Brooklyn Secret de Isabel Sandoval - n 2197 - Les Fiches du Cinéma
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SOMMAIRE FILMS DU 1ER JUILLET 2020 Brooklyn Secret HHH de Isabel Sandoval Le Colocataire HHH de Marco Berger Irrésistible HH de Jon Stewart Jumbo H de Zoé Wittock Les Parfums HH de Grégory Magne
ÉDITO Cinéma, critiques et féminisme En marge des Chroniques du cinéma confiné que nous avons publiées tout au long des trois mois de fermeture des salles de LES FICHES DU CINÉMA 26, rue Pradier cinéma, nous avons mené une correspondance avec Iris Brey, 75019 Paris doctorante en cinéma et ancienne membre du comité de rédaction Administration & Rédaction : des Fiches au début des années 2010, qui venait de publier son 01.42.36.20.70 second essai, Le Regard féminin, une révolution à l’écran. Nous .............................................................. RÉDACTEUR EN CHEF en avons tiré une interview au long cours, qui constitue une sorte Nicolas Marcadé le bonus track d’un album qui s’est révélé en quête de sens sur redaction@fichesducinema.com les modes et les façons de faire du cinéma. RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT Passée la sidération de constater que tout peut s’arrêter comme Michael Ghennam michael@fichesducinema.com si l’on était dans un film diffusé sur une plateforme en ligne et que SECRÉTAIRE DE RÉDACTION le spectateur du monde avait appuyé sur pause, nous avions là la Thomas Fouet possibilité de voir défiler nos pensées sur un écran désormais blanc. thomas@fichesducinema.com C’était finalement une chance car les semaines qui ont précédé .............................................................. ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO le confinement ont été particulièrement agitées dans le milieu François Barge-Prieur, Adèle du cinéma et l’écho du bruit social était strident. Nos cerveaux Bossard-Giannesini, Isabelle Boudet, cognaient les parois de nos crânes, enjoints à se positionner Jef Costello, Clément Deleschaud, sur l’affaire Haenel ou sur l’affaire Polanski. Paul Fabreuil, Florian Fessenmeyer, Thomas Fouet, Margherita Gera, Et la teneur des débats tendait à polariser les réflexions sur Michael Ghennam, (Pierre-)Simon un principe d’identification. La lutte féministe est portée par Gutman, Simon Hoareau, Astrid des femmes. La lutte anti-raciste est portée par des racisés. Jansen, Amélie Leray, Nicolas La lutte pour la justice sociale est portée par des pauvres. La lutte Marcadé, Marine Quinchon, Gaël Reyre, Chloé Rolland, Louis Roux, écologique est portée par des vegan. Etc. Or l’injonction Gilles Tourman, Marie Toutée, à catégoriser systématiquement ces luttes permet généralement Nathalie Zimra. de clore les débats. Avoir un point de vue sur la famille Traoré, sur Les commentaires des «Fiches» Marion Cotillard ou sur Iris Brey détourne du sujet. En revanche, reflètent l’avis général du comité .............................................................. observer ce qui bouge et essayer de comprendre ce qui coince PRÉSIDENT permet, par exemple, de réfléchir aux raisons et à l’impact d’un François Barge-Prieur contrôle systémique des individus racisés sur le territoire français ; ADMINISTRATION de questionner nos modes de production, conçus pour maintenir administration@fichesducinema.com TRÉSORIER un niveau de consommation débridé ; d’accueillir l’idée que la prise Guillaume de Lagasnerie en compte du regard féminin dans nos sociétés constitue une Conception Graphique révolution, que ce soit à l’écran, à la tête de grandes villes ou dans 5h55 la chambre à coucher. Nous pouvons avoir des réserves sur l’essai www.5h55.net IMPRESSION d’Iris Brey, nous méfier du principe consistant à poser une grille de Compédit Beauregard lecture trop précise sur une œuvre d’art, craindre que l’inconscient 61600 La Ferté-Macé d’un artiste soit policé et les pulsions nettoyées… Cependant prendre Tél : 02.33.37.08.33 en compte la sous-représentation de l’expérience féminine dans .............................................................. «Les Fiches du Cinéma». le cinéma ne devrait pas constituer un acte clivant. Et d’un point Tous droits réservés. de vue critique, et cinéphile, cette ouverture vers un regard féminin Toute reproduction même partielle des est un premier pas décisif pour ouvrir le champ des possibles à textes est soumise à autorisation. de nouvelles formes, de récit et de mise en scène. Ne serait-ce que Photo de couverture : Abou Leila (UFO Dist.) pour cela, il nous semble important de ne pas balayer le problème. © UFO Dist. Voire même de l’élargir à d’autres sphères que le genre. WWW.FICHESDUCINEMA.COM CHLOÉ ROLLAND
Conversation avec Iris Brey par Chloé Rolland Iris Brey est docteure en études cinématographiques de l’université de New York. Elle a collaboré aux Fiches du Cinéma à l’aube des années 2010 et écrit aujourd’hui pour Médiapart, Les Inrockuptibles et France Culture. Elle a publié en février 2020 son second essai, Le Regard féminin une révolution à l’écran, tan- dis que la grande famille du cinéma implosait à la cérémonie des Césars, climax d’une année de tension autour des questions de légitimation / censure de Polanski, de parité hommes / femmes et de l’invisibilisation des personnes racisées et sur fond de révéléation des abus qu’aurait subis, enfant, Adèle Haenel de la part du réalisateur Christophe Ruggia. La vague me too atteignait donc les cotes françaises, quand l’ouvrage d’Iris Brey proposait de définir une nouvelle cartographie du cinéma aux territoires plus féminins, en causant des remous d’une grande violence dans le milieu critique. Le confinement y a mis un terme provisoire et, invitant Iris à participer à nos Chroniques du cinéma confiné, nous avons finalement entamé une correspondance qui s’est étendue du 20 avril au 20 juin 2020. © les Fiches du Cinéma 2020
Chloé Rolland : Le confinement a débuté alors que ton livre la Cinémathèque française.” Je n’ai rien contre Jean Epstein “Le Regard féminin” venait de sortir et agitait le monde du et ses films. Ce choix est un exemple parmi tant d’autres. cinéma déjà bien secoué après ce que l’on appelle l’affaire Cependant, l’invisibilisation systémique des femmes, de leur Haenel (victime) et l’affaire Polanski (accusé). Autrement dit génie, de leurs inventions, me semble être d’une plus grande dans un climat d’extrême polarité autour de la question du violence que d’interroger la programmation d’un film d’un féminisme, mélangeant un peu tous les sujets. zEst-ce que pédocriminel, non ? Car pour voir ces œuvres de femmes, il cette période d’arrêt brutal des activités liées au cinéma est faut faire de la recherche. Il faut lire, chercher sur internet, l’occasion pour toi de prendre un peu de recul sur la somme ça demande du travail. de commentaires tous azimuts qu’ont déclenchés ces affaires, Chloé Rolland : Est-ce que les réticences sur certains points le climax des César, et la sortie de ton livre ? de la théorie du female gaze peuvent empêcher d’aborder Iris Brey : Je ne suis pas sûre d’avoir pris beaucoup de recul avec plus d’adhésion cet aspect des choses, même si on en car c’est vrai que les réseaux sociaux continuent d’alimenter le reconnaît la validité historique ? débat. Je pense que je ne m’attendais pas à autant de violence, Iris Brey : L’invisibilisation des femmes dans tous les et aussi à autant d’amour, mais cela montre bien comment la domaines artistiques ne peut effectivement pas être nié. Ce parole des femmes dans l’espace public continue d’être perçue qui est flagrant, c’est que la plupart de ces œuvres oubliées comme menaçante en France en 2020. À partir du moment où représentent des expériences féminines. Donc il y a un lien, le des femmes mettent des mots sur des expériences, que leur féminin est soit perçu comme trop menaçant ou pas intéressant vécu devient un savoir (pour paraphraser Andrea Dworkin), donc les œuvres qui le mettent en scène vont être éradiquées qu’elles utilisent le “pouvoir de nommer”, qui est d’habitude dans une culture régie par le patriarcat. Évidemment toutes réservé aux hommes dans notre société patriarcale, des enjeux les femmes ne prennent pas le “féminin” comme sujet, mais de domination se réactivent. Ceux et celles qui règnent dans ce dans les films qui ont disparu de la circulation c’est souvent régime hétéro-patriarcal se sentent personnellement attaqués le cas, comme Wanda ou Simone Barbes ou la vertu. car nous bousculons l’ordre. Ils essayent de nous faire taire, mais cela ne marche pas. Ma théorie du female gaze est qu’il existe un regard qui filme le désir et produit du plaisir sans passer par l’objectification Lorsqu’Adèle Haenel quitte la salle, son corps en mouvement des corps. Je ne comprends donc pas la réticence à ce regard. est reçu comme violence pour ceux et celles qui tiennent à Puisque même si c’est un regard minoritaire, il existe. garder cet ordre. Pourtant elle ne crache pas à la gueule de quelqu’un, elle n’insulte personne, elle décide juste de se Chloé Rolland : Concernant le male gaze et le female gaze. retirer d’un spectacle mortifère, en criant “la honte !”. De Je m’aperçois que si j’y suis d’abord réticente c’est parce même quand je dis que je ne veux pas voir le film de Polanski, que je crains que ce soit binaire. Par exemple, à première on crie à la censure sans réfléchir à la profonde censure qui est vue et dis-moi si je me trompe, il y a quelque chose qui me exercée sur les œuvres de réalisatrices depuis plus de 100 ans. dérange profondément dans le fait de définir le male gaze Personne ne s’en offusque. Alors que des centaines d’œuvres comme négatif et le female gaze comme positif. Or le “gaze” ont été éradiquées de notre histoire culturelle simplement est une façon de regarder, adoptée indistinctement par les parce que la cinéaste était née femme. Ne pas vouloir mettre hommes et les femmes. Ces hommes et ces femmes auraient en avant l’œuvre d’un pédocriminel est perçu comme plus tort d’adopter le male gaze, mais raison d’adopter le female violent. Personne n’interdit le film de Polanski, la question de gaze. Dans un cas partager l’expérience masculine revient à fond reste : quelles œuvres arrivent jusqu’à nous et quelles adopter les codes de l’oppression machiste. Dans l’autre cas sont celles qui sont célébrées dans notre culture ? Qui fait partager l’expérience féminine revient à libérer la femme ce choix ? de cette oppression. Je n’arrive pas à adhérer à ces termes, cela fait avant tout écran aux idées qu’ils sous-tendent. Il me Mon livre démontre ce système de censure exercé sur les semble que certaines caractéristiques du male gaze chez des films de femmes. Et pendant ce confinement je continue de hommes créateurs sont bonnes, mais que le problème réside découvrir des femmes dont je n’avais jamais entendu parler dans le fait que les femmes créatrices n’y aient pas accès ou pas assez. Par exemple, Mabel Normand qui en 1912 (dans de la même façon. Je ne suis pas insensible, par exemple, à Tomboy Bessie) brise le quatrième mur pour faire rire le public. l’objectification des corps, si les deux sexes en ont la liberté. C’est elle qui forme Charlie Chaplin. Elle devient son mentor Sciamma n’est pas le versant positif de Kechiche. J’aime la et réalise le premier film où il tient un rôle. De qui est-ce qu’on puissance du désir des deux, que les corps soient découpés, se souvient aujourd’hui ? Le jour où je regarde La Maternelle sculptés, auscultés, et qu’ils occupent ailleurs dans leur entier de Marie Epstein, je vois un tweet passer qui annonce que la l’écran et l’œil, que les personnages soient des sujets. Dans le Cinémathèque lance sa plateforme “Henri”, qui met en avant cas de Sciamma, il y a la puissance du sentiment amoureux. le film La Chute de la maison de Usher de Jean Epstein, le Dans le cas de Kechiche, il y a la puissance du désir sexuel. frère de Marie ! Si on regarde sa page wikipedia, on y lit “Sa Mais les deux coexistent dans l’un et l’autre, il y a juste des sœur, Marie Epstein, sera toute sa vie sa collaboratrice la plus dominantes immédiatement visibles. La puissance du cinéma fidèle, auteur de nombreux scénarios, avant de devenir, après réside dans la puissance de la mise en scène, qui doit être tout la mort de son frère, l’une des trois égéries d’Henri Langlois à sauf polie, bien élevée et paritaire. © les Fiches du Cinéma 2020
Portrait de la jeune fille en feu de Céline Sciammat Mektoub my Love : Intermezzo de Abdellatif Kechiche Iris Brey : Personne n’a dit que le male gaze était négatif et le tout sauf polie, bien élevée et paritaire”. Je n’ai jamais dit le female gaze serait positif. Ça serait tomber dans une question contraire. Il n’est pas question de “policer” la mise en scène. morale de présenter ces deux regards en ces termes, ce que Ce qui est triste c’est quand la mise en scène reproduit les je ne fais jamais.Dans ma définition de ces regards, le male mêmes gestes de mise en scène. C’est TOUJOURS la même gaze est produit par des hommes et des femmes, le female chose, comme s’il n’y avait qu’une seule manière de filmer gaze aussi. Par contre, on peut réfléchir éthiquement à la le désir. Dans les films qui s’intéressent à la mise en scène question qui sous-tend ces deux termes. du désir féminin du point de vue de la femme désirante, on découvre un foisonnement créatif dans la mise en scène. La très grande majorité des films que l’on voit ont recours au Le female gaze n’est en rien pudibond ou moralisateur, au male gaze pour filmer le corps des femmes. Donc, on passe contraire, on sent que les cinéastes, parce qu’ils ou elles par l’objectification du corps féminin pour montrer le désir du voulaient raconter quelque chose qui est rarement représenté, personnage. Est-ce que filmer des femmes comme des objets ont dû inventer. Donc en cela je trouve le female gaze plus est mal ? Non. Est-ce que le fait que ça soit le cas dans la très riche sur la question de la représentation du désir parce que grande majorité des films est problématique ? Oui. Parce je suis surprise par ce que je vois. qu’on pense que ce regard masculin est une manière neutre de regarder, or ça ne l’est pas. Ce qui est problématique c’est C’est là où je ne suis pas d’accord avec toi sur le film de que cette manière de filmer découle d’un inconscient patriarcal Sciamma, elle filme aussi la puissance du désir sexuel, (je reprends les termes de Laura Mulvey). Et la plupart des comme Kechiche. Seulement, nous ne sommes tellement pas cinéastes, homme et femme, reproduisent ce male gaze en habitué.e.s à cette mise en scène, qu’on n’arrive pas à le voir héritage, comme s’il n’y avait pas d’autres manières de filmer comme cela. Les personnages féminins sont sujets de désir le désir. Je suis bien d’accord que la “mise en scène doit être et pas objets de désir mais le film met en scène la naissance © les Fiches du Cinéma 2020
du désir. Et ce n’est évidemment pas “le versant positif de Iris Brey : Pour mon livre j’ai défini le female gaze comme Kechiche”. Elle ne s’inscrit pas comme l’anti-kéchiche dans la concernant les films avec des héroïnes. Je pense effectivement mesure où elle propose quelque chose d’inédit dans la manière que ce partage de l’expérience incarnée existe du point de de raconter et de filmer cette naissance. Les deux films sont vue du héros masculin. Mais j’ai aussi l’impression qu’on passionnants parce qu’on est face à des cinéastes qui vont regarde principalement les héros à distance, et que je ressens jusqu’au bout de leur geste, ce sont des œuvres totales. rarement ce qui se passe dans leur corps ou dans leur tête. J’ai envie de voir plus de ce “cinéma des sensations” à la Claire Chloé Rolland : Jusqu’alors je n’entendais parler du male Denis, des points de vue incarnés, des films qui s’attardent gaze que comme d’un mur à abattre, d’une cage à ouvrir, sur les chairs et qui nous font trembler. dans le cadre de la dénonciation du patriarcat à éradiquer (le mâle est mal). Mais le female gaze, du fait qu’il apporte une Chloé Rolland : Est-ce que l’on s’arc-boute à ne pas prêter dimension supplémentaire, serait donc un enrichissment attention à cette théorie pour préserver un monde que l’on plutôt qu’un remplacement. Un film, par conséquent, peut être veut “neutre”, celui de l’art, de la création, et par extension parcouru à la fois de male gaze et de female gaze. Ce qui est du regard. S’interroger sur son sexe quand on lit un livre ou le cas, il me semble, par exemple, du film de Rebecca Zlotowski, regarde un film amenuirait la force de l’œuvre, qui est censée Une fille facile. Le désir, puisqu’il en était question en prenant se placer au-dessus de l’être, du corps, du sexe ? les deux cinéastes emblématiques de l’un et de l’autre, Iris Brey : Une œuvre d’art à mes yeux n’est pas neutre. On Kechiche et Sciamma, se diffuse donc dans le male gaze et dans a le réflexe de croire que de penser le corps diminuerait la le female gaze. Et le passage de l’un à l’autre constitue aussi valeur d’une œuvre. C’est pour ça que mon cadre théorique (l’un, l’autre, l’un et l’autre) le fluide du désir et du plaisir. Est- est la phénoménologie. Il serait peut-être temps de réfléchir ce que tu peux préciser cette dualité male / machiste ? Et, pour globalement à notre système de valeur ? Qui l’a pensé ? D’où éclairer ce point de vue, peux-tu indiquer quelques titres de vient-il ? Il faut se plonger dans les textes de celles et ceux qui films ou de cinéastes male gaze que tu défends, que tu aimes ? ont déjà réfléchi à cette question pour la littérature. Je citerai Iris Brey : Je ne pense pas que le female gaze soit une Woolf : “Les chefs-d’œuvre ne naissent pas isolés et solitaires ; correction mais comme je le dis dans le livre, et comme tu le ils sont le fruit de nombreuses années à penser en commun, reprends, un enrichissement. L’idée n’est pas de “reprendre” à penser par le corps des gens, de sorte que l’expérience de le male gaze mais de voir ce qui se déploie en marge de ce la masse est derrière la voix solitaire.” (Virginia Woolf, Un lieu regard. Par contre, il me semble qu’un regard qui sexualise à soi, op. cit., p. 105) et aussi cet article d’Aurore Turbiau sur les femmes en les objectifiant est un regard machiste puisque la question : est-ce qu’on peut séparer la femme de l’artiste ? c’est un regard de la domination masculine. Cependant, je Chloé Rolland : Est-ce que celui qui énonce la théorie fait pense comme toi, “Ce peut être problématique. Comme ça obstacle à celle-ci ? En l’occurrence, tu es une femme, jeune, peut ne pas l’être.” Pour moi c’est son omniprésence qui est jolie, bourgeoise, éduquée. Je sais qu’il te sera sans doute problématique et le fait aussi qu’on ne puisse pas l’interroger, difficile d’analyser toi-même ce point, alors je te soumets sans et pas le fait qu’il existe. astreinte à y répondre mon interrogation : ne penses-tu pas Je partage ton avis sur le film de Zlotowski, pour moi il est que cela t’est reproché à travers certains rejets véhements ? parcouru des deux regards, j’ai d’ailleurs écrit sur ça au Iris Brey : C’est peut-être à eux qu’il faut poser cette question- moment de Cannes et après nous avons fait un entretien là, non ? Je sais d’où je parle au moment où j’écris ce livre. Je ensemble pour L’Obs pour parler de mon livre et de son film. parle en tant que femme féministe. J’ai un Ph.D de NYU, mon Ce qui me passionne dans ce film c’est la manière dont la approche est aussi liée à mes études et à une approche anglo- cinéaste déplace les codes. Par exemple, elle filme en gros saxonne qui réfléchit au lien entre cinéma et phénoménologie, plan le sexe de Zahia dans son maillot de bain mouillé, puis et qui incorpore les questions de genre et de féminisme aux nu avec un oursin posé dessus, mais cette vision est celle de études de littérature et de cinéma. Je suis privilégiée car sa cousine qui rêve, nous sommes dans sa psyché. Le choc du écrire un livre prend énormément de temps et cela est très male et du female gaze dans ces séquences produit le même mal rémunéré. Tout cela je l’énonce dans mon livre à différents effet qu’un film surréaliste. On dénonce en s’amusant, on fait endroits car je pense que c’est important d’expliquer d’où nous un pas de côté pour que le male gaze génère un nouveau sens, parlons. Je ne sépare pas la femme de mon livre. on échappe à une catégorisation. Chloé Rolland : Trois textes sont parus très récemment à J’ai du mal à m’enthousiasmer pour des “cinéastes male gaze” propos du Regard féminin, parfois avec beaucoup d’agressivité : je dois le reconnaître. Mais par exemple, je continue d’être par Jean-Philippe Tessé dans Les Cahiers du cinéma, Gautier émue par À nos amours de Pialat, malgré tous les plans male Roos sur le site de Chaos reigns et Alexandre Moussa pour gaze de Sandrine Bonnaire. Il y a aussi beaucoup de films de Critikat. J’ai tendance à penser que cela signifie donc que tu Cukor, de Leo McCarey, de Sirk, le genre du “woman’s film”, occupes un terrain qui était vacant et véhicules une thématique qui ne sont ni du male gaze, ni du female gaze que j’affectionne qui était nécessaire. Les réactions des critiques de cinéma à particulièrement. ton livre sont souvent extrêmement virulentes. En as-tu pris Chloé Rolland : Les théories du male et du female gaze connaissance ? Les arguments qu’ils défendent ne sont pas s’appliquent-elles aux personnages masculins ? forcément “machistes” : arrives-tu à saisir leur point de vue ? © les Fiches du Cinéma 2020
Une fille facile de Rebecca Zlotowski À nos amours de Maurice Pialat Il me semble que cela tient beaucoup à la distinction entre façon. Par ailleurs, je n’ai jamais dit qu’il n’existait que deux une approche sociologique et historique et une approche catégories de films, ceux qui seraient du male gaze et les critique et esthétique ? Qu’est-ce que cela t’inspire ? Je pense autres qui seraient du female gaze. Par contre, je pense que notamment aux propos de Pascale Ferran dans un entretien certains films essayent de nous faire vivre des expériences avec Jean-Christophe Ferrari pour Transfuge : les as -tu lus ? féminines, et leur donner le nom de “films female gaze” est Iris Brey : La virulence des critiques à l’égard de mon livre un moyen d’interroger la manière dont le corps des femmes raconte leur peur d’un monde où le féminin aurait de la valeur. est filmé. Même Pascale Ferran se réjouit de “cette avancée” Ils veulent garder des frontières et des divisions dans les pour le discours critique. approches, alors qu’il serait temps qu’il y ait un vrai appel d’air J’ai évidemment conscience des limites de certains de mes dans la critique et notre approche des films. Je propose une arguments. Le “regard féminin” est un concept en mouvement, lecture qui se base sur le ressenti. Je pense que la virulence rien pour moi n’est figé. D’ailleurs je m’atèle à l’écriture de des attaques ne vient pas de cette proposition. Cela parle d’autre chose. De leur désir et de leur plaisir. Et sûrement l’adaptation du livre en long-métrage documentaire en prenant du mien. en compte certaines critiques que j’ai reçues et je suis très heureuse de voir d’autres plumes se frotter à ce que je propose, J’ai lu l’entretien de Pascale Ferran, je la trouve passionnante. tout cela ne peut que générer plus de pensée. Cependant, il Je ne suis pas d’accord avec elle sur tout, notamment sur faut quand même le dire, je pense que la plupart des propos l’idée qu’on est moins captif au cinéma que devant une série. acerbes tenus par les critiques sont liés à l’agacement que je Je pense d’ailleurs le contraire. Je pense que l’art sériel, provoque en tant que jeune femme, au discours féministe que qui pour moi considère bien plus les spectateur.trices, nous j’incarne et non pas aux arguments que j’avance. Je me réjouis donne une forme de liberté. Il est bien plus facile de fermer quand même qu’autant de personnes aient pris le temps de son ordinateur que de partir d’une salle de cinéma. Je pense que la série s’adresse plus au citoyen en nous que le cinéma, lire cet essai et de s’exprimer dessus. c’est un art dont la réception est plus participative et même L’écriture de ce livre fut une aventure solitaire et d’un coup performative. Parce que les séries racontent notre monde et c’est devenu un débat collectif. Alors même si cela peut être nous demandent d’y participer. douloureux de livrer ses idées, parce que cela nous rend Quant à la question de Ferrari sur mon livre, elle répond forcément vulnérable, ce basculement vers le collectif ne qu’elle ne l’a pas lu. Pour moi la mise en scène n’est pas un peut être que positif. Pour reprendre les propos de Ferran, principe neutre, donc on ne voit pas les choses de la même “c’est vivifiant”. © les Fiches du Cinéma 2020
Brooklyn Secret (Lingua Franca) de Isabel Sandoval Immigrante philippine transgenre et sans-papiers, DRAME Adultes / Adolescents Olivia, aide-soignante auprès d’une vieille Russe ashkénaze amnésique à Brooklyn, tombe amoureuse u GÉNÉRIQUE du petit-fils de celle-ci. Un film subtil sur l’immigration Avec : Isabel Sandoval (Olivia), Eamon Farren (Alex), Ivory Aquino sous l’administration de l’inénarrable Trump. (Trixie), P.J. Boudousqué (Andrei), Lev Gorn (Murray), Lynn Cohen (Olga), Megan Channell (Milla), Shiloh Verrico (Maggie), Mark Nelson (Roman), Ari Barkan (Emil), Roman Blat (Viktor), Deema Aitken (Boris), Leif Steinert (Matthew), Andrea Leigh (Daria), Dean Temple (Chad), Jake Soister (Daniel), Matthew James Ballinger (l’homme du bar). Scénario : Isabel Sandoval Images : Isaac Banks, Montage : Isabel Sandoval 1er assistant réal. : Dax Stringer Scripte : Devin Smith Musique : Teresa Barrozo Son : Alber Michael M. Idioma Costumes : Clint Ramos Dir. artistique : Maxwell Nalevansky Maquillage : Lauren Citera Casting : Bess Fier Production : Lingua Franca Producteurs : Jhett Tolentino, Carlo Velayo et Darlene Catly Malimas Producteurs exécutifs : Samuel S. Verzosa, E.A. Rocha et Fernando Ortigas Coproducteurs : Cecilia Mejia et Jeremiah Abraham Producteurs associés : Dax Stringer et Aaron Schillinger Dir. de production : Peter McClellan, © Lingua Franca Distributeur : JHR Films. HHH On connaît la politique d’immigration discriminatoire de l’Amérique de Trump envers les minorités, dont la communauté philippine. C’est dans ce contexte oppressif que s’inscrit le troisième long métrage d’Isabel 89 minutes. États-Unis - Philippines, 2019 Sandoval (Señorita, 2011 ; Apparition, 2012). Brighton Beach, Sortie France : 1er juillet 2020 quartier de New York russophone et juif, en est le décor. u RÉSUMÉ La réalisatrice et scénariste philippine, qui vit aujourd’hui Philippine sans-papiers, Olivia travaille comme aide- dans cette Little Odessa filmée avec brio par James Gray, soignante auprès d’Olga, une grand-mère russe ashkénaze apporte au film un accent d’authenticité pour avoir vécu qui réside à Brigton Beach, à Brooklyn, et perd la mémoire. la situation d’Olivia, une femme immigrante philippine Elle rencontre Alex, le petit-fils hébergé par la vieille transsexuelle et sans-papiers qui tente d’obtenir babouchka. Embauché à l’essai dans la boucherie en la nationalité américaine sous l’administration Trump. gros de son oncle Murray, il seconde Olivia dans sa tâche. Si la cinéaste transgenre possède sa “green card” avec Celle-ci accompagne une amie compatriote et son fiancé prénom et sexe féminin, son passeport la renvoie toujours américain au bureau de l’immigration en vue de leur futur mariage d’amour. Elle ignore qu’Olivia paie secrètement à son identité masculine ! Le scénario n’indique pas Matthew pour monter un mariage blanc, lequel finit par d’emblée le secret d’Olivia mais il fait sourdre une tension lui annoncer que le projet est annulé. Olivia prépare un permanente due à sa précarité, portée à son paroxysme par colis pour sa mère restée aux Philippines ; amoureux, Alex l’indiscrétion d’Andreï découvrant son identité. Contrairement la convoie à la poste. Ils assistent à l’arrestation musclée aux représentations excessives des transgenres du cinéma de Philippins clandestins. réaliste philippin (Brillante Mendoza, Lav Diaz), Brooklyn SUITE... Au retour, elle se jette à son cou et ils font l’amour. Secret s’attache à dépeindre en filigrane l’envers du rêve Alex loge son ami Andreï pour la nuit, lequel, fouillant dans américain qui exploite plus qu’il n’intègre les immigrés : les affaires d’Olivia dont il vole les économies, découvre l’amnésie de la vieille babouchka n’étant qu’une métaphore de sur son passeport qu’elle est transgenre. Se sentant l’Amérique oublieuse de sa propre histoire de l’immigration. trahi, Alex se venge et invente une histoire d’agent de Et que dire de la relation amoureuse ambiguë entre Alex, l’immigration qui se serait introduit dans la maison. Olivia est terrifiée. Le regrettant aussitôt et pour la distraire, il lui homme blanc privilégié, et Olivia, immigrée digne mais sans- propose une escapade en bord de mer. Là, il la demande papiers qui exerce un petit boulot et dont il exploite la peur? en mariage, rêvant d’avoir des enfants avec elle. Dévastée Ce film à la force tranquille instille une réelle empathie pour parce qu’ignorant qu’Alex connaît la vérité, Olivia garde son héroïne. Un véritable antidote aux comédies romantiques le silence, ne songeant qu’à récupérer son passeport. sur le sujet. _M.T. Elle reprend sa vie d’aide ménagère sans-papiers. Visa d’exploitation: 152390. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD. 50 copies (vo). © les Fiches du Cinéma 2020
Le Colocataire (Un rubio) de Marco Berger En Argentine, Juan a une place vacante dans ROMANCE Adultes / Adolescents sa colocation suite au départ de son frère. Pour le remplacer, il propose à son collègue, Gabriel, u GÉNÉRIQUE d’emménager. Une romance vibrante portée par deux Avec : Gaston Ré (Gabriel), Alfonso Barón (Juan), Malena Irusta acteurs talentueux, Gaston Ré et Alfonso Barón. (Ornella), Ailín Salas (Julia), Charly Velasco (Leandro), Justo Calabria (Brian), Franco Heiler (Mono), Antonia De Michelis (la mère de Gabriel), Melissa Falter (Natalia), Ishbel Mata (Rosi), Eduardo Mendábal (Ernesto), Uriel Ledezma (Cuyo). Scénario : Marco Berger Images : Nahuel Berger Montage : Marco Berger 1er assistant réal. : Sergei Nikiforov Musique : Pedro Irusta Son : Daniela Castillo Mejia Dir. artistique : Natalia Krieger Production : Universidad del Cine Producteurs : Lucas Papa, Marco Berger et Gaston Ré Distributeur : Optimale. © Universidad del Cine HHH Une simple invitation de cohabitation entre collègues qui tourne à la passion secrète entre les deux hommes, une romance inattendue, un désir charnel... Ce désir homosexuel, Marco Berger le filme et l’entretient 111 minutes. Argentine, 2019 avec réussite depuis de nombreuses années, dans ses Sortie France : 1er juillet 2020 courts métrages aussi bien que dans ses longs, enchaînant u RÉSUMÉ les festivals les plus prestigieux. Dans Le Colocataire (de Juan et Gabriel sont collègues : le premier propose son titre original Un rubio, soit “Un blond”), la curiosité au second de rejoindre sa colocation, ce qu’il accepte. entre les deux hommes s’installe très rapidement, mettant Mais très vite, Juan se montre très insistant et multiplie en scène deux tempéraments opposés. Juan, très séducteur, les contacts physiques. Tout semble les séparer : Juan n’hésite pas à provoquer Gabriel physiquement. Quant est assez macho, fier et plein d’assurance, et a une petite à ce nouveau colocataire, il se laisse faire mais ne répond amie, en plus d’enchaîner les plans d’un soir. Gabriel est pas à ses avances, trop gêné. La façon dont les corps sont très réservé, taciturne, et est le père éloigné d’une petite filmés prend alors forme dans le scénario : si leurs échanges fille. Il ne répond pas aux nombreuses approches de Juan, auxquelles, pourtant, il ne semble pas indifférent. Jusqu’à sont banals, ancrés dans une routine, le désir physique prend devenir obsédé par son nouveau colocataire, au point de vie, il est communiqué aux spectateurs par quelques gros ne pas pouvoir s’empêcher de le dévorer du regard, plans sur une hanche, un dos, un torse nu mais surtout, entretenant un désir mutuel. des regards interdits qui font naître une envie commune, SUITE... Juan et Gabriel finissent par s’embrasser ardente mais toujours hésitante. Deux personnages assez puis coucher ensemble à plusieurs reprises, en secret, complexes : Juan a beaucoup de fierté, il est en couple avec sans réellement assumer une relation qui a uniquement une femme, et son comportement est assez macho, il incarne lieu dans leurs chambres. Juan continue de faire sa vie ceux qui se cachent de peur d’être jugés pour leur orientation de son côté, quitte à sortir avec ses amis et ne revenir sexuelle ; Gabriel quant à lui n’est pas ouvertement qu’au petit matin, sans prévenir, ou à coucher avec homosexuel non plus, il a même une petite fille. Dans de nombreuses femmes, dont sa copine, jusqu’à ce que ces quelques jours de vie, se déroulant presque intégralement celle-ci annonce qu’elle est enceinte et demande à Gabriel de quitter la colocation, afin de prendre sa place. Juan entre une chambre et un salon, Marco Berger capte avec tente de rassurer Gabriel et espère le revoir malgré tout, douceur et sensualité le quotidien de deux hommes mais celui-ci développait des sentiments pour lui et s’en va en évoquant en toute subtilité une problématique essentielle : le cœur brisé. Il retrouve sa fille et lui annonce que Juan s’assumer ou entrer dans une case pour répondre était son copain, ce qu’elle accepte. Il semble ainsi retrouver aux attentes de la “normalité”. _F.F. une forme de sérénité. Visa d’exploitation : en cours. Format : 1,85 - Couleur - Son : Dolby SRD. © les Fiches du Cinéma 2020
Irrésistible (Irresistible) de Jon Stewart Le célèbre présentateur américain Jon Stewart SATIRE POLITIQUE Adultes / Adolescents passe derrière la caméra pour une comédie, sur une course à la mairie qui prend une dimension absurde. u GÉNÉRIQUE Malheureusement, les personnages et le film Avec : Steve Carell (Gary Zimmer), Rose Byrne (Faith Brewster), se retrouvent enterrés par la leçon morale de l’œuvre. Chris Cooper (le colonel Jack Hastings), Mackenzie Davis (Diana Hastings), Topher Grace (Kurt), Natasha Lyonne (Tina), Will Sasso (Big Mike), C.J. Wilson (Dave Vanelton), Brent Sexton (le maire Braun), Alan Aisenberg (Evan), Matt Lewis (Pearl), Vince Pisani (Kaplan), Will McLaughlin (le capitaine Ortiz), Bruce Altman (Mr. Peeler), Bill Irwin (Elton Chambers), Eve Gordon (Tonya Vanelton), Blair Sams (Ann), Christian Adams (Michael), Rebecca Ray (Becca), Nickolas Wolf (Phillip), Ian Covell (Dan), Gretchen Koerner (Lizzie), Russell Davis, Matthew Knott, Megan McFarland, Parker Chapin, Steve Barnes, Candy Crowley (elle-même), Trevor Potter (lui- même), Joe Scarborough (lui-même), Mika Brzezinski (elle- même), Charlotte Deleste (elle-même), Eric Franke (lui-même). Scénario : Jon Stewart Images : Bobby Bukowski Montage : Jay Rabinowitz et Mike Selemon 1er assistant réal. : Jonas Spaccarotelli Scripte : Alicia Accardo Musique : Bryce Dessner Son : Matthew Nicolay Décors : Grace Yun Costumes : Alex Bovaird Effets © Daniel McFadden / Focus Features visuels : Jake Braver Dir. artistique : Brittany Hites Maquillage : Sarah Mays Casting : Meredith Tucker Production : Busboy HH Il est difficile de situer en France le statut Productions Pour : Plan B Entertainment Producteurs : Jon Stewart, Dede Gardner, Jeremy Kleiner et Lila Yacoub Producteurs d’un Jon Stewart. Modèle avoué d’un Yann Barthès qui délégués : Brad Pitt et Christina Oh Dist. : Universal Pictures. ne lui arriva jamais à la cheville, Stewart travaille dans ce mélange profondément américain entre entertainer 101 minutes. États-Unis, 2020 et journaliste. Un croisement qui fit de lui un analyste Sortie France : 1er juillet 2020 politique respecté, ainsi qu’un comique adulé qui eut u RÉSUMÉ l’honneur ultime de présenter les Oscars. Cette étrange En voyant la vidéo d’un marine retiré plaidant pour mixture distingue son long métrage, Irrésistible. Satire la tolérance dans une petite ville du Wisconsin, Deerlaken, du processus politique américain, le film imagine une petite Gary Zimmer croit voir le futur du parti démocrate. Il se ville du cœur des États-Unis qui, à la suite d’un concours précipite dans le village pour pousser cet homme, Jack de circonstances, devient le laboratoire de la reconquête Hastings, à se présenter à la mairie. Ce qu’il accepte, à de l’électorat traditionnel. Les conseillers surgissent alors condition que Gary dirige sa campagne. Celle-ci démarre et la course à la mairie se retrouve inondée sous les PAC, en fanfare, et finit par attirer l’attention du parti républicain, les stratèges et les millions. Une énergie financière qui envoie la rivale - et amante occasionnelle de Gary - Faith. Cette dernière organise immédiatement une contre-attaque et politique délirante qui se retrouve validée par un twist efficace. Ayant peur d’être distancé financièrement, Gary intelligent en termes de commentaire sur le système présente Jack à des mécènes new-yorkais. électoral, beaucoup moins sous l’angle dramatique SUITE... Jack leur explique qu’à ses yeux, leur argent et narratif. Comme trop de films à twist, Irrésistible est constitue le problème majeur de la politique aux États- victime de son principe, sacrifiant une partie de sa dynamique Unis, déclaration fort appréciée par des millionnaires qui à son retournement central. Stewart n’a lui-même inondent de cash la campagne. Les premiers PAC (fonds pas assez de sens spécifique de la mise en scène pour de financement se devant légalement d’être indépendants pallier ce problème, et son film se met à ressembler de la campagne) se forment, et la course à la mairie davantage à une leçon politique, certes pertinente, qu’à se met à ressembler à une élection nationale. Le grand une œuvre personnelle. Le cinéaste avait quelque chose soir, les deux candidats sont à égalité. En apercevant à dire. Il l’a dit, mais les personnages, le rythme, l’un des membres de son équipe de Washington avec la fille de Jack, Diana, Gary comprend subitement : c’est Diana le souffle même de son récit, sont ainsi un peu laissés qui a tout organisé, avec l’accord et la participation du de côté par un artiste qui respecte sa tâche de maire sortant, afin d’attirer dans la ville les millions trublion politique américain, oubliant justement des donateurs politiques, dès lors utilisés pour reconstruire le côté artistique de sa démarche. La malédiction de Stewart, Deerlaken. Le complot est un succès, et Gary admet donc. _S.G. lui-même la logique morale de la démarche. Visa d’exploitation : 153110. Format : n.c. - Couleur - Son : Dolby SRD. © les Fiches du Cinéma 2020
Jumbo de Zoé Wittock Une jeune femme introvertie tombe amoureuse CHRONIQUE Adultes / Adolescents de l’attraction vedette du parc où elle travaille. Ce premier film appliqué, au postulat étrange, u GÉNÉRIQUE passe un peu à côté de son sujet et échoue à convaincre, Avec : Noémie Merlant (Jeanne Tantois), Emmanuelle Bercot malgré les efforts louables de ses interprètes. (Margarette), Bastien Bouillon (Marc), Sam Louwyck (Hubert), William Abello (le technicien), Tracy Dossou (Fati), Jonathan Bartholme (le maigrichon), Eduard Nemcsenko, Noah Daccriscio, Idao Daccriscio, Stephen Rhode, Chris Caligo et Jimmy Raphael (les jeunes). Scénario : Zoé Wittock Images : Thomas Buelens Montage : Thomas Fernandez 1ers assistants réal. : Alex Brown et Bruno Du Bois Scripte : Anouchka Czmil Musique : Thomas Roussel Son : Pascal Jasme, Grégory Lannoy et Marijn Thijs Décors : William Abello Costumes : Carine Ceglarski Effets visuels : Ronald Grauer Dir. artistique : Mathieu Buffler Maquillage : Sophie Garlinskas Casting : Claire Beugnies, Gwendale Schmitz et Nilton Martins Production : Insolence Productions Coproduction : Les Films Fauves et Kwassa Films Productrice : Anaïs Bertrand Productrice exécutive : Marie-Sophie Volkenner Coproducteurs : Gilles Chanial et Annabella Nezri Producteurs associés : Pascaline © Insolence Prod. – Les Films Fauves - Kwassa Films Saillant, Caroline Piras, Camille Gentet et Tanguy Dekeyser Dir. de production : Bernard de Dessus Les Moustier Distributeur : Rezo Films. H Une jeune femme développe des sentiments pour le nouveau manège d’un parc d’attractions : pour son premier long métrage, la Belge Zoé Wittock joue la carte de l’étrangeté. Mais elle use d’artifices et de clichés 93 minutes. France - Luxembourg - Belgique, 2019 qui vont malheureusement trop souvent tenir le spectateur Sortie France : 1er juillet 2020 à distance. Ainsi, Noémie Merlant (la révélation de Portrait u RÉSUMÉ de la jeune fille en feu ) doit interpréter une héroïne Jeanne, jeune femme introvertie vivant avec sa mère introvertie à l’extrême, “spéciale”, comme la décrit sa Margarette, commence à travailler dans un parc d’attraction mère omniprésente (Emmanuelle Bercot). Si les deux comme gardienne de nuit. Le responsable technique du parc, actrices se tirent bien de deux rôles parfois ingrats car Marc, la surprend par accident dans les vestiaires. Lors de sa trop archétypaux, on a le sentiment - la direction artistique première nuit, Jeanne a la sensation d’être observée. Le matin, y contribuant beaucoup - d’assister aux premiers pas Marc la raccompagne et se fait remarquer par Margarette. derrière la caméra d’une fidèle émule de Xavier Dolan. La nuit, Jeanne est fascinée par une attraction, le Move-It, Le Québécois n’a évidemment pas le monopole des relations qu’elle baptise “Jumbo”. Le lendemain, Jeanne découvre que Margarette a invité Marc. Elle finit par discuter avec lui. maternelles tumultueuses, mais Jumbo, jusque dans sa résolution expéditive, donne trop peu d’éléments frais SUITE... Le soir, elle découvre que Jumbo réagit à ses actions. pour s’éloigner de cette pesante filiation. De même, Elle établit une forme de communication avec l’appareil. Dans le bar où elle travaille, Margarette noue une relation avec l’objectophilie qui anime Jeanne n’est traitée qu’en surface : Hubert, un client. Jeanne passe ses nuits auprès de Jumbo et la réalisatrice ne s’autorise pas suffisamment de fantaisie tombe amoureuse. Elle emmène Margarette au parc pour pour nous faire partager pleinement les sentiments qui lui présenter Jumbo : sa mère ne la comprend pas . Elles animent Jeanne, et lui apportent, petit à petit, une forme se disputent. Plus tard, elle a la sensation de faire l’amour de sérénité. L’amour que porte cette dernière à “Jumbo” avec Jumbo. Au terme d’une dispute avec Margarette, sous est avant tout un paramètre supplémentaire dans la façon les yeux d’Hubert, elle est chassée de la maison. Elle se réfugie dont les autres (sa mère / l’amant de sa mère / son au parc et couche avec Marc, qui l’entend s’excuser auprès de prétendant éconduit / la bande de jeunes qui la persécute) Jumbo. Quelques mois plus tard. Lors de la fête de fin de saison, Jeanne est élue employée de l’année. Marc annonce la perçoivent. Si Wittock laisse entrevoir d’indéniables qualités que le Move-It a été vendu : Jeanne s’évanouit. Margarette (dans sa mise en scène des séquences oniriques ou dans se dispute avec Hubert, qui prend parti pour Jeanne et s’en les “échanges” entre Jeanne et Jumbo), son premier film, à va. Lorsque Jeanne s’habille en robe de mariée, Margarette trop vouloir s’affirmer sans maîtrise, manque d’assurance décide de la soutenir. Accompagnée de sa mère et d’Hubert, et d’originalité. _Mi.G. Jeanne “épouse” Jumbo. Visa d’exploitation : 141483. Format : Scope - Couleur - Son : Dolby SRD. © les Fiches du Cinéma 2020
Les Parfums de Grégory Magne La rencontre improbable entre un nez acariâtre et COMÉDIE DRAMATIQUE Adultes / Adolescents son nouveau chauffeur dépassé. Fort de son joli duo d’acteurs, ce second long métrage ne cède jamais à u GÉNÉRIQUE la tentation des éclats dramatiques et des fioritures Avec : Emmanuelle Devos (Anne Walberg), Grégory Montel comiques. Le résultat se révèle étonnamment sensible. (Guillaume Favre), Gustave Kervern (Arsène), Sergi López (Patrick Ballester), Zélie Rixhon (Léa). Scénario : Grégory Magne Images : Thomas Rames Montage : Gwénaëlle Mallauran et Béatrice Herminie 1re assistante réal. : Célie Valdenaire Scripte : Anaïs Sergent Musique : Gaëtan Rousse Son : Francis Berrier, Benjamin Rosier et Mathieu Langlet Décors : Jérémie Duchier Costumes : Alice Cambournac Casting : Antoine Carrard Production déléguée : Les Films Velvet Coproduction : France 3 Cinéma Producteur délégué : Frédéric Jouve Producteur exécutif : Pierre-Louis Garnon Productrice associée : Marie Lecoq Distributeur : Pyramide. © Les Films Velvet HH Huit ans après son premier film L’Air de rien - dans lequel Grégory Montel formait déjà un duo inattendu avec Michel Delpech -, Grégory Magne fait rencontrer deux personnages que tout semble opposer. D’un côté, Anne 100 minutes. France, 2019 est une parfumeuse dont le talent et la gloire ont été mis à Sortie France : 1er juillet 2020 mal par un échec. Star déchue, elle devient prisonnière de sa u RÉSUMÉ propre personnalité hostile et fuyante. De l’autre, Guillaume En instance de divorce, Guillaume n’aura la garde partielle est un chauffeur aussi pragmatique que dépassé par ses de sa fille qu’à la seule condition de trouver un logement situations professionnelle et familiale. Riche en tensions adapté. Chauffeur, il est réprimandé par son patron, à et en contrastes (quand les effluves de l’herbe coupée la suite de plusieurs infractions routières. Une nouvelle évoquent au chauffeur un tendre souvenir d’enfance, mission l’amène à devenir le chauffeur d’Anne Walberg, le nez va plutôt y déceler l’“odeur d’un carnage” commis une célébrité dans le monde du parfum. Mais dès le premier contre la nature), leur rencontre met pourtant en exergue jour, celle-ci se montre froide. un point commun indéniable : une grande solitude. Non sans SUITE... Guillaume n’acceptant pas l’autorité d’Anne, leurs sensibilité, le réalisateur signe un récit attendu où il est premiers moments sont conflictuels. Malgré tout, Anne fait bien entendu question de complémentarité, de découverte(s) à nouveau appel à ses services et s’ouvre peu à peu. Elle se confie et de partage. De là, il ne peut résulter qu’une guérison, sur son expérience passée chez Dior. De son côté, Guillaume emmène sa fille à la plage pour son anniversaire. Lors d’une physique comme émotionnelle, pour ces deux protagonistes. soirée, Anne confie à Guillaume qu’elle avait été renvoyée de Sans être d’une originalité désarmante, le duo fonctionne chez Dior après avoir perdu temporairement son odorat. Depuis, avant tout grâce à l’investissement de ses interprètes. son agent refuse de lui décrocher un autre contrat dans À commencer par Emmanuelle Devos, particulièrement la parfumerie. Un matin, elle perd de nouveau son odorat. convaincante dans un rôle misanthrope. Face à elle, Grégory Paniquée, elle fait une overdose médicamenteuse. En Montel séduit quant à lui par son semblant naturel. Ajoutez la conduisant à l’hôpital, Guillaume commet un excès de vitesse. à cela quelques discrètes subtilités (une retenue dans Au réveil, Anne reçoit la visite du Dr Ballester, qui va l’aider à la mise en scène et dans le pathos) ainsi que des surprises retrouver son odorat. De son côté, Guillaume perd son travail et l’appartement qu’il convoitait. En voie de guérison, Anne vire (l’apparition de Sergi López), et vous obtenez un résultat son agent, retrouve Guillaume et lui propose de devenir qui, à défaut de marquer les esprits, évite in extremis les son partenaire. Avec ce nouveau travail, Guillaume obtient clichés. Les Parfums a ainsi le mérite de faire exister à l’écran la garde partagée de sa fille. Plus tard, Anne et lui-même une amitié en soulignant avant tout ses aspérités comme présentent un parfum chez Dior. Guillaume se rend ensuite ses contingences. _S.H. dans la classe de sa fille pour présenter son nouveau métier. Visa d’exploitation : 148876. Format : Scope - Couleur - Son : Dolby SRD. © les Fiches du Cinéma 2020
Prochain numéro le 8 juillet LES FICHES DU CINÉMA PRÉSIDENT 26, rue Pradier François Barge-Prieur 75019 Paris ADMINISTRATRION Administration & Rédaction : 01.42.36.20.70 administration@fichesducinema.com Fax : 09.55.63.49.46 TRÉSORIER .............................................................. Guillaume de Lagasnerie RÉDACTEUR EN CHEF Conception Graphique Nicolas Marcadé 5h55 nicolas.marcade@fichesducinema.com www.5h55.net RÉDACTEUR EN CHEF ADJOINT .............................................................. Michael Ghennam «Les Fiches du Cinéma». michael@fichesducinema.com Tous droits réservés. SECRÉTAIRE DE RÉDACTION Toute reproduction même partielle des textes est Thomas Fouet soumise à autorisation. thomas@fichesducinema.com Photo de couverture : .............................................................. Brooklyn Secret (JHR Films) © Lingua Franca ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO WWW.FICHESDUCINEMA.COM Florian Fessemeyer, Michael Ghennam, (Pierre-) Simon Gutman, Simon Hoareau, Marie Toutée. Les commentaires des «Fiches» reflètent l’avis général du comité
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