CAP'ÉCO LE MENSUEL - SE FOURNIR EN LOCAL : UN PARI GAGNANT - La Nouvelle République
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CAP’ÉCO LE MENSUEL DE L’ÉCONOMIE EN INDRE-ET-LOIRE #58 SE FOURNIR EN LOCAL : UN PARI GAGNANT CAHIER DE LA NOUVELLE RÉPUBLIQUE - Mardi 26 janvier 2021 - N° 23.219 - Ne peut être vendu séparément - 37
cap’éco #58 3 BAROMÈTRE sommaire 5 ACTUS 6 L’ENQUÊTE SE FOURNIR LOCALEMENT EN B TO B 11 L’INVITÉ CARNET PRO LAURENT COLAS, PDG DE ENO 12 L’HOMME DU MOIS JACQUES HUARD 15 LE DOSSIER LE DYNAMISME DE TOURAINE-EST VALLÉES 18 LA MACHINE À CAFÉ 19 LE BILLET DE FX JOBS Textes : Agnès Aurousseau, Pierre Directeur de la rédaction Bonnet, Juliette Lécureuil, Émilie Christophe Hérigault Veyssié. Rédactrice en chef Photos : NR, Adobe Stock, Pierre Chantal Pétillat Bonnet, Juliette Lécureuil, Émilie Responsable Thématiques Veyssié. Johan Guillermin Photo de une : Adobe Stock. Régie publicitaire Réalisation : NR Communication Service des thématiques NR Tours : 02.47.60.62.51 Secrétariat de rédaction : CPPAP 0525 C 87037 - ISSN 2260-6858 Agnès Aurousseau Imprimerie La Nouvelle République Maquette : Alexandra Chérioux Tours PAO : Christophe Garnier Origine principale du papier : France Taux de fibres recyclées : supérieur La Nouvelle République ou égal à 50 % / Eutrophisation (pâte et papier) : Ptot inférieur ou égal à du Centre-Ouest 0.014 kg/tonne. 232 avenue de Grammont 37048 Tours Cedex 1 Tél. 02.47.31.70.00 - Fax 02.47.31.70.70 Directeur de la publication président du Directoire 10-31-3409 Olivier Saint-Cricq 2 I JANVIER 2021 I 37 I CAP’ÉCO # 58
baromètre à l’agenda 28 janvier Petit déjeuner découverte du Réseau édito Entreprendre Loire Vallée. Contact : loirevallee@reseau- entreprendre.org « Made in “ chez nous ” » 1er février Date limite pour postuler à l’appel à projet pour la création d’un bar et d’un EMMANUELLE PAVILLON, DIRECTRICE DÉPARTEMENTALE restaurant à Mame (Tours). Contact : julia.herve@interfaces-fr.com Parce qu’il faut bien positiver, user d’optimisme de chez soi », ont trouvé de nouvelles lettres de autant que faire se peut, contre vents et marées ou plutôt (s’il est bon d’ajuster l’expression à l’époque) noblesse. Se fournir, produire, conditionner, vendre et acheter à proximité, relève de l’acte citoyen. 4 février contre dérèglements climatiques et virus, il nous Les entreprises comme les commerçants, les Human Tech Days, rendez-vous faudra sûrement reconnaître un jour au moins interprofessions comme les collectivités… tous nous business et numérique. Palais des une vertu au Covid-19 : celle d’avoir accéléré la le présentent ainsi. Et nous tentons d’adhérer. Pour congrès de Tours. réconciliation entre écologie et économie. Il fut un cinq cadeaux achetés sur Amazon, qui n’a pas tenté humantechdays.fr temps où, lorsque l’on parlait « dépense carbone », aussi le click and collect local ou bien la boutique 8 mars à propos de ses allers-retours en Asie ou ailleurs à un éphémère ? chef d’entreprise, il répondait volontiers « coûts de Tout cela est donc dans l’air du temps, comme fabrication ». un vent de mobilisation pour nous, nos enfants et Remise des trophées Métiers pour Désormais, « c’est une manière pour nous d’avoir des la planète. Il n’en est qu’à ses premiers souffles elles de l’Afpa, dédiés à la mixité et à coûts de transport minimes, de ne pas avoir à stocker cependant, à l’état de la bonne intention, concrétisée l’égalité professionnelle. la matière chez nous et d’être assurés d’une forme de par quelques militants ou quelques précurseurs, loin régularité dans son prix », explique, dans les pages encore d’être majoritaires… Sachant que, forcément, de ce Cap’Éco, un patron interrogé sur le pourquoi il se fournit en local. apparaissent aussi quelques contradictions : toujours dans les pages de ce numéro, un autre patron se 11-12 avril Sa démarche n’est pas née du Covid, bien sûr. Mais, satisfait ainsi de l’ « origine France garantie » de Salon des vins de la Loire, à Angers (il depuis la crise, nous tous l’entendons mieux. Le ses produits… Tout en rêvant à des ventes outre- a été décalé, sa date habituelle étant « local », les « circuits courts », en un mot le « près Atlantique. Vous avez dit dépense carbone ? début février). 13-14 mai dans l’actu en chiffres Tours accueillera une des quatre étapes du Concours général agricole décentralisé en région, pour remplacer l’annulation du salon national à Paris. LES IMPÔTS DE PARIS S’INSTALLENT À LOCHES - 10,3 % Entre trente à quarante agents des impôts pourraient quitter Paris et les grandes métropoles pour être affectés à Loches. À terme, près de quatre-vingts salariés y travailleraient. Loches 27-29 août fait partie des seize nouvelles communes retenues pour Le recul de l’emploi 7e édition du Japan Tours festival accueillir des agents des services de la Direction générale des intérimaire en région au parc des expositions de Tours. Finances publiques (DGFiP), actuellement situés en Île-de- Centre-Val de Loire japantoursfestival.com France et dans les grandes métropoles. à fin novembre. EXCELIA RACHÈTE L’ESCEM (Source Prism’Emploi) la phrase Émanation de l’école Sup de Co La Rochelle, le groupe Excelia a annoncé le rachat de l’Escem, l’École supérieure de commerce et de management de Tours. Dans un communiqué, on apprend que celle-ci était en « liquidation amiable » depuis mai 2020, par le réseau GES, partenaires d’Excelia depuis la faillite de France Business School, en 2016. La reprise de l’Escem a été actée le 0,99 % L’augmentation Antoine Trystram, président de Gâtine-Racan 27 novembre. L’Escem propose plusieurs programmes Bachelor du Smic depuis le (bac +3) et Excelia vient de bénéficier du label international 1er janvier, soit quinze « Malgré les conditions, Equis. euros bruts mensuels j’ai pu signer en visio supplémentaires sur les avec M. Bruneau, GÉRARD BOBIER, PRÉSIDENT RÉGIONAL bulletins de paie. président de Catella Gérard Bobier, élu de l’Indre-et-Loire et président jusqu’alors de la chambre d’Indre-et-Loire, devient Logistic Europe, le le président de la chambre de métiers et de compromis officiel l’artisanat de Centre-Val de Loire. À ses côtés, un bureau issu de la représentation des six chambres départementales. Le siège de la CMAR est fixé à 213 Le nombre de produits de vente de 40 ha sur la zone Polaxis à Neuillé-Pont-Pierre, Orléans. La chambre de métiers et de l’artisanat en Centre-Val de Loire, ce sont notamment 150 élus et 600 labellisés © du Centre, pour un centre salariés au service de 54.000 artisans. Annuellement, ce sont nouvelle marque de logistique, 6.400 apprentis formés, et plus de 11.000 jeunes et adultes pour promouvoir les source d’emplois accompagnés par les services des Centres d’aide à la décision. fabrications régionales. et d’activités. » JANVIER 2021 I 37 I CAP’ÉCO # 58 I 3
actus en bref DECOMATIC point chaud OUVRE SON CATALOGUE Entreprise d’Indre-et-Loire bénéficiant du fonds de soutien régional à l’automobile, Decomatic (fabrication de vis et de boulons), à Sainte-Maure- de-Touraine, entend se diversifier pour s’ouvrir aux secteurs de la défense, de La Touraine, la santé et du spatial. L’entreprise va également se doter d’un logiciel de gestion intégré et d’équipements de terre commandes numérique permettant d’optimiser ses process. d’accueil UN ROBOT CONTRE LE COVID-19 pour les vaccins (Photo © Adobe Stock) A lors que la nécessité de relocaliser en messager), en test pour l’instant, pourrait échoir France des produits essentiels comme à Fareva, à Amboise. Le façonnier, spécialisé ceux liés à la santé s’est fait jour à dans les formes sèches, mais aussi liquides l’occasion de l’épidémie de Covid-19, l’Indre- comme on le sait moins, pourrait le produire et-Loire sort des atouts de sa manche. Ce fut dès mai. C’est tellement imminent que le site tout d’abord l’annonce du conditionnement a été victime de l’assaut d’un rançongiciel en (Photo archives NR) du vaccin Moderna par l’usine du Suédois décembre. Recipharm, à Monts, fin novembre. Utilisant Le département accueille aussi Bio3, dédié à la la technique novatrice de l’ARN messager, il fabrication de biomédicaments à Tours. Pour ne a reçu l’autorisation de l’Agence européenne pas manquer ce nouveau virage industriel, un L’entreprise Engeneering Data, à du médicament le 6 janvier. Le recrutement a cluster régional sur les équipements médicaux a Fondettes, a mis au point le robot été fait en amont et soixante-cinq personnes été monté par Dev’Up (dont Mediprema et Axess Heka bot, qui désinfecte les locaux sont déjà embauchées pour cette production Vision). Enfin, le congrès France Bioproduction, industriels pendant la nuit. Le procédé exceptionnelle. Il s’agit d’une adaptation des dont c’est la 5e édition, est annoncé à Tours, les réside dans la technologie innovante lignes de fabrication, auparavant dévolues à des 17 et 18 juin. de la pulvérisation d’un biocide en ampoules liquides. Tous les indicateurs affichent le vert en Touraine. brouillard sec, développée en interne. Depuis, on a appris que le vaccin CureVac Bonne année, bonne santé ! Noël Boumédiene, gérant, indiquait (entreprise allemande qui travaille aussi sur l’ARN A . A. en décembre : « Ce procédé permet aux microgouttelettes de désinfecter rapidement de grandes surfaces et d’atteindre efficacement les recoins. Tous ces éléments confèrent à notre robot une importante autonomie et ils arrivent une utilisation intuitive. » Fort utile en période de pandémie, le robot doit encore être perfectionné quelques AGNÈS BOUTY-TRIQUET CATHERINE MELET semaines, avant la production en série. Sous-préfète à la relance Présidente des Studio La fonctionnaire, nommée Élue cet automne, cette UN BOND comme une trentaine cinéphile doit faire face POUR LES PUCES (Photo archives NR, Julien Pruvost) d’autres en France, sera à la fermeture des salles. À TOURS chargée d’assurer, d’ici à 150.000 spectateurs ont STMicroelectronics décroche le contrat pour deux composants 2022, la déclinaison locale du été accueillis en 2020, au (Photos archives NR) supplémentaires dans l’iPhone 12. plan « France Relance » en lieu des 350.000 de 2019. Le fabricant franco-italien de Indre-et-Loire. Une dizaine Elle indique ses projets : puces électroniques a, grâce à cela de projets sont prévus pour « D’abord, sortir de la crise et notamment, atteint un chiffre d’affaires l’instant. tout faire pour que le public record (depuis 2011) de 10,22 milliards revienne. » d’euros en 2020, encore meilleur que ses prévisions optimistes. L’usine de Tours participe à ce succès. LAURENT CAMPELLONE ARNAUD GIACOMETTI Directeur du grand théâtre Président de l’université 150 Nommé cet automne à de Tours Tours, le directeur général Codirecteur du département est originaire de Provence. d’informatique de la faculté Le nombre de médecins Il a appris la direction des sciences et techniques, généralistes que recrute la d’orchestre après avoir il part pour un mandat Région pour ses maisons de étudié le violon et le chant. de quatre ans. Sa vision : santé. Cet objectif est fixé sur Promettant de « tourner « Pour moi, il faut que tous cinq ans. la page », il succède au les personnels travaillent controversé Benjamin ensemble, aller vers une Pionnier. gouvernance participative. » LIONEL GOSSEAUME BRUNO POILPRÉ Nouveau président Président du Tours d’Interloire Volley-Ball Ce producteur d’AOC Dirigeant du Groupe Touraine et Touraine-Oisly, Roulliaud, il fait partie des à la tête d’un domaine de partenaires historiques du 35 ha à Choussy (41), est club depuis vingt ans et convaincu que l’avenir des espère « décrocher un 9e titre vins de Loire passera par le de champion de France ». développement des marchés Il succède à Yves Bouget, à l’export et une transition devenu président de la Ligue écologique. nationale de volley. JANVIER 2021 I 37 I CAP’ÉCO # 58 I 5
l’enquête (Photo archives NR) Se fournir en local : en quête de (bon) sens Si, pour certains entrepreneurs, la question de l’approvisionnement n’a pas forcément d’importance, d’autres en font un engagement. Rencontre. P our Yves Fournier, patron de l’entreprise Yvelinox à Amboise, La vertu du circulaire travailler avec des fournisseurs de la région est avant tout un Mais, là où il s’agit pour lui d’une affaire de bon sens, il croise des chefs choix d’ordre stratégique et financier. « C’est une manière pour d’entreprise qui ne pensent pas comme lui. Dans les réunions de l’Union nous d’avoir des coûts de transport minimes, de ne pas avoir à stocker des industries et métiers de la métallurgie (UIMM), par exemple, où le la matière chez nous et d’être assurés d’une forme de régularité dans son sujet de l’approvisionnement est souvent évoqué, les avis divergent. prix », raconte celui qui, pour la fabrication du mobilier de cuisine qu’il « Chacun fait comme il le sent, selon la logique qui guide ses achats… vend notamment aux restaurateurs, se fournit en inox auprès de la Pour ma part, j’essaie de limiter les dépenses énergétiques », justifie société Azynox, à Esvres-sur-Indre. Un par- Yves Fournier, qui se dit sensible aux pro- tenariat qui s’est révélé très simple à mettre blématiques environnementales autant qu’à en place, puisqu’il repose sur un principe la bonne santé de son écosystème entrepre- gagnant-gagnant : « Nous nous engageons à Le bilan carbone neurial. Dans sa logique, le fait de contribuer commander les trois quarts de notre besoin en à l’activité d’autres entreprises du territoire matière, eux à la stocker et à nous proposer des dans le apparaît comme un bon moyen d’enrichir prix intéressants », explique le dirigeant, qui l’économie locale. achète également les lampes UV, dont sont collimateur Un point sur lequel insiste également Robin équipées ses armoires de décontamination, Morellet, conseiller d’entreprises en éco- à la société Lum’On, à Bossée. nomie circulaire à la Chambre de métiers t 6 I JANVIER 2021 I 37 I CAP’ÉCO # 58
l’enquête et de l’artisanat (CMA), à l’origine – aux côtés d’autres Sourcer local, t acteurs – de la démarche d’écologie industrielle et terri- toriale impulsée en Indre-et-Loire sur les territoires du Val d’Amboise et du Sud Touraine. Soutenue par l’Ade- un exercice difficile me, cette réflexion a permis d’« identifier des pistes de synergies », comme celle créée entre le groupe amboisien Mecachrome, spécialisé dans la mécanique de précision, et l’entreprise Embipack, implantée à Sublaines, et dont l’activité repose sur le traitement des emballages indus- triels. « Mecachrome faisait recycler ses bidons en plastique dans le sud de la France, et a découvert l’existence d’une entreprise plus proche », raconte le spécialiste de l’écono- mie circulaire. Il est également en charge d’un sujet porté par le fabricant de maroquinerie perrussonnais Savebag. Une société qui, selon ses mots, jette trois tonnes de chutes de cuir par an et propose de les mettre gratuite- ment à disposition d’autres acteurs. Pour leur donner une seconde vie, Robin Morellet a d’ailleurs commencé par en distribuer lui-même aux ressortissants de la CMA, en témoigne la propriétaire de L’atelier de la Cordonnière, Cindy Vesin : elle les a, par exemple, utilisées pour conce- voir les nouvelles poignées d’un sac à main Louis Vuitton, ainsi que les croisillons destinés à fixer les bretelles de son tablier. Toujours en cours, le projet pourrait aboutir à un concours de designers, ou permettre la fabrication d’objets en petite ou moyenne série par des personnes en insertion. Si les pistes sont à creuser, l’important demeure, pour Robin Morellet, de valoriser les savoir-faire locaux et l’économie circulaire, sociale et solidaire. Le cas Mecachrome-Embipack révèle une chose : pour que les entreprises fassent appel les unes aux autres, encore faut-il qu’elles se connaissent… Une condition à laquelle les chambres consulaires doivent contribuer, selon le conseiller développement durable à la Chambre de commerce et d’industrie de Touraine (CCI), Frédéric Boulanger. Lui voit même dans son rôle de facilitateur l’une de ses missions premières : « Nous devons faire le lien, car être une courroie de transmission fait partie de notre ADN », affirme-t-il, contribuant pour cela à l’orga- nisation de nombreux événements de networking, comme les speed dating entre chefs d’entreprise ou les salons de sous-traitance. « Les Rencontres Touraine Entreprises, dont la dernière édition s’est déroulée en visio en raison de la crise sanitaire, permettent également aux professionnels de se rencontrer », explique-t-il, ajoutant à la liste des outils utiles les publications éditées par les Chambres ou encore les répertoires de professionnels tels que le site cotraitel. com pour les sociétés de sous-traitance. Soutenir les productions hexagonales Un autre problème est régulièrement soulevé par les entre- preneurs en matière de sourcing local : la difficulté, pour certains secteurs d’activité, à trouver des fournisseurs français pour s’approvisionner. Julie Degans, créatrice de la marque de cosmétiques écoresponsables Mélissane, à Verneuil-sur-Indre, en parle bien : « Trouver certains composants a été une vraie galère ; ça l’est encore », déses- père celle qui a, par exemple, passé plusieurs semaines (Photo Juliette Lécureuil) à trouver un macérât de carottes 100 % français. « Soit l’huile vient des pays du Nord, soit les carottes de Hongrie », justifie-t-elle… Raison de plus pour continuer à soutenir les productions françaises ! l Juliette Lécureuil Conjuguer local Pédaler pour le La cuisine élaborée et disponibilité dernier kilomètre au plus proche Pour la Social Media Family, C’est en avril 2019 que Brice, Propriétaires de l’établissement Le agence de communication Damien et Jugurtha créent Tours’N Berlot – tout à la fois restaurant, tourangelle spécialisée dans le Messengers, un service personna- bar à vin et meublé de tourisme, community management, être au lisé de livraison à vélo. Ce qui les à Montlouis-sur-Loire –, Hervé et plus près de ses clients importe rassemble ? Ils sont déjà coursiers Patricia Chardonneau ont à cœur (Photo Benoît Bourdache) énormément. Son fondateur et depuis un petit moment à Tours, et de faire travailler des produc- directeur général, Antoine Périgne, se sentent en profond désaccord teurs locaux. Dans l’assiette, des le confirme : « C’est justement avec les grandes plateformes pour légumes cultivés par un maraîcher le fait de devoir être en contact lesquelles ils pédalent. C’est d’un bio voisin, des volailles (bien) permanent avec eux qui nous diffé- ras-le-bol commun, donc, que naît élevées à Bourgueil, de la truffe rencie des autres communicants… leur envie d’entreprendre… Mais d’Indre-et-Loire… Les réseaux sociaux réclament aussi d’un profond attachement à Bref, des produits frais, de saison, d’être présent et disponible », la ville et à ses commerces. « En fournis au maximum par des explique-t-il, ajoutant que les deux tiers de ses clients ont tant que Turons, nous voulions être un service de proxi- producteurs du coin avec lesquels ils tissent des liens : « On des bureaux et une audience en Touraine. L’avantage ? Ses mité, travailler en partenariat avec eux », racontent ceux s’entend sur des valeurs, une manière de voir. On se recom- collaborateurs et lui peuvent leur rendre visite à n’importe qui livrent aujourd’hui les clients de magasins bio, comme mande les uns les autres et cela crée des espèces de chaînes quel moment pour prendre photos et vidéos, et connaissent Biocoop BioCité ou Coop Nature, de l’épicerie locavore Sur communes », raconte Hervé qui, au-delà de partager une suffisamment bien la ville pour transformer des événements la Branche, de plusieurs fleuristes du centre-ville – Will you vision avec ses fournisseurs, se sent investi d’une forme de en opportunités de communiquer… Et c’est justement pour Marine me, L’Art ô Zoir, Uflora –, mais aussi du Printemps et responsabilité envers eux. « Les gens qui se lancent ont une cette raison que des entreprises, comme les restaurants Wa- des Galeries Lafayette. Avec toujours la même philosophie : énergie de fou, on a envie de les soutenir », raconte-il, ajou- zawok et 231 East Street, les concessions Warsemann ou la proposer du sur-mesure, contribuer au bon fonctionnement tant pour l’anecdote qu’il a déjà programmé un atelier avec marque économique Sud Touraine Active font appel à eux. de l’économie locale, mais, surtout, être indépendants. son volailler qui élève depuis peu… quelques cochons. JANVIER 2021 I 37 I CAP’ÉCO # 58 I 7
l’enquête Du champ à la table, itinéraire d’un yaourt Un yaourt, oui… Mais un petit pot de Touraine ! Zoom sur un produit qui fait fonctionner l’économie locale. I maginez entrer chez votre crémier-fromager aussi une histoire de confiance. Entre des parte- préféré. Comme à l’habitude, vous lui deman- naires de longue date, engagés en faveur d’une dez quelques tranches à la coupe, parcourant production française et locale, pour qui le made nonchalamment sa boutique du regard pendant in Touraine a de la valeur. « J’ai reçu des proposi- qu’il s’affaire avec la meule de comté. Jusqu’au tions commerciales de fournisseurs européens que moment où vous vous arrêtez sur… le petit pot j’ai toujours déclinées », confirme Saïd Akram, en verre dans la vitrine, estampillé Le Fierbois. qui préfère proposer un produit haut de gamme Un yaourt qui, aussi appétissant soit-il, n’attire – vendu plus cher qu’un petit pot de grande dis- pas seulement l’œil en raison de sa jolie couleur tribution – plutôt qu’un yaourt fabriqué à par- framboise, mais parce qu’il porte la mention tir d’une matière première bon marché. Même « Fabriqué en Touraine » sur l’étiquette. Que son de cloche chez Annick Lartigue, pour qui dit cette mention, au juste ? Pour Saïd Akram, la confiance est un élément clé : « Nos clients qui a racheté l’entreprise Fierbois Tradition en sont en quête de sécurité, ils se tournent vers nous 2016 après l’avoir dirigée pendant dix-sept ans, parce qu’ils savent que nous ne sacrifions rien à elle raconte avant tout une histoire de qualité. la qualité », explique-t-elle. Chez le distributeur, Parce que, pour s’assurer que celle de ses yaourts le « Fabriqué en Touraine » raconte tout ça à la est optimale, le dirigeant se rend lui-même à la fois. Gérant de la fromagerie bléroise La Balade coopérative laitière Verneuil Touraine-Berry des fromages, Jean-Louis Bulté s’en fait l’écho : quatre fois par semaine. But de l’opération ? S’y « Sauf quelques exceptions, je suis capable de don- approvisionner en lait fraîchement collecté, à ner la provenance de chacun de mes fromages », raison de 8.000 à 10.000 l hebdomadaires. Un s’enthousiasme-il, ajoutant que, quand il doit fonctionnement qui, au-delà de lui garantir une reconstituer son stock de yaourts, il se rend flexibilité dans les quantités, lui permet de fabri- lui-même chez Fierbois Tradition à quelques Pour Jean-Louis Bulté, travailler avec des producteurs locaux quer « un produit de terroir ». kilomètres de là. permet de satisfaire l’exigence croissante des clients sur la Pour Annick Lartigue, directrice de la laiterie de provenance des produits. (Photo Juliette Lécureuil) Verneuil, ce « Fabriqué en Touraine » raconte J. L. 8 I JANVIER 2021 I 37 I CAP’ÉCO # 58
l’enquête Will you Marine me, fleuriste engagée Alors que la Touraine est bien connue pour ses jardins, il est difficile d’y trouver des fleurs cultivées localement. Rencontre avec Marine Vanpoulle, à la pointe sur le sujet. S i l’entreprise Will you Marine me décore nelle ne stocke anémones et giroflées qu’en toute événements et mariages depuis trois ans petite quantité. Achetées en grande partie auprès déjà, l’idée du service de click and collect d’un des seuls producteurs de la région, le Blésois est née pendant le premier confinement : « Nous Clément Fleurs s’approvisionnant en négoce avions eu vingt-cinq reports de mariage, c’était pour les variétés comme le mimosa du Var, ces l’horreur… Il fallait trouver une solution », se dernières durent plus longtemps. Philippe Bre- souvient celle qui, en urgence, active son réseau. ton, qui livre le jour de notre visite, en atteste : « Marie, du restaurant La Petite Cuisine, m’a « On coupe les gerberas la veille de la livraison, prêté son local à Tours », raconte-t-elle, profi- alors que celles venant de Hollande le sont en tant de l’opportunité pour lancer son concept général depuis une semaine. » Une version que de bouquet surprise. Très vite, l’idée séduit : les Marine Vanpoulle confirme ; elle qui, au cours de fleurs qui le composent sont 100 % françaises, de son expérience de wedding planner en Australie, saison, et de préférence locales. a appris à travailler avec des variétés locales et Une nouvelle expérience pour le client, qui ne de saison. choisit pas ses tiges comme chez un fleuriste Si cette philosophie nécessite d’avoir des pro- traditionnel, mais achète « un look, un design ». ducteurs sur place, elle demande aussi aux fleu- Pour Marine Vanpoulle et ses collaboratrices, ristes de Will you Marine me de faire preuve le système permet d’anticiper la demande et de pédagogie auprès des clients. « Nous leur de ne rien gaspiller. « On ne fait couper que ce expliquons que c’est une philosophie, une question que l’on vend », confirme-t-elle, l’ouverture de de conscience… Mais aussi que les anémones, l’atelier rue Berthelot n’ayant rien changé à cette c’est quand même beaucoup plus canon que les doctrine. Bien sûr, il est possible d’y passer à l’im- roses rouges ! », plaisante la fleuriste. L’ultime proviste pour s’offrir une plante ou un bouquet… preuve de son engagement – s’il en fallait une – : « Mais pour le bouquet, mieux vaut passer par la elle représente en région Centre le collectif de plateforme en ligne. » la fleur française, qui porte les mêmes valeurs. Livraison de fleurs fraîchement coupées, cultivées à Blois : Marine Et pour cause : dans la boutique, la profession- J. L. Vanpoulle contrôle la qualité. (Photo Juliette Lécureuil) JANVIER 2021 I 37 I CAP’ÉCO # 58 I 9
l’enquête Connaître son écosystème grâce aux groupements Pour s’intégrer à un environnement, il faut avant tout le connaître… Une rencontre qui peut avoir lieu par le biais de groupements ou d’associations d’entrepreneur(e)s. S i les chambres consulaires et les commu- Se regrouper pour gagner en visibilité, voilà nautés de communes tentent au maximum qui fait également partie des objectifs du Geida, de faire le lien entre leurs ressortissants, un groupement réunissant les entrepreneurs elles ne sont pas forcément au courant de tous du Val d’Amboise et de Bléré-Val de Cher et les projets en germe en Indre-et-Loire. Justine comptant aujourd’hui une centaine d’adhérents. Dubourg, chargée du développement et de l’ani- Pour sa présidente, Véronique Bouchareine, mation de l’incubateur d’éco-entreprises Talent également directrice commerciale de l’agence Up, impulsé par la CMA 37, en témoigne bien : d’intérim Contact à Amboise, l’intérêt premier « On ne connaît finalement que les entreprises est de pouvoir peser davantage au niveau ins- qui se présentent à nous », déplore-t-elle. Et si titutionnel. Néanmoins, elle reconnaît que l’or- elle les encourage à assister aux événements de ganisation de déjeuners mensuels ou de Cafés networking, elle a malheureusement constaté au du Geida – dont la première édition a eu lieu en fil du temps que peu de femmes s’y rendaient. janvier dernier – donnent lieu à des échanges « Elle n’osent pas, où ne sont pas disponibles le soir précieux. « Nous partageons nos best practices, parce qu’elles s’occupent de leurs enfants », justifie découvrons de nouveaux savoir-faire, observons celle qui, pour donner davantage de visibilité comment travaillent nos voisins », cite-t-elle, à ces porteuses de projet, a créé l’association ajoutant que c’est d’abord la valeur humaine Touraine Women. Le défi ? Montrer que de nom- qui fait la richesse du groupement. À ses yeux, breuses femmes entreprennent sur le territoire en effet, « tout ce qui peut rassembler les gens est et qu’elles sont expertes sur certains sujets, mais important », et c’est sans doute pour cela qu’il aussi faire en sorte qu’elles se rencontrent. Un existe de nombreuses autres formations sur combat qu’elle mène notamment à travers l’or- ce modèle. À Loches, Montlouis, Château-Re- ganisation de start-up week-ends women, au nault… Peu importe la forme qu’elles prennent, cours desquels plusieurs équipes – mixtes, afin tant qu’il y a le partage. de ne pas exclure les hommes du combat, mais J. L. En septembre dernier, les membres du Geida visitaient l’entreprise emmenées par des entrepreneuses – disposent d’un de leurs membres : les pépinières Crosnier. (Photo Geida) de 54 heures pour créer leur entreprise. 3 questions à… Gabriel Colletis Professeur d’économie à l’université Capitole 1 de Toulouse, il prône une réindustrialisation française et a fondé le Manifeste pour l’industrie. De quand date votre constat sur l’abandon de l’industrie en France ? Lors de mes deux thèses, dans les années 1980, je le voyais déjà à travers le déséquilibres des échanges commerciaux France-Alle- magne. On a fini par admettre comme une fatalité une politique tournée vers le mirage des services, supposés seul source d’emplois. Les pays qui se développent sont industriels, comme le Japon jadis, et la Chine aujourd’hui. La France a en commun avec la Grèce d’im- porter énormément, y compris pour l’alimentation. On en voit les limites dans la crise sanitaire du Covid-19. Comment y remédier ? Un mouvement inverse doit s’engager et on peut le faire ! Il ne faut pas s’enfermer dans l’impasse des moyens – un produit allemand a le coût de sa qualité, il est réputé pour cela – et mettre en place des outils efficaces. La compétitivité ne passe pas forcément par les coûts, comme avec le CICE ou la baisse des impôts de production. Il faut remonter en gamme, mais c’est une réponse partielle et superficielle. Il faut prendre en compte la valeur d’usage d’un bien. Est-ce qu’il est réparable (il faut qu’un composant n’excède pas 15 % du coût de fabrication), est-ce qu’on a pris en compte dès le départ son coût énergétique ? L’écoconception est une très bonne piste. Quelle appréciation portez-vous sur le plan de relance actuel du gouvernement ? Il faut combiner un modèle rentable avec la transition écologique. Or, le plan met ces deux solutions en parallèle : elles doivent s’ajou- ter… C’est une opportunité extraordinaire de produire des biens durables, en pensant à leur empreinte carbone… Il faut prendre la transition écologique de tous les côtés : avec les producteurs, les consommateurs, les acteurs publics, mais aussi les banques, qui devraient étaler un prêt selon la durée de vie du bien acheté. D’où la nécessité d’élaborer un nouveau modèle de développement. A. A. 10 I JANVIER 2021 I 37 I CAP’ÉCO # 58
l’invité Laurent Colas Plancha ENO, la plaque made in Niort Savoir-faire et pérennité : les motivations du codirigeant d’une manufacture française, fondée en 1909, qui s’applique à l’excellence hexagonale. C ’est une entreprise fondée par Alsace. Le but de ce parti pris ? Aiguiller Arthur Haineaux il y a plus de le consommateur, mais aussi démon- cent ans – la fonderie Haineaux trer qu’acheter « bleu blanc rouge » ali- et Cie, rebaptisée ENO en 1927 – que mente un cercle vertueux, fait fonction- Laurent Colas rachète en 2003 avec son ner l’économie du territoire et préserve associé Antoine Thomas. Ce sont les des emplois et des savoir-faire ayant savoir-faire faisant alors le succès de la tendance à disparaître – en société qui le convainquent : l’émaillage l’occurrence l’émaillage, et le travail de la fonte, servant tradition- qui a également valu à ENO nellement à la fabrication d’appareils de d’être certifiée Entreprise cuisson et de chauffage au gaz. Pour lui, du patrimoine vivant. cet ADN est l’occasion de populariser la Pour Laurent Colas, l’engage- plancha, nouvel ustensile de cuisine per- ment en faveur de la fabrica- mettant de faire griller viandes, poissons tion française s’inscrit égale- et légumes, en conservant leur saveur. ment dans une démarche qui, Tout juste débarquée sur le marché si elle paraît démodée, consti- hexagonal, notamment à l’initiative des tue une vraie préoccupation chefs basques coutumiers de la cuisine pour certains foyers : investir en plein air, cette plaque séduit petit dans des produits plus durables. à petit les Français. « Voyant que ce Car acheter des matériaux nobles genre d’engins pouvait séduire les parti- et résistants fabriqués sur le culiers, les ferronniers sont venus trouver territoire, c’est aussi une manière de des industriels du gaz comme nous », se concevoir des produits réparables et souvient Laurent Colas, qui parie alors qui durent dans le temps. « Nos plan- sur ce produit – ainsi que sur les cuisi- chas sont garanties à vie, et il nous arrive nières pour bateaux de plaisance, ENO de réparer des produits qui ont 40 ou 50 rachetant en 2006 la société canadienne ans », témoigne le chef d’entreprise, Force 10, leader sur le marché américain. ajoutant que ses clients sont générale- Très rapidement, l’entreprise dessine ment satisfaits de constater que l’entre- sa propre gamme de planchas, qu’elle prise stocke encore les pièces. fait fabriquer dans son usine de Niort, Si la marque est aujourd’hui vendue et la commercialise auprès d’un réseau en France, en Belgique, en Suisse, et de distributeurs ou encore de sites de dans quelques pays européens non vente en ligne. francophones, elle a également pénétré L’un des arguments de vente ? Les les marchés américains et canadiens. planchas, comme tous les appareils de « Nous commençons à vendre à Québec cuisson ENO, sont labellisées « Origine et en Ontario, et nous nous préparons France Garantie », une certification que à attaquer la Floride et la Californie », le codirigeant de l’entreprise estime explique l’entrepreneur, qui voit dans plus exigeante que le label Fabriqué en l’enthousiasme des Américains et des France. D’abord, parce que 50 % du prix Canadiens à l’égard de la cuisson en de revient unitaire du produit doit être extérieur une belle opportunité com- acquis en France ; ensuite, parce que son merciale. « Nous avons implanté une composant essentiel – dans le cas des toute petite équipe au Canada, même planchas ENO, les plaques en acier – doit si notre motivation reste de faire vivre également y avoir été produit. « Nous la centaine d’ouvriers qui travaillent avons été les premiers à l’obtenir parce dans notre usine à Niort », conclut que nous voulions communiquer sur ce Laurent Colas. Le début d’une aventure sujet. C’est notre histoire et notre fierté », justifie Laurent Colas, ajoutant que, si Une fabrication outre-Atlantique qui devrait contribuer à promouvoir le savoir-faire français à (Photo © ENO) tous les composants ne sont pas fabri- qués en France (il cite notamment les made in France l’étranger. l Juliette Lécureuil allumeurs électriques, « que personne ne produit sur le territoire »), il essaie de et durable privilégier un maximum de fournisseurs français, les plaques étant coulées en bio express 2003 : rachat, avec son associé Antoine Thomas, de la fonderie Haineaux, créée en 1909 et implantée à Niort depuis 1916. Mission durabilité 2006 : rachat de la société canadienne Force 10, leader américain des cuisinières Si les dirigeants de ENO mènent plusieurs projets de une usine en France, « où le coût du travail est plus pour bateaux de plaisance. front, l’un d’eux importe particulièrement à Laurent cher et les normes environnementales plus strictes », 2011 : obtention des labels Entreprise Colas : celui de devenir « société à mission », une qualité est une manière de sauver des industries françaises du patrimoine vivant et Origine France introduite dans la loi Pacte, qui permet aux entreprises souvent fragiles. « Il faut qu’il y ait des patrons qui se Garantie pour tous les appareils de « de déclarer [leur] raison d’être à travers plusieurs disent “ j’y vais, je me lance ”, pour que ces industries ne cuisson. objectifs sociaux et environnementaux », selon les disparaissent pas », plaide-t-il, rappelant, pour illustrer 2012 : dépôt du nom La Plancha® aux mots du Centre de documentation économies finances la désindustrialisation de la France, les difficultés à États-Unis. (CEDEF). La mission de ENO ? « Concevoir et de s’approvisionner en masques et en gel hydroalcoolique 2020 : lancement de la collection fabriquer des produits durables », explique le dirigeant, vécues pendant la crise. premium de planchas « enosign ». pour qui prendre le risque de conserver ou de relocaliser JANVIER 2021 I 37 I CAP’ÉCO # 58 I 11
Ce multirepreneur s’est fait tout seul, à coup de cours du soir. bio express > 22 février 1954 : naissance à Fresnay- sur-Sarthe (72). > 1971 : obtention d’un CAP d’ajusteur à l’école de Moulinex, à Alençon (61). > 1979 : obtention d’un CAP de dessinateur. > 1981 : brevet d’études industriel. > 1982 : stage d’un an en création et gestion d’entreprise. > 2012 : rachat de LMJ Joué-lès-Tours. > 2020 : rachat de Colin Industries, désormais LMJ grande distribution. 12 I JANVIER 2021 I 37 I CAP’ÉCO # 58
l’homme du mois Jacques Huard Le travail est devenu sa revanche sur l’enfance Par Émilie Veyssié S i votre entreprise va si mal, je vais essayer de la pouvait imaginer de moi. » Le sexagénaire revient de très sauver. Je ne vais pas vous laisser seuls. C’est en loin. Et c’est un euphémisme. substance ce qu’a dit Jacques Huard, gaillard de Au divorce de ses parents, il a alors 6 ans, il est élevé 1,76 m, cheveux blancs et sourire charmeur, aux salariés par sa belle-mère, la nouvelle femme de son père, qui le de Colin Industries, à Loches, lorsqu’il a appris la situa- maltraitait et l’affamait. « Elle nous matraquait et nous tion de leur bouche. Et, il a tenu parole. En octobre, il ligotait dans des caves mon frère et moi. Parfois, on ne rachète la société (pour un montant qu’il ne souhaite pas mangeait pas », raconte-t-il. Le cauchemar dure jusqu’à dévoiler), conserve les quinze employés techniques et ses 17 ans. Son CAP d’ajusteur en poche, il quitte la mai- les augmente « pour remotiver l’équipe », dit ce père d’un son pour aller travailler à Orléans où il est embauché fils et grand-père d’une petite fille, divorcé. « C’est son en CDI à l’usine Thermor. « Je n’avais pas d’argent, j’ai nouveau bébé, il est toujours là-bas. Il prend sous son aile vécu dans la rue pendant six mois. Parfois, je prenais des les salariés pour faire les choses correctement. Il fait dur chambres d’hôtel, mais la plupart du temps, je dormais comme ça, mais il est très sensible à l’intérieur », décrit dans des halls d’immeubles », poursuit-il. Carole Delestre, son bras droit chez LMJ et sa partenaire À 24 ans, Jacques Huard dirige sa première équipe dans la vie depuis quelques années. de vingt-cinq personnes en Basse-Normandie. Puis, il passe un CAP de dessinateur en cours du soir à Paris et un Brevet d’enseignement industriel. À 28 ans, il fait un « Il a réveillé stage d’un an en création et gestion d’entreprise pour LMJ » passer au niveau supérieur. « J’ai grandi le jour Rien n’arrête cet autodidacte qui reprend goût à la vie. « Avant sa reprise par Jacques Huard en 2012, LMJ était une petite société, « Je faisais 1,56 m quand je suis parti de chez moi à 17 ans. où je suis allé sur J’ai grandi le jour où je suis allé sur le marché du travail. d’un niveau correct, mais le dirigeant n’avait pas la volonté d’aller de l’avant, Je veux dire, physiquement. À 19 ans, je faisais 1,76 m. » le marché du travail » Son parcours le mène en Touraine en 2012, quand il estime Bernard Roche, ancien directeur des achats à Michelin Joué-lès-Tours, devient le gérant de LMJ à Joué-lès-Tours. Parti d’un et aujourd’hui à la retraite. Alors, quand petit hangar de 250 m2, l’entrepôt fait désormais plus de Jacques Huard est arrivé, il a secoué un Désormais, l’entreprise se nomme LMJ grande distri- 1.000 m2 et compte huit salariés. Ses clients ? Michelin, peu tout ça, il a réveillé LMJ. » Hutchinson, Prodera, Alltub, Vernet, Eurofeedback… À leur rencontre, LMJ étant un bution, du fait de son activité de fabrication de grandes fournisseur de Michelin. Bernard pièces de mécanique, parfaitement complémentaire « Je passe mes week-ends à bosser, je suis un malade, Roche le teste, reste attentif à son avec LMJ (La mécanique de Joué) – autre entreprise que je le reconnais », plaisante l’hyperactif, qui ne dort pas travail qu’il ne connaissait pas. « J’ai Jacques Huard a rachetée en 2012 et qui fabrique, elle, plus de quatre heures par nuit et s’entraîne tous les jours vite été rassuré. Jacques Huard a une des petites pièces de grande précision pour l’aviation, (haltères, vélos, rameur). grande compétence technique, de ou encore l’automobile. Mais, il ne s’oublie pas pour autant. Devenu fin gour- la précision, de la régularité, et une « Colin Industries était sur le déclin depuis quatre ans. En met, il sponsorise le Grand Ordre du poêlon, confrérie grande réactivité », poursuit Bernard quinze jours, nous avons maintenu l’équilibre et je peux gastronomique de Touraine. À la maison, c’est lui qui Roche. Depuis, les deux hommes se déjà annoncer que le mois de novembre est dans le posi- cuisine : tête de veau, lapin à la moutarde, soufflé de sont découvert une passion commune : langouste. Il a tout appris par lui-même. la gastronomie. Le gérant de LMJ tif », déclare fièrement le multirepreneur. Car ce n’est sponsorise le Grand Ordre du poêlon, pas une première pour le Sarthois. Au fil de sa carrière, À 67 ans, le repos ce n’est pas pour tout de suite. « Je la confrérie gastronomique tourangelle Jacques Huard a repris quinze entreprises, avec ses m’ennuierais, je ne supporte pas de ne rien faire », déclare dont fait partie Bernard Roche. Leurs biens propres, toutes dans le même secteur d’activité : la t-il. Mais il pense quand même à la suite. Qui repren- restaurants préférés ? « L’Arche de mécanique. « J’ai toujours aimé me remettre en question. dra ses bébés, LMJ et LMJ grande distribution ? « J’ai Meslay, L’Auberge de la Brenne ou Et c’était aussi une façon de sauver des emplois. J’ai aussi quelques idées, mais je ne vais pas les dévoiler ! », sourit encore La Liodière, mais celle là, c’est voulu prouver que j’étais capable de faire plus que ce qu’on Jacques Huard. Le doyen a encore quelques secrets. l presque sa cantine ! » € 830.000 C’est, en euros, le chiffre d’affaires 15 C’est le nombre d’entreprises que 2.000 C’est la surface, en mètres carrés, de 2020 de LMJ, qui est resté quasiment Jacques Huard a repris dans le domaine LMJ grande dimension (anciennement le même que celui de 2019 (840.000 €) de la mécanique. Il en a racheté huit. Colin Industries), à Loches. Jacques malgré le Covid-19. Il était chasseur de tête Huard envisage de déménager le site pour les sept autres. à Joué-lès-Tours et construire un bâtiment de 3.000 m2. JANVIER 2021 I 37 I CAP’ÉCO # 58 I 13
le dossier (Photo Pierre Bonnet) Périurbaine et dynamique de Montlouis à Vouvray En 2017, la communauté de communes Touraine-Est Vallées s’est forgée à cheval sur la Loire. Zone périurbaine par excellence, ce territoire chargé d’histoire ne vit pas que de la viticulture, loin de là ! À l’est de Tours Métropole, la communauté de communes Tou- de l’agriculture, de la pêche ou de la sylviculture (donc, de la vigne et raine-Est Vallées s’établit au cœur de la vallée de la Loire – classée du vin), pour un total de 327 emplois (3,6 % de la population active). par l’Unesco au patrimoine mondial de l’humanité il y a vingt Le secteur du commerce, des transports et des services divers repré- ans. Située en plein centre de la Touraine, à la croisée d’un axe nord-sud sente 571 établissements (dont 169 pour le commerce et la réparation (sur le territoire de Monnaie se trouve l’un des principaux péages de automobile) avec 3.398 emplois (1.426 pour le commerce et la réparation l’A10) et d’un axe est-ouest, elle bénéficie d’un placement géographique automobile), ce qui représente 37,2 % de la population active. particulièrement favorable. La communauté de communes s’est dotée de quatorze zones d’activité, Avec 213,5 km2 de superficie totale, pour dix communes et 39.404 habi- accueillant plus de 260 établissements, sur une superficie cumulée supé- tants (soit 16.001 foyers), cette communauté de communes constitue rieure à 130 ha, justement pour favoriser l’emploi intracommunautaire et l’archétype du territoire périurbain, avec une forte proportion de cadres limiter l’impact carbone lié au déplacement pendulaire domicile-travail. (9,9 % des plus de 15 ans) et de professions intermédiaires (17,7 % des Elle souhaite poursuivre la démarche. C’est pour cela qu’a été imaginé Le plus de 15 ans). Les retraités, quant à eux, représentent 28,7 %. Rubixco (lire en p.16), un tiers-lieu dédié aux activités tertiaires autour La composition de la population, la proximité immédiate de Tours du numérique. Certes, la crise sanitaire a considérablement ralenti Métropole et la facilité d’accès au TGV (avec lui, Paris n’est qu’à une son développement, mais le bâtiment, qui a ouvert ses portes le 15 juin heure) sont autant d’éléments qui font qu’une importante proportion de dernier, accueille déjà quelque dix-huit résidents (pour une capacité la population travaille en dehors du territoire (81,3 % des résidents du maximale de trente-cinq). territoire exercent en dehors de leur commune). Le développement du télétravail et le nombre croissant de cadres, qui Avec, sur cette intercommunalité, deux AOP renommées, Montlouis fuient les grandes agglomérations (à commencer par la région pari- et Vouvray, l’économie viticole ne peut être passée sous silence. Pour sienne), devraient, dans les années à venir, largement bénéficier à un autant, il ne s’agit pas de l’activité principale du territoire. En effet, sur territoire tel que celui de Touraine-Est Vallées. l les 1.023 entreprises recensées, seules 104 interviennent dans le domaine Pierre Bonnet 17.481 Le nombre de logements situés sur 184,6 Le nombre d’habitants au km2, sur 100 Le nombre d’établissements le territoire de Touraine-Est Vallées, l’ensemble du territoire communautaire. d’administration publique, dont 400 résidences secondaires d’enseignement, de santé et d’action et logements occasionnels, et 949 sociale implantés sur le territoire. logements vacants. Cela représente 2.342 emplois. JANVIER 2021 I 37 I CAP’ÉCO # 58 I 15
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