Marilyns, Warhol (40-60 millions de dollars) et un Rothko 1962. de 1951, évalué autour de 60-80 millions de dollars. L’afaire commence en 2016, quand le magnat de l’immobilier annonce à son épouse qu’il veut la quitter. L’octogénaire a rencontré Patricia Landeau, une femme d’afaires française, © Andy Warhol/ADAGP, Paris, 2021/Courtesy Sotheby’s. © Mark Rothko/ADAGP, Paris, 2021/Courtesy Sotheby’s. de 18 ans sa cadette, présidente de l’association des Amis français du musée d’Israël. Au terme d’un divorce aussi houleux que médiatique, les Macklowe se partagent en 2019 une partie des biens amassés en près de 60 ans de vie commune. À Linda le luxueux appartement au Plaza Hotel, estimé 72 millions de dollars. À Harry le yacht de 23,5 millions de dollars et la collection de voitures anciennes. Restait l’épineuse question de la collection de 150 œuvres, évaluée à près Mark Rothko, No. 7, d’un milliard de dollars en 2015 par Christie’s. 1951, huile sur toile. Linda Macklowe, qui fut trustee du Guggenheim et du Metropolitan Museum, récupère pour 39 millions de dollars d’œuvres. Mais le couple ne parvient pas à s’accorder sur la valeur © Sigmar Polke/ADAGP, Paris, 2021/Courtesy Sotheby’s. des 65 pièces les plus précieuses. La juge Laura Sigmar Polke, Drager en ordonne alors la vente pour solder Rasterbild mit Palmern, le divorce. Les trois principaux auctioneers sont 1966. sollicités en janvier 2020, à charge pour Michael Findlay, un ancien de Christie’s et directeur de Aquavella Galleries, de jauger leurs propositions et superviser la dispersion. ROXANA AZIMI LES TÉLEX DU 10 SEPTEMBRE À Mexico, une statue de femme olmèque dessinée par l’artiste Carlos Reyes va remplacer un monument à Christophe Colomb, qui sera préservé, tandis que celui du général confédéré Robert E. Lee a été définitivement retiré de l’espace public à Richmond (États-Unis) / Après une première décision contre la restitution, le Stedelijk Museum d’Amsterdam va finalement rendre le tableau Bild mit Häusern (1909) de Kandinsky aux héritiers de l’industriel juif Emanuel Lewenstein (1870-1930), dont le fils avait vendu l’œuvre au rabais en 1940 au directeur du musée / Un nouveau centre d’art gratuit, l’Institute of Contemporart Art (ICA SF), devrait être inauguré à San Francisco à l’automne 2022 sous la direction d’Alison Gass et grâce à une donation d’un million de dollars de Deborah et Andy Rappaport / Le British Council va fermer ses centres culturels dans 20 pays en raison d’une baisse de ses ressources décidée par le gouvernement de Boris Johnson. 5 /L’Hebdo du Quotidien de l’Art / numéro 2230 / 10 septembre 2021 2021
essentiels 09—12 Sept. 2021 Grand Palais Éphémère Champ-de-Mars artparis.com TATOUEURS TATOUÉS 26.06 > 19.09 2021 ESPACE LYMPIA - PORT DE NICE - ENTRÉE LIBRE * Du mercredi au dimanche de 10h à 18h - Nocturne le jeudi jusqu’à 21h EXPOSITION CONÇUE ET PRODUITE PAR espacelympia.departement06.fr *conditions d’accès selon la réglementation sanitaire en vigueur 6 /L’Hebdo du Quotidien de l’Art / numéro 2230 / 10 septembre 2021 2021
essentiels Photo Marine Vazzoler/© Mireille Blanc/ADAGP, Paris, 2021. Art Paris, un début calme dans son nouvel écrin ’une manière générale, ça vaut la peine », murmurait «D Photo Marine Vazzoler/© Martha Jungwirth/ADAGP, Paris, 2021. ce jeudi, pemier jour d’ouverture au public d’Art Paris, une visiteuse se fauilant entre les stands du Grand Palais Éphémère. De fait, malgré l’inégalité des stands, l’édition 2021 de la foire livre son lot de belles propositions, même si « les collectionneurs prennent leur temps », remarque une galeriste. « Mercredi dès 11h (jour de vernissage, ndlr), c’était très dynamique, détaillait la galeriste Anne-Sarah Bénichou. Il y avait beaucoup de collectionneurs et nous avons Vue du stand de la galerie Thaddaeus Vue du stand de la galerie Ropac avec une œuvre de Martha Anne-Sarah Bénichou avec une fait quatre ventes. C’est bien plus calme aujourd’hui. » Ainsi, Jungwirth, Art Paris 2021. œuvre de Mireille Blanc, L’Amour, les toiles L’Amour de Mireille Blanc et Ether de Yann Lacroix 2021. ont été cédées à des prix oscillant entre 8 000 et 12 000 euros. Anne-Sarah Bénichou observe : « Il y a du Marais. Même constat chez Frank Photo Marine Vazzoler/© Tony Cragg/ADAGP, Paris, 2021. beaucoup d’achats de peintures en ce moment et je n’ai vendu Elbaz où la jeune artiste Madeleine qu’à des collectionneurs parisiens ! » À la galerie Double V, Roger-Lacan remporte « un franc on admire les œuvres de Caroline Denervaud qui, allongée succès », avec une toile vendue à même la toile, danse, ses mouvements traçant des lignes 7 500 euros. Enin sur le stand de la qu’elle remplit ensuite de couleurs vives. À côté, les dessins galerie la Suisse Ditesheim & Mafei de l’artiste allemand B.D. Grat ont déjà remporté un petit – dont le prix oscille entre 5 000 succès. « Nous avons dû faire un réaccrochage car nous avons et 300 000 euros –, on espérait que vendu déjà pas mal d’œuvres ce matin », explique la galerie les ventes commencent, notamment marseillaise, implantée depuis mai dans le Marais, et qui pour trois très belles pièces pour sa deuxième participation propose des œuvres dans de Geneviève Asse, tout récemment Tony Cragg, Stack, 2018, bronze, galerie Thaddaeus une large gamme de prix, de 750 à 27 000 euros. À quelques disparue. MARINE VAZZOLER Ropac. mètres, les textiles colorés de la Zimbabwéenne Georgina Maxim présentés par 31 Project se vendent bien, avec « un fort intérêt des institutions et un bon démarrage », note la galerie parisienne. Chez Perrotin on rechigne à donner des détails : « C’est un bon début. On attend la suite. » Pauline Chiche, directrice de la galerie Nathalie Obadia, s’airme quant à elle « très contente de participer à cette foire qui a un peu changé ces dernières années », mais aussi de « ce nouveau lieu ». « On n’a pas l’impression que cela change de d’habitude », poursuit Pauline Chiche. La galerie a cédé une pièce « iconique » de Guillaume Leblon (entre 60 000 et 75 000 euros), des œuvres de Benoît Maire (entre 8 000 et 10 000 euros), Nathalie Belin et Laure Prouvost. Comme Obadia, la galerie Ropac n’avait vendu ce jeudi « qu’à des collectionneurs francophones ou des étrangers qui ont un pied à terre à Paris » : un bronze de Tony Cragg à 260 000 euros, une toile de Mandy El-Sayegh à 35 000 euros, un Imi Photo Marine Vazzoler/© Geneviève Asse/ Knoebbel à 12 000 euros ou encore une pièce de Miquel Barceló ADAGP, Paris, 2021. à 55 000 euros. La galerie présente pour la première fois dans une foire le travail de Martha Vue du stand de la galerie Ditesheim & Maffei avec trois pièces de Geneviève Jungwirth, actuellement Asse, Art Paris 2021. exposé dans son espace 7 /L’Hebdo du Quotidien de l’Art / numéro 2230 / 10 septembre 2021 2021
essentiels Le rapport semestriel UBS/Art Basel Martin Bethenod quitte la direction évoque la « résilience » du marché de la Bourse de Commerce ésilience », ce mot à la irecteur général délégué de la Bourse de «R D Courtesy Bourse de Commerce - Pinault Collection. mode en cette Commerce, Martin Bethenod quittera deuxième année de pandémie ses fonctions in septembre, après douze n’épargne pas le secteur du années en fonction à la Pinault Collection. marché de l’art. C’est celui qu’a D’abord directeur du Palazzo Grassi et de la choisi l’économiste Clare Punta della Dogana à Venise, sur lesquels Photo Maxime Tétard/ McAndrew pour titrer son François Pinault avait jeté son dévolu, rapport de milieu d’année publié l’homme de 55 ans quitte la société qui gère par UBS et Art Basel, à quelques la collection du milliardaire quelques mois jours de l’ouverture de la foire seulement après l’ouverture très médiatisée © Art Basel/UBS. bâloise : « Resilience in the de la Bourse de Commerce à Paris. Martin Bethenod, qui a Dealer Sector ». 700 marchands été auparavant chef de cabinet de Jean-Jacques Aillagon d’art et d’antiquités issus de au Centre Pompidou et commissaire général de la FIAC, a 54 pays, ainsi que des déclaré sans plus de détails souhaiter « entamer une collectionneurs fortunés, ont répondu à l’enquête. Verdict : nouvelle étape de (sa) vie professionnelle et (se) consacrer à alors qu’un quart des galeries ont licencié une partie de de nouveaux projets ». Dans une lettre aux salariés de la leurs employés en 2020, la même proportion a procédé à de Pinault Collection, son directeur général Jean-Jacques nouvelles embauches au premier semestre 2021. Côté Aillagon salue « l’immense travail accompli avec intelligence, ventes, les afaires reprennent doucement : globalement, le subtilité et efficacité » de Martin Bethenod, et précise que secteur voit une augmentation de leur volume de 10 %, « celui-ci ne sera pas remplacé dans ses fonctions de directeur mais la moitié des marchands constatent une général délégué » et qu’il en reprendra « toutes les augmentation par rapport à 2020, et l’autre une baisse... Et attributions spécifiques, avec l’appui de Sophie Hovanessian, ce sont les plus gros qui s’en sortent le mieux : ceux dont administratrice générale », ajoutant que cette « organisation le chifre d’afaires est supérieur à 10 millions de dollars simplifiée » persistera après son départ. M.L. ont connu une progression de 21 %. Autre fracture, géographique cette fois : les galeries asiatiques connaissent un bond de 18 %, quand les Européennes chutent de 7 %. Les ventes en ligne par des galeries continuent à progresser, et représentaient au premier semestre 33 % des transactions. En outre, la faible (0,5 %) part des ventes d’art numérique indique selon le rapport que la vente de NFT ne transite pas par le système traditionnel des galeries. Côté À décovrir clients, les plus riches – les « HNW » (high-net-worth) – tirent le secteur vers le haut, malgré la crise : leur au Cls Cathala « panier » moyen est passé à 242 000 dollars en un seul Monsieur Romain TIERCIN, semestre, soit une progression de 42 % par rapport à 2019 Sculpteur (pour l’année entière), avec les millenials menant la danse (378 000 dollars), tandis que les femmes, moins Madame Barbara FORD, Peintre nombreuses, continuent à dépenser en moyenne plus que les hommes. Ils et elles préfèrent encore en grande VERNISSAGE majorité (82 %) passer par un marchand plutôt qu’une DIMANCHE 20 JUIN marketplace en ligne pour acheter de l’art, mais un tiers À PARTIR DE 14H00 d’entre eux tout de même a acheté une œuvre via Instagram... Enin, les collectionneurs ont prévu d’assister Galerie d’Art ouverte du vendredi au dimanche en moyenne à 21 foires ou salons cette année. Un chifre équivalent à 2019 qui montre, malgré l’incertitude encore forte liée à la pandémie, un certain appétit à retrouver les galeristes et leurs artistes, comme le conclut Clare McAndrew : « Alors que de plus en plus l’art se vend en ligne CLOS CATHALA et en dehors du cadre traditionnel des galeries, leur rôle reste Route de Soula - 09000 Saint-Paul-de-Jarrat www.closcathala.com - accueil@closcathala.fr essentiel dans la construction et la gestion de la carrière des Tél. 05 61 68 12 15 artistes. » MAGALI LESAUVAGE 8 /L’Hebdo du Quotidien de l’Art / numéro 2230 / 10 septembre 2021 2021
essentiels Les Pays-Bas se dotent d’un centre de conservation high-tech près trois ans de travaux, le Collectiecentrum Nederland (CC NL) doit être inauguré A le 13 septembre à Amersfoort, près d’Utrecht, aux Pays-Bas. Sur 30 000 m2 sont entreposés environ 500 000 œuvres d’art et objets appartenant aux collections de quatre grandes institutions néerlandaises qui ne pouvaient plus les conserver dans des conditions répondant aux normes actuelles : Rijksmuseum d’Amsterdam, musée de Plein Air des Pays- Bas à Arnhem (un musée ethnographique), palais Het Loo d’Apeldoorn et Agence du Patrimoine culturel des Pays-Bas d’Amersfoort. Très hétéroclites (du tableau du XVIIe siècle à la machine à vapeur), les collections seront accessibles sur rendez-vous pour les chercheurs et les particuliers faisant une demande spéciique, et le CC NL encourage les institutions à faire des demandes de prêts. « Ce rassemblement de collections Le CollectieCentrum Nederland à Amersfoort. au même endroit signifie que des carrosses royaux côtoient à présent des chariots de ferme. Ce qui crée un tableau plus complet des Pays-Bas, d’un point de vue à la fois chronologique et social », a déclaré à l’AFP Taco Dibbits, directeur du Rijksmuseum. Le centre de conservation, qui inclut deux studios photo, des espaces pour les chercheurs et une zone d’emballage, bénéicie d’une technologie de pointe pour assurer la conservation © Chris Langemeijer. des objets autour de 12-15 degrés, avec un chaufage géothermique et l’usage de l’énergie solaire. M.L. Galeries, Art Dealers, Antiquaires, « L’assurance ne peut plus Artistes, Le courtier en assurance est un être abordée comme une simple garantie igée dans risk manager. le temps. » Le courtier en assurance devient un interlocuteur de plus en plus important pour les acteurs du mar- ché de l’art qui sont confrontés à la multiplication et à la diversité des risques pouvant atteindre leur activité. La réponse à apporter se construit sur-mesure pour chaque professionnel à partir d’un audit de risque complet qui permet de proposer aux marchands des solutions adaptées à la réalité de leur activité. L’assurance ne peut plus être abordée comme une simple garantie igée dans le temps mais nécessite d’être revu régulièrement. Le marché et les risques évoluent, il faut donc proposer des solutions d’assurance qui y répondent précisément : C’est notre métier de courtier ! APPIA Art & Assurance Hadrien Brissaud & Edouard Bernard : www.appia-art.fr 9 /L’Hebdo du Quotidien de l’Art / numéro 2230 / 10 septembre 2021 2021
essentiels Hyères inaugure la Banque, musée des Cultures et du Paysage otée d’un patrimoine tant naturel qu’architectural remarquable, la ville de Hyères (Var) D possède également des collections d’art, classées Musées de France, mais pas de musée municipal proprement dit. Ce sera chose faite à partir du 27 novembre, avec l’inauguration de la Banque, nouveau « musée des Cultures et du Paysage », dans l’ancien siège de la Banque de France. Acquis en 2004 par la ville, le bâtiment de 2200 m2 édiié en 1925 a été réaménagé La Banque, musée des Cultures par Alain-Charles Perrot, architecte en chef et du Paysage, Hyères. des monuments historiques. Le musée, dirigé par Sophie Deshayes, abrite 8000 pièces variées – archéologie, sciences naturelles, beaux-arts, art contemporain, photographie... –, et propose un parcours permanent de 200 œuvres évoquant l’évolution de la notion de paysage, tandis que le jardin méditerranéen accueille des sculptures, notamment le Monument au chat d’Óscar Domínguez. L’exposition inaugurale intitulée « Face au soleil » est consacrée à la découverte des paysages méditerranéens par les peintres entre 1850 et 1950, avec près de 70 œuvres prêtées par des musées et collectionneurs privés (Boudin, Signac, Cross, Bonnard, Dufy...). © Maquette MuCA. M.L. hyeres.fr/musee-des-cultures-et-du-paysage Art moderne & contemporain, design 10 /L’Hebdo du Quotidien de l’Art / numéro 2230 / 10 septembre 2021 2021
l’enquête Cy Twombly, The Ceiling, 2007-2009. Vue du plafond, réalisé par l’artiste dans la salle des Bronzes du musée du Louvre, avant restauration. Photo Angèle Dequier/© Cy Twombly/2010 Musée du Louvre. Art contemporain et monuments, une cohabitation délicate On ne dispose pas d’une œuvre à sa guise. Mais où s’arrête le droit de l’artiste ? Telle est la question qu’ouvre en filigrane l’affaire Twombly au Louvre. Photo Raphaël Chipault© Cy Twombly/2021 Musée du Louvre. Par Sarah Hugounenq a remise en peinture de la salle des Bronzes contrevient «L à l’accord conclu avec Cy Twombly concernant son installation [un plafond peint de 350 m², ndlr]. Cela constitue également une sérieuse atteinte à l’œuvre de Twombly en violation des droits moraux de l’artiste. » Envoyée le 1er février dernier à Jean-Luc Martinez, alors président directeur général du musée du Louvre, la lettre de l’avocat de la fondation américaine de l’artiste a fait l’effet d’une bombe. Le musée avait entamé le réaménagement d’une salve de salles présentant les Vue du plafond après restauration. collections italiques, étrusques et grecques. Objectif ? Restituer l’unité du parcours dans leur muséographie de la fin du la sculpture T.O.L.É.R.A.N.C.E, dont les dégradations et le vol par- XIXe siècle fait de pourpre profond et de lambris ébène. Une tiel ont été considérés comme une atteinte au droit moral de ambiance bien différente de l’atmosphère candide et minérale l’artiste, Guy Ferrer. Or, dans le cas du Louvre, le plafond marou- qui présidait depuis les années 1950 et dans laquelle l’artiste flé bleu océan orné de cercles clairs n’a subi aucune altération américain s’était inséré en 2010. Résultat, la Cy Twombly matérielle. L’œuvre serait dénaturée par les modifications appor- Foundation estime le droit intellectuel de son fondateur bafoué. tées à son environnement. L’aménagement de la salle des Bronzes D’ordinaire, les litiges liés au droit moral d’un artiste portent sur fait-elle partie de l’œuvre de Cy Twombly ? Où s’arrête et où com- des contrefaçons ou l’altération d’une œuvre. Plus tôt cette mence l’œuvre d’un artiste ? Si l’affaire, parmi les premières du année, la commune de Saint-Ouen a été condamnée à restaurer genre, suit son cours et ne devrait pas recevoir de décision devant /… 11 /L’Hebdo du Quotidien de l’Art / numéro 2230 / 10 septembre 2021 2021
l’enquête / Art contemporain et monuments, une cohabitation délicate Guy Ferrer, T.O.L.E.R.A.N.C.E., vue de l’installation complète en 2007 dans le parc Mitterrand de Saint-Ouen, alors en construction. Courtesy Guy Ferrer. les tribunaux avant un ou deux ans, elle soulève une question montées de constructions cristallines allant jusqu’à sept mètres de fondamentale : l’arrivée d’une œuvre contemporaine pérenne haut qui créent un vrai dialogue avec le paysage et notamment la fige-t-elle l’apparence d’un monument historique ? façade de Versailles. Le projet va évoluer avec le temps et les saisons, c’est ce qui en fait aussi toute la beauté. » Affublée de baies en Dialogue avec l’espace plastique depuis un demi-siècle, la cathédrale de Bayeux inaugu- Jean-Michel Othoniel tissait un lien intrinsèque entre sa création rera en décembre le premier des huit vitraux contemporains et son environnement quand en 2015, il s’inspirait des ballets de commandés à l’artiste Véronique Joumard. « Chacune de mes Louis XIV pour concevoir une fontaine au Bosquet du Théâtre interventions entame un dialogue avec l’espace. C’est le fil rouge de d’eau de Versailles, réaménagé par Louis Benech. L’artiste expli- mon travail : c’est en pensant au lieu que je pense mes interventions. quait alors au ministère de la Culture : « Ces sculptures sont sur- À Bayeux, je souhaitais travailler sur la manière d’amener de la couleur par la lumière », explique celle qui fut retenue pour sa proposition singulière sur la transparence par l’insertion de cris- « Chacune de mes tal dans les vitraux et l’utilisation de verre dichroïque aux interventions entame prismes optiques particuliers. Ironie du sort, les travaux de res- un dialogue avec tauration en amont de la commande publique ont mis au jour des l’espace. C’est le fil vestiges de polychromie : les vitraux seraient-ils altérés si un jour rouge de mon travail : venait l’idée de restituer ces décors intérieurs originels ? « Probablement… J’ai conçu les vitraux pour qu’ils soient montrés c’est en pensant au lieu d’une certaine façon, confie l’artiste. De même, si on les dépose pour que je pense mes Courtesy Véronique Joumard. les mettre au musée ou qu’on leur met des rideaux, ils perdraient interventions. » tout leur sens. » Véronique Joumard, Contrairement à un tableau de chevalet, une œuvre destinée à un artiste. lieu précis ne peut faire l’économie de son dialogue avec son espace de vie. Toutefois, les vitraux de François Morellet pétri- /… 12 /L’Hebdo du Quotidien de l’Art / numéro 2230 / 10 septembre 2021 2021
l’enquête / Art contemporain et monuments, une cohabitation délicate François Morellet, L’Esprit d’escalier, 2010, vitraux conçus par l’artiste et installés de façon pérenne dans l’escalier Lefuel, dans l’aile Richelieu du musée du Louvre. Photo Angèle Dequier/© François Morellet/ADAGP, Paris, 2021/Courtesy Musée du Louvre. fient-ils l’aspect de l’escalier Lefuel au Louvre depuis leur arrivée en 2010 ? L’escalier Gabriel de Versailles est-il devenu immuable en 2013 à l’installation du lustre en cristal des frères Ronan et Erwan Bouroullec ? Et l’étrange plafond de Jan Fabre, la Nuit de Diane, raidit-il le musée de la Chasse et de la Nature ? Concilier les intérêts Le lustre Gabriel , La loi française, d’ordinaire réputée pour son excès de précision, créé par Ronan n’est sur cette question guère bavarde. « S’il est inaliénable, et Erwan Bouroullec grâce au soutien imprescriptible et perpétuel, le droit moral reste une notion très et à l’expertise vague dont les limites d’application ne sont pas claires, analyse de Swarovski, éclairerant l’entrée Marine Le Bihan, avocate en droit de l’art. Ce flou est amplifié par des grands la rareté des décisions judiciaires tranchées en matière artistique, appartements du Roi du château au profit de transactions privées. » De son côté, Xavier Près, avocat de Versailles. qui assure la défense du Louvre, explique : « Le droit moral d’un artiste est souvent présenté comme une prérogative absolue, ce qui est inexact. Il ne vient pas rendre une œuvre intangible mais sanc- tionner des prétentions abusives sur elle : sa détérioration, son détournement dans une exploitation commerciale, sa contrefaçon… Le droit moral doit être concilié à d’autres éléments, dont le droit de /… « Un artiste, qui conserve un droit de repentir ou de destruction de son œuvre, doit céder devant le principe © Studio Bouroullec. d’inaliénabilité et d’imprescriptibilité des collections publiques. » Xavier Près, avocat qui assure la défense du Louvre. 13 /L’Hebdo du Quotidien de l’Art / numéro 2230 / 10 septembre 2021 2021
l’enquête / Art contemporain et monuments, une cohabitation délicate propriété. On estime alors la balance des intérêts. » Il poursuit : « Un « Il faut se prémunir artiste, qui conserve un droit de repentir ou de destruction de son avec si possible œuvre, doit céder devant le principe d’inaliénabilité et d’imprescrip- les directives anticipées tibilité des collections publiques. Aussi, les œuvres architecturales de l’artiste. ou qui s’insèrent dans un ensemble architectural doivent tenir Il est toujours plus compte par exemple des contraintes bâtimentaires en matière de difficile de discuter restauration. » La jurisprudence est récurrente sur ce point. Depuis l’arrêt dit avec les ayants droit « Agopyan » rendu en 2006 par le Conseil d’État, le droit moral qu’avec l’artiste cède devant « des impératifs esthétiques, techniques ou de sécu- lui-même. » rité publique, légitimés par les nécessités du service public et Marine Le Bihan, Photo Laurent Rouvrais. notamment la destination de l’œuvre ou de l’édifice ou son adap- avocate en droit de l’art. tation à des besoins nouveaux ». Face à une œuvre menaçant ruine et mettant en danger la sécurité publique, un artiste ne peut s’opposer à son déplacement ou sa consolidation. De même, les besoins en matière de restauration d’un monument histo- rique rentrent dans les « impératifs techniques » évoqués dans la décision. L’art contractualisé « Quand je conseille un commanditaire, explique Marine Le Bihan, je l’avertis toujours des garanties dont il doit s’entourer, car l’artiste peut s’émouvoir un jour du fait que le bâtiment change de vocation, d’éclairage, d’aspect… En amont, il est nécessaire de cadrer les choses par écrit. En cas d’intervention sur l’environne- ment d’une œuvre, il faut avant toute chose interroger l’artiste et ses ayants droit, mais aussi vérifier ce que l’artiste a accepté dans les commandes précédentes. » L’avocate cite notamment Daniel Buren, qui « fait très attention à l’entourage de son œuvre ». Elle prévient : « Il faut se prémunir avec si possible les directives anti- cipées de l’artiste pour telle ou telle situation. Il est toujours plus difficile de discuter avec les ayants droit qu’avec l’artiste lui-même, ne serait-ce parce qu’ils sont souvent nombreux et n’ont pas tou- jours une approche unanime, ou peuvent vivre à l’étranger et donc être imprégnés d’une autre culture, d’une autre vision de la posi- tion de l’artiste ou du patrimoine… En France, les tribunaux sont très attachés au droit d’auteur et le font respecter. À l’inverse, aux États-Unis, ils sont plus attachés aux droits du commanditaire. » À la DRAC Normandie, on a opté pour un travail long et colla- boratif afin de minimiser tout risque de déception de l’artiste ou du commanditaire. « Précédée d’un échange nourri de près de 15 ans avec le clergé, la conservation des Monuments historiques, Photo Luc Boegly/© Véronique Joumard/ADAGP, Paris, 2021. les architectes, des experts du vitrail, l’inspection de la création et des historiens, la commande pour la cathédrale de Bayeux a joué le jeu du collectif et a trouvé une place consensuelle pour le projet, explique David Guiffard, conseiller pour les arts plastiques de la DRAC. Le comité de pilotage a intégré d’emblée les enjeux patri- moniaux et de création pour offrir à l’artiste un contexte d’expres- sion libre mais aussi des contraintes. » De même, les commandes opérées par le château de Versailles se font avec un comité étoffé. Lors du projet pour le Bosquet du Théâtre d’eau, la com- mande a nécessité la mise en place d’un jury multidisciplinaire comprenant des compétences extérieures au château en Détail des vitraux de la cathédrale Notre-Dame de Bayeux réalisés matière paysagère, pour architecturale, financière et légale par Véronique Joumard. /… 14 /L’Hebdo du Quotidien de l’Art / numéro 2230 / 10 septembre 2021 2021
l’enquête / Art contemporain et monuments, une cohabitation délicate mais aussi une administratrice d’un domaine historique, une « Le comité journaliste spécialisée ou un représentant des parcs et jardins de pilotage pour de France. la commande de la cathédrale Vers une frilosité de la commande publique ? © DRAC de Normandie. de Bayeux a Malgré ces précautions, prévient Xavier Près, « le Louvre a une intégré d’emblée telle notoriété qu’à terme la décision qui sera rendue dans l’affaire Twombly peut jouer sur un possible découragement de la com- les enjeux mande faite aux artistes. Alors que les contrats de commande sont patrimoniaux aujourd’hui très fournis, peut-être faut-il aller encore plus loin et et de création prendre plus de précautions sur le cadre dans lequel l’œuvre s’in- pour offrir à l’artiste un contexte sère ». C’est ainsi que la DRAC Normandie, qui a commandé d’expression libre mais aussi l’installation d’une sculpture pour ses bureaux installés dans des contraintes. » un monument classé, a penché sur le contrat la possibilité de David Guiffard, déplacer l’œuvre en cas de déménagement. « La question ne s’est conseiller pour les arts plastiques de la DRAC. pas posée à l’endroit des vitraux de Véronique Joumard, explique David Guiffard. Mais le long processus de réflexion en amont nous passe par les vivants tout ça. La vision du passé est vivante, et a fait prendre conscience qu’un monument historique n’a rien de notre mémoire est adaptative. Il ne faut pas négliger les différences figé et est déjà une accumulation de phases historiques successives de temporalités dans l’approche artistique, y compris les incerti- dans laquelle on doit aider l’artiste a trouvé sa place pour le pré- tudes du futur. » sent et le futur du monument. Depuis toujours s’exerce un jeu Au-delà des aspects juridiques, l’affaire Cy Twombly trahit une d’appropriation et de réappropriation des œuvres selon les appréciation souvent intangible et immobile du patrimoine en époques, les pensées. » « Se pose-t-on la question pour les interven- France, quand outre-Atlantique cette vision est davantage en tions antérieures aux miennes ?, s’enquiert Véronique Joumard. prise avec les préoccupations du présent. Très française, l’intan- Je ne suis qu’une intervention de plus après les aménagements du gibilité, inscrite dans les textes de loi (tout comme l’inaliénabilité chœur, les sculptures qui se sont agrégées au fil du temps. Cela et l’imprescriptibilité) rejaillit sur la création contemporaine. Photo Thomas Garnier/© Jean-Michel Othoniel/ADAGP, Paris, 2021. Jean-Michel Othoniel, Les Belles Danses, 2015, verre de Murano, acier, installation permanente dans le Bosquet du Théâtre d’eau, dans les jardins du château de Versailles. 15 /L’Hebdo du Quotidien de l’Art / numéro 2230 / 10 septembre 2021 2021
décryptage / marché NFT : l’art a-t-il encore sa place dans la bulle ? Six mois après la vente notoire, pour 69 millions de dollars, d’une œuvre d’un nouveau format par l’artiste Beeple chez Christie’s New York, que reste-t-il de l’art dans le marché des NFT ? Par Fanny Lakoubay © Beeple. Beeple, Everydays: The first 5000 days, appelons ce que signifie cet acronyme, cryptomonnaie, loin du profil des collectionneurs 2021, jeton non-fongible (NFT), 21,069 x 21,069 pixels. Vendu 69 millions de dollars chez Christie’s. R NFT : jeton non-fongible en français. Il s’agit d’un format basé sur la blockchain qui permet aux artistes de créer des œuvres classiques. Par exemple, l’acheteur de l’œuvre de Beeple n’était autre que Metakovan, un investisseur de la cryptomonnaie qui a utilisé numériques rares ou uniques (pensez posters, son achat à des fins entrepreneuriales. en opposition aux éditions limitées). Depuis De multiples spéculateurs ont suivi, attirés par la vente controversée de Beeple, le 11 mars ce nouvel actif lucratif, avec des retours sur dernier, nous avons été assommés de projets, investissements à court terme très intéressants. records et prédictions en tout genre, survenus Cela s’est traduit par un nombre total en trois phases, qu’il est utile de repenser : d’acheteurs de NFT passant de moins de 20 000 par mois en février à plus de 60 000 en mars Mars-avril 2021 : la « bulle » (source : nonfungible.com). Les cryptomonnaies ont atteint des niveaux historiques, et les investisseurs ont alors cherché Mai-juin 2021: le crash ? à diversifier leurs investissements par Les mois suivants ont vu un recul du volume des placements dans les NFT alors en croissance. de ventes de NFT avec la sortie de beaucoup Ces premiers « collectionneurs » étaient donc d’acteurs spéculatifs, due notamment des acteurs financiers, du monde de la à un recul de la valeur des cryptomonnaies /… Yuga Labs, Bored Ape Yacht Club 5812, 4466 et 5809. Vente en ligne « Ape in! » chez Sotheby’s, septembre 2021. © Yuga Labs/Courtesy Sotheby’s. 16 /L’Hebdo du Quotidien de l’Art / numéro 2230 / 10 septembre
décryptage / marché et à une faible liquidité des NFT plus difficiles comme les CryptoPunks, les Bored Apes à revendre immédiatement. Mais si l’on et autres pingouins, brouillant les pistes regarde plus attentivement les données, etles données. L’été a aussi été ponctué d’effets on voit surtout un marché en croissance avec d’annonce venant des stars, du sport, ou encore un glitch (dysfonctionnement temporaire, ndlr) des jeux vidéo, avec de nombreux projets plutôt qu’un crash, comme en témoignent sevendant en quelques secondes. Le volume les données de nonfungible.com qui montrent d’échange hebdomadaire de NFT est ainsi un nombre stable de portefeuilles actifs, passé de 192 millions de dollars en mai passant de 5 000 en février 2021 à 40 000 en à 1,144 milliard fin août. Ce que l’on avait pris mars, et ne redescendant qu’à 30 000 en juin. pour une bulle ne comptait alors que Du côté des artistes, ils se penchent sur 60 000 acheteurs mensuels, pour 140 000 le format, tentent de trouver leur voie en août ! Un exemple révélateur est l’œuvre et explorent leurs options. Les galeries restent générative de Tyler Hobbs, Fidenza 313, qui a majoritairement en retrait, incertaines de cette été vendue le 23 août pour 3,3 millions nouvelle technologie censée rendre de dollars (1 000 ETH) après seulement les intermédiaires caduques, et les maisons quelques mois sur le site Art Blocks, dont de vente aux enchères voient un débouché le volume de vente a été de 294 millions Pascal Boyart, dit Pboy, lucratif et surfent sur la vague amorcée par de dollars en août. L’été aura donc été The Underground Sistine Christie’s, sans toujours totalement maîtriser beaucoup plus actif et « bullé » que mars-avril. Chapel, le sujet et avec quelques faux pas. fresque de 100m2. Les numéros Et maintenant ? correspondent aux 400 NFT proposés à la vente, Juillet-août 2021 : la vraie bulle ? La rentrée se fait donc sur les chapeaux représentant chacun un des Pendant l’été, les projets NFT se sont recentrés de roues et les artistes eux aussi bénéficient 400 personnages du Jugement dernier. L’œuvre a été réalisée sur des cartes de collection et avatars en tout de ces prix forts. Nous assistons au plus grâce à un programme genre, avec des prix encore plus faramineux important transfert de valeur en faveur de mécénat en cryptomonnaies (Bitcoin & Ethereum) qui incluait qu’en mars-avril. Même les maisons de vente des artistes dans le marché de l’art jamais la pré-vente de ces NFT. ont capitalisé sur des projets génératifs, atteint. Des œuvres comme La Chapelle Sixtine underground de Pascal Boyart ou les projets 1111 et 888 de Kevin Abosch atteignent des prix de vente et de revente record. Mais l’art ne représente encore que 14 % de ce volume de vente des NFT, contre 66 % de collectibles (sources : S1 2021, nonfungible.com) et la croissance n’est pas assurée. Pour paraphraser Colborn Bell, fondateur du Museum of Crypto Art, et Kelani Nichole, fondatrice de la galerie Transfer, la valeur artistique se construit dans le temps et est très peu corrélée à la valeur financière à court terme. Le monde de l’art crypto a commencé avec la finance et la spéculation, et évolue désormais vers une approche plus organisée, avec l’avènement d’expositions, de commissaires et de chercheurs, pour assurer une reconnaissance de la valeur artistique de ces œuvres sur le long terme. L’art ne restera peut-être qu’une infime partie du marché des NFT, mais ces derniers mois ont montré qu’il y a un potentiel fort d’amélioration du statu quo et une potentielle © Pascal Boyart. redéfinition de l’art contemporain. Mais cela prendra du temps, des bulles et des corrections de marché. 17 /L’Hebdo du Quotidien de l’Art / numéro 2230 / 10 septembre
vu d’ici / vu d’ailleurs La lettre de Melissa Smith, contributrice au New York Times Qu’achètent les millenials américains ? Pendant longtemps, Vue de l'exposition « A Gathering », la même histoire s’est répétée : du 15 avril au 21 mai 2021 on constituait une collection à la galerie HOUSING, New York. d’art pour la donner un jour à une institution, ou la transmettre à un membre de la famille. Mais le monde évolue, et les habitudes des collectionneurs aussi. La nouvelle génération, éduquée de manière très différente, voit dans l’art un produit, qui fait l’objet de transactions passionnées : « Nous sommes à l’ère des immenses foires, des grandes galeries, des chiffres © Shark Senesac. astronomiques des ventes aux enchères », explique Melissa Cowley Wolf, consultante en art. Les millenials (nés entre 1980 et 1995, ndlr) abordent la collection d’art en problème à vendre des œuvres qu’ils ont achetées conséquence : « Ils achètent dans toutes les catégories, quelques années plus tôt et qui n’ont plus leur place dans explique Drew Watson, spécialiste des services leur collection. Les collectionneurs d’aujourd’hui sont artistiques à la Bank of America, et ils n’ont aucun vraiment différents de ceux des générations précédentes. » « Les millenials n’ont aucun Selon le rapport 2020 Art Basel/UBS sur le marché problème à vendre des œuvres mondial de l’art, les millenials fortunés – généralement qu’ils ont achetées quelques années des professionnels en milieu de carrière travaillant dans les fonds spéculatifs, le capital-investissement plus tôt ou l’immobilier (avec un groupe moins développé et qui n’ont plus mais en expansion dans le secteur des technologies) – leur place forment la catégorie de collectionneurs qui connaît dans leur la croissance la plus rapide. Et les marchands d’art, collection. » soucieux de mieux capter cette clientèle, tentent Drew Watson, d’adapter leurs méthodes pour répondre aux besoins de ces jeunes acheteurs. La pandémie ne les a pas © Bank of America. spécialiste des services artistiques à la Bank vraiment freinés. D’après le rapport de l’année of America. précédente, sur les 2 569 collectionneurs fortunés interrogés, les millenials étaient de loin les plus actifs, /… 18 /L'Hebdo du Quotidien de l'Art / numéro 2230 / 10 septembre 2021 2021
vu d’ici / vu d’ailleurs puisque 30 % d’entre eux prévoyaient d’investir plus « Nos collectionneurs ont l’intention d’un million de dollars dans l’art en 2020, contre de soutenir par leurs achats moins de 20 % pour les plus âgés. une programmation plus radicale, et peut-être Des choix plus radicaux visant Beaucoup suggèrent que la pandémie a renforcé une justice la détermination des millenials à collectionner, au motif qu’ils sont plus à l’aise dans un environnement sociale. » © Rasaan Wyzard. numérique. Les maisons de vente aux enchères, par K.J. Freeman, fondatrice de la HOUSING Gallery, exemple, ont ainsi « concentré en l’espace d’un an New York. environ l’équivalent d’une décennie d’innovations numériques, poursuit Drew Watson, transférant la majeure partie de leur activité commerciale en ligne, en revanche, « n’aiment pas prendre de risques, à moins avec des ventes hybrides, des ventes purement que [l’œuvre] ne présente toutes les garanties, poursuit- en ligne et des viewing rooms plus innovantes ». Si elle. Autrement dit, si mon artiste expose demain dans les baby-boomers restent majoritaires parmi les une grande galerie, alors ils commenceront à acheter ». collectionneurs, le nombre de moins de 40 ans a plus que triplé, ce qui contribue à orienter le marché vers Grande fête les œuvres contemporaines. Plus précisément, les L’envie de nouvelles orientations est générale. Depuis millenials sont attirés par « les artistes contemporains la vente Beeple, par exemple, « la majorité des émergents dont le récit personnel et le récit politique questions que me posent les clients de tous âges, mais sont au cœur de la signification de leur œuvre, explique surtout les jeunes générations, portent sur les NFT », Drew Watson. Non seulement parce que ces artistes explique Melissa Cowley Wolf. Ils ont plus incarnent davantage le zeitgeist et la réflexion sur leur de connaissances de base sur les cryptomonnaies, identité et leurs valeurs culturelles, mais aussi parce que et en outre, « les plus riches sont plus au fait les millenials, en règle générale, disposent d’un budget de ces différents systèmes monétaires, poursuit plus limité que les collectionneurs du baby-boom ». la consultante, parce qu’ils les utilisent pour leurs K.J. Freeman, fondatrice de la HOUSING Gallery investissements, la gestion de en 2016, s’est rapidement fait une réputation patrimoine et des transactions commerciales ». Même en organisant des expositions audacieuses si une partie de ce que les millenials trouvent et stimulantes réunissant des artistes émergents, attrayant dans le marché de l’art – comme le flipping dont beaucoup d’artistes de couleur. Cette année, d’œuvres ou la recherche de NFT – ne correspond pas sa galerie a remporté le prix annuel Gramercy nécessairement à leurs engagements politiques, International de l’Armory Show, une nouvelle qui a Melissa Cowley Wolf pense qu’avec un peu pris K.J. Freeman complètement par surprise. Ces d’accompagnement, ils seront capables de trouver dernières années, la galeriste a suivi un petit groupe des compromis. « Les NFT sont des points d'entrée, de collectionneurs fidèles, « des jeunes trentenaires », comme peuvent l'être le Banksy déchiqueté, le VIP Center dit-elle, attribuant l’attrait de sa galerie à « notre d'Art Basel », ou encore « les grand raouts », qui présence en ligne, et au fait que nos collectionneurs ont présentent au monde de l'art de jeunes acheteurs qui l’intention de soutenir par leurs achats peuvent « devenir des collectionneurs et des une programmation plus radicale, et peut-être visant philanthropes et soutenir ainsi concrètement l’ensemble une justice sociale ». Les collectionneurs plus âgés, de l'écosystème artistique ». « La majorité des questions que © 2021 NonFungible Corporation. me posent les clients de tous âges, mais © Santi Tuamsuk et Sheyssa Rosado. surtout les jeunes générations, portent Les meilleures ventes de NFT, catégorie « Art », répertoriées sur le site sur les NFT. » nonfungible.com (au 6 septembre 2021). Melissa Cowley Wolf, consultante en art. /… 19 /L'Hebdo du Quotidien de l'Art / numéro 2230 / 10 septembre 2021 2021
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