Le Lien - N 415 mars - avril - Eglise catholique en Algérie
←
→
Transcription du contenu de la page
Si votre navigateur ne rend pas la page correctement, lisez s'il vous plaît le contenu de la page ci-dessous
PRINTEMPS… Printemps s’écrit au pluriel, avec un « s » à la fin et, de fait, nous vivons en ce moment plusieurs printemps. Le printemps cette année en Algérie se dit hirak, ce qui se traduit par mouvement. En effet, depuis le 22 février, l’Algérie bouge en profondeur, d’une façon aussi inattendue que pacifique et déterminée. Pour tous ceux qui ont vécu les heurts, les bonheurs et les malheurs de l’Algérie indépen- dante, ce qui se vit en ce moment n’est en rien comparable avec ce qui a été vécu jusque-là. Il souffle un vent nouveau, une aspiration profonde de toute une population à vivre, à prendre son destin en main, dans la paix. Les fantômes du passé dont le souvenir sanglant hantait les mémoires ont été balayés par une jeunesse qui, à juste titre, veut croire en son avenir. Elle a bien vite été rejointe par toutes les composantes socio-culturelles de la population, et les femmes ne sont pas en reste. En tant qu’Église, si nous avons à cœur de nous inscrire dans la vie citoyenne de l’Algérie, dès lors qu’il s’agit des choix politiques pour l’avenir du pays, nous nous retirons avec discrétion comme on respecte un espace sacré. A défaut de marcher chaque vendredi, de vendredire selon l’expression forgée avec humour pour la circonstance, nous prions pour l’Algérie, ses habitants et ses dirigeants, nous témoignons de ce que nous voyons de beau et de bon, et nous espérons. Quelle que sera la traduction politique de ce mouvement, nous sommes témoins de cette aspira- tion profonde à la liberté, à la responsabilité, à la créativité qui le porte, et cela nous ne pouvons pas le taire. Chaque 1er mai est l’occasion d’une marche populaire qui passe par le sanctuaire de Notre Dame de Santa Cruz. Cette jeunesse radieuse dans la chapelle et sur l’esplanade du Vivre En- semble en Paix était à elle seule un printemps annonciateur de ce que l’Algérie porte de plus beau et d’unique (cf photo de cet éditorial). Un autre printemps était annoncé par la lumière d’Oran le 8 décembre dernier lors de la béa- tification des dix-neuf bienheureux d’Algérie. Il s’est confirmé par la visite du pape François à Abu Dhabi, puis par la déclaration commune sur la fraternité humaine signée par le Saint Père et le Grand Imam de l’Université Al-Azhar, et enfin par la visite du Pape François à Rabat les 30 et 31 mars dernier. Quatre événements très différents mais qui, tous les quatre, dessinent la possibilité d’un chemin renouvelé entre chrétiens et musulmans. Ce chemin est énoncé dans la première phrase de la déclaration commune : La foi amène le croyant à voir dans l’autre un frère à soutenir et à aimer. L’essentiel est dit en une phrase. Ces quatre événements ont ceci de commun, qu’ils n’ont été rendus possibles que par une collaboration étroite avec les plus hautes autorités poli- tiques et religieuses de chacun des pays concernés et par un accueil bienveillant de leurs habi- tants. C’est la qualité de cet accueil, la vérité des paroles échangées et des gestes posés qui font que ces événements ont valeur d’avènements. Bien sûr, nul ne sait de quoi ces printemps seront porteurs et il est tellement facile de leur opposer par exemple la folie meurtrière au Sri Lanka le jour de Pâques. Il est possible tout sim- plement aussi de passer à côté sans même en sentir le parfum « parce que de toutes les façons rien ne changera jamais ». Alors oui, rien ne changera car le printemps, aussi prometteur soit-il, à besoin que les arbres laissent monter en eux la sève et croient en des fruits qui ne se donnent pas encore à voir. Mais les actes de violence au Sri Lanka et partout ailleurs ne viendront jamais à bout du printemps aussi longtemps qu’un seul arbre laissera monter en lui sa sève. Ma prière en ce temps de Résurrection, c’est que cet arbre ce soit moi, ce soit vous, ce soit chacun de nous, quelles que soient nos religions, nos appartenances et nos histoires. + fr. Jean-Paul Vesco 2
VISITE DU PAPE AU MAROC Les 30 et 31 mars 2019 furent des et femmes, enfants et personnes âgées ha- jours inoubliables dans l’histoire du peuple billés en marocain, et d’une gentillesse admi- marocain et particulièrement pour la com- rable ; d’après les témoignages des uns et munauté chrétienne au Maroc. Le Pape des autres, on se sentait aimé, accueilli et François, serviteur de l’Esperance a rendu respecté en tant qu’étranger , je dirai que visite à ses frères et sœurs chrétiens dans le c’était vraiment le festin de noce. La sécurité royaume du Maroc, suite à une invitation de était bien assurée, les forces de l’ordre va- sa Majesté Mohammed VI. Cette rencontre laient même le tiers de la foule. avait aussi pour but de promouvoir le dia- Et le 2e événement a eu lieu au logue interreligieux. Un événement que nous complexe sportif Moulay Abdallah où sa avions tant attendu et qui a été vécu avec Sainteté a présidé l’eucharistie en espagnol. enthousiasme, émotion, dans le respect, la fraternité et avec une joie inexprimable. Je retiens deux événements qui ont rassemblé chrétiens et marocains : Le 1er à l’esplanade de la Tour Has- san où sa Sainteté François et sa Majesté Mohammed VI ont prononcé des discours formidables sous une pluie battante. Dans son discours, le Pape a souligné le respect de nos différences, de reconnaitre l’éminente dignité de tout être humain ainsi que ses droits inaliénables, il disait aussi qu’il nous Dans son homélie il nous a invités à être des faut toujours passer de la simple tolérance constructeurs de ponts et à être des ponts au respect et à l’estime d’autrui, il apprécie entres les hommes. La chorale à 500 voix et considère comme signe prophétique la nous a fait vibrer d’allégresse avant même création de l’Institut œcuménique de Al- l’arrivée du pape pour la messe ; des danses, Mowafaqa à Rabat créé en 2012 et enfin il se des acclamations, des cris de joie faisaient dit très heureux de l’accueil qui lui a été fait vibrer l’espace plein à craquer. Tous enthou- par le Roi et son peuple. Puis sa Majesté siasmés et dans une communion particulière Mohammed VI affirme ceci : Le dialogue laissaient rayonner la joie sur le visage. tourné vers la “tolérance” aura fait long feu, C’était remarquable le nombre de partici- sans pour autant atteindre sa finalité. Les pants : une trentaine d’évêques venus du trois religions abrahamiques n’existent pas Maghreb, d’ailleurs et de Rome, prêtres, pour se tolérer, par résignation fataliste ou religieuses et consacrés, des Marocains et acceptante altière. Elles existent pour des laïcs un nombre incalculable ; c’était s’ouvrir l’une à l’autre et pour se connaitre, vraiment l’eucharistie dans l’eucharistie. La dans un concours vaillant à se faire du bien messe a été diffusée en direct sur les chaines l’une l’autre. marocaines. Les prisonniers à qui je rends Ce qui m’a particulièrement tou- visite une fois par semaine, témoignent : chée, c’était de voir les bus pleins de gens en « Nous étions tellement heureux de pouvoir provenance des quatre horizons du Maroc et suivre la messe en direct !» d’Espagne pour participer à l’événement, D’autres événements ont eu lieu plus impressionnant encore le samedi 30 bien sûr, qui n’ont pas été ouverts à tout le mars depuis midi pendant que dans les rues public, entre autres : la rencontre interreli- flottaient les drapeaux du Vatican et du Ma- gieuse à l’Institut Mohammed VI pour les roc, tous dans la ville de Rabat se dirigeaient imams, les prédicateurs et prédicatrices ; vers l’esplanade de la Tour Hassan, hommes celle avec les évêques et les étudiants de 3
l’institut Al-Mowafaqa ; celle avec nos frères avec l’Église au Maroc ; cela a été une et sœurs migrants à Caritas ; la visite d’un chance pour moi de serrer la main du Servi- centre rural des services sociaux tenu par teur et Envoyé de Dieu en la personne de des sœurs espagnoles, les Filles de la Charité François, venu nous délivrer un message de de St Vincent de Paul et évidemment la ren- paix, d’espérance, d’amour dans une simpli- contre avec les prêtres, les religieux(ses), les cité totale. Des paroles stimulantes à redou- consacrés, les membres du Conseil Œcumé- bler d’effort dans ce que nous faisons déjà nique des églises dans la cathédrale St Pierre dans le quotidien ou à chercher des nou- de Rabat. (voir plus haut) velles voies pour avancer au large sans peur Je suis très heureuse de pouvoir mais avec confiance car le Seigneur lui- vivre ces moments de joie de communion même est à l’œuvre. Sr Colette FCIM à Rabat (Maroc) RENCONTRE AVEC LES PRÊTRES, LES RELIGIEUX, LES CONSACRÉS ET LES MEMBRES DU CONSEIL ŒCUMÉNIQUE DES ÉGLISES DISCOURS DU SAINT-PÈRE DANS LA CATHÉDRALE DE RABAT (extraits) Chers frères et sœurs, … Jésus et avec les autres. Ainsi le problème Les chrétiens sont un petit nombre n’est donc pas d’être peu nombreux mais dans ce pays. Mais cette réalité n’est pas, à d’être insignifiants, de devenir un sel qui n’a mes yeux, un problème, même si elle peut plus la saveur de l’Évangile – c’est ça le pro- parfois s’avérer difficile à vivre pour certains. blème ! –, ou une lumière qui n’éclaire plus Votre situation me rappelle la question de rien (cf. Mt 5,13-15). Jésus : «À quoi le règne de Dieu est-il compa- Je pense que la préoccupation surgit rable, à quoi vais-je le comparer ? […] Il est quand nous chrétiens, nous sommes harce- comparable au levain qu’une femme a pris et lés par la pensée de pouvoir être signifiants enfoui dans trois mesures de farine, jusqu’à seulement si nous sommes une masse et si ce que toute la pâte ait levé.» (Lc 13, 18.21). nous occupons tous les espaces. Vous savez … bien que la vie se joue avec la capacité que Cela signifie, chers amis, que notre nous avons de «lever» là où nous nous trou- mission de baptisés, de prêtres, de consa- vons et avec qui nous nous trouvons. Même crés, n’est pas déterminée particulièrement si apparemment cela ne peut pas apporter par le nombre ou par l’espace que nous oc- d’avantages tangibles ou immédiats (cf. Ex- cupons, mais par la capacité que l’on a de hort. apost. Evangelii gaudium, n. 210). produire et de susciter changement, éton- Parce qu’être chrétien, ce n’est pas adhérer nement et compassion ; par la manière dont à une doctrine, ni à un lieu de culte, ni à un nous vivons comme disciples de Jésus, au groupe ethnique. Être chrétien, c’est une milieu de celles et ceux dont nous parta- rencontre, une rencontre avec Jésus-Christ. geons le quotidien, les joies, les peines, les Nous sommes chrétiens parce que nous souffrances et les espoirs (cf. Conc. Oecum. avons été aimés et rencontrés et non pas Vat. II, Gaudium et spes, n. 1). Autrement dit, parce que nous sommes des fruits du prosé- les chemins de la mission ne passent pas par lytisme. Être chrétien, c’est se savoir par- le prosélytisme. S’il vous plaît, ils ne passent donnés, se savoir invités à agir de la même pas par le prosélytisme ! Rappelons-nous manière dont Dieu a agi avec nous, puisque Benoît XVI : « L’Église ne s’accroît pas par « à ceci, tous reconnaîtront que vous êtes prosélytisme, mais par attraction, par le té- mes disciples : si vous avez de l’amour les moignage. » Non, ils ne passent pas par le uns pour les autres. » (Jn 13, 35).… prosélytisme qui conduit toujours à une im- En ces terres, le chrétien apprend à passe, mais par notre manière d’être avec être sacrement vivant du dialogue que Dieu 4
veut engager avec chaque homme et chaque C’est donc un dialogue qui devient femme, quelle que soit sa condition de vie. prière et que nous pouvons réaliser concrè- Un dialogue que, par conséquent, nous tement tous les jours au nom «de la “frater- sommes invités à réaliser à la manière de nité humaine” qui embrasse tous les Jésus, doux et humble de cœur (cf. Mt 11, hommes, les unit et les rend égaux. Au nom 29), avec un amour fervent et désintéressé, de cette fraternité déchirée par les politiques sans calculs et sans limites, dans le respect d’intégrisme et de division, par les systèmes de la liberté des personnes. Dans cet esprit, de profit effréné et par les tendances idéolo- nous trouvons des frères aînés qui nous giques haineuses, qui manipulent les actions montrent le chemin, parce que, par leur vie, et les destins des hommes» (Document sur ils ont témoigné que cela est possible, une la fraternité humaine, Abu Dhabi, 4 février «mesure haute» qui nous défie et nous sti- 2019). Une prière qui ne fait pas de distinc- mule. Comment ne pas évoquer la figure de tion, ne sépare pas et ne marginalise pas, saint François d’Assise qui, en pleine croi- mais qui se fait l’écho de la vie du prochain ; sade, est allé rencontrer le Sultan al-Malik al- prière d’intercession qui est capable de dire Kamil ? Et comment ne pas mentionner le au Père : «Que ton Règne vienne». Non pas Bienheureux Charles de Foucault qui, pro- par la violence, non pas par la haine, ni par la fondément marqué par la vie humble et ca- suprématie ethnique, religieuse, écono- chée de Jésus à Nazareth, qu’il adorait en mique, etc., mais par la force de la compas- silence, a voulu être un «frère universel» ? sion répandue sur la Croix pour tous les Ou encore ces frères et sœurs chrétiens qui hommes. C’est l’expérience vécue par la ma- ont choisi d’être solidaires avec un peuple jorité d’entre vous. … jusqu’au don de leurs propres vies ? Ainsi, Que le Seigneur bénisse chacun de quand l’Église, fidèle à la mission reçue du vous, et à travers vous les membres de Seigneur, entre en dialogue avec le monde et toutes vos communautés. Que son Esprit se fait conversation, elle participe à vous aide à porter des fruits en abondance : l’avènement de la fraternité, qui a sa source des fruits de dialogue, de justice, de paix, de profonde non pas en nous, mais dans la Pa- vérité et d’amour pour qu’ici, sur cette terre ternité de Dieu. aimée de Dieu, grandisse la fraternité hu- Ce dialogue de salut, comme consa- maine. Et, s’il vous plaît, n’oubliez pas de crés, nous sommes invités à le vivre avant prier pour moi. Merci. tout comme une intercession pour le peuple qui nous a été confié. … 5
HOMÉLIE POUR LES FUNÉRAILLES DE MGR GABRIEL PIROIRD EN LA CHAPELLE DU PRADO, LYON (mercredi 10 avril 2019) Quelle émotion pour moi que les dernières pouvant cacher les premières prononcer l'homélie des funérailles de Mgr mais ne les supprimant pas. Comment Gabriel Piroird en votre présence à tous, et chacun se définit-il au plus profond de lui- tout particulièrement en même ? Comment Gaby se présence de Mgr Henri Teissier, définissait-il archevêque émérite d'Alger, de intérieurement ? Comment Mgr Jean-Paul Vesco, évêque hiérarchisait-il ses diverses d'Oran, du père Jean-Marie Jehl, appartenances ? Difficile de administrateur du diocèse de le dire : cela est son secret Constantine, et de plusieurs et mérite de le rester. frères prêtres de celui qu'au Dans l'article paru Prado, avec sa famille, nous en ligne dans une des appelions tous Gaby. Merci à la éditions de La Croix du famille de Gaby, tout lundi 8 avril, la journaliste particulièrement à sa sœur Monique et à son Anne-Bénédicte Hoffner a mis en sous-titre à frère Humbert, de m'avoir fait cette l'annonce du décès de Gaby : « Disciple du confiance ; merci, pareillement, au père Père Chevrier ». C'est très certainement ce Michel Delannoy et à mes frères qui définissait le mieux Gaby, et quelle responsables de l'Institut des prêtres du heureuse circonstance que, en cet instant Prado. Je suis aussi profondément touché – même, son corps soit déposé sur la tombe et je ne suis pas le seul, – que le Consul même du fondateur du Prado dont il avait Général d'Algérie à Lyon, Monsieur choisi d'être l'émule. Car Gaby fut un prêtre Abdelkrim Serrai, ait tenu à envoyer à cette du Prado de la tête aux pieds, presque célébration, à défaut de pouvoir se libérer jusque à l'extrême si on prend en compte la lui-même, un de ses plus proches grande austérité dont il faisait montre le plus collaborateurs, Monsieur Amor Sidhoum, fréquemment. Il fut un prêtre d'une humilité comme je suis ému de la présence à nos absolue, passionné de l'Évangile et assidu à côtés du recteur de la Grande mosquée de son étude et à sa méditation quotidiennes, Lyon, Si Kamel Kabtane. détaché de tous les biens de la terre, et Ainsi, grâce à vous tous, nous n'ayant d'autre ambition que laisser pouvons vivre un moment fort qui témoigne transparaître le plus possible, dans tous les pleinement de ce que fut l'existence de Gaby moments de sa vie, l'amour et la bonté du et qui contribue à mettre en lumière tout ce Christ. Dans le recueil de textes qu'il a qui l'a animé. Et nous vivons ce temps de accepté de publier en 2009 aux Éditions prière et d'action de grâce en totale Parole et Silence et magnifiquement intitulé communion avec tous les amis de Gaby en « Servir l'œuvre de Dieu en Algérie », le Algérie, musulmans et chrétiens, qui sont de dernier des cinq chapitres est justement tout cœur avec nous en ce moment, et dont consacré à « l'étude de l'Évangile selon le plusieurs vivront ce mercredi soir à Père Chevrier ». Et Gaby y relève ce qu'il Constantine un temps de mémoires appliquait de toute évidence à lui-même : partagées à son sujet. « (le Père Chevrier) cherchait chaque jour, Tout être humain porte en lui c'est-à-dire « aujourd'hui » à bien plusieurs dimensions, des appartenances correspondre à la grâce qui lui avait été plurielles pour ne pas dire des identités faite ». plurielles. Tout être humain est fait de Gaby était Lyonnais... comme le différentes strates d'existence qui viennent Père Chevrier, très attaché à notre ville. Il y a s'ajouter les unes aux autres avec le temps, commencé ses jours et il les aura finis ici, 6
« malgré » une vie passée essentiellement en son attachement absolu à ce peuple et à ce Algérie, puisqu'il a vécu dans ce pays... un pays. J'ai relu ces jours, toujours dans le demi-siècle ! C'était à la fois un Lyonnais et recueil « Servir l'œuvre de Dieu en Algérie », un Algérien de cœur. C'est d'ailleurs à Lyon, le très beau texte intitulé « Notre Dame de après l'Indépendance, qu'il se lia d'amitié l'Attente » qu'il a signé le 15 août 1996. avec des immigrés algériens de notre cité, et C'était peu de temps après le décès du comme avant lui un Frantz Fanon dont on cardinal Duval et la découverte des corps des oublie trop souvent qu'il se passionna à Lyon sept moines martyrs de Tibhirine qui survint pour le peuple algérien, il résolut d'aller se juste au même moment, et après l'assassinat mettre au service de l'Algérie et de sa petite de Mgr Pierre Claverie, évêque d'Oran, et de Église, l'Église dirigée par l'inoubliable son ami le jeune Mohamed Bouchikhi. Dans cardinal Léon-Etienne Duval. Gaby avait fait la suite du cardinal Duval, il expose combien des études d'ingénieur avant de s'orienter l'Église d'Algérie, dans cette « décennie noire vers la prêtrise, et c'est tout naturellement 1990 », aux côtés de tout le peuple algérien, qu'il occupa jusqu'en 1983 des a été plongée dans son « Vendredi saint », le responsabilités d'ingénieur à la direction de jour de la Passion de Jésus, et que la voilà à l'hydraulique de la wilaya (préfecture) de présent entrée dans le temps du « Samedi Bedjaia, modeste mais sérieux coopérateur saint », un jour dont on parle peu dans les de la construction de l'Algérie nouvelle. En Évangiles et qui est peu pris en compte dans même temps curé de la petite communauté l'histoire de l'Église, mais qui est le jour où chrétienne catholique restée dans cette ville peut se laisser découvrir la foi sans du bord de la Méditerranée, il se retrouva défaillance de Marie, la mère de Jésus. Gaby alors, par la volonté du pape Jean-Paul II écrivait alors : « Il ne nous appartient pas (c'était en 1983), évêque de Constantine et d'enjamber sur le futur, mais il nous d' Hippone, à la suite de Mgr Jean Scotto, appartient de vivre le présent comme l'ancien curé de Bab el Oued, figure de la l'attente d'un avenir qui nous sera donné. » lutte de libération de l'Algérie, autrement dit Quand il s'est agi de choisir pour le pasteur d'un des diocèses les plus aujourd'hui un texte d'Évangile qui « colle » prestigieux de l'histoire de l'Église, celui du le mieux à la vie de Gaby, sa sœur Monique à grand, de l'immense penseur berbère Saint laquelle il était tant attaché et qui s'est si Augustin d'Hippone ! J'ai du mal à imaginer admirablement occupée de lui, a proposé comment Gaby assumait au plus profond de spontanément le texte du « Bon Pasteur », lui-même cet héritage. Être le successeur du du chapitre 10 de l'Évangile de Jean que grand Augustin ! Il en était fier, comme nous avons lu. En même temps, elle a osé l'archevêque de Lyon est fier d'être le une question qui la taraudait manifestement successeur d'un autre grand géant de depuis longtemps : « Pouvons-nous dire que l'histoire des débuts du christianisme, Saint l'ange Gabriel – Jibril en arabe – dont les Irénée. Il n'en tirait, en tout cas, aucun musulmans disent qu'il a transmis le contenu prestige personnel ; probablement se du Coran au prophète Muhammad, est le réjouissait-il tout simplement d'être ainsi le même que celui qu'évoque l'évangéliste Luc successeur – et donc le « porte-mémoire » dans son récit de l'Annonce de la naissance privilégié – d'un grand Algérien de l'histoire, de Jésus à Marie ? » Ne craignez rien : je ne et de pouvoir ainsi rappeler que l'Algérie – vais pas me lancer ici dans un débat en ces temps anciens appelée la Numidie – théologique qui me dépasse largement. Mais avait donné au monde un tel fils. j'ai beaucoup pensé, depuis, à cette sorte de Mais l'algérianité de Gaby – « croisement » entre Évangiles et Coran. Je algérianité profonde quand bien même les ne sais pas, là non plus, comment Gaby la circonstances n'ont pas permis qu'il obtienne vivait. Mais en ce jour j'y vois un magnifique la nationalité algérienne qu'il aurait aimé signe : Gaby portait un prénom cher aux avoir –, c'était d'abord son amour des gens, musulmans comme aux chrétiens, et par 7
toute son existence il a témoigné de la vérité vivants. Sans m'attarder sur les quelques des origines hébraïques de ce prénom dont Algériens du XIXème siècle qui ont été vous savez tous qu'il signifie « Dieu est fort », accueillis ici dans cette chapelle par le Père ce qu'on pourrait finalement décliner par Chevrier lui-même, je me dois de rappeler Allahu akbar, « Dieu est le plus grand ! ». que le Prado est lui-même très lié à l'Algérie, Gaby était un soumis à la parole de Dieu, un depuis la lutte de l'Indépendance où un père soumis à son commandement d'amour pour Louis Magnin (toujours vivant !), un père tous, un soumis aux engagements pradosiens Albert Carteron et un père Joseph Chaize de pauvreté, de chasteté et d'obéissance furent poursuivis par la police et la justice qu'il avait prononcés jeune prêtre sorti du françaises en raison de leur soutien actif, ici à Séminaire Universitaire de Lyon. Lyon, à la lutte du peuple algérien. Plus tard, « Moi je suis le bon pasteur, je dans cette chapelle du Prado, sont venus connais mes brebis et mes brebis me prier au moins deux des martyrs chrétiens connaissent », dit Jésus au verset 14 du d'Algérie béatifiés récemment à Oran : le chapitre 10 de Jean. Gaby n'aurait jamais osé frère trappiste Michel Fleury, un temps prétendre être cela. Mais tous les pradosien, et le jeune père blanc Christian témoignages reçus à son sujet depuis Chessel, et peut-être d'autres encore. Le longtemps et qui sont encore parvenus ces père Gilles Nicolas, qui fut le curé de Médéa jours à Monique et à Humbert, ses sœur et et donc du monastère de Tibhirine durant la frère, comme au Prado, disent tous combien décennie noire, et dont les obsèques ont eu Gaby était attentif aux personnes, lieu le 23 septembre 2011 dans cette même musulmanes comme chrétiennes. Gaby était chapelle sous la présidence du père Gaby une personnalité extrêmement discrète, qui Piroird, était lui-même un pradosien, comme semblait presque s'excuser d'exister et dont plusieurs prêtres et sœurs qui ont vécu la minceur lui aurait presque permis de se longtemps au milieu et au service du peuple cacher entre un mur et un papier de algérien. Notre métropole de Lyon est tapisserie ! Il ne fut pas un prélat également une métropole où les originaires « flamboyant », pas même une personnalité d'Algérie composent une part importante de et cela aurait d'ailleurs contrarié son idéal la population. Tout cela fait que nous ne pradosien. Anecdote significative : on lui vola pouvons pas nous désintéresser du un jour son anneau épiscopal. Il refusa qu'on témoignage de Gaby Piroird. Tout cela fait lui en fît exécuter un autre ! Gaby fut qu'en ce jour, chacune et chacun ici présents simplement un frère en humanité, un priant nous pouvons promettre dans notre cœur de au milieu d'autres priants, un authentique rester fidèles au témoignage de Gaby, de le disciple de Jésus et du père Chevrier, et un poursuivre à notre manière et de laisser pont entre Lyon et l'Algérie. toujours résonner en nous la devise Je terminerai d'ailleurs par cela. épiscopale de Gaby tirée du Livre de L'histoire a voulu que l'Église de Lyon et Michée : « Marche humblement avec ton l'Église d'Algérie soient très liées depuis le Dieu » (Michée 6, 8). XIXème siècle, et Mgr Henri Teissier et Mgr Christian Delorme Jean-Paul Vesco, l'un et l'autre lyonnais prêtre du diocèse de Lyon comme Gaby Piroird, en sont des exemples membre du Prado 8
« NOUS VOUS ENVOYONS NOTRE SALUT DEPUIS LE ROYAUME DE DIEU » représentation de la Vie Divine. Cette icône représente le Royaume de Dieu. En haut au centre, nous avons l’icône de la Sainte Trinité d’André Rublev (15e siècle). De chaque côté, les mots écrits en lettres sacrées : « Icône très semblable (sous-entendu : au Christ) des martyrs d’Algérie » Au centre, Mgr Pierre Claverie tient l’Évangile de la main gauche et, de la main Tel est le salut que, le dimanche de droite, il bénit tous ceux qui contemplent Pâques, nous ont adressé les 19 Bienheureux l’icône. La couleur rouge de son vêtement à partir de la précieuse icône qui a été sacerdotal représente la Victoire et la Résur- « écrite » à Moscou. rection. Les croix et les feuilles de palmiers Le jour de l’annonce de la béatification dans les mains des Bienheureux sont le signe de Mgr Pierre Claverie et de ses 18 com- du martyre. pagnes et compagnons, l’idée de la création L’icône fut bénie le 27 janvier dans une d’une icône est née. Avec la bénédiction de église de Moscou devant l’autel de Mgr Jean Paul Vesco et du prêtre orthodoxe l’Annonciation de la Vierge Marie par le père père Jean (prêtre-moine Giovanni Guaita) et Jean en présence de quelques fidèles de après consultation d’une iconographe con- cette église. nue Irina Yazikova, une esquisse de l’icône a A l’initiative d’Olga et du père Jean, été élaborée. Puis l’icône a été écrite par un une rencontre a été organisée le 3 mars pour peintre d’icônes, Elena Voltchkova, dans la présenter la béatification des Martyrs tradition de l’école russe orthodoxe, issue de d’Algérie du 8 décembre 2018 avec père la tradition byzantine. Elena se distingue par Jean, les Petites Sœurs de Jésus et des fi- son sens de la profondeur du symbolisme et dèles orthodoxes et catholiques. Plusieurs elle impressionne par la tendresse, la fraî- exemplaires du Lien du diocèse d’Oran cheur et le souci des petits détails dans la étaient présentés, ainsi que de la documen- 9
tation sur Mgr Pierre Claverie, les sept exposés ont été faits sur l’histoire de l’Église moines trappistes et le Frère Charles de Fou- d’Algérie, sur les musulmans d’Algérie et cauld. spécialement le Cheikh Bentounès et la con- Les Petites Sœurs de Jésus ont exposé frérie alawiya. Puis l’icône a été commentée l’icône du Bienheureux Frère Charles de Fou- par Olga en présence du peintre Elena. Et cauld, écrite par la Pte Sr Thérésa Anastasia, finalement, les Petites Sœurs de Jésus ont à côté de l’icône des Bienheureux Martyrs offert plusieurs livres en langue russe sur d’Algérie. Petite Sœur Madeleine et Frère Charles. Notre ren- Très intéressés, les participants nous contre a com- ont quittés satisfaits de la présentation, nous mencé par une ont beaucoup remercié et enfin nous ont prière dirigée par demandé de continuer ce témoignage de la le père Jean. En- vie en paix entre chrétiens et musulmans. suite nous avons Une nouvelle rencontre sera organisée le 23 projeté un court mai au Centre Culturel « Pokrovka ». Ce métrage sur centre est un lieu où travaillent en harmonie l’Algérie, le film des catholiques et des orthodoxes à Moscou. « Mgr Pierre Cla- Maintenant nous avons la possibilité verie l’ami des de nous confier à l’intercession des Bienheu- algériens » en reux Pierre Claverie et de ses 18 compagnes langue russe, et compagnons devant Dieu. deux documentaires (en français et en russe) Dans l’Amour de Dieu. sur la cérémonie de la béatification. Puis des Olga et Djemil 10
RAMEAUX 2019 (Homélie de Marc Lulle, Oran) Temps de carême vécu avec notre mis- Père. Avant même que Judas ne le livre, Jé- sel numérique de paroisse, avec le commen- sus a donné son corps et son sang pour nous. taire des Béatitudes du pape François. Tenta- Une troisième histoire dans ce récit, la tion au désert – « temps d’attention » à la nôtre. Nous sommes témoins, appelés dans planète à Béni Abbès avec les étudiants en la liberté de notre conscience à mettre notre pèlerinage et chez les Petits Frères de Jésus. foi en ce Jésus homme libre donné par Le désert nous dit les limites sensibles de la amour pour le salut du monde. Quelle pa- création avec laquelle nous sommes invités à role, quel silence, quelle posture du Christ être en relation continuelle pour en prendre me touchent, m’interpellent, me retour- soin, la préserver, la partager. Tentation à nent ?... Oran – temps d’attention au peuple algérien Trois paroles de Jésus … en marche chaque vendredi pour la liberté, « Pardonne-leur, ils ne savent pas ce la justice, la dignité. Tentation en Église – qu’ils font. » Jésus demande pardon pour temps d’attention aux scandaleuses révéla- ceux qui le mettent à mort. Son Amour est tions d’abus de conscience, de pouvoir, de plus fort que toutes les haines, les abus, les sexe sur des personnes fragiles, des enfants, péchés du monde…. des religieux. Se reconnaître vulnérable, « Aujourd’hui tu seras avec moi dans le compter sur les autres pour changer et aller paradis. » Quels que soient notre passé, plus loin dans la foi en Dieu – Père miséri- notre situation de vie, nos péchés, nous pou- cordieux. vons nous tourner vers le Christ avec con- Nous sommes la foule qui acclame Jé- fiance, il nous prendra avec Lui. sus à son entrée à Jérusalem et la foule qui « Entre tes mains je remets mon es- demande sa mort. Nous vivons de près et de prit. » Cette parole nous invite à nous mettre loin le récit de sa passion. nous-mêmes devant notre mort comme Trois histoires dans ce récit. L’histoire nous le faisons lorsque nous prions les com- d’un homme nommé Jésus livré par tout le plies avant le sommeil de la nuit. Au soir de monde. Judas le livre au sanhédrin, le sanhé- notre existence, aurons-nous dépassé nos drin le livre aux romains, Pilate le livre à Hé- peurs, accepterons-nous de partir sans rete- rode, Hérode le redonne à Pilate, Pilate le nue, libre, aimant et aimé ?... livre à la foule, la foule le livre à la mort… Alors nous allons repartir avec nos ra- Une deuxième histoire dans ce récit, meaux d’olivier… Qu’allons-nous en faire ? celle d’un homme nommé Jésus qui « se L’accrocher sur le mur de notre maison ? Au- livre » lui-même. « Ma vie dit Jésus, nul ne dessus d’une croix ? Signe de vie, de fécondi- me la prend, c’est moi qui la donne » (Jean té… Évocation du bois de la croix sur laquelle 10, 18). On entend en écho les bienheureux Jésus sera élevé… Signe d’espérance, de con- martyrs d’Algérie dire : « Nos vies sont déjà fiance, à partager avec nos voisins, avec données. » Alors que son procès semble le celles et ceux que nous rencontrons au quo- manipuler d’un pouvoir à l’autre, Jésus est tidien… En entrant dans cette semaine conduit en homme libre par son consente- sainte au plus près de notre Seigneur Jésus- ment et sa fidélité à la volonté d’amour du Christ... jusqu’au matin de Pâques où TOUT COMMENCE ! 11
CONFÉRENCE DES SUPÉRIEUR(E)S MAJEUR(E)S ET DÉLÉGUÉ(E)S D’ALGÉRIE (COSMADA) février 2019 Un rendez-vous annuel pour un temps sein de la vie des diocèses avec les composantes fort d’écoute et de partage entre supérieurs algériennes de la communauté. Nous n’oublions majeurs religieux vivants en Algérie (ou supé- pas non plus les comportements parfois racistes rieurs venant de l’étranger avec leur délégués dans la société algérienne dont sont victimes locaux) avec nos évêques et le nonce aposto- certaines personnes d’entre nous en raison de lique. Temps de partage sincère et fraternel sur l’origine ou de la couleur (comme d’autre étu- la vie des consacrés en Algérie et sur ce que re- diants ou migrants). Cela n’est pas agréable ! présente cette C’est aussi un appel, mission en Algérie pour nous dans l’Église pour chaque insti- et par l’Église, à faire tut : une nouveau- progresser une vraie té, un maintien fraternité entre nous fidèle… Partage et autour de nous. des défis et des De manière projets. Qui générale, nous savons sommes-nous bien que le temps aujourd’hui, vers n’est plus où chaque où voulons-nous institut se suffisait à aller et avec qui et lui-même pour sa for- avec quels mation et ses œuvres. moyens ? C’est une évidence. Nous vivons depuis déjà pas Mais cette réunion est aussi l’occasion mal d’années la collaboration entre instituts. de prendre le temps de nous mettre davantage à Cela est poussé aussi par notre petit nombre ; l’écoute de ce que vit notre pays : accueil de alors là, la collaboration est nécessaire ; mais elle témoignages de deux Algériennes de générations est appelée aussi à ne pas être uniquement vue différentes sur leur manière de voir leur pays et comme un moyen de survie mais aussi comme d’y vivre. une source d’enrichissement, des occasions de Cette année la question de mise en commun, de complémentarité pour l’intergénérationnel et de l’interculturel dans nos mieux répondre à la mission de l’Église. Et cette communautés était au cœur de notre réflexion. évolution demande parfois à être évoquée et Sur ce sujet : accueil d’expériences (pour rester organisée. La COSMADA est aussi donc là pour les pieds sur terre) et réflexions (pour aller plus accompagner ces réalités, pour partager sur les loin). On a souligné à ce propos quelques diverses initiatives qui existent déjà et sur moyens que nous pouvons (continuer à) mettre d’autres à mettre en route, poussées parfois par en œuvre pour favoriser le vivre ensemble : da- vantage de temps pour s’écouter et s’accueillir en profondeur, valoriser l’expérience des anciens et laisser la possibilité de créativité aux nouvelles générations : cela non dans l’opposition mais dans la complémentarité, dans la confiance ; savoir aussi choisir de faire des choses ensemble. Des transitions, des passages, des changements se vivent déjà… c’est un chemin… Ces dimen- sions interculturelles et intergénérationnelles sont des défis, pas toujours faciles à vivre au des réalités de nos communautés et de notre quotidien, mais ce sont aussi des atouts pour le pays qui sont comme des appels pour lesquels maintien de l’Église en Algérie et aussi pour la on ne peut pas répondre tout seul. mise en œuvre et la visibilité de l’universalité de C’est un peu ce que nous vivons aussi l’Église en Algérie. quand nous favorisons et encourageons la colla- Nous n’avons pas oublié la dimension in- boration entre instituts (et entre ses membres), terculturelle et intergénérationnelle à vivre au par exemple pour des temps de formations 12
(arabe, juniores, etc…) mais aussi pour renforcer et Maroc), et en lien avec l’organisation africaine des présences (comme à Tamanrasset), ou rece- de la vie consacrée, est aussi un chemin que voir des conseils en vue de tâches pastorales un nous essayons d’emprunter, car là aussi, cela peu spécialisées. peut être source d’enrichissement. La collaboration entre les instituts de vie Jean-Marc BERTRAND consacrés présents en Afrique du Nord (Tunisie RENCONTRE DES RELIGIEUX ET RELIGIEUSES À CONSTANTINE Les 8 et 9 février s'est tenue à Constan- Dans le cadre du choc culturel, nous tine la rencontre des religieux et religieuses pré- avons évoqué les problèmes liés au racisme, à la sents en Algérie depuis deux à quatre ans. Qua- crise identitaire et à certains clichés et compor- torze religieux et reli- tements choquants gieuses de huit congré- de la part des Algé- gations étaient pré- riens : comporte- sents à ce rendez-vous. ments qui nous cho- Cette rencontre organi- quent mais qui nous sée par la COSMADA, interpellent à la fois. autour du thème lié au À l'issue de ce par- choc culturel avait pour tage quelques pers- objectif de permettre pectives se sont dé- un partage d'expé- gagées : mettre l'ac- riences et de resserrer cent sur la connais- les liens d'amitié et de sance non seulement fraternité entre nous, de la langue mais religieux et religieuses, aussi de la culture du de tous instituts confondus. peuple algérien, ne pas généraliser et considérer La première journée de cette rencontre tous les Algériens « comme » “mauvais”, avoir était consacrée d'une part à l'accueil, aux pré- de la retenue, de la patience en face de certains sentations individuelles et au partage d'expé- comportements provocateurs, se montrer ou- riences vécues dans d'autres missions avant la vert et essayer de parler de notre culture à ceux mission en Algérie et, d'autre part, à une petite qui veulent nous connaître. introduction à la notion du choc culturel. Dans Dans l'après-midi de cette dernière jour- leur exposé, le père Krzysztof Stolarski et la sœur née, nous avons partagé sur le thème de la vie Lalaina, animateurs de cette rencontre, nous ont communautaire : nos joies, nos peines et nos introduits à la notion du choc culturel selon attentes. Nous avons insisté sur la vie de prière l’anthropologue canadien Kalervo Oberg (m. et les repas ensemble, selon les possibilités, 1973), en partant de sa définition, ses phases, l’équilibre entre les tâches ou la présence en ses causes, ses symptômes. Nous avons discuté communauté et nos responsabilités extra- aussi de la manière de vivre et de dépasser cette communautaires, la fidélité au charisme et aux réalité dont chacun fait l’expérience. constitutions de nos instituts, le soutien fraternel La deuxième journée de cette rencontre, et l’encouragement mutuel dans le partage riche en échange, était consacrée à la prise de communautaire. parole sur nos expériences personnelles ici en Nous avons constaté que notre plus Algérie : utilisant la méthode du VOIR-JUGER- grande joie c’est de se sentir en famille dans nos AGIR. Nous avons tour à tour partagé nos im- communautés malgré nos différences. Comme pressions sur l’Algérie, son peuple et sa culture : nos défis intérieurs, nous voyons toujours la un pays beau, un peuple apparemment accueil- communication entre nous, l’ouverture et la lant et une culture qui ne se comprend qu'à confiance réciproque, et pour nos relations exté- force de durer. Nos premiers moments ont été, rieures la connaissance des langues est néces- somme toute, marqués par le stress pour les uns, saire, des cultures, de la mentalité et de la reli- par un accueil chaleureux et émouvant pour les gion locale aussi. autres. Comme points à améliorer dans le cadre 13
de l’interculturalité et de l’intergénérationnel nous voyons le respect de nos sensibilités diffé- rentes, la fraternité véritable avec une correction fraternelle, si nécessaire, une considération des points de vue variables et des opinions diffé- rentes. Notre mission en Algérie gravite autour de l'éducation, la formation féminine, l’aide aux enfants handicapés et aux personnes défavori- sées et l'écoute des personnes en difficulté. Mal- gré certaines difficultés, cette mission est pour nous source de joie et de réconfort car nos centres sont des lieux qui permettent aux Algé- riens de se rencontrer entre eux et de nous ren- satisfait et souhaite poursuivre cette expérience contrer aussi. À travers ces rencontres naissent dans un futur très proche. Nous remercions donc l'amitié, la fraternité et la confiance. Les réac- la COSMADA pour cette initiative ; nous remer- tions des Algériens qui nous fréquentent nous cions également les Sœurs de l'Annonciation de donnent courage de continuer et nous permet- Bobo Dioulasso (SAB) pour l'inoubliable accueil tent de croire à un avenir prometteur pour nos qu'elles nous ont réservé. Nous prions la COS- instituts en Algérie. MADA de continuer à avoir des initiatives qui CONCLUSION. Cette rencontre était riche nous permettront de partager nos expériences en partage : nous avons passé en revue les ques- non seulement entre nous religieux et religieuses tions du choc culturel, de l'interculturalité et de de l'Église d'Algérie mais, inch'Allah, avec des l'intergénérationnel sans oublier les joies et les religieux et des religieuses travaillant dans peines de nos missions. Selon l'évaluation faite à d'autres pays du Maghreb. la fin de cette rencontre, tout le monde se dit p. Bertrand MBELLA ATELIERS D’ARTISANAT – CENTRE PIERRE CLAVERIE Pour la deuxième consécutive, Rania, Hajar, Dounia et Amina fréquen- tent le cours de patchwork, de tricot et de peinture au Centre Pierre Claverie. Elles ont été rejointes cette an- née par Soussan, Houaria et Amel. Ces jeunes, âgées de 17 ans à 25 ans, sont at- teintes de déficience mentale, et pour la première fois dans leur parcours de vie, elles ont pu intégrer un cours d’artisanat, et partager avec d’autres femmes des moments particuliers d’échange autour d’un centre d’intérêt commun. Leurs doigts sont habiles et leur travail, le fruit d’un grand effort de concentration. Fatima et Djamila sont leurs monitrices. Elles veillent sur leurs fragiles élèves avec beaucoup d’affection et s’émerveillent de leurs multiples progrès. Ainsi, Soussan qui était renfermée et inquiète au début, arrive avec une joie non dissimulée au Centre, et s’ouvre progressivement. Ses parents rapportent même qu’elle en vient à invectiver le chauffeur de tram quand celui-ci est ralenti sur la route qui la conduit à St Eugène. Cette expérience d’accueil est vécue avec joie par toutes. On donne, on reçoit et le principal bénéficiaire n’est pas toujours celui que l’on croit… Murielle de FAILLY 14
LES ACTIVITÉS À SIDI BEL ABBÈS La « plate-forme de rencontres » de « La adultes. On partage nos compétences, notre Chapelle » à Sidi Bel Abbès joue encore son rôle souci d’aider les plus faibles. Nous avons des de lieu de d’accueil, de rencontre, de service- réunions mensuelles de travail, mais aussi des temps de partage fraternel autour d’un cous- cous offert par l’une d’entre elles dans un bon climat de convivialité et nous avons fait aussi un pique-nique au bord du barrage de Sarno. Joie et bonne surprise de voir des jeunes (anciens élèves de La Chapelle) venus donner un coup de main dans nos activités récréatives au- près des enfants. Activités que nous proposons à chaque période de vacances au cours de l’année, (octobre, décembre, mars, juin) mais aussi de manière régulière et hebdomadaire maintenant : ping-pong, activités manuelles, dessins, et jeux formation. On récolte ce que d’autres ont semé. sportifs dans notre cour. Nous profitons en effet de cet ancrage histo- Essai d’après-midi cinéma : les films vus rique de l’Église dans la ville de Sidi Bel Abbès jusqu’à présent : « Mascarades » « La montagne pour continuer à être présents et à organiser des de Baya » « Lion » « Good bye Bafana »… Ce activités au service de la population et des rencontres avec les Algériens. Certaines activités sont en baisse (lec- ture de livres), d’autres sont en crois- sance (activés ludiques, manuelles et sportives) : on continue, on adapte, on crée, on propose, … ce n’est pas par- fait… on vit, on essaie, on avance … dans la joie de ce qu’on vit un peu chaque jour. Faire l’expérience du « vivre ensemble » algéro-étrangers et isla- mo-chrétien dans la vie de notre équipe n’est pas encore bien régulier, il n’y a pas la foule … mais on espère … Les ateliers de formation féminine con- tinuent grâce à quatre monitrices algériennes (souvent formées par les sœurs) : couture, tri- cot, macramé, broderie, perlage … Nous rencontrons les monitrices ; mais nous attendons que de nouvelles sœurs vien- nent s’installer à SBA pour donner toute sa di- mension de pastorale auprès des femmes. En projet pour ce printemps : une sortie pour les adultes … et une journée du vivre en- semble islamo-chrétien avant le mois de Rama- d’enseignants : collaboration entre des Algé- dan. riennes et nous trois spiritains dans la tâche Jean-Marc BERTRAND d’enseignants auprès d’enfants, jeunes et 15
Vous pouvez aussi lire