Bien placés font mots Quelques Queneau - une poésie - Le Petit Journal des Profs
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Ecole Saint-Jean 59 place de l’Abbé Meffray 49410 Le Marillais 02–41–72–61–28 Poèmes et création poétique Bien placés Bien choisis Quelques mots font une poésie. Queneau Un poète c’est le monde dans un homme. Victor Hugo 1
Sommaire Introduction 3 Activité autour de la poésie 4 Objectifs 6 Quelques définitions 7 Comptines 8 A.B.C.D... 1.2.3.4... 10 Humour 11 Famille 12 Calendrier 13 Saisons 14 Nature 15 Bestiaire 17 Nourriture 18 Ville 19 Objets 20 Verlaine 21 A propos des fiches séquentielles 22 La ronde des prénoms 23 Des mots qui s’emboîtent 24 Pourquoi…, parce que… 25 Des milliers 26 J’ai geigné la pirafe 27 La cimaise et la fraction 28 Associations fantaisistes 29 Ca n’existe pas 30 Le hareng saur 32 J’aimerais être 34 Si j’étais, si j’avais 35 Imagination 36 Comparaisons 38 Se familiariser avec les rimes 39 2
Introduction Le musicien se sert des sons, le sculpteur de la pierre, du bois et du fer, le peintre des couleurs et des traits et le poète du langage et des mots. La poésie est une production artistique qui permet, à travers un dimension esthétique, de s’exprimer : exprimer des émotions, des sensations... Comme toute « œuvre d’art », elle communique un message à un destinataire. Mais ce message est perçu différemment suivant le vécu et la sensibilité de la personne qui le reçoit. Dans tous les cas, le poème ne laisse pas indifférent. Il va nous attirer, nous déplaire, nous inciter à rêver, nous attrister, nous rendre mélancolique ou nous sourire. A travers la poésie le lecteur accède à un univers différent, celui du poète et partage sa vie intérieure. Tout l’art du poète, sera donc de sélectionner, d’agencer les mots pour créer l’effet voulu, pour traduire ses pensées, ses impressions, ses sentiments, ses réflexions, ses préoccupations, ses rêveries, ses divagations... La poésie, grâce aux mots, est un concentré d’images de sonorités, de rythmes. Ils servent de matériau pour évoquer des pensées graves (poètes engagés) universelles (l’amour, l’isolement, la mort...) fantasques, humoristiques ou fantaisistes. L’idée principale de ce livret n’est pas de proposer des « recettes » pour rendre les enfants poètes mais de les aider à prendre possession, du langage et à développer leur pouvoir de création. Ecrire des poésies c’est d’abord jouer, manipuler des mots, des sons, créer des images exprimer sa personnalité et ses émotions pour découvrir et désacraliser le pouvoir du langage (pouvoir qui devient accessible). L’enfant agit sur les mots, ils deviennent outils et non plus contraintes. 3
Activités autour de la poésie Ecouter des poèmes au milieu d’autres poèmes sur les même Mettre en place un rituel de lecture de thème. poèmes par l’adulte ou l’enfant, à un moment précis de la journée (par exemple • Quand la poésie est la même pour tous, pour terminer la demi-journée) : afin il est possible d’organiser des moments d’établir un moment de calme (se laisser d’apprentissage collectif grâce à la porter, bercer...), de s’imprégner de poésies technique de la reconstitution de de s’ouvrir à d’autres sensibilités, texte : On écrit le texte au tableau, on le d’illustrer le thème de vie de la classe. lit deux ou trois fois, on efface quelques mots, on le relit malgré les trous... Enregistrer des poésies jusqu'à ce qu’il n’y ait plus rien. Ce travail d’enregistrement (de poésies d’auteur ou créées par les enfants) vise à : • travailler la diction, l’articulation, • le moment de récitation peut être • jouer avec sa voix pour exprimer une envisagé de différentes façons : un émotion (poème triste, gai, farfelu, enfant vient réciter sa poésie à l’adulte sonore, comique...) qui évalue la mémorisation et la • valoriser les créations enfantines, restitution ; un enfant vient réciter la • stocker les poésies pour les réutiliser poésie devant le « public classe » pour (notamment lors d’un moment de travailler la prestance et l’aisance ; deux calme, d’écoute) enfants récitent la poésie en cascade (exercice à caractère ludique mais Réaliser l’anthologie de la classe difficile). Il s’agit de présenter sou forme d’un livre les poésies (apprises et inventées). Les poésies seront manuscrites, Poésie et séquences de Français dactylographiées à l’ordinateur ou à la Certaines poésies ou créations poétiques machine, calligraphiées, disposées en peuvent servir de pont de départ pour des calligrammes, décorées... Cette anthologie « leçons » de grammaire, de peut faire l’objet d’une exposition ou d’un conjugaison, de vocabulaire... travail individuel à offrir pour la fête des parents. • Reconstitution de texte (de poème) ➱ Replacer en ordre les différents vers Mémoriser pour réciter d’un poème déjà lu. ➱ Redisposer en vers un poème présenté • Proposer des poèmes les plus variés en texte (grâce aux rimes et groupes de possibles (structure, époque, longueur, souffle, à la ponctuation, aux mots-clés en thème, rythme, auteur...) débuts de vers). En composant les différentes dispositions trouvées par les Le poème peut-être : apporté par élèves, on s’aperçoit que celles-ci l’enseignant ou par l’élève. Il peut être conditionnent la façon de lire (aidant la choisi dans un fichier ou élu par la classe compréhension, modifiant les groupes de 4
souffle, permettant d’accentuer certains • Sur les temps libres, illustration de la mots, créant donc des émotions poésie copiées sur le cahier (petit différentes). format). La disposition d’une poésie est • En séquence d’arts plastiques, en grand signifiante ( dimension spatiale du format (éventuellement accompagné poème). d’une musique) créer un décor pour la ➱ Supprimer la plupart des fins de vers poésie. A l’aide de peinture, pastels, d’un poème et les cacher dans une liste collages, encres... réaliser soit un fond parmi d’autre fins de vers (de sens, de soit une illustration. rimes, de nombre de syllabes identiques ou • Réécrire le poème à partir de lettres différents). différentes, découpées dans des journaux et magazines. • Manipulation d’images poétiques • Disposer le poème sous forme de ➱ Extraire des images poétiques d’un calligramme. Outre le fait de renforcer poème pour en chercher une définition la signification du poème, le ou pour y associer des définitions de sens calligramme a un aspect esthétique, équivalent (mais moins poétiques). typographique, créatif. Il permet aux ➱ Créer des définitions imagées, enfants, placés en situation de insolites, pour faire deviner des mots qui recherche, d’exprimer leur sensibilité seront à placer dans une grille de mots (un poème inspire différents croisés. calligrammes). Poésie et arts plastiques 5
OBJECTIFS extrait des instructions officielles (1991) CYCLE 1 CYCLE 2 CYCLE 3 Attitudes Construction de la personnalité Acquisition de l’autonomie • imaginer des histoires • manifeste son besoin de créer • développe sa créativité • se situe délibérément dans le réel • développe son sens esthétique • se montre inventif, curieux de ou l’imaginaire toute forme d’Art • est sensible à des valeurs • affirme ses choix et ses goûts esthétiques et exprime ses esthétiques, les explique et les préférences y compris dans ses fait partager productions. Langue orale • prend la parole et s’exprime de • prend sa place dans un dialogue • utilise à bon escient les manière compréhensible (ex : lecture à deux d’une variations de la langue que les (prononciation, articulation) poésie) situations rencontrées suggèrent • fait varier les temps des mots de • ose s’exprimer (ex : lire à voix en maîtrisant la syntaxe liaison entre deux propositions haute ou réciter une ou sa poésie • mémorise et dit de mémoire un • accède à la conscience des devant la classe) texte en prose ou en vers éléments phoniques • utilise une syntaxe plus complète • identifie les éléments de la (recours au conditionnel) langue parlée, isole et reproduit • résume et invente la suite d’une les sons (jeux de mots) histoire (oralement et • dit et mémorise des textes courts collectivement) (comptines, poèmes) • continue une poésie • dit un poème de mémoire Langue écrite • produit des textes variés dictés à • écrit un texte bref répondant à • écrit un texte en tenant compte l’adulte une consigne claire (en tenant des contraintes orthographiques compte du vocabulaire, de la et syntaxiques (compléter, syntaxe et de la présentation) construire un récit de fiction, structurer un texte par sa présentation. Constituer l’anthologie poétique de la classe (recueil témoignant du vécu poétique de la classe : poèmes d’auteurs et d’enfants) Lecture • Identifie à l’oreille et à l’écrit • utilise une bibliothèque : repère, • lit en situation de des éléments simples composant identifie, choisit et consulte des communication un texte (une un mot (syllabe, phonème) ouvrages en fonction du but poésie) de façon expressive • participe à l’élaboration d’une recherché (recherche de poésies témoignant qu’il a compris ce bibliothèque (sonore) de la sur un thème précis) qu’il a lu classe en enregistrant au • lit oralement un texte en magnétophone ou en dictant au articulant correctement et ne maître un court texte comprenant le sens de ce qui est lu Arts • considère des objet, des images (des mots comme des matériaux d’expression • découvre puis utilise un procédé d’expression en fonction du but recherché • réalise une production en fonction d’une intention, d’un désir • trouve des règles d’organisation des formes, des couleurs, des images (des mots) • s’initie à l’édition de textes (activités de calligraphie, écriture soignée pour un destinataire, mise en page) 6
Quelques définitions poétiques règles. Selon le nombre de sons La mesure du vers répétés à la fin des vers, la rime peut La longueur d’un vers se mesure par le être : nombre de syllabes (ou pieds) qui le • pauvre : une voyelle finale composent. • riche : une syllabe finale Toutes les syllabes se prononcent et sont • très riche : deux syllabe moins la comptabilisées sauf pour le cas de la consonne syllabe terminée par « e » : • léonine : deux syllabes homophones • quand elle est placée à la fin d’un vers, Tout au long d’une poésie ces rimes elle n’est pas comptée, c’est donc une alternent et s’appellent suivant leur syllabe « muette ». disposition : • quand elle se trouve à l’intérieur d’un • rimes croisées : ABAB vers, elle n’est comptabilisée que si elle • embrassées : ABBA est suivie d’une consonne ou d’un « h » aspiré. Allitération : répétition voulue d’un même phonème dans un vers. Selon le nombre de leurs syllabes, les Calligramme : poème dont la disposition vers peuvent s’appeler : typographique est en rapport avec le thème • octosyllabe : 8 syllabes du texte. Les calligrammes sont nés avec • décasyllabe : 10 syllabes Apollinaire. • alexandrin : 12 syllabes Cadavres exquis : « jeu de papier plié qui Mais les formes de compositions poétiques consiste à faire composer une phrase ou un dont la mesure et les rimes sont régulières dessin par plusieurs personnes, sans appartiennent au répertoire de la poésie qu’aucune d’elle puisse tenir compte de la « Classique ». collaboration ou des collaborations La poésie contemporaine avec l’apparition précédentes. du mouvement Symboliste a opéré un Métaphore, image : rapprochement de éclatement de ces règles pour donner deux réalités très distinctes entre lesquelles naissance aux vers blancs (libres) sans on a tissé des liens de comparaison, régularité de longueur ni de rime. d’équivalence. La rime Ce retour du même son à la fin de deux ou plusieurs vers, obéit également à des 7
Comptines La tradition orale populaire constituait une véritable littérature pour enfant à une époque où elle n’existait pas dans le domaine de l’Art savant et de l’imprimé et en un temps où la pédagogie n’avait pas encore reconnu l’enfant comme un public distinct. Un, deux, trois, quatre, cinq, six, A l’origine, des formulettes (petites sept, huit, phrases) ponctuaient le début, la Mademoiselle, retirez-vous. progression, les péripéties et la fin des contes. Les comptines au texte altéré par des Ainsi répond la galette dans l’histoire jeux phonétiques, des allitérations, des « Roule galette » aux différents animaux mots ou des idiomes empruntés à des qui veulent la croquer : langues étrangères, pouvant devenir incompréhensibles. Elles servent à Je suis la galette, s’approprier le langage, à développer et je suis faite avec du blé à améliorer l’articulation. ramassé dans le grenier. On m’a mise à refroidir mais j’ai mieux aimé courir. Am stram gram Attrape-moi si tu peux. Pic et pic et colégram Bour et bour et ratatam Ces formulettes servaient de schéma Am stram gram conducteur pour le scénario ainsi que de Pic dam ! mise en condition de bonne réceptivité de l’auditoire. Ces comptines sont riches en jeux de mots, L’ensemble des formulettes enfantines en rimes, en assonances, véritables accompagne l’enfant tout au long de son fantasmagories de vocables et de sonorités développement (bercement, premiers étranges. gestes, jeux de doigts...) et a des rôles sécurisant, affectif et pédagogique. Ca un, ça deux, ça trois, Les comptines, simple sous-ensemble des ça quatre, ça six (cassis) formulettes, étaient à l’origine des petites chansons enfantines qui servaient à Les comptines narratives désigner un joueur au hasard en comptant, d’événements historiques ou religieux prélude rituel pour le jeu. au fil d’une histoire cocasse. On distingue plusieurs sortes de comptines : Alexandre le grand, les comptines numériques (servant à Roi de Macédoine, concevoir les mots-nombres comme avait un cheval désignants de quantités) avec souvent Nommé Bucéphale. une injonction de sortie à la fin, pour éliminer un joueur. Les comptines anthropomorphistes mettant en scène des animaux qui Pique pique la bourrique deviennent fantastiques et qui parlent. Compte bien s’il y en a huit. Au clair de la lune 8
Trois petits lapins Certaines sont assorties de gestes et Qui mangeaient des prunes comme les jeux de doigts, elles permettent Comme trois coquins un affinement des gestes (vers la pince La pipe à la bouche pouce-index) pour une plus grande Le verre à la main précision. Ils disaient : Mesdames Les comptines permettent : Versez-nous du vin l’acquisition de structures Jusqu'à demain matin syntaxiques, de vocabulaire (par imprégnation), Les mélodies élémentaires (mélopées qui une approche de l’étude des sons soutiennent les comptines sont facilement grâce aux rimes et aux assonances, reproductibles par les enfants car elles sont un support « idéal » pour inciter les adaptées à leur tessiture. enfants à la création puisqu’ils Les comptines sont souvent rythmées s’approprient facilement le par une cadence régulière qui conduit mécanisme. naturellement à les accompagner en tapant des mains. 9
A.B.C.D...1.2.3.4.... Cinq mésanges vertes 1 nez, Mais qui est-ce Font des pirouettes 2 nez cette drôle de princesse, L’une se casse la patte 3 nez, cette forme enchanteresse, Y’ en a plus que quatre. 4 nez, qui se dresse Quatre mésanges vertes 5 nez, et qui s’empresse Sur une brouette 6 nez, entre le R et le T ? L’une s’envola 7 nez, Cette drôlesse Y’ en a plus que trois 8 nez, qui paresse, Trois mésanges vertes 9 nez, qui caresse ? S’en vont à la fête Dîner ! C’est le S, votre Altesse ! L’une se pince la queue J. Cayeux Y’ en a plus que deux Deux mésanges vertes Chantent à tue-tête Vient le clair de lune 1 et 1, 2 10 boules sur mon boulier Il n’en reste plus qu’une un lapin sans queue, 9 ruisseaux à traverser Une mésange verte 2 et 2, 4 8 chansons à chanter Triste et bien seulette un lapin sans pattes. 7 baisers à donner Mais voilà le loup Quel programme, quel programme Y’ en a plus du tout ! vite, vite il faut me lever ! 6 serviettes à plier 5 tulipes à arroser J’ai une main 4 pêches à manger Le petit Benoît compte jusqu'à trois J’ai dix doigts 3 histoires à raconter La petit Alice compte jusqu'à six En voici deux Quel programme, quel programme Mon frère Vincent compte jusqu'à cent En voici trois Vite, vite il faut me lever ! Mon cousin Emile compte jusqu'à mille 2 chaussettes à repriser Pour compte jusqu’au million, une seule lettre à en voyer Il faut s’appeler Marion ! Quel programme, quel programme ! Mais je le ferai ! Dans mon jardin deux jolis nains La cravate à petits pois pour le roi jouent au jongleur La chaussette à trous trous pour le fou avec des fleurs. Un - je vais faire du pain La machine à laver pour les pieds Quand il les voit Deux - je vais faire du feu Et la boîte à bisous pour vous. sauter de joie Trois - je vais cuire mes pois A. Serres le jardinier Quatre - je vais éplucher mes patates ouvre un d’eau Cinq - je vais cuire ma dinde et arrose les deux jumeaux. Six - je vais cuire mes saucisses P. Coran Sept - je vais faire ma galette Le bébé baobab obéit au boa Huit - c’est cuit ! Deux dindes aident un dodu dindon Neuf - je vais cuire un bœuf Le jars est jaloux des jolis jarrets Dix - c’est fini ! A l’île au lilas le loup lit la loi La pie pond sans piper 1, Le paon pompeux papote je connais quelqu’un, A. Rosenthiel 2, Le premier a mis ses chaussette, qui a de jolis yeux, Le second a chaussé ses souliers, 1, 2, 3, Le troisième les a lacés, qui aime le nougat, Le quatrième les a cirés, Kokoriko 1, 2, 3, 4, Le cinquième les a fait briller, il est huit heures à la radio qui habite à Chartres, Et zoup !... Il s’est sauvé... Kirikiki 1, 2, 3, 4, 5, On n’a retrouvé il est midi à Tahiti qui cuit des coloquintes, Que ses souliers usés ! Kouroukoukou 1, 2, 3, 4, 5, 6, il est minuit à Katmandou. qui s’appelle Clarisse ! 10
Humour Les hiboux Tigres Conseils donnés par une sorcière Ce sont les mères de hiboux Tigre et sa tigresse Retenez-vous de rire Qui désiraient chercher des poux vont à la kermesse Dans le petit matin ! De leurs enfants, leurs petits choux, danser la jabadao En les tenant sur leurs genoux avec des gens comme il faut font des N’écoutez pas les arbres politesses Qui gardent le chemin ! Leurs yeux d’or valent des bijoux Tigre et sa tigresse Leur bec est dur comme des cailloux, Puis en deux coups de museaux Ne dites votre nom Ils sont doux comme des joujoux, croquent les gens comme il faut ! A la terre endormie Mais aux hiboux points de genoux ! J.J. Kérourédan Qu’après minuit sonné ! Votre histoire se passait où, A la neige, à la pluie Chez les Zoulous, Les Andalous ? Ecureuil curieux Ne tendez pas la main ! Ou dans la cabane de bambou ? Un écureuil des écurieux A Moscou ? Ou à Tombouctou ? On dit bien l’œil N’ouvrez votre fenêtre En Anjou ou dans le Poitou ? et les deux yeux. qu’aux petites planètes Au Pérou ou chez les Mandchous ? Un écureuil qui ouvre l’œil, Que vous connaissez bien ! c’est très curieux, Hou ! Hou ! ça suit des yeux, et ça épie Confidence pour confidence Pas du tout, c’était chez les fous. toute la vie Vous qui venez me consulter, R. Desnos de la forêt. Méfiance, méfiance ! Quel indiscret ! On ne sait pas ce qui peut arriver ! J. Tardieu Attention travaux C’est une honte s’exclama Pomme et Poire l’inspecteur des travaux infinis dans l’armoire Le pélican devant le chantier silencieux : Fraise et noix Le capitaine Jonathan le serrurier est assoupi ; dans le bois Etant âgé de dix-huit ans, les menuisiers somnolent ; Sucre et pain Capture un jour un pélican les peintres reposent ; dans la main Dans une île d’Extrême Orient. les plombiers roupillent ; Plume et colle Le pélican de Jonathan, les carreleurs rêvent ; dans l’école Au matin pond un œuf tout blanc les sanitaires ronflent. Et le faiseur de bêtises Et il en sort un pélican Il n’y a que vous mon cher, bien au chaud dans ma chemise Lui ressemblant étonnamment. que vous à rester debout ; L. Bérimont Et ce deuxième pélican Votre zèle est honorable ! Pond, à son tour, un œuf tout blanc Quelle est votre affectation ? D’où sort, inévitablement - Je suis marchand de sable ! La puce Un autre qui en fait autant. P. Ferran Je suis chez moi Cela peut durer pendant très longtemps Chez tout le monde. Si l’on ne fait pas d’omelette avant. Mais j’ai l’humeur R. Desnos Trois microbes Vagabonde. Trois microbes, sur mon lit, Je saute d’une hôte Pour apprendre aux enfants l’usage se consultent, bien assis. A l’autre. des gros mots L’un s’appelle Scarlatine Ma spécialité Prenez un gros mot : éléphant Il parle d’une voix fine. Est la couture. et découpez-le en rondelles L’autre s’appelle Rougeole Je pique regardez ce qu’il y a dedans Et prend souvent la parole. Sur mesure Il y a l’aile, il y a le faon Et le troisième, Oreillons, ressemble à Et sans rature. et le total c’est l’aile et faon un champignon. D’ailleurs dans les grands magasins Mais direz-vous c’est étonnant Ils discutent pour savoir Toujours je me tiens les éléphants ont-ils des faons ? Lequel dormira ce soir Au rayon confection Non les éléphants n’ont pas d’ailes Dans mon beau lit blanc Section « Prêt-à-porter ». puisqu’ils voyagent en avion Mais fuyons tant qu’il est temps ! J. Sadeler et ils n’ont pas non plus de faons Ces trois microbes ma foi, Mais ils ont des petits éléphanteaux Dormiront très biens sans moi. Ils ne vont jamais à l’école J.L. Vanham mais ils vont parfois au zoo... C. Guillot 11
Famille Un enfant Naître Aux feuillantines Mes deux frères et moi, nous étions tous enfants, Un enfant Naître, c’est oser, Notre mère disait : Jouez, mais je défends Est assis sur un banc, c’est prendre le risque, Qu’on marche dans les fleurs et qu’on monte aux échelles. Des pigeons confiants c’est quitter la terre ferme, Roucoulent près du banc. c’est ne pas savoir à l’avance Abel était l’aîné, j’étais le plus petit Nous mangions notre pain de si bon appétit, L’enfant ce qu’il y a devant, Que les femmes riaient quand nous passions près d’elles. Aux yeux clairs c’est accepter l’inconnu, Rêve au milieu d’eux l’inattendu, Nous montions pour jouer au grenier du couvent Et les pigeons merveilleux l’imprévu, Et là, tout en jouant, nous regardions souvent Sur le haut d’une armoire un livre inaccessible. Roucoulent, joyeux. et la rencontre. Nous grimpâmes un jour jusqu'à ce livre noir, Jeune garçon, Naître, c’est quitter son abri, c’est Je ne sais pas comment nous fîmes pour l’avoir, Joue avec la vie, essuyer le vent de face Mais je me souviens bien que c’était une Bible. Jeune garçon, et porter le soleil sur son dos. Ce vieux livre sentait une odeur d’encensoir. Tu en as envie. Naître, c’est avoir trop froid Nous allâmes ravis dans un coin nous asseoir. Jeune garçon et trop chaud. Des estampes partout ! Quel bonheur ! Quel délire ! Joue avec le vent, Naître, c’est n’avoir plus Nous l’ouvrîmes alors tout grand sur nos genoux, Jeune garçon d’autre maison Et dès le premier mot il nous parut si doux Il est encore temps. que le paysage. Qu’oubliant de jouer, nous nous mîmes à lire. S. Ramant J. Debruyne V. Hugo Grand-mère Noces La réunion de famille Grand-mère a perdu la tête Pas avant des jours et des jours mais Ma tante Agathe Elle raconte à ses enfants je te le promets Vient des Carpates Des histoire pleines de vent je t’épouserai toi A quatre pattes de garde barrière, de sornettes ta sœur Et papa n’était pas content. tes trois cousines Mon oncle André Quand papa était enfant la cuisinière Vient de Niamey Ensemble, ils faisaient la fête, et la fille du chauffeur A cloche-pied Ils riaient, cassaient des assiettes de la limousine Grand-mère a perdu la tête, Pas avant des jours et des jours Mon frère Tchou Salue la poêle, caresse la banc mais c’est un secret. Vient de Moscou Chante quand souffle la tempête, J. Zacharezuk Sur les genoux Dit qu’il faut inventer le temps. Les enfants sont très contents. Ma sœur Loulou D. Thivolet Familiale Vient de Padoue La mère fait du tricot A pas de loup Le fils fait la guerre Mon enfant Elle trouve ça tout naturel la mère Grand-mère Ursule J’aime tes yeux bleus qui s’étonnent, Et le père qu’est-ce qu’il fait le père ? Vient d’Ashtabule Tes joues rouges comme des pommes Il fait des affaires Et tes cheveux qui volent, volent Sa femme fait di tricot Sur les rotules Au vent d’automne. Son fils fait la guerre J’aime ton délicieux babil Lui fait des affaires Grand-père Armand Le chant d’avril Il trouve ça tout naturel le père Vient de Ceylan De ton rire. Et le fils et le fils En sautillant O mon enfant Qu’est-ce qu’il trouve le fils ? J’aime redire Il ne trouve rien absolument rien le fils Ma nièce Ada Lorsque s’écoule l’or du soir Le fils, sa mère fait du tricot Vient de Java Le belle histoire Son père fait des affaires lui la guerre A petits pas qui t’endort. Quand il aura fini la guerre J’aime à te prendre dans mes bras Il fera des affaires avec son père Et te bercer d’une voix tendre La guerre continue la mère continue elle tricote Mon neveu Jean Tout bas, très bas... Le père continue il fait des affaires Vient d’Abidjan Et quand tes yeux se sont fermés Le fils est tué il ne continue plus Clopin-clopant Lorsque ton front sur mon épaule Le père et la mère vont au cimetière A roulé comme une fleur d’or, Ils trouvent ça tout naturel le père et la mère Oncle Firmin Vient de Pékin J’écoute des voix étranges Et je sens La vie continue la vie avec Sur les deux mains des ailes d’archanges le tricot la guerre avec les affaires Mais tante Henriette Qui me frôlent Les affaires la guerre le tricot la guerre Vient à la fête Lentes, lentes... Les affaires les affaires et les affaires Tu dors. La vie avec le cimetière. En bicyclette R. Richard J. Prévert J. Charpentreau 12
Calendrier Au pays du lundi Le roi Novembre Au pays du lundi, on démarre plein d’énergie Le Roi de carreau a dit Quand les fleurs rougiront Au pays du mardi, on continue comme lundi A la reine de cœur les capuches s’en iront Au pays du mercredi, on dors jusqu'à midi - Venez danser dans le trèfle capuches et capuchons Au pays du jeudi, on recommence c’est la vie Le valets de pique vers l’école des garçons. Au pays du vendredi, on a beaucoup d’amis Feront la haie d’honneur Tombe la pluie de novembre Au pays du samedi, la semaine est presque finie Et vous ferez mon bonheur les marrons sont sous le cendre. Au pays du dimanche, on s’embrasse, on C’en est fini de l’été mange, on rit ! La Reine de cœur a dit L’oiseau est tout étonné Au roi de carreau Capuchon capuchonné La nouvelle année Ne dansons pas dans le trèfle On te voit le bout du nez Nouvelle année, année nouvelle, Les valets de pique Souffle le vent de Novembre Dis-nous, qu’as-tu sous ton bonnet ? Feraient notre malheur Les averses vont descendre. J’ai quatre demoiselles Car ce sont des tricheurs Vers l’école des capuchons La plus jeune est en dentelles, G. Calmy et capuche s’en iront La seconde en épis, s’en iront tous les garçons La cadette est en fruits quand les feuilles voleront Et la dernière est en neige. Les marrons sont sous la cendre. Voyez le beau cortège ! La source Fouette la pluie de novembre. Nous chantons, nous dansons Tout au long de l’année B. Clavel La ronde des saisons. Me parle cette source L. Paulin En janvier enneigé, En février gelée, Souhaits Le roi Carnaval En mars encor’ boueuse, Dans l’ombre de l’hiver glacé, Le roi Carnaval En avril chuchotante, Un an tout neuf a commencé. Qui a un faux nez de carton rose En mai garnie de fleurs, Petit Papa, Maman chérie, Est à cheval En juin toute tiédeur, Je n’ai pas de gerbe fleurie Sur un bœuf gras couronné de roses. En juillet endormie, A vous offrir en ce beau jour, En août presque tarie, Mais permettez qu’avec amour, Il a des grelots argentins En septembre chantante, Au seuil de la nouvelle année, A son chapeau crevé de papier trop mince En octobre dorée, Comme une offrande enrubannée, Et porte habit brodé de satin En novembre frileuse, Je vous souhaite de tout cœur Comme le plus mirobolant des princes. En décembre glacée. Beaucoup de joie et de bonheur ! C’est toi, petite source, R. Richard Les collets montés et les arlequins Le cœur de la forêt ! Lui font une royale cour L. Guillaume Et mènent du bout des doigts comme faquins Février Des fées aux masques de velours. « Moi, je suis le second, le mois T. Klingsor Du mardi gras » chantonne Février. Noël « Confettis, mirlitons, masque rose Le comte de la Mi-Carême Trois petits sapins De chat, nous voici déguisés ! Venant d’Espagne ou de Bohème, se donnaient la main Allons nous amuser ! » Au trot de son lent cheval blanc, car c’était Noël Passe dans les villes de Brabant de la terre au ciel. Le comte de la Mi-Carême. Prirent le chemin Juin menant au village Dans la meute de foin, Ceux qui ne l’ont pas aperçu jusqu'à l’étalage S’est caché, aujourd’hui, Quand vers le soir sonnent les cloches, d’un grand magasin. Le gentil mois de Juin, C’est qu’ils eurent les yeux en poche. Là ils se couvrirent Il dit à la souris : Mais tous les enfants, eux, tous l’ont vu. de tout ce qui brille : « C’est l’été, il fait bon, De sa main gauche, il tient des fouets boules et bougies, Viens rentrer la moisson ! » Et de sa main droite, un lot de jouets guirlandes pour luire, En bois léger, en carton, en pierre. et s’en retournèrent Il en a plein trente paniers. la main dans la main Octobre Il en a plein vingt sacs de toile, par le beau chemin Je suis le mois des vendanges, Et l’on prétend qu’en chaque étoile de l’étoile claire Dit Octobre en souriant. Il en a plein trois cents greniers. jusqu'à la forêt J’ai peut-être l’air étrange Mais avec tous où minuit sonnait, mes pieds, Ainsi lesté, ainsi chargé, car c’était Noël J’écrase les raisins S’en va d’un pas toujours le même, de la terre au ciel. Pour faire du bon vin ! Par les chemins des soirs légers J.L. Vanham Et, pendant ce temps-là, Le comte de la Mi-Carême. La petite souris E. Verhaeren Croque une pomme d’api ! 13
Saisons Le bel automne est revenu Quand s’annonce l’automne Le printemps A pas menus, menus, La marmotte marmonne Le Temps a laissé son manteau Le bel automne est revenu, Rentre dans sa maison De vent, de froidure et de pluie, Dans le brouillard, sans qu’on s’en doute. Et dit : « C’est la saison Et s’est vêtu de broderie Il est venu par la grand-route, Où mon lit a du bon De soleil luisant, clair et beau Habillé d’or et de carmin Dormons ». Il n’y a bête ni oiseau Et, tout le long de son chemin, Et elle attend le temps Qu’en son jargon ne chante ou crie : Le vent bondi, les pommes roulent, Du soleil, le printemps, « Le temps a laissé son manteau Il pleut des noix, les feuilles croulent... En dormant. De vent, de froidure et de pluie. » Ne l’avez-vous pas reconnu ? G. Jean Rivière, fontaine et ruisseau Le bel automne est revenu. portent en livrée jolie R. Richard Gouttes d’argent d’orfèvrerie ; Hiver Chacun s’habille de nouveau : Chaleur Hiver, vous n’êtes qu’un vilain ! Le Temps a laissé son manteau. L’air est pesant comme du plomb. Eté est si plaisant et gentil... C. D’Orléans Tombant d’aplomb, Eté revêt champs, bois et fleurs Le soleil grille les feuillages. De sa livrée de verdure Pas un frisson, Et de maintes autres couleurs... Pas un nuage. Les maisons dorment volets clos. Mais vous, hiver, vous êtes plein Météorologie Les bœufs se couchent dans l’enclos. De neige, vent, pluie et grésil... L’oiseau vêtu de noir et de vert Signe d’orage : Hiver, vous n’êtes qu’un vilain. m’a apporté un papier vert Les hirondelles rasent l’eau, C. D’Orléans Qui prévoit le temps qu’il va faire Les mouches vous piquent la peau... Le printemps a de belles manières. Ah ! qu’il fait chaud ! L’oiseau vêtu de noir et de blond R. Richard Oiseaux qui portez les saisons M’a apporté un papier blond L’oiseau de l’été Qui fait bourdonner les frelons. Chaleur L’oiseau doré des courses folles, L’été sera brûlant et long. Tout luit, tout bleuit, tout bruit. d’aventures qui rient L’oiseau vêtu de noir et de jaune Le jour est brûlant comme un fruit en grappes de raisin... M’a apporté un papier jaune Que le soleil fendille et cuit. Personne n’aime voir Qui sent bon la forêt d’automne. Chaque petite feuille est chaude l’oiseau gris de l’automne, L’oiseau vêtu de noir et de blanc Et miroite dans l’air où rode la lumière cassée, M’a apporté un flocon blanc. Comme un parfum de reine-claude. les soirées monotones... L’oiseau couleur de temps, Du soleil comme de l’eau pleut Oiseaux blancs de l’hiver que m’apportera-t-il ? Sur tout le pays jaune et bleu grands oiseaux éclatants C. Roy Qui grésille et oscille un peu. faites venir le temps A. De Noailles des fenêtres qui s’ouvrent, du soleil qui joue du piano L’arc en ciel dans les cheveux, sur les rideaux. De sa cage de nuages et de pluie Faites monter de l’horizon Printemps Un bel oiseau s’est évadé l’oiseau du printemps, l’oiseau fou L’oiseau vert vient de passer Pour se poser sur les doigts du soleil pour les premiers bonheurs de l’herbe, vole, vole bel oiseau vole, Bleu indigo violet pour la joie dorée des coucous, L’oiseau vert vient de passer Vert jaune orangé rouge pour le grand rire des poumons... Nous irons après l’école Plus un enfant ne bouge A. Mondo Nous irons en bande folle, Le bel oiseau a déployé Dans les chemins verts danser Les plumes sur le ciel Vole, vole bel oiseau vole, R. Besse Rêve d’hiver Le printemps va commencer. Sur le prunier blanc X. Privas Automne le rossignol dort, Dans le brouillard s’en vont un paysan cagneux transi, Et son bœuf lentement dans le brouillard d’automne rêvant au printemps Qui cache le hameaux pauvres et vergogneux et d’un genêt d’or Et s’en allant là-bas le paysan chantonne Une chanson d’amour et d’infidélité fleuri. Quand Automne en saison revient Qui parle d’une bague et d’un cœur que l’on Tanaka Quand automne en saison revient, brise La forêt met sa robe rousse Oh ! l’automne a fait mourir l’été Et les glands tombent sur la mousse Dans le brouillard s’en vont deux silhouettes Où dansent en rond les lapins. grises Les souris font de grands festins G. Apollinaire Pendant que les champignons poussent. Oh ! Que la vie est douce, douce, Quand automne en saison revient. Samivel 14
Nature Dame la pluie Rébus élémentaire Ordre cosmique Que faites-vous dame la pluie Ma première Le vent s’enroule autour des pins, Sur mes carreaux frappant ainsi ? C’est la terre Souffle tout au long de la plaine, Pour la labourer. Sème des fleurs dans le jardin, Le ciel a donc tant de chagrin Mon second Joue avec l’eau de la fontaine. Qu’il pleure depuis ce matin ? L’air profond La terre s’ouvre autour du grain, Que faites-vous dame la pluie Pour le respirer. Eternelle mère porteuse, Sur mes carreaux frappant ainsi ? Ma troisième Jamais sollicitée en vain, Lavez-vous le joli jardin L’eau bohème Elles est nourrice, elle est vieillesse. La maison, le toit, le chemin ? Pour la savourer. Le soleil jette son reflet Que faites-vous dame la pluie Mon dernier Sur l’écume de l’onde amère, Sur mes carreaux frappant ainsi ? Feu sorcier Et va finir son tour complet Pour nous éclairer. Aux portes de l’autres hémisphère. B. Lorraine La nuit proche hésite un instant, Le brouillard Heure bleue où la mer s’apaise, Le brouillard a tout mis Devient murmure en chuchotant Dans son sac de coton ; Il prend une boule de neige Il prend une boule de neige Berçant le sable et la falaise. Le brouillard a tout pris Le monde, ici, peut s’endormir, Autour de ma maison. La serre très fort sur son cœur Chacun fera ce qu’il doit faire, Plus de fleurs au jardin, Et fond tout entier avec elle L’aurore va redécouvrir Plus d’arbres dans l’allée ; Ne laissant ici-bas le Soleil, l’Eau, l’Air et la Terre. La serre du voisin Qu’une paire de bretelles C. De La Soujeole Semble s’être envolée. Dans une flaque d’eau. Et je ne sais vraiment P. Vincensini La pluie Où peut s’être posé La rivière endormie La pluie n’a jamais froid Le moineau que j’entends Même en automne grise Dans son sommeil glissant l’eau suscite une songe Si tristement crier. un chuchotis de joncs de roseaux d’herbes lentes Elle glisse sur le bord du toit M. Carême et ne sais jamais bien dans son dormant mélange Joue aux balançoires des feuilles où le bougeant de l’eau cède au calme des plantes Va sur l’étang Pierres La rivière engourdie par l’odeur de la menthe A petits pas dans les draps de son lit se retourne et se coule Le ruisseau use Mêlant ses mortes eaux à sa chanson coulante La pluie n’a pas peur de nous Les pierres dures ; elle est celle qu’elle est surprise d’être une autre Elle attend nos yeux jusqu'à l’aube Les pierres durent, L’eau qui dort se réveille absente de se flot Prend nos vitre pour un miroir Le ruisseaux ruse. écarte de ses bras les lianes qui la lient Regarde Et cela dure déjouant la verdure et l’incessant complot Et ne se reconnaît pas Depuis longtemps. qu’ourdissent dans son flux les algues alanguies G. Bocheleir Un jour pourtant, C. Roy Le ruisseau dur Elle est là dans le verre Est triomphant : Au vent Pour se désaltérer. Les pierres s’usent, Monsieur le vent sauvage Pour bouillir... Elles s’amusent, Demande passage. Hou ! Hou ! Au robinet pour se laver... Avec le temps. Monsieur le vent voyage Dans l’arrosoir, pour arroser Les pierres musent, Sans bagages partout. Dans la rivière, pour rafraîchir Elles s’amusent, Cher vent, as-tu une bouche ? Dans le canal Mais elles s’usent ; Saurais-tu au cours de ta ronde Dans les nuages Le temps abuse Porter un message ? Elle est dans la fontaine De ses patients. Alors je t’en prie, pour décorer. Le ruisseau dur, Dis bonjour et salue Et dans la citerne pour éteindre le feu. Avec le temps, Les enfants du monde, Dans le barrage Le ruisseau use Mes amis pour nous donner de la lumière... Les pierres dures. B. Tanaka Et dans la mer, pour naviguer Le ruisseau dure, Et partout pour vivre ! Les pierres s’usent, C’est l’eau ! Le temps attend. Des branches Des feuilles C. Solé Vendrelle J. Demeuzes Des pétioles Des folioles Un monde ramifié Pluie Soliloque qui bouge, bruit et bondit. Les doigts Quand la pluie pique Un royaume de verdure innombrables son plic est réciproque : de vertiges et de vent, de la pluie un labyrinthe de souffles le choc s’applique pianotent et de murmures. et réplique ploc ! aux fenêtres Un arbre en somme. A. Serres du ciel L. Spède J. Lacarière 15
Nature Le petit nuage La chanson du brouillard Les étoiles filantes Minuscule et blanc, un nuage J’ai une gomme dans la main A travers le ciel sonore, dans le ciel traînait son ennui Et j’efface les canards Tandis que du haut des nuits, quelle idée aussi à son âge Dans le ciel blanc du matin. Pleuvent, poussière d’aurore, d’être amoureux fou de la nuit ! Je suis le brou, le brouillard. Les astres épanouis, Tas de feux tombants qui perce Elle ne se doutait de rien J’ai une gomme dans la main. Le zénith vaste et bruni mais voyant toujours son air triste Les forêts au désespoir braise énorme qui disperse et voulant calmer son chagrin, Ont perdu tous leurs sapins. L’encensoir de l’infini ; lui dit un soir à l’improviste : Je suis le brou, le brouillard. En bas, parmi la rosée, « Alors, qu’as-tu bébé nuage, Etalant l’arum, l’oeillet Tu n’as jamais de compagnon, J’ai une gomme dans la main. La pervenche, la pensée, Amuse-toi un peu, voyage ! » N’espérez plus vous revoir. Le lys la lueur de juillet, Encore plus triste il lui dit « non » J’ai brouillé vos deux chemins. De brume à demi noyée, Je suis le brou, le brouillard. Au centre de la forêt, « Que voudrais tu que je te donne, La prairie est déployée, Veux-tu un orage, un grand vent Mais quand le soleil revient Et frissonne, et l’on dirait avec un ciel tout noir qui tonne Précédé par les fanfares. Que la terre sous les voiles ou une brise de printemps ? Je lui rends c’que j’ai volé. Des grands bois mouillées de pleurs, Aimes-tu mieux un alizé ? Je suis le brou, le brouillard. Pour recevoir les étoiles un aquilon impétueux ? Tend son tablier de fleurs. Je ne veux rien te refuser ! Je lui rends tous les sapins V. Hugo La lune avait fermé les yeux. Où se posent les canards. A l’amour fou ses lendemains. Le petit nuage, pas bête, Je suis le frou, le froussard. aussi rouge qu’une cerise, D. Scheinert répondit en baissant la tête : « Nuit, je voudrais bien ...une bise ! » M. Beau Paysage des Alpes La mer Sure un des verts plateaux de Savoie, La mer roule indéfiniment Oasis dont la roche a fermé toute voie, sa vague verte sur le sable de la plage La nature étendit quelques étroites pentes La mer murmure indéfiniment Où le granit retient la terre entre les fentes Et ne permet qu’à peine à l’arbre d’y germer, le bruit des sternes et des mouettes A l’homme de gratter la terre et d’y semer. et des grands oiseaux de l’océan D’immenses châtaigniers aux branches étendues La mer chante indéfiniment Y cramponnent leurs pieds dans les roches fendues, la chanson du vent et des coquillages Et pendent en dehors sur des gouffres obscurs, et celles des pêcheurs ramants vers l’horizon Comme la giroflée aux parois des vieux murs ; la mer roule indéfiniment On voit à mille pieds au dessous de leurs branches, sa vague verte sur le sable de la plage. La grande plaine bleue avec ses routes blanches ; M.F. Delarozière Les moissons jaunes d’or, les bois comme un point noir, Et les lacs renvoyant le ciel comme un miroir... Un n’entend d’autres bruits dans cet isolement, Le silence du soir Que quelques voix d’enfants ou quelque bêlement Ce silence du soir, De génisses ou de chèvres au ravin descendues, Ce n’est pas le silence. Ecoute ! Tout est noir, A. de Lamartine La nuit obscure fait toute chose pareille, Le ciel verse un repos immense ; pour l’oreille Le sentier Tout bruit a cessé. L’âme entend en ce moment Il est un sentier creux dans la vallée étroite, Une foule de voix sortir confusément Qui ne sait trop s’il marche à gauche ou bien à droite. De cette ombre en disant des choses inconnues. C’est plaisir d’y passer lorsque Mai sur ses bords, Il semble que les eaux, les plaines et les nues Comme un jeune prodigue, égrène ses trésors ; Sont pleines de secrets qu’elles vont révéler, l’aubépine fleurit ; les frêles pâquerettes, Pour fêter le printemps, ont mis leurs collerettes. Et dès que tout se tait, tout commence à parler. La pâle violette, en son réduit obscur, V. Hugo Timide, essaie au jour son doux regard d’azur, Le gai bouton d’or, lumineuse parcelle, Voilà Pique le gazon vert de sa jaune étincelle. Voilà Le muguet, tout joyeux, agite ses grelots, Les arbres avec du sucre sur le nez Et les sureaux sont blancs de bouquets frais éclos ; La route toute poudrée Les fossés ont des fleurs à remplir vingt corbeilles, Le ciel enfariné A rendre riche en miel tout un peuple d’abeilles... S. Gautier La neige a tout changé A.M. Chapouton 16
Bestiaire La maison de l’escargot Les larmes de crocodile Un matin l’escargot gris Un gros père crocodile Las de traîner son logis pleure dans son grand mouchoir S’en vas chercher un maçon Dans larmes de crocodile Pour construire une maison. parce qu’il a mangé hier soir Il s’en va trouver le pivert trois jolis petits canards. L’atelier n’est pas ouvert. Mais il a toujours très faim, Il frappe chez le lièvre il recommencera demain. Mais celui-ci a de la fièvre. Et tous les jours sur son île Il sonne chez l’écureuil Le gros père crocodile Mais celui-ci à mal à l’œil. Pleure dans son grand mouchoir Il s’en va chez le serpent En plaisant les petits canards. Celui-là a mal aux dents. R. Lichet La grenouille Elle reste si longtemps tranquille, la grenouille de la marre, Le chat avec son dos vert qui brille, Le chat qui marche l’air de rien assise sur son nénuphar... Voudrait se mettre sous la dent que j’ai cru qu’elle n’était pas vraie L’oiseau qui vit de l’air du temps et que j’ai lancé dans l’eau sale Oiseau voyou oiseau vaurien des cailloux pour la faire sauter. Faisant celui qui n’a pas l’air Elle saute bien mais elle chante mal. Le chat prend l’air indifférent L’oiseau s’estime bien content La girafe Et se déguise en courant d’air. J’ai lavé ma girafe C. Roy Avec de l’eau de naffe. Ah ! comme elle sent bon ! Avec ses belles taches Coccinelle Sur son pelage blond, Une demoiselle Elle s’admire en long Voulait s’envoler Dans chaque flaque La fleur était si belle Et son bonheur est si radieux Et le vent si léger Que tout à coup, Que sa coccinelle changea d’idée Elle fait un gros nœud Et rentra ses ailes dorées Avec son cou. A.M. Chapouton M. Carême La jungle Deux dindons Tapi dans l’herbe humide et sur soi reployé, Deux dindons Le tigre au ventre blanc, au souple dos rayé, jouent aux dés Dormait ; et par endroits, le long des vertes îles, sur le dos Comme des troncs pesants flottaient les crocodiles ; d’un dromadaire. Parfois un éléphant songeur, roi de forêts, Celui des deux qui perd Passait et se perdait dans les sentiers secrets, Est privé de désert Vaste contemporains des races terminées, Triste, et se souvenant des antiques années. L’inquiète gazelle, attentive à tout bruit, Le coq Venait, disparaissait, comme le trait qui fuit ; Il sort du nid Au-dessus des nopals bondissait l’antilope ; et plein de zèle Et sous les noirs taillis dont l’ombre l’enveloppe, il bat des ailes. L’œil dilaté, le corps nerveux et frémissant, Il se pavane, La panthère à l’affût humait le jeune sang. tourne, s’arrête Du somment des palmiers pendaient de grands reptiles ; lève la tête. Des couleuvres glissaient en spirales subtiles ; Et peu à peu Et sur les fleurs de pourpre et sur les lys d’argent, Il monte au sommet de l’arbre Emplissant l’air d’un vol sonore et diligent, Et de là haut fièrement perché, Dans la forêt touffue aux longues échappées Cou en avant queue étalée, Les abeilles vibraient, d’un rayon d’or frappées. Poitrail brillant, crête dressée, Leconte de Lisle Le coq, lyrique, coquerique. B. Tanaka 17
La panthère noire Zoo Par les entiers perdus aux creux des forêt vierges, A la tombée de la nuit Où l’herbe épaisse fume au soleil du matin, Quand se sont refermées les grilles Le long des cours d’eau vive encaissés dans leurs berges L’éléphant rêve à son grand troupeau Sous de verts arceaux de rotin. Le rhinocéros à des troncs d’arbres La reine de Java, la noire chasseresse, L’hippopotame à des lacs clairs Avec l’aube revient au gîte où ses petits, La girafe à des frondaisons de fougères Parmi les os luisants, miaulent de détresse, Le dromadaire à un oasis tintantes Les uns sous les autres blottis. Le bison à un océan d’herbes Inquiète, les yeux aigus comme des flèches, Le lion à des craquements Elle ondule, épiant l’ombre des rameaux lourds, dans les feuilles Quelques taches de sang, éparses et toutes fraîches, Le tigre de Sibérie à des traces Mouillent sa robe de velours. sur la neige Sous la haute fougère elle glisse en silence, L’ours polaire à des cascades Parmi les troncs moussus s’enfonce et disparaît, poissonneuses Les bruits cessent, l’air brûle, et la lumière immense La panthère à des pelages Endort le ciel et la forêt. passant dans des rayons de lune Leconte de Lisle Le gorille à des bananiers croulants de leurs fleurs violettes L’aigle à des coups de vent dans des canyons de nuages Le phoque aux archipels mouvants de la banquise disloquée Les enfants des gardiens à la plage M. Butor 18
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