Atelier de capitalisation Site province Nord - Nouvelle-Calédonie - Compte-rendu Septembre 2018 - NET

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Atelier de capitalisation Site province Nord - Nouvelle-Calédonie - Compte-rendu Septembre 2018 - NET
Atelier de capitalisation
Site province Nord – Nouvelle-Calédonie
             Compte-rendu

             Septembre 2018
Atelier de capitalisation Site province Nord - Nouvelle-Calédonie - Compte-rendu Septembre 2018 - NET
Sommaire

Introduction ..................................................................................................................... 4

Séquence 1 : bilan général du projet (réalisations et changements observables) ................ 5

    La naissance d’une communauté d’action ............................................................................. 5

    Des changements observables encore ponctuels, fugaces et volatiles ................................. 5

    « S’il y n’y a pas de premier pas, on ne va pas avancer... » ................................................... 6

    Comment transformer l’essai ? Et à quelle échelle ?............................................................. 6

    Quelle approche pour demain ?............................................................................................. 7

Séquence 2 : les instruments économiques au service de la gestion environnementale ..... 8

    Un travail sur les instruments économiques articulant expérimentations opérationnelles et
    études approfondies .............................................................................................................. 8

    Du côté des acteurs locaux : l’action de valorisation économique, amorce d’une dynamique
    locale... qui débouche sur un besoin de soutien institutionnel ............................................. 8

    Du côté institutionnel : des éclairages économiques attendus pour sécuriser et justifier les
    politiques publiques ............................................................................................................... 9

    L’utilité des études économiques pour une institution : lever quelques malentendus ...... 10

    Un projet pilote comme levier stratégique pour progresser sur une politique publique
    sensible ................................................................................................................................. 10

Séquence 3 : la mobilisation et le renforcement des acteurs pour la gestion
environnementale .......................................................................................................... 11

    Quel soutien de la province pour la pérennisation de l’action locale ? Distinguer
    financement de l’animation et autofinancement des actions ............................................. 11

    Le « cadeau de RESCCUE » à la recherche : vers une dynamique de sciences participatives ?
    .............................................................................................................................................. 12

    La communauté RESCCUE existe-t-elle à l’échelle régionale ? ............................................ 13

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Introduction
L’atelier de capitalisation du projet RESCCUE sur le site Zone Côtière Nord-Est s’est tenu à
Touho les 26 et 27 juillet 2018. Cet atelier avait pour objectif, dans une démarche
participative, de tirer les leçons du projet afin que le « capital RESCCUE » aille au-delà d’une
somme de réalisations, en dégageant un ensemble d’enseignements utiles pour l’action
future. Le but final de l’atelier était ainsi à la fois de consolider la communauté d’action créée
sur le site ZCNE, tout en opérant une prise de recul au-delà du projet et du site lui-même :
« jusque-là c’était un site expérimental - c’est aujourd’hui qu’on devient vraiment un site
pilote ».
La réflexion collective menée lors de l’atelier a été structurée par les ambitions fondamentales
de RESCCUE :
• RESCCUE a été conçu avec la volonté d’être un projet opérationnel permettant, au-delà
des études et analyses produites, de mettre en œuvre des actions concrètes et surtout de
déboucher sur des changements observables : des évolutions de pratiques, de règles ou de
politiques publiques favorables à la préservation de l’environnement, voire des évolutions
positives de l’état des milieux.
• Dans cette optique, RESCCUE a eu pour vocation centrale de tester la mise en œuvre
d’instruments d’action publique innovants, tels que la planification de la Gestion Intégrée
des Zones Côtières (GIZC) ou, trait marquant et spécifique de ce projet, des instruments
économiques (mécanismes financiers, incitatifs, évaluations économiques diverses, …).
• Cependant, RESCCUE n’a pas eu une approche naïve de ces instruments, en supposant que
leur expérimentation pourrait déboucher « mécaniquement » sur leur généralisation. Ce
projet s’inscrit également dans une visée stratégique, en cherchant à renforcer, dans les jeux
d’acteurs à différentes échelles, l’existence d’une communauté d’action en faveur de
l’environnement et la mise à l’agenda des enjeux à traiter, tout en contribuant à surmonter
les résistances aux changements qu’il s’agit d’opérer.
Au terme du projet, que nous apprend l’action conduite au regard de cette triple ambition ?
A l’épreuve des réalités du terrain, que peut-on aujourd’hui tirer comme leçons quant à la
portée opérationnelle effective de RESCCUE ? Quant aux instruments qu’il a permis de tester ?
Et quant à ses effets stratégiques en faveur de l’environnement ?
Trois grandes séquences ont ponctué cet atelier afin d’instruire ce questionnement :
    - une première consacrée à dresser et discuter le bilan général du projet en termes de
      réalisations concrètes et de changements observables ;
    - une seconde consacrée aux instruments économiques testés lors du projet sur ce site ;
    - une troisième enfin dédiée aux enseignements du projet quant à la mobilisation et au
      renforcement des acteurs pour la gestion de l’environnement.
La réflexion collective a été fondée sur une alternance entre des exposés en séances plénières
de retours d’expériences effectués par les participants, et des travaux de groupes visant à en
tirer les leçons sous ces différents angles.

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Séquence 1 : bilan général du projet (réalisations et changements
observables)
La naissance d’une communauté d’action
De manière générale, il est convenu par l’ensemble des participants que le projet a localement
fait l’objet d’une bonne coordination entre les différents acteurs. La présence locale continue
d’un opérateur a permis d’enclencher une réelle dynamique collective autour du projet
RESCCUE à l’échelle communale. Cette dynamique se traduit à la fois par la mise en place de
nouveaux partenariats entre acteurs qui se situent à des échelles différentes : rapprochement
entre institutions et populations, entre scientifiques et détenteurs de savoirs-locaux, entre
acteurs techniques territoriaux et associations locales. Mais l’organisation de cette arène
d’acteurs autour du projet a aussi nécessité la structuration de nouvelles dynamiques locales
sur certains sujets « orphelins », comme par exemple la création de l’association Cèmi Acuut
A Mulip (CAAM) sur les actions de restauration écologique.
Cette forte mobilisation d’acteurs et de compétences a fait naitre des synergies permettant
la mise en œuvre de nombreuses actions prévues sur le site, allant de la réalisation d’études
produisant de la connaissance destinée à préparer l’action, à l’exécution de chantiers sur le
terrain. Elle a permis d’articuler la réalisation d’actions concrètes pour répondre aux enjeux
des populations, la mobilisation de savoirs scientifiques, techniques et locaux, et débouche
aujourd’hui, comme on va le voir, sur l’identification de leviers de pérennisation des actions
et des dynamiques locales. L’ensemble des acteurs présents à l’atelier de capitalisation
témoigne d’une réelle satisfaction quant à cette synergie multi-acteurs créée autour du projet
RESCCUE.

Des changements observables encore ponctuels, fugaces et volatiles
Au-delà de la « dynamique RESCCUE » enclenchée localement et des actions concrètes
réalisées, il est cependant plus difficile d’évaluer les autres changements observables dans
le temps du projet. Sur les enjeux écologiques, différents acteurs indiquent une diminution
des feux de brousse, de l’érosion, et une augmentation de la revégétalisation. Néanmoins,
tous s’accordent à dire aujourd’hui qu’il faut rester prudent dans l’interprétation des causes
de ces changements. Si l’évaluation finale du projet ne doit être réalisée que d’ici un an, on
sait déjà localement que sur le temps d’un projet, quelques années au plus, les bénéfices
environnementaux ne peuvent qu’être de faible ampleur, et largement réversibles.
De plus, l’évaluation précise des changements opérés est techniquement difficile. Si une
diminution de la présence de cerfs est bien « ressentie » par les habitants, il est difficile de
d’objectiver cette observation. Il est tout aussi difficile de saisir les effets de la régulation des
cerfs et cochons, comme ceux des actions de revégétalisation sur les facteurs qui influent sur
la disponibilité de la ressource en eau potable.
Cette difficulté à évaluer précisément les impacts concrets sur les enjeux écologiques induit
lors de l’atelier une réflexion collective sur l’efficience du projet RESCCUE sur le site. Il est
alors rappelé, d’une part, que l’évaluation finale à venir du projet RESCCUE permettra d’avoir

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un regard critique plus précis sur ces résultats, malgré les difficultés techniques pour certaines
mesures, et que, d’autre part, le souci de l’efficience de l’action conduite était bien présent
dès la conception du projet, en poussant notamment à travailler sur les coûts de transaction
dans la mise en place de mécanismes de financement innovants.

« S’il n’y a pas de premier pas, on ne va pas avancer... »
Malgré une certaine frustration à ne pouvoir constater des changements plus probants à ce
stade, les divers acteurs en présence s’accordent à apprécier l’effet de levier engendré par le
projet RESCCUE, perçu aujourd’hui comme un « marchepied » indéniable. La dynamique
d’acteurs engendrée est perçue comme un bénéfice concret pour le temps long, et la prise de
conscience et la mobilisation locales constatées sont vues comme fondamentales pour
amorcer des actions plus larges par la suite.
Cet élan fourni par RESCCUE conforte la province Nord dans la mise en œuvre de ses politiques
publiques, notamment en apportant un cadre de partenariat renforçant sa légitimité pour
répondre aux besoins des populations. Ces populations, très préoccupées par des risques
écologiques qui touchent leurs besoins vitaux (eau potable, alimentation, risques naturels,
etc.), se sentent parfois démunies dans la gestion de ces risques, qui s’accentueront
potentiellement avec le temps et les impacts des changements climatiques inévitables. Elles
voient donc très positivement cette source de partenariats, pour fournir des exemples, des
appuis techniques, scientifiques, qui permettront de lancer des actions de gestion.

Comment transformer l’essai ? Et à quelle échelle ?
Sur ce site, les amorces de changements observables sont donc à renforcer et faire perdurer.
De même, le capital humain créé est à maintenir, à développer. Les attentes exprimées sont
concrètes : il est ainsi espéré voir une amélioration de ces impacts écologiques dans les années
à venir, afin de pérenniser l’utilisation des ressources naturelles et de garantir un cadre de vie
durable aux générations futures. Or, ces attentes dépassent largement le site en question, et
la plupart des problématiques et enjeux de gestion locaux sont similaires dans d’autres
communes de la province Nord et devront y être traités aussi. Dès lors, quelles leçons tirer du
projet RESCCUE pour les politiques publiques à l’échelle provinciale ?
Une des questions stratégiques fondamentales pour les acteurs institutionnels en présence
concerne l’orientation des efforts de gestion suite à ce type d’expérience : vaut-il mieux
aujourd’hui consolider et capitaliser sur le même site ou tenter de répliquer sur d’autres
sites provinciaux ? Ce choix renvoie à deux considérants :
• Il nécessite de pouvoir mesurer si le site pilote est devenu suffisamment autonome à l’issue
de RESCCUE ou bien si l’on prend le risque que la dynamique locale s’essouffle en privilégiant
l’expansion géographique.
• Un site pilote étant par définition un site exceptionnel – il est choisi initialement en raison
de dynamiques locales préexistantes prometteuses, et des moyens exceptionnels lui sont en
outre attribués – sur le site ZCNE, la qualité des moyens et de l’opérateur a été décisive. Dès
lors, un tel projet semble difficilement réplicable sans les mêmes conditions de mise en œuvre
et il faut donc travailler à mettre en place des stratégies adaptées pour en étendre les

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bénéfices à plus grande l’échelle. Il est ainsi convenu que la réplicabilité ne passe pas par la
répétition de projets similaires dans chaque commune, mais par une autre manière
d’organiser et de penser les politiques publiques, basée sur les leçons apprises du projet
pilote.
À cet égard, le travail de capitalisation autour de RESCCUE permet d’entamer une réflexion
sur ces changements de règles et de politiques publiques à conduire. Ainsi, l’ensemble des
acteurs soulignent que l’action publique actuelle nécessite davantage de synergies
interservices, intersectorielles, transversales, particulièrement sur les thématiques de gestion
intégrée des zones côtières qui sont par définition multithématiques et à l’interface terre-mer.
Ce besoin de davantage de transversalité de l’action publique est identifié depuis longtemps
et constituait l’un des fondements initiaux de RESCCUE (tout comme d’ailleurs du programme
INTEGRE) : force est de constater qu’il semble rester entier à l’issue du projet. L’apport de
celui-ci est cependant de démontrer que si l’animation locale force à la synergie des divers
acteurs (et l’action de l’opérateur à cet égard, comme lien entre population locale, différents
porteurs d’enjeux, administration, etc., a été jugée par tous décisive), elle ne peut remplacer
la transversalité dans l’organisation interne des institutions elles-mêmes.

Quelle approche pour demain ?
• Les échanges lors de l’atelier ont permis de suggérer une « entrée » possible pour conduire
un tel effort de transversalité, en ce qui concerne l’action conduite par la province Nord. Ainsi,
est évoquée l’opportunité de construire des approches de mise en valeur des terres
coutumières et des services écosystémiques qu’elles abritent, qui renvoient bien à des
problématiques transversales concernant les besoins des populations. Ce regard transversal
fondé sur un ancrage territorial permettrait de travailler sur des questions variées telles que
la lutte contre les espèces envahissantes, la mise en valeur des services écosystémiques de
production (agroforesterie), la résilience des populations au changement climatique,
l’articulation entre la valorisation des terres coutumières et la résolution de conflits fonciers,
etc. Une demande de financement de projet a été soumise en ce sens pour le site pilote
élargi. Mais au sein de l’institution provinciale, la réflexion est encore à consolider pour
envisager une telle approche.
• Par ailleurs, l’implication des acteurs coutumiers dans la mise en œuvre de RESCCUE est
soulignée, par exemple pour aider à identifier les besoins des populations, pour faciliter les
collaborations avec les acteurs scientifiques et techniques ou encore pour appuyer la
structuration des dynamiques citoyennes locales. Or, cet appui des autorités coutumières
locales (voire plus largement à l’échelle des districts) peut s’avérer d’une manière générale
très complémentaire de l’intervention provinciale, limitée dans sa capacité à être présente sur
le terrain. L’exemple de l’économie informelle, où la régulation coutumière répond aux
besoins d’une grande partie de la population sans intervention particulière de la puissance
publique, est ainsi mis en avant dans la discussion : ne pourrait-on pas s’en inspirer pour
assurer une meilleure prise en charge des enjeux environnementaux ? La question n’est plus
alors d’organiser la transversalité des services de la province, et devient plutôt de réussir à
inscrire les enjeux environnementaux dans les agendas coutumiers qui structurent l’action au
quotidien des populations locales.

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• Enfin, l’un des acteurs locaux participant à l’atelier tient également à souligner qu’au-delà
de la régulation coutumière, RESCCUE, tout en concernant principalement les populations
tribales, a également permis l’implication de certains propriétaires privés dans les actions de
régulation. À Touho, on regarde aujourd’hui cette dynamique collective multiculturelle
comme une expérience sociale intéressante, un « destin commun » dans la préservation du
patrimoine et des ressources. « Avant RESCCUE, ces populations ne se mélangeaient pas,
aujourd’hui on est tous ensemble pour gérer le patrimoine et les ressources ». Et localement,
on sait que cette communauté d’action citoyenne repose plutôt sur le dynamisme associatif
et sur la volonté de chacun à s’engager dans ce type d’actions.

Séquence 2 : les instruments économiques au service de la gestion
environnementale
Un travail sur les instruments économiques articulant expérimentations opérationnelles
et études approfondies
Différents « instruments économiques » ont été testés sur le site ZCNE, à la fois sous forme
d’actions opérationnelles et sous forme d’études. D’une part, concernant les actions
opérationnelles, le pilier du projet RESCCUE sur ce site concerne la mise en place d’actions de
valorisation de la viande de cerf issue de la chasse au service de la régulation de cette
espèce. De plus, quelques expérimentations de mécanismes financiers ont été réalisées avec
l’organisation de loterie, la mise en place de boites à dons ou encore de mécénats pour
soutenir la gestion environnementale. Ces initiatives exploratoires ont permis aux acteurs
locaux de tirer des enseignements quant aux apports de telles actions économiques à la
gestion environnementale. D’autre part, deux études d’analyses économiques ont été
menées pour fournir des outils d’aide à la décision : une étude juridique et économique sur
les perspectives de valorisation de la viande de cerf sauvage issue de la chasse, ainsi qu’une
évaluation des services rendus par les écosystèmes du bassin versant de la Thiem, suivie de
l’évaluation de différents scénarios de gestion. Lors de l’atelier, ce sont davantage les acteurs
institutionnels, mobilisés autour de ces études, qui ont été conduits à en identifier les leçons
apprises.

Du côté des acteurs locaux : l’action de valorisation économique, amorce d’une
dynamique locale... qui débouche sur un besoin de soutien institutionnel
La problématique de la valorisation de la viande de chasse se pose depuis longtemps. Il existe
de réelles attentes locales, et un appel de la population à l’institution de se saisir de cette
problématique. Le représentant de la province a affirmé lors de l’atelier qu’il prendra
l’initiative, tout en attirant l’attention sur la hauteur des obstacles juridiques et économiques.
Les actions de chasse dans le cadre de RESCCUE ont donc permis de mobiliser de nombreux
volontaires, chasseurs professionnels ou non. L’association de chasse locale Tipwoto a permis
de structurer rapidement la dynamique d’acteurs sur ce sujet. La réussite des actions menées
a aussi participé à une prise de conscience locale des enjeux de régulation et de valorisation
et créée une communauté d’action concrète. Au regard des populations d’espèces

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envahissantes, il est présumé que le potentiel de développement de cette filière est
conséquent en termes économiques et écologiques.
À l’heure actuelle, on se questionne sur « l’après RESCCUE » et sur les moyens de pérenniser
l’action locale. Les ambitions sont bien là, le projet RESCCUE a créé de l’engouement pour
développer de nouveaux marchés, étendre la prise de conscience et la mobilisation collective,
mener des actions de régulation « coup de poing », poursuivre les formations, optimiser les
infrastructures de production privées déjà existantes.
La mobilisation de moyens (financiers, humains, matériels) étant une des clés de l’action
locale, les acteurs locaux se tournent aujourd’hui vers l’institution provinciale, compétente
en matière de gestion environnementale et principale source potentielle de financements
pérennes : « on a besoin de vous ».

Du côté institutionnel : des éclairages économiques attendus pour sécuriser et justifier
les politiques publiques
Or, du côté institutionnel, la mise en œuvre de moyens pour la valorisation de la viande de
chasse nécessite la mise en place d’un cadre juridique, sanitaire et de lever des hypothèses
économiques, pour arriver à lancer la filière. En effet, une telle filière professionnalisée
impliquerait des évolutions de la chasse-production, de la consommation, de l’organisation
de l’activité, de la distribution, etc.
Dès lors, face aux demandes de soutien exprimées sur le terrain, les acteurs institutionnels
ont besoin de garanties concernant la pertinence d’un éventuel investissement de leur part,
tant sur le plan économique que juridique, ce à quoi les analyses économiques menées dans
le cadre de RESCCUE avaient pour fonction de contribuer : il s’agissait évaluer le potentiel
économique et la faisabilité de valorisation de la viande de chasse et, au-delà de cette
problématique spécifique, de fournir un argumentaire sur la valeur des services
écosystémiques visés par la gestion environnementale des bassins versants.
À l’heure du bilan, ces études reçoivent un accueil mitigé. D’une part, certains pointent des
lacunes de l’étude sur les perspectives de valorisation de la viande de cerf sauvage issue de la
chasse, au niveau de la faisabilité de l’opérationnalisation. D’autre part, le potentiel
pédagogique de l’analyse économique est reconnu, en particulier en ce qui concerne l’étude
des services rendus par les écosystèmes sur le bassin versant de la Thiem, qui sensibilise au
lien entre valorisation et protection des ressources naturelles.
Mais il est convenu que, au-delà des limites méthodologiques rencontrées, il y a deux logiques
difficiles à concilier, une logique budgétaire (temps court) et les études fondées sur une
logique économique (temps long), ce qui limite l’utilisation de ces études comme outil d’aide
à la décision. On s’interroge alors sur le rôle de l’économie dans l’élaboration des politiques
publiques environnementales, notamment dans une stratégie de valorisation des ressources
naturelles. L’économie permet-elle d’éclairer l’intervention et l’arbitrage institutionnel ? In
fine, a-t-elle une portée opérationnelle ?

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L’utilité des études économiques pour une institution : lever quelques malentendus
Sur ces questions, le projet RESCCUE a été conçu sur la base de quelques principes forts :
(1) l’évaluation économique n’a pas vocation à se substituer aux choix politiques, ses résultats
n’ont donc pas vocation à « dicter » les objectifs politiques qu’il conviendrait de retenir ; (2) en
conséquence, leur utilisation attendue relève prioritairement du plaidoyer (argumenter et
défendre le bien-fondé des objectifs poursuivis) voire de l’éclairage de certaines perspectives
décisionnelles (par exemple sur ce site à propos de la valorisation de la viande).
Les échanges conduits lors de l’atelier ont permis de revenir sur ces partis pris de RESCCUE. Si
la discussion a bien permis de confirmer collectivement que l’objectif de plaidoyer est le plus
pertinent et adapté au type de résultats obtenus, elle a également permis de souligner une
certaine ambiguïté dans l’attente institutionnelle initiale, expliquant sans doute pour partie la
frilosité actuelle quant à l’utilisation des résultats. Se dégage ici une leçon apprise de RESCCUE
quant à la nécessité de lever certains malentendus autour de l’utilisation des études
économiques :
     — il s’agit de bien distinguer et de ne pas accorder le même sens aux chiffres concernant
       la perte de valeur des services écosystémiques d’une part et à ceux concernant les
       budgets nécessaires pour leur préservation ou leur valorisation d’autre part ;
     — par ailleurs, l’analyse économique ne peut fournir de résultats totalement robustes
       et inattaquables. Elle n’a donc pas vocation à définir et à justifier des choix budgétaires
       précis, mais davantage, conformément à sa fonction de plaidoyer, à prioriser des choix
       politiques, à participer à la mise à l’agenda d’enjeux – ce qui peut dans certains cas
       déboucher sur des arbitrages institutionnels.

Un projet pilote comme levier stratégique pour progresser sur une politique publique
sensible
En cela, on estime aujourd’hui que RESCCUE a bien rempli sa fonction de projet pilote. Il a
notamment permis d’avancer sur le sujet difficile de la valorisation de la viande de cerf issue
de la chasse, où il pouvait y avoir des réticences à s’engager, en articulant les motivations
locales et réflexions institutionnelles. Ainsi, la mise en situation opérationnelle rendue
possible par l’appui extérieur de RESCCUE a permis à l’institution d’éclaircir les avantages et
les risques associés à ce dossier, en approfondissant les réflexions sur ses aspects financiers
et juridiques, à l’échelle du Territoire.
Néanmoins, les garanties pour l’institution sont encore difficiles à consolider et il est
aujourd’hui envisagé une expérimentation normative, consistant à lancer une expérience de
commercialisation formelle circonscrite dans le temps et l’espace (selon faisabilité juridique
d’une telle dérogation, dépendante du Gouvernement). Cette étape permettrait à la fois de
rentrer dans le concret, afin de répondre aux besoins des acteurs locaux, tout en restant
démonstratif pour renforcer le plaidoyer nécessaire aux acteurs institutionnels sans pour
étant susciter l’opposition frontale des acteurs qui seraient opposés à la commercialisation.

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Séquence 3 : la mobilisation et le renforcement des acteurs pour la
gestion environnementale
Les leçons apprises sur cet aspect à l’issue de l’atelier portent sur trois dimensions :
     - l’articulation entre l’autonomie d’action locale et un certain formalisme du soutien
       institutionnel,
     - la possibilité d’amorcer et de développer une dynamique de sciences participatives
       remarquable,
     - le degré d’appropriation locale de la dimension régionale de RESCCUE.

Quel soutien de la province pour la pérennisation de l’action locale ?
Distinguer financement de l’animation et autofinancement des actions
Si la nécessité d’articuler stratégie provinciale et actions locales parait indéniable,
l’expérience de RESCCUE est riche d’enseignements quant à cette articulation. Alors que
l’approche institutionnelle est classiquement fondée sur une logique planificatrice, la
dynamique locale s’appuie plutôt sur des « logiques projets », qui privilégient l’action selon
les besoins qui s’expriment et les opportunités qui se font jour, dans la réalité parfois
changeante du terrain. Le projet RESCCUE a permis de fournir des arènes de dialogues entre
ces deux logiques et l’atelier fait ressortir les points suivants :
• D’un côté, il est nécessaire pour les associations de disposer d’une certaine autonomie
d’action pour pouvoir réaliser des projets adaptés aux enjeux spécifiques de chaque zone.
Mais cette autonomie n’est pas évidente dans les faits : le financement public impose un
minimum de formalisme juridique et administratif qui contraint les initiatives locales,
lesquelles doivent si possible pour être financées s’inscrire dans un cadre stratégique global.
• De l’autre, si l’intervention provinciale apparait fondamentale pour la pérennisation de
l’action locale, la province alerte sur la diminution de ses propres budgets. Elle espère voir
les acteurs locaux développer une autonomie de fonctionnement par des mécanismes de
financements propres, pour structurer de manière pérenne leurs moyens d’action sur le
terrain.
• Il semble ainsi ressortir que les deux parties ont pour objectif de renforcer l’autonomie des
associations locales. En réalité, elles ne parlent pas exactement de la même chose :
l’expérience RESCCUE sur ce site montre bien que la motivation locale n’est pas de construire
une autonomie de fonctionnement (avoir ses propres moyens pour agir) mais davantage une
autonomie de projet (pouvoir se mobiliser pour des actions choisies). Ainsi, la « logique
projet » qui s’applique aux dynamiques locales aura tendance à privilégier d’abord
l’engagement dans l’action, qui fonde la légitimité locale, avant d’envisager la question des
moyens, des budgets, des structures pérennes. Or, ceci se heurte aux logiques planificatrices
institutionnelles : que ce soit pour le mécénat ou d’autres sources de financements
extérieures, il faut présenter un projet budgété pour demander des fonds. Cela nécessite un
travail de planification qui demande des compétences d’ingénierie de projet et de
structuration administrative et comptable, qui diffère des compétences déployées pour

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orchestrer sur le terrain la mobilisation et l’action opérationnelle. Se pose donc la question de
la capacité des associations, qui ne peuvent guère cumuler ces deux formes de compétences
et s’estiment davantage fondées à privilégier les secondes pour asseoir leur légitimité locale.
Pour sortir de cette situation, une leçon apprise du projet est de distinguer plus clairement
autonomie de fonctionnement des associations et autonomie financière des actions qu’elles
mènent :
• Concernant l’autonomie de fonctionnement des associations, la question de l’animation
apparait donc fondamentale pour aider à la recherche de financement et éviter le risque
d’essoufflement des dynamiques locales dès la fin d’un projet. Mais n’est-ce pas trop
ambitieux de demander aux associations de financer elles-mêmes leurs animateurs, d’autant
que l’utilité d’un tel poste n’est pas évidente auprès de la population ? Est ici évoquée la
possibilité de mutualiser l’animation entre différentes associations, ou bien de répondre à des
appels à projets avec l’intervention de prestataires extérieurs, afin de faciliter le maintien d’un
soutien extérieur au fonctionnement des associations.
• Concernant l’autonomie financière des actions que les associations conduisent, on peut en
revanche s’appuyer sur l’appropriation d’un projet par la population, qui reste la principale
force motrice de l’action locale. Cette appropriation permet alors d’envisager des formes
d’autofinancement non pas des structures mais des actions elles-mêmes. Il est ainsi souligné
que des mécanismes de financements locaux existent déjà pour le sport, la culture, la religion,
etc. L’intégration des questions environnementales à l’agenda coutumier local, évoquée plus
haut, pourrait ainsi faciliter la mobilisation des mécanismes de financements locaux déjà
éprouvés, tel que par exemple le bingo (à l’instar d’une Association Patrimoine Mondial
mentionnée lors des échanges, ayant avec succès eu recours à ce mécanisme).

Le « cadeau de RESCCUE » à la recherche : vers une dynamique de sciences
participatives ?
Le projet RESCCUE a permis d’initier une démarche locale de recherche fortement appréciée
par les acteurs scientifiques, en particulier dans sa dimension participative. Les moyens
fournis par le projet pour mettre en place un dispositif de suivi hydrologique et
météorologique de l’érosion constituent une rare opportunité pour les scientifiques, qui
voient ce dispositif mis en place comme « un cadeau de RESCCUE pour la Recherche ». Le
projet RESCCUE a en effet permis un bon ancrage local de la recherche conduite, notamment
par la présence de l’opérateur du projet, ce qui est fondamental à la fois pour le bon
déroulement des études et pour assurer un dialogue entre acteurs scientifiques et acteurs
locaux de telle sorte que le projet puisse répondre au mieux aux enjeux des populations
locales. De plus, les moyens financiers mis à disposition ont permis de cofinancer un travail de
thèse dédié au site.
Aujourd’hui, les acteurs de la recherche se félicitent d’une réelle dynamique de recherche
naissante, fondée sur un important dispositif de mesures grâce à la participation de la
population et à l’apport des connaissances locales pour les scientifiques. De plus, les
démarches de sciences participatives de ce type bénéficient d’une bonne reconnaissance et
peuvent potentiellement ouvrir de nouvelles pistes de financement.

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Cependant, l’étude de phénomènes de long terme nécessite de pouvoir maintenir les
dispositifs de collecte et de traitement des données dans le temps. À Touho, on voit la réussite
de la collaboration comme le fruit de l’animation locale entamée avant RESCCUE par le comité
de gestion Patrimoine Mondial et l’association Tipwoto, et qui aboutit aujourd’hui à des
résultats d’autant plus encourageants qu’ils concernent un site relativement éloigné des
institutions de recherche et des sources de financements afférentes, ainsi que l’a souligné l’un
des chercheurs présents. L’appropriation des problématiques de recherche et du dispositif de
suivi étant aujourd’hui un acquis de RESCCUE, il reste à trouver les ressources pour assurer sa
pérennité, dans sa dimension participative (formation d’acteurs locaux à l’exploitation
technique du dispositif et à la collecte de données, …).

La communauté RESCCUE existe-t-elle à l’échelle régionale ?
Cette dernière séquence, dédiée à la mobilisation des acteurs et au renforcements stratégique
de la gestion environnementale, a également examiné cet aspect non plus à la seule échelle
du site (animation et actions locales), mais également à l’échelle du projet (gouvernance et
animation régionale du dispositif RESCCUE).
À l’échelle régionale, « le dispositif a fonctionné, mais on ne sait pas vraiment pourquoi ni
comment », tel est le constat de certains acteurs à l’heure du bilan. Si la communauté d’action
locale créée dans le cadre du projet a été beaucoup centralisée autour de l’opérateur,
principal interlocuteur de tous les participants, qu’en est-il des synergies et échanges avec le
reste de la communauté d’action RESCCUE à l’échelle régionale ? Est-ce un réseau d’acteurs ?
Est-ce une communauté de ressources ?
Il ressort aujourd’hui que les différents acteurs ont surtout perçu le projet RESCCUE comme
une réponse à leurs enjeux locaux, et se sont peu approprié la dimension régionale du projet.
Des discussions et échanges ressortent deux pistes d’explication :
     -   les activités régionales et les rapports associés ont eu trop peu d’échos localement, ce
         qui appelle à une réflexion quant à leur mode de diffusion et de valorisation ;
     -   si les rencontres inter-acteurs sur le site lors des comités de pilotage ont été
         appréciées, des échanges régionaux plus réguliers auraient été souhaités. Des appels
         à propositions d’échanges ont bien été lancés par la coordination régionale à
         destination des acteurs locaux, mais il apparaît que ce procédé ne leur a pas permis de
         se mobiliser.

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Petit récapitulatif des leçons apprises de RESCCUE en province Nord…

… quant aux acquis obtenus et aux effets observables induits…
• La fonction d’opérateur permet concrètement l’entretien d’une dynamique collective à l’échelle
territoriale, par le développement de nouvelles relations et associations entre acteurs.
• La principale production de cette démarche est donc d’offrir un cadre pour des partenariats actifs,
ce qui permet d’espérer des effets de plus long terme… à condition toutefois de trouver les moyens
de prolonger et d’élargir ces expérimentations de manière pérenne
• Le projet RESCCUE dépend beaucoup du contexte initial du site pilote et semble peu réplicable à
l’identique, notamment sur le plan des moyens dédiés. Il faut donc plutôt s’efforcer de s’en inspirer
pour imaginer d’autres formes de projets et de politiques publiques, notamment pour développer la
transversalité que RESCCUE a rendu possible sur ce site.
• Dans cette optique, la mise en valeur des terres coutumières apparait comme une entrée
prometteuse, en ayant d’emblée une dimension transversale tout en étant potentiellement
mobilisatrice localement.

… quant aux apports des approches économiques à la gestion environnementale…
• Les études économiques sont mobilisables pour sécuriser (faisabilité) ou justifier (plaidoyers), voire
pour éclairer certains arbitrages politiques (hiérarchisation) : elles ne peuvent en revanche pas être
considérées comme un moyen de dimensionner des éléments budgétaires, de plus court terme.
 • Associées à des actions opérationnelles, ces qualités leur permettent de faciliter la mise à l’agenda
de dossiers sensibles ou difficiles (tel qu’ici la valorisation de la viande de cerf issue de la chasse) à
l’échelle du Territoire et l’éventualité de démarches d’expérimentation.

… et quant à la mobilisation et au renforcement des acteurs en faveur de l’environnement
• Le renforcement et la mobilisation des acteurs locaux en faveur de l’environnement pose la question
du soutien financier dont ils ont besoin. Sur ce point, il est essentiel de distinguer le financement du
fonctionnement des associations (difficile à rendre autonome faute de capacité d’ingénierie de projet
permettant de capter des financements) de celui de leurs actions elles-mêmes (qui semblent elles plus
facilement auto-finançables, par une capacité démontrée de mobilisation de la population et de mise
en œuvre de mécanismes financiers de proximité éprouvés).
• La mise en place de dispositifs de suivi et recherche sur le terrain constitue visiblement un creuset
efficace de mobilisation locale autour d’enjeux environnementaux, fructueux aussi bien pour la
recherche académique (acquisition de données dans la durée) que pour les communautés locales
(prise en compte de préoccupations locales, sensibilisation, formation). La science participative
apparait ainsi comme une voie très prometteuse de mobilisation en faveur des enjeux
environnementaux.
• La gouvernance d’un projet tel que RESCCUE, centrée notamment sur le modèle de l’opérateur sur
site, permet à l’évidence une bonne dynamique locale. Celle-ci semble cependant déconnectée de
l’échelle régionale, les modalités d’articulation entre ces deux échelles faisant débat au sein du
dispositif.

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Annexe 1 – Liste des participants

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Annexe 2 – Programme de l’atelier

JOUR 1

9h00 - Accueil des participants

9h30 – Coutume, Accueil (MOA associée + CPS)

10h00 - Introduction (Groupement)

Objectifs et déroulement de l’atelier

10h20 – Pause

10h45 - Séquence 1 – Bilan général du projet : réalisations concrètes et les
changements observables

Bilan synthétique par l’opérateur, discussion et échanges sur l’appréciation globale des apports du
projet

12h00 – Repas

13h15 – Séquence 2 – les instruments économiques au service de la gestion
environnementale : quelles leçons apprises ?

Retours d’expérience illustratifs exposés en plénière puis travaux de groupes pour tirer collectivement
des enseignements sur ce thème.

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16h30 : fin J1

JOUR 2

8h30 – Accueil des participants

8h45 - Retour sur la séquence de la veille

9h00 - Séquence 3 – La mobilisation et le renforcement des acteurs pour la
gestion environnementale : quelles leçons apprises ?

Retours d’expérience illustratifs exposés en plénière puis travaux de groupes pour tirer collectivement
des enseignements sur ce thème.

12h30 – Clôture PN/CPS

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