Blizzard et Pénombre : deux Côté moins connus - Érudit
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Document generated on 03/01/2020 9:53 a.m. Lurelu Blizzard et Pénombre : deux Côté moins connus Sébastien Chartrand Volume 37, Number 1, Spring–Summer 2014 URI: https://id.erudit.org/iderudit/71560ac See table of contents Publisher(s) Association Lurelu ISSN 0705-6567 (print) 1923-2330 (digital) Explore this journal Cite this article Chartrand, S. (2014). Blizzard et Pénombre : deux Côté moins connus. Lurelu, 37 (1), 95–96. Tous droits réservés © Association Lurelu, 2014 This document is protected by copyright law. Use of the services of Érudit (including reproduction) is subject to its terms and conditions, which can be viewed online. https://apropos.erudit.org/en/users/policy-on-use/ This article is disseminated and preserved by Érudit. Érudit is a non-profit inter-university consortium of the Université de Montréal, Université Laval, and the Université du Québec à Montréal. Its mission is to promote and disseminate research. https://www.erudit.org/en/
TO U REL U Blizzard et Pénombre : 95 deux Côté moins connus Sébastien Chartrand Pour beaucoup de jeunes lecteurs des an- popularité de Bob Morane, auquel on fera De retour chez lui pour un bref repos, nées 80, La courte échelle était la maison référence tout au long du récit. Cependant, Moraine-qui-n’est-pas-un-personnage fait d’édition prédominante pour les choix de Côté trace son intrigue en ajoutant au fur et à nouveau face aux menaces de la Pénom- lecture. Et ceux qui se lassèrent des per- à mesure les informations nécessaires pour bre Jaune. On découvre que l’auteur de la sonnages du type «enquêteur de douze que le lecteur puisse savourer toute l’histoi- série Moraine prépare un ultime roman et ans» en vinrent vite à se plonger dans les re sans être entravé par sa méconnaissance que les aventures vécues par le Moraine péripéties science-fictionnelles de la série du personnage d’Henri Vernes. «réel» semblent tirées de ce récit! Pour «Maxime» de Denis Côté, dont trois tomes La Pénombre Jaune débute par la ren- affronter de nouveau la Pénombre Jaune, (Les yeux d’Émeraude, La nuit du vampire contre du personnage-narrateur avec un Moraine «réel» emprunte la voie des eaux et Le voyage dans le temps) furent adaptés certain Bob Moraine – qui, comme tous les jusqu’à l’ile d’Orléans où il sera attaqué par au petit écran. personnages tirés de la série, porte un nom des hordes de guerriers narcoïts (dacoïts Néanmoins, d’autres ouvrages moins légèrement modifié. chez Vernes) puis sauvé, cette fois, par connus de Denis Côté valent la peine qu’on Ce Moraine bien modeste, grand lecteur la séduisante nièce de son ennemi, Tania s’y attarde. On oublie trop souvent l’éton- des aventures du Bob Moraine fictif, a calqué Karloff (Orloff)… nant Les Géants de Blizzard, un des rares ro- sa vie sur celle de son héros : se coiffer les Que se passe-t-il? La fiction semble peu mans de science-fiction de La courte échelle cheveux en brosse, s’inscrire à Polytechni- à peu prendre le pas sur la réalité… une dis- à l’époque. Rares aussi les lecteurs qui se que, devenir pilote… jusqu’à ce que l’enne- cussion avec le créateur de la série Moraine souviennent de La Pénombre Jaune, paru mi juré du Moraine fictif, la Pénombre Jaune nous apprendra que c’est le cas! Citant chez Médiaspaul. Pourtant, ces deux œuvres (Ombre Jaune dans l’œuvre de Vernes), en les théories de Bertrand Méheust, l’auteur de l’auteur de Québec méritent d’être relues vienne à entrer en contact avec lui! expliquera que les produits de l’imaginaire par les enseignants d’aujourd’hui. Dans un Se lançant sur les traces de l’affreux finissent par se manifester dans la réalité… article du Journal de Montréal, Louise Blan- Ling (Ming chez Vernes), ce Moraine-qui- et c’est en faisant usage de ces révélations chard écrivait : «Denis Côté touche au cœur n’est-pas-LE-Moraine vivra une aventure que Moraine «réel» triomphera de la Pé- de préoccupations bien modernes et passe semblant sortie tout droit de l’imaginaire nombre Jaune. son message avec conviction : son style de Vernes : téléporté de son propre appar- Un dénouement inattendu qui laisse le est prenant, sa structure bien équilibrée, tement malgré lui, Moraine découvrira en lecteur songeur. On se rapproche énormé- sa montée des évènements bien calculée» pleine forêt canadienne un temple mongol ment des thèses du philosophe George (citée sur le site Web de La courte échelle). où les péripéties classiques l’y attendent : Berkeley, selon lesquelles les idées ont Les deux œuvres présentées dans cet article guerriers primitifs, murs couverts de scor- une cause extérieure à la conscience, une correspondent tout spécialement à cette pions, grenouilles venimeuses et veuves cause spirituelle et non matérielle : la seule description et, bien qu’âgées de presque noires. S’échappant in extrémis de ce lieu chose qui existe est ce que nous percevons trente ans, parviennent toujours à toucher infernal, il aboutira dans une ville déserte et non l’objet en lui-même (ou, de façon les préoccupations actuelles. où un immense robot à l’effigie de monsieur plus moderne, repensons au concept du Ling sème la terreur… pour être sauvé par film Matrix). La Pénombre Jaune : et si c’était vrai ? Bill Ballantrae (ou Ballantine), le célèbre Ainsi, une histoire imaginaire est-elle faire-valoir écossais de Moraine. moins réelle que la «vraie» réalité? Tout La Pénombre Jaune est un roman fort Dès lors, une question s’impose dans l’intérêt du récit réside dans ce question- particulier, à l’intrigue simple mais aux l’esprit du lecteur : qui est le plus «vrai» nement. «Lisez, créez, imaginez!» semble implications complexes. Sans difficulté, le des deux Bob Moraine? Le personnage prôner l’auteur. La Pénombre Jaune crée jeune lecteur comprend le sens de l’histoire, de roman, auquel on attribue toutes ces une ouverture pour un questionnement phi- toutefois il risque de réfléchir longtemps, péripéties, ou le Bob Moraine qui vit et res- losophique poussé, tout en conférant plus par la suite, à son étrange dénouement. pire, auquel ces aventures stupéfiantes ne de substance à l’imaginaire, et cela d’une Seul aspect qui a peut-être mal vieilli : la devraient pas arriver? façon unique en littérature jeunesse.
lurelu volume 37 • no 1 • printemps-été 2014 96 Édition 1985 Édition 1990 Les Géants de Blizzard : une allégorie du les personnages du récit –, Chrysalide s’em- La conclusion est émouvante et laisse monde moderne et un manifeste pacifiste barque à bord du vaisseau Taureau pour songeur : le bienêtre et la paix sont-ils pos- tourner le documentaire dénonciateur. sibles? La dernière phrase de Braal porte à Dans son édition d’origine, Les Géants de Le voyage spatial, riche en péripéties, réfléchir : «Pour les êtres vivants qui vivent Blizzard surprenait dès le premier coup surprend par le côté non violent incarné dans cet univers, il restera toujours un bout d’œil : une couverture signée par Serge par Chrysalide. Alors que des créatures in- de chemin à faire. Toujours.» Chapleau, le célèbre caricaturiste, don- sectoïdes cherchent à détruire leur vaisseau Les Géants de Blizzard ne laisse pas le nait au roman un sérieux et une maturité et que les deux autres voyageurs pensent à lecteur indifférent. Ce manifeste pour les qu’on ne retrouvait pas chez les autres les tuer en vertu du principe «c’est eux ou solutions pacifiques, tout comme la prise livres de la série «Roman jeunesse» de La nous», Chrysalide insiste pour user d’une de conscience de la violence latente qui courte échelle. Ses illustrations intérieures décharge électrique inoffensive destinée à réside dans chaque être, a le mérite d’être n’auraient pas détonné dans une revue de effrayer et éloigner les créatures. D’autres présenté avec imagination et créativité. science-fiction pour adultes. Peut-être pour êtres, semblables à des poissons spatiaux, cette raison, on fit quelques années plus paraissent plutôt portés à manifester leur Des livres à redécouvrir tard une réédition illustrée par Stéphane amitié qu’à incommoder les voyageurs. Poulin, où les personnages revêtaient une Mais c’est une fois les héros rendus Œuvres habiles et moins connues de Denis apparence plus proche du dessin animé. sur Blizzard que l’allégorie se fait plus Côté, La Pénombre Jaune et Les Géants de Le texte ne manquait pourtant pas, lui forte. Les travaux miniers menés sur cette Blizzard gagnent à être relues. Non seule- aussi, de sérieux et de maturité. Dans un planète neigeuse semblent paralysés par ment celles-ci s’intègrent très bien dans empire galactique où s’opposent deux l’intervention d’inquiétants géants blancs, les cours d’éthique au primaire, mais elles superpuissances (écrit en 1984, le roman se tenant pourtant à l’écart et ne faisant portent le lecteur à réfléchir sur le monde trahit l’influence de la guerre froide), un montre d’aucune violence. qui l’entoure, à remettre en question ses petit groupe de résistants de toutes races Apeurés, les militaires en place tentent certitudes et à s’interroger sur le sens des cherche à prouver, par le tournage d’une d’abattre les géants, lesquels ne font que pensées qui l’habitent, une rareté en litté- vidéo risquée, que Blizzard, une planète disparaitre et réapparaitre. L’agressivité ne rature jeunesse. minière lointaine, emploie des esclaves sert à rien, et les travaux piétinent jusqu’à ce comme ouvriers. que les talents télépathiques de Chrysalide Dès les premières pages, on sent le soient sollicités : on découvre alors que propos pacifiste. Dans ce monde futuriste, Blizzard est peuplée d’une race bien étrange les deux blocs politiques se disputent l’ob- où chaque individu revêt l’apparence d’un tention d’une planète riche par un tournoi flocon de neige. Les Blizzardiens, nous ap- d’échecs. Mais c’est l’entrée de Chrysalide, prennent les talents de Chrysalide, étaient la protagoniste principale, qui donne le ton jadis entredéchirés par les guerres et déci- au récit. Télépathe – ou plutôt «empathe» dèrent, pour se purger définitivement de la –, elle parcourt une foule en percevant violence, d’adopter ces corps cristallins et de malgré elle la haine que refoule chaque se fondre en une intelligence collective. Les individu et elle fait le triste constat, dès les géants s’avèrent n’être qu’une apparence premières pages, que la violence existe en qu’ils adoptent pour effrayer les militaires et chaque individu. les inciter à quitter leur planète, exactement Choisie avec deux autres personnages comme Chrysalide le fit pour les êtres insec- – Élée et Braal, non-humains comme tous toïdes qui menacèrent son vaisseau.
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